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1768. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Il est difficile à des hommes qui se coudoient à chaque instant et délibèrent ensemble sur des objets moins passionnants que les intérêts vitaux d’un pays, de ne pas avoir entre eux des ménagements et presque [des coquetteries de courtoisie.

1769. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Des policiers, mal informés peut-être, ont prétendu, au cours de l’enquête, que l’exalté s’était dirigé, tranquillement, quelques instants après la fugue de son Ami, vers la gare de Strasbourg et qu’il avait pris, sans trop se faire remarquer, le train de 9 h. 40, pour l’Allemagne.

1770. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Kundry : Je suis le Parsifal féminin ; le désir et l’erreur… Ich sah ihn… je l’ai vu, lui, l’amant, et j’ai ri… « Moi Hérodias, Gundryggia, Kundry, L’Innommée, l’Eve, Femme de tous les temps, j’ai fait ceci : par les antiques villes très joyeuses et tranquilles des âges omni-historiques, fille errante et nubile d’amour, j’allais les attentes de l’Amant ; et vint l’instant des destinées : c’était en d’incertaines occurrences, à l’exemple de soirs d’automne, et dans la ville ; des plus éloignés lointains sortait-il ?

1771. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Quelques instants après avoir ôté ce bandeau, l’interne avait montré à Marie V… sa main.

1772. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

La bonté du vin, c’est le verre, l’instant, le lieu, la table où on le boit.

1773. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Les Çhamp-Elysées dans L’Éducation, le jardin d’un café-concert, où à un certain instant, dans les bosquets, « le souffle du vent ressemblait’au bruit des ondes », le bal chez Rosanette, la forêt de Fontainebleau, présentent d’admirables pages.

1774. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Tout concourait, depuis cent cinquante ans, dans la religion, dans la politique, dans les armes, dans l’éducation publique, dans la direction des lettres et des arts, à élever la France à une de ces époques de civilisation, de gloire, de paix, de loisir et de luxe d’esprit où les nations font halte un instant, comme le soleil à son zénith, pour concentrer tous leurs rayons en un foyer de splendeur active et pour montrer au monde ce que peut être un peuple parvenu à sa dernière perfection de croissance d’unité et de génie.

1775. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Mais pour sainte de Staël, c’est bien différent ; on voit l’instant où la canonisation va se trouver impossible.

1776. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Bigand Les derniers instants de Néron Eh quoi !

1777. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Elle s’est trouvée prise dans cette photographie de l’instant, pour l’instant, qu’est le journal. […] La continuité et l’imbrication de générations qui croissent et décroissent à chaque instant de la durée n’empêche pas que la façon de penser du Second Empire diffère probablement, et par certains traits généraux, exprimables, réels aussi, de la façon de penser de 1900.

1778. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Voltaire semble avoir adopté le mot superbe ; à chaque instant il l’emploie : Ce superbe Orosmane, la superbe tendresse, le superbe vainqueur. […] Que vient-il donc faire ce forcené avec une douzaine de misérables, contre une nation victorieuse, puisque six cents hommes de cette nation ont suffi pour détruire en un instant tout son empire ? […] II 30 messidor an XI [19 juillet 1803] En vérité, les lettres de Voltaire valent beaucoup mieux que ses comédies, et même que ses tragédies : Voltaire en déshabillé me plaît davantage que Voltaire en habit de théâtre : c’est dans ses lettres qu’il est éminemment lui ; son esprit, ennemi de toute espèce d’entraves, s’y développe à son aise : c’est là qu’il est vif, léger, brillant, bouffon, folâtre : c’est un prophète qui prend toutes les formes, c’est une coquette qui change à chaque instant de visage ; il se replie en cent laçons pour flatter et pour plaire : le serpent qui séduisit Ève n’était ni plus joli ni plus malin : ses saillies, ses boutades, ses caprices, ses contradictions, forment des scènes toujours naturelles, toujours variées, toujours amusantes : il n’y a que sa colère, sa grossièreté, son fanatisme, qui ne soient point aimables. […] Quand on expose une conspiration sur la scène, elle doit être déjà formée quand la pièce commence ; les obstacles qu’elle éprouve dans l’exécution forment le nœud et produisent l’intérêt : dans la tragédie de Voltaire, qui n’a que trois actes, la conspiration ne se forme qu’au second ; elle est exécutée en un clin d’œil ; les conjurés n’éprouvent aucun danger ; César se livre à leurs poignards sans défiance : aussi la salle même où il donne audience au sénat est celle où se trouve le complot : on peut à chaque instant y être entendu et surpris par tout le monde ; mais de pareils conjurés n’ont pas besoin du secret, et la confiance de César est poussée jusqu’à l’imbécillité ; l’intérêt est dévoilé, par conséquent nul ; quand César parle, c’est à lui qu’on s’intéresse ; quand les conjurés déclament, on est tenté de les admirer quelquefois, mais plus souvent ils font horreur. […] L’histoire de la société est sans doute plus agréable pour les bons esprits, et surtout plus instructive ; mais ce roman du cœur a ses charmes ; on s’intéresse à la destinée de ces petits amours qu’un instant fait éclore, qui ne vivent qu’un jour, et qui parcourent en si pende temps leurs divers périodes, jusqu’au mariage qui doit être leur tombeau.

