Mais pour des comédiens français, la nature les fait en dormant : elle les forme de la même pâte que les perroquets, qui ne disent que ce qu’on leur apprend par cœur : au lieu qu’un Italien tire tout de son propre fonds, n’emprunte l’esprit de personne pour parler ; semblables à ces rossignols éloquents, qui varient leurs ramages suivant leurs différents caprices. […] Elle ne conserva plus de son origine que quelques bribes de langage dont elle émaillait bizarrement son dialogue, ses types traditionnels qui lui faisaient une économie de costumes, enfin les formes purement extérieures de la commedia dell’arte.
Les habits étaient simples, mais non uniformes : « On pourra indifféremment choisir du noir, du gris, du blanc, du feuille-morte ou autre couleur obscure, pour le choix de laquelle on prendra l’avis de la Supérieure, qui réglera toutes ces choses, ayant égard à l’âge, à la condition des esprits, et à la qualité des personnes. » Et pour la forme tant du linge que des habits, il semblait que, sans être tout à fait des religieuses, les Filles de l’Enfance eussent déjà pour règle le code mignon de Gresset : Il est aussi des modes pour le voile ; Il est un art de donner d’heureux tours À l’étamine, à la plus simple toile. […] L’archevêque de Toulouse (M. de Montpezat), en rendant son ordonnance conformément à l’arrêt du Conseil, aurait voulu adoucir l’exécution dans la forme, surtout en ce qui concernait les demoiselles de qualité, Mlles de Chaulnes, d’Aguesseau et autres ; il leur écrivait ou leur faisait faire des compliments de condoléance sur la nécessité rigoureuse où il était de les frapper ; mais elles eurent la générosité de se refuser à tout adoucissement, et tinrent à honneur d’être traitées comme la dernière de leurs compagnes.
Elle nous décrit en détail la petite aile qu’habitait Voltaire, les tableaux encadrés dans les lambris, les glaces ; des encoignures de laque admirables ; des porcelaines, des marabouts, une pendule soutenue par des marabouts d’une forme singulière, des choses infinies dans ce goût-là, chères, recherchées, et surtout d’une propreté à baiser le parquet ; une cassette ouverte où il y a une vaisselle d’argent ; tout ce que le superflu, chose si nécessaire, a pu inventer : et quel argent ! […] Il faut donner à son âme toutes les formes possibles.
Ceci est vrai non seulement pour la poésie, mais pour la critique et pour toutes les formes de la pensée. […] La singularité me convient, la subtilité ne me déplaît pas ; l’excès est un écueil, un bel écueil… C’est le droit de l’écrivain, qui ne cherche qu’à plaire un instant, de chercher avant tout la forme, le son, le bruit, la couleur, l’ornement, la prodigalité, l’excès.
Tout change, tout meurt ou se renouvelle ; les races les plus antiques et les plus révérées ont leur fin ; les nations elles-mêmes, avant de tomber et de finir, ont leurs manières d’être successives et revêtent des formes diverses de gouvernement dans leurs divers âges ; ce qui était religion et fidélité dans un temps n’est plus que monument et commémoration du passé dans un autre ; mais à travers tout, tant que la dépravation n’est pas venue, il y a quelque chose qui reste : l’humanité et les sentiments naturels qui la distinguent, le respect pour la vertu, pour le malheur, surtout immérité et innocent, la pitié qui elle-même n’est que le nom de la piété envers Dieu en tant qu’elle se retourne vers les infortunes humaines. […] À cet âge, elle n’avait pas encore dans les traits du visage ces formes prononcées et un peu fortes sous lesquelles nous l’avons vue.
Il s’agit de savoir si le philosophe n’est jamais que la mouche du coche, résumant sous une forme vague et abstraite les solides découvertes des savants, ou s’il est, non pas sans doute un révélateur tombé du ciel sans précédents et sans contemporains, mais au moins un précurseur anticipant sur l’avenir, et généralisant d’avance ce que la science positive réalisera et démontrera. […] On répétait sans cesse sous mille formes le célèbre mot de Newton : Hypotheses non fingo , je ne fais point d’hypothèses.
Si j’avais eu à composer un tableau pour une chambre criminelle, espèce d’inquisition d’où le crime intrépide, subtil, hardi s’échappe quelquefois par les formes, qui immolent d’autres fois l’innocence timide, effrayée, alarmée ; au lieu d’inviter des hommes, devenus cruels par habitude, à redoubler de férocité par le spectacle hideux des monstres qu’ils ont à détruire, j’aurais feuilleté l’histoire ; au défaut de l’histoire, j’aurais creusé mon imagination jusqu’à ce que j’en eusse tiré quelques traits capables de les inviter à la commisération, à la méfiance, à faire sentir la faiblesse de l’homme, l’atrocité des peines capitales et le prix de la vie. […] Cela est savant de détails ; contours bien sûrs, dessiné large, à ce que croit l’artiste, c’est plutôt dessiné gros, grosses formes.
Ainsi, dans les révolutions, il y a un certain nombre d’hommes qui forment la multitude, et qui tendent à se débarrasser de toute forme sociale. […] La légitimité est ce lien mystérieux qui forme l’unité morale des nations ; et en ce sens elle est le consentement même des peuples.
III Il y a en tout six nouvelles dans le recueil, et ce qui les relie entre elles et leur donne l’unité d’un livre, c’est précisément cet indélébile paganisme qu’elles expriment à travers les formes d’une société et d’une civilisation chrétiennes. […] La coiffe avait exactement la forme d’une coquille d’œuf que vient de percer le bec d’un oisillon ; elle encadrait le front, elle pressait les joues, elle cachait presque le menton de cette figure amaigrie, — une vraie tête d’oiseau !
Et j’oserai avancer que la perfection de cette forme littéraire exige tant de conditions et de si subtiles, qu’il faut, pour la comprendre et pour la goûter complètement, pour en tirer un autre profit que celui, très banal souvent, d’une anecdote, une intelligence déjà mûre et ornée. […] Le peintre et le romancier verront le même paysage ou le même décor d’appartement ; ils le verront peut-être avec des yeux également fouilleurs, sensibles aux moindres nuances de couleur et aux harmonies des formes ; mais, si leur vision est la même, ils la rendront par des procédés et dans un but bien différents.
On s’étudie à développer une idée, à la présenter successivement sous plusieurs formes, à l’introduire par un côté ou par un autre dans l’esprit le moins attentif et le moins pénétrant. […] On ne sait plus ce qu’est devenue la raison raisonnante ; des formes, des couleurs se tracent sur le champ décoloré où la pensée abstraite ordonnait ses syllogismes ; on aperçoit des gestes, des attitudes, des changements de physionomie ; peu à peu le personnage ressuscite ; il semble qu’on l’ait connu ; on prévoit ce qu’il va faire, on entend d’avance le cri de sa passion blessée ; on ne le juge pas, on l’aime ou le hait, ou plutôt on sent avec lui et comme lui ; on quitte son siècle, on devient son contemporain, on devient lui-même.
Sa longue vie, en ce sens, ne fut qu’une guerre perpétuelle, et ses œuvres sans nombre ne sont, à les bien prendre, que des manifestes plus ou moins intelligibles, des proclamations sous toutes les formes, au profit de la même cause, et, comme on pourrait les appeler, des pamphlets immortels.
Ses paroles, aigres et chagrines, respirent une méprisante ironie : « Je suis las, s’écria-t-il, durant le procès a du roi, je suis las de la portion de tyrannie que je suis contraint d’exercer, et je demande qu’on me fasse perdre les formes et la contenance des tyrans. » Son vœu fut entendu.
Cette polémique, toutefois, si pénible quant à la forme, soulevait une question fondamentale qui nous semble devoir être réservée.
Le premier s’est étudié à donner à la Muse les formes simples et sévères de la muse antique ; le second, qui a souvent adopté le style des pères et des prophètes, ne dédaigne pas de suivre quelquefois la muse rêveuse d’Ossian et les déesses fantastiques de Klopstock et de Schiller.
Les faits de toute nature, qu’il rencontre chemin faisant, n’ont pas pour lui d’intérêt en eux-mêmes, ils ne méritent de l’arrêter que par leurs rapports avec les idées, les sentiments ou les formes qui se manifestent dans les œuvres littéraires de l’époque.
Dans le même Chapitre, parlant des bonnes qualités de Scipion, qui le rendirent suspect aux Romains, il dit, que dans le temps qu'on l'accusoit, il pouvoit répondre & se justifier ; « mais, ajoute-t-il, il y a une innocence héroïque aussi-bien qu'une valeur, si on peut parler de la sotte ; la sienne négligea les formes où sont assujettis les innocens ordinaires ; & au lieu de répondre à ses Accusateurs : Allons , dit-il, rendre graces aux Dieux de mes victoires : & tout le monde le suivit au Capitole ».
La façon d’envisager la vie a revêtu chez notre élite des formes douloureuses qui diffèrent peu du pire pessimisme. « Le meilleur fruit de notre science, dit M.
La satyre prit toutes sortes de formes ; celle de rondeaux, de triolets, de dixains, de lay, de virelay, d’épigrammes.
Cette image du soleil à son midi est pittoresque : Cependant le soleil, couronné de splendeur, Amoindrissant sa forme, augmentoit son ardeur.
Quel Hector paraît au premier moment devant Énée, quel il se montre à la fin : mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jésabel, Pour réparer des ans l’irréparable outrage, suivi tout à coup, non d’une forme entière, mais ………………… De lambeaux affreux Que des chiens dévorants se disputoient entre eux, est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.
L’univers a changé ; arts, sciences, travaux, instruments, guerres, tout est perfectionné, ou du moins tout a pris une forme différente ; la vigueur du corps n’est plus rien, l’intelligence a trouvé l’art de se passer de la force.
Trois principes fondamentaux Maintenant, afin d’éprouver si les propositions que nous avons présentées comme les éléments de la Science nouvelle, peuvent donner forme aux matériaux préparés dans la table chronologique, nous prions le lecteur de réfléchir à tout ce qu’on a jamais écrit sur les principes du savoir divin et humain des Gentils, et d’examiner s’il y trouvera rien qui contredise toutes ces propositions, ou plusieurs d’entre elles, ou même une seule ; chacune étant étroitement liée avec toutes les autres, en ébranler une, c’est les ébranler toutes.
Junon impose à Hercule de grands travaux ; cette phrase traduite de la langue héroïque en langue vulgaire signifie, que la piété accompagnée de la sainteté des mariages, forme les hommes aux grandes vertus.
Principalement, l’influence de la littérature n’agit pas toute seule et ne forme pas toute seule les générations humaines. […] Badinage, autrefois ; et maintenant : « Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse… » sérieuse ! […] Chacune des marches, bordée d’un rondin de bois, est large et forme une petite terrasse. […] Et il disait : la forme de l’engin que l’on appelle bicyclette a plus d’une fois changé, depuis le premier essai que l’on tenta de courir sur deux roues jusqu’au moment où l’on eut trouvé la forme la meilleure ; après cela, qui n’est pas d’hier, la bicyclette a fidèlement gardé sa forme que vous connaissez. Pareillement, concluait-il, un langage pendant longtemps cherche sa forme ; un moment vient qu’il l’a trouvée : laissez-le s’y tenir.
Il rappelle dans la préface générale de la Comédie humaine que le naturaliste aura « pour éternel honneur » d’avoir montré que « l’animal est un principe qui prend sa forme extérieure, ou mieux, les différences de sa forme, dans les milieux où il est appelé à se développer. […] Que de palpitations humaines dont il ne reste d’autre trace qu’une forme imprimée dans un morceau de pierre ! […] Cette probité intellectuelle, Grasset y voyait, avec raison, une des formes de son apologétique. […] Les Turcs se ressaisiront et il ne cache pas d’ailleurs qu’il forme des vœux ardents pour eux. […] Ce tableau n’a pas quitté la Russie, mais il nous est revenu sous la forme d’une copie que le grand-duc Waldimir offrit au duc d’Aumale en 1885.
Un salon garni de meubles en damas rouge, aux bois dorés, aux lourdes formes vénitiennes ; de vieux tableaux de l’école italienne avec de belles parties de chairs jaunes ; au-dessus de la cheminée, une glace sans tain, historiée d’arabesques de couleur et de caractères persans, genre café turc : une somptuosité pauvre et de raccroc faisant comme un intérieur de vieille actrice retirée, qui n’aurait touché que des tableaux à la faillite d’un directeur italien. […] Il a trouvé un dessin carré, un contour fruste qui rend ce corps-paquet, où il n’y a plus rien des rondeurs provocantes de la forme féminine, ce corps que le travail et la misère ont aplati comme avec un rouleau, n’y laissant ni gorge ni hanches, et qui ont fait de cette femme un ouvrier sans sexe, habillé d’un casaquin et d’une jupe, dont les couleurs ne semblent que la déteinte des deux éléments entre lesquels ce corps vit, — en haut bleu comme le ciel, en bas brun comme la terre. […] On nous introduit dans un salon à papier grenat, aux meubles en velours rouge, aux formes Louis XV d’un tapissier du quartier Latin. […] Aujourd’hui Sainte-Beuve me frappe par sa ressemblance avec Hippolyte Passy, même vieille mine futée, même œil, même forme de crâne, et surtout même timbre de voix un peu zézeyante. […] Nous sommes introduits au premier, dans un salon de forme ronde, aux panneaux de soie pourpre, décorés de glaces gravées dans l’élégants cadres.
Conteur, il a trouvé dans la Nouvelle une forme adéquate à son attitude coutumière de rétraction. […] Si le soin trop minutieux du style l’a empêché d’avoir toute l’ampleur dont il était capable, comme l’attestent ses lettres de jeunesse, il a imposé par son exemple un salutaire souci de la forme aux romanciers venus après lui. […] Les formes qui vivaient dans leur pensée ont pris un corps devant leurs yeux. […] Cette forme d’art après avoir été l’expression favorite semble devenir l’expression unique de la pensée pour les écrivains d’aujourd’hui. […] Une loi, aussi mystérieuse qu’universelle, veut que la guerre, cette sanglante épreuve, soit la forme inévitable de cette contrainte.
Entendez par là un poème dont les trois cents vers sont typographiquement disposés de manière à reproduire la forme de la tour. […] L’amphithéâtre a la forme d’un fer à cheval ; les deux extrémités sont reliées par un immense décor, qui s’entr’ouvre pour jeter dans l’arène le flot des cavaliers. […] Le dessous des gradins forme d’interminables galeries tournantes, où il est amusant de se promener, avec le piétinement de la foule sur sa tête. […] Et tous ces corps brefs semblent élégants, sans doute parce que, de ces innombrables formes féminines, qui se meuvent parallèlement et dont les défauts se compensent, l’œil extrait involontairement une forme moyenne, qui a des chances d’être à peu près parfaite. […] Tout à coup une forme humaine surgit de l’herbe où elle était couchée : un pauvre homme couvert d’une peau de bique, le visage couleur de terre.
Ce sont des espèces de chansons épiques, d’une forme accomplie et sévère, consacrées à fixer certains moments de cette grande destinée de Napoléon dont il s’est montré préoccupé jusqu’à la fin, jaloux comme poète de confondre de plus en plus sa popularité dans cette gloire.
Laprade, dont la Revue indépendante a publié plusieurs pièces recueillies dans le volume que nous indiquons, a de l’élévation surtout, de l’harmonie, une langue en général pure, une forme large, brillante et sonore ; sa poésie respire un sentiment vrai et profond de la nature : il y mêle peut-être un peu trop de sacerdotal et d’hiérophante.
Si le même conseil préside aux beaux ouvrages, La forme du talent varie avec les âges, Et c’est un nouvel art que dans le goût présent D’offrir l’éternel fond antique et renaissant.
« La Montagne est inattaquable par le côté droit et le Marais, s’écrie Camille ; elle n’est prenable, comme les Thermopyles, que par les hauteurs. » Effrayé enfin de cette sombre licence dont il a été le promoteur imprudent, il ne se lasse pas de présenter la liberté sous la forme aimable et sage dont il l’a toujours conçue ; il revient à chaque instant à cette idée, on dirait qu’elle l’obsède, et qu’il sent que ce rêve brillant couvrira seul dans l’avenir les taches de sa mémoire.
J’atteste qu’il y a vingt-cinq ans les brimades y étaient inoffensives, qu’elles affectaient une forme uniquement littéraire, encore que d’une littérature peu choisie.
De Pongerville On reconnaîtra que Lemercier possédait une partie des éminentes qualités du grand écrivain, mais qu’il lui manquait le sentiment exquis, le gout qui en dirige l’emploi ; il méconnut trop souvent la précision harmonieuse du langage, la beauté des formes qui donnent la vie et la durée aux créations idéales.
Il sait que l’art, sous toutes ses formes, peut tout espérer des nouvelles générations dont on entend sourdre dans nos ateliers le génie encore en germe.
Au lieu de ce soleil couchant, dont le rayon allongé, tantôt illumine une forêt, tantôt forme une tangente d’or sur l’arc roulant des mers ; au lieu de ces accidents de lumière, qui nous retracent chaque matin le miracle de la création, les anciens ne voyaient partout qu’une uniforme machine d’opéra.
Celle de son prédécesseur est rougeâtre, obscure, foncée, on y discerne ces masses de corpuscules qui voltigent dans les rayons et leur donnent de la forme.
Quelle résolution ne forme-t-on pas de ne point traiter les affaires qui nous tiennent trop au coeur dans ces instans, où il est si facile que l’explication aboutisse à une querelle ?
Les cantiques ou monologues sont les endroits d’une piece dans lesquels un acteur parle étant seul, ou dans lesquels, supposé qu’il y ait un second acteur sur la scéne, le second personnage ne dialogue point avec le premier, et cela de maniere que si ce second personnage dit quelque chose, il ne le dise qu’en forme d’ aparté, c’est-à-dire, sans adresser la parole au premier.
La camaraderie se forme beaucoup autour des croyances.
., posèrent entre eux les bases d’un projet de réunion mensuelle qu’ils rédigèrent le mois suivant en couplets ; c’était l’ère des constitutions nouvelles et des décrets de toutes sortes ; on ne manqua pas ici d’en parodier la formule : En joyeuse société, Quelques amis du Vaudeville, Considérant que la gaieté Sommeille un peu dans cette ville, Sous les auspices de Panard, Vadé, Piron, Collé, Favart, Ont regretté du bon vieux âge Le badinage Qui s’enfuit ; Et, pour en rétablir l’usage, Sont convenus de ce qui suit : et, après la rédaction rimée-de divers articles du règlement, la commission signait en bonne forme : Au nom de l’Assemblée entière, Paraphé, ne varietur. […] Que si, sous sa forme purement folâtre et dans la voix bruyante de l’ivresse, elle est moins faite pour séduire les âmes délicates et tendres, elle prend parfois aussi des accents d’une telle richesse, d’une folie si éclatante et si sincère, qu’elle a force de poésie à son tour, et que, bon gré mal gré, elle entraîne. […] Béranger a de la sensibilité, de la malice, de l’élévation, je ne veux certes pas prétendre qu’il n’ait pas aussi de la gaieté ; mais cette gaieté, il songe vite à s’en servir, à s’en couvrir, à s’en faire un cadre, un véhicule et un auxiliaire pour aller à mieux et viser plus haut, tandis qu’elle était à la fois la forme et le fond, la source et le fleuve même chez Désaugiers.
Dans Valérie, en effet, plus que chez Mme de Staël, l’inspiration germanique, si sentimentale qu’elle soit, se corrige en s’exprimant, et, pour ainsi dire, se termine avec un certain goût toujours, et par une certaine forme discrète et française. […] — Ainsi encore, quand, le jour de la fête de Valérie, le Comte étant près de la gronder, Gustave envoie un jeune enfant lui souhaiter la fête et rappelle ainsi au Comte de ne pas l’affliger ce jour-là, Valérie est touchée, elle embrasse l’enfant et le renvoie à Gustave, qui l’embrasse sur la joue au même endroit, et qui y trouve une larme : « Oui, Valérie, s’écrie-t-il en lui-même, tu ne peux m’envoyer, me donner que des larmes203. » Cette même idée de séparation et de deuil, cet anneau nuptial qu’il sent au doigt de Valérie dès qu’il lui tient la main, reparaît sous une nouvelle forme à chaque scène touchante. […] Après tout, sous une forme particulière, dans son langage biblique vague, mais avec un sentiment vivant et nouveau, Mme de Krüdner n’a fait autre chose qu’entrevoir à sa manière et proclamer de bonne heure, du sein de l’orage politique, cette plaie du néant de la foi, de l’indifférence et de la misère moderne, qu’avec plus ou moins d’autorité, de génie, d’illusion et de hasard, ont sondée, adoucie, aigrie, déplorée et tourmentée tour à tour ceux qui, en des sens divers, tendent au même but de la grande régénération du monde, Saint-Martin, de Maistre, Saint-Simon, Ballanche, Fourier et La Mennais.
Ordre de détruire chaque année le sel naturel qui se forme en certains cantons de la Provence. […] Dans l’Ile-de-France701, sur 240 livres de revenu, elle prend au taillable 21 livres 8 sous, au noble 3 livres, et l’intendant déclare lui-même qu’il ne taxe les nobles qu’au 80me de leur revenu ; celui de l’Orléanais ne les taxe qu’au 100e ; en revanche le taillable est taxé au 11e Si l’on ajoute aux nobles les autres privilégiés, officiers de justice, employés des fermes, villes abonnées, on forme un groupe qui contient presque tous les gens aisés ou riches, et dont le revenu dépasse certainement de beaucoup celui de tous les simples taillables. […] (Remontrances du Parlement de Metz, 1768.) « La classe des indigents forme plus des 12/13 de la totalité des villages de labour et le général de ceux de vignobles. » Ibidem, G, 319.
XII « Il y a un autre parti à prendre par le cabinet de la république : c’est de déclarer la paix à toutes les puissances qui ne se déclareront pas en guerre avec elle ; c’est de respecter les limites, l’existence, la forme, quelle qu’elle soit, de tous les gouvernements adoptés par tous les peuples ; c’est de déclarer la république française compatible avec toutes ces formes de gouvernement, dont elle n’a pas le droit de discuter la convenance avec d’autres idées, d’autres mœurs, d’autres intérêts, d’autres nationalités ; c’est de la déclarer héritière de tous les traités de limites établis, même contre elle, à d’autres époques, et de promettre au monde qu’elle ne revendiquera des rectifications éventuelles à cette géographie des puissances que de concert commun avec tous les autres peuples, lorsque des événements imprévus viendraient à motiver, en congrès général, le remaniement européen, en ajoutant que, ce qu’elle accepte pour la France, elle l’exige naturellement pour les autres, et qu’elle prendra fait et cause, si cela lui convient, pour toute nation qu’une puissance étrangère voudrait contraindre ou opprimer dans son libre développement d’institutions. » Ce fut cette diplomatie, unanimement adoptée par le gouvernement de 1848, qui jeta sur les matières incendiaires de l’Europe la poignée de cendre qui rassura et pacifia la France et l’Europe. […] XIII Il arriva ceci : c’est que tous les cabinets européens sans exception, les plus hostiles à la France, et surtout à la France sous la dénomination de république, eurent la bouche fermée et la main désarmée par cette déclaration d’inviolabilité de tous les territoires, de tous les gouvernements et de tous les traités, même les plus onéreux pour la France ; c’est qu’aucun gouvernement, monarchique, représentatif ou républicain, n’eut le prétexte d’appeler ses peuples aux armes contre une république qui respectait chez les autres les inviolabilités inoffensives qu’elle revendiquait pour elle ; c’est que les peuples, au lieu de s’indigner et de se lever contre une France conquérante ou menaçante de leurs foyers, conçurent une partialité bienveillante pour une France respectueuse envers tous les territoires et envers toutes les formes d’institutions nationales des autres contrées ; c’est que cette loyauté équitable de la France popularisa à l’instant le nom de la nouvelle république dans toute l’Europe, et prédisposa, sans aucune immixtion propagandiste du cabinet républicain, tous les peuples voisins à se donner des institutions représentatives modelées de plus ou moins près sur la France ; c’est que Berlin, Vienne, Turin, Milan, Naples, Rome, Florence, Londres même et Dublin s’émurent d’une sympathie spontanée pour la France ; c’est que, bien loin de pouvoir penser à former des coalitions nationales contre nous, les princes et les gouvernements eurent assez à faire pour se préserver eux-mêmes du contrecoup de notre sagesse ; c’est qu’enfin, après trois mois seulement d’une telle diplomatie pratiquée religieusement dans le cabinet français, la France n’avait qu’à choisir entre tous les systèmes d’alliances qu’il lui conviendrait d’adopter.
« Conservez précieusement, sénateurs, conservez un homme de conseil si expéditif, afin que chaque génération se forme à de tels exemples, et que, comme nos vieillards imitent Crispus, nos jeunes gens apprennent à imiter Régulus. […] Mucien, le lieutenant de Vespasien, harangua les sénateurs d’un ton où l’autorité affectait la forme de la prière. […] Que Néron ensuite ait contemplé sa mère morte, et qu’il ait loué les formes de son corps, il y en a qui l’affirment, il y en a qui le nient.
III Relisons à tête reposée ce merveilleux livre, merveilleux d’utopie comme de saines inspirations ; laissons en pâture aux échenilleurs de mots et de formes les impropriétés de termes, les exagérations de phrases, les mauvais jeux d’esprit, les impuretés de langue, les fautes lourdes et même les saletés de goût, flatterie indigne du génie élevé d’un grand poète, cynisme de la démagogie, cette plèbe du langage, qui l’abaisse pour qu’il soit à son niveau, et qui le souille pour l’approprier à ses vices. […] J’aime Hugo, parce que je l’ai connu et aimé dans l’âge où le cœur se forme et grandit encore dans la poitrine ; dans l’âge où les racines de notre vie, pleines encore de sève et de souplesse, s’attachent par leurs filaments les plus tendres à ce qui pousse, végète ou se rencontre seulement dans le même sol, et où, si ces racines viennent à se tordre, à se replier et à se nouer autour d’un caillou ou d’un bloc de granit, elles l’enserrent dans leurs nœuds, l’emportent en grandissant et le font pour ainsi dire végéter et vivre avec elles de leur propre substance, comme si l’arbre et la pierre n’étaient qu’une seule vie ! […] Je pris la forme qui me parut la plus naturelle et la plus instructive, celle du dialogue entre un vrai misérable de ma connaissance et moi.
Et puis nous avons depuis Rousseau et Chateaubriand des besoins d’imagination et de sensibilité que nos pères ignoraient : moins suspendus que nous aux formes fugitives de l’être, moins frémissants de sympathie avec la vie universelle, méprisant dans la nature la matière, et ne faisant des sens que les instruments de l’utilité pratique et des plaisirs inférieurs, ils ne sentaient pas comme nous la sécheresse des pures conceptions intellectuelles : ils se satisfaisaient de posséder la vérité abstraite sans aspirer à toucher la réalité concrète. Tenus en éveil par l’éloquence des prédications et l’éclat des controverses, ils saisissaient la philosophie substantielle qu’enveloppe la forme théologique : elle contenait de quoi satisfaire aux plus inquiètes curiosités, la raison de l’univers, le sens de la vie, la règle des volontés. […] Évidemment les louanges du roi abondent dans les vers de Despréaux : si elles sont méritées, et si elles sont sincères, il est superflu de le rechercher ; ni s’il n’y a pas là une forme de sentiment trop effacée de nos âmes depuis un siècle pour que nous la puissions comprendre.
Plus sensible au fond qu’à la forme d’un ouvrage, il débusquait tout de suite l’adversaire et fonçait dessus avec une superbe violence. […] La pensée de Nietzsche n’est donc pas originale, et sa forme n’est pas toujours du meilleur goût. […] C’est sans doute pour ces mauvais lecteurs que Nietzsche avait écrit cette page : « Une culture supérieure ne peut vraiment naître que là où la société forme deux classes distinctes : celle des travailleurs et celle des oisifs, capables d’un véritable loisir ; ou, pour mieux dire, la classe du travail forcé et la classe du travail libre.
Peu à peu les nations se rallient à cette forme moderne et populaire de l’époque créée par Richard Wagner. […] Il veut que la musique, la poésie, la mimique et les costumes de l’acteur, les décors, tout, jusqu’aux moindres détails, s’harmonise avec un accord parfait, s’unisse fraternellement et ne forme qu’un. » Rien n’est à reprendre dans ces lignes. […] Le wagnérisme est une forme moderne qui se propage, et doit renouveler l’art français.
Il serait insuffisant de le déclarer souple il est liquide ; et prend la forme de tous les vases. […] Ce raffiné méprise « les formes arrêtées ». […] Ce livre original, vigoureux parfois, ne forme point un ensemble solide.
Cette exposition est imposante, auguste, attendrissante ; elle forme en même temps le nœud de l’action. […] Le grand-prêtre, qui reçoit des mains d’Arsace le coffre qui contient la lettre, le glaive et la couronne de Ninus, forme dès lors le nœud et prépare le dénouement. […] Ce mot veut dire en grec constitution, parce que c’est cette partie qui forme comme le corps de l’action théâtrale, que la protase ne fait que préparer, et la catastrophe démêler.
Si mes opinions se trouvent encore sur ce sujet contraire aux vôtres, c’est que probablement il est dans ma destinée de ne pas voir les objets sous la même forme que vous. […] Ces entrées, dont chaque élève jouirait à son tour sans le distraire de ses travaux, lui donneraient quelques connaissances dans un genre de littérature auquel il ne faut pas être étranger : là il prendrait les formes aimables d’une bonne éducation, qui comprend tout à la fois une politesse aisée, la pureté du langage et l’élégance du débit. […] Si les jeunes pages et les officiers de la maison du roi avaient pris, dans l’habitude de fréquenter le théâtre, des formes aimables et un genre d’esprit qui avait la couleur de la littérature de ce temps, nos jeunes gens, déjà éclairés sur leurs droits par une première éducation, achèveraient, par des représentations de pièces fortes, morales et constitutionnelles, d’acquérir les nobles qualités qui font l’honnête homme, et le grand citoyen.
Il est naturel que cette réciprocité échappe à l’attention quand la théorie de la Relativité se présente sous sa forme mathématique. […] Nous disions : 1° que la théorie de la Relativité est obligée de mettre sur le même plan la « vision réelle » et la « vision virtuelle », la mesure effectivement prise par un physicien existant et celle qui est censée avoir été prise par un physicien simplement imaginé ; 2° que la forme donnée à cette théorie depuis Minkowski a précisément pour effet de dissimuler la différence entre le réel et le virtuel, entre ce qui est perçu ou perceptible et ce qui ne l’est pas. […] Mais, pour plus de précision, nous allons examiner en détail la forme spéciale que présente, dans ce cas, la théorie de la Relativité.
L’auteur dramatique y a risqué, comme le romancier, des nouveautés de forme et de fond. […] Un art ne se forme pas en un jour. […] Sans doute, la forme classique me gêne ; mais la forme romantique me gênerait tout autant. […] Je ne veux pas examiner si cet amour revêtait d’étranges formes d’idolâtrie. […] On s’entendait sur la supériorité de la forme poétique, on en arrivait à préférer M.
L’hymne qu’ils chantent est le fameux trio des masques ; c’est un de ces rares morceaux qui, par la clarté de la forme, par l’élégance et la profondeur des idées, émeuvent la foule et charment les doctes. […] Les réponses de Zerlina, le dialogue de Leporello avec Masetto, dont la jalousie est constamment en éveil, les éclats de la foule, tout cela forme un ensemble que dessinent harmonieusement les aparté des divers personnages. […] Tout cela forme un trio plein de verve, de contraste et de passion. […] Que penseriez-vous de la sculpture qui emprunterait les couleurs de la peinture pour rendre les divines formes de Phidias plus semblables aux figures de cire coloriées devant lesquelles s’extasie l’ignorante multitude de nos places publiques ?
Telle est évidemment, selon nous, la pensée du tableau : c’est un hymne, c’est un Évohé, c’est un cantique peint en formes et en couleurs sur la toile ! […] Il pouvait prendre cette image de l’extase humaine sous mille aspects, sous mille formes, dans mille attitudes et dans mille scènes plus élevées du drame de la vie : les palais, les temples, les bosquets, les bords des fontaines lui offraient ces images de la félicité ou de la volupté, dans les champs de victoire, dans les triomphes des guerriers ou des orateurs sauveurs de la patrie et idoles des peuples, dans les actes de foi et de culte qui unissent les hommes à Dieu par la piété, cette plénitude de l’âme ; par les langueurs de l’amour heureux, dans les jardins d’Armide et d’Alcine, où le Tasse et l’Arioste enlacent leurs héros dans les bras de beautés ivres de regards. […] Sans doute il y a eu et il y a, aujourd’hui surtout, en France, où une génération de grands peintres prépare un second siècle de Léon X, en deçà des Alpes, il y a des peintres qui peignent, comme Géricault, ou dessinent, comme Michel-Ange, avec le crayon fougueux et infaillible qui calque les formes du Créateur, qui sculpte la charpente des os et des muscles du corps humain ; il y en a qui ont ravi à Titien le coloris, à Raphaël la grâce, à Rubens l’éblouissement et l’empâtement profond, délayés dans des rayons par leurs pinceaux ruisselants ; il y en a qui font nager, comme Huet, leurs paysages, sévèrement réfléchis par un œil pensif, dans les lumières sereines de Claude Lorrain ou dans les ombres transparentes de Poussin ; il y en a qui pétrissent, comme Delacroix, en pâtes splendides, les teintes de l’arc-en-ciel sur leurs palettes ; il y en a qui, comme Gudin, font onduler la lumière et étinceler l’écume sur les vagues remuées par le souffle de leurs lèvres ; il y en a, comme Meissonier, qui donnent aux scènes et aux intérieurs de la vie domestique l’intérêt, la réalité, le pittoresque et le classique de la peinture héroïque ; il y en a qui, comme mademoiselle Rosa Bonheur, transportent avec une vigueur masculine, sur la grande toile, les pastorales de Théocrite, les chevaux de charrette ou les taureaux fumants dans le sillon retourné par le soc luisant ; il y en a qui, comme les deux Lehmann, dont le plus jeune, dans sa Graziella écoutant le livre qu’on lui lit à la lueur du crépuscule, sur la terrasse de l’île de Procida, au bord de la mer, semblent avoir retrouvé sur leur palette l’âme mélodieuse de Léopold Robert. […] Car c’est véritablement pour moi celui dont le crayon se rapproche le plus de la plume, le plus pensif et le plus senti, avec Scheffer, de tous ceux qui ont écrit leur âme avec des formes et des couleurs sur une toile.
IV Aucune forme de gouvernement, autant que la république romaine, ne fut propre à former ces hommes complets, tels que nous venons de les définir dans le plus grand orateur de Rome. […] Quand, mieux inspirés, nous voudrons grandir comme elle, nous effacerons ces barrières jalouses et arbitraires que notre civilisation moderne place entre les facultés de la nature et les services qu’un même citoyen peut rendre sous diverses formes à sa patrie. […] Excepté sa voix grave et façonnée par l’exercice, toute son apparence extérieure était celle d’une pure intelligence qui n’aurait emprunté de la matière que la forme strictement nécessaire pour se rendre visible à l’humanité. […] Rome n’était plus qu’une grande anarchie dominatrice du monde au dehors, mais où les citoyens avaient cédé la réalité de la souveraineté aux légions, où la constitution ne conservait plus que ses formes, où les généraux étaient des tribuns, et où les factions étaient des camps.
Il lui apparut sous la forme d’un homme de haute taille, le visage empreint d’une majesté sévère, et lui ordonna de poursuivre l’expédition projetée, sous peine d’être châtié par les dieux. […] Les Athéniens venaient de sacrifier à Borée, un de leurs dieux autochthones, le ravisseur violent d’Orithye, le Génie des souffles qui, sous la forme d’un cheval aérien saillant des cavales, avait engendré les douze poulains merveilleux que l’Iliade nous montre « galopant sur les épis sans courber leurs tiges, et sur les eaux sans mouiller leurs pieds ». […] Il lui fallut appeler à l’aide les Athéniens restés en dehors de l’attaque centrale, aux prises avec les Thébains Médisants. — Athènes contre la Béotie : duel naturel et prédestiné qui s’est poursuivi, sous toutes les formes, à travers les âges. […] La civilisation aurait été jetée dans un autre moule, et aucune des nobles formes que le génie grec lui a imprimées n’aurait pénétré cette épaisse enveloppe.
Il répète et rabâche amoureusement cette phrase : De la forme naît l’idée, une phrase que lui a dite, ce matin, Flaubert, et qu’il regarde comme la formule suprême de l’école, et qu’il veut qu’on grave sur les murs. […] Les anecdotes trop peu connues l’effarouchent, les documents vierges l’effrayent : une histoire, comme nous la comprenons du xviiie siècle, développée à travers une longue série de lettres autographes et de pièces inédites servant à mettre en montre tous les côtés du siècle : une histoire, neuve, originale, sortant de la forme générale des histoires ordinaires, ne nous rapportera pas le vingtième d’une grosse compilation, où nous aurons à patauger des pages entières dans du connu et du ressassé. […] Tenez, voilà X… qui entre, il ne verra pas si cette table est ronde ou carrée… Maintenant, si, avec ce sens artiste, vous travaillez dans une manière artiste, si à l’idée de la forme vous ajoutez la forme de l’idée, oh !
… Il s’est rattrapé en me découvrant une nature de femme très nerveuse, sujette à de fréquentes névralgies, puis le sens de la forme et une assez belle ligne de vie. […] Il sera toujours plus agréable de se figurer le génie sous la forme d’une langue de feu, que sous l’image d’une névrose. […] Ce monde va à un jeune efflanqué, que trois femmes en haillons tiennent et battent avec des gifles qui cassent, sur sa tête, son chapeau de haute forme. […] Alors dans l’obscur brouillard de la brume c’est l’inconnu, le mystérieux, le doute inquiétant des formes qui sombrent dans les ténèbres… Le silence s’amasse.
Fin d’avril À l’heure qu’il est, en littérature, le tout n’est pas de créer des personnages, que le public ne salue pas comme de vieilles connaissances, le tout n’est pas de découvrir une forme originale de style, le tout est d’inventer une lorgnette avec laquelle vous faites voir les êtres et les choses à travers des verres qui n’ont point encore servi, vous montrez des tableaux sous un angle de jour inconnu jusqu’alors, vous créez une optique nouvelle. […] L’abbé de Lansac parlait hier d’un prêtre, d’un chanoine de Notre-Dame, — je crois que c’est l’auteur de L’Homme d’après la Révélation — qui, ennuyé du temps qu’il fallait donner au manger, et un peu dégoûté de la matérialité de la chose, s’était fait fabriquer des sucs de viandes, des essences de légumes, du sublimé d’aliments, dont il se nourrissait, sous la forme immatérielle de quelques gouttes prises dans un flacon. […] Nous avons passé des heures, au milieu de ces formes, de ces couleurs, de ces choses de bronze, de porcelaine, de faïence, de jade, d’ivoire, de bois, de carton, de tout cet art capiteux et hallucinatoire. […] Et dans le fouillis des choses, la presse des objets, la confusion des formes et des couleurs, l’on entrevoit encore des photographies de l’Empereur Napoléon III, dans toutes les phases de sa bonne ou de sa mauvaise fortune ; on entrevoit les éclairs de rubis et d’émeraude de toute une collection d’oiseaux-mouches dans l’ombre d’une armoire ; on entrevoit des aquarelles drolatiques de Giraud représentant des scènes de l’intérieur de la princesse ; on entrevoit d’élégiaques têtes d’études d’Amaury Duval ; on entrevoit de vieilles gravures représentant Napoléon Ier en costume troubadouresque ; on entrevoit des mécaniques en bronze doré pour tenir horizontalement une branche, on entrevoit par l’entrebâillement des panneaux, des tiroirs, des albums, des blocs de papiers à aquarelle, des cornets de cristal hérissés de pinceaux, des tubes, des vessies, une armée de bouteilles d’encres de couleur avec leurs floquets de ruban rouge : tous les ustensiles et tous les outils de la peinture à l’huile, de l’aquarelle, du pastel, du crayonnage, — à l’état de provisions.
… Non, une telle terre n’est pas morte au génie littéraire sous toutes les formes, elle qui fut, comme le dit un de ses fils, la nourrice intellectuelle et artistique de l’Europe, elle qui m’inspirait, quand je foulais son sol sacré, ces vers, hélas ! […] L’Italie, depuis le moyen âge, est plus municipale que nationale ; une confédération municipale est sa forme obligée de constitution. […] Ils étaient accompagnés de chars rustiques de forme étrusque. […] C’était un habit d’été gris bleu, comme on les portait alors, et dont la forme et la couleur me sont restés dans la mémoire, depuis que j’en ai usé tant d’autres, comme un monument de toilette et d’élégance qu’aucun autre n’a jamais égalé à mes yeux.
Sous la forme brusque, rien de plus fin et de plus persuasif : « Sire, je me tiens bien heureux, tant de ce qu’il vous plaît que je vous die mon avis sur cette délibération qui a été tenue en votre conseil, que parce aussi que j’ai à parler devant un roi soldat, et non devant un roi qui n’a jamais été en guerre. » Et il appuie adroitement sur cette fibre chevaleresque de François Ier, de ce roi qui, dans les fortunes de guerre, n’a jamais épargné sa personne non plus que s’il eût été le moindre gentilhomme de son royaume. […] » Non ; la vertu, la vraie valeur consiste à être toujours en rapport avec le danger : elle change de forme, non de nature ; on est calme et immobile sous le feu, soit qu’on l’emploie et qu’on le dirige soi-même avec art, soit qu’on l’essuie sans le pouvoir éviter ; de même qu’on était ardent, l’épée ou la pique au poing.
Charron à sa manière, et sous sa forme grave, servait la même cause, celle de la restauration royale et de l’autorité rétablie. […] Qui prendrait la peine de lire plume en main Montaigne et d’y relever tout ce qui est dit sur les divers sujets et titres qui se rencontrent dans La Sagesse de Charron, trouverait non seulement le fond et la substance de ses pensées, mais encore la forme même et le détail de son expression.
Cette première forme de la renommée de Henri IV a été consacrée par l’histoire qu’écrivit de lui le bon évêque Hardouin de Péréfixe, précepteur de Louis XIV (1661)4. […] Jung est de trop appliquer la méthode de Quintilien à Henri IV, de lui vouloir prendre la mesure comme à un ancien, de trop diviser et subdiviser son esprit, sa manière de penser et de dire, de séparer dans des compartiments divers ce qui n’a jamais fait qu’un, et ce qu’il vaudrait mieux accepter sous sa forme naturelle ; en un mot, de trop vouloir traiter comme un livre ce qui est un homme.
Tel autre ne sera que le philologue, bon à posséder le sanscrit, le chinois, toutes les langues d’Asie, toutes les formes indépendamment des idées, tous les vocabulaires. […] Santeul, en s’occupant à chanter les saints, et à remplacer leurs anciennes louanges réputées grossières par des hymnes plus polies et plus dignes des concerts célestes, n’avait fait que changer la forme de son orgueil poétique et de sa vanité.
La forme de son refus est piquante, toute en raisons et en épigrammes sous air de scrupules : « J’ai une conscience trop timorée, dit-il, pour faire le métier de journaliste. […] Il donne encore d’autres raisons plus justes de son refus, son peu d’habitude du théâtre, son peu de fonds en connaissances classiques : « Enfin, j’ai bien fouillé dans tous les plis de mon cerveau, et il ne me semble point y trouver cette forme légère, ces tournures piquantes, cette facilité de style qui rendent un article agréable aux lecteurs, et permettent à celui qui les possède de parler cent fois de la même chose en paraissanttoujours nouveau.
Mais il faut en prendre son parti : si l’art était la forme la plus haute sous laquelle l’Antiquité aimait à concevoir et à composer l’histoire, la vérité au contraire est la seule loi, décidément, que les modernes aient à suivre et à consulter. […] On sait qu’après l’opération, si bien faite par le chirurgien Félix, et couronnée d’un plein succès, l’infirmité royale était devenue à la mode parmi les courtisans : « Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps, nous dit le chirurgien Dionis, n’ont plus eu honte de la rendre publique ; il y a eu même des courtisans qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que le roi s’informait de toutes les circonstances de cette maladie… J’en ai vu plus de trente qui voulaient qu’on leur fît l’opération, et dont la folie était si grande, qu’ils paraissaient fâchés lorsqu’on les assurait qu’il n’y avait point nécessité de la faire. » La platitude humaine est alerte à prendre toutes les formes et toutes les postures.
L’autre ne veut et n’admet, même en peignant ses monstres, que les plus nobles formes, les plus belles expressions des passions humaines. […] Après le siècle du génie et du goût, on a eu le siècle de l’esprit et de la philosophie ; après le siècle de l’Encyclopédie, aboutissant à la plus terrible des Révolutions qui a remis les fondements de la société à nu, on a le siècle de la critique historique, du passé admirablement compris sous toutes ses formes, de l’art réfléchi et intelligent : voilà les vraies successions, les vraies suites, les grandes routes et les larges voies.
