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1469. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

. — J’aurais autant aimé, de plus, qu’en accordant à Raymon de Ramière de grands talents et un rôle politique remarquable, on insistât moins sur son génie et sur l’influence de ses brochures : car, en vérité, comme les hommes de génie ou de talent qui écrivent des brochures en France, qui en écrivaient vers le temps du ministère Martignac ou peu auparavant, dans le cercle sacré de la monarchie selon la Charte, ne sont pas innombrables, je n’en puis voir qu’un seul à qui cette partie du signalement de Raymon convienne à merveille ; le nom de l’honorable écrivain connu vient donc inévitablement à l’esprit, et cette confrontation passagère, qui lui fait injure, ne fait pas moins tort à Raymon : il ne faut jamais supposer aux simples personnages de roman une part d’existence trop publique qui prête flanc à la notoriété et qu’il soit aisé de contrôler au grand jour et de démentir.

1470. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol, qu’on n’accusera pas d’irrévérence envers aucun génie antique, établit la différence et la distance de l’un à l’autre par des caractères incontestables. […] Jusque dans les Bucoliques pourtant, Virgile, ce génie naturellement grave, sérieux et mélancolique, présage déjà son originalité sur deux points : la Xe églogue, si passionnée, en mémoire de Gallus, laisse déjà éclater les accents du chantre de Didon, et la IVe églogue à Pollion, toute religieuse et sibylline, toute digne d’un consul, fait entrevoir dans le lointain les beautés sévères et sacrées du VIe livre de l’Enéide.

1471. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

Dieu sait avec quelle horreur on parlait alors de Voltaire dans les honnêtes familles d’Angleterre, de Voltaire que l’auteur oppose à Jean-Jacques, comme un homme de génie à un fou. […] Heureuse cette littérature à la fois plus démocratique et plus aristocratique, plus raffinée et plus audacieuse, moins moyenne en un mot, si elle n’est pas jetée hors de toute beauté et de tout calme d’exécution, hors d’un certain bon sens indispensable au génie et de certaines conditions éternelles de l’art, par la pruderie, l’honnêteté exemplaire et les prétentions établies de l’autre littérature !

1472. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Les écrits de Bacon caractérisent son génie plutôt que son siècle. […] L’homme de génie fait quelques pas dans des sentiers inconnus ; mais il ne faut pas moins que la force commune et réunie des siècles et des nations pour frayer les grandes routes.

1473. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Depuis Cicéron et Sénèque, depuis Épictète et Sénèque on n’avait jamais écrit sur l’homme avec autant d’ampleur et de précision : ce que l’esprit français enrichi par l’éducation classique fera excellemment, la description des traits généraux de l’homme moral, je le trouve dans Calvin, qui se place ainsi aux sources mêmes du génie classique. […] Les autres œuvres françaises, d’un tour moins oratoire, représentent plus au naturel peut-être le vrai génie de Calvin.

1474. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Heureux ceux qui, ayant le génie, obtiennent, à cet âge, le théâtre où ils le mettront en lumière ! […] Il est en droit aussi de déclarer que nul, en son temps, ne posséda aussi complètement et au même degré le don spécial du théâtre, le génie dramatique, qu’il pratiqua « le métier » en ouvrier incomparable, qu’à ce point de vue, Hugo, malgré Hernani et Ruy Blas, Vigny, malgré la Maréchale d’Ancre et Chatterton, lui furent bien inférieurs.

1475. (1890) L’avenir de la science « I »

La vie des hommes de génie présente presque toujours le ravissant spectacle d’une vaste capacité intellectuelle jointe à un sens poétique très élevé et à une charmante bonté d’âme, si bien que leur vie, dans sa calme et suave placidité, est presque toujours leur plus bel ouvrage et forme une partie essentielle de leurs oeuvres complètes. […] Tous les génies sont universels quant à l’objet de leurs travaux, et, autant les petits esprits sont insoutenables quand ils veulent établir la prééminence exclusive de leur art, autant les grands hommes ont raison quand ils soutiennent que leur art est le tout de l’homme, puisqu’il leur sert en effet à exprimer la chose indivise par excellence, l’âme, Dieu.