1779. (1774) Correspondance générale

Je me connais ; dans cet instant, mais pas plutôt, le ressentiment de l’injure et la trahison que vous m’avez faites sortira de mon cœur, et j’aurai la bêtise de m’affliger d’une disgrâce que vous aurez vous-même attirée sur vous. […] Voilà le jugement que j’en ai porté, et hier, en l’écoutant, à chaque instant je me suis surpris pensant à vous et devinant vos transports. […] Songez que les instants précieux que Sa Majesté vous accorde sont pris sur le temps qu’elle doit aux grandes choses que sa tête projette ; songez qu’elle est pressée de parcourir les diverses contrées de son vaste empire, et de porter les espérances d’une félicité future à cent peuples qui l’attendent et dont vous suspendez les acclamations. […] Le temps ne leur ôtera rien de leurs bonnes qualités ; faites qu’il ne leur ôte rien de la bienveillance du premier instant.

1780. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré, dans une Introduction de 60 pages placée en tête de la troisième édition (1856), rectifiait le point de vue, marquait les pas de l’histoire, faisait la part des artifices et des habiletés secrètes en usage dans l’Antiquité ; mais aussi il restituait tout un ordre de phénomènes nerveux extraordinaires, se renouvelant isolément ou par épidémie, jouant le miracle, ne relevant pourtant que de la médecine, et qui même, n’étant pas expliqués encore, ne sauraient réussir un seul instant à tromper l’œil de la philosophie, « amie de la régularité éternelle.

1781. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Les revers de la maison de Corrége, un instant chassée de Parme, puis y rentrant les armes à la main, rappelèrent Pétrarque à Parme.

1782. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

On me répondrait que la musique passe et que la peinture demeure, que la musique est un instant et que la peinture est une éternité, et je ne saurais plus que dire.

1783. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Le groupe monte du sol au sommet du char en concentrant le regard et l’intérêt sur toutes les figures en particulier, puis en reportant cet intérêt de chacune à toutes et de toutes à chacune, en sorte que la beauté de l’une contraste et concourt avec la beauté de l’ensemble, et qu’il en résulte un rejaillissement général de splendeur et de félicité qui produit en un instant l’enthousiasme.

1784. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Schiller ne le composa pas comme l’ode se compose, c’est-à-dire par une rapide et involontaire explosion de l’âme, qui n’éclate qu’un instant et qui se répercute à jamais de l’âme du poète dans l’oreille des siècles.

1785. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

» me répétait-il à chaque instant avec un sourire moitié triomphant, moitié défiant, qui attestait à la fois sa confiance dans le succès et son appréhension du ridicule.

1786. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Le pape est expirant, et j’attends à chaque instant la nouvelle de son dernier soupir pour expédier mon courrier.

1787. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Oui, Catilina, tu as été chez Léca l’avant-dernière nuit ; tu as partagé l’Italie entre tes complices ; tu as marqué les lieux où ils devaient se rendre ; tu as choisi ceux que tu laisserais à Rome, ceux que tu emmènerais avec toi ; tu as désigné l’endroit de la ville où chacun allumerait l’incendie ; tu as déclaré que le moment de ton départ était arrivé ; que, si tu retardais de quelques instants, c’était parce que je vivais encore.

1788. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Mon cher ami, où serai-je à pareil jour, à pareille heure, à pareil instant l’an prochain ?

1789. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Comptez-moi pour mort si on me coiffe de cet éteignoir : je deviendrai un cheval de manège qui fait ses trente ou quarante tours à l’heure, mange, boit, dort à des instants réglés d’avance.

1790. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

« Quoiqu’il se prive dans cet état de plusieurs avantages qu’il tient de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son âme tout entière s’élève à tel point que, si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme560 2. » Rousseau se garde donc bien de nous inviter à restaurer en nous l’orang-outang, primitif exemplaire de notre humanité.

1791. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Dans celle de Jean de Meung, l’érudition et la satire interrompent à chaque instant l’action et détruisent le plan : La Philosophie, la Scolastique, l’Alchimie, lui sont des héros plus chers que les aimables figures que lui avait léguées Guillaume de Lorris.

1792. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

C’est l’instant où l’homme se montre dans le maître, et où les enfants se sentent aimés de celui qui les instruit.

1793. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

L’unité entre la parole et la musique est vraiment merveilleuse ; je ne crois pas que jamais, pour un seul instant, elle se démente.

1794. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Dès l’instant où je fus convaincu que ma modeste bonne volonté y demeurait inutile, je sortis d’une maison que je ne pouvais ni ne voulais prétendre à diriger.