Sieyès, cette tête profonde qui avait conçu avant 89 la reconstitution totale de la société et, qui plus est, de l’entendement humain, cet esprit supérieur a pu tomber dans le découragement et dans l’apathie quand il a vu la refonte sociale dont il avait médité et dessiné le plan échopper à son empreinte ; l’artiste en lui, l’architecte boudait encore plus que le philosophe ; il était injuste envers lui-même et envers son œuvre qui se poursuivait sous les formes les moins prévues, mais qui se poursuivait, c’est l’essentiel : qu’on relise sa célèbre brochure, et qu’on se demande s’il n’a pas gagné la partie et si le Tiers-État n’est pas tout. […] Après cela, il est bien vrai que ce n’est pas sous forme et figure.de moraliste que se produit le plus essentiellement l’étude et la connaissance de l’homme au xviiie siècle, avant et après 89.
Les génies purement d’art et de forme, et de phrases, dénués de ce germe d’invention fertile, et doués d’une action simplement viagère, se trouvent en réalité bien moins grands qu’ils ne paraissent, et, le premier bruit tombé, ils ne revivent pas. […] Gœthe prit sujet de là pour discourir de Paris et des avantages de cette civilisation active et condensée où tout mûrit vite, et où l’on se forme en si peu de temps : « Vous, disait-il à Eckermann, dans votre pays, vous n’avez rien acquis si facilement, et nous aussi, dans notre Allemagne centrale, il a fallu que nous achetions assez cher notre petite sagesse.
Habitué comme je le suis et enclin par nature à étudier surtout les individus, et ainsi fait moi-même que la forme des esprits et le caractère des auteurs me préoccupent encore plus que le but des ouvrages, je l’ai défini et appelé tout d’abord, après avoir lu de lui quelques chapitres : « un Bonald rajeuni, progressif et scientifique. » Mais de telles désignations sommaires ne signifient rien que pour ceux qui savent déjà tout ce qu’on y met. […] » — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ?
L’expansion de 89 changeait de forme, mais elle n’était pas épuisée. […] » Il est permis de croire que la forme de son génie s’accommodait fort bien de cette nécessité et qu’au fond il en était bien aise.
Je conçois cela pour le mémoire sur les médailles italiotes qui forme appendice ; il y a là matière toute spéciale et demi-grimoire ; mais pour le récit, pour le corps même du volume, dussé-je parler par anticipation d’une seconde édition, je persiste à en juger d’après l’effet éprouvé, c’est à tout le public que l’excellent Essai s’adresse, c’est à travers tout ce public qu’il ira çà et là découvrir son juge entre cent lecteurs203. […] Les gouvernements d’Italie, tous plus ou moins aristocratiques, avaient peu changé de forme sous la domination romaine, et s’étaient comme pétrifiés au point où la conquête les avait saisis.
Cicéron, dans ses Offices, parle du décorum, c’est-à-dire, des formes extérieures de la vertu, comme faisant partie de la vertu même ; il enseigne, comme un devoir de morale, les divers moyens d’imposer le respect, par la pureté du langage, par l’élégance de la prononciation. […] Lorsque Cicéron plaide devant le peuple, devant le sénat, devant les prêtres ou devant César, son éloquence change de formes.
Importance littéraire de la forme de Beaumarchais. […] Outre l’importance que lui donne sa signification politique, la pièce a encore par sa forme un intérêt d’un autre genre, et de premier ordre.
C’est un cas de jaunisse lyrique — et touranienne, l’indécence étant pour lui une des formes nécessaires du touranisme. […] Dans les portraits littéraires que j’esquisse, je ne cherche qu’à reproduire l’image que je me forme involontairement de chaque écrivain, en négligeant ce qui, dans son œuvre, ne se rapporte pas à cette vision.
Voici, s’étonnait-il, un homme qui connut la célébrité pour n’avoir pas écrit l’œuvre annoncée pendant dix ans comme devant résumer, sous une forme définitive, l’âme humaine et l’âme universelle. […] Lorsque Mallarmé, écrit Paul Valéry, m’ayant lu le plus uniment du monde son Coup de dés, comme simple préparation à une plus grande surprise, m’en fit enfin considérer le dispositif, il me sembla voir la figure d’une pensée, pour la première fois, placée dans notre espace… Ici, véritablement, l’étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles.
Il est visible ainsi que les invectives passionnées de Goncourt, la conception mélancolique de Sully Prudhomme et les théories de Darwin sur la lutte pour la vie sont des choses du même temps, trois formes d’une seule et même idée qui flottait dans l’air ambiant. […] Voltaire ne répondit pas sur-le-champ ; mais sa réponse vint plus tard sous une forme inattendue.
Il pense « que c’est le fait de la faiblesse humaine que de chercher l’image et la forme de Dieu ». Métaphoriquement, on peut dire que le soleil est « le principal régulateur, la principale divinité de la nature » ; mais, en réalité, il ne faut pas chercher à Dieu une forme particulière, encore moins croire qu’il y en a un nombre infini.
Le Bonaparte des secondes Méditations y réapparaît le même sous une autre forme et commenté par l’histoire. […] Raynouard, assez inculte de forme et d’écorce, n’était pas aussi sauvage que le fait M. de Lamartine.
Ce jeune homme, que la nature destinait aux études brillantes et littéraires et à l’art de la parole, se ressentira toujours, même sous sa forme grave, de ce peu de discipline première. […] À peine revenu d’Italie, et tandis qu’il lisait Cicéron et s’étudiait à sa forme oratoire, le beau Patru ne laissait pas de faire des ravages aux environs du Palais et du Châtelet.
Elle aimait avant tout ces sphères d’enchantement, ces îles Fortunées, mi-parties d’Uranie et de Calypso, et elle chercha à les retrouver, à les reproduire dans tous les lieux et sous toutes les formes, soit à sa cour de Nérac, soit dans les rochers d’Usson, soit même finalement dans ce beau jardin le long de la Seine où est aujourd’hui la rue des Petits-Augustins, et où elle tâchait de tromper la vieillesse. […] La reine Marguerite revint d’Usson à Paris en 1605 ; c’est ici que nous la retrouvons sous sa forme dernière, et un peu tournée en ridicule par Tallemant, écho du nouveau siècle.
La pièce de Conaxa, prise d’un sujet venu du xvie siècle, et même plus ancien peut-être59, est dans la forme une pièce de collège : il n’y a point de rôle de femme, et la gaieté des valets qui y surabonde, les plaisanteries sur le bâton qui y reviennent sans cesse, étaient bien de nature en effet à réjouir des écoliers. […] Pensez à cette querelle soudaine des Deux Gendres et de Conaxa, à cette grande sédition littéraire qui s’en prend sous une forme futile au protégé des ducs de Bassano et de Rovigo, et qui marque par une guerre digne du Lutrin la dernière saison paisible et brillante de l’immortelle époque : l’hiver qui suivit, au lieu des bulletins de Conaxa, on avait ceux de la Grande Armée et de la retraite de Moscou.
Les Français, à travers toutes les formes de gouvernement et de société qu’ils traversent, continuent, dit-on, d’être les mêmes, d’offrir les mêmes traits principaux de caractère. […] Mais il m’a semblé que cette leçon se perd dans le rire ; on oublie de la tirer, et la folie de la forme emporte le fond.
Pourtant il supprima bientôt le bonnet, et il demeura sous sa forme dernière, nu-tête, avec les cheveux rares au sommet, mais descendant des deux côtés de la tête et du cou jusque près des épaules ; en un mot, tel que son portrait s’est fixé définitivement dans le souvenir, et à la Franklin. […] Rien d’ailleurs, dans les bases arrêtées, n’était de nature à porter préjudice à la France : tout était bien, sauf la forme à laquelle on avait manqué.
Ils emportaient à jamais dans leur pensée cette apparition de deux sépulcres côte à côte, l’arche surbaissée du caveau, la forme antique des deux monuments revêtus provisoirement de bois peint en marbre, ces deux noms : Rousseau, Voltaire, dans le crépuscule, et le bras portant un flambeau qui sortait du tombeau de Jean-Jacques. […] Ce qui est doit être ; il est excellent que ce qui existe, existe ; les formes de prospérité publique sont diverses ; une génération n’est pas tenue de répéter l’autre ; Caton calquait Phocion, Trimalcion ressemble moins, c’est de l’indépendance.
Corbon qui approcha le plus près du point vital de tout ce débat, sous une forme vigoureuse et passionnée : « Je prendrai la question, dit-il, à un tout autre point de vue que celui auquel on l’a discutée. […] De l’idée véritable, il ne subsiste rien, par suite des artifices successifs de la forme ; et cependant, après le vote, ne portant que sur ce point spécial de l’érection d’une église, on va proclamer le triomphe collectif de cette idée, on prononcera le mot de « réparation nationale », et l’on s’empressera de décréter cette formule : Gallia pœnitens et devota !
Qui eût pu le découvrir et le saisir sous cette multitude de formes dont il ne désavouait aucune, dont les oppositions le servaient, qui toutes lui fournissaient un refuge ? […] Je lui vois deux portes ; il se peut qu’un savant comme Ampère et Geoffroy Saint-Hilaire réunisse les découvertes des sciences positives, forme avec elles un système du monde, et que ces vues d’ensemble s’imposent au public comme la loi d’attraction, ou l’hypothèse du plan animal unique.
Il était latent, il est devenu découvert ; il était subconscient, il a pris conscience de lui ; il était amorphe, et il a pris une certaine forme. […] Les Français ont une tendance à repousser les métaphysiques et les religions, qui n’est qu’une forme de leur horreur de creuser les questions. […] L’orgueil sous sa forme française, c’est à savoir la vanité, est tout à fait individualiste. […] Jésuites et congréganistes ne furent expulsés ou inquiétés que pour la forme et restèrent, à très peu près, plus ou moins ouvertement, sur leurs positions. […] L’enseignement congréganiste n’est qu’une forme de l’enseignement clérical, la forme la plus visible ; mais il n’est pas l’enseignement clérical lui même. » (Dépêche de Toulouse.) — Le raisonnement ne me paraît pas très facilement réfutable.
En un mot, ce n’est pas la matière de la poésie qui manque, ce n’est pas le sentiment poétique ; c’est plutôt la forme et le glorieux accident.
En nous donnant, au lieu de Mémoires historiques un mémoire de barreau en bonne forme, l’auteur assoit en quelque sorte le vainqueur de l’Argonne sur la sellette ; et dès lors cette figure, si pleine de mouvement et de vie, prend un air d’apparat, comme devant les juges.
Je me bornerai à l’imitation suivante, dans laquelle Ronsard a substitué à l’idée de l’auteur grec une idée tout aussi gracieuse, et l’a revêtue de formes encore plus charmantes : Les Muses lièrent on jour De chaînes de roses Amour ; Et, pour le garder, le donnèrent Aux Grâces et à la Beauté, Qui, voyant sa desloyauté, Sur Parnasse l’emprisonnèrent.
La question particulière d’histoire romaine a fait place à une question générale, qui de nouveau a reçu une forme particulière des idées et des sentiments personnels du poète.
Brunetière, après avoir cité une description d’un romancier contemporain, je puis voir effectivement toutes ces choses… Ce sont des tableaux… dont nous n’avons pas besoin d’avoir vu les modèles, pour louer la ressemblance, puisqu’ils ne sont, après tout, que des associations nouvelles d’éléments anciens, de formes familières et de couleurs accoutumées… Nous sommes rentrés ici dans la vérité de l’art, qui consiste à décrire les choses les plus particulières par les termes les plus généraux, et d’autant plus généraux, qu’il s’agit de nous communiquer l’impression de choses plus particulières. » Il semble que nous soyons ramenés au fameux précepte de Buffon, qui recommande d’avoir attention à ne nommer les choses que par les termes les plus généraux.
On dirait parfois une âme qui danse sous une forme visible, mais charnelle à peine.
Il ne faut pas tuer, jamais, sous quelque forme que ce soit.
Jeanne était certes fort intelligente : il y a de la finesse, outre la sublimité, dans ses réponses à ses juges ; on a d’elle une sommation au roi d’Angleterre, qui est éloquente dans sa forme ingénue ; et, d’autre part, un officier d’artillerie démontrait, il y a quelques années, que Jeanne, dans la conduite des opérations militaires, avait eu du coup d’œil et de la décision.
Son style est toujours nombreux, d’une allure presque classique ; souvent, il s’agrandit encore, se sculpte en formes amples.
Pour rester dans le domaine de la littérature, les grands hommes sont ceux qui apportent quelque chose de neuf et d’original ; ceux qui sont vraiment créateurs de formes, de sentiments, d’idées, de types, non encore réalisés ; ceux, comme dit le poète36, Dont les pas inventeurs ouvrirent les sentiers ; ceux ainsi qui devancent leurs contemporains, qui deviennent bientôt des modèles pour leurs admirateurs, qui sont le point de départ d’une longue vague d’imitation, précisément parce qu’ils ont été de puissants agents d’innovation.
Ce qui distingue le langage des femmes du grand monde et de la cour, du langage commun, c’est moins l’usage de certains tours, de certaines formes et de certaines expressions réputées nobles et élégantes, que l’ignorance parfaite des paroles et des locutions grossières, qui ont pris naissance dans le peuple.
« Mais qui pourroit ici détailler le nom & la forme, & le séjour différent de chacun de ces astres ?
De plus, il résulte des puissantes lois de l’hérédité que toute variété élue aura une tendance à propager sa forme nouvellement modifiée.
L’academie de la Crusca, après avoir examiné le procès dans les formes, a fait une décision autentique qui adjuge à L’Arioste le premier rang entre les poetes épiques italiens.
La favorite d’autrefois, qui avait un sincère amour pour son mari, prit la forme d’un caïman et entra dans l’eau, elle aussi, pour ne pas quitter le sartyi.
Celles qui ont été préparées d’avance, qui se trouvent d’accord avec les instincts d’un peuple, avec les progrès naturels de la civilisation, finissent toujours par s’identifier dans les esprits, par se manifester dans toutes les formes de la société ; cependant celles-là mêmes ne peuvent parvenir à gouverner les hommes qu’après avoir fait éprouver de grandes douleurs.
» A ces tissus, il impose une forme et prescrit une œuvre ; par suite, sur chaque organe, il applique du dehors et d’en haut ses ligatures, ses appareils mécaniques de direction et de compression, de beaux cadres systématiques et rigides ; tous ces cadres prohibitifs et préventifs, il les maintient en place ; partant, sous prétexte de conduire le travail organique, il le dévie ou l’enraye ; à force d’ingérence, de refoulements et de tiraillements, il parvient à fabriquer des organes artificiels et médiocres qui tiennent la place des bons et empêchent les bons de repousser.
On peut regretter surtout qu’André Walter considère le raisonnement dialectique comme la seule forme de la raison, et que, enclin à faire la critique de la connaissance, il ne songe même pas à tenter celle du sentiment. […] Par une ironie qui n’est plus légère que dans la forme, mais qui a une portée profonde et redoutable, M. […] Mais Paul-Ambroise, par ces truchements, ajoutait « que la vérité, c’est l’apparence, que le mystère, c’est la forme, et que ce que l’homme a de plus profond, c’est sa peau ». […] Si le grain ne meurt « Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et qui n’aura point d’imitateur. […] Gide reproche aussi à Louÿs d’avoir été trop exclusivement artiste, trop épris de la forme.
Quand vint l’argumentation, le proctor fut obligé de lui mettre ses arguments en forme. […] Il a fallu encore une forme d’esprit étrange et puissante, aussi anglaise que son orgueil et ses passions. […] Pour louer Vanessa, il suppose que les nymphes et les bergers plaident devant Vénus, les uns contre les hommes, les autres contre les femmes, et que Vénus, voulant terminer ces débats, forme dans Vanessa un modèle de perfection. […] Ici, comme ailleurs, son originalité est entière et son génie créateur ; il dépasse son siècle classique et timide ; il s’asservit la forme, il la brise, il y ose tout dire, il ne lui épargne aucune crudité. […] Tout son talent et toutes ses passions se sont amassés dans ce livre ; l’esprit positif y a imprimé sa forme et sa force.
Dans la sale où l’on révère, on voit une table en forme d’autel, avec des chandeliers, avec des bouquets & des odeurs. […] quiddités, horreur du vuide, formes substantielles, étudia la nature, en développa les causes & les effets. […] Ses ouvrages sont une source où tout le monde a puisé, les sots mal-adroitement, & les autres en hommes de génie, qui sçavent donner à leurs matériaux la forme convenable. […] La guerre fut déclarée dans toutes les formes. […] Selon le père Patouillet, « c’est le libèle diffamatoire le plus odieux pour le fond & le plus méprisable pour la forme.
Le triomphe de l’amour et de la bonne foi, sur les plus grands intérêts, lui paraît une inconvenance ; et, parce que Bajazet s’est déjà prêté à l’erreur de Roxane, il faut qu’il achève de la tromper dans toutes les formes par une promesse de mariage ! […] ne nous formons point ces indignes obstacles ; car Agamemnon ne se forme point à lui-même d’indignes obstacles ; ce n’est pas lui qui enchaîne les vents, qui arrête la flotte dans le port. […] Sa vertu forme un contraste admirable avec la scélératesse d’Aman : c’est là qu’on voit la distance infinie qui sépare la véritable grandeur de l’âme et des sentiments, de la grandeur factice et apparente du rang et des dignités. […] Un philosophe du temps alla plus loin ; il prétendit que Racine n’avait jamais peint que des Juifs, oubliant qu’Agrippine, Néron, Burrhus, étaient des Romains, et Mithridate un roi de Pont ; ce philosophe se nommait Saint-Lambert, Quant à un autre philosophe plus connu, appelé d’Alembert, il s’est contenté de dire, sans autre forme de procès, qu’Athalie était une tragédie de collège. […] Il faut peut-être aussi reconnaître comme un bien propre à Quinault le raccommodement des amants brouillés, qu’il aménagé avec beaucoup plus d’art que Devisé ; mais, dans tout le reste, il n’a que le mérite d’une forme plus agréable et plus heureuse : le fond n’est pas à lui.
Vers la fin, sous sa forme sacrée, ce n’était plus guère qu’un moraliste et un sage14.
Son prix ne dépend point de sa matière qui sera cependant regardée par les uns comme son mérite, et par les autres comme son défaut ; il ne dépend pas même de sa forme, objet plus important, et où les bons juges trouveront peut-être à reprendre, mais ne trouveront rien à désirer.
« L’œuvre, dit à son propos Maurice Hennequin, l’œuvre conçue comme l’intégration de notes prises au cours de la vie ou dans les livres, n’ayant, en somme, de l’auteur que le choix entre ces faits et la recherche de certaines formes verbales, possède l’impassible froideur d’une constatation.
Cette propriété, cette équivalence exacte de la pensée et de l’expression, font qu’on ne conçoit point que l’écrivain, pensant ainsi, eût pu s’exprimer différemment, et qu’il semble à tous que, le fond étant tel, la forme devait être telle aussi par une inévitable conséquence.
Là, nulle trace de réminiscence, nulle trace des influences d’alentour ; forme et fond, tout y est bien elle et rien qu’elle, le cœur à nu, l’âme palpitante sous le coup de foudre de la passion… l’élégie était le vrai domaine lyrique de Mme Valmore, le champ d’inspirations où son expansif et doux génie se donnait carrière.
La forme était rudimentaire, il est vrai, mais la pensée, l’observation, la gaieté auraient parfois trouvé mieux leur compte dans ces grossières parades que dans les intrigues des Italiens.
On peut bien se donner l’illusion de l’éviter, mais il se venge des dédains en revenant sous une autre forme.
Le caveau qui, à l’époque de Constantin, fut considéré comme le tombeau du Christ, offrait cette forme, ainsi qu’on peut le conclure de la description d’Arculfe (dans Mabillon, Acta SS.
La cour de Louis XIV, en lui donnant la majesté des formes et en épurant son langage, lui fut peut-être nuisible sous d’autres rapports ; elle l’éloigna trop des champs et de la nature.
Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.
N’a-t-il pas chanté le struggle for life, et le struggle sous sa forme niaise, incompatible avec les instincts d’une haute race, le struggle autorisant les attaques violentes ?
Et quand le nôtre cherche des formes d’harmonie avec Fourier, on de justice avec Proudhon, les Marxistes se rient de ce « verbiage utopique ».
Ainsi, les tableaux de Bernardin de Saint-Pierre ont toujours quelque chose d’idéal, sans cependant jamais sortir de la nature ; il est comme ces statuaires des temps antiques, qui reproduisaient la figure humaine avec des proportions si parfaites, que sous une forme mortelle on reconnaissait une divinité. […] Elle ignorait la nature du sentiment qu’elle avait pour lui ; était-ce un dieu qui lui apparaissait sur la terre dans une forme qui n’avait point d’âge et dont la chevelure blonde semblait parer l’immortalité ? […] Desmoutiers, dans ses Lettres à Émilie sur la mythologie, avait donné l’habitude et le goût de cette poésie païenne ; le jeune Aimé Martin lui donna, dans la même forme, plus de sérieux, de science et de gravité, en traitant de même un autre sujet, les phénomènes de la nature. […] La rivière qui coule en bouillonnant sur un lit de roche, à travers les arbres, réfléchit çà et là dans ses eaux limpides leurs masses vénérables de verdure et d’ombre, ainsi que les jeux de leurs heureux habitants: à mille pas de là, elle se précipite de différents étages de rocher, et forme, à sa chute, une nappe d’eau unie comme le cristal, qui se brise, en tombant, en bouillons d’écume. […] Croyez-vous que cette même puissance, qui avait revêtu cette âme si noble d’une forme si belle, où vous sentiez un art divin, n’aurait pu la tirer des flots ?
Vous avez mis dans votre style les jeux de la lumière, les frissons du plein air, la coloration et la vie du monde extérieur ; vous y avez mis aussi les secousses intérieures, les émotions subtiles, les troubles secrets du monde moral ; et désireux de retenir dans votre phrase, un peu de ce qui luit ou de ce qui vibre, de ce qui aime ou de ce qui souffre, vous avez demandé à la richesse et à la diversité des formes, l’art d’exprimer fidèlement la multiplicité infinie de la nature. […] Des héros au crânes étroits de crétins ; des meubles aux formes droites sur des pieds maigres, des intérieurs de famille avec des petits enfants, travestis en vétérans de famille impériale ; mais au milieu de cela, des nippes remuantes et des défroques plus mémoratives, que tous les imprimés. […] Samedi 22 juillet Au fond, sous sa forme légère et badinante, il y a autant de philosophie dans la tirade parlée de Beaumarchais, que dans la tirade livresque du Scandinave Ibsen. […] Mais tout en se déchargeant sur moi de la composition de nos livres, mon frère était resté un passionné de style, et j’ai raconté dans une lettre à Zola, écrite au lendemain de sa mort, le soin amoureux qu’il mettait à l’élaboration de la forme, à la ciselure des phrases, au choix des mots, reprenant des morceaux écrits en commun, et qui nous avaient satisfaits tout d’abord, les retravaillant des heures, des demi-journées, avec une opiniâtreté presque colère, ici, changeant une épithète, là, faisant entrer dans une période, un rythme, plus loin, refaçonnant un tour de phrase, fatiguant, usant sa cervelle, à la poursuite de cette perfection, si difficile, parfois impossible à la langue française, dans l’ expression des sensations modernes… et après ce labeur restant de longs moments, brisé sur un canapé, silencieux, dans la fumée d’un cigare opiacé. […] La France serait condamnée à des formes, comme couronnées dans un concours du laid, à des coupes de baies, de fenêtres, de dressoirs, empruntées aux hublots d’un navire, à des dossiers de canapés, de fauteuils, de chaises, cherchant les rigides platitudes de feuilles de tôle, et recouverts d’étoffes, où des oiseaux, couleur caca d’oie, volent sur le bleu pisseux d’un savonnage, à des toilettes et autres meubles, ayant une parenté avec les lavabos d’un dentiste, des environs de la Morgue.
Figure rêveuse, physionomie plus que belle, car elle était ineffaçable ; âme molle comme l’attitude ; caractère qui se pliait à tous ceux de ses amis comme une étoffe moelleuse à laquelle l’artiste n’a point donné de forme, mais dont on se drape au gré de la saison ; voix musicale qui résonnait jusqu’au fond de l’âme ; imagination poétique que la langueur des sensations empêchait de produire, mais toujours prête à rêver mieux que vous vos propres rêves et à ruminer mieux que vous vos propres vers ; un homme-écho enfin, si l’on peut se servir de cette expression, mais un écho sensible, intelligent, qui ne restait muet que par paresse, et inerte que par amour du sommeil. […] Cette seconde image d’une des plus hautes personnifications de l’esprit humain sous la forme d’une femme m’inspira un second respect pour la fécondité de mon siècle. […] Si son génie et son grand cœur avaient pu se choisir une forme, il n’aurait pas pu en choisir une qui le satisfît davantage. […] J’en appelle à tous ceux qui l’ont vu ; car tous ont dû subir le charme qui l’enveloppait comme d’une atmosphère sympathique qui lui gagnait tous les cœurs. » Voici ce qu’en dit le poète Moore : « La beauté de lord Byron était du premier ordre, réunissant la régularité des formes avec l’expression la plus variée et la plus intéressante. […] Ses mains étaient d’une extrême blancheur et de la forme délicate qui indique (selon ses propres idées) la naissance aristocratique. » Beyle écrit de lui : « Je rencontrai lord Byron au théâtre de la Scala, en 1816.
Mais, en proclamant l’indépendance de l’Église à l’égard des formes de gouvernement, comme en s’occupant des questions ouvrières avec une sollicitude particulièrement active, et comme en travaillant à préparer dans un lointain avenir la réconciliation en une des diverses communions chrétiennes, il a fait trois grandes choses, — dont la première conséquence a été de rendre au catholicisme, et généralement à la religion, leur part d’action sociale. […] Aussi n’est-il point interdit aux peuples18… de se donner telle forme politique qui s’adaptera mieux ou à leur génie propre, ou à leurs traditions et à leurs coutumes. […] Un de ces moyens (d’atteindre et de réaliser l’union) est d’accepter sans arrière-pensée, avec cette loyauté qui convient au chrétien, le pouvoir civil, dans la forme où, de fait, il existe. […] Pour tous ceux donc qui ne pensent pas qu’une démocratie se puisse désintéresser de la morale, et qui savent d’ailleurs qu’on ne gouverne pas les hommes à l’encontre d’une force aussi considérable qu’est encore la religion, il ne s’agit plus que de choisir entre les formes du christianisme celle qu’ils pourront le mieux utiliser à la régénération de la morale, et je n’hésite pas à dire que c’est le catholicisme. […] Et toutes ces clameurs, et tous ces hurlements ne sont qu’une forme, ou une expression plus démocratique, de ce que Bossuet a si bien appelé « la haine des hommes contre la vérité ».
Voyons Fléchier tel qu’il était, apprenons à le goûter dans les qualités qui lui sont propres et qui lui assurent un rang durable comme écrivain et comme narrateur ; ne craignons pas de nous le représenter dans sa première fleur d’imagination et d’âme, dans sa première forme de jeune homme, d’abbé honnête homme et encore mondain ; et bientôt sans trop de complaisance, sans presque avoir à retrancher, nous arriverons insensiblement à celui qui n’avait eu en effet qu’à se continuer lui-même, et à se laisser mûrir pour devenir l’orateur accompli si digne de célébrer Montausier et Turenne, et l’évêque régulier, pacifique, exemplaire, édifiant. […] Il s’est bien peint à nous dans sa première forme littéraire lorsque, dès les premiers jours de son arrivée à Clermont, étant allé faire une visite à Vichy, il y rencontre des religieuses, des dames, un capucin à demi mondain, et des précieuses de province. « Faire des vers et venir de Paris, ce sont deux choses qui donnent bien de la réputation dans ces lieux éloignés. » Or Fléchier réunissait ces flatteuses conditions, ayant déjà publié des vers qu’on avait distingués dans les recueils du temps, et de plus étant prédicateur déjà fort goûté. […] L’humanité, dont Féchier donne en plus d’un endroit des marques, ne prend jamais la forme à laquelle le xviiie siècle nous accoutumera ; il ne fait point état de philanthropie, il n’étale rien.
Dans une très-belle édition de 1820, plus complète que celle de 1818, et où il n’y a que des vers48, j’aime à considérer la première et pure forme de son talent, sans complication aucune. […] Habituée qu’elle était à donner à ses sentiments une forme unique, elle s’est senti plus d’une fois le cœur aveuvé ; elle s’est demandé, elle a demandé aux objets muets si c’était bien la loi fatale et dernière ; ainsi, hier encore, en regardant une horloge arrêtée : Horloge, d’où s’élançait l’heure, Vibrante en passant dans l’or pur, Comme un oiseau qui chante ou pleure Dans un arbre où son nid est sûr, Ton haleine égale et sonore Sous le froid cadran ne bat plus : Tout s’éteint-il comme l’aurore Des beaux jours qu’à ton front j’ai lus ? […] J’en ai quelquefois pleuré par les mille souvenirs qu’ils réveillent… » — Elle forme le vœu modeste qui, pour elle, ne se réalisera jamais : « Je suis envoyée de l’obligation de sortir demain samedi vers une heure, malade ou non. — Si vous alliez venir !
Le ton de Méléagre semble s’épurer pour la célébrer : « Les Muses aux doux accents avec la lyre, et la parole sensée avec la Persuasion, et l’Amour guidant en char la beauté, t’ont donné en partage, ô Zénophila, le sceptre des Désirs ; les trois Grâces t’ont donné leurs dons. » Et il explique de toutes les manières, il commente avec complaisance ce triple don, cette voix mélodieuse qui le pénètre, cette forme divine qui darde le désir, ce charme surtout qui l’arrête : beauté, muse et grâce. […] et qu’est-ce qui empêche d’entr’ouvrir de la sorte, non dans la forme savante et philologique qu’on laisse à qui de droit, mais à la vieille manière française, légèrement rajeunie, bien des coins jusqu’ici réservés ? […] Cette forme de badinage est familière à Méléagre ; d’autres fois, se souvenant d’Anacréon, il s’adresse à la cigale, il apostrophe la sauterelle ; voici une petite pièce à celle-ci, qui est fort jolie dans l’original.
Sa physionomie même et la forme de ses traits exprimaient, accusaient un peu fortement peut-être ce sérieux intérieur dans les goûts qu’il ne faudrait pas pourtant exagérer, et qui ne sortait pas des limites de son âge. […] Des soins assidus et délicats embellirent ses vieux jours de quelques-unes des couleurs qui avaient égayé son printemps ; une amitié complaisante239 consentit à prendre avec elle la forme qu’elle était accoutumée de donner à ses sentiments. […] Il ne s’agissait de rien moins que de restaurer la dignité dans les formes et la politesse.
Il n’y aurait qu’à retrancher et à resserrer un peu pour que l’étude sur Marie-Joseph Chénier devînt un morceau de critique biographique achevé de forme autant qu’il est complet de fond. […] Et quant à ceux qui sont dignes de l’aimer et qui lui feraient honneur par de vrais talents, l’orgueil trop souvent les entête du premier jour ; sauf deux ou trois grands noms qu’ils mettent en avant par forme et où ils se mirent, les voilà qui se comportent comme si tout était né avec eux et comme s’ils allaient inaugurer les âges futurs. […] On a imprimé plusieurs des discours d’ouverture prononcés par lui, et dans lesquels, pour le tour des idées et la forme de l’érudition, il semblait d’abord marcher sur la trace de cet autre agréable maître M.
La philosophie a besoin d’un écrivain qui se donne pour premier emploi le soin de la répandre, qui ne puisse la contenir en lui-même, qui l’épanche hors de soi à la façon d’une fontaine regorgeante, qui la verse à tous, tous les jours et sous toutes les formes, à larges flots, en fines gouttelettes, sans jamais tarir ni se ralentir, par tous les orifices et tous les canaux, prose, poésie, grands et petits vers, théâtre, histoire, romans, pamphlets, plaidoyers, traités, brochures, dictionnaire, correspondance, en public, en secret, pour qu’elle pénètre à toute profondeur et dans tous les terrains : c’est Voltaire « J’ai fait plus en mon temps, dit-il quelque part, que Luther et Calvin », et en cela il se trompe. […] De l’énorme masse rugueuse et empâtée de scories, il a extrait tout l’essentiel, un grain d’or ou de cuivre, spécimen du reste, et il nous le présente sous la forme la plus maniable et la plus commode, dans une comparaison, dans une métaphore, dans une épigramme qui devient un proverbe. […] Talent unique, le plus rare en un siècle classique, le plus précieux de tous, puisqu’il consiste à se représenter les êtres, non pas à travers le voile grisâtre des phrases générales, mais en eux-mêmes, tels qu’ils sont dans la nature et dans l’histoire, avec leur couleur et leur forme sensibles, avec leur saillie et leur relief individuels, avec leurs accessoires et leurs alentours dans le temps et dans l’espace, un paysan à sa charrue, un quaker dans sa congrégation, un baron allemand dans son château, des Hollandais, des Anglais, des Espagnols, des Italiens, des Français chez eux469, une grande dame, une intrigante, des provinciaux, des soldats, des filles470, et le reste du pêle-mêle humain, à tous les degrés de l’escalier social, chacun en raccourci et dans la lumière fuyante d’un éclair.
La nature des temps où nous avons vécu proteste contre la forme traditionnelle du pouvoir. […] La nation avait certes la faculté de modifier la forme extérieure de sa souveraineté, de niveler son aristocratie, de salarier son Église, d’abaisser ou même de supprimer son trône pour régner elle-même par ses propres magistratures. […] Les uns votèrent par une puissante conviction de la nécessité de supprimer le signe vivant de la royauté en abolissant la royauté elle-même ; les autres par un défi aux rois de l’Europe, qui ne les croiraient pas, selon eux, assez républicains tant qu’ils n’auraient pas supplicié un roi ; ceux-ci, pour donner aux peuples asservis un signal et un exemple qui leur communiquassent l’audace de secouer la superstition des rois ; ceux-là par une ferme persuasion des trahisons de Louis XVI, que la presse et la tribune des clubs leur dépeignaient, depuis le commencement de la Révolution, comme un conspirateur ; quelques-uns par impatience des dangers de la patrie, quelques autres, comme les Girondins, à regret et par rivalité d’ambition, à qui donnerait le gage le plus irrécusable à la république ; d’autres par cet entraînement qui emporte les faibles âmes dans le courant des assemblées publiques ; d’autres par cette lâcheté qui surprend tout à coup le cœur et qui fait abandonner la vie d’autrui comme on abandonne sa propre vie ; un grand nombre enfin votèrent la mort avec réflexion, par un fanatisme qui ne se faisait illusion ni sur l’insuffisance des crimes, ni sur l’irrégularité des formes, ni sur la cruauté de la peine, ni même sur le compte qu’en demanderait la postérité à leur mémoire, mais qui crurent la liberté assez sainte pour justifier par sa fondation ce qui manquait à la justice de leur vote, et assez implacable pour lui immoler leur propre pitié !
Un Aristote, un Pline, un Buffon, naîtront et feront l’histoire naturelle des animaux par l’intelligence au lieu de la faire par la forme. […] C’est donc la pensée divine qui, s’associant avec la matière créée par Dieu, forme le monde. Dieu, en appliquant sa pensée ou sa volonté à la matière ou au néant sorti de ses mains, lui a imprimé ses qualités ou ses lois : étendue, poids, grandeur relative, et sa forme, et ses limites, et sa gravitation, et sa vie, et sa mort, et sa transformation quand sa vie est accomplie.
Quelques scènes heureuses, de beaux vers, plutôt des rôles que des caractères, l’amour sous la forme de la galanterie, des pièces dont les meilleures laissent une impression d’estime pour l’auteur plutôt que le souvenir de personnages vivants ; l’art demeurant dans les grandes voies, mais sans produire d’effets nouveaux ; une langue saine dans les bons endroits, incorrecte, vague, sans couleur dans le reste, et, là même où elle est irréprochable, paraissant fatiguée ; telle est la tragédie dans les mains des imitateurs de Corneille et de Racine. […] Toutes les qualités prenaient cette forme à ses yeux, même la douceur dans un caractère de femme. […] Il faut des sentiments généraux et profonds pour une forme que la plénitude du sens fait trouver si simple, que des pensées vagues ou communes font trouver si vide ; il faut des diamants pour de pareils chatons.
Si vous avez jamais eu pitié de l’agonie d’une fleur ou de l’évaporation d’un parfum, si la matière, languissante et blessée sous une forme exquise, a parfois éveillé en vous une de ces vagues sympathies qui ferait croire à des affinités inconnues, vous comprendrez peut-être l’étrangeté de cette sensation confuse. […] Mensonges vivants, elles s’harmonisent à ces mensonges de la forme, du contour et de la matière. […] C’est de la chair à courtisane : elle exhale l’adultère par tous les pores ; elle incarne, dans une forme élégante, précieuse et adorablement féminine, toutes les passions et toutes les curiosités mauvaises de la déchéance.
Le titre de ce volume en dit plus la forme générale que le fond. […] Cette histoire de Ratés, de cette tribu d’impuissants, envieuse et dévorante, qui doit dévorer un jour tout le grain social ; cette histoire racontée sous des formes désintéressées, quand elles ne sont pas émues, est l’accusation la plus nette et la mieux formulée contre toutes les idées qui règnent en ce temps d’exécrable démocratie. […] La poésie, cette forme divine, emporte toujours le fond humain dans l’œuvre des hommes, quelle que soit la beauté ou la profondeur de ce fond.
Axiomes Maintenant pour donner une forme aux matériaux que nous venons de préparer dans la table chronologique, nous proposons les axiomes philosophiques et philologiques que l’on va lire, avec un petit nombre de postulats raisonnables, et de définitions où nous avons cherché la clarté. […] C’est une tradition vulgaire que le monde fut d’abord gouverné par des rois, — que la première forme de gouvernement fut la monarchie. […] Et même après l’expulsion des rois, de crainte d’altérer la forme des cérémonies, on créait un roi des choses sacrées ; c’était le chef des féciaux, ou hérauts de la république.
On peut de la sorte atteindre avec certitude les principales formes d’un esprit ou d’un caractère, ce qui doit suffire ; à moins d’information toute particulière et imprévue, le reste est raffinement de curiosité et témérité. […] Cette quantité d’actes de clémence et de générosité que Henri IV prodiguait envers les vaincus se résumèrent bientôt après dans l’imagination populaire sous la forme de cette anecdote touchante et un peu fabuleuse.
Écrivant à ce dernier, l’exhortant à ne pas chercher à susciter derechef un État dans l’État et une Ligue sous forme nouvelle, il disait (1597) : « Recevez, je vous prie, de bonne part les conseils que je vous donne, puisque j’en suis par vous requis et par une bonne conscience, loyale à sa patrie. » Il confondait alors tous les intérêts de la patrie dans l’autorité pure et simple, dans le droit divin et humain de Henri IV, et il ne paraît jamais s’être beaucoup soucié des tempéraments ou restrictions qu’y pouvaient apporter les corps, parlements, assemblées de notables. […] Il voit dans ces alliances mêlées l’abâtardissement de la vraie noblesse, sous la seule forme où il la conçoit.
Il y a souvent en l’homme un défaut dominant et profond, un vice caché qui se dissimule, qui est honteux de paraître ce qu’il est, qui aime à se déguiser dans la jeunesse sous d’autres formes séduisantes, à se donner des airs de noble et belle passion : attendez les années venirt, le vice caché va s’ennuyer des déguisements et des détours, ou si vous l’aimez mieux, il va hériter de ces autres passions plus faibles et éphémères qui se jouaient devant lui ; il va les dévorer et grossir en les absorbant en lui-même et les engloutissant : alors on le verra se démasquer tout à la fin et se montrer crûment sans plus de honte, laid, difforme, et, pour tout dire, monstrueux. […] La non-croyance à l’immortalité sous une forme ou sous une autre est sujette à produire de ces chutes.
La phrase y peut paraître longue, traînante, et c’est là une lettre persane qui ne ressemble en rien assurément pour la forme à celles de Montesquieu ; mais le fond est d’un grand sens, et consulté par Chapelle, il lui répond en le mettant de son mieux en garde contre les principaux défauts auxquels il le sait bien sujet, et aussi contre les conclusions où va trop volontiers la philosophie de Gassendi, leur maître commun. […] Le bel esprit a changé de forme depuis Chapelle : Gentil-Bernard et Dorat sont venus, qui ont donné à la poésie dite fugitive un certain ton fringant, pimpant, ton de dragon et de mousquetaire.
Tels sont les petits hommes, tels aussi doivent être les petits poèmes. » Mais évidemment il cherchait encore ses sujets, et la forme neuve et curieuse de ce talent en éveil ne savait où s’appliquer avec suite et vigueur. […] — À cette heure où, entrant dans une veine de composition nouvelle, il prenait véritablement possession de tout son talent, et où, comme il le disait d’un mot, le rejeton était devenu un arbre (« fit surculus arbos »), Cowper rappelait, avec l’orgueil d’un auteur ayant conscience de son originalité, qu’il y avait treize ans qu’il n’avait point lu de poète anglais, et vingt ans qu’il n’en avait lu qu’un seul, et que, par là, il était naturellement à l’abri de cette pente à l’imitation que son goût vif et franc avait en horreur plus que toute chose : « L’imitation, même des meilleurs modèles, est mon aversion, disait-il ; c’est quelque chose de servile et de mécanique, un vrai tour de passe-passe qui a permis à tant de gens d’usurper le titre d’auteur, lesquels n’auraient point écrit du tout s’ils n’avaient composé sur le patron de quelque véritable original. » C’est ainsi qu’en se créant tout à fait à lui-même un style selon ses pensées et une forme en accord avec le fond, ce solitaire sensible et maladif, ingénieux et pénétrant, a été l’un des pères du réveil de la poésie anglaise.
Demandez donc à de telles âmes qui, dès la tendre jeunesse, ont logé en elles un si faux idéal, une si misérable forme de bonheur, d’avoir une grande ambition, de se tourmenter pour un noble but, et eussent-elles reçu de la nature des facultés supérieures et fortes, de les tourner vers de généreux emplois. […] Sa Majesté, après m’avoir recommandé le plus grand secret sur ce qu’elle allait me confier me raconta que, s’étant trouvé seule avec le baron, il avait commencé par lui dire des choses d’une galanterie qui l’avait jetée dans le plus grand étonnement, et qu’il avait porté le délire jusqu’à se précipiter à ses genoux en lui faisant une déclaration en forme.
Ce ne sont à Ferney que requêtes sur requêtes, de toute forme et de toute espèce : tantôt Lally-Tollendal plaidant pour réhabiliter la mémoire de son père, tantôt une directrice de théâtre à Lyon à laquelle on retire son privilège ; aujourd’hui d’Étallonde songeant à faire reviser son procès, demain les main-mortables de Saint-Claude à affranchir de la glèbe monacale et à rendre sujets du roi. […] Écrire en forme pour ou contre toutes les religions est d’un fou.
Écrivez, écrivez… » C’est, sous une autre forme, le conseil que se donnait également Nicole, et la recette qu’il avait trouvée pour se délivrer l’esprit quand il était obsédé de pensées qui lui ôtaient le sommeil : il se hâtait de les jeter sur le papier ; — et Gœthe, le grand poëte, disait aussi, dans une bien vivante image ; « Mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Un autre jour, lisant avec admiration les trois volumes de Philosophie de Lamennais, et l’en louant à son tour et même à outrance, Béranger fait cependant une réserve sur un point bien important ; c’est à propos de l’espèce d’analyse que le philosophe a essayé de donner de l’idée de Dieu : « Je me suis toujours élevé vers Dieu, lui dit Béranger, autant que mes ailes fangeuses me l’ont permis, mais toujours les yeux fermés, me contentant de dire : “Oh ! […] Le style, qui n’est que la forme appropriée au sujet par la réflexion et l’art, est le passe-port dont toute pensée a besoin pour courir, s’étendre et prendre gîte dans tous les cerveaux.
Rousset n’est pas, après tout, si grosse ni si grave qu’on le croirait ; elle porte sur la forme et sur le ton, plus que sur le fond. […] Boileau (et je ne parle pas ici du poète louant en public, mais de l’homme de sens s’épanchant dans la familiarité), Boileau était d’un tout autre avis ; il entrait, nous assure-t-on, dans une espèce d’enthousiasme lorsqu’il parlait de Louis XIV, et l’on a recueilli de ses lèvres ces propres paroles, qui renferment un si bel éloge sous forme littéraire : « C’est, disait-il, un prince qui ne parle jamais sans avoir pensé ; il construit admirablement tout ce qu’il dit ; ses moindres reparties sentent le souverain ; et quand il est dans son domestique, il semble recevoir la loi plutôt que la donner. » Ce dernier trait se rapporte à la facilité de vivre du roi dans son intérieur et à son égalité d’humeur avec tout ce qui l’entourait.
