A part la résurrection d’un mort, d’un Lazare, miracle réservé au seul Jésus en personne, je ne crois pas qu’il y eût une seule guérison surnaturelle et miraculeuse qu’il repoussât, si elle était faite au nom du Christ et par l’intercession d’un saint, ce saint fût-il un des hommes du jour. […] On ne saurait au reste voir un homme plus universellement regretté que ne l’est M. […] Despréaux demanda du secours pour tirer les mémoires qu’il lui faudrait de chez les secrétaires d’Ètat et d’ailleurs, et nomma M. de Valincour au roi, qui le lui accorda : sur quoi un homme d’esprit a dit que ce M. de Valincour serait le Résident de M. […] Il ressort surabondamment de tous ces témoignages qu’il n’y avait plus rien du poëte, presque plus rien de l’homme de lettres dans Racine mourant : le chrétien seul, et le chrétien selon Port-Royal, survivait et chassait toute autre pensée. […] C’est un bon cœur d’homme, plein de candeur, de sincérité, d’amour du vrai, de haine du faux.
Une tendresse respectable pour son père a faussé sa vue des hommes et des choses : M. […] Et jamais cela ne va bien : c’est la faute de quelques hommes, ignorants et impatients en 1790, intrigants et ambitieux en 1795 et 1799, égoïstes et rancuniers en 1814 et 1815. […] Dans cette peinture de l’Allemagne, elle insiste beaucoup sur un caractère dont l’importance est de premier ordre pour la littérature : en France, la vie de société absorbe tout l’homme ; l’Allemand n’est pas homme du monde, pense plus qu’il ne cause, et préserve son originalité. […] On voit qu’elle a beaucoup causé avec des hommes qui étaient au courant des plus récentes découvertes, des hypothèses les plus hardies de la philologie ou de l’histoire. […] Cela aboutit à rendre suspect au peuple l’homme bien élevé autant que le propriétaire et le capitaliste : il sent peut-être plus le mépris qui le tient à distante, que la richesse dont il est exclu.
Les hommes sont comme ça, ils n’aiment pas à voir pleurer ; et moi, je pleure toujours depuis la mort des petites… Une histoire bien simple que le Père Achille81 ! […] C’est le mariage de Charles d’Athis, homme de lettres, avec Irma Sallé, mettant en face l’un de l’autre, autour d’un berceau, le père Sallé et la douairière d’Athis. […] Mais l’homme peut au moins, dans son humble mesure, participer à ce plaisir divin ; et M. […] Mieux que personne il saisit et dégage ces ironies, ces curiosités et comme ces lazzis de la grande comédie des hommes et des choses. […] Ce qui excite la pitié, Aristote l’écrivait il y a longtemps, c’est le malheur immérité d’un homme semblable à nous et en qui nous puissions nous reconnaître sans être dégoûtés de nous-mêmes : et la pitié est plus grande quand ce malheur est, en outre, exprimé par un homme semblable à nous, lui aussi, doué seulement d’une sensibilité plus délicate et du don prestigieux de peindre par les mots Que de tendresse et que « d’humanité » dans les petits récits de notre conteur !
Dans l’intervalle on a mille diversions instructives, des retours vers l’antique histoire, des conversations dans les bibliothèques, des dissertations érudites et non épineuses, des rencontres d’hommes célèbres peints avec assez de physionomie et de vérité, des chapitres tout à fait heureux dans le genre tempéré, tels que la visite qu’on fait à Xénophon à Scillonte. […] Geoffroy, en de sévères et justes articles qu’il a insérés dans L’Année littéraire (1789), a noté, et point du tout en homme de collège, ces graves défauts et ces lacunes de l’ouvrage. […] C’est ainsi que, vers la fin, dans le séjour à Délos, il n’a pu s’empêcher de se donner carrière : l’homme s’est révélé ; il a placé dans la bouche de Philoclès ses propres idées sur le bonheur, sur la société, sur l’amitié, et a introduit par extraits cet ancien petit Traité de morale qu’il avait composé bien des années auparavant pour le neveu de M. de Malesherbes. […] Dans tous les établissements publics où il s’emploie un certain nombre d’hommes, il s’en trouve toujours un qui, d’ordinaire placé dans les rangs inférieurs, a amassé durant des années en silence des trésors de fiel et d’envie ; et, le jour d’une révolution survenant, cet homme se lève contre les autres qui ne le connaissaient même pas jusque-là, il devient leur ennemi ulcéré et leur dénonciateur. […] Barthélemy, disait-il dans ce langage sentimental du temps, mais où perçait une affection sincère, Barthélemy fut un excellent homme à tous égards.
Topffer, sans rien changer à sa vie modeste, avait fini par percer, par obtenir son rang, et il jouissait avec douceur des suffrages de cette estime publique qui, même de loin, ne séparait pas en lui l’homme de l’artiste et de l’écrivain. […] Si l’étude réfléchie s’y mêla un peu plus peut-être, s’il surveilla un peu plus du coin de l’œil ce qui avait d’abord ressemblé à de pures distractions, on ne s’en aperçut pas auprès de lui : il demeura l’homme du foyer, de l’institution domestique, le maître et l’ami de ses élèves. […] vous ne le pourriez pas. « Si vous êtes abordable, si vous êtes un homme avec lequel un provincial, qui irait à Paris, pourrait, tel quel, au coin du feu, s’entretenir bonnement, sans lorgnon ni manchettes ; si vous êtes, etc., etc. » Sur tous ces points, M. […] Calame, le sévère paysagiste, qui le premier abordait par son pinceau les hautes conquêtes alpestres tant rêvées par son ami, venait dîner les dimanches d’hiver avec lui ; entre ces deux hommes de franche nature, auxquels se joignait quelquefois M. […] Cet homme simple, et dont le lecteur croit devancer parfois la sagacité, se trouve toujours au niveau de chaque crise et la fait tourner à bien.
Les œuvres fines, nuancées, complexes, où l’on apprend à corriger les vérités absolues par des vérités contraires, qui forment le sens du relatif, si rare chez tous les hommes, devront venir ensuite. […] Le défaut que je signale est fréquent chez les femmes, il n’est pas rare non plus chez les hommes. […] Il y a là un trésor de notions sur l’homme et sur le monde, qu’on peut contrôler par soi-même et réduire à son usage. […] On pourra parler de l’homme : on ne sera jamais pris au dépourvu sur ce chapitre. […] et quelle leçon enfin tirer de là, sinon que le monde est mauvais et l’homme faible ?
L’impiété des hommes étant à son comble, c’était un grand signe que la consommation était proche. […] Ce fut, dit-on, le moment que Salomé choisit pour demander en faveur de ses fils les deux sièges à droite et à gauche du Fils de l’homme 1038. […] Parfois, il laissait percer contre ses ennemis un ressentiment sombre ; il racontait la parabole d’un homme noble, qui partit pour recueillir un royaume dans des pays éloignés ; mais à peine est-il parti que ses concitoyens ne veulent plus de lui. […] Le souvenir d’horreur que la sottise ou la méchanceté de cet homme laissa dans la tradition chrétienne a dû introduire ici quelque exagération. […] La conscience morale de l’homme du peuple est vive et juste, mais instable et inconséquente.
Le soir même du mariage, qui s’était célébré à grande pompe, et où la reine avait fait à la mariée l’honneur de lui donner la chemise (style du temps), à peine tout ce monde retiré, Sidonia comprit dès les premiers mots qu’elle avait affaire, dans M. de Courcelles, à un homme grossier et vil, et elle le méprisa. Elle prit sur elle de dissimuler pendant huit jours, eu égard à l’équipage qu’on lui faisait et aux cadeaux ; puis elle ne se contint plus : Je crus, dit-elle, qu’il y allait de ma gloire de ne point paraître entêtée d’un homme que personne n’estimait, et je donnai un si libre cours à mon aversion pour lui, qu’en un mois toute la France en fut informée. […] C’est un portrait de plus à ajouter à ceux de la galerie de Versailles, ou, si vous l’aimez mieux, c’est comme un émail de Petitot : Pour mon portrait, écrivait-elle à un homme qui l’aimait, je voudrais bien le faire sur l’idée que vous en avez conçue et qu’on voulût s’en rapporter à vos descriptions ; mais il faut dire naïvement ce qui en est. […] Quoique je ne me connusse guère aux marques d’une passion naissante, je ne laissai pas de comprendre que cette démarche d’un homme aussi brusque et aussi accablé d’affaires me voulait dire quelque chose. […] Elle eut, après tout, de la justesse et de l’économie jusque dans la prodigalité de ses qualités et de ses dons ; elle ne se contenta pas d’avoir de l’esprit, elle l’aima chez les autres ; elle rechercha les lumières, chose alors nouvelle, et sut partout s’entourer d’un cercle d’hommes distingués ; elle vécut enfin et mourut comme une grande dame, tandis que la pauvre Sidonia, avec tout son esprit et ses grâces, a fini comme une aventurière.
Lui aussi remit tout en question ; il voulut remodeler la société, la morale, l’éducation, la vie entière de l’homme sur des principes « naturels ». […] La recherche scientifique, telle que Claude Bernard la recommande, est un dialogue entre l’homme et la nature. […] Immanente à l’œuvre de Claude Bernard est ainsi l’affirmation d’un écart entre la logique de l’homme et celle de la nature. […] Il revient ainsi, implicitement, à la métaphysique ; mais il borne l’horizon de cette métaphysique à l’homme et aux choses humaines. […] Par sa morale, autant que par sa théorie de la nature et de l’homme, il a agi considérablement sur la pensée de son temps 36.
La destinée des hommes d’État et des grands citoyens qui ont ouvert, il y a quarante-quatre ans, l’ère mémorable de notre affranchissement politique et social, a été, dans la plupart des cas, orageuse, sanglante et violemment brisée. […] Chez nous, la tradition de la liberté n’a pu se perpétuer et s’affermir par les mêmes hommes qui avaient inauguré cette grande cause. […] Le général Knox, homme de parade, dressait un formulaire à la Dreux-Brézé. […] La grande masse de nos citoyens cependant demeure fidèle à ses principes républicains : tout ce qui est intéressé à la culture des terres est républicain ; il en est de même d’un grand nombre d’hommes de talent. […] Je vous donnerais la fièvre, si je vous nommais les apostats qui sont devenus les fauteurs de ces hérésies ; des hommes qui étaient des Salomons dans le Conseil et des Samsons sur le champ de bataille, et qui se sont laissé couper les cheveux par la prostituée d’Angleterre.