1795. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Quand le président lui dit de raconter la scène du crime, il passe la main sur son front, une rougeur colore, un instant, son visage terne et gris, et après quelques mouvements nerveux d’épaules, il crache par terre, s’essuie les lèvres avec son mouchoir, puis commence par des mots ânonnants, se repasse encore la main sur la figure, et rouvre une bouche où, sous l’émotion, sa voix s’étrangle… Puis soudain il se met à raconter, et comme si, au récit de l’assassinat, sa fièvre homicide le reprenait, il répète dans le vide la mimique de son crime, d’un geste en avant terrible et superbe !

1796. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Elle avait dit, il y a quelques instants, à propos de chaussettes de soie, dont elle m’avait demandé la commande, à propos de gardes de livres, que Popelin devait me fabriquer, après mon départ : « Oui, les gens qui partent doivent toujours laisser quelques petites commissions derrière eux… avec cela on se souvient mieux et plus d’eux… Il semble qu’ils ne vous ont pas quitté tout à fait. » Elle se lève tout à coup, et quoiqu’il giboule au dehors, elle me parle, dans le vent et la pluie, d’aller passer quinze jours à Nice, de voir en famille d’amis, ce pays de fleurs et ce ciel bleu pendant l’hiver.

1797. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Les prétendus raffinés sont des simplistes qui s’ignorent ; les blasés qui croient avoir « fait le tour de toutes les idées » sont des ignorants qui n’ont pas même fait le tour d’une seule idée ; les dégoûtés de la vie sont de petits jeunes hommes qui n’ont pas encore un instant vécu. — Paul Bourget met dans la bouche des décadents cette parole : « Nous nous délectons dans ce que vous nos appelez corruptions de style, et nous délectons avec nous les raffinés de notre race et de notre heure ; il reste à savoir si notre exception n’est pas une aristocratie. » — Oui, pourrait-on leur répondre, une aristocratie à rebours, comme celle des hystériques, des névropathes, des vieillards avant l’âge.

1798. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Or, l’exercice de la spéculation intellectuelle, quand elle n’est pas bornée à un champ restreint des sciences, et s’exerce librement dans le pur domaine du rationnel, conduit à deux résultats antagonistes : d’une part elle renseigne sur l’univers : de généralisation en généralisation, celui qu’enthousiasme la passion des causes, est emporté hors de sa ville, de sa nation, de ses semblables, du globe, du temps et de l’espace, tournoie à une absolue hauteur, de laquelle l’humanité semble l’imperceptible grouillement d’un peu de moisissure apparue un instant au cours de l’évolution d’une particule de nébuleuse.

1799. (1894) Textes critiques

Or Kaethe un instant imitatrice encore sans doute et par comme Johannes nécessité d’analyse, discute, empruntant le verbe marital, devient donc partiellement intellect et compréhension de Johannes ; qui par contre-coup partiellement aussi s’identifie à Kaethe.

1800. (1926) L’esprit contre la raison

À tout instant l’image s’autonomise, se ramifie en associations secondaires que l’emprunt d’un mot du lexique de Valéry, de Barrès, de Breton, de Rimbaud, pour peu qu’on le reconnaisse comme tel, relie à la démonstration souterraine.

1801. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Nous paraissons oublier à chaque instant quelle est la grandeur du monde, en comparaison de l’étendue bornée des régions dont on a pu jusqu’ici étudier avec soin les formations géologiques.

1802. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

En 1849, Audin, préoccupé incessamment de la Réforme, tourna un instant le dos à ses sources pour suivre les dégradations successives, les dépouillements religieux qu’elle subit avant d’arriver à la négation totale où elle est tombée.

1803. (1903) La renaissance classique pp. -

L’instant est grave.

1804. (1895) Hommes et livres

Et ces séparations douloureuses avaient encore un bon effet : on ne craignait pas de parler morale, entre parents et enfants ; et le père ne faisait pas l’effet d’un ennuyeux prêcheur, et le fils sentait l’instante réalité de cette morale, l’efficacité des préceptes, la nécessité de la pratique. […] Il ne songea pas un instant à se dérober à sa gloire, et très simplement, mais très décidément, il joua son rôle de grand et influent personnage. […] Ma haine va mourir que j’ai crue immortelle, Elle est morte, dit-elle ; et la plus forcenée des furies devient en un instant la plus dévouée des filles. […] N’est-ce pas assez, pourtant, d’apercevoir que la religion n’a aucune place dans sa vie morale, et n’a été pour lui, en aucun instant, ni un frein ni une force ? […] L’homme sensible a reçu de la nature les germes des vertus ; il est fait pour l’amour, pour l’amitié, pour la bienfaisance ; il ne peut voir un être bon ou innocent, un effet de bonté ou d’innocence sans s’attendrir ; même à l’idée abstraite et sur les mots de vertu, d’humanité, de nature, d’amour, un trouble puissant agite son âme ; à tous les instants de sa vie il sent ; et, comme il est fier de sentir puisque c’est par là qu’il prend conscience de sa vertu, il ne contient pas, il étale ses sensations ; il se pare de son désordre et de ses larmes ; et tout son cœur se fond dans une sympathie délicieuse.

