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969. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

La liberté fort grande du style contemporain et parisien ne lui suffisait pas. […] Ils veulent être héros, ils le sont ; nulle autre cause ; leur volonté suffit et se suffit à elle-même pour se fonder et s’expliquer. […] Ils se suffisent à eux-mêmes, sans encouragements ni souscriptions officielles. […] Le fanatisme explique tout, parce qu’il suffit à tout. […] Un peu de bien, si petit qu’il soit, que cela te suffise ».

970. (1927) Des romantiques à nous

Si quelque jour, dans son salon, un poète lit des vers libres, il lui suffira de se référer au « principe de contradiction » que son bon maître lui a recommandé entre tous, pour concevoir que des vers qui sont libres ne sont pas des vers. […] Mais dans ses écoles, à lui, l’Etat républicain a voulu offrir, en outre des connaissances usuelles, une doctrine morale complète, capable de suffire à l’éducation de l’homme. […] Pour se prononcer en toute connaissance de cause, il ne suffit pas de comparer la partition piano et chant originale et la partition et chant de Rimsky. Il ne suffirait même pas de confronter à la lecture les deux partitions d’orchestre (celle de Moussorgsky est devenue, me dit-on, introuvable). […] Ceux-là, il leur suffisait d’être introduits par un pensionnaire un peu ancien qui pouvait fort bien lui-même ne subsister que de la confiance de Baptiste en son avenir.

971. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Dans ce petit s’est joué un drame dont l’analyse suffirait à ramener à lui ceux qui boudèrent à la lecture de ses livres. […] Je le sais trop intelligent pour avoir complètement oublié qu’il ne suffit pas seulement de l’être, quand on l’est à ce point. […] Mais l’autre, la première, devait lui suffire. […] Aujourd’hui que tout est toujours menacé, un poète du cœur ne suffit pas à désarmer les agresseurs. […] À leur tête, il marcha sur Lausanne persuadé que sa seule présence suffirait à convaincre les magistrats de la ville de se libérer d’un joug politique insupportable.

972. (1886) Le naturalisme

Tandis que chaque jour le terrain de l’idéalisme se perd, s’engloutit à chaque heure davantage dans les nuages de l’oubli, le terrain du réalisme embelli par le temps comme il arrive pour les toiles de Velázquez et de Murillo, suffit pour rendre sans égal dans le monde le passé de notre littérature. […] Pour comprendre l’esprit de l’affabulation, il suffit de dire que chaque fois que tète le héros, le gigantesque Pantagruel, il absorbe le lait de quatre mille six cents vaches. […] Or, pour acquérir ce savoir, il n’est pas nécessaire d’y perdre sa vue, il suffit de lire quelques articles de revue et une douzaine de volumes de la Bibliothèque scientifique internationale. […] Pour faire comprendre l’influence et l’action du roman dans la race saxonne, il suffit d’en citer un, la Case de l’Oncle Tom, dont personne n’ignore les résultats anti-esclavagistes. […] Qu’on ne vienne pas me dire que la question de l’argent n’est rien, mais qu’il suffit de savoir qu’on a écrit quelque chose de bien, quoique personne ne témoigne d’estime pour l’œuvre.

973. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Vinet, Littérature française au xviiie  siècle, II, 24, 37], il ne suffirait pas de dire que leurs aventures nous émeuvent : elles nous désolent. […] Mais surtout, dans un temps où l’on jouissait profondément de « la douceur de vivre », on lui était reconnaissant du respect ému, quasi religieux, qu’il professait pour « l’institution sociale » ; des raisons profondes qu’il semblait qu’il eût trouvées pour en placer les titres au-dessus même des lois ; on lui était reconnaissant des perpectives de perfectionnement croissant qu’il ouvrait à ses contemporains ; — et nous, encore aujourd’hui, si cette religion ne suffit pas à nos yeux pour faire l’unité de l’Esprit des lois, elle en fait du moins la noblesse. […] Dix ou douze ans lui ont suffi pour égaler Voltaire même dans l’estime de son temps ; et l’opinion ne s’est trompée ni dans l’estime qu’elle en a fait, ni dans les raisons de cette estime. […] 3º Les Œuvres. — Les Œuvres de Marivaux comprennent : 1º Ses opuscules, dont nous venons d’indiquer les principaux et auxquels, pour en avoir l’énumération suffisamment complète, il suffit d’ajouter quelques articles du Mercure. […] II ; et Gabriel Compayré, Histoire des théories de l’éducation en France, 1885]. — Préoccupation générale des choses d’éducation aux environs de 1760. — Que, s’il n’est pas facile de ramener le Contrat social à un principe unique, il l’est presque moins encore d’y ramener l’Émile ; — mais que, l’Émile étant la reprise idéale des préceptorats de Rousseau, — la personnalité de Rousseau suffit pour donner à son livre une apparence d’unité. — De l’imitation de Locke dans l’Émile [Cf. 

974. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Trygée n’y peut suffire lui seul : sa voix appelle à son aide les vignerons et les laboureurs des pays d’alentour. […] On sent aussi que le seul dépouillement des pièces de ce docte écrivain, bien examinées, suffit à compléter la poétique de son art, puisque la comédie grecque, latine, italienne et espagnole, rentre par ses imitations originales, dans le genre que son génie a comme épuisé tout entier. […] Cependant ce nombre d’idées principales, inculqué dans sa tête, ne lui suffira pas pour en bien connaître les règles, s’il n’a pu suffire au savant Boileau lui-même pour ne se pas tromper. […] Il leur suffit d’un cadre simple sous lequel passent tour à tour les portraits qui viennent s’y placer. […] « De tout ce que je vois je puis faire l’emplète, « Et cela me suffit.

975. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Une seule suffît, si elle est exquise ou puissante. […] Cela ne suffit point. […] On a très bien dit que l’esprit ne suffit à rien, et sert à tout. […] Ils ont suffi à un Pindare. […] Des idées très générales suffisent pour soutenir ce genre d’ouvrages, et les grands sentiments primitifs, sans complexité et satis nuances, suffisent également.

976. (1911) Études pp. 9-261

Mais même quand il est beau, il ne suffit pas à rendre belle la toile ; en effet jamais à sa qualité les qualités de la couleur ne s’unissent. […] Il leur suffit d’être justes. […] Il ne faut donc pas qu’il oublie sa « précarité » et pense pouvoir se suffire. […] Il suffit de rendre Dieu présent, de l’offrir sans cesse à tous les regards pour qu’ils trouvent en lui leur convergence. […] Cependant aucune crainte ne suffit plus à l’arrêter.

977. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Il lui suffisait de faire appel à ses impressions. […] Le livre seul lui suffit comme document. […] Sur ce point, il suffit d’un mot, le style de M.  […] Que l’on puisse poser une pareille question, à propos de l’auteur des Deux Masques, suffit à prouver dans quelle estime il doit être tenu. […] Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer.

978. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

L’entretien de Claude Anet lui eût suffi. […] Le Monde enchanté — Les champs ne suffisaient pas aux plaisirs de Jean-Jacques. […] En ce cas, il suffirait de lui démontrer l’insuffisance de ces philosophies, pour terminer son chagrin. […] Il n’est pas de ceux à qui l’art suffit. […] L’instinct, il est vrai, ne suffit pas à nous en avertir, mais l’éducation est là pour nous y rendre sensibles.

979. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

La vie enfin est une action, et, quel qu’en soit le prix, l’exercice de notre énergie suffit pour nous satisfaire, parce qu’il est l’accomplissement des lois de notre être. […] Si bien posé qu’il se trouvât au Constitutionnel, en effet, ce cadre déjà formé ne suffisait point à l’activité de M. […] Une simple teinture, à lui, ne lui suffisait pas ; il veut, en tout, mettre la main à l’œuvre, sonder du doigt les arcanes. […] Rien n’était plus juste : des victimes aussi illustres, quoiqu’elles eussent compromis leur pays, méritaient des hommages ; mais il suffisait de jeter des fleurs sur leur tombe, il n’y fallait pas de sang.

980. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il suffit de te dire que la moitié du pays trouve trop haut ce que l’autre trouve trop bas, selon l’intérêt que chacun peut y avoir ; et aujourd’hui on a discuté la chose à neuf, quoiqu’elle soit décidée depuis trois semaines. […] Je me suis convaincu auprès d’elles qu’il suffit, pour n’être pas une personne dépravée, immorale, et totalement méprisable ou odieuse, d’avoir une idée quelconque du devoir, et quelque soin de remplir ce qu’on appelle son devoir. […] La conclusion de la première partie des Trois Femmes se débat entre l’abbé et la baronne : « Je n’ai pas trouvé, dit Mme de Berghen quand elle revit l’abbé, que vos trois femmes prouvassent quoi que ce soit, mais elles m’ont intéressée. — Cela doit me suffire, dit l’abbé ; mais n’avez-vous pas quelque estime pour chacune de mes trois femmes ?  […] Ou, pour parler moins haut et plus à l’unisson de la nature, en fait de morale je suis comme Mme de Charrière : il me suffit qu’il y ait quelque chose dans quelqu’un 235 Mme de Charrière eut, ce semble, une vieillesse assez triste et qui renfermait stoïquement sa plainte.

981. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Il suffira pour cela de parcourir quelques-uns des écrits qu’il publia antérieurement. […] Dans une lettre de Rome, Janus Erythreus, c’est-à-dire Rossi, parlant d’un dernier voyage qu’y fit Naudé en 1643, pendant lequel le bibliothécaire infatigable achetait des livres à la toise pour le cardinal Mazarin et vidait tous les magasins de bouquinistes, nous le représente, au sortir de ces coups de main, tout poudreux lui-même de la tête aux pieds, tout rempli de toiles d’araignées à sa barbe, à ses cheveux, à ses habits, tellement que ni brosses ni époussettes semblaient n’y pouvoir suffire. […] Bien que cette disposition reparaisse très-peu chez Naudé, et que je doive avec lui la négliger dans ce qui suit, qu’il me suffise d’en avoir marqué l’éclair et d’avoir entrevu de ce côté comme un horizon. […] Il est vrai que la réalité du fait se peut contester à l’égard de Démétrius de Phalère, qui était un bien grand seigneur pour cet office ; mais Callimaque, Apollonius, Varron et Gabriel Naudé, cela, suffit bien. — Je tire toutes ces drôleries de son livre même, dussé-je paraître de ceux un peu légers dont il dit, non sans dédain, qu’ils ne recherchent en tout que la fleur : Decerpunt flores et summa encumina captant.

982. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Cela ne suffit pas. […] Car le simple spectacle de la contradiction des moyens qu’ils emploient avec le but qu’ils poursuivent, du néant de leur absurdité avec l’éternelle vertu de la morale, ne pourrait jamais suffire qu’à les rendre risibles pour autrui. […] Ce n’est pas par une fantaisie aristocratique que Shakespeare met habituellement des princes sur la scène, c’est par une nécessité de l’art, c’est afin d’avoir des figures indépendantes ; et pour cela il ne suffit pas de prendre des princes, il faut encore les tirer du fond des âges fabuleux de la vieille Europe. […] Les lecteurs auxquels le texte de Hegel suffira pourront se dispenser de lire notre développement : Dans la tragédie, le principe éternel et substantiel des choses apparaît victorieux dans son harmonie intime, puisqu’en détruisant dans les individualités qui se combattent, leur côté faux et exclusif, elle représente dans leur accord profond, les idées vraies que poursuivaient les personnages.

983. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

On achète pour 250 000 francs de chevaux par an, et il y a des haras en Limousin et en Normandie pour la remonte. 287 chevaux sont exercés tous les jours dans les deux manèges ; il y a 443 chevaux de selle dans la petite écurie, 437 dans la grande, et cela ne suffit pas à la « vivacité du service ». […] En 1780, il abat 20 534 pièces ; en 1781, 20 291 ; en quatorze ans, 189 251 pièces, outre 1 254 cerfs ; les sangliers, les chevreuils, sont en proportion ; et notez que tout cela est sous sa main, puisque ses parcs confinent à ses maisons  Tel est en effet le caractère d’une « maison montée », c’est-à-dire munie de ses dépendances et de ses services ; tout y est à portée : c’est un monde complet qui se suffit à lui-même. […]  » Le vrai courtisan suivait le prince comme l’ombre suit le corps ; tel fut sous Louis XIV le duc de La Rochefoucauld, grand veneur. « Le lever, le coucher, les deux autres changements d’habit tous les jours, les chasses et les promenades du roi tous les jours aussi, il n’en manquait jamais, quelquefois dix ans de suite sans découcher d’où était le roi, et sur pied de demander un congé, non pour découcher, car en plus de quarante ans il n’a jamais couché vingt fois hors de Paris, mais pour aller dîner hors de la cour et ne pas être de la promenade. » — Si plus tard, sous des maîtres moins exigeants et dans le relâchement général du dix-huitième siècle, cette discipline se détend, l’institution subsiste170, à défaut de l’obéissance, la tradition, l’intérêt et l’amour-propre suffiraient pour peupler la cour. […] De Paris à l’Isle-Adam, à Villers-Cotterets, au Frétoy, à la Planchette, à Soissons, à Reims, à Grisolles, à Sillery, à Braine, à Balincourt, au Vaudreuil, le comte et la comtesse de Genlis promènent ainsi leur loisir, leur esprit, leur gaieté, chez des amis qu’à leur tour ils reçoivent à Genlis  Un coup d’œil jeté sur les dehors de ces maisons suffirait pour montrer que le premier devoir en ce temps-là est d’être hospitalier, comme le premier besoin est d’être en compagnie218.

984. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

. — Il me suffit de conserver les bonnes grâces de Votre Majesté, lui répartis-je ; je ne crains rien pour le reste. — Hé bien, allez, me répondit ce prince en souriant, elles ne vous manqueront jamais. […] Cela ne suffit pas, repris-je ; qu’on aille chercher un notaire et des témoins ; je veux que le mariage soit en règle. […] Il pensa donc que trois mille cinq cents écus suffiraient pour me dédommager de mes travaux, et que je serais bien récompensé. […] elle me suffit, et j’en rends grâces de tout mon cœur à Votre Excellence. — Vous croyez donc, me repartit le duc, que je ne puis la payer ?

985. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

À côté d’Hamlet, de Richard III, d’Othello, de Macbeth, traduits en ces six volumes, auxquels l’imagination et la curiosité vont d’abord et qui sont le plus beau bleu du ciel de Shakespeare, il s’y trouve des pièces de théâtre moins radieuses, qui suffiraient cependant à la gloire d’un homme qui ne serait pas Shakespeare, et avec les difficultés desquelles François Hugo s’est noblement colleté… Le mérite du traducteur, qui est un mérite volontaire, continu, modeste, courageux, une vertu encore plus qu’un talent, a été le sien, et pourquoi ne pas le dire ? […] Tout ceci, qui suffirait seul à la gloire du plus grand des poètes, n’a pas cependant été tout pour Shakespeare. […] Ce qui suffit pour sa gloire, c’est qu’il les exprima. […] Son bâtard Edmond, qui a tous les dons de la nature, qui a même l’amour de son père et de son frère le légitime ; Edmond, qui est beau, spirituel, vaillant, aimé au premier regard de ces deux tigresses, Goneril et Régane ; Edmond, qui a toutes les fortunes, qui commande l’armée, donne des batailles et les gagne, est un Iago bien plus diabolique que le Iago de Venise, le petit enseigne qui se mord d’envie le poing dans un coin… Il n’a qu’un défaut : la bâtardise, mais cela suffit pour lui fausser l’âme, et c’est à la lueur sinistre de l’âme de ce bâtard auquel son père, aveuglé comme Lear, a sacrifié son fils légitime, pur et noble comme sa naissance, que nous voyons se dérouler cette tragédie aveuglée de la Paternité, plus effroyable que celle d’Œdipe, le grand aveugle grec, et où le Roi Lear a pour pendant dans le malheur mérité de sa vie, et pour vis-à-vis, Glocester !

986. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Il voit passer l’homme, et il a l’œil bon, et cela lui suffit très bien. […] Il suffisait de dire cela. […] A qui voit parfaitement la succession des sentiments dans les âmes, inventer n’est point nécessaire ; voir suffit. […] Et cependant il est si bon théoricien qu’il lui est difficile de ne pas avoir confiance dans l’excellence de sa théorie, de ne pas croire, au moins à demi, qu’elle peut suffire et se suffire, et qu’un État bien organisé par lui serait, par cela seul, un très bon État. […] La curiosité n’y suffit point, quoique, déjà, ce soit une très haute distinction.

987. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Mais lorsque ces sentiments qui, à des degrés différents, sont plus ou moins ceux de toute jeunesse, continuent de s’exalter à des époques où il suffirait d’améliorer et de vivre sans avoir à régénérer, il importe qu’on les contienne et qu’on les détourne sans y trop abonder et sans y donner jour en tous sens : autrement la vie sociale ne serait qu’une révolution continuelle, et chaque génération, en y entrant, ferait explosion à son tour. […] Mirabeau continue : Je ne sais pas trop ce que j’écris dans ce tumulte, mon cher Roederer ; mais ce que je sais, c’est qu’il suffit que l’abbé Sieyès et vous soyez d’un avis pour que je sois sûr, même sans examen, que l’on peut honnêtement et raisonnablement avoir cet avis.

988. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

L’institut n’est point fondé pour la prière, mais pour l’action, pour l’éducation des demoiselles ; c’est là l’austérité véritable, c’est là, en quelque sorte, la prière perpétuelle qu’il suffit d’alimenter par d’autres prières rapides et courtes, et répétées souvent du fond du cœur. « Un mélange de prières et d’actions », tel est l’esprit de l’institut. […] N’analysons pas trop les divers sentiments de Mme de Maintenon à Saint-Cyr : il suffit que l’effet sur tout ce qui l’entourait ait été fructueux et bon.

989. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

C’est qu’à tel jeu la recette de la critique ne suffit pas, et il n’est que le génie qui trouve son art. […] Aujourd’hui il m’a suffi de donner quelque idée de la nature des services littéraires que Beyle nous a rendus.

990. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

S’il fallait définir l’académicien modèle dans le meilleur sens du mot, l’homme qui aime à cultiver les lettres en commun, avec une émulation profitable, avec conseil et critique mutuelle, sans susceptibilité, sans envie, dans un sens d’ornement et de perfectionnement social, il suffirait de nommer M.  […] Daru, dans une longue lettre motivée qu’il adressa à l’auteur de L’Année littéraire, et qui, je crois, n’a pas été publiée, conteste avec politesse la prompte conclusion du critique ; il insiste sur un point, c’est que, pour traduire fidèlement, il ne suffit pas de bien rendre le sens de l’original, mais qu’il faut encore s’appliquer à modeler la forme de l’expression : « Pour ne pas sortir de notre sujet, dit-il, un traducteur de Cicéron qui aurait un style sautillant serait-il un traducteur fidèle ? 

991. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Les visites de nuit que tu faisais dans ma chambre pour savoir si j’étais sain et sauf et chaudement couché ; tes largesses du matin avant le départ pour l’école, le biscuit ou la prune confite ; l’eau odorante que ta main prodiguait à mes joues jusqu’à ce qu’elles fussent brillantes de fraîcheur et luisantes, tout cela, et ce qui fait plus chérir que tout encore, ce courant continu d’amour que rien en toi n’interrompait, que ne troublèrent jamais ces débordements et ces sécheresses que crée une humeur inégale ; tous ces souvenirs, toujours lisibles dans les pages de ma mémoire et qui le seront jusqu’à mon dernier âge, ajoutent le plaisir au devoir, me font une joie de te rendre de tels honneurs que le peuvent mes vers ; un bien fragile témoignage peut-être, mais sincère, et qui ne sera point méprisé au ciel, quand il passerait inaperçu ici-bas… Si le Temps pouvait, retournant son vol, ramener les heures où jouant avec les fleurs brodées sur ta robe, — violette, œillet et jasmin, — je les dessinais sur le papier avec des piqûres d’épingle (et toi, pendant ce temps-là, tu étais encore plus heureuse que moi, tu me parlais d’une voix douce et tu me passais la main dans les cheveux, et tu me souriais) ; si ces jours rares et fortunés pouvaient renaître, s’il suffisait d’un souhait pour les ramener, en souhaiterais-je le retour ? […] Cette seule idée suffit à bouleverser toute sa machine ; il eut beau faire effort pour se préparer et se mettre en mesure, il avait entrepris au-dessus de ses forces : « Ceux, dit-il, qui sont organisés comme moi, et à qui une exhibition publique d’eux-mêmes, en n’importe quelle occasion, est un poison mortel, peuvent seuls avoir quelque idée de l’horreur de ma situation ; les autres ne sauraient se la figurer. » Des mois se passèrent dans cette lutte pénible et dans cette attente, qu’il a comparée à celle du condamné qui voit approcher le jour de son exécution.

992. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

L’amour n’a jamais seulement effleuré son âme ; l’amitié suffit à sa sensibilité… La vie de cœur de Mme de Créqui, aux années actives, se résume en ces deux mots : Elle a aimé son digne oncle, et elle a souffert par son fils. […] Elle a le bon sens, un certain bon sens âcre en qui se résume une expérience consommée, « un fonds de caustique qui ne demande qu’à sortir », et que sa charité, plus de principes que de nature, ne suffit pas à contenir au dedans.

993. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Mais les cercles les plus agréables, cependant, ne suffisaient point à Voltaire et ne pouvaient l’enfermer : il en sortait, à tout moment, je l’ai dit, et par des défauts et par des parties plus sérieuses et louables. […] Ainsi il est étrange, me dit mon excellent avertisseur, que Voltaire s’étonne de ce que les angles ne sont pas proportionnels, quoique les sinus le soient ; car c’est une proposition élémentaire de géométrie « que les arcs de cercle sont proportionnels aux angles au centre qui les comprennent » ; mais quant à la ligne qu’on appelle sinus, ce n’est qu’une fonction de l’angle, et qui seule ne suffit pas pour le mesurer.

994. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Votre sort est à peine ébauché, vous serez épouse et mère, et c’est dans le centre de ces heureuses affections que vous coulerez des jours dont le reflet encore suffira pour embellir ceux de vos amis. » A tout moment elle trahit son impétuosité de cœur, son fonds de nature première, avec une expansion que plus tard elle réprimera : «… Je suis plus difficile à guérir que le roi d’Angleterre (Georges III, qui avait des temps de folie) ; quel est donc votre talent si vous y réussissez ? […] c’est cinq minutes d’exaltation religieuse qui suffirent pour obtenir tous les sacrifices et pour donner au reste de ma vie la direction qu’elle a prise.

995. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il avait la plume facile, distinguée, élégante, de cette élégance courante, qui ne se donne pas le temps d’approfondir, mais qui sied et suffit au compte rendu de la plupart des œuvres contemporaines. […] Cousin, il lui accorde toutes les prétentions et presque toutes les conclusions de ses brillants ouvrages, et, après avoir proclamé le chef-d’œuvre, il n’apporte dans le compte rendu aucun de ces correctifs de détail qui seraient nécessaires à chaque instant pour remettre le lecteur dans le vrai ; car selon la parole d’un des hommes qui connaissent le mieux l’illustre auteur, « c’est un des esprits qui ont le plus besoin de garde-fou ; et quand ce n’est pas dans le fond, c’est dans la forme, il excède toujours. » Mais M. de Pontmartin, une fois qu’il a pris parti pour quelqu’un, n’est pas homme à mettre des garde-fous d’aucun côté ; il les ôterait plutôt ; il lui suffit qu’un courant général de spiritualisme élevé le rapproche de M. 

996. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Elle voulait tout connaître, tout voir et examiner, et à la fois ; elle suffisait à peine à la tâche. […] Je vous salue avec grande affection et respect pour la dernière fois. » Certes, la femme qui inspirait à un sage mourant de tels sentiments suprêmes d’intérêt et d’amitié n’était point une âme ordinaire ; et ce seul témoignage, qui rattache son souvenir à celui d’une des plus belles morts que la philosophie nous offre, suffirait pour empêcher son nom à elle-même de mourir.

997. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Tout s’était bien passé pendant trois années ; Montaigne avait suffi aux affaires de la ville au-dedans, aux négociations du dehors et aux sollicitations en Cour ; il était même populaire ; sa réélection, un moment contestée comme contraire aux statuts, avait été maintenue à la satisfaction générale ; on était au commencement de la quatrième année (1585) : ce fut cette fin de magistrature qui devait accumuler en quelques mois tous les ennuis et garder en quelque sorte pour le bouquet tous les genres de difficultés et de périls. […] Il suffisait, en ces meilleurs moments, de l’appeler un noble cœur, et qui avait des sentiments délicats.

998. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

non ; cette histoire des dernières années de la monarchie est sue depuis longtemps, et bien sue : il suffisait, pour l’embrasser et la saisir dans sa vraie suite et sa teneur, d’avoir l’esprit juste, appliqué, le cœur droit, de savoir choisir et démêler entre les divers témoignages et de ne se laisser entraîner à rien d’extrême, même en fait de pitié. […] Les événements s’accélérant chaque jour et le péril croissant, la reine fut bientôt obligée d’être sérieuse, de peser des résolutions graves, de se former un avis sur le mode d’agir, d’avoir enfin de la décision et de la volonté pour deux : ici s’ouvre tout une autre vie pour elle, et elle suffit avec noblesse à ce second personnage qui put et dut commettre bien des fautes, mais qui ceignit la couronne d’épines, épuisa tous les calices et porta sa croix jusqu’au martyre.

999. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Il remporta deux victoires en bataille rangée, celle de Staffarde (18 août 1690), et celle de La Marsaille (4 octobre 1693), eut quantité de beaux sièges, notamment celui de Nice et de Montmélian, n’éprouva que des échecs sans grande conséquence, ne compromit jamais rien, suffit à tout et maintint les affaires en tel point que le duc de Savoie revenu à résipiscence put lui dire en toute bonne grâce « qu’il avait reçu de lui des leçons et corrections dont il espérait profiter à l’avenir pour le service du roi. » Lorsque l’on considère l’ensemble de cette guerre après la conclusion, il semble qu’elle fasse un tout qui aurait perdu à être conduit autrement et qui est bien en harmonie avec les personnages en présence et avec les résultats obtenus. C’était une guerre toute politique en effet ; il y avait dans le duc de Savoie un ancien et un futur allié, celui qui devait donner en définitive la duchesse de Bourgogne à la France ; il semble qu’il ne convenait pas de le pousser trop à bout, de l’écraser ni de l’exterminer, quand même on l’aurait pu, mais qu’il suffisait de lui infliger, selon son propre mot, quelques corrections : et les deux victoires de Catinat en furent de sévères et d’éclatantes.

1000. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Mais ceci n’est qu’un aspect immédiat, et il suffirait de deux ou trois de ces nobles esprits qui sont toujours une exception, et qui peuvent toujours sortir de la grande loterie providentielle, pour donner à la conjecture d’heureux démentis. […]  — Cette citation aurait très-bien pu trouver place précédemment, dans le post-scriptum qui termine l’article Eugène Sue, tome II, page 91. — Il y a une jolie épigramme de Paul le Silentiaire, qui confine d’assez près à la pensée de La Bruyère, la voici : c’est sur un bain public où il y avait séparément le côté des hommes et le côté des femmes : « Tout proche est l’espérance de l’amour, mais il n’y a pas moyen de le satisfaire : une toute petite porte suffit pour arrêter la grande Vénus.

1001. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Quand Euripide conçoit l’idée d’Iphigénie, ou Vinci celle de La Joconde, l’œuvre d’art est née, et pour quelle devienne publique, il suffit du métier qui est facile. […] Cela suffira pour que, dans des reprises de Patrie ou de Durand et Durand, les vieillards puissent aimer le souvenir de leur jeunesse.