Être homme aujourd’hui, l’être d’intelligence et de cœur, c’est faire de même qu’alors, c’est cheminer avec tous dans une route laborieuse et confuse, mais dont le terme, à coup sûr, est sacré ! […] Scribe, pour l’acquit de ma conscience (car il le sait aussi bien que moi), que de notre temps, dans le monde, la profession d’homme à bonnes fortunes n’est pas si essentiellement distincte de celle d’avocat, médecin, agent de change, etc., qu’il le représente communément : ce sont là des classes artificielles qu’il imagine, des contrastes qui prêtent aux plaisanteries et aux couplets du genre, mais que des provinciaux seuls peuvent prendre au sérieux ! […] Un homme de cœur et de savoir, informé d’une supercherie infâme, qu’un Corps savant couronne par la main d’un prétendu géographe, se récrie dans une indignation généreuse ; mû d’un sentiment désintéressé, patriotique, il ose dire ce qu’il a vu, ce qu’il a connu ; il compromet son repos, il s’expose à un assassinat, et par là-dessus il encourt le blâme de ces honnêtes compilateurs, copistes sans critique et sans coup-d’œil, qui jugent avant tout qu’il a été un peu loin. […] Maurize vient de publier sous le titre de Dangers de la situation actuelle de la France, et qu’il adresse aux hommes sincères de tous les partis. […] Maurize le ton d’absolu dédain dont il traite les divers partis de ce qu’on appelle le mouvement, son cordial mépris pour tout ce qui est morale, politique, philosophie, pour tout ce qui a occupé jusqu’ici les plus grands hommes ?
Il s’agit d’atteindre non pas une espèce, mais Corneille, mais Hugo : et on les atteint, non pas par des expériences ou des procédés que chacun peut répéter et qui fournissent à tous des résultats invariables, mais par l’application de facultés qui, variables d’homme à homme, fournissent des résultats nécessairement relatifs et incertains. […] Elle fait que l’homme trouve dans un exercice de sa pensée, à la fois sa joie, son repos, son renouvellement. […] Je n’ai pas prononcé des noms à qui l’histoire politique fera honneur : il y a d’excellents hommes d’État, et de grands patriotes, dont les discours ne sauraient être comptés dans la littérature. […] Je n’ai admis dans le texte que les faits biographiques qui éclairaient les œuvres : les notes offriront très succinctement les biographies qui, sans expliquer les talents, rendent un peu de vie aux hommes en les localisant dans le temps et l’espace. […] Dans le plan de cette Histoire, on verra aisément que je me suis attaché à respecter la succession chronologique des hommes et des œuvres : c’est-à-dire, en somme, à représenter le plus possible le mouvement de la vie.
Le comte de Timey, qui était un homme très intelligent et très corrompu, a été l’amant de sa mère, femme d’un autre émigré français, Mme d’Evré. […] J’ai senti l’impuissance et la stérilité de cet homme, et il m’a presque irrité par ses prétentions. […] Et l’homme et la femme savent, de naissance, que dans le mal se trouve toute volupté. » — « Je comprends qu’on déserte une cause pour savoir ce qu’on éprouvera à en servir une autre. » — « Etre un homme utile m’a toujours paru quelque chose de bien hideux », etc… Et son catholicisme ! […] Ce qui me touche encore, c’est son dégoût des hommes et des choses ; de « ce qui est ». […] Cet homme, si peu simple — en apparence si obscur dans ses idées, si préoccupé d’étonner et de mystifier les autres, m’eût immensément déplu, j’imagine, à une première rencontre.
Détestable écrivain, penseur nul, savant de détails mais fermé à l’intuition exacte, vive, nue et crue d’une civilisation, il s’attachait à l’exactitude morte, et il n’avait jamais songé que des hommes avaient pensé d’autre sorte que lui dans les cuirasses et parmi les tapisseries qu’il exhumait. […] Et il a la malice nécessaire pour n’être pas, aux yeux des autres hommes, qui ne sont pas des anges, une figure ennuyeuse. […] Il est très difficile d’obliger les hommes, même ses sujets ; on s’en doutait. […] Voici un homme d’intelligence dont l’activité s’adonne au commerce du monde arabe. […] Des aventures, des hommes, des princes, des caractères, des héros, des femmes merveilleuses et d’émotion, des âmes qui s’exaltent et crient et s’acharnent et s’apaisent, du malheur qui s’obstine, et du lyrisme, et du cœur, et des larmes.
On peut se les figurer comme assez analogues aux meilleures populations du Liban, mais avec le don que n’ont pas celles-ci de fournir des grands hommes. […] Jésus, qui aimait à jouer sur les mots, disait parfois qu’il ferait d’eux des pêcheurs d’hommes 425. […] La séparation des hommes et des femmes, qui a empêché chez les peuples sémitiques tout développement délicat, était sans doute, alors comme de nos jours, beaucoup moins rigoureuse dans les campagnes et les villages que dans les grandes villes. […] La personnalité de cet homme extraordinaire, qui a imprimé un détour si vigoureux au christianisme naissant, ne se développa que plus tard. […] On se demandait qui serait alors le plus près du Fils de l’homme, figurant en quelque sorte comme son premier ministre et son assesseur.
Deshays n’a eu garde de lui donner cet air indigné et farouche qui convient si peu à un galant homme qu’une femme charmante prévient. […] Quelle différence encore entre ces amis qui tendent les mains au ressuscité de Deshays et cet homme prosterné qui éclaire avec un flambeau la scène de Jouvenet ! […] Est-ce qu’un homme sait qu’il est mort ? […] La seule expression vraie qu’il puisse avoir est celle d’un homme qui sort d’un sommeil profond ou d’une longue défaillance. […] Ce sont des riens ; mais quand un homme pense à ces riens, il n’oublie pas les grandes choses.
André Léo qui n’est pas une Mme de Staël, et qui est peut-être assez démocrate pour la mépriser, Mme André Léo, qui doit haïr le catholique Bonald, comme étant trop homme, à voulu se colleter à son tour, avec cette question du Divorce, qui, pour la femme, enferme toute sa destinée ; mais, chose dont il faut lui tenir compte, elle a méprisé les opinions athées de son parti. […] Le mariage est une loi dont les hommes, pauvres sacrilèges, ont voulu faire une institution… Si j’étais législateur, j’écrirais un seul article dans le code humain, L’Amour OU le mariage étant d’institution divine est nécessairement indissoluble. […] ne valait pas mieux que les hommes, j’y renonçai. » Dieu fut bien attrapé et elle le remplaça par l’Idéal, cette billevesée allemande, dont elle a dit ailleurs : « Le créateur de l’idéal, c’est l’amour. » Si elle s’entend, c’est une athée. […] Elle a la négation raisonnée de toute autorité et de toute hiérarchie, la fureur de l’égalité avec l’homme, dans l’intelligence, dans les œuvres, dans l’amour et surtout dans le mariage… Les femmes du temps de Molière ne faisaient que les savantes, et lui, en faisait des personnages de comédie. […] Mais à présent qu’elles ont passé du monde littéraire dans le monde moral et social, elles, veulent, absolument être de petits hommes — et les maris de leurs maris !
Le livre que voici est la révolte (ce n’est pas la revanche) d’un homme d’esprit, qui vit encore, contre l’ennui qui nous tue partout, même dans l’Histoire. […] Car, je l’ai dit, amuser et surprendre, voilà toute la visée actuelle d’Hippolyte Babou, qui est un homme d’esprit comme Rivarol l’entendait, et pas autrement. […] J’en mettrai comme vous autres, mes bons hommes, y mettez des faits ! […] C’est là ce qui sans doute explique qu’un homme comme lui ait pu se laisser prendre par madame de Sévigné, comme s’il eût été du bois dont on fait les Walckenaer ! […] Son histoire, à celle-là, — oubliée par la grande Histoire, — est assez obscure devant les hommes ; mais elle éclate devant Dieu, et Babou a su nous dégager de cette obscurité visible le rayonnement intérieur.
Avant d’être un homme d’esprit, avant d’être un conteur intéressant, mouvementé, joyeux ou pathétique, avant d’être un auteur de comédie ou de drame, et même avant d’être Alfieri, avant d’être un Dandy en vers, qui met son gant comme lord Byron ou Moore, il était poète sincèrement, primesautièrement poète, en dehors de toute fausse étude et de toute École corruptrice ! […] Choses et hommes, les analogies sautent aux yeux. […] M. de Beauvoir, tout en gardant l’individualité de sa touche, cette individualité qui fait qu’un homme est le Corrége en traitant les mêmes sujets que Raphaël, est aussi varié dans le choix de ses sujets que peut l’être un poète lyrique, un de ces poètes qu’un philosophe allemand, poète lui-même, et même plus poète que philosophe (Schelling), appelle « les abeilles intelligentes de l’Infini ». […] Un homme de race germanique a morfondu un rare génie dans ce qui aurait dévoré la supériorité de Goethe lui-même, c’est Bysshe Shelley, l’ami de Byron, le gendre de Godwin, l’auteur d’Alastor, et il est enseveli sous son œuvre comme un philosophe allemand sous son système. […] Or, un homme ému n’est encore que la moitié de l’écrivain et du poète, et il faut davantage.
