/ 2467
914. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

À ses côtés, le coude sur la table, se tient une femme d’un certain âge, aux beaux traits un peu sauvages, une sorte de médaille de gitana. […] L’une (la duchesse de M…), — une petite nymphe de Fragonard, une figurine, un saxe émacié, une vraie petite porcelaine, à la chair toute claire, toute blanche, toute nacrée, avec des traits d’oiseau dans la plus aristocratique des maigreurs, avec de petites oreilles détachées, du rose d’un coquillage, avec des yeux scintillants, avec une poussière d’or pâle pour cheveux, sur une tête, où des marguerites de diamants sont piquées partout. […] Des traits si délicatement découpés, d’un dessin si caressé et si net, qu’ils semblent comme ciselés aux paupières ; une tête qui a la finesse et la gravure de traits des sculptures de poirier du xvie  siècle, en même temps que des modelages menus de têtes de poupées chinoises. […] Ce soir nous dînons chez la princesse avec Méry, que nous n’avions jamais vu… C’est maintenant un vieillard horriblement laid, avec de gros traits d’ouvrier, des yeux glaireux d’aveugle, une barbe inculte.

915. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Un trait de Balzac, que ne connaîtront peut-être pas ses biographes futurs. […] Mardi 24 février Si j’étais encore peintre, je ferais un trait gravé à l’eau-forte de ce fond de Paris, que l’on voit du haut du pont Royal. De ce trait gravé, je ferai tirer une centaine d’épreuves sur papier collé, et je m’amuserais à les aquareller de toutes les colorations qui se lèvent des brumes aqueuses de la Seine, de toutes les magiques couleurs, dont notre automne, notre hiver, peignent cet horizon de plâtre gris et de pierre rouillée. […] La langue parlée de la princesse, sa manière de pourtraire les gens, en brouillant un détail physique avec un trait moral, cela, est vraiment pas mal conservé dans le travail, assis et rassis, de la composition et de l’écriture. Jeudi 12 mars Hier, c’était funèbre, cette espèce de glace tombant peu à peu, à la représentation du Candidat, dans cette salle enfiévrée de sympathie, dans cette salle attendant des tirades sublimes, des traits d’esprit naturel, des mots engendreurs de batailles.

916. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

J’adoucirai les traits de ton humeur austère. […] Jeune et vaillant héros, dont la haute sagesse N’est point le fruit tardif d’une lente vieillesse, Mais qui, seul, sans ministre, à l’exemple des dieux, Soutiens tout par toi-même et vois tout par tes yeux, Grand roi, si jusqu’ici, par un trait de prudence, J’ai demeuré pour toi dans un humble silence, Ce n’est pas que mon cœur vainement suspendu Balance pour t’offrir un encens qui t’est dû ; Mais je sais peu louer… Je mesure mon vol à mon faible génie, Plus sage en mon respect que ces hardis mortels Qui d’un indigne encens profanent tes autels, Qui, dans ce champ d’honneur où le gain les amène, Osent chanter ton nom sans force et sans haleine, Et qui vont tous les jours d’une importune voix T’ennuyer du récit de tes propres exploits. […] Vérité, clarté, propriété, sobriété saine, sens spirituel et juste dans une image naturelle et proportionnée au sens, harmonie des vers sans mollesse, brièveté de la phrase poétique qui ajoute à sa vigueur, trait inattendu qui frappe avant d’avoir averti, peu d’élan, mais une marche vive et sûre qui va droit au but et qui ne trébuche jamais ; en un mot toutes les qualités, non d’un grand poète, mais d’un grand manieur de la langue poétique, voilà ce qui distingua à l’instant ce jeune homme et qui donna à sa jeunesse l’autorité d’un âge avancé. […] Avant qu’un peu de terre, obtenu par prière, Pour jamais sous sa tombe eût enfermé Molière… on ravala sa gloire comme la tienne, lui dit-il ; Mais sitôt que, d’un trait de ses fatales mains, La Parque l’eut rayé du nombre des humains, On reconnut le prix de sa muse éclipsée. […] On peut en dire autant de presque tous les vers du poème : Lui-même le premier, pour honorer la troupe, D’un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; Il l’avale d’un trait, et, chacun l’imitant, La cruche au large ventre est vide en un instant.

917. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Et voilà un in media res très heureux, sans que j’y trouve un trait de génie ; mais voilà déjà un trait d’instinct dramatique. […] À peu près n’importe qui, sauf quelques traits qui, réunis, tiendraient en une page, écrirait le Roi Lear. […] Sous les traits de M.  […] Cette communication a trait à la question du Misanthrope. […] Les traits de misanthropie générale, les traits de colère, d’indignation et de mépris contre toute l’humanité sont tout au commencement de la pièce et non à la fin ; ou, tout au moins, ils sont plus nombreux et plus forts au commencement qu’à la fin.

918. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Son trait tout à fait distinctif est même celui-là. […] Ils ont des traits communs. […] Le trait, qui est fréquent, est naturel à ce point qu’il n’est pas même dissimulé. […] Point de cette amertume qui force le trait et noircit les peintures. […] Il cite au moins par mois un trait de bienfaisance.

919. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Le nez se rattache au front par ce trait droit et pur qui est la ligne même de la beauté. […] Ils appelaient « doux » ses traits invisibles. « Ô ma mère !  […] Rien de français en lui, pas un trait gaulois, aucune physionomie nationale. […] C’est un digne vieillard aux traits austères, gravement assis dans sa stalle. […] Aucun des traits de leur premier type ne s’est altéré.

920. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

Georges Pioch a voulu célébrer en ces Instants de ville ; ce sont, au contraire, les visions austères et tristes de la ville du peuple de l’ouvrier — et c’est avec des traits ordinairement exacts et souvent profonds que le poète évoque les aspects et les états des milieux ouvriers : tantôt c’est la rue, tandis que Le matin, morne et clair, sonne comme une enclume.

921. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Villemain la comprit, l’aima, la dépeignit en traits immortels.

922. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Nous lui dirons encore qu’il est essentiel à un Génie, comme le sien, de ne pas employer les mensonges, les injures, les traits de mauvaise foi ; d’éviter les tudieu !

923. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Cette passion, active comme sa mère, peut à son tour croître, se développer, prendre des traits, devenir un être distinct.

924. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre IV. Des Sujets de Tableaux. »

Apelles représenta Vénus Anadyomène, sous les traits de Campaspe, Ætion les noces d’Alexandre et de Roxane, et Timanthe le sacrifice d’Iphigénie.

925. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Monsieur de La Grenée, je vous parle avec franchise, parce que je vous aime, et que je suis content de votre Susanne, mais très content : Si vous m’en croyez, vous vous en tiendrez aux tableaux de chevalet, et vous laisserez-là ces énormes compositions qui demandent de grands fronts et quelqu’une de ces têtes énormes que Raphaël, le Titien, Le Sueur ont portées sur leurs épaules, et dont Deshays a quelques traits.

926. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 19, de la galanterie qui est dans nos poëmes » pp. 143-146

Pour revenir à la galanterie, un de ses traits énerve souvent l’endroit d’un poëme le plus pathetique.

927. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Alors déployant toutes les richesses de l’Art, soutenue par une imagination vive & brillante, toujours guidée par le goût, elle peignoit avec des traits de feu leurs vertus, leurs actions, leurs talens & leur courage, en arrosant de ses larmes les fleurs qu’elle jetoit sur leurs tombeaux. […] Que de beautés & de traits piquans dans les détails ! […] Piron(*), ce fut pour Molière une bonne journée de Philosophe, lorsqu’après avoir fait le plan du Misantrope, il entra dans ce champ vaste, où tous les ridicules se venoient présenter en foule, & comme d’eux-mêmes, aux traits qu’il savoit si bien lancer : » quelle excellente journée aussi pour M. […] Style, coloris, situations, traits Comiques, tout dans cette pièce annonce un Maître élevé dans les bonnes lettres & dans l’Ecole de Thalie. […] Depuis quand n’est-il plus permis à la Critique de s’exercer, & même de lancer ses traits contre la Théséide de l’enroué Codrus (*) ?

928. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il est à croire que ce personnage avait du moins en lui de quoi suggérer cette idée : et ainsi la légende exprime presque toujours avec force les traits caractéristiques de l’homme qu’elle magnifie. […] Et de là, très souvent, des traits d’un pittoresque aisé et délicieux, très ingénu, très franc, souvent très hardi sans y tâcher. […] Déjà, dans la Prière (Premières Méditations), les traits dont se compose la description de la campagne à l’heure du couchant évoquent d’eux-mêmes la vision d’un temple, et la nature prie avant même que le poète se soit mis à prier  Dans le Passé (Nouvelles Méditations), vous vous rappelez le premier vers :     Arrêtons-nous sur la colline. […] Et donc, en faisant la suprême barbarie industrielle et chimiste contemporaine de la barbarie originelle, à laquelle il l’estime même fort inférieure, Lamartine, par un trait de génie, l’a remise à sa vraie place. […] Car, de ramasser dans une seule formule les traits que j’ai notés chemin faisant, c’est à quoi je renonce ; soit que l’effort m’en paraisse trop grand ; soit crainte d’altérer ces traits par l’assemblage même que j’en essayerais ; soit peur de répéter encore des choses déjà dites plusieurs fois  Et, quant à le « situer » dans notre histoire littéraire, à dire d’où il sort et ce qui procède de lui, la difficulté que j’y pressens m’avertit que je ferais là une besogne purement spécieuse et que, si peut-être tous les grands poètes sont « à part », Lamartine est lui-même à part d’eux tous.

929. (1925) Portraits et souvenirs

Mme de Merteuil ne sait-elle pas de lui un certain trait qui, s’il était connu, le forcerait à sortir du Royaume ? […] Son visage aux traits effacés était terminé par une, pointe de barbe à la royale. […] Elle le fit pareil à son œuvre, en donnant à ses traits l’expression même de son génie, qui fut fait principalement de force, de sérénité et d’amertume. […] Il avait la face large, les traits nobles et réguliers. […] Il en a présent à l’esprit tout le détail, et sa mémoire lui fournit avec une abondance précise le trait nécessaire et typique.

930. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

. — Cependant Mme de Staël avait bien ses distractions aussi, son cercle d’adorateurs, M. de Schlegel, M. de Sabran, M. de Barante… ; elle aimait beaucoup ce dernier, dont elle avait mis quelques traits et quelques situations dans Oswald ; mais il dérivait un peu vers Mme Récamier… En mourant, elle ne témoigna aucun retour vif à Benjamin Constant qu’elle voyait pourtant tous les jours.

931. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

Le poète a su, et il n’y a pas de courage plus rare, se priver de tout ce qui serait développement superflu et ornement inutile ; mais chacune de ses strophes se termine par un trait vif et brillant comme une pointe de flèche, et indispensable quand on parle à des Français, pour qui tout doit être spirituel !

932. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

De tous les traits de génie qui sont partis de ce Grand Homme, celui que les vrais connoisseurs jugent le plus digne de l’immortaliser, est l’application qu’il a su faire de l’Algebre à la Géométrie.

933. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Ses Remarques Littéraires & Critiques sur les Bibliotheques de la Croix du Maine & du Verdier, ses Mémoires historiques sur la vie & les Ouvrages de la Monnoye, offrent des traits fréquens de zele & de réclamation contre les attentats de la Philosophie.

934. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 100-104

Il n'a rien lu ; des Faiseurs de Journaux, Des Gazetiers, voilà les arsenaux Où ce Pygmée, aux Géans qu'il relance, Puise les traits que par-derriere il lance.

935. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — [Note.] » pp. 83-84

Un contemporain de Montesquieu, mais qu’on ose à peine citer à son sujet, le frivole abbé de Voisenon, a pourtant sur lui quelques traits heureux et bien rendus : Il était si bon père qu’il croyait de bonne foi que son fils valait mieux que lui.

936. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre IV. Pourquoi le génie d’Homère dans la poésie héroïque ne peut jamais être égalé. Observations sur la comédie et la tragédie » pp. 264-267

Dans le caractère d’Ulysse, principal sujet de l’Odyssée, ils firent entrer tous les traits distinctifs de la sagesse héroïque, la prudence, la patience, la dissimulation, la duplicité, la fourberie, cette attention à sauver l’exactitude du langage, sans égard à la réalité des actions, qui fait que ceux qui écoutent, se trompent eux-mêmes.

937. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Écrire l’histoire, c’est saisir dans chaque époque les faits caractéristiques, dans chaque homme les traits essentiels qui constituent leur valeur symbolique, qui en font des « hiéroglyphes idéographiques ». […] Taine a au plus haut degré le don de rendre visibles tout le décor et tout le costume des civilisations et des sociétés les plus diverses, de produire un effet d’ensemble par une accumulation de traits de détail et par le choix habile des traits les plus caractéristiques. […] Cette doctrine, dont tous les traits principaux se trouvent déjà dans le Peuple, est développée dans Nos fils avec l’énergie et l’éloquence d’une foi profonde. […] Michelet avait en lui ce trait germanique qui, mêlé à une nature d’ailleurs toute française, fit sa grande originalité. […] Ce culte pour les morts se montrait chez lui par des traits touchants.

938. (1910) Rousseau contre Molière

Il fait dire à Alceste, et dès le commencement, et il semble que pour lui c’est le premier trait de son caractère : « Je veux qu’on me distingue. » Il lui fait dire : « Je donne la comédie ? […] Et ceci lui fait d’autant plus d’honneur que le spectateur, qui n’est pas psychologue, aime précisément le personnage tout d’une pièce, tel qu’il est dans un Alexandre Dumas ou dans tel autre dramatiste populaire, et que c’est une chance de succès qu’il s’ôtait en donnant à ses personnages sympathiques quelques traits antipathiques et à ses personnages odieux, comme à Don Juan, quelques traits nobles. […] Ce qui serait impossible à Alceste dans l’état où il est, c’est de faire un vrai trait d’esprit, ce qui demande du sang-froid, de la présence d’esprit, du calme et une pleine possession de soi-même. […] Molière a marqué ce trait et tenu à le marquer. […] Parce que Rousseau a tracé de l’Alceste un certain portrait, beaucoup d’entre nous voient beaucoup de ces traits dans l’Alceste de Molière lui-même ; et si la pièce de Fabre d’Eglantine était restée classique, beaucoup des traits étrangement nouveaux qu’il a donnés à l’Alceste, nous les reconnaîtrions dans l’Alceste de Molière — ou nous nous étonnerions de ne pas les y trouver, et nous reprocherions à Molière de ne les y avoir pas mis.

939. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Ce beau trait arrache à la marquise l’aveu de son amour ; elle promet à Humbert d’être sa femme. […] Le trait est dans la plaie : le drame commence. […] — C’est que j’ai ma mère dit Sévérac. » Sur ce beau trait, la comtesse, subitement attendrie, lui tend la main en signe d’amitié. […] Cette tête me paraît celle du comédien en soi, avec l’exagération de traits qui convient à une effigie symbolique. […] Ce trait n’est-il pas digne de Piron ?

940. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Il n’y a pas une parole oiseuse, pas un trait qui n’ajoute une vigueur nouvelle au personnage. […] Il n’y a pas un trait de cette chanson délicieuse qui ne porte coup. […] Cette affreuse résolution, trop fidèlement exécutée, est un trait indispensable dans le tableau de la défense de Saint-Domingue. […] S’il y a dans cette troisième partie moins de nouveauté, moins de traits inattendus que dans la vie du chêne, en revanche les traits gracieux sont prodigués avec une générosité inépuisable. […] Il a suffi d’un trait de plume pour biffer toute la science humaine, ou du moins la partie la plus sublime et la plus parfaite de la science.

941. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Sous quelque régime donc que nous vivions littérairement, une époque un peu désordonnée nous paraît toujours avoir quelques traits de la nôtre. […] Il vient de le perdre ; peut-être vient-il d’en trouver un autre, plus lumineux et plus vivifiant encore, et respirable à plus larges traits. […] Cependant, en ses traits généraux, il a été à peu près entendu et a eu le genre d’influence qu’il voulait avoir. […] Le manque de générosité est le trait dominant, le manque de bon sens est le trait principal après le premier. […] Zola insiste sur ce trait, assez caractéristique en effet, de solidité et de rondeur.

942. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

N’est-ce pas le trait d’une femme ? […] On savait qu’elle était bossue, c’était assez. » Comme ce passage, et surtout ce dernier trait, sont bien d’une femme ! […] Notons, en passant, d’autres traits analogues. […] Je poserai quelques traits seulement : votre mémoire achèvera. […] Il est grand comme Homère, et, comme lui, « il anime d’un trait tout ce qu’il touche.

943. (1890) Dramaturges et romanciers

Le caractère de Marguerite n’a donc aucun trait qui ne soit et ne puisse être vrai ; malheureusement M.  […] Ce tableau est rempli par la mort du vieux corsaire Laroque, qui à l’heure de l’agonie reconnaît les traits héréditaires des Champcey. […] Droz a fait pleuvoir une grêle de traits menus comme des aiguilles, comparables à ceux dont les Lilliputiens attaquèrent Gulliver. […] Que de beaux traits pris sur le vif de la nature italienne ! […] Notre seconde observation a trait au caractère même de Dora.

944. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

On risque d’accorder trop ou trop peu aux traits généraux, à la moyenne de la nature humaine ; on la vante ou on la rabaisse trop. […] Mais c’est là un trait caractéristique du seizième siècle. […] Dans le dessein qu’il a réalisé d’étendre et de préciser la vérité religieuse, nous découvrons trois traits qui caractérisent son œuvre. […] L’homme donné par la nature, l’homme façonné par le monde et par la cour, s’y mêlent si bien que les traits de l’un se perdent dans les traits de l’autre, et La Rochefoucauld lui-même n’eût pas su démêler en lui l’être factice et l’être naturel. […] Me rendant plus difficile, je suis allé plus loin : j’ai pris un trait d’un côté et un trait d’un autre ; et de ces divers traits, qui pouvaient convenir à une même personne, j’en ai fait des peintures vraisemblables287. » Mais on ne peut se le dissimuler, dans une œuvre pareille, comment échapper au reproche de personnalités ?

945. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

Il n’a pas lancé encore son dernier trait que les applaudissements éclatent à triple salve.

946. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

On avait peint la tendresse maternelle, la tendresse filiale, l’amitié avec sensibilité, Oreste et Pilade, Niobé, la piété romaine, toutes les autres affections du cœur, nous sont transmises avec les véritables sentiments qui les caractérisent : l’amour seul nous est représenté, tantôt sous les traits les plus grossiers, tantôt comme tellement inséparable ou de la volupté, ou de la frénésie, que c’est un tableau plutôt qu’un sentiment, une maladie plutôt qu’une passion de l’âme.

947. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Parodi, D.-Alexandre (1842-1902) »

Ce n’est pas un sentiment : c’est un poids réel, une douleur causée par un je ne sais quoi de caché, d’invisible, mais que l’on doit pouvoir arracher de la plaie comme un trait de la blessure… Aussi le remords pour Caïn prend-il la forme d’un œil qui brille au fond des cieux, et qui demeure fixé sur le meurtrier.

948. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Archiloque, et Lycambe. » pp. 7-11

Les traits, lancés contre Lycambe & sa fille, furent pour eux des coups mortels.

949. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Souvent même il l’est encore ; à tout le moins, dans ses grands traits, il est indispensable, et l’on peut dire avec certitude que, si dans une société les principaux préjugés disparaissaient tout d’un coup, l’homme, privé du legs précieux que lui a transmis la sagesse des siècles, retomberait subitement à l’état sauvage et redeviendrait ce qu’il fut d’abord, je veux dire un loup inquiet, affamé, vagabond et poursuivi. […] À certains moments critiques de l’histoire, des hommes, sortant de leur petite vie étroite et routinière, ont saisi par une vue d’ensemble l’univers infini ; la face auguste de la nature éternelle s’est dévoilée tout d’un coup ; dans leur émotion sublime, il leur a semblé qu’ils apercevaient son principe ; du moins ils en ont aperçu quelques traits. Et, par une rencontre admirable, ces traits étaient justement les seuls que leur siècle, leur race, un groupe de races, un fragment de l’humanité fût en état de comprendre. […] On n’imaginait pas la structure de son esprit encore primitif, la rareté et la ténacité de ses idées, l’étroitesse de sa vie routinière, machinale, livrée au travail manuel, absorbée par le souci du pain quotidien, confinée dans les limites de l’horizon visible, son attachement au saint local, aux rites, au prêtre, ses rancunes profondes, sa défiance invétérée, sa crédulité fondée sur l’imagination, son incapacité de concevoir le droit abstrait et les événements publics, le sourd travail par lequel les nouvelles politiques se transformaient dans sa tête en contes de revenant ou de nourrice, ses affolements contagieux pareils à ceux des moutons, ses fureurs aveugles pareilles à celle d’un taureau, et tous ces traits de caractère que la Révolution allait mettre au jour.

950. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Marie était évidemment la Béatrix de ce grand poëte : Au milieu du printemps entre les liz naquit Son corps qui de blancheur les liz mesmes vainquit, Et les roses, qui sont du sang d’Adonis teintes, Furent par sa couleur de leur vermeil dépeintes ; Amour de ses beaux traits lui composa les yeux, Et les Grâces, qui sont les trois filles des cieux, De leurs dons les plus beaux cette princesse ornèrent, Et pour mieux la servir les cieux abandonnèrent. […] Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse. […] Ainsi vostre beauté, seulement apparüe Quinze ans en nostre France est soudain disparüe, Comme on voit d’un esclair s’évanouir le trait, Et d’elle n’a laissé sinon que le regret, Sinon le desplaisir qui me remet sans cesse Au cœur le souvenir d’une telle princesse. […] Quoi qu’il en soit, Bothwell rentra chez lui sans donner aucune marque d’agitation sur ses traits, se recoucha avant la fin de la nuit, et, quand on vint l’éveiller pour lui apprendre les événements, témoigna toute la surprise et toute la douleur de bienséance, et s’écria en se précipitant hors de son lit : « Trahison ! 

951. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Mais quand, aux environs de 1615, plus tôt ou plus tard, disparaîtront ces derniers représentants du xvie  siècle chez lesquels nous avons vu se former tous les traits de l’esprit classique, il s’en faut que les œuvres littéraires indiquent nettement le caractère de l’âge nouveau. […] Ici c’est Harlay de Sancy qui raconte et justifie son apostasie, découvrant toute la bassesse de son âme avec toute la malice du papisme par un procédé d’exposition satirique renouvelé des harangues de la Ménippée ; là c’est la bonne et solide vertu sous les traits du vieux huguenot Enay (εἶναι) qui s’entretient avec le faux et frivole honneur incarné dans ie jeune papiste Fæneste (φαίνεσθαι). […] Et ce pamphlétaire enragé trouve des traits, des scènes que lui envierait un moraliste impartial : il trouve l’accent, le geste éternellement humains, le mouvement qu’impriment à l’humaine poupée l’ambition, l’avarice, la vanité. […] Aussi Maynard fut-il naturellement conduit à détacher la strophe comme le vers, en sorte que ses odes s’égrènent comme des chapelets, et sont comme des collections de petites pièces sous un titre commun : naturellement aussi il devait se plaire et exceller aux rondeaux, aux sonnets, aux épigrammes, à tous ces genres qui sont le triomphe du martelage et du trait.

952. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il est un autre trait par où Descartes est plus véritablement original que les écrivains ses prédécesseurs : il se passe de l’antiquité. […] Mais à qui s’applique moins l’idée du naturel par excellence qu’à Montaigne, à cet homme occupé à se peindre, et par conséquent à se farder ; à s’analyser, et par conséquent à se prêter ou à se retrancher certains traits, par la subtilité même de son esprit, et par cette curiosité qui se crée un spectacle ; penseur à la suite d’autrui, à propos d’une lecture qui le pique ; qu’une idée ingénieuse attache tout un jour, et qu’une citation fait changer de chemin ; qui suspecte la nature universelle et ne se plaît qu’en la nature variable ; qui pense plus pour le plaisir d’écrire, qu’il n’écrit pour éclaircir ses pensées ; auquel ses amis reprochent d’épaissir sa langue, comme on reprocherait à un peintre d’empâter ses couleurs, par trop d’attention donnée au détail ? […] Les langues sont comme l’humanité, qui, tout entière en chacun de nous, s’y personnifie néanmoins par des traits individuels. […] Mais le premier type pur qui en a été frappé, et auquel il faudra revenir toujours pour en reconnaître les véritables traits, nous le devons à Descartes.

953. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Son adversaire avait quatre-vingts ans, et mourait deux ans après avoir lancé contre son jeune vainqueur le trait de Priam, … Telum imbelle sine ictu. […] En accoutumant l’homme à regarder par-delà ses pensées le fonds où elles se forment, elle apprenait aux juges des choses de l’esprit à reconnaître, sous les traits changeants d’une époque, les traits inaltérables de la nature primitive, et l’homme qui demeure le même sous la mobilité des mœurs et des coutumes. […] C’est un trait commun à toute une classe d’auteurs, et voilà pourquoi je le relève.

954. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Sa laideur extrême n’excluait pas de ses traits une singulière vigueur ; mais il n’avait pas été élevé comme M.  […] laissez-moi, laissez-moi. » Il s’aperçut que le trait avait porté juste. […] C’est là que j’ai appris l’art de peindre la nature par des traits moraux. Jusqu’en 1865, je ne me suis figuré l’île de Chio que par ces trois mots de Fénelon : « l’île de Chio, fortunée patrie d’Homère. » Ces trois mots, harmonieux et rythmés, me semblaient une peinture accomplie et, bien qu’Homère ne soit pas né à Chio, que peut-être il ne soit né nulle part, ils me représentaient mieux la belle (et maintenant si malheureuse) île grecque que tous les entassements de petits traits matériels.

955. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid, (suite.) »

Ainsi on le voit, par degrés, se former, se civiliser et devenir l’objet d’un culte délicat, ce Cid qui dans la réalité, au xie  siècle, ne guerroyait que « pour avoir de quoi donner l’orge aux siens et de quoi manger. » Il garde pourtant encore, dans ce poème du commencement du xiiie  siècle, plus d’un trait de sa rude et primitive nature. […] Damas-Hinard s’est contenté de calquer trait pour trait.

956. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Nous en sommes réduits aux témoignages produits par Jomini lui-même, et qui peignent en traits ardents son offense, l’injustice dont il se voit victime, et qu’il retourne en tous sens au gré d’une imagination blessée. […] Je n’indiquerai que certains traits caractéristiques de sa situation nouvelle. […] Cet homme d’étude, qui, dans sa jeunesse, avait été précepteur du comte Tanneguy Duchâtel (les Suisses sont volontiers précepteurs dans leur jeunesse), n’avait pas varié une minute au fond du cœur ni faibli dans sa première et vieille trempe helvétique ; et quand je pense à cet homme de bien, vétéran des universités, ancien membre de la Diète aux heures difficiles, si modeste de vie, mais intègre et grand par le caractère, je me le figure toujours sous les traits d’un soldat suisse dans les combats, inébranlable dans la mêlée comme à Sempach, la pique ou la hallebarde à la main.

957. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Elle prend à tâche de combattre sur tous les points la maxime de La Rochefoucauld, sans s’écarter jamais de cette parfaite mesure qui est le trait distinctif de son esprit et le signe de la vérité en toutes choses, mais qui rarement est accompagnée d’un grand éclat. […] La mémoire n’emporte aucun de ses traits en le quittant. […] Trait singulier et distinctif !

958. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Et certes, si en parlant du lyrique Malherbe et surtout de l’autre Balzac, solennel pourtant, et si savant en beaux mots, le bon Tallemant a trouvé moyen d’amasser tant de traits piquants de caractère, d’enregistrer tant d’indiscrétions de langage, tant de superstitions fastueuses d’auteur et de jactances naïves, que n’aurait-il pas à moissonner d’abondant autour de chacun des nôtres ! […] Un trait du caractère de M. de Balzac, c’est, aussitôt qu’il écrit la première page d’un livre, d’avoir tout de suite trente autres volumes en idée devant lui, et de rêver ainsi des séries indéterminées qui doivent, en se rejoignant, former une œuvre immense106. […] Marié jeune, devenu père d’une nombreuse famille, l’alchimiste, qui ne se désigne lui-même que comme l’infortuné Ci…, dissipe la dot de sa femme, voit mourir de misère et de chagrin tous ses enfants ; mais il prend à toutes ces douleurs qui l’entourent une part de sympathie bien autrement active et humaine que Claës ; ce sentiment de bienveillance pour les hommes et de compassion pour les siens, qui se mêle à une si opiniâtre recherche, est un trait naturel que le romancier n’a pas assez deviné ni ménagé.

959. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Ce dernier point n’est vrai que de quelques-uns sans doute, mais l’est assez pour qu’on y voie un trait de caractère. […] Dans ses pièces plus longues, elle a moins réussi ; en quelques stances, pourtant, on découvrirait des éclairs de passion et surtout des traits de grâce. […] Un rapport entre elles, qu’on aime mieux signaler, est dans les traits de passion, évidents chez Mme Dufrénoy, mais non pas absents dans l’autre muse.

960. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Il y touche cet état moral de son âme en traits ingénus et suaves qui marquent assez qu’il n’est pas guéri : « Je connois la foiblesse de mon cœur, et je sens de quelle importance il est pour son repos de ne point m’appliquer à des sciences stériles qui le laisseraient dans la sécheresse et dans la langueur ; il faut, si je veux être heureux dans la religion, que je conserve dans toute sa force l’impression de grâce qui m’y a amené ; il faut que je veille sans cesse à éloigner tout ce qui pourroit l’affoiblir. […] On aime à s’étendre avec lui, en plus d’un endroit des Mémoires d’un Homme de qualité et de Cléveland, sur ces promenades méditatives, ces saintes lectures dans la solitude, au milieu des bois et des fontaines, une abbaye toujours dans le fond ; sur ces conversations morales entre amis, qu’Horace et Boileau ont marquées, nous dit-il, comme un des plus beaux traits dont ils composent la vie heureuse. […] son recours en désespoir de cause au père du marquis, au noble duc, qui reçoit l’affaire comme si elle lui semblait par trop impossible, et l’effleure avec une légèreté de grand ton qui serait à nos yeux le suprême de l’impertinence ; ces traits-là, que l’âge a rendus piquants, ne coûtaient rien à l’abbé Prévost, et n’empruntaient aucune intention de malice sous sa plume indulgente.

961. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

L’écrivain perd le droit de mettre en tête et en vedette l’objet ou le trait qui le frappe le plus vivement et d’abord : le cadre est fait, les places sont désignées d’avance. […] Il se refuse à exprimer les dehors physiques des choses, la sensation directe du spectateur, les extrémités hautes et basses de la passion, la physionomie prodigieusement composée et absolument personnelle de l’individu vivant, bref cet ensemble unique de traits innombrables, accordés et mobiles, qui composent, non pas le caractère humain en général, mais tel caractère humain, et qu’un Saint-Simon, un Balzac, un Shakespeare lui-même ne pourraient rendre, si le langage copieux qu’ils manient et que leurs témérités enrichissent encore, ne venait prêter ses nuances aux détails multipliés de leur observation366. […] Dans un caractère vivant, il y a deux sortes de traits : les premiers, peu nombreux, qui lui sont communs avec tous les individus de sa classe et que tout spectateur ou lecteur peut aisément démêler ; les seconds, très nombreux, qui n’appartiennent qu’à lui et qu’on ne saisit pas sans quelque effort.

962. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

Ces inquiétudes étaient justifiées, à quelques égards, par les infirmités qui affligèrent Pierre pendant le petit nombre d’années qu’il fut à la tête du gouvernement de la république ; mais les talents de Laurent dissipèrent bientôt ces nuages d’un moment, et élevèrent sa famille à un degré d’illustration et d’éclat dont il est probable que Côme lui-même avait eu peine à se former l’idée. » VIII Bien qu’il fût âgé de soixante et quinze ans, sa taille élevée, la majesté de ses traits, la grâce de son visage, si conforme au titre de Père de la patrie que les Florentins avaient d’eux-mêmes ajouté à son nom, la bienveillance de son accueil, la cordialité de son amitié le rendaient aussi agréable que dans sa belle jeunesse. […] ) Dans ses traits enchanteurs la mort paraissait belle. […] Ses traits étaient, comme je l’ai déjà dit, d’une beauté ravissante, et elle avait le teint d’une fraîcheur admirable.

963. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

On pourra s’amuser un moment à voir le prince Alexandre étudier les sept arts et se faire adouber chevalier par sa mère, inaugurant la brillante carrière qui le mènera à figurer sur nos jeux de cartes entre Arthur et Charlemagne sous les traits d’un empereur à la barbe fleurie. […] Il a le sens des réalités prochaines et visibles : il note d’un trait juste tout ce qui est dans son expérience ou conforme à son expérience. […] Très au fait des maximes ingénieuses et de la procédure raffinée des troubadours, il réglemente, lui aussi, l’amour : il soumet la passion celtique à la courtoisie, et, n’y laissant point de désordre, il fixe les traits, les effets, les marques, les procédés de l’amour comme il faut.

964. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Les traits caractéristiques de sa philosophie, qui correspondent aux instincts les plus déterminés de son tempérament, apparaissent déjà épars dans la riche variété de son œuvre littéraire : elle est déjà, avant tout, et hors de toute doctrine positive, une terrible école d’irrespect et d’incroyance. […] Dans ces fameuses lettres se mêlent tous les éléments divers dont le voltairianisme se compose : revendication de la liberté de penser et d’écrire, souci de la prospérité matérielle et des commodités de la vie, curiosité littéraire, irréligion hardie, philosophie rationaliste, critique historique ou théologique, ironie qui exalte ici les vertus singulières d’une secte hérétique pour faire une niche à l’orthodoxie, et là crible indifféremment hérétiques et orthodoxes de traits meurtriers. […] Mme du Châtelet n’aimait pas l’histoire : pour vaincre son aversion, Voltaire entreprit de la lui montrer comme une science expliquant les phénomènes de la vie collective de l’humanité ; il commença de lui esquisser à grands traits la suite des événements de l’histoire universelle.

965. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Ce trait le capital. […] Il convient d’en parler déjà, ainsi qu’un invité voyageur tout de suite se décharge par traits haletants de témoignage d’un accident su et le poursuivant : en raison que le vers est tout, dès qu’on écrit. […] Je réclame la restitution, au silence impartial, pour que l’esprit essaie à se rapatrier, de tout — chocs, glissements, les trajectoires illimitées et sûres, tel état opulent aussitôt évasif, une inaptitude délicieuse à finir, ce raccourci, ce trait — l’appareil ; moins le tumulte des sonorités, transfusibles, encore, en du songe.

966. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

L’histoire des mœurs en notre siècle rencontre bien des cas où des personnages réels ont emprunté des traits à des personnages fictifs, où la vie a imité cette imitation de la vie qu’est en partie la littérature ! […] Comparez aux peintures du poète ce qui se passe dans certaines familles, surtout dans les familles jansénistes du temps, et vous verrez qu’il n’a eu qu’à idéaliser certains traits choisis dans la réalité. […] Je résume ici à grands traits une longue étude que j’ai publiée dans la Nouvelle Revue du 1er septembre 1888 sous ce titre : Les femmes de la Fronde.

967. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Emile Augier a le trait salé, la riposte alerte, la saillie mordante ; mais ses flèches gauloises ne sont pas d’un très fin calibre, et il les trempe souvent dans une boîte au gros sel. […] Mot de nature, trait de haut comique qui part du fond de l’observation. […] Augier ait jamais écrites, et que termine un trait final d’une beauté presque cornélienne.

968. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

La causticité de Bussy se retrouverait dans ce dernier trait, si on la voulait chercher ; mais il faut reconnaître qu’ici elle semble bien d’accord avec la vraie observation humaine. […] Cette Mme de Montglat, qu’il a le plus aimée, est présentée avec une complaisance toute particulière : Mme Bélise a les yeux petits, noirs et brillants, la bouche agréable, le nez un peu troussé, les dents belles et nettes, le teint trop vif, les traits fins et délicats, et le tour du visage agréable. […] Le portrait que Bussy a tracé de Mme de Sévigné dans ce vilain livre, est à la fois ressemblant et calomnieux ; c’est le chef-d’œuvre d’un peintre malicieux et caustique qui donne à chacun des traits qu’il observe et qu’il accuse, je ne sais quelle expression particulière qui noircit le tout et le dénature.

969. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Mais ses traits ont perdu quiconque l’a suivi. […] Philosophie épicurienne, c’est bien le premier trait qu’il fallait mettre en lumière, et ceci est à mon avis très réel. […] Il n’est pas facile de faire une dissertation philosophique plus nette, plus précise, avec des mots d’une propriété plus exacte, et en même temps avec cette grâce, cette facilité, cette souplesse de style… Donc, voilà la philosophie de La Fontaine dans ses traits généraux.

970. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

De tous les traits caractéristiques des sociétés primitives, auxquelles manque l’idée d’un droit propre aux individus, s’il en est un qui semble établi, c’est l’absence de différenciation, et par suite l’absence de complication sociale. […] Qu’on mesure seulement d’un coup d’œil le développement irrésistible des Trade-Unions en Angleterre, des Gewerk-Vereine en Allemagne, des Syndicats en France, et l’on se rendra compte que la multiplication des groupements est un des traits caractéristiques de notre âge. […] En ce sens, l’humanisme de la Renaissance, créant, par l’amour des lettres et des arts, de précieux traits d’union entre gens de races et de conditions différentes, préparait l’avènement de la personne humaine171.

971. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Et, si quelques traits de ce poëme furent le prétexte ou la cause de l’accusation de sacrilège intentée contre Eschyle et repoussée par son frère Aminyas, au nom de leurs blessures communes, jamais l’instinct de la conscience contre un culte faux, jamais le cri de l’humanité contre la force n’aura été plus poétique ni plus grand. […] Auparavant, contre les alarmes de la nuit et les traits lancés j’avais un rempart, l’impétueux Ajax ; maintenant, il a été donné en proie à un funeste démon. […] « Quel homme, ainsi coupable, se flatte d’écarter de son âme les traits de la colère divine ?

972. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Je dirai tout d’abord qu’ils n’y répondent qu’en partie ; mais, tels qu’ils sont, ils achèveront de déterminer avec précision, vérité, et sans exagération aucune, dans tous les esprits qui se laisseront faire, les traits de cette belle et juste figure de Bossuet. […] En voyant dans les mémoires de l’abbé Le Dieu les traits qu’il a ressaisis et rassemblés de cette première vie et de ces premières études de Bossuet, à Dijon, puis au collège de Navarre, puis à Metz lorsqu’il y fut retourné, ce qui me frappe avant tout, c’est ce signe, ce caractère manifeste de l’âme et du génie du futur grand évêque, quelque chose de facile et de supérieur qui se prononce et prend position sans lutte, sans trouble, sans interruption comme sans empressement  : c’est la vocation la plus directe qui se puisse concevoir, c’est l’âme la moins combattue qui fut jamais en si haute région.

973. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Mais au moins aucun trait ne heurte et n’arrête ; ce qu’on ne saurait dire de bien des élégies plus modernes et passionnées de nos illustres romantiques. […] Il y a de lui quelques petites pièces qui seraient de parfaites épigrammes au sens antique : Vers gravés sur un oranger… Au gazon foulé par Eléonore… Réflexion amoureuse…, mais surtout les vers Sur la mort d’une jeune fille, le chef-d’œuvre des modernes épigrammes à inscrire sur une tombe : Son âge échappait à l’enfance ; Riante comme l’Innocence, Elle avait les traits de l’Amour.

974. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

Floquet, dans l’abbé Ledieu, tous les éléments nécessaires et tous les traits pour recomposer cette grave et douce figure déjà pleine de rayonnement et de puissance. […] Ce latinisme intime et si sensible de Bossuet dans sa parole française me paraît plus qu’un accident, qu’un trait curieux à noter ; c’est fondamental chez lui, c’est un caractère constant ; il nous en a avertis quand il a dit, dans ses Conseils pour former un orateur sacré : « On prend dans les écrits de toutes les langues le tour qui en est l’esprit, — surtout dans la latine dont le génie n’est pas éloigné de celui de la nôtre, ou plutôt qui est tout le même. » Il réintègre ainsi, par l’acception qu’il leur donne, quantité de mots dans leur pleine et première propriété et sincérité romaine ; il en renouvelle ainsi la saveur, la verdeur.

975. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M.  […] C’est ce qu’il appelle la conscience du genre humain, — une sorte de miroir supérieur et mobile où se réfléchissent et se concentrent les principaux rayons, les principaux traits du passé, et qu’à chaque époque le nombre plus ou moins grand des hommes qui pensent promène avec soi et transmet à ceux qui suivent.

976. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Jusque dans ses traits M. de Chateaubriand portait cet illustre combat de sa destinée contre elle-même : il y avait dans sa tête la majesté pensive de la foi, les rayons de la gloire et ceux de la solitude, mais non pas toute la paix du chrétien qui depuis longtemps s’est assis au Calvaire en face de la Croix. […] Sans entrer dans aucune controverse proprement dite et en m’en tenant à la description morale, je voudrais rappeler et signaler en quelques traits exacts et ressemblants la physionomie des moments principaux qui se sont dessinés dans cet ordre de faits depuis 1800 : ces moments, selon moi, sont au nombre de quatre et diffèrent notablement entre eux.

977. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

On en noterait, quoique ce soit l’exception, par lesquelles Homère a marqué son objet d’un seul trait, presque comme Dante : tantôt c’est un guerrier blessé qui tombe, précipité du haut d’une tour, la tête en avant, pareil à un plongeur ; tantôt c’est un autre qui, frappé au bas-ventre, tombe assis et reste gisant à terre comme un ver. […] Ce qui frappe aujourd’hui, c’est encore dans les traits généraux et dominants une grandeur terrible ; Jupiter, Neptune, Apollon, Minerve, ces dieux principaux, ne sont pas peints à faire sourire.

978. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Ce Français de Berlin, qui visita en 1733 Paris et Londres, rencontra dans cette dernière ville Prévost, et avec son style plat il le peint sous des traits assez fidèles : « Je trouvai ce même jour, dit-il, M.  […] Peintre immortel de la passion, mais surtout peintre naïf, cette naïveté survivait sans doute chez lui aux autres traits et dominait dans sa personne.

979. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Léon de Champreux, de Toulouse : « J’ai rarement vu, nous écrit M. de Champreux, autant de naïveté et de bonhomie réunies à un esprit plus piquant, plus original ; chaque parole dans sa conversation était un trait ; mais, bon et affectueux par-dessus tout, sa plaisanterie était toujours inoffensive. […] Dans la conversation même, il s’animait très-vite ; l’intérêt des idées qu’elle faisait naître le rendait complètement à son état naturel, et jamais son entretien n’était sans quelques-uns de ces traits amusants, inattendus, qui lui étaient particuliers.

980. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Longtemps avant sa mort, il avait d’ailleurs projeté de publier son authentique observation, complétée de traits empruntés à ceux qu’il appelait ses « sosies de douleur » : H. […] Et il fut loin, le « beau temps de 1830 où nos poètes, taillés en hercules, se surmenaient sans en souffrir, ne causaient qu’à voix de Stentor, pouvaient se passer de sommeil, digéraient des repas de reîtres, vidaient d’un trait des flacons d’eau-de-vie et ne se sentaient jamais plus dispos au travail que quand ils étaient un peu gris » 53.

981. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

« Toute l’opération, dit-il, consiste à découvrir, par des comparaisons nombreuses et des éliminations progressives, les traits communs qui appartiennent à toutes les œuvres d’art, en même temps que les traits distinctifs par lesquels les œuvres d’art se séparent des autres produits de l’esprit humain. » Considérant donc les cinq grands arts, peinture, sculpture et poésie, architecture et musique, se fondant sur des faits que fournissent l’expérience ordinaire, l’histoire des grands hommes, celle des arts et des lettres, observant tantôt l’œuvre de Michel-Ange ou celle de Corneille, tantôt les peintures de Pompéi ou les mosaïques de Ravenne, il fait cette première induction, que l’objet de l’œuvre d’art semble être l’imitation de la nature.

982. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Comme leur sexe les rend très malléables aux influences extérieures, elles représentent avec moins de mélange peut-être que les hommes, l’esprit des temps où elles ont vécu ; et, en outre, comme la vocation littéraire chez les femmes suppose, plus que chez nous, par son caractère d’exception, un don spontané et original ou une vie un peu en dehors de la règle commune, presque toutes nous offrent, en effet, dans leur caractère ou dans leur existence, des traits imprévus et piquants. […] Il faut prendre garde aussi que certains traits de leur vie, qui nous laisseraient indifférents si nous les rencontrions dans une vie d’homme, ne nous disposent à la rigueur ou à trop d’indulgence et que nous ne soyons induits à trop bien traiter celles qui ont été vertueuses et trop mal celles qui ne l’ont pas été — à moins que ce ne soit tout juste le contraire.

983. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Le trait caractéristique de don Juan, c’est l’émotion auprès de celles-ci, émotion profonde, naïve, sincère, égale et peut-être supérieure en intensité à l’émotion réglée des hommes qui mêlent l’idée du devoir aux choses de l’amour, encourant par là le juste anathème du poète ! […] Et je ne vous parlerai pas non plus de son style, souple, ondoyant, nuancé, dont la facilité abondante est pourtant pleine de mots et de traits qui sifflent, tout chaud de la hâte de l’improvisation quotidienne, avec un fond de langue excellente, mais avec des négligences çà et là, des plis de manteau qui traîne, comme celui de quelque jeune Grec, auditeur de Platon.

984. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Les traits que j’ai dits se retrouvent dans Blandine, et ce n’est point un reproche. […] Il n’a pas d’ailleurs été partout inégal à sa tâche ; et voici une scène, — la dernière, — où la maternité chaste et sanglante de Blandine, aidant le pauvre petit Ponticus à souffrir et à mourir, est peinte de traits assez forts et assez doux : PONTICUS Pardonne-moi, j’ai peur !

985. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance. […] Je n’ai pas dit, de ses poésies, tout ce qu’elles suggéraient dans les détails ; il y en a de charmants, ou qui le seraient si quelque trait à côté n’y faisait tache, ou s’ils n’étaient !

986. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Les femmes aiment la spiritualité, la douceur ; elles n’ont pas besoin de revêtir leurs émotions d’un caractère exceptionnel, leur cœur étant très accessible à la poésie des sentiments communs ; par là et par d’autres traits, il semble que l’âme du grand poète, qui avait exprimé ces choses avec tant de puissance, appartienne elle-même au type féminin, si l’on ajoute à ce type la force qui s’y joint pour former la figure de l’ange. […] Cette longue phrase lyrique, qu’aucun poète n’a su conduire mieux que lui, mais qui était souvent molle et traînante dans les Méditations, se déroule ici avec une ampleur, une force, une couleur inouïes, et avec de soudaines vivacités, des caprices de rythme et d’accent, des traits de vigueur surprenants dans la nonchalance majestueuse de l’ensemble, qui en font le plus varié, le plus élégant et le plus magnifique de tous les chants.

987. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Ainsi la méditation qui paroît sombre & severe, & qui est le supplice d’un esprit superficiel devient la passion chérie d’un homme de Lettres ; son esprit profond parcourt successivement la chaîne qui lie les êtres, monte, descend, s’arrête, compare les rapports, les juge, & est fier des traits épars & lumineux qu’il saisit dans sa course rapide. […] Oubliez-vous que si la malice humaine sourit quelquefois aux traits ingénieux de la Satyre, elle passe avec la foule interessée à le recevoir, & que l’équité proscrit bientôt cette petite vengeance en marquant du sçeau du mépris le jaloux censeur.

988. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

Y a-t-il quelque trait commun entre ces deux individualismes : l’individualisme uniciste et l’individualisme aristocratique ? […] Un autre trait commun à l’individualisme uniciste et à l’individualisme aristocratique est un antichristianisme et un immoralisme déclaré ou latent.

989. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre I. L’intuition et la logique en Mathématiques. »

Dans la mémoire de tous leurs élèves, ces deux physionomies se sont gravées en traits ineffaçables ; pour tous ceux qui ont eu le bonheur de suivre leurs leçons, ce souvenir est encore tout récent ; il nous est aisé de l’évoquer. […] Au début, ce n’était qu’une image sensible, par exemple, celle d’un trait continu tracé à la craie sur un tableau noir.

990. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

La fine raillerie de l’homme du monde, tempérée par une bonté divine, ne pouvait s’exprimer en un trait plus exquis. […] Il est probable, en effet, que sans l’exaspération causée par tant de traits amers, Jésus eût pu longtemps rester inaperçu et se perdre dans l’épouvantable orage qui allait bientôt emporter la nation juive tout entière.

/ 2467