1002. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Quand Euripide conçoit l’idée d’Iphigénie, ou Vinci celle de la Joconde, l’œuvre d’art est née, et, pour qu’elle devienne publique, il suffit du métier. […] Cela suffira pour que, dans des reprises de Patrie ou de Monsieur chasse, les vieillards puissent aimer le souvenir de leur jeunesse.

1003. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Il fit lui-même l’épreuve de la polarisation ; mais il n’alla pas jusqu’au bout ; quelques indices lui suffirent. […] Vous n’aurez pas chez nous d’expériences à faire ; mais cette modeste observation que vous maltraitez si fort suffira pour vous procurer de bien douces heures.

1004. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Il lui suffit de savoir distinguer, dans le champ de blé qui ondule sous ses regards, les épis les plus pleins, les plus dorés, les plus hauts. […] Il ne suffit pas, pour étudier les infiniment petits, d’avoir de bons yeux et un bon microscope à sa disposition ; il faut avoir appris à s’en servir.

1005. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Il me suffit d’affirmer qu’à première vue il ne paraît pas déraisonnable de chercher la solution du problème ailleurs que dans la tendance et l’aptitude qu’ont les hommes à imiter leurs semblables. […] Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode.

1006. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Une confession n’est pas tenue d’être morale ; il suffit qu’elle soit sincère, et ici la sincérité vous pénètre. […] L’amour le plus fort doublé du caractère le plus énergique suffirait à peine à porter le poids d’une femme déchue aggravé par un enfant, témoin vivant de sa faute.

1007. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Dans les ouvrages de Barnave que nous avons sous les yeux, et qui ont été écrits durant sa captivité, on ne saurait s’étonner de ne voir aucune mention ni trace de ces relations secrètes, desquelles le simple soupçon allait suffire pour causer sa perte. […] Mais il reconnaît en même temps que cette jouissance modérée, tout en le consolant, ne lui suffisait pas pour le bonheur.

1008. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

En disant qu’il suffisait d’avoir des yeux pour lire toutes ces diversités d’intérêts sur les visages, Saint-Simon prête aux autres quelque chose de sa propre sagacité. […] Elle ne peut suffire à porter toute sa joie et toute sa fougue.

1009. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Linguet s’étant fait mettre à la Bastille en 1779, Mallet entreprit de continuer ses Annales, espèce de revue politique et littéraire, et il suffit seul au fardeau. […] Dépeignant cette corruption de mœurs, qui avait précédé la Révolution et qui l’avait préparée : « Pour la consommer, dit-il quelque part énergiquement, il suffisait de déchaîner les vices féroces contre les vices lâches, et de mettre aux prises les passions amollies avec les passions brutales de la multitude. » Ayant vu son domicile violé le 21 juin 1791, à l’époque de la fuite du roi, Mallet, forcé de se dérober, avait dû interrompre pour un temps son travail de rédaction au Mercure.

1010. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

À ceux qui douteraient de son talent, il suffit, ce me semble, de voir son buste pour comprendre à l’instant qu’une pareille tête ne saurait se joindre avec l’idée de facultés vulgaires. […] Accusée elle-même, elle se défend, et mon dessein n’est pas de pénétrer dans les particularités de cette triste et vilaine affaire, ni d’y établir les torts de part et d’autre : il me suffira d’en tirer quelques conséquences incontestables.

1011. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Cela revient à ce que je viens de dire, qu’il ne suffit pas d’avoir simplement du mérite, mais qu’il faut encore être en passe de le pouvoir faire éclater. […] Voilà pourquoi, Sire, je me fais un devoir et m’empresse à vous écrire encore une fois, afin de vous recommander ma pauvre famille… Suivent les recommandations du plus tendre père en faveur de ses quatre enfants et de sa sœur qui leur sert de mère ; après quoi il poursuit : Il me suffit sans doute, Sire, de vous avoir témoigné ces derniers souhaits d’un cœur paternel pour pouvoir espérer avec confiance qu’ils seront exaucés.

1012. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il ne suffisait pas que, par ce temps de République qui fait revenir les exilés, on délivrât de captivité Saint-Simon, qu’on ne craignait plus, comme on a délivré Blanqui, que l’on craint peut-être toujours ! […] Avant et pendant le Moyen Age, les passions furent terribles… Mais les lois et les coutumes suffisaient à les endiguer et à les contenir, et ce ne fut que tard, ce ne fut que dans les derniers temps, que la bâtardise émergea du fond de ses ténèbres et leva sa rebelle et insolente tête dans l’État.

1013. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Innocent III et ses contemporains »

Son passé ne lui suffit pas. […] Mais des facultés si sereines suffisent-elles quand on a des responsabilités de souverain sur la tête ?

1014. (1868) Curiosités esthétiques « VI. De l’essence du rire » pp. 359-387

Certes, Virginie est une grande intelligence ; mais peu d’images et peu de souvenirs lui suffisent, comme au Sage peu de livres. […] III Ce qui suffirait pour démontrer que le comique est un des plus clairs signes sataniques de l’homme et un des nombreux pépins contenus dans la pomme symbolique, est l’accord unanime des physiologistes du rire sur la raison première de ce monstrueux phénomène.

1015. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Il suffit, pour les découvrir et les enchaîner, d’appliquer la méthode qui ramène les idées à leur origine, et les formules générales aux cas particuliers. […] Vous voyez qu’il a suffi de prendre un fait très-fréquent et très-visible, un de nos désirs ou tendances.

1016. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Des petites difficultés, de celles qui tiennent au goût et que la bonne grâce suffit à délier, il s’en lire à merveille ; mais, en présence des réelles, il faiblit.

1017. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Supprimer mes articles et me taire sur les raisons qui m’y auraient déterminé n’eut pas suffi.