Il n’était pas de ceux qui « s’agréent en eux-mêmes », qui « estiment ce qu’ils tiennent au-dessus du reste », et « ne reconnaissent aucune forme plus belle que celle qu’ils voient. » Il laissait aux esprits routiniers ce parfait contentement de soi, des siens et de la coutume. […] Il juge très bien, à première vue, du changement de configuration du sol, et de l’ensevelissement de l’ancienne Rome : la forme des montagnes et des pentes n’est plus du tout la même, et il tenait pour certain « qu’en plusieurs endroits nous marchions sur la tête des vieux murs et sur le faîte des maisons tout entières. » La liberté de vie à Rome lui paraît bien différente de celle de Venise : la sûreté y manque.
La sœur parfaite, à la longue, se forme et se compose de bien des sacrifices intérieurs. […] Elle semble heureusement née pour habiter la campagne, tant son être« s’harmonise avec les fleurs, les oiseaux, les bois, l’air, le ciel, tout ce qui vit dehors, grandes ou gracieuses œuvres de Dieu. » Elle aussi, comme Bernardin de Saint-Pierre, elle a le sens des symboles naturels ; la vie sous toutes ses formes lui parle ; elle est femme à voir des mondes dans un fraisier : « Mon ami, je suis ce fraisier en rapport avec la terre, avec l’air, avec le ciel, avec les oiseaux, avec tant de choses visibles et invisibles que je n’aurais jamais fini si je me mettais à me décrire, sans compter ce qui vit aux replis du cœur, comme ces insectes qui logent dans l’épaisseur d’une feuille. » Toutes les saisons de l’année, toutes les heures de la journée ont pour elle leur charme particulier et leur langage.
A défaut de l’élégance et de la distinction de la forme, il a le fond, la connaissance et l’amour de son sujet, de son monde, le sentiment des parties touchantes que ce petit monde populaire ou bourgeois peut receler sous son enveloppe vulgaire ; suivez-le, ayez patience, et vous serez souvent étonné de vous sentir ému là où vous aviez commencé par être un peu heurté ou rebuté. […] La forme du sien n’est peut-être pas élégante ni très-habilement ciselée : ce n’est ni la coupe antique moulée sur le sein d’Hélène, ni le riche hanap rehaussé de bosselures, ni le vase orné et ouvragé de la Renaissance ; la liqueur elle-même qu’il y verse, sent le terroir ; elle est un peu crue et âpre au palais, mais saine, nullement frelatée ni mélangée, et parfois réconfortante au cœur.
Deleyre était une de ces âmes-là, une âme sensible, inquiète, dépaysée, déclassée, tirée du cloître où elle n’avait pu rester, et souffrant dans la société d’où il lui tardait toujours de s’enfuir, une de ces organisations ébranlées comme il ne s’en trouve pas sous cette forme au xviie siècle, et comme il devait s’en rencontrer beaucoup au commencement du nôtre ; il allait avoir son expression, mais imparfaite et insuffisante encore, dans les Rêveries d’un Promeneur solitaire ou dans les Confessions. […] C’est en effet, bien réellement, une forme nouvelle de tragédie qui succède à l’autre, et bien qu’éphémère elle-même, elle était digne d’être saluée et intronisée à son jour.
Il ressentit vivement et profondément ce que la France éprouva à cette heure de gloire indicible et d’infortuné ; il l’exprima sous toutes les formes, promptes, aisées, touchantes, saisissantes, qui parlaient aux yeux et allaient au cœur de tous. […] Il n’a pas contracté l’obligation ou de déployer des nus, ou d’imaginer certaines formes de draperies, ou d’observer certaines règles de genre : il prend les choses telles qu’il les voit, il leur laisse leur réalité ; et il en résulte que, sans avoir prétendu faire ni de l’histoire ni du genre, il a fait de l’un ou de l’autre ; il a été touchant, noble, terrible, ou bien spirituel, comique et original.
Ce démon du théâtre a pris la forme de l’amour pour mieux réussir, et c’est parce qu’il est amoureux de Madeleine Béjart déjà comédienne, que Molière se fait, dit-on, comédien à son tour. […] Aimer Molière, c’est n’être disposé à aimer ni le faux bel esprit ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seulement change et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit chez les autres comme pour soi. — Je ne fais que donner la note et le motif ; on peut continuer et varier sur ce ton.
J’ai des horreurs profondes pour les formes, pour les considérations de tous les jours. […] si vous le voulez à toute force, — vous voyez que je n’y tiens pas, pourvu qu’il ait un peu de malice et qu’il soit tout nu et bien gentil. » Je ne voudrais pas abuser du plaisir de citer parmi ces pages, déjà si nombreuses, d’un livre inachevé ; mais cette finesse de sentiment et d’analyse, cette délicatesse d’expression sous forme écrite, jettent certainement un jour sur le talent de Gavarni, et nous expliquent les distinctions secrètes de son crayon, même lorsque ensuite il ira, comme il dit, au cabaret.
Ce qu’on peut dire, c’est qu’il est entré d’emblée et à fond dans la nature anglaise, dans toutes les formes de cette misère horrible et aussi de cette grâce singulière. […] Et celai qui croirait que l’artiste a uniquement voulu plaisanter et se permettre une légèreté se tromperait fort : il a voulu, sous forme vulgaire, exprimer le côté humain bien senti et montrer l’honnêteté de la chose.
J’ai vu, dans mon enfance, une génération convaincue s’avancer intrépidement au-devant des obstacles, et je sais combien de sang et de larmes coûte chaque progrès de l’humanité ; j’ai vu, au lendemain de la Terreur, les restes de cette société égoïste et frivole se dédommager de quelques années d’abstinence en se jetant dans une licence sans limites : j’ai suivi le torrent, et, sans égard aux formes nouvelles, je continue les mœurs de mes contemporains. […] J’ai souvent fait un rêve, ou plutôt (car la chose est irréparable) j’ai formé et senti un regret : c’est que parmi toutes ces générations qui se sont succédé dans notre France légère depuis tant de siècles, il ne se soit pas trouvé, à chaque génération un peu différente, un témoin animé, sincère, enthousiaste ou repentant, présent d’hier à la fête ou survivant le dernier de tous et s’en ressouvenant longtemps après ; lequel, sous une forme quelconque, ou de récit naïf, ou de regret passionné, ou de confession fidèle, nous ait transmis la note et la couleur de cette joie passagère, de cette ivresse où l’imagination eut bien aussi sa part.
Sans doute avant Wolf, il s’était élevé plus d’un doute sur l’origine et la forme première de l’Iliade ou de l’Odyssée, sur l’unité de composition ou d’auteur applicable à des longs poëmes venus de si loin et transmis dans l’obscurité des âges ; mais ce n’avait été que des aperçus, des mots dits en passant, des boutades de gens d’esprit sans autorité, comme l’abbé d’Aubignac, — une phrase sagace et perçante de Bentley, — une conception philosophique de Vico ; Wolf, le premier, donna à la question tout son poids, se livra, en la serrant de près, à une démonstration méthodique, et mit le siège en règle devant la place. […] Notre forme d’esprit, aidée d’une certaine paresse, résistait.
O Mort, que tu as de formes diverses, et que celui qui t’a déjà rencontrée peut néanmoins te trouver nouvelle ! […] Mais à d’autres fois aussi, et quand tu te sers, ô Clémente, de tes plus douces flèches, tu ne fais qu’affaiblir, diminuer insensiblement le souffle, en conseil vaut aux traits leur harmonie et au front son pur contour ; et quand tu y imprimes ton baiser glacé, il semble que ce soit une dernière couronne. — O Mort, que tu as de formes diverses !
Il ne faut pas s’étonner s’ils sont restés puissants et surtout riches ; rien de plus stable qu’une forme de société. […] La forme dans laquelle s’enserre alors la société humaine est construite sous les exigences du danger incessant et proche, en vue de la défense locale, par la subordination de tous les intérêts au besoin de vivre, de façon à sauvegarder le sol en attachant au sol, par la propriété et la jouissance, une troupe de braves sous un brave chef.
Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais. […] Homère lui révèle d’abord un monde supérieur, une immortalité de l’âme, un jugement de nos actions après la vie, une justice souveraine, une expiation, une rémunération, selon nos vertus ou nos crimes, des cieux et des enfers ; tout cela altéré de fables ou d’allégories, sans doute, mais tout cela visible et transparent sous les symboles, comme la forme sous le vêtement qui la révèle en la voilant.
Quand les lettres de commerce font courir le mois et l’année, quand les règlements administratifs font courir les appointements des fonctionnaires, soyez sûres que les rédacteurs ne croient pas faire une figure, et que nulle forme légère et mobile ne passe devant leurs yeux : ils ne voient pas d’autres mots pour ce qu’ils veulent dire. […] Tout nous appelle à la mort ; la nature, comme si elle était presque envieuse du bien qu’elle nous a fait, nous déclare souvent et nous fait signifier qu’elle ne peut pas nous laisser longtemps ce peu de matière qu’elle nous prête, qui ne doit pas demeurer dans les mêmes mains, et qui doit être éternellement dans le commerce ; elle en a besoin pour d’autres formes, elle la redemande pour d’autres ouvrages.
Leur esprit forme un remarquable contraste avec celui de la Compagnie de Jésus. […] La forme est ample, majestueuse, un peu emphatique par endroits.
L’auteur a voulu faire la contrepartie d’une composition mélancolique d’Holbein, dans laquelle on voit un misérable attelage de chevaux traînant la charrue dans un champ maigre ; le vieux paysan suit en haillons ; la Mort domine le tout sous forme d’un squelette armé du fouet. […] On y peut voir aussi, à quelques-unes de ses paroles, une protestation contre la société au nom des êtres disgraciés et intelligents ; mais, ici, toutes ces idées sont arrêtées à point et revêtues de formes si vivantes, si gracieuses et si peu philosophiques, qu’on n’a le temps ni l’envie de les discuter.
La Harpe débuta donc par des héroïdes (1759) ; mais il fit précéder les siennes de quelques pages intitulées Essai sur l’héroïde, dans lesquelles, parlant de ses prédécesseurs, il disait de Fontenelle : « M. de Fontenelle, estimable sans doute à bien des égards, a tenté presque tous les genres de poésie parce qu’il n’était né pour aucun. » Ce jugement, et la forme sous laquelle il est exprimé, valent mieux que tous les vers qui suivent. […] Le tort de La Harpe, ce n’est pas d’avoir varié, mais de s’être exprimé dans la disposition nouvelle de son esprit avec la même confiance aveugle et despotique, avec bien plus de confiance encore qu’il n’en avait montré dans sa première forme de pensée.
Saint-Simon, qui nous l’a peinte à ravir dans sa première forme, nous la montre encore dans le plein de sa beauté et dans la grandeur de sa représentation, qu’elle sut soutenir à travers toutes les fortunes : C’était une femme plutôt grande que petite, brune avec des yeux bleus qui disaient sans cesse tout ce qui lui plaisait, avec une taille parfaite, une belle gorge, et un visage qui, sans beauté, était charmant ; l’air extrêmement noble, quelque chose de majestueux en tout son maintien, et des grâces si naturelles et si continuelles en tout, jusque dans les choses les plus petites et les plus indifférentes, que je n’ai jamais vu personne en approcher, soit dans le corps, soit dans l’esprit, dont elle avait infiniment et de toutes les sortes ; flatteuse, caressante, insinuante, mesurée, voulant plaire pour plaire, et avec des charmes dont il n’était pas possible de se défendre quand elle voulait gagner et séduire ; avec cela un air qui, avec de la grandeur, attirait au lieu d’effaroucher ; une conversation délicieuse, intarissable, et d’ailleurs fort amusante par tout ce qu’elle avait vu et connu de pays et de personnes ; une voix et un parler extrêmement agréables, avec un air de douceur ; elle avait aussi beaucoup lu, et elle était personne à beaucoup de réflexion. […] C’est, en effet, un trait original et des plus distinctifs du caractère de Mme des Ursins que d’avoir su être une personne aussi tranquille au fond, sous une forme aussi active et dans une destinée si agitée ; et c’est à cela qu’elle dut, après une chute si rude à soixante-douze ans, de s’en être allée mourir en paix et de vieillesse à quatre-vingts.
Vers le même temps, Carrel donnait quelques articles au recueil intitulé Le Producteur, et dans lequel les écrivains, disciples de Saint-Simon, sous leur première forme scientifique, essayaient le développement de leurs doctrines. […] ce qu’il dit là contre le suicide ne pourrait-on pas en partie le dire aussi contre le duel, qui n’est souvent qu’une autre forme de suicide, comme cela fut trop vrai de lui qui écrit et de son cas suprême ?
Des lettres ainsi refaites et retouchées laissent toujours à désirer quelque chose, je le sais bien ; elles n’ont pas la même autorité biographique que des lettres toutes naïves, écrites au courant de la plume, oubliées au fond d’un tiroir et retrouvées au moment où l’on y pense le moins : mais Courier, homme de style et de forme, n’a guère dû faire de changements à ses épîtres que pour les perfectionner par le tour ; ses retouches et ses repentirs, comme disent les peintres, n’ont pas dû porter sur les opinions et les sentiments qu’il y exprime, et le travail qu’il y met, le léger poli qu’il y ajoute n’est qu’un cachet de plus. […] Que Courier laisse donc l’histoire à laquelle il n’a pas confiance et qui est trop vaste pour lui ; mais l’art, mais la nature, mais le beau sous la forme classique et antique, voilà à quoi il excelle.
La trempe chez Chateaubriand est plus forte et moins pure : la forme était déjà tout entière chez Bernardin. […] Je dis cela de Paul et Virginie plutôt que de La Chaumière indienne qui, malgré sa grâce et sa fraîcheur, me paraît seulement offrir sous forme exquise les banalités de la morale de 91.
Richelieu, dans sa première forme, était plus particulièrement un négociateur ; en arrivant au pouvoir et en se saisissant de l’autorité, il ne l’exerce qu’à condition de la justifier, de la motiver, et il est proprement l’idéal du conseiller d’État. […] Nous le laisserons régner ; mais il nous serait essentiel, pour ne pas rester trop au-dessous de notre idée, de pouvoir dire quelque chose encore de ce Testament politique où il a déposé, sous une forme un peu sentencieuse, le résumé de son expérience et l’idéal de sa doctrine.
Ce rapprochement n’étonnera personne entre ceux qui ont pénétré sous des formes diverses les nuances des talents et des génies. […] Saint François de Sales y énumère toutes les petites formes de partialité et d’injustice par lesquelles nous tirons à nous, dans la pratique de la vie, du côté de notre intérêt et de notre passion, sans vouloir l’avouer ni en avoir l’air, et sans nous croire moins honnêtes gens ; il fait toucher au doigt en quoi consistent ces défauts de raison et de charité, lesquels, au bout du compte, ne sont que de mesquines tricheries : « Car on ne perd rien, dit-il, à vivre généreusement, noblement, courtoisement, et avec un cœur royal, égal et raisonnable. » Par ce seul chapitre, où respire dans le moindre détail la vraie loi de charité, saint François de Sales s’élève en morale bien au-dessus du Montaigne et du Franklin.
Il y a du novice dans ces premières confidences belliqueuses de Frédéric à Jordan ; ce n’est pas, comme pour Napoléon, dès le premier jour, le grand géomètre militaire embrassant du haut des Alpes son échiquier et développant, avec une perfection inventive, des combinaisons profondes et savantes que l’héroïsme exécutera comme la foudre : Frédéric se forme lentement ; il s’essaye, il entame, il échoue, il revient à la charge, il s’y prend et reprend maintes fois. […] À l’âge de cinquante ans, on forme difficilement de nouvelles liaisons ; et qu’est-ce que la vie sans les agréments de la société ?
Cette explication me semblerait plausible si les contes sont, dans leurs premières conception et forme, l’œuvre de ces parasites qu’on nomme griots. […] Ici se termine une étude que j’aurais voulu condenser davantage et présenter sous une forme moins aride ; mais j’ai dû sacrifier la concision à la clarté.
Il est amoureux de l’idée autant que de la forme, et peut-être l’est-il davantage. […] car ce sont les défauts des esprits élevés, qui dédaignent les idées et les formes communes et qui, pour les éviter, se jettent un peu trop loin et manquent la simplicité… Trop de zèle !
Jourdain disait : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles. » Pour lui, le fond, en toutes ses œuvres, a toujours mieux valu que la forme, mais quand, ainsi que dans ces Lettres, où je le trouve nul d’esprit et de cœur, le fond n’est rien, que devient le tout ? […] Il avait, sous les formes simples et condensées qu’il tenait de la sécheresse primitive de son esprit, l’indifférence scélérate la plus tranquille sur sa propre immoralité, et ce fut longtemps son genre de puissance.
Il méprise, et avec quelles formes concentrées et sombres, bien autrement terribles d’effet dans leur concentration et leur sobriété que tous les tonitruments de la colère ! […] Par la forme comme par le fond, cet écrit est donc bien, celui-là aussi, authentiquement et intégralement l’œuvre du comte de Maistre.
Elle n’y prenait pas une place à part ; elle n’avait pas su attacher aux traditions religieuses et aux fêtes nationales quelques empreintes immortelles d’imagination et d’art, ; elle n’était pas entrée dans la vie des Romains, moins poétique et moins libre que celle des Grecs : et, si elle s’était mêlée parfois à ces œuvres artificielles du théâtre que Rome victorieuse chercha comme une distraction, elle n’avait eu, sous cette forme, qu’un rôle secondaire, dont le cadre même devenait difficile et rare sous le pouvoir absolu d’Auguste. […] avance, nouvelle épouse. » Une autre poésie de Catulle, différente par la forme, sur le même sujet, devait, ce semble, reproduire cette pompe musicale et ces chœurs que disposait Pindare.
Écrites au courant de la plume, sous l’impression soudaine et spontanée qui leur a donné à la fois vie et forme, ces Chroniques étaient envoyées, à l’état de brouillons de la plus fine écriture et tout couverts de surcharges, à M.
Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours.
Il sait l’artiste à fond, sous toutes ses formes, dans toutes ses applications, dans ses pensées les plus secrètes, dans ses procédés les plus spéciaux, et dans ce qu’il fait et dans ce qu’il ne fera jamais, et dans ses rêves et dans son impuissance, et dans la dépravation de ses facultés aigries, et dans le triomphe de son génie harmonieux, et dans le néant de son œuvre, et dans le sublime de ses misères.
Décidément, ce genre de Portraits que l’occasion m’a suggéré, et dont je n’aurais pas eu l’idée probablement sans le voisinage des Revues, m’est devenu une forme commode, suffisamment consistante et qui prête à une infinité d’aperçus de littérature et de morale : celle-ci empiète naturellement avec les années, et la littérature, par moments, n’est plus qu’un prétexte.
Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs.
Il faut, pour bien écrire, des habitudes autant que des réflexions ; et si les idées naissent dans la solitude, les formes propres à ces idées, les images dont on se sert pour les rendre sensibles, appartiennent presque toujours aux souvenirs de l’éducation, et de la société avec laquelle on a vécu.
À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.
On forme son style en formant son goût.
Elle avait toute la beauté du sacrifice désintéressé: car cette vie n’était si étroitement ordonnée que pour permettre au fils, à l’héritier, de connaître un jour une forme supérieure et plus élégante de la vie.
Ils renchérissent douloureusement sur des formes littéraires déjà outrées : ils sont plus naturalistes que Zola, plus impressionnistes que les Goncourt, plus mystico-macabres que Baudelaire ou Barbey d’Aurevilly ; ils inventent le symbolisme, l’instrumentisme, le décadentisme et la kabbale ; les plus modestes et les plus lucides croient avoir découvert la psychologie, et ils en ont plein la bouche.
Ainsi le snobisme, parallèlement à la série des écrivains novateurs, forme tout le long de notre histoire littéraire une chaîne ininterrompue.
Massenet, en mettant ses vers en musique, a restitué à sa pensée sa vraie forme.
Sully Prudhomme me semble avoir apporté à l’expression de l’amour le même renouvellement qu’à celle des autres sentiments poétiques… Son imagination est d’ailleurs des plus belles, et sous ses formes brèves, des plus puissantes qu’on ait vues.
On négligea que l’histoire ne se compose point comme un roman, qu’elle n’a le droit de synthétiser le passé sous la forme d’un récit suivi qu’une fois en possession de documents complets et que jusque-là elle ne peut légitimement dresser qu’un inventaire des pièces en portefeuille.
quelle indépendance, quelle légèreté, quelle gaîté, quelle folie devaient régner dans un camp dont les chefs étaient de la jeunesse des deux sexes, dans un camp où les relations étaient toutes militaires, où tous les dangers étaient communs, où le chagrin des revers et l’ivresse des succès étaient également partagés, où régnait la familiarité la plus dégagée des formes habituelles du respect, en un mot dans une armée de deux sexes qui, en révolte contre les lois de l’état, ne devaient pas s’assujettir bien strictement à celles de la bienséance !
C’est-là ce qui forme son essence ; c’est-là le but qu’elle se propose ; c’est-là ce qui la rend si agréable, si intéressante, & ce qui a de tout temps établi son empire sur les ames sensibles.
Avec l’élan de l’aigle, elle en prit la forme.
Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?
Tels sont les deux ou trois points que j’ai tâché de ne pas perdre de vue dans l’espèce de Discours qui forme à peu près une moitié de ce Manuel : voici maintenant ceux auxquels je me suis attaché dans les Notes perpétuelles qui en sont l’autre moitié ; et qui doivent servir à la première d’illustrations ou de preuves.
Il charme et fatigue par sa mobilité ; il vous enchante et vous dégoûte ; on ne sait quelle est la forme qui lui est propre : il serait insensé s’il n’était si sage, et méchant si sa vie n’était remplie de traits de bienfaisance.
On flétrit alors ce qu’on touche : les parfums, l’éclat des couleurs, l’élégance des formes, disparaissent dans les plantes pour le botaniste qui n’y attache ni moralité ni tendresse.
Il tient en partie à la perfection des organes, et se forme par les exemples, la réflexion et les modèles.
Le commun des hommes est donc bien capable de reconnoître un caractere lorsque ce caractere a reçu sa forme et sa rondeur théatrale ; mais tant que les traits propres à ce caractere, et qui doivent servir à le composer demeurent noyez et confondus dans une infinité de discours et d’actions que les bienséances, la mode, la coûtume, la profession et l’interêt font faire à tous les hommes, à peu près du même air, et d’une maniere si uniforme que leur caractere ne s’y décele qu’imperceptiblement, il n’y a que ceux qui sont nez avec le genie de la comedie qui puissent les discerner.
Je conçois donc que le génie qui forme les excellens déclamateurs, consiste dans une sensibilité de coeur, qui les fait entrer machinalement, mais avec affection, dans les sentimens de leur personnage.
Ensuite la lecture des mauvais livres forme le goût, à la condition qu’on en ait lu de bons, d’une façon qu’il ne faut pas mépriser, ni peut-être négliger.
Albalat pourrait avantageusement prendre place dans la collection des Manuels Roret Malheureusement, de même que le fond ne saurait être distrait de la forme, (démonstration qui constitue l’un des meilleurs chapitres de l’ouvrage), de même on ne saurait faire agir le cerveau en vue d’écrire, s’il n’est d’avance sollicité par l’éveil de quelque passion, au sens pur du mot. » Voilà bien des railleries inutiles !
Je suis obligé de renvoyer de nouveau à l’ouvrage qui complète celui-ci, de même que pour la grande question sur les dynasties, qui se présente également, sous toutes les formes, dans l’Orphée, dans l’Homme sans nom, et à la fin du volume précédent.
ce sont des contes, — mais des contes de vérité humaine, et d’une réalité toujours touchante, et quelquefois saignante ; car une gouttelette de sang y rose parfois l’eau des larmes… IV Je ne sache rien de plus humain, et de plus humain dans la noblesse de la nature humaine, que ces histoires, qui sont pourtant de la réalité, mais de la réalité choisie, et, sous leur forme fruste, — contraste délicieux !
Mais il n’en est pas moins certain que le Roman, production toute moderne, a pris en ces dernières années une importance et un développement extraordinaires, qu’aucune forme littéraire n’a plus à un égal degré.
Cet homme, je ne dirai pas si naturel, mais si nature, cet artiste d’une forme si sincère et si brave, qui dit tout et n’a peur de rien, qui ne recule devant aucun détail, a — est-ce incroyable ?
En quatre siècles, l’esprit nouveau s’incarna sous trois formes principales : la Renaissance, une aube de vie païenne ; la Réforme, une aube de libre pensée ; la Révolution, une aube de vie sociale.
Elle vainquit, ce me semble, à la faveur de son dialecte, ne se servant pas de la forme dorique comme Pindare, mais de celle que les Éoliens devaient mieux saisir, et aussi parce qu’elle était la plus belle femme d’alors, comme on peut le supposer d’après son portrait. » Ne le cédant qu’à une telle rivale, le poëte thébain n’en passa pas moins pour inspiré.
quel intrépide élan vers toutes les formes du beau ! […] On n’est arrêté par aucune difficulté de pensée, ni retenu par aucune subtilité ou rare beauté de forme. […] Ou n’est-ce pas toujours ce même sentiment, le même instinct, sous des formes diverses ?) […] Anatole France n’est pas non plus un « créateur de formes ». […] Racine a-t-il créé des formes ?
Victor Hugo ont paru, j’ai cru que ces précédents m’obligeaient à un travail analogue, nouvelle protestation contre la littérature immorale et non moins antisociale qu’antireligieuse, et je fis paraître, sous sa première forme, une étude étendue sur ce livre. […] Octave Feuillet pour le courage qu’il a eu de traiter, sous cette forme du roman, la question si grave et si peu romanesque de la croyance religieuse. […] Jules Janin, qui trouve que les femmes peuvent lire sous la forme de poème ce qu’elles n’oseraient pas lire sous la forme du roman ? […] Roger ressemble à ces compagnons d’Ulysse qui, après avoir été changés en pourceaux par les philtres de Circé, ne voulaient plus revenir à la forme humaine. […] En travaillant à consoler, à secourir, à soulager, à diminuer, à sanctifier la misère, il importe de ne pas oublier que ce n’est pas à telle ou telle forme sociale qu’elle est attachée, mais à l’humanité même.
Pour peu qu’on discute, il se forme un cercle, & tout le monde se mêle dans la conversation. […] Cette merveilleuse variété de visages, de rubans & de fleurs, forme un reflet ravissant. […] vous ne verriez par-tout, me répondit-on, que des effets de l’astuce, qui modifiée de mille façons différentes, a pris toutes sortes de formes. […] Ce n’est pas un petit travail que celui de bien arranger des mots, & de leur donner cette cadence qui forme l’harmonie. […] Il n’y auroit que la routine qui pourroit déplaire, & jamais on ne paroît sous la même forme….
Paresse ou impuissance, il n’avait rien innové dans la forme. […] Je suis tenté de les comparer aux chats, lesquels peut-être, malgré les rêveries des littérateurs, ne sont qu’une belle forme souple. […] Letourneur et ses acolytes, les romantiques français et allemands, passèrent çà côté de la poésie shakespearienne et ne s’engouèrent que de la forme. […] Mais le deuil de la Nature revêt aussi dans ce pays une forme de beauté surprenante. […] Mais il était pitoyable aux hommes, et pour se soustraire à leur imprudente curiosité, il savait prendre toutes les formes qui se voient sur la terre.
Il est certain que le dernier propos de Philaminte a au moins la forme et l’allure d’un persiflage. […] Ainsi donc, voulant cependant faire du théâtre, ils ont pris la forme de théâtre qui existait de leur temps et ils y ont mis leur style, qui était beau. — Mais il y en avait deux, de formes de théâtre, en leur temps ! […] Or, tout à fait sans le savoir, le drame des boulevards était shakspearien, non point du tout par le fond, mais par la structure et par la forme extérieure, comme sera shakspearien par la structure et par la forme extérieure tout drame inexpérimenté, irréfléchi et instinctif. […] Elles s’y rencontrent sous la forme un peu plus générale d’« impérialisme ».
À l’un de ses voisins, il confie ses préoccupations littéraires, et les vœux qu’il forme en vain de rencontrer une oeuvre humaine où retentira l’écho de ses propres tourments. « Mais elle existe, cette œuvre ! […] Robert de Traz lui-même, après avoir été un romancier uniquement soucieux de se replier sur soi, préfère maintenant « se courir après au dehors, se rencontrer sous d’autres formes ». […] Le peintre Maurice Denis qui est un ami de Brillant, dont il a illustré un poème, Cantilène pour une sainte, a créé un atelier d’art sacré où il forme le goût de jeunes ouvriers catholiques. […] Et de cette nouvelle conception de la vie, proposée sous la forme littéraire, doit-il naître un lyrisme absolument pur dont on doit faire état, et qui renouvellera l’art ? […] Un progrès d’une importance presque égale apparaissait dans la forme extérieure de la pièce.
Il me semble, en un mot, qu’on peut appliquer à Mirabeau ce que disait Boileau d’un écrivain de son temps : On y trouve la matière d’un grand esprit, mais la forme y manque. […] Nul gouvernement, quelle que soit sa forme et son opinion, ne peut refuser du respect à ce fondateur de la liberté. […] Ils ne savent pas, sous les formes du culte extérieur, pénétrer le fond des vérités éternelles qui maintiennent l’ordre de la société. […] Les Dieux exaucent sa prière ; ils le changent en fleuve, et, sous cette nouvelle forme, ses eaux versent encore l’abondance au pays dont ses vertus avaient fait le bonheur. […] Les arts s’approchèrent du trône, et, pour attacher les yeux du monarque, ils empruntèrent ces formes élégantes et polies, qui n’excluent point la force, mais qui en modèrent l’expression.
Il a pris soin de la résumer, au cours de ce même avant-propos : « Il n’y a qu’un animal qui prend sa forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme, dans les milieux où il est appelé à se développer. […] Une seule fois, nature aux mille visages, tu as su trouver un acteur digne d’un pareil rôle », il donne une forme ironique à un point de vue qui s’accorde bien avec sa philosophie générale. […] Cet amoureux de sa province a été aussi un amoureux des Lettres et qui a eu la curiosité de toutes les formes de la pensée. […] Cette correction disciplinée de la forme, unie à la nouveauté hardie du fond, le met dans la ligne de Flaubert et de Baudelaire qui, l’un et l’autre, furent également de très hardis novateurs dans le choix de la matière traitée par eux, et les élèves des maîtres du passé dans leur facture. […] C’était une des formes de sa défense contre « sa chienne de vie », comme il disait brutalement et trop justement.
Il nous semble que si, par ses audaces et ses rajeunissements de langage, par son culte de la forme retrouvée, Leopardi appartient à l’école des novateurs, il était du moins le classique par excellence entre les romantiques. […] Nous aurons assez d’occasions d’en étudier les traits et la forme tout originale entre les diverses sortes d’incrédulité et de désespoir. […] Chez Leopardi, je le rappelle, pas un mot inutile n’est accordé ni à la nécessité du rhythme ni à l’entraînement de l’harmonie : la simplicité grecque primitive diffère peu de celle qu’il a gardée et qu’il observe religieusement dans sa forme. […] Leopardi, tout en y étant fidèle à lui-même, nous y apparaît sous un nouveau jour : le grand moraliste que recèle tout grand poëte se déclare ici et se développe en liberté sous vingt formes ingénieuses et piquantes.
ce cadre où la critique, au sens exact du mot, n’intervient souvent que comme fort secondaire, n’est dans ce cas-là qu’une forme particulière et accommodée aux alentours, pour produire nos propres sentiments sur le monde et sur la vie, pour exhaler avec détour une certaine poésie cachée. […] Dans une lettre écrite à un respectable pasteur, et qu’elle environna de toutes sortes d’attestations et de certificats en forme signés des bannerets, baillis, châtelains et notaires226, elle s’attacha à démontrer qu’il n’y avait eu chez elle, à Aubonne, ni cheval vendu, ni chien tué, ni portrait déplacé. […] Entre Constance et Joséphine, Émilie, bonne, droite et candide, est à chaque instant obligée, pour rester fidèle à l’esprit même de sa vertu, d’en relâcher, d’en rompre quelque forme trop rigoureuse. […] — Ces paroles presque mystifiantes de Benjamin Constant m’en rappellent une autre qui n’y ressemble qu’extérieurement et pour la forme, mais dont le sens affectueux, judicieux et large, est bien différent : c’est le mot charmant d’une femme que l’avenir aussi connaîtra (Mme d’Arbouville) : « Eh !
Nous boirons dans l’or et l’ambre travaillés, Jusqu’à ce que mon toit tourne autour de nos têtes Emporté par le vertige ; et mon nain dansera, Mon eunuque chantera, mon bouffon fera des mines, Pendant que, sous des formes empruntées, nous jouerons les contes d’Ovide, Toi comme Europe d’abord, et moi comme Jupiter, Puis moi comme Mars, et toi comme Érycine, Le reste ensuite jusqu’à ce que nous ayons parcouru Et fatigué toutes les fables des dieux149. […] La fantaisie surabonde, et aussi le sentiment des couleurs et des formes, le besoin et l’habitude de jouir par l’imagination et par les yeux. […] Puis en déclamations grandioses, il châtie « la vanité mondaine et ses beautés fardées que de frivoles idiots adorent, qu’ils poursuivent de leurs appétits aboyants et altérés, toujours en sueur, hors d’haleine, dressés sur leurs pieds pour saisir ses formes aériennes, à la fin étourdis, pris de vertige, et achetant la joyeuse démence d’une heure par les longs dégoûts de tout le temps qui suivra167. » Alors, pour achever la défaite des vices, paraissent deux mascarades symboliques représentant les vertus contraires. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.
« Entre ces deux personnages s’est montrée, dans toute la pureté idéale de sa forme, Kitty Bell, l’une des rêveries de Stello. […] Les meubles sont faits selon la forme du vaisseau et de la petite chambre qu’on a. […] Je vis deux yeux bleus, démesurés de grandeur, admirables de forme, sortant d’une tête pâle, amaigrie et longue, inondée de cheveux blonds, tout plats. […] — Beaucoup de philosophes embrassent sa cause et la plaident, comme des avocats généreux celle d’un client pauvre et délaissé ; leurs écrits et leurs paroles aiment à s’empreindre de ses couleurs et de ses formes, leurs livres aiment à s’orner de ses dorures gothiques, leur travail entier se plaît à faire serpenter, autour de la croix, le labyrinthe habile de leurs arguments ; mais il est rare que cette croix soit à leur côté dans la solitude. — Les hommes de guerre combattent et meurent sans presque se souvenir de Dieu.
Pour se convaincre de ce que j’avance sur l’opinion peu relevée qu’on se forme communément dans le monde de l’état des gens de lettres, il suffira de faire attention à l’espèce d’accueil qu’ils y reçoivent pour l’ordinaire. […] La forme trop ordinaire de nos épîtres dédicatoires est une des choses qui ont le plus avili les lettres. […] Le cardinal de Richelieu avait donné à l’Académie Française une forme très simple et très noble, mais aussi c’était le cardinal de Richelieu. Il sentit, malgré le système de despotisme dont il était rempli et qu’il étendait si loin, que la forme démocratique convenait mieux qu’aucune autre à un État tel que la république des lettres qui ne vit que de sa liberté ; cet homme rare qui connaissait le prix des talents, voulut que dans l’Académie Française l’esprit marchât sur la même ligne à côté du rang et de la noblesse, et que tous les titres y cédassent à celui d’homme de lettres.
C’est Tacite, dans sa forme sévère, qu’il s’est proposé d’imiter. […] Il s’est dégagé de ces premières exagérations de la forme et de la pensée que nous avons tous, plus ou moins longtemps, quand nous sommes forts, et qui sont moins les coquetteries et les enfantillages de la force que ses ivresses. […] » La forme oratoire de ce ferme jugement sur l’ancien orateur de la gauche n’en a pas compromis l’exactitude. […] Cette grande langue pure du xviie siècle revenait à travers les formes haletantes du journalisme pour les étendre et les élever, et ce qui n’était, jusque-là, que de la puissance, devenait alors de la beauté !
Mais cette fois nous sommes devant la forme définitive de la théorie de la Relativité. […] Ainsi s’efface la forme paradoxale qui a été donnée à la théorie de la pluralité des Temps. « Supposez, a-t-on dit, un voyageur enfermé dans un projectile qui serait lancé de Terre avec une vitesse inférieure d’un vingt millième environ à celle de la lumière, qui rencontrerait une étoile et qui serait renvoyé à la Terre avec la même vitesse. […] Sans doute le théoricien de la Relativité entend donner aux lois de la nature une expression qui conserve sa forme, à quelque système de référence qu’on rapporte les événements. […] C’est toujours, en M′ et en P′, le même couple d’événements qui forme avec un certain événement en N′ le présent de Paul situé en ce dernier point.
Balzac, dans son xxxie entretien, ne nous le dit pas moins nettement ; après avoir parlé de cette première forme indigeste et avide qu’avait prise chez nous l’imitation des anciens : Les imitations de Malherbe, remarque-t-il, sont bien moins violentes, sont bien plus fines et plus adroites, il ne gâte point les inventions d’autrui en se les appropriant. […] Ne forme que de saints désirs, Et te sépare des plaisirs Dont la molle douceur te fait aimer la vie.
Aujourd’hui le fils du comte Roederer a pensé que le plus digne hommage à rendre à la mémoire de son père était de recueillir ses œuvres, en les présentant sous la même forme d’une demi-publicité qui leur laissât un caractère d’amitié et de famille. […] Quarante-huit ans après, c’était le même homme qui publiait son Mémoire sur la société polie ; ce qui faisait dire à M. de Talleyrand, parlant au fils de l’auteur : « Il y a une chose remarquable dans la vie de votre père, et qui n’est peut-être arrivée à personne avant lui, c’est qu’à cinquante ans de distance il a publié deux ouvrages, dont le premier a fondé sa réputation, et dont le second vient de la couronner. » En même temps et aux approches de 89, Roederer avait l’habitude et le besoin d’écrire sous forme plus courante et plus brève sur toutes les questions du jour, sur les événements ou conflits qui occupaient à Metz l’attention publique : en un mot, comme Franklin, il était par nature et par goût journaliste ; il le sera pendant une grande partie de sa vie, et conciliera, tant qu’il y aura moyen, ce genre de publication avec les hauts emplois et les dignités même de l’État.
Il y a de ces entretiens dont la forme et le sujet font sourire, comme le jour où saint Louis demande à Joinville « lequel il aimerait mieux d’être lépreux ou d’avoir fait un péché mortel » ; et Joinville, qui est naturel avant tout, répond à l’instant qu’il aimerait mieux en avoir fait trente, d’où suit une douce réprimande de saint Louis, mais en tête-à-tête pour plus de délicatesse et quand ils sont seuls. […] Saint Louis aimait évidemment cette forme d’apologue et de parabole.
Chose rare à la Cour, elle aimait la joie pour elle-même : « La joie est très bonne pour la santé, pensait-elle ; ce qui est sot, c’est d’être triste. » Elle rompait la monotonie des formes cérémonieuses, des menuets en tout genre, des longs repas silencieux. […] C’est, pour n’en citer qu’un exemple, au calvinisme du malheureux électeur Frédéric V, grand-père de la duchesse d’Orléans, qu’il faut attribuer en grande partie la froideur avec laquelle les États luthériens d’Allemagne accueillirent l’élection de ce prince au trône de Bohême, et le peu d’appui qu’ils lui prêtèrent après sa défaite. — Ce fut, me dit-on encore de bonne part, un des ancêtres de Madame, l’électeur Frédéric III, qui se fit réformé vers 1560 et qui introduisit une forme de culte et de symbole, non pas exactement calviniste, mais plutôt zwinglien, et dont le Catéchisme de Heidelberg est l’expression.
Daru, dans une longue lettre motivée qu’il adressa à l’auteur de L’Année littéraire, et qui, je crois, n’a pas été publiée, conteste avec politesse la prompte conclusion du critique ; il insiste sur un point, c’est que, pour traduire fidèlement, il ne suffit pas de bien rendre le sens de l’original, mais qu’il faut encore s’appliquer à modeler la forme de l’expression : « Pour ne pas sortir de notre sujet, dit-il, un traducteur de Cicéron qui aurait un style sautillant serait-il un traducteur fidèle ? […] ………………………… Un peu plus de concision et de contraste dans les idées, un peu plus de relief d’expression, plus d’exactitude de forme et de rime, eussent fait de la pièce entière une de ces pages légères et durables qui survivent.
Le nombre s’est fort accru depuis, et en février 1847 on écrivait de Padoue que le comte Léopold Ferri venait de mourir en cette ville, laissant une bibliothèque unique en son genre, exclusivement composée d’ouvrages écrits par des femmes en toutes langues et de tout pays : « Cette bibliothèque, disait-on, forme près de trente-deux mille volumes. » Dorénavant, il ne faudra plus essayer de compter. […] Accoutumée d’ailleurs à révérer l’Antiquité sous toutes ses formes, à reconnaître aux grands hommes, aux grands écrivains du paganisme des qualités et des vertus qui étaient un acheminement vers la morale chrétienne, elle trouvait mieux à concilier les objets de son admiration et de son culte dans la pleine et large doctrine de l’ordre catholique, dans cette voie latine qui ramène encore au Capitole, que dans ces autres voies plus strictes et particulières où la Réforme prise au sens de Calvin l’eût tenue confinée113.
Balzac avait précédé Voiture dans la réputation et aussi dans l’art d’écrire ; l’invention en tout est chose si rare, si peu à la volonté de chacun, que même lorsqu’elle ne porte que sur la forme, il faut en savoir un gré infini à ceux qu’elle a une fois visités. […] Quoi qu’il en soit, il était bien le créateur de sa forme et, à sa date, le père du style noble et nombreux.
Signé : Benjamin de Rohan. » Forcé de se rendre après vingt-quatre jours de siège (24 juin 1624), en vertu d’une capitulation qui eut la forme de lettres de grâce, Soubise, bien qu’en sortant il eût demandé pardon au roi à deux genoux, alla immédiatement, dans cette même guerre et cette année même, continuer l’œuvre de résistance et de révolte dont il ne se départit jamais. […] Réfugié en Angleterre dans les intervalles des trêves, revenant avec les vaisseaux anglais qu’il s’efforçait d’introduire à La Rochelle, conducteur et pilote obstiné de l’étranger en ces parages, toute sa conduite en ces années éclaire d’un jour fâcheux et laisse à découvert par son côté le plus vulnérable la politique de Rohan, de cet aîné avec qui il était d’accord et unanime, avec qui il se concertait sans cesse, sauf à en être désavoué pour la forme en quelques occasions.
Maupertuis, jeune, ancien capitaine de cavalerie, converti à la géométrie et aux sciences, eut alors son moment d’éclat et de faveur, surtout lorsqu’au retour de son voyage dans le Nord, où il était allé vérifier par ses mesures la forme assignée à cette région de la terre par Newton, il eut incidemment tant de choses à raconter sur les Lapons et les Lapones. […] Je travaille à inoculer les arts sur une tige étrangère et sauvage ; votre secours m’est nécessaire ; c’est à vous de savoir si l’emploi d’étendre et d’enraciner les sciences dans ces climats ne vous sera pas tout aussi glorieux que celui d’apprendre au genre humain de quelle forme était le continent qu’il cultive ?
Ennemi déclaré des formes religieuses et de tout emblème, il aurait même voulu anéantir jusqu’aux traces d’un passé odieux, faire table rase sur le sol de la France et ne rien laisser debout de tous les monuments que l'art et la science historique, au défaut de la foi, conservent et vénèrent ; il était de la bande noire en cela. […] J’en viens au récit qu’il a donné lui-même de ses premières années, récit très simple, très naturel, je l’ai dit, philosophique d’impression et de résultat, mais nullement révolutionnaire de forme et de langage.
Cousin, il lui accorde toutes les prétentions et presque toutes les conclusions de ses brillants ouvrages, et, après avoir proclamé le chef-d’œuvre, il n’apporte dans le compte rendu aucun de ces correctifs de détail qui seraient nécessaires à chaque instant pour remettre le lecteur dans le vrai ; car selon la parole d’un des hommes qui connaissent le mieux l’illustre auteur, « c’est un des esprits qui ont le plus besoin de garde-fou ; et quand ce n’est pas dans le fond, c’est dans la forme, il excède toujours. » Mais M. de Pontmartin, une fois qu’il a pris parti pour quelqu’un, n’est pas homme à mettre des garde-fous d’aucun côté ; il les ôterait plutôt ; il lui suffit qu’un courant général de spiritualisme élevé le rapproche de M. […] Cuvillier-Fleury, ancien adversaire orléaniste, il s’est laissé aller au-delà du juste depuis le rapprochement qui s’est opéré entre eux, ce qui a fait dire à quelqu’un : « Cuvillier-Fleury et Pontmartin sont deux politiques sous forme littéraire, qui, même quand ils ont l’air de se faire des chicanes, se font des avances et des minauderies, et qui tendent sans cesse à la fusion sans y arriver jamais. » Tous deux hommes d’ancien régime, c’est à qui désormais rivalisera de courtoisie avec l’autre, pour montrer qu’il n’est pas en reste et qu’il sait vivre.