1476. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Le peuple, qui a l’avenir et qui n’a pas le présent ; le peuple, orphelin, pauvre, intelligent et fort ; placé très bas, et aspirant très haut ; ayant sur le dos les marques de la servitude et dans le cœur les préméditations du génie ; le peuple, valet des grands seigneurs, et amoureux, dans sa misère et dans son abjection, de la seule figure qui, au milieu de cette société écroulée, représente pour lui, dans un divin rayonnement, l’autorité, la charité et la fécondité. […] Alors don Salluste serait l’égoïsme absolu, le souci sans repos ; don César, son contraire, serait le désintéressement et l’insouciance ; on verrait dans Ruy Blas le génie et la passion comprimés par la société, et s’élançant d’autant plus haut que la compression est plus violente ; la reine enfin, ce serait la vertu minée par l’ennui.

1477. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Ce sont presque les premiers beaux génies que la France ait produits. […] Pour mettre aux prises ces deux rares génies, il ne falloit qu’une occasion ; elle s’offrir bientôt.

1478. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Le succès de ses études fut tel qu’on pouvait l’attendre d’un génie aussi heureux que le sien. […] Ce qui était cause de cette inégalité dans ses ouvrages, dont quelques-uns semblent négligés en comparaison des autres, c’est qu’il était obligé d’assujettir son génie à des sujets qu’on lui prescrivait, et de travailler avec une très grande précipitation, soit par les Ordres du Roi, soit par la nécessité des affaires de la Troupe, sans que son travail le détournât de l’extrême application, et des études particulières qu’il faisait sur tous les grands rôles qu’il se donnait dans ses Pièces.

1479. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

J’appelle ici causes morales, celles qui operent en faveur des arts, sans donner réellement plus d’esprit aux artisans, et en un mot sans faire dans la nature aucun changement physique, mais qui sont seulement pour les artisans une occasion de perfectionner leur génie, parce que ces causes leur rendent le travail plus facile, et parce qu’elles les excitent par l’émulation et par les recompenses, à l’étude et à l’application. […] Dès que ce prince eût commencé de regner par lui-même, il fit des établissemens les plus favorables aux personnes de génie, qui jamais aïent été faits par aucun souverain.

1480. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

nous ne les méprisons pas ; ils aimèrent les lettres et travaillèrent chacun comme il put et par son bout à cette trame de la langue française, plus avancée par un homme de génie, dans son inspiration solitaire et puissante, que par tous les travaux de fourmi et collectifs des académies. […] Il savait bien, le grand ministre, qu’elle ne serait jamais, dans l’avenir comme dans le présent, autre chose qu’une moyenne d’intelligences distinguées de différent degré, avec, de temps en temps, l’aérolithe de quelque homme de génie qui lui tomberait du ciel, quand elle aurait l’esprit de le ramasser.

1481. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Lenient » pp. 287-299

Avec ce beau sujet de la Satire en France pendant le Moyen Âge, avec ce titre d’un bonheur terrible, car le livre doit en mourir s’il n’est pas au niveau de ce titre heureux, la Critique, qui était en droit d’exiger des généralités de génie ou une histoire à fond, ne trouve devant elle que les allures pressées, mal appuyées et sans trace, du tableau ou de la leçon. […] Peut-être de cet homme raboté, vernissé par une éducation spéciale, sortira-t-il enfin quelque petite voix naturelle, quelque petite voix de génie, comme d’un étui de maroquin noir tout uni, centième exemplaire de la même boîte, peut très bien sortir une charmante mandoline dont les sons ne s’oublient jamais une fois qu’on les a entendus !

1482. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Quand Hildebrand faisait tout trembler, quand on avait peur de son génie, Voigt publiait un livre courageux qui donnait du cœur aux poltrons. […] II Pour bien comprendre le ferme et placide génie du cardinal Ximénès, il faut, en effet, l’intelligence du catholicisme et du Moyen Âge ; car, malgré le millésime de son avènement aux affaires, Ximénès est, avant tout, un homme du Moyen Âge, et un saint.

1483. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Le mot méprisant d’Oxenstiern : « On ne sait pas combien il faut peu de génie pour gouverner les hommes… » est bien plus vrai quand il s’agit de ces dominations inférieures que les femmes exercent sur nous. […] L’esprit de conversation désorientait de ses feux et de ses éclats ce génie nonchalant et triste, qui broyait longtemps ses couleurs en silence.