… c’est peut-être parce qu’il n’est plus tout cela que, de loisir forcé, cet homme, fait pour les grandes besognes, et de prétention épique dans l’action comme dans la pensée, nous a donné ce ruminement d’Ahasverus, L’Enchanteur Merlin ! […] Et d’abord c’est, comme invention, le plus incroyablement naïf et le plus monstrueux abus de mémoire dont se soit jamais rendu coupable un homme qui veut qu’on croie à son originalité. […] Un homme ne se vole pas soi-même. […] Quinet, au lieu de trouver une inspiration personnelle, un fond de choses vierge, comme on est en droit de l’exiger de tout homme qui se donne les grands airs d’une épopée, on est assailli des plus importunes et, que dis-je ? […] Edgar Quinet ne sera pour nous que ce qu’il est aujourd’hui, — un homme qui a mis douze ans à faire un livre, mortellement ennuyeux, dans un genre faux, avec un talent faux et une poésie fausse !
Dites que cette littérature est ignorante, sans critique, se jetant à l’étourdie à travers tout, pleine de méprises, de quiproquo et de bévues que personne ne relève, ne prenant les choses et les hommes graves du passé que dans un caprice du moment, s’en faisant une contenance, un trait de couleur, un sujet de charmante et folle fantaisie ; et quand il s’agit d’être érudite, l’étant d’une érudition d’hier, toute de parade, soufflée et flatueuse ; et voilà qu’on peut vous nommer, même dans les jeunes, des esprits patients, analytiques, circonspects, en quête de l’antique et lointaine érudition, de celle à laquelle on n’arrive qu’à travers les langues, les années et les préparations silencieuses d’un régime de Port-Royal. […] Je crois pouvoir affirmer que tout écrivain qui a ce qu’on appelle du succès, c’est-à-dire, qui réunit des lecteurs autour de son œuvre ; que tout homme qui est assez heureux, assez malheureux veux-je dire, pour être en butte à l’admiration, aux éloges, à la haine et aux critiques, n’a pas un moment laissé reposer sa plume sur ses compositions… Dans mon enfance on m’a montré, comme un glorieux témoignage du génie de Bernardin de Saint-Pierre, la première page de Paul et Virginie, écrite quatorze fois de sa main. […] Cette espèce de critique est le refuge de quelques hommes distingués qui ne se croient pas de grands hommes, comme c’est trop l’usage de chaque commençant aujourd’hui ; qui ne méconnaissent pas leur époque, sans pour cela l’adorer ; qui, en se permettant eux-mêmes des essais d’art, de courtes et vives inventions, ne s’en exagèrent pas la portée, les livrent, comme chacun, à l’occasion, au vent qui passe, et subissent, quand il le faut, avec goût, la nécessité d’un temps qu’ils combattent et corrigent quelquefois, et dont ils se rendent toujours compte. Parmi les hommes assez rares de cette nature, nous ne pouvons pas ne pas mentionner M. […] Ce dernier portrait qui fera partie d’une galerie de nos hommes d’État n’est point contenu dans le Népenthés.
Cette philosophie rudimentaire, non pas vraie (je l’espère du moins), mais irréfutable, qui a très bien pu être celle du premier anthropoïde un peu intelligent et à laquelle les hommes les plus raffinés des derniers âges finiront peut-être par revenir après un long circuit inutile ; cette philosophie que Maupassant a pris la peine de formuler dans un de ses derniers volumes (Sur l’eau), est la froide source, secrète et profonde, d’où venaient à la plupart de ses petits récits leur âcre saveur. […] Bel-Ami est l’histoire — plus rapide et plus aisée, contée plutôt à la façon des limpides romans du xviiie siècle — d’un joli homme de proie. […] C’est l’histoire d’une femme et d’une jeune fille qui souffrent et d’un homme qui les fait souffrir ; et elles sont bonnes, et il n’est pas méchant, et tous sont irresponsables, et tout cela est bien triste. […] Une surface assez simple et des dessous incompréhensibles, n’est-ce pas tout l’homme ? […] Comment Olivier se met à aimer la jeune fille sans le savoir, et comment la comtesse s’en aperçoit et prend le parti désespéré d’en avertir son ami ; comment Bertin souffre d’aimer cette enfant — lui, un vieil homme — et comment la comtesse souffre de n’être plus aimée de ce vieil homme parce qu’elle n’est plus une jeune femme ; la lutte d’Olivier contre cette passion insensée et de la comtesse contre les premières flétrissures de l’âge ; et comment la jeune fille traverse tout ce drame (qu’elle a déchaîné) sans en soupçonner le premier mot ; et comment enfin les deux vieux amants assistent, impuissants, au supplice l’un de l’autre, jusqu’à ce qu’Olivier se réfugie dans une mort à demi volontaire : voilà tout le roman.
Il faut que nos hommes politiques aient conservé un reste d’idéalisme, un vague instinct de ce qui est grand ; vraiment, je crois qu’ils ont été calomniés ; il convient de les encourager et de leur bien montrer que cet instinct ne les trompe pas, et qu’ils ne sont pas dupes de cet idéalisme. […] C’est elle qui nous montre combien l’homme est petit par le corps et combien il est grand par l’esprit, puisque cette immensité éclatante où son corps n’est qu’un point obscur, son intelligence peut l’embrasser tout entière et en goûter la silencieuse harmonie. […] Vous savez ce qu’était l’homme sur la Terre, il y a quelques milliers d’années, et ce qu’il est aujourd’hui. […] Les anciens croyaient que tout était fait pour l’homme, et il faut croire que cette illusion est bien tenace, puisqu’il faut sans cesse la combattre. […] Mais enfin il n’est pas indifférent de remarquer qu’entre les deux points de vue il n’y a pas de désaccord, et que l’homme ayant poursuivi un but désintéressé, tout le reste lui est venu par surcroît.
Il imagine un peintre qui cessa de peindre pour une raison noble et subtile : la couleur, pense ce pauvre homme, est dans l’univers en quantité limitée ; celle qu’on perd à fabriquer de l’artificiel, on la vole à la nature que nos larcins condamnent à créer une vie plus pâle. […] Pourtant cette cabotine, il faut le reconnaître, sait se maquiller et un dauphin prit un singe pour un homme. […] Je l’admire surtout quand il se déguise en homme et en camelot. Parmi ces braves gens toujours prêts à nous offrir l’article d’actualité, question du jour ou portrait du grand homme qu’on fête, Jules est certainement un des plus lestes, un de ceux aussi dont la voix éraillée appelle le plus efficacement nos seigneurs les Bourgeois. […] Claretie a mis au passé la plupart de ses verbes, Seulement cet homme a beaucoup de travail.
S’il n’en était ainsi, l’homme, en s’éloignant toujours de son origine, serait devenu une sorte de monstre ; mais, par une loi de la Providence, plus il se civilise, plus il se rapproche de son premier état : il advient que la science au plus haut degré est l’ignorance, et que les arts parfaits sont la nature. Cette dernière nature, ou cette nature de la société, est la plus belle : le génie en est l’instinct, et la vertu l’innocence, car le génie et la vertu de l’homme civilisé ne sont que l’instinct et l’innocence perfectionnés du Sauvage. Or, personne ne peut comparer un Indien du Canada à Socrate, bien que le premier soit, rigoureusement parlant, aussi moral que le second ; ou bien il faudrait soutenir que la paix des passions non développées dans l’enfant a la même excellence que la paix des passions domptées dans l’homme ; que l’être à pures sensations est égal à l’être pensant, ce qui reviendrait à dire que faiblesse est aussi belle que force. […] D’un côté, l’homme sauvage, en s’emparant des arts, n’a pas assez de finesse pour les porter jusqu’à l’élégance, et l’homme social pas assez de simplicité pour redescendre à la seule nature. […] Et toi dont le nom seul trouble l’âme amoureuse, Des bois du Paraclet vestale malheureuse, Toi qui, sans prononcer de vulgaires serments, Fis connoître à l’amour de nouveaux sentiments ; Toi que l’homme sensible, abusé par lui-même, Se plaît à retrouver dans la femme qu’il aime, Héloïse !
Sur le fond, des hommes, des femmes, la bouche ouverte, les bras levés et en acclamations. […] Discours d’un homme sans goût et de peu du bonne foi. […] Il a un fils né avec l’étoffe d’un habile homme, mais à qui il a malheureusement appris à aimer le repos et à mépriser la gloire. […] Si ce Brutus-là, qui juge son fils si sévèrement, qui estime le talent de Pigalle, mais qui n’aime pas l’homme, avait été présent à la séance de l’académie française, lorsqu’on y prononça sur les prix ! […] Moette est un bon élève, et si le concours est sujet à l’erreur et à l’injustice, ce n’est jamais au point d’exclure l’homme de génie, et de donner la préférence à un sot décidé sur un habile homme.
Ce jeune page de la princesse de Conti, heureux et hardi comme un Gascon, quoiqu’il ne fût que de Périgueux, avait été accepté comme un grand homme à l’âge où l’on n’est presque jamais qu’un ridicule jeune homme, quand on doit devenir un homme plus tard. […] S’il en avait eu, aurait-il demandé sa grâce au Régent dans des vers que de Lescure a publiés à la fin de son volume, et, la grâce obtenue, se serait-il relevé d’à genoux, à la mort du Régent, pour frapper d’une dernière Philippique la mémoire de l’homme qu’il ne craignait plus et qui lui avait pardonné ? […] En présence d’un mérite si mince et si solitaire, on comprendrait à peine, même pour une heure, la béotienne admiration des contemporains de La Grange-Chancel, si l’on ne savait que l’admiration des hommes n’est le plus souvent ni générosité ni justice, mais joie grossière de se retrouver, soi et sa passion, dans l’œuvre d’un écrivain qui vous fait miroir, comme le ruisseau le faisait à cet imbécille de Narcisse ! […] Qu’il ait été un satirique effréné, à outrance, qu’il ait exagéré, qu’il en ait trop dit, que les objets se soient grossis, se soient défigurés sous la dilatation de son regard épouvanté ou indigné, qu’il ait calomnié même par le fait, mais à ses risques et périls, et en mettant sa tête au jeu sans la réclamer, la Critique, qui sait bien qu’un jour il parla la pensée de la France, et que l’homme qu’il accusait avait lui-même, par sa conduite et ses maximes, épaissi sur sa tête la nuée livide de si effroyables soupçons, la Critique l’innocenterait sans peine, si seulement il avait eu la bonne foi de sa colère, le vulgaire mouvement de sang de son indignation ! […] De même, il y a des esprits héroïques aussi à leur manière, qui ne craignent pas de dire nettement la vérité qui offense, de lever le fouet sur les lâches, les coquins, les infâmes ou les sots de leur temps, et ces esprits-là ne prendront pas pour eux la leçon à côté que leur donne de Lescure, en leur montrant les malheurs de La Grange-Chancel, qui ne fut pas, d’ailleurs, si malheureux, car pour faire ce service public de la satire qu’ont toujours respecté les hommes, il faut de rigueur du talent et de la conscience, et La Grange-Chancel n’en avait pas.