1805. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

L’intention est sans doute évidente ici ; Tartufe est bien la satire ou la charge de l’hypocrisie ; les termes dont il use ne sauraient faire un instant illusion à personne ; et si l’on osait adresser une critique à Molière, ce serait, avec La Bruyère, de l’avoir peint de couleurs trop crues. […] Qu’est-ce à dire — car Orgon est sincère, car sa dévotion est vraie, car pas un instant on ne nous l’a présenté sous les traits d’un malhonnête homme, et encore moins d’un hypocrite, — qu’est-ce à dire, sinon qu’autant il ait de progrès dans la dévotion, autant il en fait vers l’inhumanité ? […] S’ils avaient pu s’y méprendre un instant, c’est ce qu’ils reconnurent tous quand, après bien des difficultés, Tartufe, en 1669, parut enfin publiquement sur la scène. […] La satire y est évidemment plus âpre, la gaîté plus amère, et si je l’ose dire, le rire, par instants, presque convulsif.

1806. (1932) Le clavecin de Diderot

Mais que le monsieur bien élevé du XXe, digne héritier de l’honnête homme du XVIIe, se lèche, pourlèche les babines, il n’en garde pas moins sa mesure, même aux instants de délectation suprême, car il y a l’harmonie française et sa sœur siamoise, l’éloquence française, et leur cousin, l’humour anglais et encore le charme slave, leur ancien béguin et le mensonge allemand, leur ennemi héréditaire. […] Chacun relègue, dans le passé, la préhistoire, l’extase dont il ne peut se consoler de l’avoir manquée, ce prodigieux instant qu’il a vécu, mais sans avoir su le prolonger, se le rappeler pour en illuminer sa vie crasseuse, en faire son temps, le Temps.

1807. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Le père d’Alfred de Musset s’était occupé de travaux littéraires sur l’époque de la fin du xviiie  siècle, et dans les conversations, à chaque instant, Musset avait entendu parler des gens, des hommes, des choses du xviiie  siècle. […] Je m’en suis si bien souvenu Que je l’ai toujours reconnu À tous les instants de ma vie.

1808. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

L’orgueil du premier veut tout écraser de force en un instant ; l’amour-propre du second mine tout avec lenteur. […] « Des vêtements légers, dit-il, la tête découverte, un lit dur, sobriété et exercices, des privations plutôt que des jouissances, en un mot, presque toujours ce qui coûte le moins, est en tout ce qui convient le mieux, et la nature n’emploie, ni tant de frais, ni tant de soins, pour élever ce frêle édifice qui ne doit durer qu’un instant, et qu’un souffle peut renverser. » Il conseille ensuite le rétablissement des corporations, « que le gouvernement doit, dit-il, regarder comme l’éducation domestique des enfants du peuple. […] L’imagination se montre dans tous les instants , dit l’auteur.

1809. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Ils jouissent du destin qui les accable et s’enferment à chaque instant pour déguster leurs remords. […] Lamartine habite cette zone intermédiaire : aussi convient-il à l’âme de la foule, et, par instants, à celle de l’élite ; aussi tout ce qui le toucha, l’effleura, le mit en vibration, nous fait-il vibrer à notre tour. […] Quand Rabelais, voyageur du mot, botaniste d’idiomes, véhément assembleur d’invectives, s’assied un instant au revers d’un fossé de Touraine, cueille et respire la gaîté, quelle détente ! […] Il ne dépasse point son modèle, mais par instants il l’égale et ce n’est pas un faible éloge.

1810. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Si, en effet, notre bonne volonté demeure sans correspondance suprême et définitive, — si notre cœur, ou tendre ou cruel, ou bon ou mauvais, n’est qu’un phénomène d’un instant destiné à disparaître comme il est apparu, pour toujours, — si le travail de l’humanité entière aboutit à une irréparable banqueroute, puisque avec la mort de la planète tout doit un jour mourir ici-bas de l’œuvre des âges, comment ne pas apercevoir la vie sous une clarté de cauchemar, et à l’état de sinistre bouffonnerie ? […] Il formule les théories les plus saugrenues où des éclairs de raison brillent par instants, puis ce sont d’interminables déclamations. […] Précisément nos peintres répondent à cette question, car leur œil, à eux, saisit des nuances que le nôtre ne saisit pas, — pour l’instant du moins, car ils feront notre éducation, soyez-en sûr… Avez-vous jamais songé à ce sujet d’étude : l’histoire d’un sens à travers les âges ?