1018. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

En jugeant M. de Vigny avec cette franchise sévère que nous paraît mériter son talent, nous ne prétendons pas méconnaître la profusion d’esprit qu’il a répandue dans son ouvrage : plus d’une fois sans doute il a réussi, quand l’esprit avec la mémoire suffisait.

1019. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Non pas, sans doute, qu’une même tête d’homme, une même classe d’individus, suffise à un si vaste accomplissement ; les individus s’usent vite en révolution : mais les divers partis qui se succèdent y suppléent ; le développement se transmet de l’un à l’autre, et ne s’achève qu’à la dernière de ces générations politiques, rapides et pressées, qui s’entre-dévorent.

1020. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

J’ai vu mourir le roi comme un saint et comme un héros ; j’ai quitté le monde que je n’aimais pas ; je suis dans la plus aimable retraite que je puisse désirer ; et partout, madame, je serai toute la vie, avec le respect et l’attachement que je vous dois, votre très humble et très obéissante servante. » Nous ne pousserons pas plus loin ces citations, qui suffisent, ce nous semble, pour définir le caractère de madame de Maintenon.

1021. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose.

1022. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

La vie domestique, des idées religieuses assez sévères, des occupations sérieuses, un climat lourd, rendent les Anglais assez susceptibles des maladies d’ennui ; et c’est par cette raison même que les amusements délicats de l’esprit ne leur suffisent pas.

1023. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre premier. Des signes en général et de la substitution » pp. 25-32

Dorénavant je remplace le premier chiffre par A, le second par B, le troisième par C, et j’écris la proportion suivante : Et je vois que dans tout cas semblable, pour savoir l’ouvrage total, il me suffira de multiplier le nombre des ouvriers réunis par le chiffre de l’ouvrage des premiers, puis de diviser le produit par le nombre de ces premiers.

1024. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Il suffit d’ouvrir le livre de La Bruyère pour rencontrer à chaque page l’antithèse dans sa pure et forte brièveté.

1025. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Il lui suffit qu’il y ait eu à un moment donné de la matière : quels changements relient à l’état actuel le plus ancien état où puissent remonter l’observation et l’hypothèse, voilà l’objet des recherches de Buffon.

1026. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Il nous suffisait d’être avertis, et « tout ça, c’est de la littérature. » Or, lisez les courts récits de Mérimée.

1027. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Mais ce petit nombre suffit pour que soit réalisé, d’une façon concrète, le vœu de connaissance où l’on a situé la raison d’être, la cause et la fin de l’existence phénoménale.

1028. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Le grand mérite de notre langue, & ce mérite a dû lui suffire pour devenir la langue la plus générale de l’Europe, c’est la douceur & la clarté.

1029. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

« Mettez la main sur ma cuisse99, dit Abraham à son serviteur, et jurez d’aller en Mésopotamie. » Deux mots suffisent pour conclure un mariage au bord de la fontaine.

1030. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

Une seule observation suffira pour faire voir combien Pascal sophiste eût été inférieur à Pascal chrétien.

1031. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Il est fleuri, doux, abondant, et à quelques défauts près qui tiennent à son siècle, ses ouvrages offrent une lecture aussi agréable qu’instructive ; pour s’en convaincre, il suffit de parcourir le Traité de la Virginité 184 et l’Éloge des Patriarches.

1032. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Il ne suffit pas que vos vers soient beaux, dit Horace, en stile de legislateur, pour donner plus de poids à sa décision, il faut encore que ces vers puissent remuer les coeurs, et qu’ils soient capables d’y faire naître les sentimens qu’ils prétendent exciter.

1033. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Le poëte tragique doit atteindre le dégré de perfection où il est capable de monter, de meilleure heure que le poëte comique, le génie et une connoissance generale du coeur humain, telle que la donnent les premieres études, suffisent pour faire une tragédie excellente.

1034. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Le sentiment seul ne suffit point pour connoître si l’auteur d’un poëme de philosophie raisonne avec justesse, et s’il prouve bien son systême.

1035. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Une plume d’autruche piquée devant l’orifice de son terrier suffit pour la terroriser et la contraindre à subir dans cette retraite les tortures de la faim.

1036. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Oui, il a des idées, et des idées très simples, celles qu’on trouve sans se donner la peine de réfléchir, et qui suffisent, d’ailleurs, à écrire de tels articles.

1037. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XV »

Et cela suffit pour nous acheminer vers un certain scepticisme, un scepticisme relatif. »‌ Nous admettons ce scepticisme, à condition qu’on le tienne, en effet, pour tout ce qu’il y a de plus relatif, un peu de doute, si l’on veut, ce que les théologiens appellent une tentation contre la foi.‌

1038. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Ces esprits grossiers encore croyaient de telles cérémonies indispensables, pour s’assurer de la volonté des autres, dans les rapports d’intérêt, tandis qu’aujourd’hui que l’intelligence des hommes est plus ouverte, il suffit de simples paroles et même de signes.

1039. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

La théorie de Bentham me suffit. […] Les paroles bienveillantes de M. le rapporteur, entremêlées qu’elles étaient d’une nuance de blâme et de regret, n’ont pas suffi à la susceptibilité bien juste de la science, qui se sentait remise en question et comme assise sur la sellette. […] Mais qu’on n’aille pas, comme aujourd’hui, instituer par prévention contre tels ou tels professeurs des procès de tendance  : il suffit que, dans la chaire, les limites légitimes de chaque enseignement spécial ne soient point outre-passées ni franchies.