Gustave Planche aurait pu, si Dieu l’avait permis, être un homme d’esprit, comme Janin par exemple ; mais il ne l’était pas. C’était un bon sens très guindé dans une tête excessivement aride, un homme né podagre du cerveau, travaillé par une infécondité infiniment douloureuse, moins heureux tout le temps qu’il vécut que le lion de Milton, auquel il ne ressemblait pas, lequel finit par tirer sa croupe du chaos ; car il ne put jamais, lui, se dépêtrer des embarras obstinés de sa pensée, du vague des mots et du vide des choses au fond desquels il est mort plongé. […] L’examen littéraire se partageant entre plusieurs plumes, dans ce cantonnement mobile de la Variété qui devrait être une forteresse et qui n’est qu’une place publique, nous avons, sur le talent des mêmes hommes et la tendance et la portée des mêmes ouvrages, les appréciations les plus contradictoires. […] Nous n’ignorons pas que toute critique littéraire, pour être digne de ce nom, doit traverser l’œuvre et aller jusqu’à l’homme. […] Chateaubriand disait un jour : « Pour que la France soit gouvernée, il suffit de quatre hommes et d’un caporal dans chaque localité. » Ce sont ces quatre hommes et ce caporal que nous voulons donner à la littérature.
— pour s’enrégimenter parmi les travailleurs en poésie, parmi les hommes de la bagatelle poétique qui décrivent pour décrire, et font des vers… pour faire des vers. […] … Théophile Gautier avait vécu toute sa vie de poète sans être Parnassien, mais les Parnassiens l’ont réclamé comme un des leurs et ils se sont mis à l’ombre de ses ailes, à cet homme qui n’en avait pas — à cet uomo di sasso d’Émaux et Camées. […] Gozlan, qui n’était pas Parnassien, mais qui était surtout un homme d’esprit, a fait ce mot, qui n’est qu’une épigramme : « Alfred de Musset, c’est lord Byronnet. » M. […] pas aux poèmes étranges du grand homme qu’il adore, à ces merveilles d’invention qui s’appellent Le Giaour, Lara, Le Corsaire, etc., à ces chefs-d’œuvre d’impression pathétique et mystérieuse et de figures héroïques et fatales creusées dans l’imagination du lecteur comme aucun poète n’en creusa jamais à pareille profondeur dans l’imagination humaine… Non ! […] Paul Bourget est bien plus homme et bien plus poète quand il ne parle que de lui, de sa propre pensée, de ses propres sentiments, quand il ne chante que pour son propre compte, et quand lui, lui seul, s’agite dans les mystérieuses et prophétiques anxiétés de la destinée.
Mais, professeur, académicien et fils d’un homme de génie : trois bénéfices et presque trois canonicats ! […] la politique, l’administration et les hommes. […] Quoique Salvador ne soit pas strictement parlant un voyageur dans son ouvrage, il est facile de voir que son intelligence a les instincts, le mouvement, l’horizon, l’expansibilité des hommes de race voyageuse. […] C’est un écrivain véritable, qui a le don de la goutte de lumière tombant de la plume, et chez qui l’on peut constater deux qualités qui semblent s’exclure et qui peuvent faire un jour d’un homme un des maîtres de l’expression : la concentration et la transparence. […] Évidemment, l’esprit qui se joue avec cette aisance dans les difficultés d’un résumé où les événements et les hommes s’entassent, ne manque ni de force ni de souplesse.
monsieur Bossuet, vous êtes un brave homme ! […] Il a débuté par une espèce de poëme dantesque : la Cité des hommes. […] Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours. […] Et puis la prochaine génération d’hommes d’État promet peu d’être favorable au clergé. Guizot patiente, gêné peut-être à cet endroit par sa position même de protestant et par les ménagements dus à la conscience de la reine. — Mais viennent Thiers, Rémusat, les autres… Si le clergé remuait alors, il ne trouverait plus cette espèce de sympathie politique que les hommes essentiellement conservateurs sont accoutumés à lui accorder.
Mais les tendresses d’un héros ne ressemblent point à celles du reste des hommes : l’aigle n’encourage ses petits et ne les porte encore enfants sur son aile que pour les mieux accoutumer aux abîmes. Être le frère d’un grand homme, d’un de ces génies de civilisation et de ces fondateurs qui créent tout autour d’eux et qui inaugurent leur race, est à la fois un grand honneur et un grand fardeau. […] Il ne me manque point de vaisseaux, ni de matelots, ni d’un grand nombre d’officiers de zèle, mais il me manque des chefs qui aient du talent, du caractère et de l’énergie. » Le désir, le besoin de Napoléon eût été de susciter quelque part, dans les rangs trop éclaircis de ses flottes, un grand homme de mer et du premier ordre, qui pût tenir en échec la puissance rivale dans cette moitié flottante de l’empire du monde ; mais un tel génie, à la fois supérieur et spécial, se rencontre quand il plaît à la nature, et ne se suscite pas. […] Il lui confia 25,000 hommes de troupes bavaroises et wurtembergeoises, avec lesquelles le prince Jérôme s’empara de la Silésie, et rendit à la grande Armée, alors en Pologne, d’utiles services : « Le prince Jérôme, disait l’empereur dans un de ses bulletins, fait preuve d’une grande activité et montre les talents et la prudence qui ne sont d’ordinaire que les fruits d’une longue expérience. » — Le 14 mars 1807, Napoléon nommait son jeune frère général de division, et le 4 mai il écrivait au roi de Naples, Joseph : « Le prince Jérôme se conduit bien, j’en suis fort content, et je me trompe fort s’il n’y a pas en lui de quoi faire un homme de premier ordre.
Je sais seulement qu’aucun homme n’est plus inconnu que lui, et je sais aussi qu’il a fait un chef-d’œuvre, non pas un chef-d’œuvre étiqueté chef-d’œuvre à l’avance, comme en publient tous les jours nos jeunes maîtres, chantés sur tous les tons de la glapissante lyre — ou plutôt de la glapissante flûte contemporaine ; mais un admirable et pur et éternel chef-d’œuvre, un chef-d’œuvre qui suffit à immortaliser un nom et à faire bénir ce nom par tous les affamés du beau et du grand ; un chef-d’œuvre comme les artistes honnêtes et tourmentés, parfois, aux heures d’enthousiasme, ont rêvé d’en écrire un et comme ils n’en ont écrit aucun jusqu’ici. […] C’est, quelle qu’en soit la signification, un rappel aux choses du dehors, une voix qui arrive du monde ; cela ne fait pas partie intégrante du drame ; ces voix ne traversent pas l’œuvre comme tel souffle qui, dans les Aveugles, courbe toutes les têtes ; ici, à tel instant, le roi et la reine se doivent distraire du spectacle de la salle pour jeter les yeux vers ces hommes. […] Son évolution l’y entraîne ; et cet homme, qui a commencé par être un parfait artiste de légendes, finira par renoncer aux drames et aux œuvres imaginatives pour se consacrer exclusivement aux sciences morales. […] Maurice Maeterlinck, est un homme de génie authentique, un très grand phénomène de puissance mentale à la fin du xixe siècle. […] [Les Hommes d’aujourd’hui.]
Saint-Pol-Roux, la Procession qu’imagina son rêve, — et mon ravissement au spectacle des splendides reposoirs que son art sincère édifia… Il sera celui qu’il a défini, le Poète : l’entière humanité dans un seul homme, — car il marche, hautain, à la conquête de l’avenir, en semant, avec le geste large des forts, à la volée, le bon grain d’où naîtront des fleurs éternelles comme les pierreries. […] Camille Mauclair Un berger ivre de soleil et de thym, mais dont les moutons auraient égaré leurs bêlements sur le chemin de la lumineuse Damas, c’est peut-être tout Saint-Pol-Roux, poète simple à la ferveur gaie, en qui se recèle un adorateur farouche de la Pourpre… Voici un homme au cœur vrai, pour qui le monde visible existe, tumultueux traineur d’images de pierreries dans la sèche politesse de nos logiques latines, j’ai dit ailleurs : le Monticelli des lettres. […] Mais je salue en lui toutes les fougues et tout le ruissellement de sang et d’or des hommes de génie. […] La Dame à la Faulx besogne éternellement parmi les œuvres, les peuples, les hommes et les vœux des races, afin de faciliter la tâche des devins. […] L’homme s’appelle Magnus ; la femme, identifiée avec la vie, n’est autre que Divine ; Elle, c’est la mort, la Dame à la Faulx.
Et puis, s’il n’est pas arrivé à une vue des choses beaucoup plus consolante que l’auteur de Rolla , au moins est-ce par des voies très différentes ; sa mélancolie est d’une autre nature, moins vague et moins lâche, plus consciente de ces choses, plus digne d’un homme… M. […] S’il est vrai qu’une des facultés qui font les grands poètes c’est de saisir entre le monde moral et le monde matériel beaucoup plus de rapports et de plus inattendus que ne fait le commun des hommes, M. […] Quant au « poète » sentimental, qui est l’autre face de ce « poète » philosophe, je pense qu’il a déjà rejoint dans l’ingrate mémoire des hommes les faiseurs de romances du premier Empire, et Reboul et Dupaty ; ses tendresses sucrées, sirupeuses, sont vaines en effet, et cet amant eut sans doute toujours la tête chenue. […] C’est une heureuse illusion que celle des âmes simples qui croient que ce poète est religieux ; n’a-t-il pas gardé de la religion la seule chose essentielle : l’amour et le respect de l’homme ? […] [Les Hommes d’aujourd’hui.]