Mme d’Albany était, je le répète, une personne de son siècle ; sa forme d’esprit, si agréablement revêtue dans la jeunesse, était surtout modérée, judicieuse, capable d’expérience en avançant, et même positive. […] Là où M. de Chateaubriand n’a vu que l’enveloppe et la forme, M. de Lamartine a senti et discerné le rayon.
Il y vit pour la première fois le jeune duc qui devait être le grand adversaire de sa vie, son élève dans cette prochaine guerre, puis son rival, son vaincu, son dupeur éternel, celui avec qui il aura maille à partir sous toutes les formes et avec qui son écheveau devra s’entremêler et se brouiller sans cesse. […] Par égard pour les conseillers amis, et comme concession dernière, il fut demandé qu’on n’imposât pas du moins un temps déterminé pour la vente des maisons et des terres ; cette idée d’un répit qu’on ne proposait, du reste, que pour la forme, et sans aucune espérance, ne fut pas même discutée à Turin.
C’est ainsi, disait-il, que, dans nos assemblées politiques, à la Chambre des députés, par exemple, la forme théâtrale de la salle, cette tribune au centre, sur laquelle il faut monter de huit à dix marches, après avoir parcouru l’enceinte, ne permettent plus de faire une réflexion simple, pratique et judicieuse, mais forcent à prononcer un discours, à se guinder à la hauteur de l’appareil, à être déclamatoire et pompeux, au grand préjudice du bon sens et du temps. […] Il s’y forme une sorte d’esprit public.
Mes projets de retour ne sont pas encore fixés : ils dépendent un peu de ceux que l’on forme à Néris, où j’irai passer quelques jours. […] Quand on parle de goût et qu’on célèbre celui de l’ancienne société, celui de quelques hommes en particulier dont M. de Talleyrand était comme le type accompli, il faut bien s’entendre et se garder de confondre le goût social et le goût littéraire ; car en matière de littérature et surtout de poésie, ces gens d’esprit en étaient restés aux formes convenues de leur jeunesse et aux lieux communs de leur éducation première ; on en a une singulière preuve dans la lettre suivante : « 18 (août 1828) Bourbon.
Lors de la renaissance des lettres, ce culte pour les prédécesseurs s’est renouvelé sous plus d’une forme, parfois singulière, et il suffit de rappeler ce noble vénitien Naugerius qui, dans son adoration pour Catulle, brûlait chaque année quelques exemplaires de Martial en son honneur. […] « La prétention d’avoir trop péché n’est qu’une forme de la vanité qui se glisse jusque dans le repentir. » C’est un moraliste de l’école de La Rochefoucauld qui a dit cela.
Quand je dis que ce qui dominait chez Benjamin Constant à travers tant de diversités et de formes spécieuses, c’était l’esprit, je n’oublie pas l’espèce de sensibilité dont il fournit un si singulier exemple, et qu’il a personnifiée dans Adolphe. […] Était-ce donc la peine, en débutant, de venir intenter un procès en forme contre un travail par lequel, M.Gaullieur certainement, et moi peut-être après lui (puisqu’on veut m’y mêler), nous pouvions croire avoir bien mérité de l’histoire littéraire contemporaine et des futurs biographes de Benjamin Constant en particulier ?
L’unité de cette Correspondance, que quelques suppressions eussent mieux fait ressortir, est dans l’amitié de deux jeunes filles, dans cette amitié d’abord passionnée, au moins chez Mlle Phlipon, et qui, partie du couvent avec ses petits orages, ses incidents journaliers, ses hausses et ses baisses, s’en vint, après quelques années, expirer au mariage : et quand je dis expirer, je ne veux parler que de la forme vive et passionnée, car le fond subsista toujours. […] C’est que La Blancherie, ce jeune sage, cet ami de Greuze, avec ses vers, ses projets, ses conseils de morale aux pères et mères de famille, représentait précisément dans sa fleur le lieu commun du romanesque philosophique et sentimental de ce temps-là ; or le romanesque, près d’un cœur de jeune fille, fût-elle destinée à devenir Mme Roland, a une première fois au moins, et sous une certaine forme, bien des chances de réussir.
Le maître de tout, l’instituteur et le législateur des formes de l’expression humaine n’est pas autre que l’instinct, cette révélation sourde, mais impérieuse et pour ainsi dire fatale de la nature dans notre être et dans tous les êtres. […] et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.
Car les Dieux, qui prennent toutes les formes, passent souvent par les villes, semblables à des étrangers errants, afin de reconnaître la justice ou l’iniquité des mortels. » — Apollonios de Rhodes raconte qu’un jour, Héra, déguisée en vieille femme, pleurait et se lamentait sur le rivage de l’Anauros gonflé par les neiges, « pour éprouver la bonté des hommes ». […] Sysiphe, roulant vers un sommet son rocher qui retombe sur lui dès qu’il va l’atteindre, le reproduit sous une autre forme.
Ce petit-fils, comme beaucoup de jeunes gens, s’irrite et se cabre d’indignation contre ce qu’il voit : il croit que jamais forme d’hypocrisie humaine n’a été plus odieuse que celle dont il est témoin, et qu’il n’y a plus, si on ne peut la vaincre, qu’à se sauver, comme Alceste, dans les bois : Non, lui répond la spirituelle grand-mère, il ne faut que faire le raisonnement que je me suis fait quand j’avais encore besoin de raisonner. […] Il perdit des amis dont il ne s’était jamais séparé un seul jour ; il était devenu vieillard, lui qu’on ne s’habituait guère à se figurer que sous la forme de la gentillesse et de la jeunesse de l’esprit.
Dès l’abord, on voit que si Mallet est partisan des gouvernements mixtes et des monarchies tempérées ; que si, élevé et nourri dans sa petite république au sein des troubles populaires, il en a conclu que les gouvernements mixtes sont « les seuls compatibles avec la nature humaine, les seuls qui permettent la rectitude et la stabilité des lois, les seuls en particulier qui puissent s’allier avec la dégénération morale où les peuples modernes sont arrivés », on voit, dis-je, que si sa profession de foi est telle, ce n’est pas qu’il méconnaisse le principe puissant et la force transportante de la démocratie : bien au contraire, et c’est pour cela qu’il la redoute : il ne faut pas s’y méprendre écrit-il, de toutes les formes de gouvernement, la démocratie, chez un grand peuple, est celle qui électrise le plus fortement et généralise le plus vite les passions. Elle développe cet amour de la domination qui forme le second instinct de l’homme ; rendez-lui aujourd’hui l’indépendance, demain il l’aimera comme moyen d’autorité, et, une fois soustrait à la puissance des lois, son premier besoin sera de l’usurper.
Les humeurs vagues de mécontentement public sont très promptes, en ces heures de crises, à se prendre d’émulation, à se déterminer par l’exemple du voisin et à affecter la forme du mal qui règne et circule. […] Il fait voir que tout dernièrement, du côté de la Cour, on avait, avec une insigne maladresse, mis le Parlement en demeure de définir ces cas où l’on pouvait désobéir et ceux où on ne le devait pas faire : « Ce fut un miracle que le Parlement ne levât pas dernièrement ce voile, et ne le levât pas en forme et par arrêt ; ce qui serait bien d’une conséquence plus dangereuse et plus funeste que la liberté que les peuples ont prise depuis quelque temps de voir à travers. » La conclusion de ce discours mémorable est de viser à réconcilier Condé avec le Parlement, sans le séparer absolument de la Cour, de lui proposer un rôle utile, innocent, nécessaire, qui le ferait le protecteur du public et des compagnies souveraines, et qui éliminerait infailliblement le Mazarin : c’était toujours compter sans le cœur de la reine.
Le tout forme un ensemble de documents, de notes, d’instructions émanées directement du cabinet de Louis XIV, et qui jettent la plus grande lumière, et sur ses actes mêmes et sur l’esprit qui y a présidé. […] La forme de son esprit est d’être judicieux et raisonneur : c’est un esprit positif, qui aime les affaires, qui y trouve de l’agrément par l’utilité, et qui tient compte des faits dans le plus grand détail.
C’est ainsi qu’ayant lu les Mémoires de Madame, mère du Régent, il dira (1822) : « On voit bien là ce que c’est que la Cour ; il n’y est question que d’empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution : ils vivaient vraiment pêle-mêle. » Ce n’est certes pas moi qui défendrai la Cour, mais on a droit de dire à Courier : Élargissez votre vue, voyez l’homme indépendamment des classes, reconnaissez-le partout le même, sous les formes polies ou grossières. […] Ainsi, dans ces bois si célébrés par Courier en ses pamphlets et gazettes villageoises, et dont il faisait un asile de bonnes gens, il y avait place, sous forme grossière, pour les Euménides.
Pour juger du livre de Considérations qu’il leur a consacré, il y aurait à examiner ce qui a été dit avant lui sur ce sujet, à rendre à Machiavel, à Saint-Évremond, à Saint-Réal, ce qui leur est dû ; et, pour la forme, on aurait à rapprocher du discours historique de Montesquieu le discours même de Bossuet. […] Son secrétaire et sa fille lui faisaient les lectures qu’il ne pouvait plus faire lui-même : « Je suis accablé de lassitude, écrivait-il (31 mars 1747) ; je compte de me reposer le reste de mes jours. » L’idée d’ajouter à son ouvrage une digression sur l’origine et les révolutions des lois civiles en France, ce qui forme les quatre derniers livres de L’Esprit des lois, ne lui vint que tout à la fin : J’ai pensé me tuer depuis trois mois, disait-il (28 mars 1748), afin d’achever un morceau que je veux y mettre, qui sera un livre de l’origine et des révolutions de nos lois civiles de France.
Bouhours, ce sont des retours sur lui-même trop marqués ; & une trop grande attention à faire connoître ses propres qualités dans la peinture avantageuse qu’il fait de ses interlocuteurs ; (car son livre est en forme d’entretien.) […] Le Pere Buffier, autre Jésuite, a donné une forme moins agréable, mais plus solide, à son Traité philosophique & pratique de l’Eloquence, à Paris chez le Clerc 1728.
Puis ce désir d’« intégration » a pris une autre forme, car mon socialisme procédait de là pour une large part. […] Sa liberté d’esprit, son isolement, sa nature fine et noblement voluptueuse sont tout de même une forme de courage bien élégante et bien forte.
Si nous voulions exprimer par une brève formule que les rapports du nationalisme et de l’Inter-nationalisme sont dominés par le même principe que ceux de l’être humain et du « grand être » social, nous pourrions dire que : individu et corps social, nationalisme et inter-nationalisme, ne sont que des formes de ce problème général : vie intérieure et vie extérieure, ou plus clairement : individualisme et solidarité. […] Si l’on y voit une fusion complète des corps sociaux en une seule nation, la nation humaine, si l’on envisage les affinités d’individus et de groupes sous la forme d’un collectivisme universel, il est naturel que cette expression paraisse absurde ; mais il s’agit de toute autre chose.
À des degrés inférieurs, il est encore d’honorables places à saisir ; et, quoique le talent se laisse peu conseiller à l’avance, quoiqu’il appartienne à lui seul, dans ce fonds tant de fois remué, mais non pas épuisé, de l’observation naturelle et sociale, de découvrir de nouvelles formes et des aspects imprévus, qu’on nous permette d’exprimer ce seul vœu : c’est qu’il revienne enfin et qu’il s’attache désormais à étudier une nature humaine véritable, une nature saine et non corrompue, non raffinée ou viciée à plaisir, une nature ouverte aux vraies passions, aux vraies douleurs, sujette aux ridicules sincères, malade, quand elle l’est, des maladies générales, et naturelles encore, que tous comprennent, que tous reconnaissent et doivent éviter.
— La vraie originalité de Musset est d’avoir ramené l’esprit dans la poésie, en y mêlant la passion ; son tort grave est d’avoir relâché et presque dissous la forme.
M. de Vigny a fait essentiellement une œuvre de mémoire qu’il a revêtue de formes dramatiques à l’aide de son imagination.
« Le seul art dont j’oserais soupçonner madame de Sévigné, dit madame Necker, c’est d’employer souvent des termes généraux, et, par conséquent, un peu vagues, qu’elle fait rassembler, par la façon dont elle les place, à ces robes flottantes, dont une main habile change la forme à son gré. » La comparaison est ingénieuse ; mais il ne faut pas voir un artifice dans cette manière de madame de Sévigné, non plus que dans celle de mesdames des Ursins et de Maintenon : c’est la manière de l’époque et l’un des mérites inséparables de son style.
Comme les formes brusques donnent quelquefois plus de piquant à la louange, la gaieté de la plaisanterie ressort par la gravité de son auteur51.
J’ajouterai, par forme de digression, que la tragédie là plus passable de notre époque est en Italie.
Il n’est point une image, point une exclamation, une apostrophe, une prosopopée qu’on en puisse faire disparaître sans dommage : ce n’est pas la forme qui en souffrirait dans son élégance ou sa beauté, c’est surtout le fond, qui ne serait plus suffisamment exprimé, et quelque chose manquerait à la clarté lumineuse ou à l’énergie persuasive du discours.
A une époque où le génie français s’épanchait avec une magnifique intempérance, au temps de la poésie romantique, au temps des romans débordés, Mérimée, comme Stendhal (mais avec plus de souci de l’art), restait sobre et mesuré, gardait tout le meilleur de la forme classique en y enfermant tout le plus neuf de l’âme et de la philosophie de notre siècle.
Son romanesque philosophique et socialiste est encore, à le bien prendre, une des formes de sa bonté.
Bref, il entre dans l’image que la foule se forme de lui nombre de traits aussi étrangers que possible à sa véritable physionomie, et il lui est arrivé d’être loué pour des choses dont il a toujours eu profondément horreur.
Mais on souffre ; et, par la porte de la souffrance, entrent la réflexion, la curiosité, l’inquiétude et l’appréhension de l’inconnu et, sous une forme ou sous une autre, l’idéalisme, et le rêve, et des besoins d’expliquer ce qui échappe aux sens… À partir d’un certain moment, cela est visible, Maupassant s’attendrit.
C’étaient là des exagérations, que réfutait suffisamment la forme dubitative du dernier message de Jean 576.
Gide, très vagabond, moins par ses écrits sans doute que par ses entretiens légers, a modifié les formes de deux ou trois auteurs.
C’est un siège en forme qu’il est obligé de faire.
C’est du prêtre de Carthage que Bossuet a emprunté ce passage si terrible et si admiré : « Notre chair change bientôt de nature, notre corps prend un autre nom ; même celui de cadavre, dit Tertullien, parce qu’il nous montre encore quelque forme humaine, ne lui demeure pas longtemps ; il devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue 187 : tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu’à ces termes funèbres par lesquels on exprime ses malheureux restes !
Il faut sçavoir quelle forme le caractere d’esprit particulier à certains hommes, donne aux sentimens communs à tous les hommes.
Vous mettez tout le monde en droit de leur faire leur procès, même sans rendre aucune raison de son jugement, au lieu que les autres sçavans ne sont jugez que par leurs pairs, qui sont encore tenus de les convaincre dans les formes avant que d’être reçus à prononcer leur condamnation.
Les notres ne sont point sujets à de pareils orages, et le calme et l’ordre y regnent avec une tranquilité qu’il ne sembloit pas possible d’établir dans des assemblées qu’une nation aussi vive que la nôtre forme pour se divertir, et où une partie des citoïens vient armée et l’autre désarmée.
Il lui semble qu’il n’existe qu’une forme de société possible : la sienne, et il ne songe pas à se fatiguer l’imagination à rêver d’une autre organisation sociale.
… Avec leurs formes scolastique, leur rêverie perpétuelle, leur dogmatisme intrépide, que sont les Allemands eux-mêmes ?
Elles ne lui appartiennent ni par la date ni par l’inspiration, qui fut la grande inspiration du xixe siècle, l’inspiration de 1830, désormais épuisée ; car l’Esprit qui renouvelle les littératures, et qui ne souffle qu’à son heure, varie ses manières de souffler et ne descend point sur deux têtes ou sur deux époques sons la même forme de langue de feu… Il nous faut donc laisser là les réimpressions d’œuvres anciennes et d’œuvres posthumes qui ont aussi leur ancienneté.
En effet les gouvernements doivent être conformes à la nature des gouvernés (axiome 69) ; les gouvernements sont même un résultat de cette nature, et les lois doivent en conséquence être appliquées et interprétées d’une manière qui s’accorde avec la forme de ce gouvernement.
que ne reprends-tu ta forme de ver de terre pour que je puisse t’écraser du pied ! […] Lisons ensemble quelques scènes de ce tableau aussi homérique par la forme qu’il est flamand ou allemand par le fond. […] Goethe, en cela, participait beaucoup du génie de Machiavel, de Bacon, de Voltaire, de M. de Talleyrand, hommes très supérieurs en intelligence, très inférieurs en conscience, mais professant tout haut ou tout bas, à l’égard des formes sociales, la politique du mépris ; politique selon nous coupable, parce qu’elle désespère, mais politique bien explicable par le spectacle des impuissances éternelles des sages à améliorer la condition des insensés.
Ils veulent que leur civilisation dure comme un monument : ils savent que rien ne dure dans les mobiles démocraties, gouvernements des passions et des caprices du peuple ; la hiérarchie est en tout la forme de l’ordre et la condition de la durée. […] Nous croyons que la forme fédérative, cette république de nations, est la seule forme qui assurera dignement la durée de l’indépendance italienne, et la seule aussi qui ne livre pas à l’Angleterre une position continentale neuve et menaçante contre nous au midi de l’Europe.
C’est un homme qui a plus de bonheur à admirer les autres qu’à être admiré lui-même ; qui demande pardon de son mérite à ceux qui en ont souvent moins que de prétention, et qui, ne briguant aucun renom pour lui, forme ce milieu anonyme, atmosphère vivante de ceux qui parlent ou écrivent, la galerie qui applaudit, la critique, le parterre des lettres, sans lequel il n’y aurait point de lettres dans un pays, le nom collectif, un des noms de ce public d’élite enfin qui n’affecte aucune gloire, mais qui la donne à une nation, dont la première gloire est d’aimer ceux qui d’une part de leurs noms lui font un surnom national et immortel. […] Ajoutons que ces esprits exquis sont en général des esprits classiques, adorateurs des traditions, imitateurs des modèles transmis par les âges, traducteurs des chefs-d’œuvre que l’antiquité nous a légués ; répugnant aux innovations de style toujours un peu désordonnées ou hasardeuses et faisant dresser l’oreille au goût, conservateurs un peu timides des formes du style ; ayant le culte respectueux du beau antique, sans en avoir le fanatisme ; classiques, en un mot, de caractère, d’éducation, d’habitude, derrière lesquels on peut marcher un peu lentement, mais avec lesquels on ne risque pas de s’égarer ; des guides des lettres, en un mot. […] Une faible brise de l’ouest amena l’Estafette à l’abri de l’écueil qui forme à lui seul la rade de la ville, depuis que le célèbre prince des Druses, Fakhr-el-din (Facardin), en a fait combler le port pour éloigner les flottes turques.
Ce poëme, reçu dans le temps comme une œuvre du génie épique de la France, n’avait rien de la véritable épopée que le titre et la forme. […] Il y nourrit sa poésie de l’histoire, de la philosophie, de la science ; ses vers ne furent que la forme de ses connaissances et de ses idées. […] XVI Il touchait à sa soixantième année ; sa santé toujours souffrante, quoique pleine de cette éternelle séve d’esprit qui est la vie sous la forme de l’activité morale, lui faisait un besoin de la solitude.
Le soin même qu’il prend de cacher, sous la forme de conjectures, sa foi si ferme dans l’avenir illimité de la science, nous gagne à cette foi, et ajoute au plaisir d’apprendre des découvertes accomplies une féconde curiosité des découvertes futures. […] Telles sont, au dix-septième siècle, les trois formes sous lesquelles le doute, divers selon les écrivains qui le personnifient, s’est attaqué à l’antiquité chrétienne. […] Il vaut mieux les aller lire inscrites dans les codes qui régissent notre société libre, dégagées de toute polémique, sous la forme de simples et pacifiques affirmations.
Le roi confère gravement, longuement, comme d’une affaire d’État, du rang des bâtards ; et pour établir ce rang, voici ce qu’on imagine : « Il faut donner à M. le duc du Maine « le bonnet comme aux princes du sang qui depuis longtemps ne l’est plus aux pairs, mais lui faire prêter le même serment des pairs, sans aucune différence de la forme ni du cérémonial, pour en laisser une entière à l’avantage des princes du sang qui n’en prêtent point ; et pareillement le faire entrer et sortir de séance tout comme les pairs, au lieu que les princes du sang traversent le parquet ; l’appeler par son nom comme les autres pairs, en lui demandant son avis, mais avec le bonnet à la main un peu moins baissé que pour les princes du sang qui ne sont que regardés sans être nommés ; enfin le faire recevoir et conduire en carrosse par un seul huissier à chaque fois qu’il viendra au Parlement, à la différence des princes du sang qui le sont par deux, et des pairs dont aucun n’est reçu par un huissier au carrosse que le jour de sa réception, et qui, sortant de la séance deux à deux, sont conduits par un huissier jusqu’à la sortie de la grande salle seulement. » N’allons pas plus loin : de 1689, on aperçoit 1789. […] Saint-Simon se figure le détail précis, les angles des formes, la nuance des couleurs, et il les note avec une netteté de peintre ou de géomètre ; je cite tout de suite, pour être précis et l’imiter ; il s’agit de la Vauguyon, demi-fou, qui un jour accula madame Pelot contre la cheminée, lui mit la tête en ses deux poings, et voulut la mettre en compote. […] Nous n’imaginons les objets que par ces précisions et ces contrastes ; il faut marquer les qualités distinctives pour rendre les gens visibles ; notre esprit est une toile unie où les choses n’apparaissent qu’en s’appropriant une forme arrêtée et un contour personnel.
Gautier a eu la nostalgie des formes magnifiques où vécut jadis l’humanité. […] Il se souvint que la duchesse de Buckingham avait vu, en 1628, sous la forme d’un oiseau, son mari assassiné à Portsmouth par John Felton. […] Ses affaires de famille ne vont pas mal… Il consent presque à voir, dans l’Église nationale de France, la forme morale et idéale de la patrie. […] Ces entretiens, dont la forme est tour à tour divinement caressante et diaboliquement brutale, sont, pour l’historien de ce pauvre M. […] Il a regardé, là-bas, dans ce coin du Midi, une des formes locales que prend la lutte universelle de l’humanité contre les puissances aveugles.
Pour que la grande rénovation humaine qui soulève au seizième siècle toute l’Europe pût s’achever et durer, il fallait que, rencontrant une autre race, elle développât une autre culture, et que d’une conception plus saine de là vie elle fît sortir une meilleure forme de civilisation. […] Pour eux le modèle idéal s’est déplacé ; il n’est plus situé parmi les formes, composé de force et de joie, mais transporté dans les sentiments, composé de véracité, de droiture, d’attachement au devoir, de fidélité à la règle. […] Une nouvelle Église paraît, et avec elle un nouveau culte ; les ministres de la religion changent de rôle, et l’adoration de Dieu change de forme ; l’autorité du clergé s’atténue, et la pompe du service se réduit ; elles se réduisent et s’atténuent d’autant plus, que l’idée primitive de la théologie nouvelle est plus absorbante, tellement, qu’il y a des sectes où elles disparaissent tout à fait. […] En revanche, et justement en vertu de cette même structure d’esprit, Taylor imagine les objets, non pas vaguement et faiblement par quelque indistincte conception générale, mais précisément, tout entiers, tels qu’ils sont, avec leur couleur sensible, avec leur forme propre, avec la multitude de détails vrais et particuliers qui les distinguent dans leur espèce. […] Comme les enfants, les paysans et tous les esprits incultes, il change les raisonnements en paraboles ; il ne saisit les vérités qu’habillées d’images ; les termes abstraits lui échappent ; il veut palper des formes et contempler des couleurs.
Sophocle, tout fécond qu’il semble avoir été, tout humain qu’il se montra dans l’expression harmonieuse des sentiments et des douleurs, Sophocle demeure si parfait de contours, si sacré, pour ainsi dire, de forme et d’attitude, qu’on ne peut guère le déplacer en idée de son piédestal purement grec. […] Il ajoute à l’éclat de cette forme majestueuse du grand siècle ; il n’en est ni marqué, ni particularisé, ni rétréci ; il s’y proportionne, il ne s’y enferme pas. […] Malherbe, homme de forme, de style, esprit caustique, cynique même, comme M. de Buffon l’était dans l’intervalle de ses nobles phrases, Malherbe, esprit fort au fond, n’a de chrétien dans ses odes que les dehors ; mais le génie de Corneille, du père de Polyeucte et de Pauline, est déjà profondément chrétien. […] Balzac, bel esprit vain et fastueux, savant rhéteur occupé des mots, a les formes et les idées toutes rattachées à l’orthodoxie. […] Le mot love employé par Shakspeare, à l’égard du jeune seigneur dont il est l’ami, n’est sans doute qu’une forme de la politesse de cour, telle qu’elle se pratiquait au xvie siècle.
Mardi 3 mars À mon réveil, lecture d’un article de L’Événement, qui, sous des formes polies, et, avec des révérences même, révèle une sourde hostilité. […] Il y avait devant une des toiles de Bastien-Lepage, une de ces femmes à la blancheur chaude, coiffée au haut de la tête, d’un petit toquet d’astrakan, une femme aux traits aigus, émaciés, spiritualisés, au menton de galoche annonçant une résolution entêtée, aux formes d’un jeune éphèbe plutôt que d’une demoiselle, et terminée par une paire de grosses bottines canaille. […] Dimanche 3 mai En mon grenier, ce matin, je regardais dans une bouteille de bronze, à la forme élancée, au long col, à la patine sombre, et dont toute l’ornementation est faite, d’une mouche posée sur le noir métal, je regardais, sans en pouvoir détacher mes yeux, une dragonne, cette fleur turgide et déchiquetée, aux stries rouges dans son étoilement jaune impérial, une fleur qui a l’air d’un rinceau de décor, d’une astragale en train de fleurir. […] Samedi 19 décembre À cette heure, il y a une mode exaspérante, la mode adoptée par la population parisienne, et la population parisienne distinguée, de manger dans de mauvais décors d’Ambigu-Comique, dans ces tavernes à la restauration de carton moyenâgeuse, aux lustres flamands où brûle du gaz, aux glaces avec leurs encadrements de papier gaufre, aux affreux bahuts qui se vendent dans les envois de Hollande ouvrant la saison de l’hôtel des commissaires-priseurs, aux petits carreaux avec leurs enchâssements de plomb, aux fourchettes en maillechort, ayant la forme de trèfle. […] Là dedans, entre un lit, une chaise et une table, trois uniques objets : 1º une malle, où sont collectionnés tous les articles, où on le traite de drôle, et qu’il relit pour s’exalter ; — 2º une forme pour ses souliers que déforment ses monstrueux oignons, et qu’un cordonnier charitable lui a donnée ; — 3º une petite boîte en fer-blanc, dans laquelle il va chercher son manger chez un rôtisseur du quartier, selon le jour — et il possède parfaitement cette notion — selon le jour, où le rôtisseur d’à côté sert une plus grosse portion, que le rôtisseur de la rue voisine.
Et c’est une succession de phrases transcendantales « que le péché n’est pas, comme on l’a dit bêtement, la copulation, mais la distraction de l’individu de l’harmonie universelle… que le moi, le moi est tout à fait méprisable, vu que c’est une victime de la subjectivité de l’être, en un monde illusoire… qu’il craint d’être empoigné, comme par une pieuvre, par la subtilité des causes occultes… qu’il s’est fait un changement en lui, que les formes littéraires ne sont rien, qu’il donnerait tout ce qu’il a écrit pour une page de Normand… » Enfin il se lève pour prendre congé, me disant qu’il aimerait bien à se retrouver avec moi, là-haut, que ce serait surtout agréable de se rencontrer dans Sirius, la planète à la blancheur incandescente. […] Une pièce où l’hortensia, sans doute un souvenir pieux de la famille pour la reine Hortense, l’hortensia est représenté en toutes les matières, et sous tous les modes de la peinture et du dessin, et au milieu de ce cabinet de toilette, une petite vitrine en glace, laissant apercevoir les nuances tendres d’une centaine de cravates, au-dessous d’une photographie de Larochefoucauld, le gymnaste du cirque Mollier, représenté sous un maillot, faisant valoir ses élégantes formes éphébiques. […] Là-dessus, à la suite de son père, le jeune Daudet déclare sans respect pour les théories de Zola, que la symphonie est la seule forme haute de la musique, et professe très éloquemment, que la musique ne doit avoir qu’une action auditive, et donner un plaisir des sens, s’étend sur Beethoven, et en parle un long temps en passionné, un long temps, pendant lequel Zola garde le silence… au bout de quoi, après un profond soupir, et avec la voix presque plaintive d’un enfant, il laisse tomber : « Pourquoi voulez-vous contrarier mon projet d’opéra ? […] C’est un tuya elegantissima, cette pyramide pourpre, placée entre deux fusains si panachés, qu’il semblent des arbustes feuillés de blanc ; c’est un juniperus elegans, qui a le ton de vieil or des chrysanthèmes ; c’est un tuya canadiensis aurea, dont le branchage semble d’or, quand le soleil joue dedans ; enfin c’est la petite merveille un retinospora obtusa gracilis, un petit arbuste à la forme écrasée des arbres centenaires en pot de l’Extrême-Orient, et qui a quelque chose d’une agglomération de choux de Bruxelles en velours. […] Il était encore maître de ses pensées, et pouvait les formuler par la parole, mais il ne pouvait plus sur le papier, leur donner la forme écrite.
Ces travers, ou plutôt ce travers, sous les différentes formes qu’il revêt, est l’antipathie même de Molière. […] Or chez Monsieur Jourdain, l’ambition, la vanité, la galanterie même n’ont qu’une forme, à savoir le désir de passer pour gentilhomme. […] Tout cela est l’imagination maladive dont Argan n’a qu’une forme, la forme matérielle, pour ainsi dire, mais dont d’autres ont ou auront la forme spirituelle et littéraire provenant de la même source et se rattachant à la même racine. […] L’intellectuelle, c’est le personnage féminin comique que Molière a, poursuivi sous les différentes formes qu’il revêt. […] Oui, à la condition qu’on accorde que l’amour peut être une simple forme de l’estime.
Il faut bien que cette structure soit particulière, puisque entre tous les théâtres de l’antiquité et des temps modernes celui-ci se détache avec une forme distincte, et présente un style, une action, des personnages, une idée de la vie qu’on ne rencontre en aucun siècle et en aucun pays. […] Il aura des esprits qu’il enverra chercher de l’or dans l’Inde, et « fouiller l’Océan pour entasser devant lui les perles orientales », qui lui apprendront les secrets des rois, qui, à son ordre, enfermeront l’Allemagne d’un mur d’airain, ou feront couler les flots du Rhin autour de Wittenberg, qui marcheront devant lui « sous la forme de lions, pour lui servir de garde, ou comme des géants de Laponie, ou comme des femmes et des vierges, dont le front sublime ombragera plus de beauté que la gorge blanche de la reine de l’Amour. » Quels rêves éclatants, quels désirs, quelles curiosités gigantesques ou voluptueuses, dignes d’un César romain ou d’un poëte d’Orient, ne viennent pas tourbillonner dans cette cervelle fourmillante ! […] V Insensiblement l’art se forme, et vers la fin du siècle il est complet. […] Il faut le voir se faire, et regarder le drame au moment où il se forme, c’est-à-dire dans l’esprit de ses auteurs. […] Involontairement, de prime-saut, sans calcul, ils découpent la vie en scènes, et la portent par morceaux sur les planches ; cela va si loin que souvent leur personnage57 de théâtre se fait acteur, et joue une pièce dans la pièce : la faculté scénique est la forme naturelle de leur esprit.
Certes, on rendait justice aux qualités qui en faisaient la valeur ; mais ces qualités se rapportaient plutôt à la forme qu’au fond et attestaient une virtuosité qui ne voilait qu’à demi le vide au-dessus duquel elle accomplissait ses prodiges froidement improvisés. […] Un chapeau de haute forme, posé en bataille, complétait l’aspect quelque peu archaïque et démodé de l’illustre auteur de Manette Salomon, aspect qui contrastait avec celui qu’offrait Paul Hervieu, attentif à suivre la plus exacte mode du jour, ainsi que le devait à sa situation mondaine le spirituel romancier de Flirt. […] Sur l’eau déjà crépusculaire, seul dans une barque, un monsieur ramait gravement, coiffé d’un correct chapeau de haute forme, par lequel, insinuait plaisamment Mallarmé, ce navigateur imaginatif prétendait remplacer la cheminée d’un vapeur illusoire. […] Nul ne savait mieux que lui donner une forme plaisante et inattendue à la causerie la plus frivole et la plus familière, non sans la relever, de temps à autre, à la hauteur habituelle de son esprit et la faire passer, en se jouant, des menus incidents de l’heure ou du lieu et de leur souriant commentaire, à quelque subtile considération et à quelque ingénieuse ou vaste perspective d’art ou de poésie. […] Les mœurs du temps ne l’intéressaient guère, et découper des « tranches de vie » n’était pas plus son affaire que raconter une histoire ou conduire une intrigue, mais il était doué du sens descriptif le plus aigu, d’une vive sensibilité visuelle, d’une rare aptitude à traduire verbalement ses impressions de formes, de couleurs et de nuances.
Depuis que la forme de notre théâtre permet que les cinquièmes actes soient en tableaux, les auteurs n’obtiennent plus l’indulgence qu’on avait pour ceux du siècle passé. […] Souvent un personnage forme un coup de théâtre, en apprenant, sans le vouloir, à un autre personnage, une chose qui intéresse ce dernier ; comme au quatrième acte de Phèdre, lorsque Thésée dit à Phèdre, en parlant d’Hyppolite : Tous ses crimes encor ne vous sont pas connus. […] Il faut que le sentiment dominant se montre sous des formes toujours nouvelles. […] Le concours de tous ces sentiments forme un caractère si passionné et si raisonnable tout ensemble, que, malgré la terreur dominante de la pièce, on sent encore une espèce de joie à la vue d’une héroïne en qui la passion et le devoir ne sont qu’un même sentiment. […] Il n’y a presque pas une de ces variations qui ne forme un tableau, et qui ne soit digne du pinceau d’un Caravage.
Il a laissé peu d’écrits, et ces écrits, productions de première jeunesse, ne représentent que très imparfaitement sa forme intime et définitive, et cette supériorité qu’il faut bien lui reconnaître, puisque Montaigne l’a si hautement saluée en lui. […] L’amitié, au contraire, se forme peu à peu, avec le temps, par la pratique, par un long commerce.
quelles parties lui sont propres, et quel est son coin d’originalité, soit pour la pensée, soit pour la forme ? […] Il y a une autre scène où Duclos prend avec Saint-Simon des libertés de forme et se permet des variantes de ton qui ne sont pas d’un narrateur assez scrupuleux.
Il a écrit des feuilles périodiques, des journaux imités d’Addison pour la forme, mais remplis d’idées neuves, déliées, et de vues ingénieuses : son Spectateur français (1722), son Indigent philosophe (1728), son Cabinet du philosophe, contiennent, au milieu d’anecdotes morales, sa théorie sur toutes choses. […] Revenant à ces grands esprits de l’Antiquité qu’on cite toujours et qu’on oppose à la prétendue stérilité des âges suivants, il estime qu’aucune époque n’en est déshéritée, que seulement la forme de ces esprits varie dans l’histoire et qu’ils se produisent avec plus ou moins de bonheur et de dégagement selon les temps et les conjonctures.
Par dédain pour les qualités tempérées qui suffisent aux conditions d’une société vieillie, il disait : « Mêlez un peu d’orgueil qui empêche d’oublier ce qu’on se doit, de sensibilité qui empêche d’oublier ce qu’on doit aux autres, et vous ferez de la vertu dans les temps modernes. » Mais pour les anciens, tout en sachant en quoi nous les surpassons, il les montre bien supérieurs en énergie, en déploiement de facultés de tout genre : forcés par la forme de leur gouvernement de s’occuper de la chose publique d’en remplir presque indifféremment tous les emplois de paix et de guerre, de s’y rendre propres et de s’y tenir prêts à tout instant, de parler devant des multitudes vives, spirituelles, mobiles et passionnées : Quelle devait être, dit-il, l’explosion des talents animés, stimulés par d’aussi puissants motifs ! […] Je ne sais trop si M. de Meilhan est exact en ce point et si l’on peut dire que l’Antiquité grecque et romaine ressemble à un génie mort jeune et intercepté avant le temps : il me semble au contraire que les Grecs, et les Romains qu’en ont hérité, ont eu leur cours naturel d’existence et leur âge tout rempli ; qu’ils ont eu, eux aussi, leur épuisement et leur décadence sous des formes monstrueuses ou subtiles, et que, si la civilisation avait à être utilement continuée et renouvelée, ce ne pouvait plus être à la fin par eux.
Le roman, qui est agréable, n’est que pour la forme ; tirons-en le fond, et quoique l’auteur, quand il l’écrivait, fût de quelques années plus âgé qu’en ses beaux jours d’éclat auprès du fauteuil de Mme de Créqui, soyons bien sûr qu’il avait déjà tous les mêmes jugements dans la tête et dans la conversation quand il désennuyait si bien la marquise. […] » Qu’on réduise la chose autant qu’on le voudra, qu’on la déguise sous forme d’intellect, qu’on n’y voie qu’un besoin de causer, de trouver qui vous entende et vous réponde, il est certain que la connaissance de M. de Meilhan introduisit un mouvement et un attrait dans la vie de Mme de Créqui : elle s’occupe de lui, elle désire son avancement, elle le souhaite plus proche d’elle, elle épouse sa réputation, elle a besoin qu’il soit loué et approuvé.
Sous forme d’apologie, c’était un pamphlet très vif, un manifeste de guerre : Vous exigez de moi, monsieur, disait-il, un compte exact des divers jugements que les gens de lettres ont portés de la nouvelle Iliade ; je vais tâcher de vous satisfaire. […] S’il était besoin d’expliquer d’ailleurs cette indignation d’un homme d’esprit et philosophe envers un si misérable adversaire, et la forme sous laquelle elle se produisit, il faut se rappeler que le livre de Gacon avait paru avec l’approbation d’un censeur, l’abbé Couture, approbation donnée dans les termes ordinaires : « J’ai lu par ordre de Mgr le chancelier, etc.
Je n’ai certes pas la prétention d’embrasser et de dénombrer les différentes formes sous lesquelles peut se présenter le génie guerrier, la vertu guerrière. […] Tout en regrettant un peu le Consulat « dont les formes austères et grandes allaient beaucoup plus, dit-il, à sa manière d’être que les pompes de l’Empire », il salue et acclame de grand cœur ce dernier régime comme la consécration et le couronnement de l’ère militaire.
Le Recueil qu’on a des diverses pièces à sa louange forme toute une guirlande qui est comme la célèbre guirlande de Julie. […] Tant qu’elle vécut de sa vraie vie et qu’elle fut elle-même, c’était une aimable païenne de la Renaissance : aux approches de la mort, si l’on en juge par les formes et la teneur dudit testament, elle fut reprise et ressaisie par tous les liens et toutes les nécessités de la coutume.
S’il fréquenta quelque temps les amphithéâtres, il ne prit jamais en main un scalpel : ce qui ne l’empêchait pas de trancher à la rencontre sur la structure du corps humain, sur les formes et les dispositions précises des organes, comme il tranchait sur tout ; il y commettait parfois de singulières méprises9. […] Il y en a certains qui me paraissent des tombeaux de la même forme et de la même construption que ceux de Corneto, moins soignés cependant, mais semés çà et là le long d’une voie romaine pendant un assez long espace, deux lieues environ avant d’arriver à Sohma, où se trouve un tombeau monumental, dont j’ai fait le croquis.
Je ne suis pas de ceux qui crient à la décadence, mais je crois fort aux transformations, et toute transformation amène l’avènement d’une forme nouvelle au détriment d’une autre. […] S’il n’avait pas observé lui-même toutes les précautions et les convenances, observa-t-on à son égard toutes les formes et les procédés qui garantissent ?
Le volume se compose de deux parties : la principale, qui est la négociation du mariage de la princesse de Saxe, nièce du maréchal, avec le dauphin de France, père de Louis XVI, forme tout un ensemble, et peut être considérée comme un épisode entièrement neuf de la vie du héros, Français de gloire, Saxon de cœur, et qui sut concilier en cette circonstance les intérêts de ses deux patries. […] Selon le nouvel historien, la victoire de Denain a été chose à peu près superflue ; la paix avec l’Angleterre, dit-il, était faite dès la fin de 1710 ; le reste n’était plus que de forme ; la France n’avait nullement besoin d’être sauvée.
La forme dramatique de Corneille n’a point la liberté de fantaisie que se sont donnée Lope de Vega et Shakspeare, ni la sévérité exactement régulière à laquelle Racine s’est assujetti. […] Mais il n’avait pas le génie assez artiste pour étendre au drame entier cette configuration concentrique qu’il a réalisée par places ; et, d’autre part, sa fantaisie n’était pas assez libre et alerte pour se créer une forme mouvante, diffuse, ondoyante et multiple, mais non moins réelle, non moins belle que l’autre, et comme nous l’admirons dans quelques pièces de Shakspeare, comme les Schlegel l’admirent dans Calderon.
C’était souvent beau de forme et très-aventuré de fond. […] J’ai donné à ce petit ouvrage les formes les plus antiques ; il est divisé en Prologue, Récit et Épilogue.
Et c’est pourquoi le romanesque ne repoussera point, dans sa forme, un idéal de beauté un peu fade et d’élégance un peu convenue ; il aimera les cavaliers bruns, les amazones blondes, les ruines, les clairs de lune. […] Mais est-ce ma faute si le plus aristocratique des romanciers est aussi un peintre de femmes des plus audacieux, je dirais presque des plus brutaux, en dépit de la parfaite politesse et des grâces de sa forme ?
Car d’abord c’est le seul moyen de voir de près les mœurs, les sentiments, les âmes des humbles et la lutte pour l’existence sous ses formes les plus simples et les plus tragiques. […] Rien que pour mettre en branle un régiment, que de choses dont il faut tenir compte : le nombre des hommes, leur état physique et moral, la vitesse de leur marche, la forme des terrains, la nature du sol, les chemins, la température, les mouvements possibles de l’ennemi !
Voyez, je vous prie, la multiplicité des causes ; nous aimons mieux voir un jardin bien arrangé, qu’une confusion d’arbres ; 1°. parce que notre vûe qui seroit arrêtée ne l’est pas ; 2°. chaque allée est une, & forme une grande chose, au lieu que dans la confusion, chaque arbre est une chose & une petite chose ; 3°. nous voyons un arrangement que nous n’avons pas coûtume de voir ; 4°. nous savons bon gré de la peine que l’on a pris ; 5°. nous admirons le soin que l’on a de combattre sans cesse la nature, qui par des productions qu’on ne lui demande pas, cherche à tout confondre : ce qui est si vrai, qu’un jardin négligé nous est insupportable ; quelquefois la difficulté de l’ouvrage nous plaît, quelquefois c’est la facilité ; & comme dans un jardin magnifique nous admirons la grandeur & la dépense du maître, nous voyons quelquefois avec plaisir qu’on a eu l’art de nous plaire avec peu de dépense & de travail. […] Souvent notre ame se compose elle-même des raisons de plaisir, & elle y réussit sur-tout par les liaisons qu’elle met aux choses ; ainsi une chose qui nous a plu nous plaît encore, par la seule raison qu’elle nous a plu, parce que nous joignons l’ancienne idée à la nouvelle : ainsi une actrice qui nous a plu sur le théatre, nous plaît encore dans la chambre ; sa voix, sa déclamation, le souvenir de l’avoir vûe admirer, que dis-je, l’idée de la princesse jointe à la sienne, tout cela fait une espece de mélange qui forme & produit un plaisir.
Le billet, en forme d’ode, à l’abbé de Chaulieu, est bien à l’adresse de cet esprit aimable, un peu poète et charmant dans ce peu, et ces fleurs du paganisme ne messiéent pas dans des vers au plus païen des abbés. […] Ses yeux s’ouvrirent pour la première fois à cette splendide lumière du ciel de l’Orient, où toute chose forme tableau, où tout poète est peintre.
La volonté de domination, d’inégalité, prend seulement d’autres formes ; à la place des barons féodaux, nous avons les barons de la finance et les rois de l’industrie. […] « Ce qui caractérise la culture d’une époque comme la Renaissance, c’est qu’elle est nécessaire dans toutes ses parties, c’est qu’elle forme comme un tout organique dont les divers éléments constitutifs sont autant de parties intégrantes et indispensables.
Cette négation et ce cri, chaque auteur peut les répéter, en varier la forme, mais sans y rien ajouter. […] Le Roy a insisté pourtant, et il a posé la question sous une autre forme.