1484. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Quand une race finit par des hommes comme le Régent, Égalité et Louis-Philippe, il est presque naturel qu’on oublie que leurs prédécesseurs furent, comme eux, les Mauvais Génies de la France ! III Car c’est à dater du Régent que le mal fait par les d’Orléans s’élargit et grandit comme un gouffre… Malgré son impuissance politique et ses vices, le Régent, à qui Crétineau-Joly, que j’appelais une coquette de vérité il n’y a qu’un moment, accorde trop généreusement « des éclairs de génie et des conceptions diplomatiques d’une haute portée », le Régent est encore, si on y regarde de près, le meilleur de ces trois hommes que j’ai nommés plus haut et dont le pire est encore le second, mais dont le troisième acheva à son profit le mal commis par les deux autres.

1485. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Plus grand qu’eux tous enfin, l’empereur Napoléon, qui un moment put se croire Charlemagne, — et qui, plus catholique, peut-être l’aurait été, et a trop fait voir qu’il ne l’était pas, — Napoléon, ce Napoléon qui, par parenthèse, avait pensé à donner à son fils pour précepteur le catholique Bonald, si son fils n’avait pas été le roi de Rome, Napoléon lui-même, malgré tout son génie, avait partagé l’erreur commune — cette erreur qu’on pourrait appeler la grande erreur du xixe  siècle ! […] Seulement il en ressort, avec une netteté qui effraye, que s’il y a jamais une monarchie dans l’avenir ce ne pourra être que la monarchie fille aînée de l’Église, redevenue soumise et obéissante à sa mère, sous peine de n’être qu’une face retournée de la Révolution qui n’a pas fini de bouleverser le monde, et elle ne sera rien de plus qu’une monarchie de passage, qui s’en ira et disparaîtra avec les autres au premier souffle de cette révolution qui est le génie infatigable des tempêtes !

1486. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Et c’est difficile, car c’est le poids du siècle, et le génie seul est assez robuste pour pouvoir rejeter ce fardeau… Dans tout poète, il y a deux choses : ce que Dieu y a mis et ce que le monde, dont nous faisons partie, y ajoute. […] méconnaît tout à coup le génie de l’Églogue, et ne fait plus que la bucolique utilitaire et bourgeoise des civilisations progressives qui mettent la ville à la campagne.

1487. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

La jeunesse a des admirations qui, — tout le temps qu’elle dure, — ont le charme de sa faiblesse, car, excepté les grands génies originaux qui n’imitent personne, chacun part d’un autre pour arriver… enfin à soi. […] affecta et contamina, dans sa meilleure époque, de je ne sais quoi d’inférieur et de bourgeois, les conceptions d’hommes qui avaient pourtant du génie, à présent qu’en tarissant il s’est mêlé aux autres grossièretés d’une vie qui se matérialise chaque jour davantage et que, sous cette théorie et sous ce nom de réalisme, il aspire à gouverner une littérature décadente, ne doit-il pas abaisser plus que jamais des talents moins faits pour résister à ses influences et nuire à leurs inspirations ?

1488. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Irons-nous jusqu’à dire qu’il eut un grand génie ? […] Shakespeare avait un autre génie et sa Cléopâtre est vivante. […] Elle l’était de naissance et de génie. […] Et c’est bien du génie, cela ! […] Elles n’ont de prix que celui que le génie leur donne.

1489. (1888) Études sur le XIXe siècle

Dans un de ses dialogues, le Tasse et son génie familier conversent sur ce point en termes d’une touchante naïveté. […] » En sorte que le Génie est obligé de lui expliquer, avec beaucoup de bon sens, qu’on ne peut reprocher aux femmes « d’être de chair et, de sang, comme nous, et non d’ambroisie et de nectar ». […] Les poètes de l’époque classique ont pris au moins autant de peine pour déterminer la direction de leur génie que pour en réaliser les conceptions. […] Or Victor Hugo a possédé à un degré unique cette faculté suprême de l’expression : le génie des mots. […] Peut-être que la notion du génie est en train de changer.

1490. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Tout médiocre qu’il est, il n’a pas laissé de frayer la carriere à un Génie justement célebre parmi nous.

1491. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Bachelier »

Tous ces chercheurs de méthodes nouvelles n’ont point de génie.