1040. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

La jouissance personnelle ne lui suffit pas ; il lui faut encore la paix de la conscience et les effusions du cœur  Voilà l’homme tel que Dieu l’a fait et l’a voulu ; il n’y a point de défaut dans sa structure. […] Il n’a pas de rôle à jouer, il n’est pas comédien. » — Sciences, beaux-arts, arts de luxe, philosophie, littérature, tout cela n’est bon qu’à efféminer et dissiper l’âme ; tout cela n’est fait que pour le petit troupeau d’insectes brillants ou bruyants qui bourdonnent au sommet de la société et sucent toute la substance publique  En fait de sciences, une seule est nécessaire, celle de nos devoirs, et, sans tant de subtilité ou d’études, le sentiment intime suffit pour nous l’enseigner. — En fait d’arts, il n’y a de tolérables que ceux qui, fournissant à nos premiers besoins, nous donnent du pain pour nous nourrir, un toit pour nous abriter, un vêtement pour nous couvrir, des armes pour nous défendre  En fait de vie, il n’en est qu’une saine, celle que l’on mène aux champs, sans apprêt, sans éclat, en famille, dans les occupations de la culture, sur les provisions que fournit la terre, parmi des voisins qu’on traite en égaux et des serviteurs qu’on traite en amis  En fait de classes, il n’y en a qu’une respectable, celle des hommes qui travaillent, surtout celle des hommes qui travaillent de leurs mains, artisans, laboureurs, les seuls qui soient véritablement utiles, les seuls qui, rapprochés par leur condition de l’état naturel, gardent, sous une enveloppe rude, la chaleur, la bonté et la droiture des instincts primitifs  Appelez donc de leur vrai nom cette élégance, ce luxe, cette urbanité, cette délicatesse littéraire, ce dévergondage philosophique que le préjugé admire comme la fleur de la vie humaine ; ils n’en sont que la moisissure. […] Il suffit d’avoir suivi les corps d’armée et les grands sièges. — Avec des engins différents et des tactiques contraires, les diverses attaques ont abouti au même effet.

1041. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Et moi, j’ose vous dire : L’Europe entière, pendant trente ans de guerre sur terre et sur mer, ne suffirait pas à les remplir. […] On croit généralement que les quatre cent mille lieues carrées, possédées en Asie et en Europe par l’empire ottoman, sont un espace peuplé de populations chrétiennes opprimées, asservies, compactes, d’une même race, d’un même culte, et qu’il suffirait de se délivrer des Ottomans pour que ces populations florissantes et libres formassent un empire européen, homogène et civilisé, au milieu de l’Asie. […] XII Quant au gouvernement de l’empire ottoman sur ces multitudes fixes ou errantes, une ou deux batailles suffiraient sans doute pour le changer, en refoulant la race d’Othman d’où elle est venue, ou en l’exterminant sur place, comme Timour ou Gengis-Kan, ces exterminateurs de race.

1042. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Si ce que je reçois ne suffit pas, je demanderai de nouveau une autorisation au ministre. » Je fais valoir cette considération, mais l’heure est passée ; l’autorisation avec elle. […] Eh bien nous ne vous demandons pas autre chose que cet asile pour la nuit, dîmes-nous toutes les quatre à la fois, un peu de pain bis et de fromage de vos chèvres que nous avons vu en haut de votre escalier, nous suffit ; quant au vin, nous sommes d’un pays où il n’y en a pas, nous n’en demandons pas. […] Mais, le château et le tombeau ne nous suffisaient pas, le pays tout entier était pour ainsi dire partie de la maison ; nous voulûmes le visiter.

1043. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il me suffit, pour faire apprécier, par la bassesse des commencements de cet art, la hauteur où l’a porté le génie de Corneille, de déterminer le caractère des pièces qui s’y jouaient. […] Fontenelle, dans la Vie de Pierre Corneille, son oncle, a dit : « Pour juger de la beauté d’un ouvrage, il suffit de le considérer en lui-même ; mais pour juger du mérite d’un auteur, il faut le comparer à son siècle. » Il aurait dû ajouter : Et à ses devanciers. […] Il suffit de la feuilleter d’un doigt distrait, pour trouver des sujets à situations.

1044. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Je ne veux pas épuiser le sujet ; il me suffira de présenter quelques aperçus qui mettent cette connexion hors de doute. […] Il me suffit de constater que les aspects inattendus pris par le travail moderne offraient et offrent encore à la verve des écrivains une riche et nouvelle matière. […] Dans la première moitié du xviiie  siècle, la bourgeoisie aisée, en y comprenant la noblesse de robe, me paraît avoir été la plus riche ; il suffit de citer Voltaire, Montesquieu, Marivaux, Fontenelle, Mairan, Vauvenargues, Crébillon, la Chaussée ; et il est permis de croire qu’il y a une harmonie entre leur origine et leur éducation, leur situation sociale et les qualités fines, spirituelles, élégantes d’une littérature hostile, il est vrai, à l’Église et à la monarchie absolue, mais discrète encore dans ses désirs d’innovation et tempérée dans ses hardiesses.

1045. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Des actions véreuses, des valeurs de pacotille, des paperasses illisibles de procès suspects ne suffisent pas, au théâtre, pour diffamer un caractère à ce point. […] Il me semble reconnaître un souverain. » Le Caprice, sous la forme d’un enfant ailé, conduit le quadrige ; sa main phosphorique répand sur son sillage une traînée de largesse, du luxe, de fertilité. « Voyez, il me suffit de claquer des doigts, et sur-le-champ des lueurs et des étincelles jaillissent autour du char. […] C’est l’instinct de la Pie voleuse qui se réveille ; versez dans son nid les diamants de la Couronne, elle n’en happera pas moins la première fourchette d’argent qu’elle verra briller ; mais, encore une fois, la vérité crue ne suffit pas au théâtre ; elle a besoin d’être préparée, assaisonnée, servie, selon certaines règles de ménagement et d’insinuation qu’il est toujours imprudent d’enfreindre.

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