Il les transporte aujourd’hui sur la scène, sous une autre forme. […] Octave, la surprise étant une des formes du viol.
Quinze ans, c’est assez pour que le modèle change, ou du moins se marque mieux ; c’est assez surtout pour que celui qui a la prétention de peindre se corrige, se forme, se modifie en un mot lui-même profondément. […] Voilà bien des genres, et il semble que tout soit épuisé : on assure pourtant que Béranger garde encore en portefeuille une dernière forme de chanson plus élevée, presque épique : ce sont des pièces en octave sur Napoléon, sur les diverses époques de l’Empire.
Un autre jour, elle envie Fanchon, la femme de chambre : « Que ne puis-je me glisser sous sa forme pendant l’absence du dos de M. de Pontchartrain ! […] Enfin, pour se faire admettre et agréer, elle se fait petite, elle se fait nulle ; elle se déguiserait, si elle le pouvait, sous la forme d’un devoir ou d’un ennui ; elle sent que c’est ainsi qu’elle aurait encore le plus de chances de pénétrer.
En un mot, il n’avait ni les formes ni le langage de la société dans laquelle il se trouvait ; et quoique, par sa naissance, il allât de pair avec ceux qui le recevaient, on voyait néanmoins tout de suite à ses manières qu’il manquait de l’aisance que donne l’habitude du grand monde. […] Physiologiquement, il est curieux de comparer la forme et le volume des deux fronts, celui de Mirabeau qui est l’ampleur même, et celui de La Fayette qui est fuyant.
Mais cette influence serait plus aisée à retrouver en d’autres membres de leur descendance, et la forme d’esprit de Mme Necker, adoucie, assouplie après la première génération, a dû entrer pour beaucoup dans le tour d’idées si élevé et dans le fonds moral, toujours éminent, d’une famille illustre31. […] Un moraliste physiologiste a dit : « De même que, lorsqu’on s’est trop appliqué le soir à un travail, on a mille idées pénibles, tiraillées, fatigantes, qui reviennent avant le sommeil ; mais, au matin, tout s’éclaircit, et l’on se réveille avec de nouvelles idées faciles et vives, qui sont dues pourtant à cet effort du soir précédent : de même, d’une génération à l’autre, les formes d’idées qui, chez Mme Necker, sont à l’état de préparation laborieuse et compliquée, et presque de cauchemar, se réveillent chez Mme de Staël, jeunes, brillantes et légères. »
La capitale a donc agi contre ses intérêts en prenant des formes républicaines ; elle a été aussi ingrate qu’impolitique en écrasant cette autorité royale, à qui elle doit et ses embellissements et son accroissement prodigieux ; et, puisqu’il faut le dire, c’était plutôt à la France entière à se plaindre de ce que les rois ont fait dans tous les temps pour la capitale, et de ce qu’ils n’ont fait que pour elle. […] Ce n’est que plus tard que l’ouvrage y fut imprimé dans son entier ; il forme le premier volume des Œuvres complètes de Rivarol (1808), mais avec quelques fautes qui en gâtent le sens.
Ferney (octobre 1758) ; et, dans le même temps, il s’adresse au président de Brosses pour lui proposer d’acheter de lui, sous une forme ou sous une autre, sa terre de Tourney, qui est à l’extrême frontière de la Franche-Comté, et qui lui donnait un pied en France. […] Il faut convenir que cette vente viagère, qui se faisait sous forme extérieure de bail à vie, prêtait à bien des chicanes, du moment qu’on en voulait faire ; c’était un bail bien enchevêtré.
Le public n’ignore pas que le catalogue des journaux de la Révolution, dressé par Deschiens, forme seul un volume in-8 de 465 pages. […] Elle étudiera et définira les révolutions morales de l’humanité, les formes temporelles et locales de la civilisation.
Mardi 20 juillet Dans la transparence glauque de l’eau, monte du fond de la rivière, comme une ombre en spirale, qui devient une forme aux flancs tigrés, se change en un poisson noir au petit groin blanc, et s’approche lentement de la mouche flottante, puis après un temps d’arrêt, la gobe dans un happement bruyant. C’est la pêche à la truite, et depuis que je pêche, dans mes rêves, je suis toujours couché au bord de l’eau, et, de l’eau montent à moi des formes étranges et terrifiantes d’immenses truites fantastiques.
La comédie éclate dans les larmes, le sanglot naît du rire, les figures se mêlent et se heurtent, des formes massives, presque des bêtes, passent lourdement, des larves, femmes peut-être, peut-être fumée, ondoient ; les âmes, libellules de l’ombre, mouches crépusculaires, frissonnent dans tous ces roseaux noirs que nous appelons passions et événements. […] Ici la prose, là le vers ; toutes les formes, n’étant que des vases quelconques pour l’idée, lui conviennent.
Ses Livres des Masques — trop élogieux sans doute ; il le fallait alors — sont un document autant pour leur date que par l’habileté de la forme. […] Dans les uns, elle a revêtu la forme de l’interview, pour les autres, ils ont conservé leurs critiques attitrés.
En tous cas, c’est l’œuvre d’un très grand écrivain, avec qui le roman de vieille forme va avoir à compter. […] Voilà du roman nouveau et pour la forme et pour la vigueur de l’expression. […] L’action est des plus simples et, en homme qui sait son métier, l’auteur l’a enveloppée d’une forme mystérieuse faite pour piquer la curiosité du lecteur. […] Mario Uchard est une œuvre qui, sous un aspect fantaisiste, cache un plaidoyer philosophique, je n’ose pas dire moral, malgré sa forme d’une légèreté plus apparente que réelle. […] Octave Feuillet est digne de ses devanciers : même respect de la forme, même élévation de sentiments, même mouvement dramatique.
Mais Heredia était trop jalousement artiste pour accepter comme des principes ces pures concessions de forme. […] Mais Heredia était trop jalousement artiste pour accepter comme des principes ces pures concessions de forme. […] Il aimait les hommages, mais pas tout à fait sous cette forme, et il était ce soir-là tout de même un peu gêné. […] Charles Guérin a écrit quelques œuvres de forme parfaite et de sensibilité profonde. […] C’est par le travail que Charles Guérin a réalisé la perfection de forme qui étonne dans son œuvre.
-B. m’aime et m’estime, mais me connaît à peine et s’est trompé en voulant entrer dans les secrets de ma manière de produire… Il ne faut disséquer que les morts… Dieu seul et le poète savent comment naît et se forme la pensée.
Auguste Fabre, frère cadet de Victorin, formé par lui aux lettres et deux fois sauvé de la mort par son dévouement, avait pour cet aîné, nous l’avons dit, un véritable culte qui prenait des formes touchantes et d’autres fois bizarres.
Qualités et défauts, tout lui vient d’elle : forte et complexe, féconde en rapports nombreux qu’elle embrasse dans une merveilleuse symétrie, il la représente et la peint aux yeux par l’ordonnance sévère de ses formes et le mécanisme régulier de ses balancements.
Soumet, sur le ton solennel d’un prône ou d’un ordre du jour : « Les lettres sont aujourd’hui comme la politique et la religion ; elles ont leur profession de foi, et c’est en ne méconnaissant plus l’obligation qui leur est imposée que nos écrivains pourront se réunir, comme les prêtres d’un même culte, autour des autels de la vérité ; ils auront aussi leur sainte alliance ; ils n’useront pas à s’attaquer mutuellement des forces destinées à un plus noble usage ; ils voudront que leurs ouvrages soient jugés comme des actions, avant de l’être comme des écrits ; ils ne reculeront jamais devant les conséquences, devant les dangers d’une parole courageuse, et ils se rappelleront que le dieu qui rendait les oracles du temple de Delphes, avait été représenté sortant d’un combat. » Une fois qu’on en venait à un combat dans les formes avec les idées dominantes, on était certain de ne pas vaincre.
Dussault distingue d’abord chez les Anciens le fond et la forme, la partie technique et la partie littéraire : la première, selon lui, tombant complètement sous la prise du traducteur ; la seconde, lui échappant toujours plus ou moins.
Reynaud, on a eu tort de tant décrier les formes représentatives ; elles sont précieuses à conserver : c’est un cadre où toutes les idées avancées de réforme peuvent s’introduire ; il ne s’agit que de faire concorder ce cadre dans ses divisions et compartiments avec l’état vrai de la société.
M. de Balzac a découvert cette veine ; c’est lui qui, le premier, après d’inconcevables écoles, a fini par bien saisir et par traiter dans ses moindres nuances la forme de sensibilité, d’imagination, de fatuité, de rouerie, qui caractérise un certain monde à la mode de notre temps.
La délicatesse du point d’honneur, l’un des prestiges de l’ordre privilégié, obligeait les nobles à décorer la soumission la plus dévouée des formes de la liberté.
Il serait donc ridicule de vouloir tenter a priori une révolution dans la forme littéraire.
J’entendais dans le lointain des aboiements épouvantables, et je vis dévaler du haut de la colline fauve, à grandes enjambées, des formes blanches… J’eus peur, pourquoi ne le dirais-je pas ?
Vielé-Griffin n’a usé que discrètement de la poésie populaire — cette poésie de si peu d’art qu’elle semble incréée — mais il eût été moins discret qu’il n’en eût pas mésusé, car il en a le sentiment, et le respect… Je ne parle pas de la part très importante qu’il a eue dans la difficile conquête du vers libre ; mon impression est plus générale et plus profonde, et doit s’entendre non seulement de la forme, mais de l’essence de son art : il y a, par Francis Vielé-Griffin, quelque chose de nouveau dans la poésie française.
Tout cela forme sans doute un fonds commun assez considérable.
Alors, s’il vient à être subitement soustrait à la cause excitante, il tend à regagner son état normal par une marche analogue à celle d’un ressort qui, écarté de sa l’orme d’équilibre, revient à cette forme par des oscillations décroissantes, en vertu desquelles il la dépasse alternativement en deux sens opposés… De là des phases dont les unes sont de la même nature que la sensation primitive et peuvent être appelées les phases positives, tandis que les unes sont de nature contraire et peuvent être appelées négatives. » Or, suivant M.
Elle se presente dans un tableau sous la même forme où nous la voïons réellement.
Ainsi qu’on ne s’en forme pas l’idée sur la basse continuë de nos opera.
Et qu’on n’oublie pas qu’il ne peut y avoir ici qu’une question de forme littéraire !
Levallois, lequel ne croit peut-être pas inconséquemment à l’action de la Providence, mais qui croit à l’action de la nature physique, est un livre de forme très douce et très charmante, mais positivement dirigé (sans en avoir l’air) contre l’idée chrétienne, qui est la seule vraie en moralité pratique et complète.
Est-ce de la littérature par la forme ?
Qu’il nous permette de le lui dire : quand on n’est pas le vieux Michel-Ange, qui attaquait le marbre avec cette furie de génie tout-puissant qui s’arrêtait, comme par un charme, dans la plus moelleuse et la plus délicate justesse, il faut savoir revenir plusieurs fois sur la forme extérieure de sa pensée pour lui donner ce fondu et cette harmonie nécessaires autant à la poésie qui s’écrit qu’à la poésie qui se sculpte.
D’ailleurs, indépendamment de la forme, du trait appuyé, du coup de burin, qui n’a rien de ce forcené d’Edgar Poe, de ce « diable devenu fou », comme disait lord Byron de celui qui a bâti Londres, Erckmann-Chatrian avait fait, pour le fond de ses Contes, ce qui réussit, hélas !
Ceux-ci sont au nombre de cent quatre-vingts, ce qui, joint aux premières, forme une suite complète de près de trois cent vingt éloges.
Ils disaient sententiæ, pour résolutions, parce que leurs jugements n’étaient que le résultat de leurs sentiments ; aussi les jugements des héros s’accordaient toujours avec la vérité dans leur forme, quoiqu’ils fussent souvent faux dans leur matière.
va dire à Lacédémone que nous sommes morts ici, en obéissant à ses lois. » Ailleurs c’est encore la même pensée, avec des formes plus poétiques, cette première résistance sur le seuil de la Grèce étant comme l’exemple toujours présent à la nation102 : « Ces hommes, en donnant à leur patrie une gloire ineffaçable, se sont plongés eux-mêmes dans la nuit du trépas ; mais dans la mort ils ne mouraient pas, puisque du séjour d’Adès leur vertu triomphante les ramène au grand jour. » Ou bien encore : « La terre glorieuse a couvert, ô Léonidas !
Point du tout ; s’il parle ainsi, ce n’est point par choix, c’est par force ; la métaphore n’est pas le caprice de sa volonté, mais la forme de sa pensée. […] Cette propriété qu’a chaque phrase de rendre visible un monde de sentiments et de formes vient de ce qu’elle est causée par un monde d’émotions et d’images. […] Il voit dans l’air une dague tachée de sang « aussi palpable de forme que celle qu’il tire de sa ceinture. » Tout son cerveau s’emplit alors de fantômes grandioses et terribles, que n’eût point enfantés l’imagination d’un meurtrier vulgaire, dont la poésie indique un cœur généreux, esclave de la fatalité et capable de remords. […] Dans sa forme, dans ses mouvements, comme il est achevé et admirable ! […] Parcourez ces groupes, et vous n’y trouverez que des formes diverses et des états divers d’une puissance unique.
Les peuples de la Guienne & ceux de la Normandie different beaucoup : cependant on reconnoît en eux le génie françois, qui forme une nation de ces différentes provinces, & qui les distingue au premier coup-d’oeil, des Italiens & des Allemands. […] La langue françoise ne commença à prendre quelque forme que vers le dixieme siecle ; elle naquit des ruines du latin & du celte, mêlées de quelques mots tudesques. […] C’est cet esprit philosophique qui semble constituer le caractere de gens de lettres ; & quand il se joint au bon goût, il forme un littérateur accompli. […] Il est sensible que je vis en paix, forme une césure ; mais cette mesure répétée seroit intolérable. […] C’est sur la fin de ce siecle qu’un nouveau monde est découvert ; & bientôt après la politique de l’Europe & les arts prennent une forme nouvelle.
Sur la fréquentation de l’humanité, qu’on lui conseille avec toutes sortes de formes révérencieuses, il se met en colère : « Le monde… je vous demande un peu, ce qu’un salon révèle de la vie… ça ne fait rien voir du tout… j’ai 25 ouvriers à Médan, qui m’en apprennent cent fois plus ». […] Il n’y a que les maisons en bois qui résistent à nos presses, et c’est là seulement, où on nous trouve. » * * * — Le duc de C… aurait vingt-cinq mannequins, modelés sur sa personne, pour que ses vêtements ne se déshabituent pas de ses formes, et ne contractent pas de mauvais plis. […] Et là-dessus, Zola laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer, disant que le roman ne l’intéresse plus, que c’est toujours la même chose, à moins de découvrir une forme nouvelle.
Lhuys vous décrira comment les impressions sensitives, irradiées des centres de la couche optique au milieu des réseaux de la substance corticale, y prennent une forme distincte, se déposent à l’état de souvenirs, et se transforment en idées, en jugements, en raisonnements. […] Nous ne traitons point de l’esprit pur, de l’esprit sous forme abstraite ; nous n’avons aucune expérience d’une entité de ce genre. […] Il est bien vrai que tout dans la nature se forme, s’organise, se développe, se conserve par des compositions, des combinaisons ou des assimilations d’éléments soumises à des lois connues.
L’art, sous toutes les formes, en est alors comme l’image sensible : la hardiesse ne s’y montre jamais que dans la sagesse, et l’invention n’est que le bonheur de retrouver le bien de tous. […] Elle hait ces prescriptions orgueilleuses qui vont à mesurer à chacun l’air, l’espace, la nourriture, à imposer une forme ou un tarif aux habits, à affubler l’homme de l’éternelle livrée d’une condition immuable. Elle veut le changement, et, dût-elle toujours le prendre pour le progrès, de quel droit lui ôteriez-vous le seul aiguillon qui pousse les nations en avant, et qui produit cette succession d’époques, de mœurs, de formes sociales dont la variété fait la beauté même de la nature humaine ? […] Quant à cette sorte de scolastique littéraire, née de la mauvaise fertilité des derniers temps, qui distingue le fond de la forme, l’art de son objet, l’écrivain de l’homme, il n’y a pas dans Fénelon une seule ligne dont elle pût s’autoriser pour un seul de ces principes d’invention récente, qui ont gâté le goût de notre nation.
La forme dont il revêtit ses critiques, toujours violentes, souvent acerbes, leur donnait l’air d’une polémique : polémique contre toutes les conventions, contre tous les succès immérités, contre toutes les admirations non justifiées, quelquefois même contre des talents universellement reconnus et admirés » — Sa franchise sans fard brutale parfois, mais jamais impolie impatienta le public ; l’on fut obligé d’interrompre la publication de Mon Salon. […] l’indignation a le droit de revêtir toutes les formes : elle peut se cacher sous les habits bariolés du roman comme dans les pièces auxquelles on permet tout, parce qu’elles sont en vers. […] Ce mot désigne un système de réformes littéraires qui doivent porter sur la forme à donner aux œuvres d’art et sur le travail préparatoire auquel doit se livrer tout écrivain consciencieux. […] Victor Hugo l’a défendu, a donné des théories et des exemples, l’a fait vaincre Puis, les besoins de l’esprit ont changé ; ils nous portent aujourd’hui vers une étude plus exacte des faits, vers une forme plus hardie, et le vieux mouvement naturaliste, que le génie de Balzac n’avait pas pu faire triompher à un moment qui n’était pas le sien, semble reprendre l’avantage.
La librairie Hachette m’avait envoyé, avant le siège, pour en rendre compte dans un journal, la traduction de ses Œuvres complètes, et, entre deux gardes, je les étudiais, revenant, pour les affermir ou pour les jeter bas en moi, à des opinions que j’avais déjà exprimées, çà et là, avec des formes trop rapides et trop brèves, sur cet homme qui vaut bien qu’on s’arrête pour lui porter des coups plus droits, 1 plus plongeants, plus à fond… Eh bien, le croirez-vous ? […] mais le mot saveteur n’est pas français) a repris et remanié les vieux Faust pour en faire le sien, et les a jetés on ne peut pas dire dans le moule de Shakespeare, car la forme de Shakespeare n’est pas concrète, — et c’est même là que cet incommensurable Shakespeare trouve la borne de son génie. […] Mais enfin il l’ajoutait, pour l’honneur de la philosophie allemande, à cet épicuréisme d’art qui lui faisait trouver la forme humaine la plus belle des formes possibles, — car le païen grec fut en lui plus fort, à Rome, que le païen hindou.
Il est vrai que dans ce début le poète semble moins occupé de la fuite et de la rapidité du sentiment que de la fragilité même de la beauté ; il pense à des attraits positifs, à une forme, à un visage, à ce que la poésie du Midi, celle de Rome et de la Grèce a surtout considéré.
Nous parlâmes beaucoup de M***, je lui prédis qu’avant trois mois elle en entendrait une déclaration en forme. « Vous vous trompez. — C’est vous-même. — Il est froid. — Il s’échauffera. — Personne n’est plus réservé. — D’accord ; mais voici son histoire : il croira vous estimer seulement, et il vous aimera.
À travers beaucoup d’incorrections et des formes légèrement étranges, un parfum primitif et franc respire dans l’ensemble de ces poésies.
Les jouissances du pouvoir et des intérêts politiques remportent presque toujours sur les succès purement littéraires ; et quand la forme du gouvernement appelle les talents supérieurs à l’exercice des emplois publics, c’est vers l’éloquence, l’histoire et la philosophie, c’est vers la partie de la littérature qui tient le plus immédiatement à la connaissance des hommes et des événements, que se dirigent les travaux.
Quelle est sa forme ?
Voilà Racine, qui, venant après Sophocle, Euripide, Corneille, se forme sur leurs différens caracteres, &, sans être ni Copiste ni Original, partage la gloire des plus grands Originaux.
« Quelques-uns de ses partisans, ajoute Balzac dans cette même relation, ont assuré qu’il avoit reçu un bref de notre saint père le pape… D’autres ont dit que l’assemblée du clergé avoit envoyé des députés pour se réjouir avec lui de la prospérité de ses armes… Il n’y a point de prince ni de princesse, de seigneur ni de dame de condition, à qui il n’ait fait porter ses livres en cérémonie, la plupart reliés en forme d’heures ou de prières dévotes.
Les formes connues changent à son égard : ses révolutions sont tour à tour racontées avec la trompette, la lyre et le chalumeau ; et le style de son histoire est lui-même un continuel miracle, qui porte témoignage de la vérité des miracles dont il perpétue le souvenir.
La forme du Journal des Savans n’a pas été toujours la même.
On admirait alors comme l’on croyait : car l’admiration est une des formes de la foi.
Mes petites idées sur la couleur C’est le dessin qui donne la forme aux êtres ; c’est la couleur qui leur donne la vie.
Le catalogue forme des ouvrages plus étendus que celui des plantes.
Ce goût se forme en nous-mêmes et sans que nous y pensions. à force de voir des tableaux durant la jeunesse, l’idée, l’image d’une douzaine d’excellens tableaux se grave et s’imprime profondément dans notre cerveau encore tendre.
Pour être respectée il ne faut pas qu’elle se prostitue, encore moins qu’elle se laisse voir sous une forme désavantageuse.
Ses Souvenirs de l’Insurrection normande en 1793 34 ne sont pas de l’histoire, dans leur forme brisée, laconique, à peine appuyée, — des linéaments historiques !
Cette école, dont Augustin Thierry, revenu à la Vérité, se sépare, dit-on, par le plus généreux travail entrepris sur le livre qui a fait la gloire de sa vie (Histoire de la conquête de l’Angleterre), cette école, qui n’eut jamais d’ailleurs l’insouciante hardiesse de son fondateur, cache maintenant, sous des formes modérées et cauteleusement respectueuses, une hostilité contre le Christianisme, arrêtée et profonde.
Ainsi, plus tard, au xixe siècle, n’avons-nous pas vu l’étrange fortune de ce petit roman d’Adolphe, si horriblement sec de fond et de forme, et dont personne n’eût parlé peut-être si l’auteur, plus roué qu’on ne croit, n’eût intéressé la fatuité humaine à la réussite de son ouvrage ; car tout homme, en disant que ce livre est vrai, ne semble-t-il pas révéler qu’il a connu le friand tourment d’une Ellénore ?
Cette critique nouvelle (des salons du Journal des Débats peut-être), c’est la critique, dit-il encore, sous des formes flexibles.
Nous n’avons point de panégyriques en forme, et composés exprès par des orateurs, avant Trajan ; mais Trajan n’ayant été que le treizième empereur, il fallait bien qu’avant lui il y eût des éloges.
Il nous montre ces figures autrefois menaçantes, dévorées par les flammes, et l’objet de l’effroi public changeant de forme, pour servir désormais à l’usage et aux plaisirs des citoyens28.
Ce discours, singulier dans sa forme, est en même temps un panégyrique, un sermon, un catéchisme, une profession de foi, un discours de métaphysique et d’éloquence, un mélange de la philosophie de Pythagore, de celle de Platon et de la doctrine de nos livres sacrés : Constantin y est représenté partout comme vainqueur de l’idolâtrie.
Cette tradition mal interprétée a jeté tous les politiques dans l’erreur de croire que la première forme des gouvernemens civils aurait été la monarchie.
De là, quelques paroles d’une tristesse vraiment poétique, dans la tragédie de Thyeste : « Est roi celui qui ne craint pas, est roi celui qui ne forme pas de désir.
Les pluies, que leurs pitons attirent, peignent souvent les couleurs de l’arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent à leur pied les sources dont se forme la petite rivière des Lataniers. […] Allons, marchons, mon amie. » Cette montagne était celle des Trois-Mamelles, ainsi nommée parce que ses trois pitons en ont la forme. […] Au pied du rocher est un enfoncement d’où sort une fontaine qui forme une petite flaque d’eau au milieu d’un pré d’herbe fine. […] Il s’en détachait sans cesse des nuages d’une forme horrible, qui traversaient le zénith avec la vitesse des oiseaux, tandis que d’autres y paraissaient immobiles comme de grands rochers. […] Necker, l’homme à la mode, mais le moins naturel des écrivains ; sa femme, vertueuse mais prétentieuse ; sa fille, madame de Staël, capable de tout comprendre, mais non de tout faire ; Buffon, qui ne pouvait écrire qu’à l’ombre des créneaux de la tour de Montbard, et qui rendait dans ce cénacle les oracles de l’emphase ; Thomas, esprit bon et pur, corrompu par la rhétorique ; l’abbé Galiani, Napolitain de sens exquis, mais qui se nourrissait du sel de l’esprit au lieu de la substance du cœur ; enfin quelques grands artistes du temps, juges de forme plus que de fond, tel que le fameux peintre de marine Vernet, faisaient partie de l’auditoire.
Ce n’est pas qu’on n’ait justement critiqué l’épisode de Lusignan, qui forme une tragédie dans cette tragédie, qui inspire tant d’intérêt au second acte, et dont l’auteur se défait au troisième, parce qu’il ne sait plus qu’en faire. En vain objecterait-on que l’intervention de Lusignan forme le nœud de la pièce, il faut inventer des ressorts qui puissent nous attacher sans nous distraire de l’intérêt qui doit porter sur les principaux personnages. […] C’est un grand défaut qui le crime triomphe au dénouement : quelques remords donnés à Mahomet, pour la forme, n’empêchent pas qu’il ne continue à tromper le genre humain, après un si heureux début. […] ils se pillent les uns les autres de temps immémorial ; ils reproduisent sous toutes sortes de formes les mêmes fictions ; quelquefois ils puisent dans leur imagination déréglée, et alors ils en tirent des monstres à qui la nouveauté donne beaucoup de vogue. […] Le seul Oreste forme une exception ; mais ses fureurs sont, pour ainsi dire, consacrées par la mythologie ; elles entrent dans sa destinée.
Mais, comme je disais, la forme est souvent des plus savoureuses. […] La forme est, ici, supérieure à celle même des comédies en vers d’Emile Augier. […] Huitième tableau : Des arbres, qui ont vaguement des formes humaines, gourmandent le bûcheron qui vient abattre du bois pour faire le gibet. […] C’est peut-être que son histoire forme un autre drame dans le drame même. […] Joignez qu’on y trouve assez souvent, dans la forme, quelque chose comme l’équivalent du style « burlesque » du dix-septième siècle.
Les marionnettes furent mises hors la loi ; — les tréteaux furent abattus sans autre forme de procès. […] Certes, je comprends, à tout prendre, que l’on fasse une collection de beaux papillons ou de beaux insectes ; je comprends que l’on se forme un herbier. […] Même (on nous garantissait le bon homme mort dans les formes) il arriva que le feuilleton traita assez mal M. […] ma chère, disait Cathos à Madelon, que ton père a la forme enfoncée dans la matière ! […] Le chœur des nuées invisibles est d’une très belle forme et tout à fait digne d’un poète lyrique.
Nodier, grand styliste prédestiné, a de bonne heure excellé à revêtir les formes et les teintes d’alentour : une de ses images favorites est celle de la pierre de Bologne, qui garde, dit-on, quelque temps les rayons dont elle a été pénétrée. […] Il se trouve mêlé, plus on y regarde, à toutes les brillantes formes d’essai, à tous les déguisements du romantisme. […] Depuis sa mort, on a fait un tout petit volume d’une dernière nouvelle de lui, intitulée Franciscus Columna, où il se retrouve tout entier sous sa double forme ; c’est un coin de roman logé dans un cadre de bibliographie, une fleur toute fraîche conservée entre les feuillets d’un vieux livre.
Cette forme de l’amour, la plus belle de toutes, parce que c’est la forme immortelle, n’avait pas été inventée avant Pétrarque. […] Je crus voir d’abord ma petite fille que j’ai perdue ; elle lui ressemble beaucoup : si vous ne me croyez pas, demandez à Guillaume, le médecin de Ravenne, et à notre Donat, qui l’ont vue ; ils vous diront que c’est le même visage, le même rire, la même gaieté dans les yeux ; que, pour le geste, la démarche, et même la forme du corps, on ne peut rien voir qui se ressemble davantage, si ce n’est que ma fille était un peu plus grande que la vôtre et un peu plus âgée.
La peine de mort, supprimée par ce prince, n’avait été rétablie que pour la forme par l’administration française sous Napoléon ; l’échafaud ne s’était jamais relevé sous le régime grand-ducal ; la Toscane était l’oasis de l’Europe. […] Il bâtit cette tour assise par assise, et l’éleva jusqu’à une telle hauteur, qu’elle dominait tous les palais et tous les clochers de la ville qui pouvaient s’interposer à la vue entre le cimetière juif et la villa Torregiani ; en sorte qu’en montant au sommet de sa tour, il pût, à chaque retour du jour, contempler la place de ce campo santo juif, où son idole avait dépouillé sa forme terrestre pour habiter l’éternelle et pure demeure dans son souvenir et dans le ciel ! […] Le comte Capponi rentra alors dans la retraite en faisant des vœux pour l’Italie sous toutes ses formes.
Cet égard pour la liberté individuelle ne dura pas longtemps, et bientôt après moi d’autres Français et d’autres Françaises furent exilés sans aucune forme de procès. […] Quand on abjurerait tous les préjugés d’illustre naissance que le retour des formes monarchiques devait nécessairement rappeler, pourrait-on blasphémer ainsi les souvenirs de la bataille de Lens et de celle de Rocroi ? […] La France se mourait d’imitation dans le fond et dans la forme des œuvres de l’esprit ; elle lui ouvrait des sources neuves et intarissables d’inspiration dans l’originalité, cette muse qui se rajeunit avec les siècles.
Vous connaissez amplement mille particularités, mille personnalités, qui sont inconnues à la plupart des auteurs, et vous pourriez leur donner la meilleure forme du monde. […] Vous vous occupez, je suppose, de Mme de Maintenon, vous cherchez les témoignages pour ou contre cette vertu tant controversée ; vous ouvrez le recueil des pensées et dires de Sorbière, le Sorberiana, à l’article Scarron ; vous y trouvez ce charmant éloge de Mme de Maintenon jeune et sous sa première forme d’épouse vierge et immaculée d’un mari impotent : « L’histoire du mariage de M.
Ils peuvent ensuite modifier ou développer, ou mûrir ou racornir leurs idées, mais, pour la forme, pour la mode et pour la coupe, si j’ose dire, on les reconnaît ; ils ont une date, ils nous la donnent fixe et bien précise, celle de l’instant de leur départ. […] Je ne prétends pas dire, assurément, qu’il n’y ait plus lieu aux convenances des esprits et des âmes, ni à ce noble sentiment de l’amitié ; mais la forme où nous le voyons se produire chez Saint-Évremond a notablement changé avec les conditions de la société elle-même.
Nourri des livres sacrés, partageant les croyances du peuple de Dieu, il se tient strictement au récit de l’Écriture, ne se croit pas obligé de mêler l’autorité d’Aristote à l’action, ni surtout de placer au cœur de son drame une intrigue amoureuse (et l’amour est de toutes les choses humaines celle qui, s’appuyant sur une base éternelle, varie le plus dans ses formes selon les temps, et par conséquent induit le plus en erreur le poëte). […] Commençons par l’architecture du temple dans Athalie : chez les Hébreux, tout était figure, symbole, et l’importance des formes se rattachait à l’esprit de la loi.
Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse. […] Il ressemble pour la forme aux journaux anglais d’Addison, de Steele, de Johnson, avec moins de fini et de soigné, mais bien du sens, de l’instruction solide et de la candeur.
Et cependant parler, je le sens, est bien difficile ; venir contredire dans sa forme, dans sa tendance et dans ses conclusions, le Rapport que vous avez entendu dans la séance de vendredi et qui est l’ouvrage d’un savant collègue, d’un esprit pratique et positif, que je respecte tout particulièrement et qui m’a toujours montré de la bienveillance, ce n’est pas chose aisée, et il n’est pas agréable, je vous l’assure, de paraître prendre en main, ne fût-ce même qu’incidemment, une cause qui est déclarée détestable, funeste, perverse ; de paraître le moins du monde s’associer à ce qu’on a appelé les efforts des méchants. […] « Dans la séance du 29 mars dernier, au moment où j’ai revendiqué le droit de défendre, ne fût-ce que moyennant protestation de ma part, des opinions philosophiques, honorables et respectables, au nom de la liberté de penser », vous m’avez adressé cette parole, imprimée au Moniteur : « Vous n’êtes pas ici pour cela. » « Au milieu de tant d’autres paroles, insérées également au Moniteur, et qui firent explosion en ce singulier moment, où il m’a été donné d’être désigné devant le pays comme une sorte de paria au sein du Sénat, votre apostrophe offensante me parut la seule qui fût à relever, à réfuter, parce qu’elle atteignait directement mon droit, qu’elle le niait, et que, sous sa forme impérieuse et leste, elle était la plus contraire à ce qu’on doit attendre d’un collègue, c’est-à-dire d’un égal.
parce qu’une conspiration, un homme, peuvent s’emparer tout à coup de la citadelle d’un petit État, et par cela seul changer la forme de son gouvernement, tandis qu’il n’y a qu’une opinion qui remue à la fois trente millions d’hommes, que tout ce qui n’est produit que par des individus, ou par une faction qui n’est point ralliée au mouvement public, est étouffé par la masse qui se porte sur chaque point. […] Enfin, de quelque manière que l’on juge mon plan, ce qui est certain, c’est que mon unique but a été de combattre le malheur sous toutes ses formes, d’étudier les pensées, les sentiments, les institutions qui causent de la douleur aux hommes, pour chercher quelle est la réflexion, le mouvement, la combinaison, qui pourrait diminuer quelque chose de l’intensité des peines de l’âme ; l’image de l’infortune, sous quelque aspect qu’elle se présente, et me poursuit, et m’accable.
On ne peut pas dire qu’il mourut en chrétien ; Platon était son Christ et la philosophie grecque était sa foi ; il confondait dans cette foi la divinité de l’Évangile avec ces révélations de la sagesse humaine, émanées des inspirés de Dieu, dont il avait propagé le culte en Italie ; fidèle aux formes du catholicisme, plus fidèle à l’esprit dont il les animait. […] Il la signala à cette époque par un poëme sur le vrai bonheur, sous la forme d’un entretien champêtre entre un pasteur de Toscane et un philosophe.
Ainsi se forme une première idée générale qui sert de base au Siècle de Louis XIV. […] Ainsi établi dans sa forme définitive, il n’eut pas de peine à prendre place en 1756 dans l’Essai sur l’Histoire générale, et sur les mœurs et l’esprit des nations depuis Charlemagne jusqu’à nos jours.
Le clergé forme assurément, dans notre société moderne, la classe la plus originale et la plus nettement « différenciée ». […] Ils sont, à l’ordinaire, infiniment polis ; car la politesse leur est recommandée dès le séminaire comme une vertu chrétienne et comme une arme défensive : elle est pour eux une des formes de la charité, une expression de leur respect pour les âmes, et un rempart où ils se retranchent contre les familiarités et les indiscrétions.
À cause que de vraies œuvres ont jailli, indépendamment d’un débat de forme et, ne les reconnût-on, la qualité du silence, qui les remplacerait, à l’entour d’un instrument surmené, est précieuse. […] Les articles, dits premier-Paris, admirables et la seule forme contemporaine parce que de toute éternité, sont des poèmes, voilà, plus ou moins bien simplement ; riches, nuls, en cloisonné ou sur fond à la colle.
Mais par là même elle se forme l’accès des « Journaux du jour », qui n’entendent pas en ce sens-là la politique et dont le public se figure n’avoir rien à faire avec les principes. […] Paul Souchon forme le même vœu presque dans les mêmes termes.
Par exemple, on forme de tous les traits qui appartiennent aux plus grands poètes un type de poésie ; en regard de ce type, on place tel poète qui, pour être au-dessous, n’en a pas moins des traits du grand poète, et on lui en refuse le nom. […] Il reste de tout cela, comme impressions dernières, l’idée de ce que chacun doit à l’État et de ce que l’État doit à tous, le patriotisme, le goût du grand, qui est l’utile sous sa forme la plus élevée, l’admiration pour les grands hommes, avec une justice particulière pour ceux qui ont le génie du gouvernement, et qui sont chargés de la triple tâche de conserver, de faire marcher et de perfectionner la machine.
Il n’y a que deux choses auxquelles il ne pense pas et qui en sont le principal : la forme et la beauté. […] Entre l’écrivain qui les voit par l’esprit, sous la forme de types, et celui qui, l’œil fixé sur l’objet, en suit servilement les contours comme la lumière indifférente dans l’appareil photographique, il y a le peintre.
Si, réglant les droits des Souverains & des Peuples, je soutenois que le Gouvernement n’empruntant son pouvoir que de la Société, & n’étant établi que pour son bien, il est évident qu’elle peut révoquer ce pouvoir quand son intérêt l’exige, changer la forme du Gouvernement, étendre ou limiter le pouvoir qu’elle confie à ses Chefs, sur lesquels elle conserve toujours une autorité suprême Syst. de la Nat. […] Quand je formai le dessein de mon Livre, la contagion philosophique avoit infecté les objets les plus intéressans pour l’humanité ; ses ravages faisoient tous les jours de nouveaux progrès : j’avois donc à prémunir les Esprits contre un poison qui se glissoit par-tout & sous toute sorte de formes, qui menaçoit tous les individus : il falloit, pour le détruire, l’attaquer toutes les fois que je pouvois en reconnoître les traces.
C’est sur la foi de ceux qu’on suppose plus instruits, plus éclairés, qu’on se forme les différentes idées des choses ; celui qui croit savoir moins qu’un autre, quelque pénétrant qu’il soit d’ailleurs, s’en rapporte volontiers à des lumieres qu’il juge supérieures ; & c’est sur cette adhésion aux idées d’autrui, que se sont établies les différentes persuasions qui ont donné cours à tous les systêmes adoptés depuis le commencement du monde. […] Aujourd'hui, plus combinés, plus réfléchis, couverts du masque de la décence, ils sont devenus très-communs, & l'on n'en blâme & punit que la forme ; aujourd'hui les méchans ont acquis l'art funeste de donner un libre essor à leur perversité ; l'art de la rendre plus active, d'en faire mouvoir plus fûrement les ressorts, & le talent plus funeste encore de se dérober au glaive vengeur des Loix.
La Ciguë Au point de vue de l’art pur, de la correction ornée de la forme, l’auteur n’a guère surpassé La Ciguë. […] Le mal pourtant ne disparut pas, il est inhérent à la nature humaine ; sous les formes les plus diverses, il reparaît à travers les siècles.
L’émotion était profonde, de belles formes coulaient dans la salle. […] La ruine survient ; d’autres se seraient noyés à sa place ; une perche d’or de trois millions s’offre à lui pour le repêcher, sous la forme d’une riche héritière sottement éprise, à son tour, de son irrésistible nullité.
. — Non, me dit-il,-c’est du sang de ces coquins… Et jusque dans cette satirique Histoire des Gaules, il nous le représente ainsi : Le prince Tiridate (le Grand Condé) avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, et la physionomie d’une aigle 34 les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres ; l’air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle. […] Pour peindre la comtesse de Fiesque, par exemple, il dira : « Elle avait les yeux bruns et brillants, le nez bien fait, la bouche agréable et de belle couleur, le teint blanc et uni, la forme du visage longue : il n’y avait eu qu’elle au monde qui s’était embellie d’un menton pointu. » Ce n’est qu’un rien, mais remarquez-vous comme cela est dit ?
Vers la fin, il semble par moments que l’auteur se forme. […] Cette cravate, ce gilet, cet œillet ne sont pas très difficiles à emprunter, et il me semble que cette forme de style et de phrase se peuvent assez aisément imiter aussi.
L’auteur aujourd’hui peut démasquer l’idée politique, l’idée sociale, qu’il avait voulu populariser sous cette innocente et candide forme littéraire. […] D’ailleurs, nous ne voulons pas seulement l’abolition de la peine de mort, nous voulons un remaniement complet de la pénalité sous toutes ses formes, du haut en bas, depuis le verrou jusqu’au couperet, et le temps est un des ingrédients qui doivent entrer dans une pareille œuvre pour qu’elle soit bien faite.
A la vérité, M. de Tocqueville, ayant été plus qu’aucun autre frappé des excès et des périls de la centralisation, a bien entrevu cette sorte de communisme où pourrait conduire l’abus de l’intervention de l’État en toutes choses, et c’est là une des formes du socialisme ; mais ce n’est pas la plus redoutable, quelque grave qu’elle soit. […] Il n’avait pas atteint cette sphère où la religion ne nous laisse plus rien qui ne prenne sa forme et son ardeur.
Peu avant cette belle fin, Lapierre avait écrit à ses amis de l’Humanité cette page testamentaire : Nous sommés soldats des armées de la République menacée par le militarisme allemand, mais nous restons tous inébranlablement attachés à notre grand idéal et à l’organisation qui en est la forme vivante… Socialistes au cœur humain et au sentiment généreux, nous avons un devoir sacré à remplir, au milieu de tant de colères et de haines : éviter que les bas instincts ne sèment dans l’âme de nos camarades de combat les idées de vandalisme et de sauvagerie. […] L’unité française se forme dès lors, ainsi qu’une fois déjà elle s’est formée à la Fédération du 14 juillet 1790, non pas sur la même religion sociale exprimée, mais sur le même amour de la France, sur le même amour de la justice… Cette conciliation ne deviendra jamais sans doute une assimilation et une confusion : il faut des fleurs diverses au jardin de la terre.
Cette moralité qui vient tard et seulement pour la forme, ne fait illusion à personne ; le public n’y donne jamais, et ce serait de la part des auteurs attribuer par trop de simplicité aux juges d’un concours que de les croire capables de se prendre à cette morale du lendemain.
Un honnête homme ne doit jamais s’offenser des reproches qui n’ont pour objet que des défauts ou des infirmités corporelles : Neque enim tu es, quem forma ista declarat ; sed mens cujusque, is est quisque, non ea figura quae digito demonstrari potest (car tu n’es pas ce que cette forme semble indiquer ; mais l’âme de l’homme, voilà l’homme, et non cette figure extérieure qui se peut montrer du doigt)2.
qu’on ne me dise pas qu’Oberman et René ne sont que deux formes inégalement belles d’une identité fondamentale ; que l’un n’est qu’un développement en deux volumes, tandis que l’autre est une expression plus illustre et plus concise ; qu’on ne me dise pas cela !
Il n’en fut pas ainsi de Diderot, qui, n’ayant pas cette tournure d’esprit critique, et ne pouvant prendre sur lui de s’isoler comme Buffon et Rousseau, demeura presque toute sa vie dais une position fausse, dans une distraction permanente, et dispersa ses immenses facultés sous toutes les formes et par tous les pores.
Desmarest l’a très bien posé, rougissait désormais du rôle d’aventurier et d’assassin par ordre ; il tenait cette fois (et il l’a lui-même proclamé dans son interrogatoire) à réunir des conjurés d’élite, à attaquer le premier Consul de vive force, mais avec des armes égales à celles des gardes de son escorte, à le frapper enfin de l’épée dans un choc militaire, comme un vaillant, et non sous les formes clandestines du meurtre.
Lerminier, reste pourtant oratoire, et il ne faut pas s’en plaindre ; de grandes beautés littéraires, à côté des défauts, ressortent de cette forme presque nécessaire d’éloquence dans laquelle il est si à l’aise.
Au fond, et sous nos formes de polémique démocratique, nous étions évidemment préoccupés d’une économie politique plus réelle que l’ancienne, d’une constitution plus équitable de la propriété, d’un art nouveau, d’une religion inconnue.
Au théâtre comme ailleurs, et presque plus qu’ailleurs, éclate l’opposition des deux parties du siècle : avant 1850, les enthousiasmes, les fureurs, l’idéalisme gonflé du drame romantique ; après 1870, la comédie triomphe sur toute la ligne, étale toutes ses formes, vaudevilles drolatiques, copieuses bouffonneries, peintures réalistes des mœurs.
Peu de temps après le banquet, ce désaveu parut sous la forme du manifeste de l’École romane 34.
Et pourtant des observateurs à déductions précipitées 23, remarquant que des écrivains d’une même époque ont laissé des œuvres très différentes d’idées, de formes, de caractères, en ont conclu que l’influence de ce milieu-là était capricieuse et fugace, qu’elle n’existait pas pour un grand nombre de talents notables et pour la plupart des génies suprêmes.
Il pleure, le pauvre affamé : « Le Post-Scriptum de ma vie forme MALHEUREUSEMENT le dernier volume de prose à publier. » Ailleurs, Claretie cite quelques « livres immortels » et le premier titre qu’il proclame, c’est Bug-Jargal !
On y voit l’imagination la plus vive & la plus féconde, un esprit flexible pour prendre toutes ses formes, intrépide dans toutes ses idées, un cœur pétri de la liberté Républicaine, & sensible jusqu'à l’excès, une mémoire enrichie de tout ce que la lecture des Philosophes Grecs & Latins peut offrir de plus réfléchi & de plus étendu ; enfin une force de pensées, une vivacité de coloris, une profondeur de morale, une richesse d’expressions, une abondance, une rapidité de style, & par-dessus tout une misanthropie qu’on peut regarder comme le ressort principal qui a mis en jeu ses sentimens & ses idées.