1492. (1763) Salon de 1763 « Peintures — M. Favray, Chevalier de Malte et Académicien » p. 248

C’est un morceau d’un travail immense ; je louerai, si l’on veut, la patience de l’artiste ; pour son génie, certes, s’il en eût eu une étincelle, il aurait fait autre chose.

1493. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 248

Rousseau, qu’il est plus facile de prendre le nom d’un homme célebre, que de s’approprier son génie.

1494. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 385

Selon toutes les apparences, son génie ne s’enflammoit que par la fermentation de sa bile.

1495. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 304

On chercheroit vainement dans ses Mémoires, tels qu'il les a écrits lui-même [en dépit de ce que M. de Voltaire a pu dire pour prouver qu'il n'en étoit pas l'Auteur], de l'ordre, de la suite, de la précision ; mais on y reconnoît un génie supérieur, qui, lors même qu'il néglige les devoirs de l'Ecrivain, annonce le Grand Homme.

1496. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Venevault »

C’est au centre une pyramide dont la base est surchargée de trophées ; c’est Minerve ; c’est sur le bouclier de la déesse l’effigie du héros ; ce sont des génies lourds et bêtes ; c’est une campagne ; c’est une montagne ; c’est sur cette montagne le temple de la gloire ; ce sont des savants et des artistes qui y grimpent, mais entre lesquels on ne voit pas M. 

1497. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Tel paraît avoir été toujours le caractère de l’amour de Pétrarque ; s’il fut payé quelquefois de reconnaissance, de grâce et de sourire, il ne fut jamais payé d’aucun retour criminel ; c’était une folie du génie que l’on pardonnait et qu’on encourageait même dans une adoration sans mystère. […] Ces Mécènes ecclésiastiques ou laïques rivalisaient alors, en Italie, de patronage pour les grands talents susceptibles de servir leur propre gloire ; le palais du cardinal Colonna était la cour du génie italien. […] M. le baron Robert a, comme nous, la superstition du génie et de l’amour de Laure et de Pétrarque. […] Son génie était dans son amour : dès qu’il s’en séparait, il n’était plus qu’un érudit ; dès qu’il y revenait, il était le plus harmonieux et le plus tendre des poètes. […] C’est peu ; il songeait sérieusement à aller à Rome porter le secours de son génie au tribun.

1498. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

En recevant le volume de poésies, Goethe reconnut vite un de ses disciples et de ses amis comme le génie en a à tous les degrés ; non content de faire à l’auteur une réponse de sa main, il exprima tout haut la bonne opinion qu’il avait conçue de lui. […] Mais il ne faisait vraiment cas, en fait de génies, que de ceux de la grande race, de ceux qui durent, dont l’influence vraiment féconde se prolonge, se perpétue au-delà, de génération en génération, et continue de créer après eux. Les génies purement d’art et de forme, et de phrases, dénués de ce germe d’invention fertile, et doués d’une action simplement viagère, se trouvent en réalité bien moins grands qu’ils ne paraissent, et, le premier bruit tombé, ils ne revivent pas. […] Il semblait régner du droit divin du génie. […] Il découvrit dans un livre un jeune homme pauvre et souffrant, le seul rival que la nature pouvait lui opposer, Schiller ; il l’appela à Iéna, puis à Weimar, tourna sur lui l’amitié du grand-duc, travailla en commun avec lui, en fit son frère, et lui prêta la moitié de son génie.

1499. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Le Livres des rois, de Firdousi, est sûrement une bien mauvaise histoire de la Perse ; et pourtant ce beau poème nous représente mieux le génie de la Perse que ne le ferait l’histoire la plus exacte ; il nous donne ses légendes et ses traditions épiques, c’est-à-dire son âme. […] Ils ont cet instinct moral, ce bon sens pratique et sans grande profondeur d’analyse, mais populaire et facile, qui fait le génie des religions, joint à ce don prophétique qui souvent sait parler de Dieu plus éloquemment et surtout plus abondamment que la science et le rationalisme. […] Toute manière de réaliser le beau est légitime, et le génie a toujours le même droit de créer. […] Nous n’ôterons rien à la gloire de l’illustre auteur du Génie du Christianisme en lui refusant le titre d’helléniste. Il admire (Génie du Christianisme, liv. 