Darius envoya contre Athènes une armée de deux cent mille hommes, commandée par le Mède Datis et par son neveu Artaphernès. […] C’était un homme du temps d’Hippias, d’esprit et d’éducation despotique. […] Ce fut dans cette attaque que le frère d’Eschyle, Cynégire, eut les bras coupés en étreignant la galère ennemie qu’il mordit ensuite : abordage épique d’un homme et d’un vaisseau se déchirant corps à corps. […] L’oracle de Delphes, consulté par les Athéniens, leur ordonna d’adorer en lui le héros Échellos, c’est-à-dire « l’Homme au manche de charrue » : —’Εχέτλη : — sans cloute l’incarnation du pays rural, le moissonneur des gerbes se transformant en faucheur d’hommes, aux jours de combat.
La posterité pourra donc blâmer l’abus que nos poëtes tragiques ont fait de leur esprit, et les censurer un jour d’avoir donné le caractere de Tircis et de Philene, d’avoir fait faire toutes choses pour l’amour, à des personnages illustres et qui vivoient dans des siecles où l’idée qu’on avoit du caractere d’un grand homme n’admettoit pas le mêlange de pareilles foiblesses. […] Voilà ce qui rend les galands des tragedies françoises si differens des hommes veritablement amoureux. […] Voilà ce qui doit arriver tôt ou tard aux poëtes qui ne s’assujetissent pas à copier la nature dans leurs imitations, qui ne s’embarrassent point que leurs personnages ressemblent à des hommes, et qui sont trop contens quand ces personnages ont je ne sçais quel bon air. […] Un troisiéme est descendu dans une fosse aux lions pour en rapporter à sa dame le gand qu’elle n’y avoit jetté que pour l’envoïer chercher, et pour se faire un fort leger honneur au peril de la vie d’un homme dont l’entêtement meritoit du moins de la compassion. […] Les amoureux que les uns et les autres ont introduits dans leurs ouvrages ne sont pas de froids galands, mais des hommes livrez malgré eux à des transports qui les maîtrisent, et qui font souvent des efforts inutiles pour arracher de leur coeur des traits dont la morsure les desespere.
Devenus hommes, ils sont chargés, à leur tour, de toutes les imperfections dont ils se sont moqués. » Vous reconnaissez certainement quelques-uns des petits garçons qui furent vos camarades de classe. […] Or, j’ai dit que je le connais ; il est extrêmement agréable et bienveillant envers les personnes ; c’est un homme du meilleur caractère. […] Supposez un homme, de nos jours, qui ne lirait que de l’Anatole France, du Loti, du Lemaître, du Bourget, du Régnier… . […] Chateaubriand parle d’un auteur de son temps qui, chaque année, allait faire sa remonte d’idées en Allemagne ; un homme sage doit aller faire de temps en temps chez les mauvais auteurs la remonte de ses facultés d’admiration. […] Serait-il grand si je n’existais pas. » Tant y a qu’il n’est pas inutile de retremper son goût pour les hommes d’esprit dans le commerce des imbéciles.
Au reste, même à mesure que j’imprimais la première édition, je sentais déjà cette rapidité du mouvement qui entraîne les hommes et les choses. […] Je réimprime, aussi sans y rien changer, le Vieillard et le jeune Homme, ouvrage qui parut un an après le premier. […] Nodier disait plus loin : « Il est évident qu’un genre de considérations si élevé ne sera jamais la théorie d’un parti, parce qu’il est trop supérieur pour cela aux idées ordinaires, aux passions communes des hommes. […] Les entretiens du Vieillard et du jeune Homme sont plus explicites sur ce sujet. […] Je suis obligé de renvoyer de nouveau à l’ouvrage qui complète celui-ci, de même que pour la grande question sur les dynasties, qui se présente également, sous toutes les formes, dans l’Orphée, dans l’Homme sans nom, et à la fin du volume précédent.
Puis celle des Sismondi, des Louis Blanc, des Blanqui, — l’affreuse ventrée des économistes, — et la non moins horrible des hommes politiques, des Ledru-Rollin et des Mazzini ! […] Dans ce monde chrétien qui l’avait dompté, une possession d’État avait été, bien avant Rousseau, octroyée à l’individualisme ; et c’est un autre homme que Rousseau, c’était Descartes, qui avait fait le coup, lorsqu’il avait mis dans sa philosophie le Cogito, ergo sum : « Je pense, donc je suis », dont il répondra devant Dieu ! Seulement, de même que celui qui achève un homme est plus coupable que celui qui a commencé de le frapper, Rousseau acheva le mal commencé par Descartes, et le Traité de la Méthode fut complété par le Contrat social. […] Dans l’homme le plus fort, et Rousseau était le plus faible, le génie n’est jamais que le vassal des mœurs. […] Je conçois le mot lâche de Voltaire, qui disait : « La vie des hommes littéraires n’est que dans leurs écrits. » Il voulait y cacher la sienne.
Fontaney était un homme parfaitement distingué, dans le sens propre du mot, un de ces hommes auxquels il n’a manqué qu’une situation plus heureuse et plus élevée qui fît valoir en eux tous les mérites de l’esprit et du caractère. […] La révolution de juillet, qu’il épousa avec ardeur et dévouement à l’heure de la lutte, laissa de côté et en dehors : de tels hommes pourtant auraient mérité d’être employés. […] Fontaney, un de ces hommes avec qui l’on sent, avec qui l’on est d’accord même sans se revoir, et qui font, en disparaissant successivement, que notre meilleur temps se voile, et que la vie devient comme étrangère29.
— Les Œuvres et les Hommes, 1re édition (4 vol., 1861-1865). — Les Misérables de Victor Hugo (1862). — Les Quarante Médaillons de l’Académie (1863). — Le Chevalier des Touches (1864). — Un prêtre marié (1864) […] — Les Diaboliques (1874). — Les Bas-Bleus (1877). — Goethe et Diderot (1880). — Une histoire sans nom (1882). — Ce qui ne meurt pas (1884). — Les Vieilles Actrices, le Musée des Antiques (1884). — Les Ridicules du temps (1884). — Les Critiques ou les Juges jugés (1885). — Sensations d’art (1886). — Memoranda (1887). — Les Philosophes et les Écrivains religieux (1887). — Les Œuvres et les Hommes, seconde édition (1889 et années suivantes). […] Je ne sais personne à qui la définition « le style, c’est l’homme » puisse plus justement s’appliquer. […] C’est une des intelligences les plus profondes, les plus complètes et les plus complexes de ce temps-ci, que cet homme qui aurait pu être, à son gré, un condottiere comme Carmagnola, un politique comme César Borgia, un rêveur à la Machiavel, un corsaire comme Lara, et qui s’est contenté d’être un solitaire, écrivant des histoires pour lui-même et pour ses amis, faisant bon marché de l’argent et de la gloire, et, prodigue éperdu, semant à tous les vents assez de génie pour laisser croire qu’il en a le mépris… En M.
Pierre Quillard On crut d’abord que le vicomte de Guerne serait l’homme d’une œuvre unique et considérable, Les Siècles morts, où il a tenté d’inscrire la légende de quelques siècles, les plus lointains, de l’Orient, père des dieux féroces et des conquérants aussi féroces que les dieux ; il avait successivement assoupli sa langue et ses rythmes à redire la Chaldée et l’Iran hiératique en des poèmes massifs et sonores et à exprimer ensuite les subtilités de la Gnose et de l’Hellénisme finissant et de la première théologie chrétienne, si proche des métaphysiques ingénieuses et extravagantes qui lui furent contemporaines. […] Au seuil de l’antre, paré d’acanthes et de roses, les flûtes douces des pasteurs charment les vierges à l’œil bleu ; mais, au dedans, la sombre nuit règne comme au cœur vaste et profond des hommes. […] Et quand descend sur lui la grande ombre, une sorte de remords le prend pour les heures dépensées inutilement ; la foule des hommes haletait de souffrance et il s’est tu : Et des peuples, maudits par des mères en larmes, Sans nombre, résignés, marchaient dans un bruit d’armes, De clameurs, de chevaux, de foudres, de remparts S’écroulant d’un seul bloc sur les gazons épars. […] Et c’était dans les faubourgs des villes L’égorgement hideux des révoltes civiles ; Et sur le noir amas des cadavres, parmi Les fanfares, les champs, les salves, à demi Divinisé, sacré, béni, splendide, un homme, — Qu’importe, ô liberté !
Le style qui y regne, annonce, nous en convenons, une plume exercée, le ton d’un Critique pénétrant, qui croit démêler le principe des actions & apprécier justement les hommes ; mais des Critiques plus pénétrans retrouvent trop souvent le Romancier dans l’Historien, le Bel-Esprit académique dans l’Ecrivain, l’homme à prétention dans le Moraliste. […] Une connoissance profonde des hommes, des pensées neuves, des caracteres bien saisis, des peintures vraies, des réflexions justes, en font aimer la lecture à ceux qui ne sont pas révoltés par un certain pédantisme qui ne devroit pas se trouver au milieu des belles qualités que nous venons d’y reconnoître. […] Duclos eut des liaisons avec les Philosophes de nos jours, ces liaisons ne l’empêcherent point de condamner leurs travers, comme on peut en juger par le morceau suivant : « On déclame beaucoup, depuis un temps, contre les préjugés ; peut-être en a-t-on trop détruit : le préjugé est la loi du commun des hommes…..