Il fait son compliment, et montre d’une main l’esprit-saint de ronde-bosse, à l’angle supérieur droit de la chambre, à la pointe du faisceau lumineux et fécondant qui passe sur la tête de la vierge et forme des sillons de bas-relief sur le fond.
Mais ceci n’est qu’une forme de l’horreur du lieu commun et du goût que M. de Gourmont connaît bien — il l’a analysé dans une très bonne page — pour regarder toute chose avec des yeux frais, après s’être absolument débarrassé de tout préjugé, de toute manière traditionnelle et acquise de voir, de juger et de sentir.
Mais il ne s’agit plus ici d’un simple changement de forme, il s’agit d’un changement dans les éléments mêmes de la société.
Toutes les deux sont identiques de fond, de forme et de travaux.
Ceci n’est plus, comme les Césars, artiste et inspiré, aussi piquant de science que de forme.
La maison Jannet s’est surtout distinguée dans ce progrès de la librairie que nous venons de signaler ; elle a eu la première l’heureuse idée de renouveler la forme si connue et si estimée des Elzévirs.
une anatomie vivante du pamphlet qui ressemble beaucoup moins à une analyse qu’à un hymne ; mais ce lyrisme en l’honneur du pamphlet, le discours écrit, prouve à quel point cette forme, qui chez lui a le caractère oratoire, mais qui n’est pas nécessairement oratoire, transportait et emportait haut sa pensée.
Publié aujourd’hui sous la forme de deux gros volumes in-8º, le travail de M.
Les formes qu’elle revêt avec affectation n’appartiennent ni à M.
Par là, il se sépare vigoureusement de ces Titans du romantisme avec lesquels il a vécu, de ces Prométhées de la forme et de la ciselure qui ne sont Titans que jusqu’au cœur ; car avec eux les vautours de Jupiter mourraient de faim.
Par sa nature, il doit répugner à cette forme essentiellement parnassienne du sonnet, à cette œuvre d’asthmatique qui, entre deux toux, place nettement son petit mot… Et puisque nous avons tous une famille littéraire quand nous sommes bien nés littérairement, et qu’alors nous ne nous mettons pas aux Enfants Trouvés des Écoles, l’auteur de La Vie inquiète s’apparente de loin à Henri Heine, et, de plus près, à lord Byron.
Or, encore, si vous ne mettez pas dans votre roman les facultés surabondantes nécessaires à une création, vous avez interverti l’ordre des œuvres, et, au lieu de ce monde inventé et organisé d’un roman dans lequel Walter Scott, par exemple, aurait fait tenir jusqu’à l’Histoire, vous n’avez qu’une histoire, qui n’a peut-être pas la réalité pure de l’Histoire, et c’est dans les formes énergiques, mais étroites, maigres et décharnées de cette histoire, que vous étranglez le roman !
Ainsi, dans La Famille Percier il y a certainement de l’inattendu, de l’intelligence dramatique, une préoccupation assez brusque du fond sur la forme, ce qui n’est pas l’habitude des esprits du temps, et enfin, comme dans Le Mariage de Caroline, un dialogue plein de naturel.
La forme du livre est facile, et elle serait agréable si l’auteur, qui sait sourire, se permettait de sourire, et n’empalait pas son esprit sur le piquet du sérieux.
L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils.
Mais d’abord imitatrice du passé, cette poésie, dans sa nouveauté même, gardera les formes de l’art, les règles de l’harmonie, que l’ignorance populaire et l’invasion barbare devaient plus tard confondre et détruire.
J’ai tâché, au contraire, de pratiquer plus particulièrement les auteurs dont la forme est la plus éloignée de la sienne, Voltaire, par exemple. […] Et, comme de toutes les formes de gouvernement, celle qui suscite le plus de compétiteurs de cette qualité est la République, vous conclurez avec moi que le plus corrupteur des gouvernements est le gouvernement républicain. […] Il faisait tête aux faits et aux lois, et parfois, sous les formes les plus courtoises, l’élève traitait le maître en simple contradicteur. […] L’œil appliqué au microscope du maître, j’ai vu, dans leurs formes régulières, les premiers semis de ces productions luxuriantes. […] Je pense, je sens par son âme, dont une parcelle forme la mienne ; je parle, j’écris dans son admirable langue.
Joséphine devint, en bonne et due forme, la citoyenne Bonaparte, ainsi qu’il appert d’un acte signé et contresigné, le 19 ventôse an IV, par-devant Charles-Théodore-François Leclercq, officier public du 2e arrondissement de Paris. […] Il l’épousa en bonne et due forme. […] On se forme en cortège. […] Une forme qu’il n’avait pas vu venir y était accroupie. […] Il redescendit de la hune, rapportant dans sa main sa pauvre perruche morte, aplatie, n’ayant plus forme d’oiseau, un mélange de sang et de plumes grises, au-dessus duquel remuait encore une pauvre patte crispée.
Il apporte une consultation en forme ; le dévot est devenu médecin, pose des principes, disserte, démontre :49 « le prince ne manque que de chaleur, le long âge en lui l’a détruite », mais il y a un beau secret pour « réparer la nature défaillante. » Et là-dessus savourant tous les mots, surtout le plus atroce, il ajoute : D’un loup écorché vif appliquez-vous la peau Toute chaude et toute fumante. […] Un grand gouvernement systématique et complet qui vit de ses sujets et fait vivre ses fonctionnaires, forme le réservoir où affluent toutes les bonnes choses ; et c’est là que les habiles vont puiser, quel que soit le régime. […] 102 Voyant l’enfant dans l’eau, il le sermonne, il développe les suites fâcheuses de l’imprudence et plaint les parents et leur condition ; « Ayant tout dit, il mit l’enfant dehors. » Et remarquez que, s’il bavarde ainsi, ce n’est pas par amour-propre, puisqu’il est seul et qu’il n’y a personne pour l’entendre ; la harangue est maintenant sa forme d’esprit ; il ne peut parler qu’en sentences. […] Notre tête était pleine de formes, de couleurs, d’accents, de mouvements ; le spectacle des passions vivantes éveillait en nous des passions vivantes.
Pareillement au quatorzième siècle, second âge du monde féodal, on voit d’un côté des guipures de pierre et la svelte efflorescence des formes aériennes, de l’autre les vers raffinés et les contes divertissants remplacer la vieille architecture grandiose et la vieille épopée simple. […] Pareillement la plupart des poëmes du temps sont dénués de fond ; tout au plus une moralité banale leur sert d’étai ; en somme, le poëte n’a songé qu’à étaler devant nous l’éclat des couleurs et le pêle-mêle des formes. […] Quelle suite de vérités originales et de doctrines neuves peut-on trouver et prouver, lorsque, dans un conte moral comme celui de Mélibée et de sa femme Prudence, on se croit obligé d’établir une controverse en forme, de citer Sénèque et Job pour interdire les larmes, d’alléguer Jésus qui pleure pour autoriser les larmes, de numéroter chaque preuve, d’appeler à l’aide Salomon, Cassiodore et Caton, bref d’écrire un livre d’école ? […] Mettez dans tous les esprits d’un siècle une grande idée neuve de la nature et de la vie, de telle façon qu’ils la sentent et la créent de tout leur cœur et de toutes leurs forces ; et vous les verrez, saisis du besoin de l’exprimer, inventer des formes d’art et des groupes de figures.
On avait peine dans le sérail à croire le rapport de ce conjuré ; toutefois, comme la chose était trop importante pour en négliger l’avis, et que la reine et les eunuques, que la conjuration regardait, croyaient à tout moment qu’on les venait mettre en pièces, le roi se laissa pousser à faire mourir le lendemain matin tout ce nombre d’assassins, sans autre forme de procès. […] C’est là à peu près la structure et la forme de tous les grands caravansérais d’Ispahan, qui sont bâtis de pierres ou de briques, si ce n’est que les uns ont un grand relais carré, de quatre à cinq pieds de hauteur au milieu de la cour, au lieu de bassin d’eau. […] La face intérieure, qui forme le portail, est en demi-lune, enfoncée de treize pieds environ, fort élevée et toute revêtue de jaspe du rez-de-chaussée à dix pieds en haut, avec des perrons du même ouvrage. […] Le salon, qui est couvert en voûte, a la forme d’un carré long ou d’une croix grecque, au moyen de deux portiques, ou arcades, profondes de seize pieds, qui sont aux côtés.
* * * — L’imagination du monstre, de l’animalité chimérique, l’art de peindre les peurs qui s’approchent de l’homme, le jour, avec le féroce et le reptile, la nuit, avec les apparitions troubles ; la faculté de figurer et d’incarner ces paniques de la vision et de l’illusion, dans des formes et des constructions d’êtres membrés, articulés, presque viables — c’est le génie du Japon. […] Il y a de la fantaisie baroque de monstre dans cette tête grotesque et terrible, où la forme sort d’un trou et d’une enflure, où la bouche s’ouvre dans le rinceau d’un mascaron, où les petits yeux jaillissent des tempes comme deux petites perles de verre bleu. […] Les deux sœurs, les deux vieilles filles, qui semblent avoir oublié depuis longtemps qu’elles sont des femmes, les cheveux dépeignés, le corps perdu dans une blouse sans forme, enfin de ces créatures qu’on voit au second plan des familles ; effacées et dévouées, de beaux types à étudier pour un descendant de Balzac. […] 29 août L’art c’est l’éternisation, dans une forme suprême, absolue, définitive, de la fugitivité d’une créature ou d’une chose humaine.
Je n’attaquerai pas votre gouvernement ; je pourrai même avoir à le défendre comme volontaire de l’ordre, mais je ne m’y rallierai jamais par un intérêt. » Ceci fut dit dans les formes indirectes et respectueuses commandées par l’usage à un simple député parlant à un roi. […] Il se déclare nettement républicain dans sa chanson du Déluge, épitaphe de tous les trônes ; enfin, il caresse de nouveau l’Empire dans son sublime Chant du Cosaque, hymne de vengeance où le patriotisme prend la forme de l’ironie. […] Une immense popularité y entra avec lui : c’était le seul service qu’il consentit à rendre sous cette forme à la patrie. […] La liberté a tout autant besoin de gouvernement que la monarchie ; le peuple est un beau nom, mais il lui faut une forme : le chef-d’œuvre de l’humanité, c’est un gouvernement. » XXIX Ces pensées étaient précisément les miennes.
Chateaubriaud a fait le sien ; il faut l’entendre, dans ses Mémoires, nous décrire ce prodigieux événement et s’efforcer d’en exprimer le grandiose à force d’images, il veut nous montrer Napoléon en marche, qui s’avance sans rencontrer d’obstacle : « Dans le vide qui se forme, dit-il, autour de son ombre gigantesque, s’il entre quelques soldats, ils sont invinciblement entraînés par l’attraction de ses aigles.
Il faut voir comme avec lui ces formes pures et légères, Manon Lescaut, Mlle Aïssé, s’allègent, se dessinent, tournent au groupe, à la statue, à l’Ariane antique.
tout d’un coup le voile se déchire, et je m’aperçois que ce que je désirais sous une forme équivoque est quelque chose de naturel et de pur, c’est un regret qui s’éveille, c’est de n’avoir pas à moi, comme je l’aurais pu, une fille de quinze ans qui ferait aujourd’hui la chaste joie d’un père et qui remplirait ce cœur de voluptés permises, au lieu des continuels égarements.
Le gouvernement de l’empereur10 n’est pas de ceux qui craignent d’avoir affaire à la démocratie, sous quelque forme qu’elle se présente, parce que ce gouvernement a la puissance et le secret de l’élever et de l’organiser.
« Dans les portraits littéraires que j’esquisse, dit un critique contemporain3, je ne cherche qu’à reproduire l’image que je me forme involontairement de chaque écrivain, en négligeant ce qui dans son œuvre ne se rapporte pas à cette vision. » Voilà précisément comme vous devez faire.
Dans cette langue dont il était plus maître que de son parler natal, Calvin donna à sa pensée toute son ampleur et toute sa force, et quand ensuite il la voulut forcer à revêtir la forme de notre pauvre et sec idiome, elle y porta une partie des qualités artistiques de la belle langue romaine.
Mais un certain éclat, une certaine outrance de la forme, la couleur « moyenâgeuse », le cerf du premier acte, le chapelain, le burnous de Jacoub sentent déjà le romantisme.
On est grand quand, à travers les huées, les colères et les trahisons, on donne à l’art et à la société une forme nouvelle, quand, par le livre ou par l’action, et mieux par les deux ensemble, on ouvre une porte fermée de l’avenir, quand on entre le premier dans l’inconnu, quand on est le conducteur d’un demi-siècle.
On forme cercle pour écouter, l’oreille tendue, tandis que la gouttière des parapluies se déverse avec acharnement dans les cous d’alentour.
., n’a qu’une ressemblance de forme avec la parabole évangélique.
Comme nous voïons présentement qu’il se forme de temps en temps des congrès où les représentans des rois et des peuples qui composent la societé des nations, s’assemblent pour terminer des guerres et pour regler la destinée des états ; de même il se formoit alors de temps en temps des assemblées, où ce qu’il y avoit de plus illustre dans la Grece, se rendoit pour juger quel étoit le plus grand peintre, le poëte le plus touchant et le meilleur athlete.
Catalogués et numérotés par leur date d’admission à l’Académie française, tous ces esprits, qui, dans les lettres, expriment ce que Napoléon appelait de la chair à canon dans la guerre, et forment, pour ainsi parler, l’humus d’une littérature, comme la masse des soldats tués forme celui des champs de bataille, tous ces esprits n’auraient pas l’honneur de la place qu’ils occupent au petit soleil du livre de Livet s’il s’agissait individuellement d’eux, au lieu du corps dont ils ont fait partie.
Il s’y agit de la Révolution d’Angleterre, il est vrai, mais la Révolution d’Angleterre, c’est toujours de la révolution, c’est toujours, sous une forme particulière et avec une date, l’amour ou l’effroi des nations modernes, la grande idée qui, comme un glaive, coupe pour un moment le monde en deux !
En érudition, ils avaient beaucoup lu les mémoires de notre académie des Inscriptions, et, en littérature, ils renouvelaient souvent des formes oubliées.
C’est un sensualiste naïf qui ne se préoccupe que de la forme, un païen parfaitement digne d’une époque qui a toutes les aberrations de la Renaissance sans leur excuse, s’il y en a… Debay ne voit dans le monde que la femme, et dans la femme que sa beauté matérielle.
Joseph de Maistre et Bonald ont péri, avec tout leur génie, à dire les mêmes choses que cet esprit de leur famille, qui prouve la même vérité qu’eux sous des formes qui lui appartiennent ; car la Vérité, qui est infinie, a trente-six mille côtés par lesquels on peut la prendre et la montrer aux hommes, et elle n’en est pas moins la Vérité, une et souveraine.
L’homme, avec sa conscience droite et ferme, n’a jamais habité en cette pâle forme agitée qui, en répandant de l’encre éloquente, s’est trouvée répandre du sang.
Lucien Perey et Gaston Maugras, forme deux énormes volumes de six cents pages, et enterre définitivement sous sa masse les deux éditions qui l’ont précédée et qu’elle va remplacer.
Ils sont bien, comme tous les sermons des prêtres chrétiens, depuis saint Paul jusqu’à saint Ambroise, et depuis saint Ambroise jusqu’à Bourdaloue et Bossuet, la vérité de Jésus-Christ dans toutes ses portées pour le cœur et pour l’esprit, la vérité avec son caractère absolu et universel ; mais ils ont cependant quelque chose de différent aussi et qui n’est pas seulement une question de talent, d’originalité et de forme.
couronner l’auteur d’un livre pareil, en toute circonstance c’est montrer à quel point les respectables auteurs du dictionnaire de la langue française peuvent être dupes des mots et des formes limpides que la pensée sait parfois revêtir.
D’un autre côté, j’adore l’originalité dans la forme et dans la pensée, et, quoique la bizarrerie en soit la grimace, je me sens pour l’originalité une si grande faiblesse que je suis bien capable de l’aimer jusqu’à la bizarrerie.
La forme en est sobre et très mâle, et d’une simplicité si forte que ce n’est qu’après coup et à la réflexion qu’on s’aperçoit de la puissance de cette simplicité.
Il faut bien le dire : cette langue n’a ni invention, ni vie, ni formes nouvelles.
Faust a résisté ; Faust, cette Idée et cette Forme chrétiennes, qui a poussé comme la fleur d’un merveilleux terrible dans le plus profond de l’imagination du Moyen Age, est resté Faust dans le poème de Bouchor.
Mürger n’était pas de ces esprits puissants qui trouvent une forme toute faite dans l’originalité de leur génie ou se travaillent de leurs mains robustes pour s’en faire une… Lui moins qu’un autre ne pouvait se passer de cette éducation première dont le génie se passe si bien et n’en est que plus fier !
Les gens sans pensée qui picorent sur des mots, ont appelé Heine une âme païenne parce qu’il a fait jouer dans le diamant de son imagination réverbérante quelques formes du monde antique, mais il n’était pas plus païen que chrétien et que juif.
Charles Didier n’est, en effet, qu’un faiseur de nouvelles qui a voulu relier des récits divers les uns aux autres dans l’encadrement d’une forme romanesque déterminée, mais ce qu’il a trouvé est, en vérité, par trop facile et par trop chétif.
La convention postale de Berne de 1874, complétée et améliorée dans des conférences postérieures, crée une Union postale universelle constituant un véritable code ; en cas de litige entre deux pays, un arbitrage international décide… Si l’on ajoute à ces grands traités l’immense quantité de conventions relatives à l’hygiène publique, à l’extradition des criminels, aux relations commerciales, à la faillite, aux successions, aux abordages, à la situation juridique des étrangers, aux monnaies, aux poids et mesures, et qu’on considère les mille difficultés que provoque leur exécution, on est obligé de reconnaître que le monde entier enserré dans les liens innombrables qu’ont tressés sur lui les relations chaque jour plus étendues des peuples, forme lui-même un vaste État, où le droit existe, où la loi s’impose, et qui réclame impérieusement une juridiction commune pour ses intérêts communs. » Ajoutons à cette brève nomenclature, un exemple tout récent et fort typique.
Il faut convenir de bonne foi que tous ces ouvrages en forme d’éloges ou autrement, offrent à ceux qui les lisent, beaucoup plus de recherches que d’intérêt.
Les Grecs observèrent encore qu’il y avait eu partout un caractère poétique de bergers parlant en vers ; chez eux c’était Évandre l’Arcadien ; Évandre ne manqua pas de passer de l’Arcadie dans le Latium, où il donna l’hospitalité à l’Hercule grec, son compatriote, et prit pour femme Carmenta, ainsi nommée de carmina, vers ; elle trouva chez les Latins les lettres, c’est-à-dire, les formes des sons articulés qui sont la matière des vers.
Mais, si la situation est analogue, les détails sont tous originaux ; la nature forme des ressemblances, jamais de copies. […] La vengeance divine, sous la forme d’une croyance populaire du pays, s’attache au meurtrier : il se noie dans le Rhône en traversant le fleuve avec son cheval pour repasser dans la Camargue. […] L’insolence de l’aristocratie descend du palais à la chaumière, comme une passion inhérente au cœur humain, dont la forme change, mais dont le fond est immuable.
La poésie était née avec lui : il ne tarda pas à laisser échapper sous toutes les formes les chefs-d’œuvre légers de son imagination ; des odes, des sonnets, des bergeries, des pièces de théâtre composées à la requête d’Hercule d’Este ou de son frère le cardinal Hippolyte d’Este, répandirent son nom jusqu’à Florence et à Venise. […] Sa beauté était une transparence ; on voyait au fond de son cœur, et tout ce qu’on y voyait était si bon, si tendre, si intelligent, si serein, si souriant et si compatissant à la fois, qu’on ne savait plus, en la regardant, si c’était l’enveloppe ou la personne qu’on admirait involontairement et unanimement en elle ; ou, pour mieux dire, on ne pensait plus à admirer, on s’attendrissait : l’attendrissement est la vraie forme, la forme pathétique de l’admiration.
Sadia Lévy : le tourment comme sacré du Verbe et du Rythme, leur essence et leur mystère en l’entre-pénétration émotive des Formes, ce poète plein de merveilles les incarne et les exprime avec intensité. […] Elle ne passera jamais inaperçue, et soyez sûrs que tôt ou tard elle sera la source d’une nouvelle et large forme de poésie. » — (Etude, aux Ecrits pour l’Art, juin 1905). […] Mauclair (L’art en silence) : « Leur mouvement est un mouvement de forme, plutôt que d’idées ».
Mais moi, fils du hasard, moi Frank, avoir été Un petit monde, un tout, une forme pétrie. […] J’ai cru qu’une forme voilée Flottait là-bas sur la forêt. […] J’aimais avec la pure ferveur de l’innocence passionnée une personne angélique d’âme et de forme, qui me semblait descendue du ciel pour m’y faire lever à jamais les yeux quand elle y remonterait avant moi.
Ma sensibilité et mon imagination, qui me poussaient violemment à l’action sous toutes les formes, auraient été refoulées en moi, et elles auraient fait explosion par quelque grande œuvre poétique. […] On n’y entend d’autre bruit que le marteau du forgeron matinal et le pas de la mule ferrée sur le pavé ; le paysan, aux longs cheveux et au large chapeau sans forme du Bugey, la chasse devant lui, chargée de sacs de farine de son moulin ou de charbon de sa forêt. […] Il fallait un décorateur du passé qu’on voulait faire revivre et régner sous ses deux formes de trône absolu et d’autel populaire ; l’auteur du Génie du Christianisme, grand poète qui cherchait un poème, s’offrit avec ses magiques pinceaux.
Gaullieur que « cette avant-scène de la biographie de Benjamin Constant est la seule dont il soit piquant aujourd’hui de s’enquérir : elle forme, dit-il, comme une contre-épreuve de la première partie des Confessions de Jean-Jacques. […] « J’ai quitté l’idée d’un roman en forme. […] Vous êtes trop bonne, trop honnête, trop naturelle ; faites-vous un système qui vous rapproche des formes reçues, et vous serez au-dessus de tous les beaux esprits présents et passés. […] C’est un roman dans la forme épistolaire. […] Autre forme et variante de son refrain favori : ainsi, il ne s’en faisait faute dès l’âge de seize ans.
Je sens les nerfs d’Hercule sous les formes d’Antinoüs. […] Il y volait dans l’air d’heureux hémistiches, qu’il attrapait, disait-il, comme des mouches : « J’ai encore dans la tête des formes, des couleurs, des idées poétiques, originales, bizarres, flottantes, qui sont comme les rats de mon grenier, et les grains qui nous nourrissent. » « J’ai beaucoup d’idées assez singulières qui me roulent dans la tête et qui ne laissent pas que d’occuper encore mon cœur et mon imagination… Qu’on m’ôte la liberté et la joie de mon cœur, et l’on a coupé sur ma tête le cheveu fatal, et je suis un pauvre homme qui se meurt. » Ainsi parlait à toute heure ce beau vieillard reverdissant.
Ici le Dieu lui-même, sous une de ses formes, agit ; il dompte Salammbô. […] Ainsi Ammien Marcellin m’a fourni la forme exacte d’une porte, le poëme de Corippus (la Johannide), beaucoup de détails sur les peuplades africaines etc., etc.
Je ne vois âme qui vive de ce monde littéraire qui forme le goût, qui épure le langage. […] J’en ai quelquefois pleuré par les mille souvenirs qu’ils réveillent… » Elle forme le vœu modeste qui pour elle ne se réalisera jamais : « Je suis effrayée de l’obligation de sortir demain samedi vers une heure, malade ou non. — Si vous alliez venir !
Sous une forme religieuse, et derrière le velours du prêtre, c’était encore la même préoccupation dévorante, le même plagiat de Bonaparte, l’effet réfléchi de la fascination exercée par cette grande figure. […] On retrouvera dans le passage suivant, sous une forme un peu plus voilée, quelques-unes des mêmes pensées qui nous sont très-familières : « La première partie, disions-nous, de l’ouvrage de M.
Chacun y est touché et marqué en quelques lignes ; ils passent tous l’un après l’autre devant nous dans leurs physionomies différentes, et le digne Sers (depuis sénateur), aimable philosophe, habitué aux jouissances honnêtes, mais lent, timide et par là même incapable en révolution ; et Gensonné si faible à l’égard de Dumouriez dans l’affaire de Bonne-Carrère, qui ne sait pas saisir le moment de perdre un homme quand il le faut ; avec trop de formes dans l’esprit et pas assez de résolution dans le caractère ; et l’estimable Guadet, au contraire trop prompt, trop vite prévenu ou dédaigneux, s’étant trompé d’ailleurs sur la capacité de Duranthon qu’il a poussé aux affaires, et ayant à tout jamais compromis son jugement par cette bévue sans excuse ; et Vergniaud qu’elle n’aime décidément pas ; trop épicurien, on le sent, trop voluptueux et paresseux pour cette âme de Cornélie : elle ne se permettrait pas de le juger, dit-elle, mais les temporisations subites de l’insouciant et sublime orateur ne s’expliquent pas pour elle, aussi naturellement que pour nous, en simples caprices et négligences de génie ; mais elle le trouve par trop vain de sa toilette, et se méfie, on ne sait pourquoi, de son regard voilé, qui pourtant s’éclairait si bien dans la magie de la parole. […] A ceux qui citeraient Mme Roland pour exemple, nous rappellerons qu’elle ne négligeait pas d’ordinaire ces formes, ces grâces qui lui étaient un empire commun avec les personnes de son sexe ; et que ce génie qui perçait malgré tout et s’imposait souvent, n’appartenant qu’à elle seule, ne saurait, sans une étrange illusion, faire autorité pour d’autres.
En d’autres termes, à notre sensation visuelle se trouve adjointe une perception associée, celle de la distance et de la forme. […] Telle est la puissance de l’image contradictoire ; elle forme un couple avec la sensation contredite, et, tant que cet accolement dure, la contradiction persistante enraye l’hallucination, sinon au premier stade, du moins au second.
III Après quelques opuscules d’érudition grecque et classique, M. de Marcellus écrivit tout récemment son meilleur livre sous un titre et sous une forme qui promettaient peu et qui tenaient beaucoup ; c’est son Commentaire sur les Mémoires de M. de Chateaubriand. […] Eh bien, ce livre, mauvais de forme, même de fond, a servi de texte à un excellent livre.
C’était l’apparition de l’adolescence à l’adolescence, le rêve devenu roman et resté rêve, le fantôme souhaité enfin réalisé et fait chair, mais n’ayant pas encore de nom, ni de tort, ni de tache, ni d’exigence, ni de défaut ; en un mot, l’amant lointain et demeuré dans l’idéal, une chimère ayant une forme. […] Du reste, il n’avait pas le moindre désir de cette femme ravissante dont il sentait la forme contre sa poitrine.
La tyrannie revêt tant de formes, et l’ambition s’engage en des routes si diverses, que les poètes classiques, quel que soit le nombre de leurs heureux essais ou même de leurs chefs-d’œuvre en ce genre, ne l’ont point, à beaucoup près, épuisé. […] C’est là qu’est mon pays, là l’Écosse commence ; Ces nuages errants qui traversent le ciel, Peut-être hier ont vu mon palais paternel13 : voilà, quels que soient le sujet, les formes et les autres détails de l’ouvrage, voilà du classique ; car ce sont là des élans de l’âme encore plus que des images brillantes.
Trouve-t-on dans cet Ouvrage, & dans tous les autres du même Auteur, ce nerf historique, cette combinaison des matieres, cet esprit de liaison & de suite, cet ensemble qui nourrit & soutient l’esprit du Lecteur, & forme une chaîne non interrompue de tableaux qui le fixent & l’intéressent jusqu'à la fin ? […] Quel Philosophe, qu’un Raisonneur toujours en opposition avec ses principes, toujours ennemi de ses propres systêmes, toujours versatil & sans aucune forme déterminée !
Beaucoup trop de répétitions de formes chez les animaux… Comme nous regardions engloutir une grenouille dans la tête en triangle d’un serpent, et descendre dans son cou à la façon d’un ressort de laiton distendu, une femme, en compagnie de sa bonne, regardait, elle aussi, en détournant les yeux, et criait avec une sensibilité qui faisait du bruit : « C’est affreux ! […] Après tant de grâces maigres, tant de petites figures tristes, préoccupées, avec des nuages de saisie sur le front, toujours songeuses et enfoncées dans l’enfantement de la carotte ; après tous ces bagous de seconde main, ces chanterelles de perroquets, cette pauvre misérable langue argotique et malsaine, piquée dans les miettes de l’atelier et du Tintamarre ; après ces petites créatures grinchues et susceptibles, cette santé de peuple, cette bonne humeur de peuple, cette langue de peuple, cette force, cette cordialité, cette exubérance de contentement épanoui et dru, ce cœur qui apparaît là-dedans, avec de grosses formes et une brutalité attendrie : tout en cette femme m’agrée comme une solide et simple nourriture de ferme, après les dîners de gargotes à trente-deux sous.
Jeudi 21 juin Toutes les fois, que je dîne chez un restaurateur du boulevard, sur les huit heures, je vois arriver, porté sur ses béquilles, un jeune étranger, dont la colonne vertébrale, molle comme celle d’un ver à soie, forme un S. […] Dimanche 14 octobre Des chapeaux, des chapeaux noirs, au-dessus desquels on voit de temps en temps, émerger une chose blanche qui est un journal, arraché d’un kiosque, et autour duquel se forme aussitôt un groupe, aux oreilles tendues.
L’anglo-catholicisme n’est pas une opinion nouvelle, une forme religieuse vivant de son énergie propre : c’est une opinion ancienne infectée d’erreur, mais qui tend à se purifier et à se compléter chaque jour. […] — pourrait bien se montrer encore une fois dans la Grande-Bretagne… Que l’église réformée ou protestante tomberait alors, sinon par la forme, au moins par l’identité de la doctrine, dans l’apostasie romaine, et, certainement, si les personnes qui soutiennent les idées du Tract’s Magazine continuaient de les répandre, une telle éventualité ne serait pas seulement possible, mais probable… » Comme on peut en juger, l’aveu est formel, et il est d’un ennemi.
Les expositions de tout genre, la multiplication des livres illustrés et des affiches, la fréquentation du théâtre, les voyages économiques répandent jusque dans la foule la science des formes et des couleurs. […] En somme, ce qu’on peut dire des deux volumes de voyages de Fromentin, c’est qu’ils sont d’une exacte vision ; modernes par le procédé de style ; qu’ils renferment quelques belles pages, mais aussi beaucoup de passages et de chapitres même où la distinction de la forme cache mal l’absence de mouvement, de vie et de large humanité.
À vrai dire, toute personne qui, dans sa jeunesse, a vécu d’une vie d’émotions et d’orages, et qui oserait écrire simplement ce qu’elle a éprouvé, est capable d’un roman, d’un bon roman, et d’autant meilleur que la sincérité du souvenir y sera moins altérée par des fantaisies étrangères : il ne s’agirait pour chacun que de raconter, sous une forme presque directe et avec très-peu d’arrangement, deux ou trois années détachées de ses mémoires personnels.
On ne trouvera pas que ce soit trop d’en rassembler encore une fois les traits si regrettables et plus que jamais présents à tous, en ce moment de mystère et de deuil où le moule se brise, où la forme visible s’évanouit.
Ce n’est pas que le poète se forme du beau une image grossie et exagérée : bien au contraire, il nous semble intimement pénétré par instants des plus franches délicatesses de l’idéal.
L’artiste a dessiné la forme qu’elle impose : Elle y veut incruster la narre au bois de rose : Il serait d’or massif s’il était à son choix.
Malgré ses contresens, ses archaïsmes et sa forme biblique, cette traduction nous semble excellente, parce que c’est la première qui donne la sensation de la vie descriptive, qui est le fond du génie homérique.
Mme Swetchine, qui n’est pas auteur, — qui en a un jour couru le danger, mais qui y a échappé par cette conversion qui la jeta dans le grand sérieux de la vie et qu’elle n’a jamais racontée (trait caractéristique de la discrétion sur elle-même de cette sympathique femme du monde), Mme Swetchine, ne peut avoir eu que deux buts en écrivant sa pensée : — ou la fixer mieux en la parlant, pour la connaître et lui donner sa forme, pour qu’elle cessât d’être une rêverie et fût bien une pensée, — ou entrer par là dans la pratique morale, dans le conseil, dans le soulagement.
Mais l’élégance n’est qu’une forme charmante qui cache les laideurs morales et qui ne peut les supprimer, et l’honneur, ce porteur d’épée, coupe bien, comme Alexandre avec son glaive, tous les nœuds gordiens entrelacés dans la conscience ; mais il n’y a que la Religion qui puisse, de ses mains divines, les dénouer.
Être doué d’un esprit prodigieux dans le sens le plus leste et le plus brillamment impertinent de ce mot d’esprit, qui souvent dominait chez Joseph de Maistre toutes les gravités du génie, et devenir d’autant plus spirituel qu’on est plus respectueux, et gagner, dans cette compression féconde, mais douloureuse, d’un respect même immérité, des formes toutes — puissantes ou délicieuses pour sa pensée, qu’on n’aurait peut-être jamais eues sans cela, voilà ce que nous tenions à faire remarquer, nous qui pensons que la moralité d’un homme ajoute toujours à la beauté de ses œuvres !
Personne ne peut nier à présent que le gouvernement parlementaire, ce fils chéri de la Révolution, sur lequel elle avait mis et met encore ses espérances, ne soit pour l’heure terriblement compromis, même au regard de ceux qui se sont d’abord le plus croisés pour la forme de ce gouvernement.
À nos yeux, à nous, qui sommes surtout littéraires, et pour qui les idées, dans leur essence poétique ou rationnelle, doivent passer bien avant les formes plastiques qu’on peut leur donner, la Revue générale de l’Architecture a une importance que ne saurait avoir un monument isolé, lequel, après tout, fût-il de génie, ne nous donnerait jamais que des sentiments élevés ou de puissantes sensations.
cet homme, qui a passé toute une vie haletante et balancée entre deux condamnations à mort, comme le pendu, qu’il faillit bien être, au bout de sa corde dans les airs, est revenu deux fois à cette forme de testament fatale pour sa pensée, et antithèse que l’on comprend très bien de la part de ce hors-la-loi, de ce communiste du xve siècle, mi-parti de mendiant un peu trop brusque et de voleur un peu trop gai.
Si la science a quelquefois recherché les formes de l’arbre dans son germe, il semble qu’on puisse s’expliquer, par cette organisation de Saint-Cyr, la destinée et l’influence de toutes ces femmes qui allaient devenir la tige en fleurs de la société de leur pays et de l’Europe.
Oddoul, en les vantant outre mesure, leur a communiqué une espèce d’innocence, l’innocence d’une forme grotesque et de sa propre nullité.
On verrait que quand on a vécu dans la pensée occidentale, quand on a senti le puissant et sobre génie de la forme qui la contient, comme la mer est contenue par les arêtes de son rivage, quand enfin sur les belles lignes du front caucasien qui révèle si bien la supériorité de la race, on a reçu ce torrent miraculeux qu’on appelle le baptême et qui, nos littératures l’attestent !
Oddoul, en les vantant outre mesure, leur a communiqué une espèce d’innocence, l’innocence d’une forme grotesque et de sa propre nullité.
Médecine Tessier28 [Le Pays, 4 février 1856] I Les Études de médecine, dont M. le docteur Tessier a publié la première partie, sont, avant tout, un livre de discussion ardente, sous des formes sévères, une polémique corps à corps et mortelle contre des hommes célèbres et des doctrines malheureusement professées ; mais cette discussion est, en bien des points, si détaillée et si spéciale, le langage qui l’exprime est d’une propriété si technique et si profonde, qu’au premier abord elle semblait, par cela même, échapper à notre examen.
par ce côté-là comme par l’autre, par la forme comme par le fond, l’Imitation n’est pas en rapport avec l’admiration traditionnelle qu’elle a inspirée.
Le sujet de ceci n’est pas, comme on pourrait le croire, un roman qui se cache sous des formes négligées ou familières à dessein, pour qu’elles paraissent plus vivantes.
Il ne sied pas à cet esprit viril, qui n’hésite jamais devant un fait, et pour les formes détachées duquel nous nous sentons une vive sympathie, de demander ainsi presque pardon aux préjugés actuels du mordant de sa plume ou de son sujet.
Héroïque et poétique à la fois, on aurait dit qu’il ignorait son héroïsme et sa poésie ; on aurait dit que la poésie, quelle que fût la forme qu’elle prît en lui, était si profonde qu’il n’en avait plus la conscience.
Non, il n’est pas original et même il ne veut pas l’être, puisque sa tentative est de continuer l’œuvre d’un autre et de la continuer avec les formes du talent que cet autre avait, Mais s’il n’est pas original, il n’est pas imitateur non plus !
Ils ont été entraînés au dialogue, au monologue, à la lettre, au mémorandum, à toutes les formes littéraires possibles, se succédant sans raison d’exister que la fantaisie, mais pour moi, je ne croirai jamais qu’ils aient songé à refaire ce roman de Balzac, qui ne se refera jamais, par la raison qu’on ne refait que ce qui est manqué, et dans lequel la vie littéraire du dix-neuvième siècle a été transpercée d’une lumière qui en a fait voir les plus lâches misères et les plus féroces vanités.
Chaque famille spirituelle a maintenu ses droits, mais sous leur forme la plus pure, et par là même s’est trouvée toute proche des autres familles qu’elle aurait cru plus ennemies.
Arrivée à cet endroit, la réflexion satirique quitte la forme littéraire. […] À peine y a-t-il un de mes lecteurs qui n’ait administré du plaisir sous cette forme à ses femmes, et ne les ait régalées du contentement de lui pardonner ! […] Si l’on préfère la bonté dévouée et les affections tendres, on prend en aversion l’arrogance et la dureté ; la cause de l’amour est aussi la cause de la haine, et le sarcasme, comme la sympathie, est la critique d’une forme sociale et d’un vice public. […] Le mal et le bien, le beau et le laid, le rebutant et l’agréable, ne sont donc en lui que des effets lointains, d’importance médiocre, nés par la rencontre de circonstances changeantes, qualités dérivées et fortuites, non essentielles et primitives, formes diverses que des rives diverses peignent dans le même courant.
Cet ouvrage forme un tableau bien dessiné ; un ensemble où tout est lié, fondu ; son style a de la chaleur & de l’élévation, & on voit un homme qui n’a rien oublié pour trouver la vérité. […] Son histoire forme 18. vol. […] Ses prééminences, ses droits sur Rome & sur l’Italie, tant de Rois, tant de Souverains qu’il a créés, tant de dignités qu’il a conférées dans d’autres Etats, ses assemblées presque continuelles de tant de Princes, tout cela forme une scène auguste, même dans les siécles les moins policés. […] Smolett forme 19. vol. de la traduction françoise, & la suite jusqu’en 1763. 5. vol, en tout 24. vol.
Cette ambition, en tant qu’elle se proposait une forme un peu précise, se bornait sans doute à rêver un premier ministère à côté de la duchesse d’Orléans régente ; mais au moment décisif, avec cette divination de la pensée publique qu’ont les poètes et que n’eurent jamais les doctrinaires, il sentit que la duchesse d’Orléans devenait impossible, et il fut le premier à franchir le pas et à le faire franchir aux autres. » « — L’ambition de Lamartine était vaste et flottante comme toutes les grandes ambitions. » « — Lamartine, en 1829 et durant les premiers mois de 1830, sollicitait du prince de Polignac l’ambassade de Grèce, et je l’ai vu revenir enchanté de l’audience du prince.
Non-seulement pour le fond et pour les faits, mais pour la forme, il s’inquiétait, il était prêt sans cesse à retoucher, à rendre plus solide et plus vrai ce qui, dans une première version, n’était qu’éblouissant.
Cette situation mise en scène sous diverses formes, causait toujours au théâtre un insurmontable effroi.
Ce que l’on admire dans les grands hommes, ce n’est jamais que la vertu sous la forme de la gloire.
… Ceci forme un petit drame simple, exquis par sa simplicité même.
Le nom de Golgotha signifie crâne ; il correspond, ce semble, à notre mot Chaumont, et désignait probablement un tertre dénudé, ayant la forme d’un crâne chauve.
Pour donner une forme à ces bras, pour les voir énormes, il eût fallu déterminer la portion du ciel qu’ils me dérobaient ; par exemple, la voie lactée ; alors j’aurais eu un module ; d’après ce module, mon imagination confondue aurait inutilement cherché à achever la figure, et je me serais écrié : quel épouvantable colosse !
L’imagination se forme cette idée sur le chant et sur la musique, convenable à certains personnages, suivant ce qu’on peut sçavoir du caractere de ces personnages à qui le musicien prête des airs de son invention.
Elles l’étaient beaucoup dans leur nouveauté ; aujourd’hui elles ne doivent reparaître que sous une forme nouvelle.
Vieille et blasphématoire bêtise contre le mystère de l’Incarnation, sous une forme nouvelle qui a l’avantage d’en faire une saleté !
» Et ailleurs : « Les traces qu’il gardait de ses occupations grossières, ses postures et ses formes pesantes, jusqu’à son énorme appétit, étaient un texte de moquerie pour la jeune cour.
Dans quelque temps que ce pût être, cette grande figure historique, enfoncée et comme perdue en des chroniques qu’on ne lit plus, mais entrevue d’abord et finalement déterrée, aurait passionné de sa beauté singulière toute imagination qui serait restée poétique sous les formes sévères et sobres de l’histoire et de l’érudition.
IX « Il y a plus bête que les préjugés, — disait un homme d’esprit, — ce sont ceux-là qui les attaquent. » Le mot n’est que gai, dans sa forme concise et légère, mais creusez-le, il deviendra sérieux.
Prenez, par exemple, la lettre d’Henri IV à Crillon, la lettre qui dit : « Pends-toi, brave Crillon, nous avons combattu à Arques, etc. » ; et lisez « Pendez-vous, brave Crillon, de n’avoir pas été ici près de moi, lundi dernier, à la plus belle occasion qui se soit jamais vue, etc. » ; puis un délayage de six lignes qui ne change rien au fond des choses, mais qui emporte cette adorable forme du laconisme et du tutoiement !
Le livre qu’il publie aujourd’hui comme pourraient être publiés les plus mauvais et les plus chétifs par le talent et par la forme, n’en est pas moins relativement dangereux.
, — méconnaissant l’idéal ou le rapetissant jusqu’à n’être que la photographie exacte des formes extérieures de la vie.
Taine, ce foudre d’érudition, qui en finit, selon moi, avec toutes les histoires faites jusqu’ici sur la Révolution française et qui force à les recommencer ; mais il a sur le Jacobinisme, qui est la Révolution dans sa forme définitive et sa fatalité dernière, la même Vue droite, inflexible et perçante… Il est de même portée et il atteint au même point, — mais avec une flèche enflammée, avec la palpitation et la passion de l’éloquence en sus, et que M.
Il y a du talent dans ce livre passionné, entêté, ulcéré, aveugle de parti pris et gardé… Mais le fond de cela n’est vraiment pas digne de la forme.
Elle n’avait ni les engouements, ni les dégoûts, ni les besoins mendiants de société de cette femme d’un esprit qui tenait tête à Voltaire et qui périssait dans la solitude, tout en se croyant la fière philosophie de Diogène parce qu’elle avait donné à son fauteuil du coin du feu la forme étrange d’un tonneau.
Champfleury, qui méprise la Critique et qui n’a de formes solennelles et superbes que quand il parle à Courbet (voir la lyrique préface de son volume : « À mon vaillant ami Courbet !
Pourquoi prenez-vous à partie, entre tous, ce grand mystère d’une religion qui a fait une vertu, pour l’homme orgueilleux, de la résignation au mystère et qui l’a condamné à la foi obéissante, si ce n’est pour faire preuve de la possibilité de saisir tout mystère sous une forme scientifique, et de l’exposer à ce que vous appelez le jour ?
Sous une forme ou sous une autre, il eût transmis à ses enfants le mal qui l’a perdu, et ce Roi des Juifs, ainsi qu’il arrive d’ordinaire aux princes, aurait pu engendrer des idiots. » C’est complet, n’est-ce pas ?
Il n’eut plus d’accointances qu’avec le monde extra-mondain du ciel ou de l’enfer, et il vécut avec les trépassés et les anges, qui, dans son système, d’ailleurs, sont la nature et la forme humaines.
d’un Pontmartin ecclésiastique, plus fort que Pontmartin, sinon dans la forme, au moins dans le fond, parce que, à force égale de talent ou d’esprit, l’homme qui a mis son front dans un livre de théologie vaudra toujours mieux qu’un littérateur, fût-ce un littérateur tout à fait, et non pas, comme Pontmartin, un littérateur de salon.