1811. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

26 mars : Pendant que mon fils achevait la copie de ce pauvre article, je me disposais à vous écrire cette incluse, qui devait toucher à bien des sujets : votre bonne lettre, qui m’arrive en cet instant, pourra bien m’en faire oublier quelques-uns. […] Guttinguer, est arrivée à Bâle presque au même instant que moi… J’accepte l’ouvrage de M.  […] L’imagination ordinaire est un souffle assez fort pour enlever d’un coup cette brillante poussière ou cette fleur qui revêt le fruit ; les plus heureux, parmi les littérateurs et les poètes qui ont, comme l’on dit, exploité la religion, n’ont guère fait autre chose ; mais ce demi-christianisme s’est trouvé faux comme toutes les demi-vérités, et cette composition, ce plaqué, destiné à imiter l’argent ou l’or, n’a pas trompé un instant les yeux exercés. […] Il y a là de grands esprits et de vaillants athlètes, mais on sent davantage des âmes heureuses et attendries ; on aime à Port-Royal ; c’est là le trait distinctif et le vrai principe, le vrai résultat et le vrai nom de l’œuvre ; bien que peuplée par des hommes pécheurs et mortels, cette solitude apparaît comme la porte des cieux ; de son austère enceinte il ne sort guère de chants ni de parfums ; toute la sainte poésie de cette vie est intérieure et comme captive ; et il faut que la persécution ait vidé le cloître, pour qu’une des cordes de cette lyre muette, frémissant un instant, envoie jusqu’à nous un mélodieux soupir de regret et d’espérance : Lieux charmants, prisons volontaires, On me bannit en vain de vos sacrés déserts ; Le suprême Dieu que je sers Fait partout les vrais solitaires107 !

1812. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

À chaque instant se rencontrent des tours de phrase archaïques ; des hémistiches connus et des vers entiers sont tout uniment transportés dans la trame du style, et n’y font pas disparate. […] Mais laissez-lui quelques instants ; il n’en faudra pas davantage pour qu’elle consente à l’union dont l’idée seule lui semblait insoutenable. — Les demoiselles Benoîton, élevées comme vous savez, n’en seront pas moins des modèles d’honnêtes petites femmes. — Sarah, l’Américaine rompue à tous les exercices du flirt, se marie par amour et par coup de tête, à la française54… Travers, préjugés, ridicules à fleur de peau. […] « Ce mot d’adieu n’était pas prononcé, qu’ils étaient dans les bras l’un de l’autre, oubliant la terre et le ciel, emportés et affolés par un de ces orages de passion qui font en un instant de l’honneur d’un homme et de la pudeur d’une femme des choses mortes… Elle sut alors jusqu’à quel degré la passion peut fausser et pervertir les âmes les plus pures et les plus hautes, quand on la laisse s’établir en souveraine sur les ruines de la raison, de la volonté et de l’honneur77. » La bête humaine, comme dirait M.  […] Peut-on admettre un seul instant qu’il y ait plus de réalité et d’observation dans la Ciguë que dans les Effrontés, et dans Paul Forestier que dans Maître Guérin ?

1813. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Le singulier morceau : Après une lecture d’« Adolphe », qui commence Passé vingt ans, quand l’âme aux rêves échappée… a été composé, visiblement, dans un transport imaginatif où le littéraire et le réel se confondant, s’amalgamant, le poète est devenu Adolphe pour quelques instants, l’Adolphe exalté du célèbre couplet : « Charme de l’amour, qui pourrait vous peindre ?  […] Vous venez de nous montrer éloquemment que les nations, placées toujours et à chaque instant de leur vie, comme les individus, devant le carrefour d’Hercule, sont contraintes de choisir entre la voie de la mollesse, du bien-être, de l’abdication, et la voie de la virilité, de l’effort pénible, du sacrifice. […] De là ce flottement dans la conduite de son empire, et ces éternelles remises qui, par instants, lui ont donné un air de matamore qui a peur, de « valeureux poltron », répétait volontiers le roi Édouard, son oncle. […] Quelques instants avant le signal, l’officier donnait à ses hommes ses dernières instructions qu’un d’entre eux a rapportées : « Encore vingt minutes, mes enfants, et l’on part.

1814. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

« Dieu a pu sauver la vierge du péché originel, il a pu ne l’y laisser qu’un moment, il a pu encore l’y laisser quelque temps, & dans le dernier instant la purifier. » Il apportoit des raisons de ces trois possibilités, & concluoit ainsi «  : Dieu sçait lequel de ces trois il a fait ; mais il semble convenable d’attribuer à Marie ce qui relève davantage sa gloire, s’il n’est contraire ni à l’écriture, ni à l’autorité de l’église. » Cependant les cordeliers indignés de l’audace du fougueux dominicain, réfutèrent les propositions de sa thèse, engagèrent l’université à le poursuivre, à l’accabler de ses plus rigoureuses censures. […] Dans l’instant, il tira de sa poche un portrait de saint François d’après l’original qu’en conservent les grands ducs de Toscane, dans leur palais, à Florence…. […] On applaudissoit à chaque instant à La Martelière : on crioit, dans le palais, qu’il falloit encore une fois chasser les jésuites.

1815. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

IX L’instant où M. de Talleyrand entrait, avec les préliminaires d’une telle nature, d’un tel caractère et d’une telle aptitude, dans la politique extérieure de la France, ouvrait une carrière neuve et sans limites à son intelligence et à la diplomatie.

1816. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Malheur aux poètes qui refont leurs œuvres : la poésie est de premier mouvement, ce n’est pas le travail et la réflexion qui la donnent, c’est l’inspiration ; on ne respire pas à midi le souffle matinal de l’aurore ; la jeunesse dans le poète fait partie du charme ; le génie est comme la beauté, il a son instant.