Il fait aimer le premier, par l'adresse avec laquelle il présente, d'un côté, la douceur & la politesse ingénieuse de ses mœurs, & de l'autre, les divers agrémens de son style ; il fait admirer Montesquieu, en le représentant sous les traits précieux qui caractérisent l'Homme bienfaisant, le Moraliste profond, le Philosophe conséquent, & le Législateur des Nations. […] « De tout temps, la reconnoissance publique accompagnant le nom des Grands Hommes au delà du trépas, leur rendit des honneurs avoués de l'Envie même, soit pour les dédommager, par une gloire qui leur survit, des fatigues qu'elle leur avoit coutées, soit pour encourager les autres à supporter les mêmes travaux par l'espoir des mêmes récompenses. La Grece leur dressoit des Autels, Rome leur élevoit des Statues ; dans nos Gouvernemens modernes, l'Eloquence leur paye un tribut dont ils ne s'enorgueilliroient pas moins, s'il n'étoit réservé qu'au vrai talent, & si le grand nombre d'hommes obscurs qui le partagent, ne l'avoient, pour ainsi dire, avili. « Dans un Siecle aussi stérile que le nôtre en hommes supérieurs, on diroit que nos villes ne sont peuplées que de Héros en tout genre.
D’ailleurs, on l’y voit tel qu’il étoit, philosophe aimable, bon ami, homme officieux, enjoué sans apprêt, & se livrant sans effort aux sentimens que l’amitié lui inspire. […] On y voit un homme qui forcé d’habiter une retraite & d’avoir un correspondant à Paris, donne à ce correspondant des éloges que le cœur ne paroît pas dicter. […] Mais les Lettres étant puisées dans différens auteurs, qu’un homme, d’un esprit ordinaire, ne sçauroit imiter, ce recueil est beaucoup moins utile qu’on ne croit. Il faudroit pour un pareil livre, non un compilateur, mais un homme qui écrivît parfaitement dans le genre épistolaire, & qui composât lui-même toutes les Lettres avec le soin qu’un pareil travail demande.
L’avare et l’étranger (Haoussa) Il y avait un homme d’une avarice extrême qui quitta son village et s’en alla habiter à l’écart, tant il craignait que des étrangers ne vinssent lui demander l’hospitalité et partager avec lui son touho (couscouss). […] Il se rendit dans une grande forêt pleine de guinné qui tuaient tout homme qui passait par là. […] — « C’est l’homme qui habite là-bas. […] En route il rencontre un guinné qui avait pris la figure d’un homme et il lui raconte sa mésaventure.
Nos hommes ? […] Il est pâle et en sueur : un homme perdu. […] L’homme d’action préfère à lui-même son acte. […] Mais le présent tient au passé ; l’homme, contemporain dérive du vieil homme. […] Homme d’État, il eut des plaisirs de poète.
Cétait un gros homme, grave et réservé. […] Allais, le père, un homme de science et de mérite. […] Lamartine ne fut qu’un homme et un homme variable et tourmenté. […] Ce terrible homme apportait avec lui la zizanie. […] C’est un homme d’une quarantaine d’années.
Les hommes nés avec ce siècle ou un peu avant ont été le public immédiat de Béranger. […] Cette réserve et ce mystère sont d’un galant homme. […] Homo duplex : l’homme est double, dit le philosophe. […] Ce qui arrive aux arbres peut arriver aux hommes. […] Jamais nature ne nous fut plus sympathique ; nous aimions chez lui l’homme autant que le peintre, et le peintre autant que l’homme.
les hommes ne se donnent point la peine de démêler le sens véritable de toutes les paroles. […] Mais en fait de langue, on ne vient à bout de rien sans les hommes pour lesquels on parle. […] Ceux qu’elles regardent ont été, certes, hommes de mérite, et de leur temps. […] Vous savez qu’une femme qui a été aimée d’un grand homme excite facilement une curiosité vaine. […] Et toutefois y a-t-il un homme de bon sens capable de préférer les premiers aux seconds ?
La Peine de l’esprit, c’est notre histoire à tous, l’histoire de l’homme entre les séductions de l’idéal et les attractions de la réalité. […] Mais aussi Franz est un homme qui… qui n’aime pas Lydia, la petite tzigane, fi donc ! […] Et voilà l’homme. […] Voilà l’homme !
. — Souvent homme varie, comédie en vers (1859). — Les Funérailles de l’honneur, drame en cinq actes (1862). — Jean Baudry, comédie en quatre actes (1863). — Les Miettes de l’histoire (1863). — Le Fils, comédie en quatre actes (1866). — Mes premières années de Paris (1872). — Tragaldabas (1874). — Aujourd’hui et demain (1876). — Le Théâtre d’Auguste Vacquerie (1879). — Formosa, drame en quatre actes et en vers (1888). — Jalousie, drame en quatre actes (1888) […] Jules Lemaître J’ai pris le plus vif plaisir à la représentation de Souvent homme varie. […] Nous trouvons dans Souvent homme varie, à peu près tous les caractères qu’on attribue d’ordinaire aux œuvres de la littérature classique… J’oserai dire que Souvent homme varie est une fantaisie très sévèrement composée et déduite presque sans caprice, par un esprit très lucide et très raisonnable.
Si, comme l’a dit Ciceron, le parfait Orateur est un homme de probité qui sait bien parler, Vir bonus dicendi peritus, on peut assurer que cette définition ne convint jamais mieux qu’au célebre M. […] Il est aisé de sentir qu’à l’exemple des Grands Hommes qui se sont distingués, chacun dans leur genre, ce fut par une étude constante & réfléchie des Anciens. […] Vous êtes, Monsieur, si supérieur aux autres hommes, lui dit une autre fois une femme de qualité, pour qui il venoit de plaider, que si c’étoit le temps du Paganisme, je vous adorerois comme le Dieu de l’Eloquence. — Dans la vérité du Christianisme, Madame, lui répondit le sage Orateur, l’homme n’a rien dont il puisse s’approprier la gloire.
tout économiste moderne doit se sentir des entrailles pour l’homme du système, car c’est de cet homme que date, en France, « cette vive surexcitation de l’industrie » qui a remplacé la grande existence agricole d’autrefois. […] En vérité, ces exagérations d’économistes rappellent, à leur manière, les exagérations d’un autre genre dont on s’est tant moqué, quand les hommes de la fin du xviiie siècle, hébétés par le matérialisme, proclamaient que la Révolution française était toute dans le déficit financier. […] Les économistes oublient trop une pensée de Bonald, qu’il est peut-être bon de leur rappeler : « Les révolutions, comme les grandeurs des peuples, ont des causes matérielles et prochaines qui frappent les yeux les moins attentifs, mais ces causes ne sont, à proprement parler, que des occasions ; les véritables causes, les causes profondes et efficaces, sont toujours des causes morales, que les petits esprits et les hommes corrompus méconnaissent. » 1.
On peut néanmoins concevoir d’autres excitants d’une vraie charité, d’un sincère amour des hommes. […] Votre œuvre vous fait mieux connaître la vie et les hommes. […] C’est un fantoche, soit ; mais beaucoup d’hommes de la Révolution ont peut-être été des fantoches, et je ne vois pas d’époque où la disproportion ait paru si grande entre les hommes et les événements. […] Et voilà qu’elle apprend de son père et de sa mère que M. le syndic s’était trompé sur ses sentiments, le pauvre homme ! […] c’est d’être un homme, un pauvre diable d’homme.
Quelle modération (on a droit de le dire maintenant, après qu’on a lu les historiens ses successeurs) dans les jugements sur les hommes de la Convention, sur ces Montagnards qu’on l’accusait d’abord de trop favoriser ! […] Mais ici la rapidité n’est plus la même : c’est le complet auquel aspire l’historien dorénavant formé par la connaissance des affaires, et devenu à son tour homme d’État. […] Thiers est l’homme qui a déployé le plus d’habileté pour amener insensiblement à ses fins, pour mouvoir et conduire les grandes assemblées. […] C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir. […] Elle n’avait pas manqué de généraux en 1702, on était certain qu’elle ne manquerait ni d’hommes d’État ni d’orateurs en 1814 !
Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. […] Mais M. de Saint-Victor est un délicat et un difficile entre tous ; il a le goût élevé et même superbe : il n’est pas homme à se contenter aisément. […] M. de Saint-Victor est un homme de foi et de conviction dans l’art et dans les lettres : il perpétue en lui une race d’esprits qui diminue de jour en jour. Un tel homme doit faire grand cas de l’histoire et l’accepter, la rechercher surtout dans ses grandeurs, dans son éclat sombre, dans ce qu’elle a de majestueux, de sévère ou même de sinistre. […] Le critique s’est montré tout à fait absolutiste dans son jugement sur lui : envers cet homme d’une forte et amère ironie, la plus amère peut-être dont un esprit humain se soit montré capable, il a tenu à être violent aussi et sans rien qui adoucisse ou qui tempère.
puis sa flamme rapide, son naïf et irrésistible abandon, son attache soudaine et forcenée ; le caractère de Raymon surtout, ce caractère décevant, mis au jour et dévoilé en détail dans son misérable égoïsme, comme jamais homme, fût-il un Raymon, n’eût pu s’en rendre compte et ne l’eût osé dire ; une certaine amertume, une ironie mal déguisée contre la morale sociale et les iniquités de l’opinion, qui laisse entrevoir qu’on n’y a pas échappé ; tout, selon nous, dans cette production déchirante, justifie le soupçon qui a circulé, et en fait une lecture doublement romanesque, et par l’intérêt du récit en lui-même, et par je ne sais quelle identité mystérieuse et vivante que derrière ce récit le lecteur invinciblement suppose. […] Indiana ignore que l’homme qu’elle distingue, et qui semble lui devoir rendre l’espérance, le goût de la vie, s’est adressé à une autre qu’elle, et si près : le jour où Noun sait tout, ou plutôt la nuit orageuse et sinistre de cette découverte, la pauvre fille se noie. […] Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. […] Si les Raymon de Ramière au complet sont assez rares, grâce à Dieu, parce qu’une si agréable corruption suppose une réunion délicate d’heureuses qualités et de dons brillants, la plupart des hommes dans la société, à la manière dont ils prennent les femmes, se l’approchent autant qu’ils le peuvent de ce type favorisé. […] Dans le monde, le visage de ces hommes se compose et sourit invariablement par habitude, par artifice : dans la solitude, dans les moments de réflexion, en robe de chambre et en pantoufles, surprenez-les, ils sont sourcilleux, sombres ; ils se font, à la longue, un visage dur, mécontent et mauvais. — J’aurais autant aimé, de plus, qu’en accordant à Raymon de Ramière de grands talents et un rôle politique remarquable, on insistât moins sur son génie et sur l’influence de ses brochures : car, en vérité, comme les hommes de génie ou de talent qui écrivent des brochures en France, qui en écrivaient vers le temps du ministère Martignac ou peu auparavant, dans le cercle sacré de la monarchie selon la Charte, ne sont pas innombrables, je n’en puis voir qu’un seul à qui cette partie du signalement de Raymon convienne à merveille ; le nom de l’honorable écrivain connu vient donc inévitablement à l’esprit, et cette confrontation passagère, qui lui fait injure, ne fait pas moins tort à Raymon : il ne faut jamais supposer aux simples personnages de roman une part d’existence trop publique qui prête flanc à la notoriété et qu’il soit aisé de contrôler au grand jour et de démentir.