1500. (1894) Textes critiques

Du réel (au sens vulgaire) assez pour insuffler l’humanité aux fantoches et que le sang jaillisse couleur de lèvres de nos coups d’ongle au fœtus de terre glaise pétri par le génie des paumes du dramaturge magnétiseur.‌ […] Le vertical Tapis d’Anquetin remonte à sa trame l’or des paons, et sur son pailllasson le génie a essuyé la poussière de précieuses pierres de ses semelles. […] Deux diètes se peuvent : l’embryon non gravé irradie en toutes directions, et au bout du temps, biotermon de l’œuvre année scolaire, sera génie, ayant tout en lui réel ; — et ceci n’est qu’illusion, car il est mémoire. […] — Je suis loin, bien loin de ces génies, mais Dieu a peut-être mis quelque chose de leur cœur en moi ? […] Des forces près desquelles l’électricité des phonographes et microphones d’Edison, trop matérielle, est rudimentaire, changent le monde en restant si semblables aux causes naturelles (caractéristiques de l’œuvre de génie) que sans absurdité on ne peut pas les nier.

1501. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On conçoit d’ailleurs ces dissidences naturelles et cette sorte d’antipathie instinctive entre une école scientifique tout analytique et précise, et une autre qui ne se refusait ni l’éclat ni les couleurs ; mais d’Alembert se laissait emporter à ses préventions personnelles lorsqu’il disait à propos des systèmes de Bailly et de Buffon qu’il associait dans sa pensée : « Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs idées creuses… » Dans la familiarité de la correspondance et lorsqu’il n’est point retenu par le public, d’Alembert s’abandonne souvent ainsi à des injustices presque injurieuses, dites d’un style assez commun. […] Il me semble que le caractère de Bailly se dessine ici sous sa propre plume : hâtons-nous d’ajouter que cet homme si sensible, si touché, si peu au fait, ce semble, des mille circonstances compliquées et confuses de la société de son époque, et qui manque certainement de génie et de coup d’œil politique, ne manquera nullement de fermeté et de force de résistance dès que le devoir et la conscience lui parleront. […] Quelque jour on connaîtra, on dira le génie infernal et le bailleur de fonds. » Hélas !

1502. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Mais, pour s’élever à une telle conception, il fallait, outre le génie d’abord et le don individuel, il fallait une poésie non contrôlée, non tenue en laisse ou conduite à la lisière par le prêtre de la paroisse lisant sa leçon entre deux scènes ; il fallait une poésie biblique émancipée doublement et par la Réforme et par la Renaissance, un poëte chrétien ayant lu Homère, ayant senti Luther, ayant connu Cromwell, ayant vu sortir déjà tous les fruits amers et féconds de l’arbre de science. […] Non qu’il fût impossible qu’un poëte de talent et de génie naquît vers le xve  siècle et, moins gêné alors par les données et les règles de la tradition sacrée, ne marquât de son cachet une œuvre qui fût par quelque coin originale et d’un mérite encore appréciable aujourd’hui. Mais cette rencontre heureuse a manqué, n’en déplaise à ceux qui voudraient à toute force découvrir aujourd’hui ce génie absent.

1503. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Qui peut se flatter d’avoir une idée nette et précise de la série de ces événements tour à tour glorieux et déplorables, fruits du génie et de l’audace, des vertus les plus sublimes et des vices les plus bas, de la droiture la plus respectable et de l’iniquité la plus perverse, qui ont ébranlé le globe entier ? […] La question de guerre primait tout à ses yeux ; il la voulait active, brûlante, offensive, conforme au génie français. […] Il y fit preuve, à défaut de génie spécial, du même zèle qu’à Brest, d’une faculté de labeur infatigable, et, dans quelques-uns de ses projets, d’instincts vastes et généreux.