1817. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Il avait pris pour type de son héros mythologique l’instant où Persée élève dans sa main la tête de Méduse qu’il vient de couper, et où il foule du pied droit le tronc sanglant qui palpite encore.

1818. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

« Mais dans cet instant qu’il assigne à la révolution universelle, même les choses qui n’ont point commencé d’être ensemble changeront cependant à la fois !

1819. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Il faut avoir plus de courage, et dire que c’est mon corps que tu enterres ; et enterre-le comme il te plaira, et de la manière qui te paraîtra la plus conforme aux lois7. » Sous l’impression d’exemples si frappants, devant de si vives leçons, dont la vérité d’ailleurs pouvait être à tout instant contrôlée par l’observation même des faits, on comprend sans peine que la distinction de l’âme et du corps dut apparaître à Platon comme une sorte d’axiome incontestable.

1820. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Je ne pense pas que l’aventure d’un autre général l’ait un instant abusé ou tenté.

1821. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Mais en revanche, l’histoire de Martin, devenu le type de l’Église anglicane, élevé par Harry Huff, affermi par Bess, mis en danger par les gens venus du Nord, asservi un instant par Jacques, relevé par des amis secrets de Pierre, bientôt menacé par eux et appelant contre eux des étrangers, redevenu enfin le maître et ne rêvant plus que la destruction de Jacques, compensait, par sa vigueur railleuse, le plaisir que pouvait donner aux amis de l’Église anglicane la peinture satirique des égarements de leurs adversaires.

1822. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

— s’est présentée, en une bonne journée, gaîment et innocent, dans une manière comique, puissent, aujourd’hui, mes amis ne pas trouver mauvais si, en leur communiquant ce poème burlesque, — dont il nous fut pourtant impossible de trouver la musique convenable, — je tâche à éveiller en eux le même sentiment de libération momentanée que je sentis quelques instants en l’écrivant. » UNE CAPITULATION COMÉDIE À LA MANIÈRE ANTIQUE (Analyse.)

1823. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’attention produit de même ce que les physiologistes appellent un effet suspensif et inhibitoire sur les centres affectés par la douleur, quand elle se porte vers un autre objet, tout comme je puis, par ma volonté, produire pendant quelques instants un effet suspensif sur ma respiration.

1824. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Le petit garçon : « Si tu veux me laisser jouer avec tous tes joujoux, comme s’ils étaient à moi, tu seras ma petite femme (Au bout de quelques instants de réflexion.)

1825. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Ce génie philosophique répandu dans tous les livres et dans tous les états, est l’instant de la plus grande lumière d’un peuple ; c’est alors que le corps de la nation commence à avoir de l’esprit, ou plutôt, ce qui revient à peu près au même, commence à s’apercevoir qu’il en manque après deux siècles de peines prises pour lui en donner.

1826. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Pour reprendre l’image de Flaubert : le fil, ténu et fait de bouts raccordés, casse à chaque instant ; les perles, dont quelques-unes sont fausses et d’autres volées, s’égrènent tristement.

1827. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

reprends-le donc ce peu de fange obscure, Qui pour quelques instants s’anima sous ta main ; Dans ton dédain superbe, implacable Nature,       Brise à jamais le moule humain ! […] Et pour moi, je ne me consolerai jamais si un fainéant de larron, sans autre peine que celle qu’il y a à prendre ce qu’on trouve, m’ôtait en un instant ce qu’un grand travail ne m’a donné qu’en beaucoup d’années.

1828. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Le culte est infiniment supérieur au monde ordinaire, en ce que : 1º il n’a d’autre destination que celle de rappeler Dieu à l’homme, tandis que la nature extérieure, outre son rapport à Dieu, en a beaucoup d’autres qui distraient sans cesse la faible humanité de la vue de celui-là ; 2º parce qu’il est infiniment plus clair, comme représentation des choses divines ; 3º parce qu’il est permanent, tandis qu’à chaque instant, à nos mobiles regards, le caractère divin du monde s’affaiblit ou s’éclipse tout à fait. […] Recueillez-vous un instant, rentrez un instant en vous-mêmes, et dites-moi si, aussitôt que je vous parle de la multiplicité, il vous est possible de ne pas concevoir l’unité ; si, quand je vous parle du fini, vous ne concevez pas nécessairement l’infini. […] Nous ne commençons pas par nous chercher, car ce serait supposer que nous savons déjà que nous sommes ; mais il arrive un jour, une heure, un instant, instant solennel dans l’existence, où sans nous être cherchés nous nous trouvons ; nous affirmons alors notre existence avec une sécurité qui n’est mêlée d’aucun doute parce qu’elle est pure de toute réflexion ; nous nous apercevons avec certitude, mais aussi sans discerner avec la netteté de la réflexion notre caractère propre, qui est d’être limités et bornés ; nous ne discernons pas non plus très précisément le caractère de ce monde ; nous nous trouvons et nous trouvons le monde, nous en sentons les bornes et les imperfections, et nous apercevons vaguement aussi quelque autre chose de meilleur à quoi nous rapportons et nous-mêmes et le monde.