En réponse à l’admiration, à la bienveillance enthousiaste avec laquelle nous avons accueilli ses derniers grands hommes, l’Angleterre, en particulier, découronnée comme elle l’est aujourd’hui de ses plus beaux noms littéraires, se montre d’une sévérité singulière contre la France, qui, seule pourtant, depuis la disparition des Goethe, des Schiller, des Byron et des Scott, continue d’offrir une riche succession de poètes, et une variété renaissante de talents. […] Faites la police chez vous, Messieurs ; vous avez bien commencé par Byron, Shelley, par Godwin, par plusieurs de vos vrais poètes et de vos grands hommes, que votre pruderie a mis à l’index ; ce serait trop d’exigence à nous de nous plaindre. L’auteur de cet article courroucé peut, et même doit être un homme instruit, de sens, scholar distingué, sachant le grec, l’histoire, les langues. […] Dieu sait avec quelle horreur on parlait alors de Voltaire dans les honnêtes familles d’Angleterre, de Voltaire que l’auteur oppose à Jean-Jacques, comme un homme de génie à un fou. […] Une femme célèbre qui, en arrivant à la gloire, a été si indignement accueillie de toutes sortes d’injures qu’elle se doit à elle-même (pour le dire en passant) de redoubler de respect quand elle prononce certains noms illustres de son sexe ; cette femme, qui ne le cède à aucun homme en talent, n’échappe pas à la prise de l’auteur anglais.
Qu’on ajoute à cela l’amour naturel des hommes pour le merveilleux, & l’on ne s’étonnera plus que cette opinion ait été générale parmi les chrétiens. […] On en rendoit par songes ou sur des billets cachetés : mais ces oracles, ainsi que tous les autres, sentoient l’homme plus que le diable. […] Quelques fourbes adroits mirent à profit le desir que nous avons tous de connoître l’avenir : ils se donnèrent pour des hommes inspirés, & rendirent des oracles. […] Si ses ennemis, malgré toute leur cabale, ne purent le perdre, il ne comprit pas moins combien il est dangereux d’avoir raison dans des choses où des hommes acrédités ont tort. […] « C’est le nigaud le plus spirituel, & l’homme d’esprit le plus nigaud que je connoisse. » Mais on condamne, dans Dumarsais, les scènes d’irréligion qu’il donna plus d’une fois.
C’étoit un de ces hommes qui sont vains sans orgueil. […] Pour former un homme éloquent, l’art & le talent doivent concourir : mais l’art suppose le talent, le perfectionne & ne le donne pas. […] L’étiquette d’homme de collège ne l’empêcha point d’être lu des gens du monde : Et, quoiqu’en robe, on l’écoutoit ; Chose assez rare à son espèce. […] Gibert crut son autorité blessée : il n’étoit pas homme à laisser envahir sur elle. […] Où peut-on mieux connoître l’homme que sur le théâtre ?
On peut dire que jamais homme n’a mieux su que lui remplir le précepte, qui veut que la Comédie instruise en divertissant. Lorsqu’il a raillé les hommes sur leurs défauts, il leur a appris à s’en corriger, et nous verrions peut-être encore aujourd’hui régner les mêmes sottises qu’il a condamnées, si les portraits qu’il a fait d’après nature, n’avaient été autant de miroirs dans lesquels ceux qu’il a joués se sont reconnus. […] Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale ; en un mot, possédant, et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme. […] Jamais homme n’a si bien entré que lui dans ce qui fait le jeu naïf du Théâtre. […] Tout le monde a regretté un homme si rare, et le regrette encore tous les jours ; mais particulièrement les personnes qui ont du bon goût et de la délicatesse.
Cousin, qui proclamait, il y a peu d’années, que les philosophes « étaient désormais les seuls prêtres de l’avenir », et cela avec le contentement fastueux d’un homme qui en tenait sous clef tout un petit séminaire. […] » Avouez que c’est là une puissante manière de fortifier aux yeux des hommes la personnalité de Dieu ! […] Saisset, qui ne fut jamais rien de beaucoup plus qu’un joli sujet en philosophie, n’en a pas moins exercé la magistrature du bon sens et de la raison, en maint endroit de ses critiques, contre des hommes de l’imposance d’un Leibnitz, d’un Descartes, d’un Kant, d’un Spinosa. […] Saisset ne vénérerait pas la force jusque dans l’abus qu’on fait d’elle, un bon sens plus fier n’aurait pas de ces attitudes devant les gauchissements du génie ou ses crimes, car les fautes intellectuelles d’un homme investi de facultés transcendantes peuvent aller jusque-là, mais il faut se rappeler que M. […] Ainsi pour Spinosa, par exemple, dont il voit très bien le vice radical et profond, le vice irrémissible, il reste sans conclure, par le mépris mérité, avec ce fakir hollandais et juif, beaucoup trop vanté, né de la Kabbale et du Gnosticisme dans un coin, et qui ne fut jamais que le génie obscur de l’abstraction et de la géométrie, dévoyé dans l’étude de l’homme.
Ses meilleurs endroits sont toujours les ébauches faciles, assez gracieuses dans leur facilité, d’un homme qui, peut-être, sera un artiste demain. […] mais qui est nécessaire à la moyenne des hommes, même avec d’assez jolies facultés. […] C’étaient celles de tous les hommes qui peuvent faire des vers plus ou moins agréablement attendris et nous répéter, en y glissant leur faiblesse d’organe, des airs connus qu’on avait entendu mieux chanter ! Car, enfant par la balbutie, il l’est encore par l’imitation, cet enfant incorrigible à lui-même et incorrigé par la Critique qui le gâta, dès qu’elle le vit, et qui, pour cette raison, ne lui donna jamais l’âpre envie de devenir un homme. […] Puisqu’on l’a nommé l’Henri Heine aussi bien que le Sterne du Pays Latin et que son latin, il l’apprit beaucoup dans ces deux hommes qu’il nous a vulgarisés et débraillés, je reconnais encore mieux le Heine que le Sterne, quoique cet Heine-là soit encore plus Alfred de Musset !
d’aucune façon, un rabelaisien, un homme de franche lippée, un de ces rouleurs de futailles à qui les futailles le rendent bien ! […] Il est des gens qui s’y tromperont sans doute, qui prendront le mur plein d’ombre pour l’homme qui s’y appuie, la matière qui se montre, en ces poésies, pour l’âme qui s’y cache, et le dessus pour le dessous. […] Consolation qui n’est jamais complète, et c’est son charme, — un homme consolé est presque aussi plat qu’un homme heureux, — résignation plutôt, chose que je ne vanterai jamais assez, tant elle est rare, et dont le poète est doué en M. de Châtillon, comme s’il avait été élevé auprès du rouet de quelque bienfaisante Fée pauvre ! Et il l’a été en effet, pour penser, ce fils d’hommes armés, avec ce désarmement de pensées : Je ne demande rien en somme, Ne flattant pas, on le sait bien… Ma route est solitaire comme La route où l’on ne gagne rien ! […] Et si les hommes à regarder font trop de peine, regardez les choses, et dites, entre le Réalisme en art et en littérature et le Positivisme en philosophie, si l’Idéal peut encore tomber !
affecta et contamina, dans sa meilleure époque, de je ne sais quoi d’inférieur et de bourgeois, les conceptions d’hommes qui avaient pourtant du génie, à présent qu’en tarissant il s’est mêlé aux autres grossièretés d’une vie qui se matérialise chaque jour davantage et que, sous cette théorie et sous ce nom de réalisme, il aspire à gouverner une littérature décadente, ne doit-il pas abaisser plus que jamais des talents moins faits pour résister à ses influences et nuire à leurs inspirations ? […] C’est la trente-six millième répétition de celui de toutes les jeunes filles contrariées par leurs parents dans leurs libres inclinations et qui, circonvenues, tourmentées, sacrifiées, épousent enfin, à la place du jeune homme qu’elles aiment, quelque vieil homme riche qu’elles n’aiment pas ! […] Duranty, aurait une beauté amère et touchante, suspendue qu’elle est si longtemps entre sa pitié pour des parents qu’elle afflige et le loyal honneur d’une promesse faite a un homme qui a semblé l’abandonner ! […] Tout a croulé de ce livre frappé dans la seule beauté qu’il pût avoir ; et lorsque je me suis demandé l’explication de cette bévue esthétique dans un homme dont j’affirme aujourd’hui le talent comme écrivain et comme observateur, il a bien fallu me répondre par le réaliste, le réaliste qui se détourne systématiquement de l’idéal ! […] Il les pointillé sans les rapetisser ; cependant, malgré les infériorités du livre et de l’homme, nous ne craignons pas d’affirmer que Le Malheur d’Henriette Gérard est, tel que le voilà, le roman le plus fort et, qu’on me passe le mot, le mieux tricoté de tous les livres de ce genre qui aient paru depuis Madame Bovary.
Dire : l’homme est un animal, c’est classer l’espèce homme dans le genre des animaux ; ce qui suppose une série de raisonnements où l’on tient compte des différences, des ressemblances et de leurs rapports selon les lois de la nature. […] L’image de tel homme est isolée, l’image de l’homme a pour cortège une multitude d’images d’hommes qui arrivent comme un flot dans les régions de la sub-conscience. […] Tous les hommes connus sont morts ; Deuxième terme : Absence de faits négatifs. Nul homme qui ne soit mort. […] Pour montrer cette identité, on intercale la proposition intermédiaire : Pierre est homme.