Quand nous la lûmes sous sa forme première et oratoire de Cours public, elle ne nous donna pas l’idée d’une vérité que nous ne demanderons jamais à la philosophie, mais pourtant elle nous donna celle d’une chose plus forte, d’une systématisation essayée et plus heureuse que ce qu’on avait l’habitude de rencontrer dans les œuvres de Cousin.
C’est un livre singulier, direct comme un mémoire à une académie, dont il a pris la forme décidée, vibrante et personnelle.
À ses yeux (et c’est bien à ses yeux qu’il faut dire) le fond importe peu, c’est la forme qui est tout, pourvu qu’extraordinairement martelée, elle atteigne à l’éclat et à la solidité ductile d’une matérialité compliquée, affinée, brillante, où l’artiste en mots que je ne méprise point, mais que je mets en second, a remplacé l’Ému ou le Rêveur, qui est le premier.
Ce poème de Napoline, personnel de sujet, ne le fut point par la forme et par l’expression.
… (forme nouvelle !)
Or, c’est oublier qu’on a cette âme, quand on se livre avec tant de frénésie au matérialisme de cette poésie toute de forme, désossée tant elle est assouplie, déhanchée et dévergondée comme la danse que j’ai nommée plus haut, et cela étonne d’autant plus dans M.
Dans sa Madame André, il relève, sous des formes littéraires à lui, de Chamfort, de Stendhal et de Mérimée, ces yeux qui n’ont jamais pleuré, ces bouches qui n’ont jamais ri !
Littérairement (s’il est permis de finir par un mot de littérature en présence de livres pareils), le roman de Paul de Musset est écrit avec le goût un peu sec, mais ferme, d’un homme qui a beaucoup lu les romans du xviie siècle et qui s’est tapissé l’esprit de leurs formes.
Littérairement (s’il est permis de finir par un mot de littérature en présence de livres pareils), le roman de M. de Musset est écrit avec le goût un peu sec, mais ferme, d’un homme qui a beaucoup lu les romans du dix-septième siècle et qui s’est tapissé l’esprit de leurs formes.
Rasetti et qui fera peut-être tout seul un autre roman demain : qu’il défende son esprit de son tempérament, s’il veut que son talent se forme et grandisse.
Continuellement je trouve sur leurs lèvres en formes diverses cet appel à l’avènement de l’Évangile.
On enseigna sous Charlemagne un peu d’arithmétique et de grammaire, et quelques formes de raisonnements qu’on prenait pour de la logique.
Ainsi, sous Louis XIV on mettait un grand prix à l’éloquence ; harangue, compliment, sermon, tout ce qui appartenait ou semblait appartenir au style et aux formes oratoires, fixait l’attention.
On ne forme, on ne lie d’amitiés de cette sorte qu’entre hommes du même âge, de la même génération, de la même promotion. […] On le sent plus vivement encore sous cette forme, sous la forme contraire, inverse : Nous sommes, dans le temps, à la chute du Second Empire comme il était à la chute du Premier. […] C’est le même sous deux formes différentes. […] On ne saurait croire combien de fois il a manqué, tenté, essayé, recommencé certains morceaux, certains vers et certaines strophes, avant d’atteindre, en un jour de bonheur, à la forme définitive, à la plénitude. […] Par des péripéties de même forme on était toujours conduit à des catastrophes de même forme ; aux mêmes désastres ; l’événement même était impur ; l’événement même était malheureux, était disgracié.
Mais la forme seule en était légère ; à un goût très sûr, M. […] Nous sommes persuadés que sous cette nouvelle forme elles ne seront pas moins vivement goûtées. […] Il inventorie les différentes formes de la mousse, depuis celle qui ressemble à la chenille jusqu’à celle qui ressemble à l’étoile. […] D’autres auraient protesté, au moins pour la forme ; lui, tout rayonnant : — Très bien, Alexis ! […] Ils vous mangent, mais en y mettant des formes, et même en pleurant sur vous.
Je regarde donc comme arbitraire, le choix de la matiere, et même celui de la forme qu’on lui veut donner : mais quelque choix que l’on fasse, il est essentiel de plaire toujours par quelqu’endroit ; soit en attachant l’esprit par l’importance des évenemens, soit en touchant le coeur par les passions des personnages, soit en amusant simplement par la variété et les graces du sujet. […] On pense sans contrainte sur un auteur qu’on examine dans le cabinet ; et loin de s’embarrasser alors de ce qu’en ont pensé les autres, on s’applaudit quelquefois d’autant plus de l’idée qu’on s’en forme, qu’elle est plus singuliere, et pour ainsi dire, plus à nous : mais dès qu’il en faut porter un jugement public, on cherche à se raprocher des idées reçûës, toutes fausses qu’on les reconnoît, et l’on devient lâchement circonspect : car j’avoüe que si le respect qu’on doit au public n’alloit qu’à nous faire examiner plus séverement nos pensées, pour nous y affermir, si elles sont raisonnables, ou pour en revenir, si les raisons contraires le demandent ; la circonspection seroit prudente, et par conséquent loüable : mais elle va presque toujours plus loin. […] S’il décrit un bouclier (je ne parle pas ici de celui d’Achille, qui mérite une attention particuliere) il ne se contente pas d’en désigner en gros la matiere et la forme ; il en peint séparément toutes les parties, et il en fait une espece d’inventaire, d’autant plus ennuyeux quelquefois, qu’il tient à un autre détail aussi importun, je veux dire à la maniere dont ce bouclier a passé de main en main jusqu’à celui qui le porte : histoire qui entraîne encore ses parenthêses particulieres. […] Pour les diverses actions des mêmes figures, diroit-on qu’elles étoient répétées sous différentes formes, en plusieurs tableaux séparés ; mais cela ne feroit qu’augmenter la confusion ; il vaut mieux avouer franchement qu’Homere a abusé de la puissance de Vulcain, et qu’après lui avoir fait faire des trépieds qui marchent seuls aux assemblées des dieux, et des statues d’or qui parlent et qui pensent, il n’a cru que suivre ce systême, en lui faisant faire encore un bouclier mouvant, comme ces tableaux que nous avons vûs en France depuis quelques années. […] Il faut que Minerve, pour engager Hector au combat prenne la forme de Deiphobus son frere, et vienne l’enhardir à combatre Achille avec son secours.
Cette maison était une espèce de château antique qui touchait aux murs de Paris, assez grand, et de forme triangulaire. […] « Quand j’en eus donné le reçu en bonne forme, je partis avec ma bourse bien attachée à mon bras gauche. […] « À la garde de la porte de Prato était un capitaine lombard, qui avait les formes aussi robustes que grossières, et qui était aussi présomptueux qu’ignorant.
C’est la loi universelle ; s’il est très vrai de dire que les idées font le tour du monde, et qu’elles aillent, de peuple en peuple et de siècle en siècle, cherchant leur vie jusqu’au jour où elles revêtent définitivement la forme lumineuse qui les fait éternelles, un temps arrive, beaucoup plus rapide, où dans un certain lointain, favorable à la poésie autant qu’à la réalité, les choses humaines vous apparaissent sous un jour tout nouveau. […] Ainsi mademoiselle Mars était une de nos forces, ainsi elle qui était un texte inépuisable à toutes sortes de beaux et faciles discours qui donnaient à la critique de ce temps-ci un aspect tout nouveau, une forme inattendue, une grâce inespérée. — Elle a fait, mademoiselle Mars, de la critique une force bienveillante ; elle a appris à la critique le dévouement et la louange ; elle a donné à la critique cet accent nouveau et qui lui va si bien, l’accent même de la sympathie et du respect ! […] Comédienne dans son moindre geste, dans son sourire, dans le pli de sa robe, dans la forme et dans la couleur de ses habits, dans le son de sa voix, cette voix touchante et ingénue, douce musique qui allait à l’âme, raillerie, innocence, bel esprit, moquerie pleine de verve, causerie sans fin, gracieuse façon de tout dire, profond sentiment, non seulement des ridicules humains, mais encore des misères humaines ; sa comédie avait quelque chose de grave et d’ingénu tout à la fois, quelque chose de sérieux et de jeune en même temps auquel il eût été bien difficile de résister.
Enfin un chapeau de feutre gris aussi, à larges bords et sans forme ou déformé, tantôt posé de travers sur la tête, tantôt profondément enfoncé sur le front et laissant flotter quelques boucles de cheveux incultes, mais presque blonds encore, sur son collet ou sur ses joues, complétait ce costume. […] XXIV Il ne faut donc nullement s’étonner qu’un esprit de la plus exquise délicatesse, tel qu’était Béranger, ait choisi la forme de la chanson pour se faire l’écho, mais l’écho héroïque de la nation. […] Ni cette éducation qui forme les mœurs, ni cette instruction qui achève l’esprit, n’avaient totalement manqué à Béranger.
Quelle Poésie que celle du quatriéme Livre sur les simulacres & les images émanées des corps, dont il forme nos sensations ? […] Mais je vois en même tems, que les mêmes critiques ont trouvé que le traducteur ne rend quelquefois que la moitié de la pensée de son Auteur, qu’une partie de ce qui forme dans l’original une idée complette ; que sa traduction n’est point exempte de contre-sens ou de sens étrangers, ni même d’expressions louches, & qu’il s’y trouve en plus d’un endroit des omissions essentielles. […] Qui peut se flatter de rendre jamais en notre langue cette facilité, cette finesse, ces tours si variés, si vifs ; ces traits piquans, ce coloris, enfin toute cette expression abondante, serrée, badine, éloquente ; tantôt pleine & tantôt légere, qui forme le caractère unique & singulier de cet heureux génie ?
En 1585, les Réformés étaient assez nombreux et avaient acquis assez d’importance dans l’État, pour que le Parlement, protestant contre les efforts insensés de la Ligue, prît hardiment leur défense. « Qui sera-ce qui, s’écriait-il, sans forme de justice aucune, osera dépeupler tant de villes, détruire tant de provinces, et convertir tout ce royaume en tombeau ? […] Dans le droit, dans les sciences, dans la philosophie, dans les lettres et les arts, ils se montraient partout les plus ardents à l’étude, à la recherche de la vérité sous toutes ses formes. […] Tout est adouci, nuancé dans la forme, et le fond est souvent pire.
Nous extrayons religieusement ici les dernières pensées écrites sur son journal ; elles sont empreintes d’un instinct inexplicable et d’un pressentiment sublime : « Chacun de nous est un artiste qui a été chargé de sculpter lui-même sa statue pour son tombeau, et chacun de nos actes est un des traits dont se forme notre image. […] Du reste, pourvu que les formes en soient nobles et pures, il importe peu que ce soit Apollon ou Hercule, la Diane chasseresse ou la Vénus de Praxitèle. » « Voyageur, annonce à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saints commandements. » « Ils moururent irréprochables dans la guerre comme dans l’amitié79. » « Ici reposent les cendres de don Juan Diaz Porlier, général des armées espagnoles, qui a été heureux dans ce qu’il a entrepris contre les ennemis de son pays, mais qui est mort victime des dissensions civiles. » Peut-être, après tout, ces nobles épitaphes de héros ne lui revinrent-elles à l’esprit que le mardi, dans l’intervalle des Ordonnances à l’insurrection, et comme un écho naturel des héroïques battements de son cœur.
Pourvu que ce gouvernement du suffrage universel émane de tous les citoyens capables, et ne laisse à aucune classe l’oppression des castes sur les âmes, pourvu que ce gouvernement soit l’expression de la justice, qu’importe sa forme, si cette forme est opportune et si elle répond aux besoins de conservation ou de progrès dans la nation ?
« Or les nations ont deux grands instincts qui leur révèlent la forme qu’elles ont à prendre, selon l’heure de la vie nationale à laquelle elles sont parvenues : l’instinct de leur conservation et l’instinct de leur croissance. […] XXIII « Un peuple, au contraire, est-il à une de ces époques où il faut agir dans toute l’intensité de ses forces pour opérer en lui ou en dehors de lui une de ces transformations organiques qui sont aussi nécessaires aux peuples que le courant est nécessaire aux fleuves, ou que l’explosion est nécessaire aux forces comprimées, la république est la forme obligée et fatale d’une nation à un pareil moment.
XXXI Quoique fort jeune en 1848, le poète de Saint-Lupicin, bien qu’issu comme moi de souche royaliste, fut convoqué par le peuple de son pays à venir au secours de la France sous la forme, alors la seule possible, d’une république de droit commun, sans privilège, sans dictature, et par conséquent sans proscriptions et sans échafauds. […] Il se plongea dans les mâles études de l’antiquité grecque et de l’Allemagne, toujours antique ; études sur la philosophie, sur la poésie, sur l’architecture, sur la musique, sur la sculpture, sur la peinture, ces cinq formes extérieures par lesquelles le beau, caché dans les langues, dans les sons, dans les lignes, dans les nombres, dans le marbre, dans les couleurs, se révèle avec plus ou moins d’évidence et de splendeur dans tous les temps et dans tous les lieux où Dieu suscite le génie pour dévoiler la beauté.
Mais nous n’en faisons pas, et qui vient nous voir ne doit s’attendre qu’au gracieux accueil, le meilleur qu’il nous soit possible dans la plus simple expression de forme. […] Ce n’est pas une forme de l’art, c’est une émanation de la vie qui monte à l’âme et qui l’enivre de charme et de sainteté, d’un charme et d’une sainteté tellement fondus ensemble qu’on ne peut pas discerner ce qui est amour divin de ce qui serait amour terrestre, ce qui serait délire de ce qui est édification, et qu’en fermant un moment le livre pour le rouvrir bientôt après à une autre note, on ne peut en détacher ni son cœur ni son imagination : oui, voilà ce style !
Il égale et dépasse l’homme des Charmettes, plus fastueux de forme, mais plus vrai d’idées ; un homme d’État pouvait naître de lui, un rhéteur seul pouvait naître de Rousseau. […] Le moule était usé ; cette forme n’était plus possible.
2º Mais il faut protester avec force contre la forme donnée à ses raisons par M. […] Enfin la cadence de nos vers forme une musique dont les accents ne sont ni très déchirants ni très subtils pour une oreille exercée.
Fatalement, ses prix « littéraires » devaient, comme ils font, représenter la forme la plus dégradante de l’aumône et de la brigue. […] Boulenger, que les intrigues dont l’attribution de ces prix est précédée : ils représentent la forme la plus dégradante de l’aumône et de la brigue , déclare M.
Il arrive d’Espagne, après dix ans d’exil volontaire et de labeur opiniâtre, et il en rapporte la fortune sous la forme d’un projet qui doit en même temps honorer son nom. […] Il y a longtemps qu’un grand poète l’a dit : « Votre drame est né boiteux ; croyez-moi, ne lui mettez pas de jambe de bois. » Et puis quelle foi l’auteur dramatique veut-il que le public garde dans son œuvre, si, d’un mois à l’autre, il en modifie le fond ou la forme ?
Ceux-là semblent avoir écrit et mesuré avec le doigt de Dieu les astres, la nature, les animaux, les grandeurs, les formes, les âmes répandues dans les êtres de la création, toute pleine pour eux d’évidence divine, d’intelligence animale et d’amour universel. […] Ce n’est la faute de personne, c’est celle de la nature, elle a plus de surface que de sommités dans ses créations ; il se forme ce qu’on appelle en géométrie une moyenne d’intelligence et de volonté qui est la résultante du nombre des êtres doués de pensée et de volonté dans le corps, et cette moyenne est toujours à égale distance du génie et de l’imbécillité ; c’est ce qu’on appelle médiocrité.
Il se tint fort coi dans cette gloire qui lui avait si peu coûté, écrivant rarement pour qu’elle ne lui coûtât pas davantage, et aussi pour deux raisons, excellentes toutes deux : la première, c’est qu’au fond il était un esprit sec sous une forme péniblement travaillée, et la seconde parce que se faire rare c’est se faire précieux aux yeux des imbéciles, économisant ainsi son talent pour qu’on le crût immense, et prenant la pose, laquelle n’est pas mauvaise, d’un homme qui, malgré sa richesse, ne peut cependant pas détacher tous les matins un diamant de sa cravate pour nous le donner. […] Gens de forme littéraire tous les deux, l’un est une sensibilité, l’autre n’est qu’une mémoire.
Pour l’instant, tout à ce travail de préparation, tout au scrupule d’une formation littéraire sérieuse, tout à la recherche du beau, et par la forme pure qui plaît, et par l’idée de vérité qui touche, je ne me laisserai pas emporter par le tourbillon du siècle, ni tenter par le désordre universel, cet orgueil de vouloir devancer les saisons que la Providence a fixées aux mondes, ce défaut dont vous savez bien que la société souffre, s’énerve et s’anémie. […] Mais par réserve et pour ne pas parler de ceux qui sont trop mes parents, je m’en tiendrai à une maison où l’on professait la doctrine extrême de Charles Maurras, en même temps qu’on gardait, je le sais, une ardente amitié pour les formes premières du nationalisme.
La scène qui se passe dans le cabinet du procureur du roi à Bruxelles, et où sont réunis pour y être confrontés les principaux personnages, est d’un dramatique terrible sous sa forme judiciaire contenue.
J’avais d’abord regardé les rigueurs de Mme de V… (Vintimille) comme de forme, comme une manière de passeport et un droit de péage dont elle avait cru de sa prudence de prémunir sa lettre, pour lui ouvrir tous les passades ; mais la vôtre est survenue et m’embarrasse beaucoup.
En voici les termes, sauf la forme épigraphique des lettres : C.
Cette plainte obstinée et monotone, qui se multiplie sous des formes si diverses, et tantôt lugubres, tantôt adorablement suppliantes, la voici : Que vous ai-je donc fait, ô mes jeunes années, Pour m’avoir fui si vite et vous être éloignées, Me croyant satisfait ?
Pour apprécier, en toute connaissance de cause, Racine et son système tragique, il n’est certes pas inutile d’avoir vu ce système, encore méconnaissable chez Jodelle et Garnier, recevoir grossièrement, sous la plume de Hardy, la forme qu’il ne perdra plus désormais, et n’arriver à l’auteur des Frères ennemis qu’après les élaborations de Mairet et avec la sanction du grand Corneille.
La tyrannie d’un parti prenant souvent la forme de l’opinion publique, porte une atteinte bien plus profonde à l’émulation.
La forme même de notre civilisation nous impose ce contraste ; nous ne nous sommes développés qu’en nous disciplinant sous un gouvernement distinct du peuple, indépendant, qui absorbait toutes les idées et les forces, subsistait par sa propre énergie et nous donnait l’impulsion, au lieu de la recevoir de nous.
Nous n’avons pas l’intention de renouveler la comparaison que nous avons faite ailleurs entre les formes diverses que revêtit la fameuse légende.
Loti les désigne par de rares indications de formes, par des étiquettes de couleurs indéfiniment ressassées.
Il y en a encore un sur Toscan dont j’ai besoin, car j’en veux dresser un contrat de onze mille écus en bonne forme. » 104.
Il faut s’évader, il le comprend, « des moules sociaux où la civilisation nous enferme », car ils « n’ont pas avec nos formes réelles une plus exacte relation que les figures conventionnelles des constellations avec la véritable carte stellaire ». — Triomphe moins vraisemblable et qui paraît la victoire définitive de la thèse : Phillotson, le vieux mari de Suzanne, et qui aime Suzanne, est persuadé par les arguments de sa femme.
Artémis surtout, sous son antique forme arcadienne, sauvage, presque fauve, à peine dépouillée de la peau de l’Ourse, qui avait été son premier symbole, nourrissait des instincts cruels surexcités par les carnages de ses chasses.
De tout ce qui précède, nous pouvons conclure le caractère éminemment sociable du vrai critique, qui doit s’adapter à toutes les formes de société, non pas seulement à celles qui ont existé historiquement, mais à celles qui peuvent exister entre des êtres humains et que toute œuvre de génie exprime par anticipation.
De sa tête active et féconde, jaillissaient les idées de liberté, revêtues de formes piquantes ; jamais il ne dit plus de ces mots qui frappent l’imagination et qui restent dans la mémoire.
La génération dont nous venons d’esquisser la peinture est celle qui forme actuellement le fond de la nation : d’autres générations se sont déjà élevées autour d’elle.
Robert Franz n’est pas, en pied, le blanchisseur de gros ou de fin de la Maison Lacroix et compagnie, mais simplement une invention, une forme littéraire, un procédé, employé pour faire mousser sans imprudence, ce livre-ci, je trouve, pour ma part, cette invention et ce procédé encore moins cosaques que le nom si tranquillement bourgeois et bon garçon de M.
Humiliante Fourche Caudine pour le génie qui s’y heurte et y courbe sa lumineuse tête, le feuilleton est une forme littéraire, très commode pour les esprits sans hauteur et débiles qui n’ont pas la force d’organiser un livre, avec ses développements et ses difficiles transitions… et Mme Haller est, malheureusement, un de ces esprits.
Comme mœurs politiques et sociales, nos deux historiens nous développent, sans trop savoir ce que prouve contre les peuples l’empire de telles dominations, l’effroyable et perpétuelle domination des Eunuques et les formes de cette polygamie, de cette lèpre dont la famille est rongée ; car, quoique mutilée, abaissée, la famille, dont l’esprit peut tout sauver et tout éterniser, subsiste, en Chine, dans le respect porté aux ancêtres, — et voilà, sans nul doute, ce qui a empêché cet empire de laque de complètement se dissoudre.
Et même une histoire générale des peuples disait davantage, car elle comprenait aussi les barbaries, et l’histoire des civilisations ne comprend, comme le mot le dit, que les Civilisations… Les Études de Louis Faliés, dont le mot de civilisation, plus hardiment employé, aurait pu faire la fortune, ne sont donc un livre ni d’idée ni de forme nouvelles.
Le traducteur de Poe, le suggestif et perçant Baudelaire, qui vivait dans la préoccupation de la beauté des œuvres spirituelles comme Robinson en son île, mais sans vouloir jamais en sortir, Théophile Gautier, indifférent à tout excepté à la perfection de la forme, étaient aussi dans la condition nécessaire où il faut être pour écrire, sans distraction, sans adultérisation d’aucune sorte, l’histoire d’une littérature.
On sent que l’esprit prudent, magistral (un plus malin que moi dirait magister) et sceptique de l’illustre auteur, car Guizot est sceptique, sous sa forme arrêtée et décidée, — seulement il est sceptique avec réserve, — on sent que cet esprit n’a pas l’inconvénient qu’auraient eu peut-être, s’ils avaient écrit sur Shakespeare, d’autres esprits trop émus et trop fécondés par l’idée d’écrire sur ce grand homme.
. — L’image, qu’il reproduit dans son livre, de l’argentier de Charles VII, ressemble à ce beau portrait gravé de Grignon qui en forme le frontispice.
Elle est Elmire par le fond, et Célimène par la forme ; Elmire au centre, Célimène par les extrémités.
Emmanuel Rhoïdis est de l’armée de ces ennemis de l’Église qui sont partout, sous toutes les formes, et qui se transforment de tout, excepté de leur immuable haine… Il est vrai que, pour son compte, Rhoïdis s’est peu transformé.
Ainsi, l’histoire de M. le vicomte de Meaux est bien moins l’Histoire des luttes religieuses au xvie siècle, qu’une thèse en forme sur la tolérance, cette tolérance qui, selon lui, a fini par sauver le Catholicisme en train de périr… Il faut avouer que si M. de Meaux n’a pas d’originalité dans le style, il en a, du moins, dans le point de vue.
L’utopiste révolutionnaire, qui, dans son Histoire de la Révolution, a voulu décapiter l’Histoire de ses chefs, c’est-à-dire lui couper ses têtes au profit des masses sans têtes ; revient à cette rêverie… Il y revient, en poète qu’il est, au commencement de son livre ; et c’est même beau de forme à nous faire illusion !
Quoique nous soyons parfaitement tranquille, depuis la publication de La Fille du millionnaire, sur le chemin que fera faire Μ. de Girardin à ses idées en vertu des beautés de la forme dont il les revêt, nous n’en surveillerons pas moins désormais ses tentatives de littérature.
On l’y rencontrait gaillard et raillard, ce terrible Marche-à-Terre, et c’était à qui serrerait sa grosse main… Il était de cette race d’hommes, carrés et musculeux, qui ont, sous des formes lourdes, la finesse, la souplesse, le délié propres à la vie que Stendhal avait, sous son air de marchand de vin endimanché, comme lui, Crétineau, sous son air de maquignon.
Les lettres de Lamennais, spirituelles autant qu’éloquentes, ont dans leur forme détendue quelque chose qu’on n’avait pas vu encore sous la plume opulente, solennelle et passionnée, de leur auteur.
— qu’il serait très intéressant d’avoir sous sa main l’œuvre complète d’un tel correspondant, de faire le tour de cet esprit qui aimait à se révéler sous cette forme de lettres, véritablement magique ; car elle évoque et fait apparaître l’homme dans la palpitation de sa vie la plus intime, la plus instantanée et peut-être la plus involontaire.
Je crois qu’il y avait un sentiment d’une autre nature, lequel y passe à travers les formes de son langage et en les embrasant, et que ce sentiment ne compromet pas trop aux yeux de la postérité cette femme raisonnable, dont le cœur peut-être n’avait jamais battu avant de rencontrer Poniatowski.
Il ne peut pas l’avoir immédiatement, et voici pourquoi : il faut aux livres comme aux talents destinés au succès rapide, au succès à l’heure même, un côté de médiocrité, soit dans la forme, soit dans le fond, lequel ne déconcerte pas trop la niasse des esprits qui se mêlent de les juger.
La forme scientifique des idées que l’auteur y expose pouvait bien ne pas l’attirer avec puissance, mais ces idées, elle les pressentait.
Il y a celle de la perfection même de l’âme qui parle ce langage, inouï d’humilité, dans le fond, comme il est inouï de simplicité dans la forme.
Il ne veut ni de Dieu, ni des religions, qu’il appelle avec mépris « les métaphysiques du peuple », ni du théisme, enfin, sous quelque forme qu’il se produise.
Les formes que le génie artistique de la Grèce mettait à tout les grandissait… Quand nous les regardons à distance, nous nous trouvons bien loin de nos minces claque-dents, avec leur guenille noire moderne sur leurs maigres jambes.
Dans l’introduction qui précède son ouvrage, par exemple, et dans laquelle il trace rapidement le chemin qu’a déjà parcouru la papauté, il glorifie Grégoire VII d’avoir posé avec un si grand caractère et une si longue prévoyance la question des investitures, qui n’était, en définitive, que la question pour laquelle on combattait hier encore, la question, sous une autre forme, de la séparation du spirituel et du temporel, de l’Église et de l’État.
… Assurément, quand on parcourt l’inventaire d’hommes et de choses que nous venons de traverser d’un regard, et qui forme la philosophie française au xixe siècle, il faut bien avouer qu’un philosophe un peu carré de base n’a pas besoin de l’être beaucoup du sommet pour se faire à bon marché une très belle gloire, à plus forte raison quand il a les facultés de grande volée que l’abbé Gratry a montrées en ces deux volumes qui ne sont, nous le répétons, que les prodromes d’un système intégral arrêté et creusé depuis de longues années dans la pensée de son auteur.
V Quant à la forme qu’elle a revêtue, cette poésie qui déroutera encore l’esprit byzantin et blasé de ce temps par la simplicité de son expression et par la simplicité des choses décrites, autant que par celle de son inspiration première, je l’ai déjà caractérisée en disant que l’auteur, qu’il le veuille ou non, qu’il le soit d’imitation ou de nature, est un lamartinien.
Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée.
La pensée contemporaine, qui n’est point une reine pour qu’on la flatte, se soucie médiocrement des livres didactiques où la réflexion a remplacé l’action, et dans lesquels l’originalité de la forme heurte ce besoin d’égalité qui est aussi bien dans nos mœurs intellectuelles que dans nos autres mœurs.
Comme les idées sont indépendantes de la chronologie et de la forme purement matérielle sous laquelle elles arrivent au public, nous n’avons pas attendu le livre et nous parlons de ce travail aujourd’hui.
Coureurs d’idées, après qui la Forme, cette fortune des idées, se met à courir, ils ont touché à tout le clavier humain, et ils l’ont fait vibrer jusqu’à la souffrance du tympan.
Féval vers la forme du roman qu’il a adoptée et faussé ainsi sa vraie vocation.
Il n’a de goût ni pour les opulences de la pensée, ni pour les fantaisies de la forme.
L’idée imposante d’un vieillard qui célèbre un grand homme, ces cheveux blancs, cette voix affaiblie, ce retour sur le passé, ce coup d’œil ferme et triste sur l’avenir, les idées de vertus et de talents, après les idées de grandeur et de gloire ; enfin la mort de l’orateur jetée par lui-même dans le lointain, et comme aperçue par les spectateurs, tout cela forme dans l’âme un sentiment profond qui a quelque chose de doux, d’élevé, de mélancolique et de tendre.
À Dieu ne plaise que je veuille ici tenter une dissertation dans les formes, et remplacer par une déclamation historique le simple récit de cette vie honorable, honorée ! […] Monteil a placé sa tente, il n’en veut pas sortir : là, il vit, il règne ; là, il entasse, avec un acharnement incroyable, toutes sortes de détails, de formules, d’accents, de formes, au milieu d’un monceau de chartes, de comptes, de fragments, de poussières. […] Si cette forme, en effet, est belle et grande, si cette parole est sonore et nettement accentuée, alors nous applaudissons volontiers à l’orateur, quelle que soit sa bannière, quel que soit son nom propre, Thiers ou Fitz-James, Guizot ou Berryer. […] C’est la forme qui leur donne toute leur importance. […] Il aimait la belle forme avec une passion qui se retrouve dans toutes les pages qu’il a écrites ; toutes les inspirations lui convenaient pourvu qu’elles partissent d’un cœur honnête.
Les caractères. — Tous variés, et tous les personnages bien fâcheux, quoiqu’avec des formes et des couleurs différentes. […] Arlequin et un Docteur très bavard se disputent sur cette question, la forme est-elle avant la matière ? le Docteur accorde le pas à la matière, Arlequin soutient le contraire, et le prouve en racontant qu’un cordonnier lui ayant cassé la tête d’un coup de forme, la matière ne vint que longtemps après. […] Bellecour en tirait grand parti, cet acteur avait le talent de faire valoir ceux que ses camarades dédaignaient, et ses camarades s’en vengeaient, en l’appelant un comédien de forme. […] en un mot, la grâce doit continuellement envelopper de ses formes la perfidie, la scélératesse de dom Juan. — Bah !
L’insurrection de toutes les nations contre toutes les formes d’autorité établies dans d’autres nations serait donc le droit commun du globe, selon la Convention ; et, dans ce cas, la guerre internationale, universelle, incessante, serait donc le fait social universel sur le globe ! […] L’aristocratie se révélait, sous une autre forme, dans toutes leurs institutions bourgeoises.
« Torquato », dit le marquis Manso, qui l’avait revu après ses malheurs et à un autre âge, « était un homme si accompli de forme, de stature et de visage, que, parmi les hommes de la plus haute taille, il pouvait être admiré comme un des plus imposants et des plus merveilleusement proportionnés ; son teint était frais, coloré, bien que dès sa jeunesse les études, les veilles, et plus tard les revers et les souffrances, eussent donné un peu de pâleur et de langueur à ses traits. […] Nous trouvons dans une lettre de Voltaire à Chamfort du 16 novembre 1774, une appréciation admirablement juste de cet Arioste que le Tasse allait surpasser dans le sujet, en l’imitant dans la forme.
Le foyer intérieur, l’allaitement de l’enfant, son éducation première, le soin des vieillards, la surveillance des serviteurs, l’assistance aux malades, l’aumône aux indigents, tout ce qui suppose la maternité, la pudeur, la grâce, la pitié, l’amour sous toutes ses formes et dans tous ses offices, est féminin. […] Les scènes cruelles qui ont déshonoré la révolution française, n’étant que de la tyrannie sous des formes populaires, n’ont pu, ce me semble, faire aucun tort au culte de la liberté.
De vers en vers, trait par trait, une figure se forme et s’élance, révélant à la reine barbare la fière beauté d’une race libre. […] C’est bien le spectre homérique, dissous dans les ténèbres, épars et flottant dans une forme vaine, hôte dépouillé « d’un lieu sans bonheur ».
C’est une étrange forme de l’art que le drame. […] C’est au théâtre que se forme l’âme publique.
(3) J’ai cru devoir signaler expressément dès ce moment une considération qui se reproduira fréquemment dans toute la suite de ce cours, afin d’indiquer la nécessité de se prémunir contre la trop grande influence des habitudes actuelles, qui tendent à empêcher qu’on se forme des idées justes et nobles de l’importance et de la destination des sciences. […] La conséquence finale de cette leçon, exprimée sous la forme la plus simple, consiste donc dans l’explication et la justification du grand tableau synoptique placé au commencement de cet ouvrage, et dans la construction duquel je me suis efforcé de suivre, aussi rigoureusement que possible, pour la distribution intérieure de chaque science fondamentale, le même principe de classification qui vient de nous fournir la série générale des sciences.
Cette humeur prenait souvent en d’Aubigné la forme de la conviction et du dévouement à la cause des Églises réformées ; il était de ceux qui, sous Henri IV, firent tant qu’ils purent de l’agitation et de l’opposition calviniste dans les provinces de l’Ouest.
Mais il y a mieux : le même Nicaise ne s’avise-t-il pas, un autre jour, de composer une Dissertation sur les Sirènes, ou Discours sur leur forme et figure, et d’envoyer son écrit tout droit à la Trappe ?
A cette vue, Casanova convient qu’il eut peur, et que son premier mouvement fut d’éloigner son amie ; mais elle, qui, d’ordinaire, avait peur de la moindre couleuvre, ne craignant rien à cette heure et en ce moment, continuait : « Son aspect me ravit, te dis-je, et je suis sûre que cette idole n’a de serpent que la forme, ou plutôt que l’apparence. » Et elle redoublait de bonheur et d’oubli.
Cet esprit souple, étendu successivement vers tant d’objets divers, cette vie riche, où s’assemblent tant de formes ordinairement incompatibles de l’action, dépassent les limites de mon information actuelle et de ma compétence.
La Sposa (l’Épousée), par exemple, qui forme la dixième journée du recueil, devait être quelque chose de tout à fait analogue à notre moderne Chapeau de paille d’Italie.
La sociologie est une science de passé, en tant que revue historique des formes sociales, une science de présent, en tant qu’examen des états sociaux actuels.
Ce n’en est pourtant ni la forme d’une pureté classique admirable, ni l’inspiration toute chrétienne qui étaient de nature à froisser ses préjugés.
Ce fut l’islam, c’est-à-dire une sorte de résurrection du judaïsme dans sa forme exclusivement sémitique, qui lui rendit ses honneurs.
De même toute sensation de plaisir et de douleur peut être reproduite par l’esprit, et il se forme ainsi des idées de plaisir et de douleur.
La forme la plus complète et la plus scientifique de la psychologie à posteriori, est celle qui considère la loi d’association comme le principe suprême.
Dans ces sociétés animées par la conversation des femmes, tous les intérêts se placent par la parole entre toutes les frivolités ; la raison la plus solide, l’imagination la plus active y apportent leurs tributs ; les aines les plus sensibles y versent leurs effusions ; les esprits les plus affinés y apportent leurs délicatesses : là, tous les sujets se prêtent aux conditions que la conversation impose ; les matières les plus abstraites s’y présentent sous des formes sensibles et animées, les plus compliquées avec simplicité, les plus graves et les plus sérieuses avec une certaine familiarité, les plus sèches et les plus froides avec aménité et douceur, les plus épineuses avec dextérité et finesse, toutes réduites à la plus simple expression, toutes riches de substance et surtout nettes de pédanterie et de doctrine.
Elle peut entasser Libelles sur Libelles ; le dépit peut emprunter toutes les formes, éclater ouvertement, parler à l’oreille, affecter le ton d’une fausse bénignité ; la haine & la vengeance peuvent tout imaginer & tout tenter, prêter toutes leurs bouches au mensonge ; elles ne fermeront jamais la nôtre à la vérité….
Il y a bien de la différence entre une erreur d’ignorance ou d’inadvertance et une erreur faite d’industrie ; celle-ci tient en garde l’élève : s’il l’aperçoit, sa petite vanité est satisfaite, elle l’habitue à se méfier, elle le forme insensiblement à la recherche de la vérité, elle lui inspire l’esprit d’invention ; l’autre perd le temps et ne rend que du mépris.
La même figure ne forme plus la même image.
L’auteur traite ensuite de la difference qui se trouve entre les sons de la voix. " un de ces sons est continu, et c’est celui-là que la voix forme dans le discours ordinaire, et qu’on appelle à cause de cela le langage de la conversation.
Cet auteur, en parlant de l’architecture du théatre, entre dans un détail long et méthodique sur la forme de ces vases, qui n’étoient apparemment autre chose que des plaques d’airain rondes et un peu concaves, ainsi que sur les endroits où il falloit les placer, afin que la voix des acteurs trouvât à propos des échos consonans.
Une idée hardie, une forme originale les fâcherait, les déconcerterait, les bouleverserait.
Elles y étaient encore à l’heure de mourir, quand mêlant l’enfantillage à l’héroïsme, il se fit faire, avant de partir pour la Grèce, ce beau casque d’or, de forme homérique, dont il aimait à parer son front devant le miroir de la Guiccioli, avec des coquetteries et des fatuités de Sardanapale… Ce fut peut-être la conscience obscure de ce qu’il était, qui lui inspira d’intituler Childe-Harold le poëme qui commença sa gloire.
« En effet, — continue Goethe, — c’est dans la forme que l’homme avait en quittant la terre qu’il se promène parmi les ombres, et c’est ainsi qu’Achille se présente toujours à nous comme un jeune homme éternel. » 10.
Il y a celle de la perfection même de l’âme qui parle ce langage, inouï d’humilité dans le fond, comme il est inouï de simplicité dans la forme.
Il y a dans le premier jet d’une chose considérable, qui se projette avec véhémence, des formes de polémique, des avertissements familiers, une espèce de conversation désordonnée avec le lecteur, qui nuisent à l’effet d’une composition qu’on souhaiterait plus nettement dessinée et ramassée dans un calme plus solennel et plus auguste.
Parmi les livres nombreux couronnés par elle, la moitié, au moins, a pour objet la glorification, sous une forme ou sous une autre, de ce paganisme qu’on croyait fini et enterré, et qui — n’est-ce pas curieux ?
Et véritablement, pour qui n’a pas abandonné l’observation et l’analyse, le Mysticisme, — quelle que soit la forme qu’il revêt, — n’est jamais qu’une aberration du sentiment religieux en vertu de sa propre force, si une autorité extérieure ne le règle pas et ne contient pas, d’une main souveraine, la turbulence de ses élans.
si ce fut le besoin des temps, tel que le comprenait sa sagesse, qui décida le souverain pontife, l’Europe avait donc le besoin du triomphe de la philosophie, de la diminution de l’autorité catholique, du relâchement dans les mœurs et dans les doctrines, de la révolte sous toutes les formes ?
Malheureusement, elle n’en a point, et elle reste, sous des formes légères, mais plates, une petite cuistrerie philosophique appliquée aux choses de la foi, qui, dans le cas présent, peuvent seules expliquer une action sublime.
J’ai trop cité, et néanmoins pas assez pour donner une idée bien juste de cette grâce inouïe dans toutes les formes que peut prendre, vêtir et dévêtir l’amour.
… Pour peu qu’on plonge et qu’on pénètre dans tous les endroits de son roman et qu’on cherche à l’éclairer par les idées morales de l’auteur, on ne trouve guères, sous des formes élégantes, qu’un stoïque en lui (voir son personnage de Gandeuil).
Nous le ferons quand, dans nos entretiens de l’année prochaine, nous vous parlerons de l’éloquence sous toutes ses formes. […] Les innombrables citations que nous pourrions en faire vous montreraient dans tous les genres de discours ce feu, ce débordement, cet ordre, cette majesté, cette véhémence, cette haute convenance dominant la passion elle-même, cette habileté instinctive qui dit tout ce qu’il faut dire et qui fait penser ce qui ne peut être dit, enfin cette vigueur de l’honnête homme qui prête le nerf de la conscience aux formes les plus académiques de l’art. […] Elles sont en grande partie écrites sous la forme du dialogue, qui présente les deux faces ou les mille faces du sujet au même instant et au même regard.
Critique de l’Histoire des Girondins [Avertissement] La critique est une grande et importante partie de toute littérature ; quand elle touche simplement à la forme d’un livre, elle est toutefois secondaire. — Question de grammaire, question de goût ; les esprits stériles seuls s’y adonnent ; elle dénigre beaucoup, elle ne produit rien. — Sous ce rapport, il faut la laisser aux esprits méticuleux et jaloux, qui se consolent de leur impuissance en montrant les imperfections des œuvres d’autrui. […] III J’avoue que je n’ai jamais compris le sens de cet axiome de l’obstination des partis, quels qu’ils soient, en France : « Tu ne changeras pas. » Tu ne changeras pas, c’est-à-dire tu vivras des jours sans nombre, tu verras des idées justes prendre la place de préjugés absurdes, des trônes s’écrouler sur des fondements vermoulus, des castes s’effacer devant des nations, des gouvernements légitimes se fonder sur les devoirs réciproques des hommes en société de services et de défense mutuels, des démagogues surgir comme les vices incarnés de la multitude, irriter les passions du peuple, les pousser jusqu’au délire, jusqu’au meurtre, s’armer de ces fureurs populaires pour prendre la hache au lieu de sceptre et pour promener, sur ce peuple lui-même, ce niveau de fer qui trouve toujours une tête plus haute que son envie ; tu verras le sang le plus pur ou le plus scélérat couler à torrents dans les rues de tes villes ; tu verras les partis populaires épuisés céder au parti soldatesque, première forme de la tyrannie ; tu verras un soldat popularisé par la victoire prendre à la fois la place de la liberté, du trône et du peuple par un coup de main ; tu le verras provoquer le monde pour le vaincre, changer l’Europe en un champ de bataille annuel, faucher périodiquement les générations nouvelles, plus vite que la nature ne les fait naître, pour son ambition, en sorte que les vieillards se demandaient s’il y aurait encore une jeunesse et si Dieu ne faisait plus naître les générations que pour mourir à vingt ans au signe de ces pourvoyeurs de la gloire. […] Cet article était aussi calomnieux de fond que de forme ; car Charles X était si loin de m’avoir provoqué à écrire le Chant du Sacre, qu’il se récria violemment, à l’apparition de ce poème, sur le langage très libéral que je lui prêtais dans le dialogue.
Des formes confuses, des images insaisissables glissaient dans mon âme en y excitant des sentiments où se mêlaient la compassion sur moi-même, les regrets, la désespérance et la résignation. […] Nastasia Karpovna était de petite noblesse, veuve et sans enfants ; elle avait le caractère le plus gai et le plus accommodant ; une tête ronde et grise, des mains blanches et douces, une figure avenante, malgré ses traits un peu gros et un nez épaté et de forme assez comique. […] la musique en était compliquée et d’une forme pénible ; on voyait que le compositeur avait fait tous ses efforts pour exprimer la passion et un sentiment profond, mais il n’en était rien sorti de bon. […] … Lavretzky se souleva… Une forme connue lui apparut : Lise était au salon.
Et le cou un peu décolleté, sans un bijou, sans une fanfreluche distrayant le regard, elle est habillée d’une robe de satin blanc, toute plate, toute collante aux formes, avec seulement au bas, cinq ou six rangs de petites ruches, qui font un remous de luisants et de reflets de soierie, à ses pieds. […] Il entre, disant dans un emportement colère, que la communion chrétienne est une idolâtrie de sauvage, que la manducation et la digestion du Bon Dieu, c’est d’une matérialité dégoûtante, que les Persans avaient une communion autrement spiritualiste, une communion sous la forme de l’essence d’asclepia, une fleur blanche aux corolles roses ; et que lui ne comprend la communion qu’au moyen d’une rose : un baiser, une simple osculation avec cette fleur, dont le rose, dit-il, représente l’amour, et le blanc, l’innocence. […] Tout d’abord des dessins à la plume de la Vallée de Josaphat, du Jardin des Oliviers, du Pont de Cédron, du Chemin de Getsémani, trop microscopiques, trop petiots de forme et de facture. […] — Oui, des chevaliers d’industrie… mais mes meilleurs clients… les consommateurs aux plus gros pourboires… Une spirituelle femme énumérant les bienheureux flirt, qui se produisent autour d’une jeune et jolie femme, en vedette dans le monde chic, lors de sa pose dans un salon, sur un canapé, disait : « Il y a le flirteur de droite, qui a dans le côté la rondeur de hanche ; le flirteur de gauche, qui a une boucle de ses cheveux sur la figure ; le flirteur debout de devant, qui a la vue de sa gorge… et tour à tour de ses seins sautant par-dessus le corset ; enfin les flirteurs de second plan, qui ont la télégraphie engageante de ses bras et de ses mains. » Mardi 18 décembre Exposition de Joseph Chéret, l’héritier direct de Clodion, avec son petit monde de Cupidons, au sourire railleur de Cupidons-Gavroches, et de nymphes fluides, plus séduisantes encore sur la panse d’un vase, dans le demi-relief, dans la demi-rondeur de formes, émergeant de l’enveloppement de la glaise.