1829. (1929) Amiel ou la part du rêve

Mais même en cet instant où, l’âme calme et haute, Je fais comme les morts mes comptes d’ici-bas, Puis-je vous reconnaître absolument sans faute, Tout à fait droit et vrai pour moi ? […] L’induction était si facile que j’en voyais la formation à chaque instant.

1830. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Ce principe est faux, car chaque art a son domaine bien défini, et si la manifestation de deux d’entre eux se trouve un instant réunie dans une seule œuvre, comme c’est le cas dans l’opéra, l’un des deux est nécessairement subordonné à l’autre. » Ces quelques lignes suffisent : Tolstoï ne connaît pas plus l’œuvre poétique de Wagner que son œuvre théorique. […] Prague, Saint-Pétersbourg, etc., en 1863, — de ces chants au rythme bondissant et énergique, d’une ligne mélodique si franche et si populaire, Tolstoï n’a rien entendu, rien compris, il n’a pas été un seul instant ému ? […] Elle est une sorte de langage non articulé, inexprimable, qui nous conduit aux limites de l’infini et nous donne le pouvoir d’y plonger pendant quelques instants.

1831. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

et qui pourrait avoir l’idée, je dis un seul instant, de suspecter sa sincérité ? […] Nous reviendrons dans un instant sur « le Musset des familles ». […] Il en fera surtout partie dans une société démocratique, où il n’est pas seulement bon, mais nécessaire que l’urgente préoccupation des intérêts matériels soit, comme à tout instant, contrepesée par quelque ambition plus noble ; et dont le principe actif est de favoriser ou de provoquer à tous les degrés de la hiérarchie sociale, l’effort du mérite personnel. […] J’ai eu crainte d’avoir affaire au roman à thèse, à ce roman doctrinaire et raisonneur, où l’auteur passe à chaque instant sa tête à travers le rideau, de façon à vous ôter toute illusion sur la réalité des personnages qu’il met en scène. » Le romancier qui s’exprimait ainsi, — car c’est un romancier, paysagiste souvent exquis, inventeur abondant et facile, observateur précis de la réalité, peintre véridique et aimable des mœurs de province, — se doute-t-il que ce qui manque à ses propres romans, c’est la « thèse », comme il l’appelle, ou « l’idée » ?

1832. (1923) Au service de la déesse

Relisez Robert Greene : il ne doute pas un instant que Shakespeare ne soit l’auteur de ce nouveau théâtre, si gênant pour les vieux auteurs ; s’il en doutait, il le dirait ! […] À vrai dire, mon résumé les entasse ; à vrai dire aussi, elles n’y sont pas beaucoup plus entassées que dans certaines pages de Suzanne et le Pacifique, où les comme de la similitude reviennent à chaque instant. […] On les aurait embauchées ailleurs, pour le même salaire et la sécurité, en outre, la commodité de ne pas risquer la mort à chaque instant. […] bien, c’est encore parmi ceux-là » — les autres, laissons-les, pour un instant, — qu’on a souvent l’occasion d’observer un affaiblissement du langage.

1833. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Mais ce n’était plus ce je ne sais quoi de sa mère, qui captivait au premier instant et gagnait aussitôt les cœurs.

1834. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Le chantre s’arrête à chaque instant pour faire respirer le lecteur dans des comparaisons lentement déroulées qui reportent l’âme à des scènes champêtres ou maritimes : « Diomède s’élance ; tel un lion, hardi de cœur, franchissant les palissades d’une bergerie, fond sur les brebis à la laine épaisse ; s’il est légèrement blessé, mais non terrassé par le berger qui les défend, sa rage et sa vigueur s’accroissent de sa blessure.

1835. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Quant aux deux généraux, voici ce qui se passa entre eux : lorsque Artybius, monté sur son cheval, se porta à la rencontre d’Onésilus, celui-ci, comme il en était convenu avec son écuyer, frappa le général des Perses ; mais, tandis que le cheval, se dressant, lançait ses pieds sur le bouclier d’Onésilus, le Carien saisit cet instant et coupe avec une faux, dont il était armé, les jarrets de l’animal, qui tombe et entraîne dans sa chute Artybius. » XIV Erato, ou livre sixième, commence ici par le récit d’une grande bataille navale que les Ioniens perdirent en combattant pour la cause de Darius, leur allié.

1836. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Il est évident que dans un sujet où l’unité d’action, de temps et de lieu, est dans la nature des choses, il n’y a pas de place pour les hors-d’œuvre, pas un instant pour les tirades d’un acteur aimé du public, ni pour les oiseuses répliques d’un confident, ni pour ces monologues qui dissimulent le mauvais emploi du temps ; que, là où l’action marche, l’exécution ne languit pas ; que, là où chaque sentiment, chaque pensée est un pas vers l’événement, la langue ne dit rien qui ne soit nécessaire et ne faiblit pas.

1837. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Elle arrive au bas de l’escalier, où elle se repose, un instant, sur une chaise.

1838. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Sa mère qui est à la porte, me dit : « De son lit, il vous a vu traverser la place… entrez donc quelques instants… vous lui ferez un vrai plaisir. » Et tout bas : « Ç’a été bien dur. » — Ah !