Dacier admiratrice de Socrate, ose admirer : voilà l’homme qui prépara de loin de poison dont des Juges infames firent périr l’homme le plus vertueux de la Grèce. […] “C’est d’après eux, dit un homme d’esprit, qu’on regarde comme le modèle des bons Princes, un homme à qui les crimes les plus atroces n’ont jamais rien coûté. […] Quelques hommes d’un goût bizarre trouvent cette momerie fort plaisante. […] C’étoit un homme de génie, mais sans regle, sans frein, sans goût. […] Quand le christianisme eut éclairé les hommes, il épura leurs mœurs, mais il ne put parvenir à perfectionner leur goût.
Chapman (c’était le nom de l’homme de loi), il élut domicile au Temple, qui est le quartier des légistes de profession, et là, tandis qu’il vivait seul, il ressentit les premières atteintes de la maladie qui, sous une forme ou sous une autre, reparut et persista cruellement aux diverses époques de sa vie. […] Ses facultés étaient revenues assez au complet dès le huitième mois, depuis une visite qu’il reçut de son frère le révérend John Cowper, homme d’église, savant et régulier, et qui était venu de Cambridge pour le voir, en juillet 1764. […] Le vieux monsieur me conduit à Cambridge dans sa voiture : c’est un homme de savoir, de bon sens, et aussi simple que le curé Adams (dans le roman de Joseph Andrews, de Fielding). […] Newton, homme révéré par un troupeau choisi. […] Il n’est pas étonnant, remarque-t-il encore, que mon intime connaissance avec ces échantillons de l’espèce m’ait appris à avoir en horreur l’amusement du chasseur ; celui-ci sait bien peu quelles aimables créatures il persécute, de quelle gratitude ils sont capables, combien ils sont folâtres et gais d’humeur, avec quel bonheur ils jouissent de la vie, et que s’ils sont pénétrés, comme on les voit, d’une crainte si particulière de l’homme, c’est uniquement parce que l’homme leur a donné trop de motifs pour cela.
M. de Courchamps était un singulier homme : quand il signait de son nom quelque ouvrage, on lui démontrait qu’il le prenait à d’autres, qu’il était plagiaire et n’avait pas le droit d’y mettre son nom. […] Ces hommes qui rejettent les dogmes du catholicisme, admettent toutes les superstitions connues. […] Ce qui la rapproche surtout de cet homme de grand esprit et qui avait laissé jusqu à présent trop peu de souvenir, c’est une certaine conformité dans la manière de juger les choses et les personnes, le besoin de causer à cœur ouvert, d’être entendue de quelqu’un. […] L’homme était frotté de bon ton, les pages qu’il griffonnait s’en ressentirent. […] Enfin je ne trouve pas qu’on puisse subsister avec les hommes habituellement. » Jolie conclusion qu’on ne devrait tirer que la veille de sa mort !
Mais l’originalité individuelle de La Mennais s’y marque de bonne heure tout entière, et quand on a vu s’accomplir toute la destinée de l’homme, ce tableau du commencement, publié le dernier, devient comme une justification frappante et un abrégé vivant qui contenait toute la suite. […] Savez-vous que cet extrait d’homme était un ferrailleur redoutable ? […] L’évêque de Nantes, Duvoisin, avec ses principes gallicans ou semi-gallicans, n’est pas plus son homme que ne le seront plus tard tous ceux qui chercheront une voie moyenne. […] C’est la meilleure pâte de petit homme qui soit au monde ; mais le voilà sans carte et sans boussole, et rien ne garantit qu’il n’échouera pas au premier écueil. Cet homme avait besoin d’une route toute tracée d’avance.
Figurez-vous un malheureux homme entretenu sans le savoir, logé, défrayé, à demi nourri peut-être, par l’amant de sa femme ! […] Et pas un mot de reconnaissance, pas un regard d’affection pour le pauvre homme attaché à la roue qui fait tourner son joyeux moulin ! […] Ainsi, celle qui détruit son bonheur est la femme de l’homme qui a été son bienfaiteur et son père, et son mari est celui qui le déshonore ! […] Elle se jette entre les deux hommes et, d’un geste, leur montre l’abîme qui les sépare à jamais. […] cet homme est le mari de sa fille !
Si vous étiez homme de lettres et tant soit peu philosophe, voici l’emploi régulier que vous aviez à faire de votre semaine : dimanche et jeudi, dîner chez le baron d’Holbach ; lundi et mercredi, dîner chez Mme Geoffrin ; mardi, dîner chez M. […] Tout atteste que M. de Mora, fort jeune encore, était un homme d’un mérite supérieur et destiné à un grand avenir, s’il avait vécu. […] quarante ans ; elle regrettait amèrement le départ de M. de Mora, ce véritable homme délicat et sensible, ce véritable homme supérieur, quand elle s’engagea à aimer M. de Guibert, ce faux grand homme, mais qui était présent et séduisant. […] Un moraliste du xviiie siècle, qui savait son monde, M. de Meilhan, a dit : « En France, les grandes passions sont aussi rares que les grands hommes. » M. de Mora ne trouvait pas même que les femmes espagnoles pussent entrer en comparaison avec son amie : « Oh ! […] Il revient, elle s’enivre, elle cède ; elle a des remords ; elle le juge mieux ; elle voit avec effroi sa méprise ; elle le voit tel qu’il est, homme de bruit, de vanité, de succès, non d’intimité, ayant, avant tout, besoin de se répandre, agité, excité du dehors sans être profondément ému.
On est en avril 1711, et la famille royale est encore au complet, lorsque tout à coup on apprend que le fils de Louis XIV, Monseigneur, gros homme d’une cinquantaine d’années, et à qui le trône semblait destiné prochainement selon l’ordre naturel, vient de tomber dangereusement malade à Meudon. […] Il était mal avec Monseigneur et avec ses entours ; aussi cette nouvelle soudaine du danger où se trouvait le malade lui fut tout d’abord des plus agréables ; il le confesse sans hypocrisie : « Je passai, dit-il, la journée dans un mouvement vague de flux et de reflux, tenant l’honnête homme et le chrétien en garde contre l’homme et le courtisan. » Mais il a beau faire et se tenir de son mieux, l’homme naturel l’emporte, et il se laisse aller à des espérances riantes d’avenir ; car il était très bien avec la petite cour du duc de Bourgogne, lequel, par la mort de son père, se trouvait ainsi à la veille de régner. […] Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui. […] Restons-en sur l’incroyable aveu de jubilation qu’on vient de lire, et disons hardiment : Tel était cet homme qui ne ment pas, qui ne dissimule pas, qui ne se fait pas meilleur qu’il n’est, et qui se trahit lui-même par son pinceau comme il traduit les autres. […] Saint-Simon pourtant, dans son ensemble, n’était point un homme tout à fait supérieur, en ce sens qu’avec des portions et des facultés supérieures de l’esprit, avec des dons singuliers, il n’a point su gouverner, distribuer le tout, et donner à ses points de vue la proportion et l’harmonie qui remettent à leur place les vanités ou les préjugés, et qui laissent régner les lumières.
J’en connais qui n’ont pas moins d’esprit et de discrétion que de charme et de beauté ; mais ce sont des singularités que la nature, par dessein ou par caprice, se plaît quelquefois à nous donner… Ces femmes extraordinaires semblent avoir emprunté le mérite des hommes, et peut-être qu’elles font une espèce d’infidélité à leur sexe, de passer ainsi de leur naturelle condition aux vrais avantages de la nôtre. […] Je ne l’ai point voulu chercher parmi les hommes, parce qu’il manque toujours à leur commerce je ne sais quelle douceur qu’on rencontre en celui des femmes ; et j’ai cru moins impossible de trouver dans une femme la plus forte et la plus saine raison des hommes, que dans un homme les charmes et les agréments naturels aux femmes. […] Mlle Anne de Lenclos (car Ninon n’est qu’un diminutif galant), née à Paris, le 15 mai 1616, d’un père gentilhomme, grand duelliste, cabaleur, esprit fort, musicien et homme de plaisir, et d’une mère exacte et sévère, se trouva orpheline à quinze ans, et très disposée à jouir de sa liberté avec une hardiesse assaisonnée d’esprit et tempérée de goût, qui allait rappeler l’existence des courtisanes de la Grèce. […] « La vertu des femmes est la plus belle invention des hommes », ce mot singulier, qui est d’une muse spirituelle de notre temps, semble volé à Ninon. […] S’il veut profiter de ce qui nous reste d’honnêtes abbés en l’absence de la Cour, il sera traité comme un homme que vous estimez. » Ces abbés de distinction étaient en effet assez nombreux, vers la fin, dans le cercle de Ninon : c’étaient l’abbé de Châteauneuf, le parrain de Voltaire, l’abbé Regnier-Desmarais, l’abbé Fraguier, l’abbé Gédoyn, et d’autres encore, tous gens de savoir et à la fois gens du monde et de goût.
On ne conçoit pas pourquoi cet homme a laissé sa confession générale par écrit… L’effet fut pourtant tout différent de celui que présageait d’Argenson. […] L’homme de la seconde époque, chez tous deux, n’a pas eu carrière à se développer. […] Maintes fois, il le reconnaît lui-même, il manquait de bon sens dans les déterminations, et il est des circonstances où il se reproche de n’en avoir pas eu un grain ; il était sujet à des éblouissements, à des coups d’imagination dont savent se préserver les hommes de qui la pensée doit guider et gouverner les empires. […] Il nous a expliqué, avec une franchise que rien n’égale, les moyens qu’il prit pour se procurer de la considération dans le clergé et de la faveur parmi ses ouailles, non seulement à titre d’homme de parti, mais en qualité d’archevêque, et cela sans se rien retrancher de ses vices secrets et de ses faiblesses. […] Ce n’est là qu’un premier crayon du livre et de l’homme ; il me coûterait de dire que je n’y reviendrai pas.