1504. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

La nouvelle reine arrivait dans le monde le plus gâté, le plus embrouillé d’intrigues, le plus capable d’abominations de toute sorte, et il lui eût fallu un vrai génie pour s’y reconnaître de bonne heure et y prendre la place qu’on aurait hésité peut-être à lui disputer ; mais elle n’était pas une Élisabeth de Parme ; elle n’avait que de la droiture et de la vertu. […] Je ne sais quel don, quelle supériorité de nature et de caractère, ce qu’il lui aurait fallu d’énergie poursuivre le conseil de Villars qui lui disait dès le lendemain de son arrivée à Fontainebleau : « Madame, la satisfaction est générale du mariage et des commencements, et tout ce qui connaît les grandes qualités qui sont en vous désire que vous preniez empire sur l’esprit du roi. » Ambition, génie, éclair, étincelle, feu d’enfer ou feu sacré, de quelque nom qu’on vous appelle, quand des particulières qui ne savent qu’en faire vous possèdent, on est en droit de vous réclamer chez les reines ! […] Pourquoi la vertu n’est-elle pas visitée aussi du génie ou du démon de plaire ?

1505. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Ce changement, il est curieux de le remarquer, se trouve précisément l’inverse de celui qu’on a vu chez les poëtes anglais de l’école des Lacs, les mêmes avec qui notre poëte a plus d’une ressemblance pour le génie. […] Et comme, avant ce poëme et avant Jocelyn, les volumes du Voyage en Orientavaient été déjà, malgré d’admirables pages, une négligence trop prolongée et trop avouée, comme la préface de Jocelyn même contenait quelques assertions littéraires très-peu justifiables, qui avaient pu s’éclipser devant une charmante lecture, mais que la pratique d’aujourd’hui revient éclairer ; comme, enfin, le volume en ce moment publié sous le nom de Recueillements affiche de plus en plus ces dissipations d’un beau génie, il est temps de le dire ; au troisième chant du coq, on a droit de s’écrier, et d’avertir le poëte le plus aimé qu’il renie sa gloire. […] Quant au génie poétique de M. de Lamartine, qui, malgré tant de déviations récentes, n’a jamais été plus puissant dans son jet et dans sa source, c’est à lui de voir si, par ce cri d’alarme, nous signalons un naufrage ou si nous le prévenons.

1506. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Aura-t-on à présenter, sous les phénomènes excentriques éclatants qui illustrent et compromettent aussi une époque, et dans l’entre-deux de ces hasards de génie aussi souvent insensés que glorieux, un fonds plus sage, un corps de réserve et d’élite encore, rebelle à entamer, sensé, judicieux, fin, mesurant applaudissement ou sentence sur ce qui joue et brille ou s’égare devant lui ? […] Certes, s’il ne s’agit que d’apprécier les ressources et la portée du génie individuel, l’étendue de ressort qu’on lui pouvait supposer, les applications plus ou moins larges qui s’en pouvaient faire, nous dirons que M. de La Mennais dans son ordre, et M. de Lamartine dans le sien, ont témoigné une flexibilité, une vigueur ou une grâce, une amplitude en divers sens, que leurs premières œuvres ne démontraient pas. […] Hugo a donné à la fois les plus belles marques de son génie lyrique dans les Feuilles d’Automne, et de son talent de prosateur dans sa Notre-Dame de Paris ; Marion Delorme aussi (une œuvre dramatique véritable) n’a paru à la scène que depuis 1830.

1507. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Pline n’est pas le moins du monde un Aristote, c’est-à-dire un génie directement observateur et original, critiquant l’objet de ses expériences ou de ses lectures, et aspirant à découvrir les vraies lois. […] Il faut voir dans le texte (car les meilleures traductions sont pâles en ces endroits) avec quelle effusion il célèbre ce beau génie, le seul que le peuple romain ait produit de vraiment égal à son empire : « Je te salue, ô toi, s’écrie-t-il, qui le premier fus nommé Père de la patrie, toi qui le premier méritas le triomphe sans quitter la toge… » À quelques livres de là nous apprenons à regret que le fils indigne de l’illustre orateur était un buveur éhonté ; qu’il se vantait d’avaler d’un seul trait des mesures de vin immenses ; qu’un jour qu’il était ivre, il jeta une coupe à la tête d’Agrippa : « Sans doute, dit ironiquement Pline, ce Cicéron voulait enlever à Marc-Antoine, meurtrier de son père, la palme du buveur. » Le livre de Pline sur l’Homme est rempli de particularités, d’anecdotes intéressantes et qu’on ne trouve que là. […] La gloire du génie le préoccupe et y tient une grande place.