1839. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Est-ce que la réalité la plus haute n’appartient pas toujours aux sentiments capables de nous porter en avant, ne fût-ce qu’un seul instant, d’élever au-dessus de nos têtes ne fût-ce qu’un seul d’entre nous ?

1840. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

En cet instant de mœurs littéraires et de civilisation prosaïques, le romancier pourrait être notre dernier poète épique s’il avait la langue spéciale et nécessaire du vers.

1841. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

« Il n’est rien tel qu’un heureux climat pour faire servir à la félicité de l’homme les passions qui font ailleurs son tourment » [Nouvelle Héloïse, partie I, lettre 23] ; et c’est la nature seule qui a procuré à Rousseau lui-même « quelques instants de ce bonheur plein et parfait, qui ne laisse dans l’âme aucun vide qu’elle sente le besoin de remplir » [Cf.  […] Desnoiresterres, VIII, p. 305-307]. — La séance du 29 avril à l’Académie des sciences. — Voltaire et Franklin. — La séance du 7 mai à l’Académie française, et le Projet du Dictionnaire historique. — Fatigues, maladie, et mort de Voltaire [30 mai 1778]. — La lettre de Tronchin, sur les derniers instants de Voltaire [Cf. 

1842. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Quelques personnes, qui, dans le temps, les avaient lus avec la légèreté que l’on met à parcourir un journal, ont pu croire qu’ils n’avaient que cet intérêt du moment que l’on trouve ordinairement dans les feuilles périodiques ; elles se sont trompées : Geoffroy, devenu journaliste, écrivait chaque jour et semblait écrire à la hâte ; mais ses études étaient faites d’avance, et il disait avec facilité, et dans l’instant commandé, ce qu’il savait depuis longtemps et ce qui avait fait l’objet principal de ses méditations littéraires. […] Étienne, avant d’être l’un des principaux rédacteurs du Journal de l’Empire, eut une vive altercation avec Geoffroy ; il croyait avoir à se plaindre de la sévérité avec laquelle le rédacteur des feuilletons avait traité sa jolie petite comédie de la Jeune Femme colère ; et, rencontrant inopinément Geoffroy dans un café, il oublia un instant le respect qu’il devait au vieux professeur. « Parbleu ! […] Demander pourquoi Cinna n’éprouve pas des remords à la minute, et dans l’instant même qu’Auguste lui témoigne de la bonté, c’est demander pourquoi un homme blessé sent à peine le coup dans la chaleur du combat, et n’éprouve les douleurs de la blessure que longtemps après, lorsque le repos a calmé l’agitation du sang. […] Au contraire, il ne faut point séparer l’attention d’avec l’intérêt : pour émouvoir l’âme, il faut commencer par fixer l’esprit ; et comme il n’est pas possible que l’âme éprouve une vive émotion dans tous les instants d’une pièce, il ne faut pas regarder comme perdu : pour l’intérêt le temps employé à exciter l’attention.

1843. (1922) Gustave Flaubert

Sur le grand flot français, il fait partie des eaux de surface frappées par le rayon lumineux, il est la petite vague blanche qui a bondi et a étincelé un instant. […] Quand sa brutalité envers Clémence, une maîtresse d’un instant, étonne Frédéric : « Elles sont toutes si bêtes ! […] Ce que Frédéric et Deslauriers crurent avoir eu de meilleur, c’est précisément un instant de jeunesse où leur être a donné et s’est illuminé tout entier, sans que les révélations de la vie y aient rien ajouté en qualité. […] Ainsi Anatole France dans l’Histoire contemporaine, Maurice Barrès dans le Roman de l’énergie nationale, qui, écrits l’un et l’autre dans l’instant même qu’ils prétendent exposer historiquement, faiblissent par manque de recul.

1844. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

M. de Climal surtout, dont les manœuvres de séduction sur Marianne occupent les deux premières parties du roman, est si bien démonté, pour ainsi dire, pièce à pièce, la complexité de ses sentiments est si finement expliquée, ce qu’il y a de conscient et d’inconscient enfin dans son hypocrisie est si habilement débrouillé qu’à chaque instant on est tenté de l’excuser, et que, quoiqu’il soit impossible de ne pas le condamner, à peine peut-on s’empêcher de le plaindre pour ce qu’il y a de souffrance réelle dans sa déconvenue finale. […] « Il l’aborda, et si ses premiers regards lui firent une conquête de la fille du chevalier, il devint lui-même la sienne en un instant… Je lui ai entendu dire bien des fois qu’il n’avait rien aimé sérieusement jusqu’alors, et que, se sentant tout d’un coup si excessivement touché, il en avait frémi, comme par un pressentiment secret des peines que l’amour allait lui causer », ou encore : « Que je devais payer cher à l’amour l’insensibilité où j’avais vécu jusqu’alors ! […] Il expira sous le scalpel au même instant, âgé de soixante-six ans et huit mois moins quelques jours. » Nous ferons observer tout d’abord qu’aucun autre témoignage que celui du biographe ne confirme l’authenticité de sa version.

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