Sue a voulu donner une nouvelle forme à l’histoire ; il l’a faite trop romanesque pour une chose sérieuse, et en même temps trop sérieuse pour une chose romanesque. […] Sue est un homme de talent, cela n’est pas douteux ; seulement il s’est trompé dans la forme qu’il a donnée à son histoire, et cette bévue coûtera 60 ou 80 mille francs à son éditeur. […] Comme écrivain il a de l’imagination ; mais son style tâtonne encore et cherche une forme. […] Elle était rentrée avant nous ; nous la trouvâmes en pantalon à pieds de cachemire rouge, enveloppée dans une robe-de-chambre en velours brun et coiffée d’un bonnet aussi de velours, de forme grecque et richement brodé. […] Ce de Paris à Naples forme le compte-rendu d’un voyage que M.
Une des premières lettres du duc de Nivernais au comte de Choiseul (bientôt duc de Praslin), chargé des Affaires étrangères, est pour lui présenter une description fidèle de l’état des partis et de l’opinion (24 septembre 1762) : Comme, par la constitution de ce pays-ci, l’état respectif des partis est la seule boussole qui puisse nous guider dans la négociation présente quant au fond et quant à la forme, je vais, dans cette lettre, avoir l’honneur de vous transmettre toutes les connaissances locales, que j’ai prises avec autant de soin que de diligence, des intérêts, des vues, des forces desdits partis ; et j’ose me persuader que ce détail pourra vous servir utilement pour apprécier au juste les discours du plénipotentiaire anglais (à Versailles), qui doivent, si je ne me trompe pas, servir de preuve à mes observations, comme mes observations leur serviront de clef et d’éclaircissement. […] [NdA] Mémoires de Daniel de Coenac. — La princesse de Conti s’y montre sous sa première forme, avant sa conversion ; elle n’y paraît pas sans quelques défauts.
L’empereur, nous le savons par les lettres de Fabre, reçut la comtesse avec courtoisie, mais avec une courtoisie un peu ironique dans la forme, et au fond singulièrement impérieuse : « Je sais », lui dit-il, « quelle est votre influence sur la société florentine ; je sais aussi que vous vous en servez dans un sens opposé à ma politique ; vous êtes un obstacle à mes projets de fusion entre les Toscans et les Français. […] Mais, en totalité, il pouvait avoir paru beau dans sa jeunesse à une femme transplantée en Italie, qui cherchait la forme de la force dans un protecteur de sa faiblesse.
On peint d’ordinaire les folles, comme si la folie s’arrangeait avec les convenances et donnait seulement le droit de ne pas finir les phrases commencées, et de briser à propos le fil des idées ; mais cela n’est pas ainsi : le véritable désordre de l’esprit se montre presque toujours sous des formes étrangères à la cause même de la folie, et la gaieté des malheureux est bien plus déchirante que leur douleur. […] Dieu n’aurait pas pu lui envoyer la foi et la piété sous la forme d’un ange consolateur, plus fait pour sanctifier le dernier adieu.
Il faut renoncer à cette idée que le pathétique forme un royaume inférieur. […] Puis, lorsque j’ai voulu descendre à celles qui étaient plus particulières, il s’en est tant présenté à moi de diverses, que je n’ai pas cru qu’il fût possible à l’esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, d’une infinité d’autres qui pourraient y être si c’eut été le vouloir de Dieu de les y mettre, ni par conséquent de les rapporter à notre usage, si ce n’est qu’on vienne au devant des causes par les effets, et qu’on se serve de plusieurs expériences particulières.
Il prétend que mon âme habitera, après ma mort, sous la forme d’une mouette blanche, autour de l’église ruinée de Saint-Michel, vieille masure frappée par la foudre qui domine Tréguier. […] Le fond des idées qui formait la base de cette éducation était faible ; mais la forme était brillante, et un sentiment noble dominait et entraînait tout.
Il domine les choses vulgaires et populaires (souvent les mêmes choses) par un très noble mépris, et la forme qu’il donne à son mépris y ajoute encore. […] Il a aimé avec le fanatisme d’une âme comme la sienne, véhémente et concentrée, et, sous des formes froides et coupantes (ce qui n’est pas rare), âprement et obstinément passionnée.
Il serait peut-être curieux de rechercher, et peut-être facile de trouver, comment des écrivains de cette valeur et de celle élégance, qui, par le fait de leurs études, ont vécu dans la société du xviiie siècle, et qui ont montré presque de l’enthousiasme pour cette société artificielle et raffinée, aient pu pencher de ce côté inférieur qui aurait dû leur être si antipathique, et même y verser un jour tout à fait… Vous vous rappelez ce fameux drame d’Henriette Maréchal, joué au Théâtre-Français, et dans lequel les deux auteurs abordèrent si audacieusement la langue la plus verte des bals masqués les plus pourris de Paris, que le public en fut révolté et la pièce outrageusement sifflée… Ceci n’est réellement explicable que par le besoin de nouveauté qui saisit les esprits hardis, quand les vieilles formes littéraires expirent. […] Il en est par la forme, et je ne dirai pas par la pensée, — mais par l’absence de la pensée.
Les facultés merveilleuses qu’il avait reçues et qui se faisaient aussitôt reconnaître s’accoutumèrent sans aucun effort à trouver leur forme favorite et leur satisfaction dans les exercices graves qui remplissaient la vie d’un jeune ecclésiastique et d’un jeune docteur, thèses, controverses, prédications, conférences ; il y mettait tout le sens et toute la doctrine, il y trouvait toute sa fleur.
Le Fragment d’Alcée n’est que du grec transparent et pour la forme.
Frochot dut être sacrifié ; il le fut après un jugement pour la forme au Conseil d’État.
Il y a lieu, en de certains moments décisifs, à cette critique auxiliaire, explicative, apologétique : c’est quand il s’agit, comme cela s’est vu dans les années de lutte de l’école poétique moderne, d’inculquer au public des formes inusitées, et de lui faire agréer, à travers quelques ornements étranges, les beautés nouvelles qu’il ne saluerait pas tout d’abord.
Si c’est dans l’art qu’elles se produisent et s’expriment, la forme en sera nue, sèche et aride, comme tout ce qui vient avant la saison.
Dans une monarchie, il est condamné à l’adoption de toutes les idées reçues, à l’importance de toutes les formes établies : s’il étonne, il fait ombrage, s’il reste le même, on croit qu’il s’affaiblit.
Enfin, si l’éclat de la célébrité d’une femme attire des hommages sur ses pas, c’est par un sentiment peut-être étranger à l’amour ; Il en prend les formes, mais c’est comme un moyen d’avoir accès auprès de la nouvelle sorte de puissance qu’on veut flatter.
Celui qui sollicite une faveur pour lui seul, parce que cela ne tire pas à conséquence, qui s’autorise d’une juste affection pour réclamer une injuste décision, s’il est de bonne foi, ne devra pas s’obstiner dans sa prétention quand il considérera les formes universelles des raisons qu’il donne.
Jules Barbier n’est point une aventure particulière, mais la tragique et sanglante et merveilleuse histoire de l’Église de Lyon dans la dix-septième année du règne de Marc-Antonin ; que son dessein est de nous peindre des phénomènes moraux collectifs, de nous montrer, dans tout un groupe de chrétiens, la contagion de la foi et de l’héroïsme, la sublime émulation et, proprement, l’ivresse du martyre ; et, si vous voulez, de donner une forme dramatique au dix-neuvième chapitre du Marc-Aurèle d’Ernest Renan.
qu’il est doux dans le sein de cette auguste amitié, de n’obéir qu’à la voix du génie, de suivre ses inspirations secrettes, de nourrir chaque jour ce feu sacré des beaux Arts, ce goût épuré qui forme une trempe d’ame également vigoureuse & sensible.
Elle mit le sonnet suivant au bas d’un portrait en vers, qu’elle adressait à la signora Isabella C…, qui peignait parfaitement et qui avait fait le portrait de la comédienne : Voi col penello il mio ritratto fate, Et io con la mia penna forme il vostro ; Voi stemprate i colori et io l’inchiostro ; Io carta adopro, e voi tela adoprate.
XXI La science étant un des éléments vrais de l’humanité, elle est indépendante de toute forme sociale et éternelle comme la nature humaine.
Nous ne savons sous quelle forme ni dans quelle mesure ces affirmations se produisaient.
La forme la plus authentique de ce mot paraît être dans Marc, XIV, 38 ; XV, 29.
De très bonne heure, ce mystère se fixa en un petit récit sacramentel, que nous possédons sous quatre formes 1080 très analogues entre elles.
Il y aurait à faire entre ces deux femmes (deux démons sous forme d’anges !)
Car ni l’art d’Eschyle, ni l’art d’Aristophane, ni l’art de Plaute, ni l’art de Machiavel, ni l’art de Calderon, ni l’art de Molière, ni l’art de Beaumarchais, ni aucune des formes de l’art, vivant chacune de la vie spéciale d’un génie, n’obéiraient aux ordres donnés par Shakespeare.
Partout la vertu s’y présente sous mille formes, suivie de la félicité.
Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur.
Il a un langage à lui, un tour à lui, une manière désabusée et presque languissante de dire les choses à travers laquelle on sent l’ironie : une des formes de ses condamnations.
La femme comme il faut s’atteste ici de toutes les manières : par la pensée, le sentiment, la forme.
Voilà pour la forme.
D’ailleurs, ma muse acquitte un devoir ; elle rend ce qu’elle doit à la vertu, à la patrie, au genre humain, à la nature immortelle et souveraine qui lui a donné, comme à sa prêtresse, la charge honorable de chanter des hymnes en l’honneur de tout ce qu’elle forme de grand et de beau dans l’univers. » On voit quel est le ton et la noblesse de ces éloges ; la vigueur d’âme qui y règne, vaut bien notre délicatesse et notre goût.
Corollaire : « La haine de l’art, c’est la haine de la forme… » Et c’est, du même coup, « l’oubli de la vie ». […] La méditation que le poème des Parques anime ne serait pas plus rigoureuse et dialectique en prose simple et sous la forme de théorèmes consécutifs. […] Il était curieux et avait, je crois, son meilleur amusement à guetter les prouesses qu’on allait accomplir pour réaliser sous une forme d’art l’émoi moderne. […] Malgré notre goût des anciennes formes, il ne nous viendra pas à l’esprit de sortir dans la rue coiffé d’un casque empanaché… » M. […] Il n’y a pas un amant abandonné, trahi, qui ne l’ait jetée, cette interrogation, sous une forme ou sous une autre ; mais ceux qui ont lu Musset ne peuvent que répéter ce vers-là… » Plus de coquetterie !
Mais la forme manifestement paradoxale de cette doctrine, d’où vient-elle ? […] Est-ce une forme de l’affaiblissement sénile ? Est-ce une forme de la générosité ? Est-ce… Pour moi, c’est une forme du cynisme, et, comme voilà un bien gros mot, je m’explique vite. […] La variété ne pouvait se retrouver que dans les formes du travers… Mon tableau pousse au noir, je le reconnais.
— nous avons à le relire cent fois dans l’œuvre de Mirbeau, sous les diverses formes que ses personnages lui communiquent, sous la forme d’une imprécation qu’il profère, lui, comme ses héros furieux. […] Ce dernier mot donne à imaginer la forme de cette machine et rend cette machine vivante. […] Cependant il n’abandonnait qu’à regret un système où commençait de prendre forme une esquisse de l’univers intelligible et le sacrifice qu’il consentait montrait sa générosité. […] Et sans doute l’on ne conclura pas que l’enseignement des Jésuites n’est destiné qu’à former des notaires bedonnants et rustauds, dont les fils ont la rougeole : on ne conclura pas davantage que l’enseignement des Jésuites forme des rêveurs découragés et malheureux. […] Pierre Mille a connue quand il voyageait dans le Congo belge : il l’a ensuite présentée sous la forme d’un conte ; mais il a eu grand soin de ne pas la dénaturer.
À force d’écrire des récitatifs, des duos et des quatuors, cette forme lyrique est dans leur langage ordinaire. […] Saint-Alme, montrant aux jeunes crétins, qui étaient tous plus ou moins rimailleurs, le manuscrit des Osanores, leur expliqua sous quelle forme l’encouragement en question leur serait accordé. […] L’œuvre achevée, chose ordinairement sans forme et sans fond, — mannequin d’idée, grotesquement vêtu de loques de style ramassé sous les piliers des halles littéraires, il s’étonnera que le fœtus ne marche pas tout seul, et il commencera à s’alarmer à propos, de l’indifférence coupable du siècle en matière de chef-d’œuvre— inédit ? […] Ils ne voulurent point attendre l’œuvre qui résumait la question sociale, débattue devant eux sous toutes les formes. […] On ne sait encore, mais on remarque depuis quelque temps un indice de retour vers une forme dramatique d’où la poésie ne soit pas exclue comme faisant obstacle à l’intérêt. — L’écrivain qui au théâtre fut le précurseur de l’école réaliste a ses caudataires, dont les productions n’obtiennent déjà plus la vogue qui les accueillait jadis. — N’est-ce qu’un temps d’arrêt dans la curiosité ?
C’est la désespérance la plus complète, sous la forme ironique, la forme particulière au désespoir français. « Nous y sommes ! […] La délivrance m’est apparue, sous la forme de deux gendarmes, reprenant au galop, possession du boulevard Montmorency. […] Cette dernière, faite avec l’extrême dessous, sera la fin de cette forme de gouvernement. […] Il y aurait peut-être une forme originale pour ce livre. […] Cette étude d’actrice parue, sous le titre de La Faustin, n’a été publiée qu’en 1882, et dans une forme différente de celle indiquée ici.
Il y a de deux sortes d’injures usitées dans les contestations des gens de lettres : les unes toutes cruës, et telles que la passion les suggere d’abord, les expressions les plus naturelles du mépris et de la colere, des démentis en forme, des reproches directs d’impertinence et d’absurdité, et mille autres formules aussi polies. […] N’en est-ce pas assez pour les appeller les peres du paganisme, par la forme qu’ils lui ont donnée ? […] J’avois conclu mon raisonnement sur le poëme, en disant que je trouvois arbitraire le choix de la matiere, et même celui de la forme qu’on lui veut donner ; mais qu’il étoit essentiel de plaire toûjours par quelque endroit, soit en attachant l’esprit par l’importance des événemens, soit en touchant le coeur par les passions des personnages, soit en amusant simplement par la variété et les graces du sujet. […] Il n’y a point de matiere qui ne soit sujette à la plus éxacte discussion : l’art poëtique même a ses axiomes, ses théoremes, ses corrollaires, ses démonstrations ; et quoique la forme et les noms en soient déguisez, c’est toûjours au fond, la même marche du raisonnement, c’est toûjours de la même méthode, quoiqu’ornée, que résultent les véritables preuves. […] Tout doit prendre en lui la forme de sentiment jusqu’aux réfléxions mêmes.
Aimer Molière, c’est n’être disposé à aimer ni le faux bel esprit, ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seulement change, et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit chez les autres comme pour soi. […] Son rez-de-chaussée occidental forme le passage Hulot et conduit à la rue Montpensier, dans laquelle on descend par quelques marches. […] Plus tard, à la mort de Molière, il ajoutera des vers plus violents encore à une édition nouvelle de son Enfer burlesque, et on retrouvera dans ces vers la preuve que ce chantre est l’auteur enragé de ces quatre vers hideux, rimés contre Molière en forme d’épitaphe : Il se servit de la coquille Et de la mère et de la fille, Et ne trouva dedans sa fin Ni Dieu, ni loi, ni médecin. […] ……………………………… ……………………………… Les Gratelards, les Trivelins, Et les farceurs les plus grotesques, N’eurent de formes si burlesques. […] La vie de Molière qui forme la préface est de Marcel.
XXIV À la fin de la bataille de Waterloo, un brave général forme un dernier carré résistant de la garde impériale pour barrer le chemin aux Anglais et donner à l’armée et à l’empereur le temps d’atteindre Charleroi. […] Qu’il l’ait dit ou non dans cette forme, peu importe.
Les arbres sont encore jeunes : je les ai plantés moi-même, ainsi que cette vigne, que j’ai fait monter jusqu’au-dessus du mur antique que voilà, et dont la largeur me forme un petit promenoir ; c’est ma place favorite… Montez le long de ces pierres ; c’est un escalier dont je suis l’architecte. […] XV Le dialogue commence ; il forme le plus sobre et le plus naturel des discours.
Il lui fit offrir de se changer en une académie, et de préparer la forme et les lois qu’il serait bon qu’elle reçût à l’avenir52. » Ils y résistèrent d’abord, par l’esprit d’indépendance propre aux gens de lettres, et par crainte de se mettre en servitude en s’agrandissant. […] La raison voulait cet ordre : car la grammaire, qui traite des signes et de la forme de nos pensées, n’est-elle pas la clef même avec laquelle nous pénétrons dans l’intérieur de notre esprit ?
Là, des roches grises, entièrement décharnées de sol et taillées par la nature, le temps, la pluie, les vents, en formes étranges, se dressent comme de gigantesques créneaux d’une forteresse démantelée. […] Ai-je un bien ferme espoir dans ces formes de gouvernement que le peuple abandonne avec autant de mobilité qu’il les conquiert ?
Des femmes tenant des éventails, secouant des plumes de paon, et toutes remarquables par leur beauté et la grâce de leurs formes, environnent le maître. […] Sita et Rama s’extasient ensemble sur les scènes reproduites par le pinceau : « Jours heureux pour moi », s’écrie Rama à l’aspect de ces peintures, « quand un père vénéré vivait encore, quand la tendresse d’une mère veillait attentivement sur mon existence, quand tout était plaisir pour mon jeune âge… Voyez… Voilà que ma jeune épouse, la belle Sita, attire l’admiration de ma mère… Le sourire est sur ses lèvres, sa bouche entrouverte laisse éclater des dents aussi blanches que les calices allongés du jasmin ; de longues nattes de cheveux souples, et doux au toucher comme la soie, répandent un crépuscule sur ses joues ; tous ses membres, élégants de formes, gracieux de mouvements, ont la blancheur et la flexibilité des rayons de la lune glissant dans le vague des airs !
La différence est à la vue comme dans les noms. » Quelques années après, le même Courier, de retour en France, empruntait à ses paysans de Touraine, et à notre vocabulaire gaulois du xvie siècle, des locutions et des formes pour mieux traduire Hérodote selon son vrai génie.
Ainsi, en montant le pic du Midi, le voyageur arrivé à une certaine élévation se trouve avoir atteint à un beau réservoir d’eau appelé le lac d’Oncet, et où la nature commence à prendre un grand caractère ; il en fait voir en peu de mots l’encadrement, et en quoi ce nouveau genre de beauté consiste : C’est un beau désert que ce lieu : les montagnes s’enchaînent bien, les rochers sont d’une grande forme ; les contours sont fiers, les sommets hérissés, les précipices profonds ; et quiconque n’a pas la force de chercher dans le centre des montagnes une nature plus sublime et des solitudes plus étranges prendra ici, à peu de frais, une idée suffisante des aspects que présentent les monts du premier ordre.
Quelquefois il se blâme ou a l’air de se blâmer : « Donc, notez, capitaines, qu’en cette entreprise il y eut plus de l’heur que de la raison, et que j’y allai comme à tâtons… » Mais ce n’est là qu’une forme pour revenir à l’éloge ; le plus souvent il s’approuve et se propose nettement en modèle.
Assurément on aurait mieux aimé voir dans ces élans et ces prières, dans ces méditations sur la foi, les traces directes et les témoignages d’une lutte intérieure et d’un de ces beaux orages mélancoliques et mystiques tels qu’on en a dans la jeunesse, une seconde forme du drame intérieur de Pascal.
C’est dans les lettres qu’il écrit à Mme Récamier que l’on trouverait le plus de traits exquis pour la peindre sous la forme idéale et symbolique qu’il ne cessa de lui prêter.
Vous avez la certitude qu’avant dix jours l’armée du général Championnet, qui se forme dans les Alpes, sera en état de déboucher dans la plaine pour se réunir à la vôtre ; on vous assure que cette armée sera forte d’environ 35000 hommes, c’est à peu près autant que vous en avez ; ainsi la supériorité que l’ennemi conservera encore ne sera du moins plus aussi disproportionnée qu’elle l’est aujourd’hui.
Les talents, les habiletés, les faibles et les ridicules, les amours-propres et toutes les formes de fatuité se dessinent, se déploient, s’étalent, se trahissent devant vous et durant des heures.
Ce duel, où elle a tous les avantages du fond et de la forme, de la raison et de la grâce, menace de temps en temps de se renouveler entre eux.
Sans hésiter, il prend 1400 hommes d’élite, raccourt tout d’une traite de Belver à Mont-Louis, qu’il traverse au coucher du soleil, et se porte jusqu’au plateau des Llancades, poste élevé, où il forme sa troupe en trois colonnes, et lui donne, pour se reposer, le reste de la nuit.
Biot donna cours, dans l’examen qu’il en fit au Journal des Savants (mai 1833), à un sentiment qui, sous sa forme discrète et son expression modérée, ne peut être qualifié au fond que de dénigrant et de malveillant : « Les éditeurs de semblables recueils, disait-il en commençant, lorsqu’ils n’ont que des intentions honorables, ce qui est certainement le cas actuel, doivent bien examiner, avant de les émettre, si la gloire des hommes célèbres qu’ils ramènent ainsi sur la scène s’accroîtra par ces publications qu’eux-mêmes n’avaient point prévues ; ou si l’expression, pour ainsi dire surprise, des idées qu’ils n’avaient pas exposées au grand jour, aura une utilité générale, soit en ajoutant de nouvelles et réelles richesses à la masse des connaissances déjà acquises, soit en détruisant des erreurs que des hommes célèbres auraient accréditées ; soit, enfin, en redressant des injustices qui se seraient propagées sous l’influence de leur nom : car, si aucun de ces résultats ne doit être obtenu, la gloire de ce nom risque d’en être affaiblie plutôt qu’augmentée, ne fût-ce que par l’évanouissement du prestige de perfection qui s’y attachait. » C’est donc au nom d’un prestige que M.
Pour nous tous, qui sommes déjà d’autrefois, pour ceux qui, comme nous, ont été nourris des lettres dès l’enfance et qui sont plus volontiers critiques qu’artistes, plus des hommes de livres que des curieux de marbres et de statues, ce sont nos figures préférées, nos formes à nous, toutes poétiques et littéraires, lesquelles aussi, comme les trois ou quatre beaux groupes antiques conservés, nous apparaissent toutes les fois que nous regardons en arrière et décorent nos fonds de lectures et de souvenirs.
Son séjour en Portugal l’initia de près à la connaissance de la littérature portugaise, veuve à peine de son Camoëns et hier encore si florissante ; il y prit goût, et son premier ouvrage, de forme pastorale, la Galatée, s’en ressentit (1584).
Avec du goût, de l’esprit et les formes de la meilleure compagnie, il aimait à faire remarquer l’ancienneté de la famille irlandaise dont il descend.
Le simple amour de la science et de ses applications salutaires, le spectacle grandissant de l’humanité émancipée, le caritas generis humani dans sa forme la plus haute, ne suffisent-ils pas à faire entreprendre cette sainte ligue, cette croisade dernière que M.
Quand j’ai dit qu’il ne remplit jamais ses devoirs de directeur, il y eut pourtant une circonstance où il en fit les fonctions : c’est lorsqu’on songea à réunir les différentes fondations successives, destinées à des prix d’académie, et à les constituer en un seul fonds pour un prix annuel qui subsiste encore sous cette forme, et qui est alternativement d’éloquence et de poésie.
Il est bon que la conscience intérieure que chaque talent porte naturellement en soi prenne ainsi forme au dehors et se représente à temps dans la personne d’un ami, d’un juge assidu qu’on respecte ; il n’y a plus moyen de l’oublier ni de l’éluder.
Sous une forme détournée, il y caressait encore le souvenir de ses propres douleurs.
La correspondance de Mme de Staal avec Mme du Deffand trahit les misères du fond sous la forme toujours agréable ; on y suit l’habitude de l’esprit et l’ironique gaieté persistant à travers une existence sans plaisir et comblée d’ennui.
Gloire, ambition, fanatisme, votre enthousiasme a des intervalles, le sentiment seul enivre chaque instant, rien ne lasse de s’aimer ; rien ne fatigue dans cette inépuisable source d’idées et d’émotions heureuses ; et tant qu’on ne voit, qu’on n’éprouve rien que par un autre, l’univers entier est lui sous des formes différentes, le printemps, la nature, le ciel, ce sont les lieux qu’il a parcourus ; les plaisirs du monde, c’est ce qu’il a dit, ce qui lui a plu, les amusements qu’il a partagés, ses propres succès à soi-même, c’est la louange qu’il a entendue, et l’impression que le suffrage de tous, a pu produire sur le jugement d’un seul.
Stanislas de Guaita publie chez Lemerre deux volumes de vers : La Muse Noire (1883), Rosa Mystica (1885), vers jeunes et inexpérimentés de forme et où l’idée n’arrive pas à se dégager de l’empreinte baudelairienne.
Nullement ; et, du reste, l’auteur sait varier ses formes, choisira chaque moment celle qui convient le mieux.
Cette révolution, au moment où on la croyait arrêtée sous une forme, elle se relevait et se poursuivait sous une autre : tantôt sous l’uniforme militaire, tantôt sous l’habit noir de député ; hier en prolétaire, avant-hier en bourgeois.
S’il ne forme pas bien le trait qui doit exprimer la passion, si, par exemple, lorsqu’il peint un mouvement de la bouche, son contour n’est point précisement la ligne qu’il falloit tirer, l’idée du peintre avorte ; et le personnage, au lieu d’exprimer une passion, ne fait plus qu’une grimace.
De toutes les langues modernes cultivées par les gens de lettres, l’italienne est la plus variée, la plus flexible, la plus susceptible des formes qu’on veut lui donner ; aussi n’est-elle pas moins riche en bonnes traductions qu’en excellente musique vocale, qui n’est elle-même qu’une espèce de traduction.
Un ouvrage avait-il réussi, non seulement on en imitait le fonds et la forme, mais on en démarquait même le titre.
On remarque sur les lois, qu’en diminuant l’abus des procédures, et réglant la forme des tribunaux, il laissa subsister le vice de cent législations opposées, et ne fit qu’ébaucher un ouvrage immense, qui, parmi nous, attend encore le zèle d’un grand homme ; sur l’agriculture, qu’il connut peu les vrais principes qui l’encouragent, principes découverts par Sully, employés dans les belles années de Henri IV, oubliés sous le ministère orageux et brillant de Richelieu, retrouvés ensuite par Fénelon, et développés avec succès dans ce siècle, où les grands besoins font chercher les grandes ressources ; sur le commerce, qu’il eut peut-être sur cet objet des vues beaucoup plus vastes que solides ; que ses vues même étant en contradiction avec ses besoins, d’un côté il voulait le favoriser, et de l’autre il le chargeait d’entraves ; sur les manufactures, qu’il les encouragea avec grandeur, mais qu’il fit quelquefois de ces arts utiles le fléau de l’État, en immolant le laboureur à l’artisan ; enfin, sur la partie militaire, que sa perfection même nous donna une gloire éclatante et dangereuse, qu’elle arma la France contre l’Europe, et l’Europe contre la France, et fut récompensée et punie par trente ans de carnage.
En suivant l’histoire des éloges, et cette branche de la littérature, depuis les Égyptiens et les Grecs jusqu’à nous, on a pu remarquer les changements que ce genre a éprouvés, les temps où il était le plus commun, l’usage ou l’abus qu’on en a fait, et les différentes formes que la politique, ou la morale, ou la bassesse, ou le génie lui ont données.
Après Horace, en effet, à peine verrons-nous briller quelque lueur du génie lyrique sous la forme païenne ; et il faudra le renouvellement, d’abord de la croyance, puis des races humaines, pour que, de siècle en siècle, se ranime la poésie.
Le sujet de cette petite guerre polémique avait peu d’importance : il s’agissait seulement de savoir si Adrien méritait le nom de vainqueur des Parthes ; mais la tournure piquante du style donnait un air malin aux citations les plus graves : les deux champions avaient du savoir, et, ce qui vaut peut-être mieux encore, de l’esprit et de la gaîté, et surtout l’art de présenter aux gens du monde une étude historique sous une forme à la fois amusante et originale. […] Le comte de Gormas n’est point fait pour inspirer de l’intérêt ; son caractère est bon parce qu’il est naturel et vrai, et parce que c’est son orgueil démesuré qui forme le nœud de la tragédie du Cid. […] Les glissades sont fréquentes : on voit trop que c’est naturellement et par goût qu’elle s’abandonne à cette pente si glissante ; et si elle se relève, c’est avec effort et pour la forme. […] Il faut rendre justice à d’Alembert : c’était un bon géomètre ; il n’entendait rien à la littérature, mais il avait beaucoup d’esprit et connaissait bien le monde ; il donnait d’excellents conseils à Voltaire, en homme qui fait peu de cas du fond des choses, et n’est occupé que de la forme. il se moquait de Corneille, de Racine, et de Voltaire lui-même, qu’il flattait assez grossièrement aux dépens des deux autres. […] Ce peuple savant et poli semble avoir employé le beau idéal uniquement pour l’expression des formes physiques, et presque jamais pour celle des caractères, des sentiments et des idées morales.
C’est alors que Karamsin écrit, d’une main encore novice, l’histoire nationale de la Russie ; que Pouschkine ou Lamanof chantent leurs poèmes, auxquels il ne manque que l’originalité ; c’est alors, enfin, que des écrivains à formes moins prétentieuses, comme Ivan Tourgueneff, dont nous nous occupons en ce moment, écrivent avec une originalité à la fois savante et naïve ces romans ou ces nouvelles, poèmes épiques des salons, où les mœurs de leur nation sont représentées avec l’étrangeté de leur origine, la poésie des steppes et la grâce de la jeunesse des peuples. […] La tendresse triste forme le fond de leur génie. […] Son talent, neuf, original et délicat, quoique précis, répand sur ses descriptions et sur ses récits des formes et des couleurs qu’aucun artifice de composition n’aurait pu inventer. […] Il débuta par les Chasseurs russes, dont la collection réunie forme aujourd’hui deux volumes.
On peut douter que la forme syllogistique servit beaucoup à fixer le sens d’une loi, d’un point de coutume ou d’un arrét, à confondre les détours captieux d’une partie adverse. […] L a forme d’un capuchon & une barbe ont causé cette querelle séraphique. […] Son esprit ne devint tranquille que quand on lui eut crayonné la forme du véritable habit de saint François. […] Qu’il plaise donc à votre sainteté me permettre de porter cette forme d’habit, de vivre dans quelque hermitage, & d’aller par le monde prêcher la parole de Dieu ». […] Ce qui rendit surtout les réformés extrêmement fiers, c’est que le pape avoit approuvé leur habit & leur façon de vivre ; approbation qui n’étoit, comme je l’ai dit, que verbale, mais qui fut convertie en une bulle en forme, donnée le 13 juillet 1528.
Ses beaux vers ou sa belle prose, peu importe, ne sont que la forme de ses idées, mais c’est l’idée seule qui est poétique, et Shakespeare a cette qualité du génie de plus ; il est poëte quelquefois comme Job, mais il l’est rarement ; et il tombe de son char comme Hippolyte emporté par ses coursiers, et il tombe très bas, par la faute de son parterre plus que par la sienne. II Molière, au contraire, est moins poëte, il n’est même pas poëte tragique du tout, ce n’est pas du sang qu’il verse de sa coupe, ce ne sont pas des larmes, c’est de l’eau, mais c’est de l’eau limpide et rythmée qui coule naturellement de sa veine, qui amuse l’auditeur ou le lecteur par le plaisir de la difficulté vaincue, mais qui ne lui est pas nécessaire ; la preuve en est que mettez en vers les Précieuses ridicules ou en prose le Misanthrope, vous aurez toujours le même Molière devant vous : sa force est en lui, non dans sa forme ; il est versificateur parfait ; il n’est pas poëte, bien qu’il ait fait des milliers de vers faciles et agréables. […] et la gravité du sentiment éclate de même dans la solennité des formes.
A mesure que la carrière des sciences s’étendoit, la nature se hâtoit de former des hommes dignes de la parcourir : l’éloquence devenoit plus mâle & plus pure ; une critique plus éclairée, discutant les faits, rétablissoit l’Histoire dans son ancienne splendeur ; la Poësie s’embellissoit des larcins qu’elle faisoit aux Muses Grecques & Latines ; & les Arts commençoient à briller sous une forme plus élégante & plus belle. […] La Critique le poursuivit sous tous ses déguisemens, & le força toujours de reparoître sous sa forme naturelle. […] Nous oyions les lectures jusques à dix heures sonnées sans intermission… Après dîner nous lisions par forme de jeu Sophocle, ou Aristophanes, ou Euripide, & quelquefois Demosthenes, Cicero, Virgilius, Horatius….
Le poëme de l’Expédition des Argonautes, dont Médée forme le principal épisode et comme le centre, eut chez les Anciens plus de réputation qu’il n’en a sauvé depuis. […] C’est donc dans une forme plus simple que les choses se passeront.
Je m’étais figuré une vieille dévote bien rechignée ; je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, des formes séduisantes ; rien n’échappa au rapide coup d’œil du jeune prosélyte, car je devins à l’instant le sien, sûr qu’une religion prêchée par de tels missionnaires ne saurait manquer de mener en paradis. […] Non, on sait que les soupçons de conspiration universelle contre nous sont une des formes du délire.
Mais d’habitude la faveur se traduit chez Dickens en formes bien plus ternes que la haine. […] Quand il lui faudra donc représenter ses semblables, il les décrira par leurs gros côtés, des tics, des grimaces, des paroles, et outrera immanquablement ce par quoi ils l’ont attiré ou repoussé, s’arrangeant d’ailleurs de façon qu’on ne puisse se tromper sur le jugement que l’auteur porte sur eux et qu’ainsi le lecteur s’en forme une opinion aussitôt qu’il les aperçoit.
Depuis que la nature physique est plus connue et que la science en observe et en expose successivement les lois, il serait à craindre que la pensée de Dieu, même auprès de ceux qui ne cessent de l’admettre et de s’incliner devant elle, ne reculât en quelque sorte aux confins de l’univers et ne s’éloignât trop de l’homme, jusqu’à ne plus être à son usage et à sa portée ; il serait à craindre que ce Dieu, tel qu’on a reproché à Bolingbroke de le vouloir établir, Dieu plus puissant que bon, plus souverainement imposant que présent et que juste, Dieu qu’on admet en un mot, mais qu’on n’adore point et qu’on ne prie point, il serait à craindre que ce Dieu-là ne prît place, et seulement pour la forme, dans les esprits, si la pensée chrétienne ne veillait tout à côté, si le Dieu du Pater ne cessait d’être présent matin et soir à chaque cœur, et si la prière ne maintenait cette communication invisible et continuelle de notre esprit borné avec l’Esprit qui régit tout.
Les archiducs, sincèrement désireux de la paix, promettaient, s’engageaient, mais les ratifications qu’on faisait signer à Madrid en revenaient toujours autres qu’on ne l’avait attendu, et dans des formes suspectes qui mécontentaient des républicains à bon droit ombrageux.
Bailly avait un penchant décidé pour le genre de l’éloge et de la notice sous forme académique, alors dans sa fleur et dans sa nouveauté.
Il garde de la tradition de David sur la noblesse, sur la sévérité de la forme.
Je n’essaie pas d’entrer, comme bien l’on pense, dans le fond de la question, je ne prends que la forme.
Ce n’est plus Rousseau qui vient, c’est Chateaubriand : il étonne, il trouble et bouleverse à son tour et les jeunes cœurs et les vieilles formes de langage ; il frappe les têtes, il séduit à tort et à travers, à droite et à gauche, et projette jusque dans les rangs de ses adversaires ses fascinations éclatantes.
Il veut savoir mener et manier des troupes sous toutes les formes et dans le plus fréquent usage.
On est amené, même sans viser au parallèle, à rapprocher ces deux ouvrages, ces deux noms d’écrivains, et à dire quelque chose de ce genre de mémoires tout anecdotiques qui, sous des formes différentes, réussissent à se faire lire et à plaire après tant d’années.
Ces deux esprits éminents avaient, évidemment, rencontré l’un dans l’autre la forme d’idéal qui leur était la plus chère, et ils y abondent ; ils s’en donnent à cœur joie ; ils sont si naturellement à leur hauteur, qu’ils ne semblent pas se douter qu’ils se guindent.
On souffre involontairement de voir un homme qui parle un si beau français exprimer des sentiments qui sont si peu nôtres ; mais enfin, pour peu qu’on y réfléchisse, il est dans son rôle, il est bien lui, le représentant d’un souverain à demi dépouillé, l’homme de l’ancien droit divin et l’ennemi de la Révolution, sous quelque forme qu’elle se montre.
Dans cette pleurésie qu’elle a et qu’on traite tout de travers (car l’absurdité autour d’elle éclate de toutes parts et sous toutes les formes), elle a près de son lit des dames placées par l’Impératrice, et elle entend d’elles, à leur insu, et devine beaucoup de choses qu’elle a intérêt à connaître : « Je m’étais accoutumée, dit-elle, pendant ma maladie, d’être les yeux fermés ; on me croyait endormie, et alors la comtesse Roumianzoff et les femmes disaient entre elles ce qu’elles avaient sur le cœur, et par là j’apprenais quantité de choses. » Elle sait qu’avant tout, à ses débuts, il faut plaire, — plaire à l’Impératrice d’abord, personne faible, crédule, pleine de préventions et de petitesses ; plaire à la nation aussi, et paraître soi-même en être éprise.
Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !
Il n’a ni élévation de style, ni gravité de ton, ni noblesse ou élégance de formes, ni rien de ce dont il parle sans cesse en des termes qui jurent souvent avec le fond ; mais il a dans quelques parties une vérité naïve, un peu gauche, un peu distraite ou inexpérimentée, la sincérité non pas du pinceau (il n’a pas de pinceau), mais du crayon, de la plume ; il a le croquis véridique pour les choses, qu’il sait et qu’il a vues en son bon temps et de ses bons yeux ; il copie honnêtement, simplement, et un sentiment moral, touchant ou élevé, comme on le verra, peut sortir quelquefois de cette suite de détails minutieux dont pas un ne tranche ni ne brille.
Il nous est aujourd’hui facile, aidés par de tels devanciers, par des maîtres qui nous ont élaboré la matière et qui nous épargnent les tâtonnements, de voir juste en un clin d’œil, de nous établir tout d’abord au vrai point de vue pour apprécier ces monuments d’une littérature et d’un art que nous concevons désormais en eux-mêmes et sous leur forme accomplie, sans leur demander autre chose que ce qu’ils sont.
La Grèce, telle qu’elle est aujourd’hui, a un trop gros cerveau ; c’est « une tête énorme sur un petit corps. » Ajoutez les habitudes invétérées d’une trop longue décadence, d’une société longtemps relâchée, décousue et dissoute ; les héros à pied et en disponibilité qui n’ont de ressource que de se faire brigands ; peu de respect pour la vie humaine ; pas d’idée bien nette du tien et du mien ; le vol sous toutes ses formes, la corruption et la vénalité faciles et courantes, comme l’admet trop aisément la moralité restée ou redevenue trop primitive.
Quand les choses ont repris leur assiette et leur organisation, quand la société rentre dans les formes parlementaires, il est, certes, un peu tard pour la comédie politique ; et si, en s’y engageant, on se fait de plus une loi sévère de ne se séparer à aucun moment de l’équité, de la décence, envers ceux mêmes qu’on attaque et qu’on raille, si on apporte, en composant, toutes sortes de généreuses considérations de bon citoyen et d’honnête homme, il est certain qu’on ajoute aux difficultés déjà grandes, qu’on multiplie autour de soi les entraves.
Mais tout à coup, il se renversa la tête en arrière, et poussa un cri rauque, guttural, effrayant, qui me fit fermer la fenêtre. » Aussitôt, sur son joli visage, apparurent des convulsions qui le bouleversèrent, déformant toutes les formes, changeant toutes les places, comme si elles voulaient les retourner, pendant que sa bouche tordue crachotait une écume sanguinolente.
La noblesse, l’élégance, la grâce des formes antiques semblaient devoir disparaître à jamais sous les pédantesques erreurs des écrivains théologiques.
Le législateur prend les hommes en masse, le moraliste un à un ; le législateur doit s’occuper de la nature des choses, le moraliste de la diversité des sensations ; enfin, le législateur doit toujours examiner les hommes sous le point de vue de leurs relations entre eux, et le moraliste considérant chaque individu comme un ensemble moral tout entier, un composé de plaisirs et de peines, de passions et de raison, voit l’homme sous différentes formes, mais toujours dans son rapport avec lui-même.
Le même goût épuré appauvrit l’initiative en même temps que la langue, et l’on agit comme on écrit, selon des formes apprises, dans un cercle borné.
« La jeune princesse en est à sa quatrième nourrice… J’ai appris à cette occasion que tout se fait par forme à la cour, suivant un protocole de médecin, en sorte que c’est un miracle d’élever un prince et une princesse.
Il n’y en a plus que deux aujourd’hui, le moi et la matière ; mais jadis il y en avait une légion ; alors, pendant l’empire avoué ou dissimulé de la philosophie scolastique, on imaginait, sous les événements, une quantité d’êtres chimériques, principe vital, âme végétative, formes substantielles, qualités occultes, forces plastiques, vertus spécifiques, affinités, appétits, énergies, archées, bref un peuple d’agents mystérieux, distincts de la matière, liés à la matière, et que l’on croyait indispensables pour expliquer ses transformations.
Il se la déguisa mieux encore en se la cachant sous les formes de l’amour de Dieu, amour vertueux et mystique qu’il s’efforça de communiquer à madame Récamier, pour préserver l’innocence de la femme et, à son insu, sa propre jalousie, contre les dangers du monde.
Le cœur est remué, quoi qu’il fasse, comme dans les romans les plus « touchants » d’autrefois ; en même temps l’observation est aussi exacte et la forme aussi travaillée que dans tels romans d’aujourd’hui : c’est aussi bien « fait » que si ce n’était pas attendrissant ; on peut se laisser émouvoir sans vergogne.
Il en fera uniquement l’homme qui passe, indifférent aux lieux, aux langages et aux foules, qui passe porteur d’une âme plus pure, d’un caractère plus beau, d’une éloquence et d’une charité plus altières, l’homme qui détient le secret des lois et des méthodes psychologiques, les raisons du cœur humain, les analogies et les idées générales de la société, l’homme qui, parmi les actifs du domaine transitoire, médite les vérités permanentes et les définit à travers les fluctuations de leurs formes.
Ce qui est incontestablement admirable, c’est la forme du langage, l’ampleur et la richesse des tours, le jet abondant et intarissable de la parole.
Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme n’importe laquelle, mais large et grande, fine et sensée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges.
Depuis lors, laissant la forme de critique et de dissertation, M.
(Et ici commence le portrait en forme, dans le goût du temps :) Madame avait l’esprit solide et délicat, du bon sens, connaissant les choses fines, l’âme grande et juste, éclairée sur tout ce qu’il faudrait faire, mais quelquefois ne le faisant pas, ou par une paresse naturelle, ou par une certaine hauteur d’âme qui se ressentait de son origine, et qui lui faisait envisager un devoir comme une bassesse.
Tout en s’accommodant avec bonheur de cette condition bourgeoise, il y faisait entrer sans trop d’effort de hautes pensées, et sa modestie domestique prenait un caractère de grandeur morale : Mon père, dit-il quelque part, à propos de je ne sais quel détail de conduite, mon père, qui était un homme rare et digne du temps des Patriarches, le pratiquait ainsi ; et c’est lui qui, par son sang et ses exemples, a transmis à mon âme ses principaux traits et ses maîtresses formes.
Si vous voulez faire parler Platon au Sunium (ce qui est difficile), inspirez-vous de lui à l’avance, remplissez-vous de son esprit et de ses formes ; et alors, si l’imagination vous le dit, parlez de source et en toute abondance de cœur, improvisez un moment ; mais ne venez point citer de mémoire des centons cousus ensemble de ses pensées.
Les Contes à Ninon étaient insignifiants comme fond, d’une assez agréable poésie de romance, caressante et fade, comme forme.
Et ce qui se résume dans Humiliés, en quelques pages, forme le contenu même de tout Crime et châtiment.
La tragédie partage avec l’épopée la grandeur et l’importance de l’action, et n’en diffère que par le dramatique seulement ; elle imite le beau, le grand ; la comédie imite le ridicule ; l’une élève l’âme et forme le cœur, l’autre polit les mœurs et corrige les dehors.
Est-ce que ces fleurs seront plus brillantes dans un pot de la manufacture de Nevers que dans un vase de meilleure forme ?