1508. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Au-dessous du génie, qui est le don unique de la nature, il est de nobles places encore, et Droz se plaît à les indiquer aux jeunes talents comme des degrés honorables dans lesquels ils peuvent se rendre utiles et mériter l’estime : « Et peut-être est-ce là le partage, ajoute-t-il, qu’il faut demander pour ceux dont on désire le bonheur ; avec plus de moyens on s’élève à bien des périls. » C’est ainsi que, dès les premiers pas, cette âme élevée et justement tempérée circonscrit elle-même la limite de son désir et marque d’avance son niveau. […] Droz a senti qu’en révolution il ne fallait pas abdiquer sitôt, qu’il existait alors un homme de génie, le seul même qu’eût produit le mouvement de 89, Mirabeau, et que tant qu’avait vécu ce puissant mortel, il n’y avait pas eu lieu de désespérer tout à fait d’une direction politique. […] Grâce à lui, ce qu’il appelle les trois phases de la vie politique de Mirabeau depuis 89 jusqu’à sa mort, les circonstances particulières et les vicissitudes de ses relations avec la Cour, sont aussi éclaircies désormais qu’il est permis de l’espérer22, et, quelque jugement qu’on porte sur le caractère de l’homme, le génie de Mirabeau en ressort plus grand, il est piquant de voir cet esprit juste, droit et pur de M. 

1509. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

Quant à moi, au milieu de toutes les preuves de talent, de génie naturel, d’esprit même et de sagacité que donne M. de Lamartine dans les pages flottantes et dans les fresques inachevées de ses Histoires, je m’attendrai toujours à toutes les distractions et à tous les lapsus de pinceau de la part de quelqu’un qui, ayant à parler de Camille Desmoulins pour son Vieux Cordelier, a trouvé moyen de le comparer à Fénelon. […] Ses joues, autrefois veinées de muscles et creusées par la consomption du génie, étaient pleines, larges, débordaient comme celles d’Othon dans les médailles romaines de l’Empire. […] Peu importent, encore une fois, ces bagatelles : il y a longtemps qu’on a dû en faire son deuil avec M. de Lamartine, ne plus même lui donner de conseils, et se contenter de profiter, en le lisant, de tout ce qui échappe encore d’heureux aux rapidités et aux négligences de son génie.

1510. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Le génie antisocial, le fils de la terre, doit être étouffé par le génie de la civilisation, par l’enfant des dieux. […] La légitimité française vient de sauver l’Europe de l’anarchie dont elle était menacée ; sans cette légitimité, l’Europe aurait acheté de notre ruine et de sa propre ruine la chute de ce génie oppresseur qui pesait sur elle et sur nous.

1511. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

En d’autres termes, l’auteur des Grandes Dames ne fait pas une fois, dans les livres qui portent ce nom, ce qu’a su faire Stendhal, ce bourgeois enragé de l’être, qui ne connaissait pas le faubourg Saint-Germain et qui a planté si bien une Mathilde de La Môle sur sa base, comme s’il était des salons du faubourg Saint-Germain, et avec le génie qu’on n’a pas au faubourg Saint-Germain. […] Un ou deux hommes de génie ont pu seuls, dans le néant de société moderne des temps, nous y faire croire, au faubourg Saint-Germain, en nous ressuscitant des types de ce monde merveilleux, l’enchantement de nos ancêtres. […] Mais ces hommes avaient du génie, et pour faire ce qu’ils ont fait, il ne fallait pas moins que cela.

1512. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

Le jour venu, les applaudissements, la popularité, les annonces des journaux, l’affluence du public, l’intérêt de parti, le sentiment de la gloire, le transportaient jusqu’au génie. […] Ma curiosité n’avait pu se dérober à ces objections puissantes, semées comme la poussière dans l’atmosphère que je respirais par le génie de deux siècles de scepticisme. […] Qu’il échoue ou qu’il réussisse, il a soulevé toute la science, et il a prouvé souvent plus de génie que le physicien le plus adroit et le plus heureux.

1513. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel. […] Ils l’ont tenté en Allemagne avec une audace héroïque, un génie sublime, et une imprudence plus grande encore que leur génie et leur audace.

1514. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

En même temps un souffle venait de l’Allemagne, qui, d’accord avec le génie du moment, entraînait les âmes avides vers les tentations décevantes du panthéisme. […] Rien n’est plus contraire au génie de Biran, le spéculatif par excellence. […] Dans cette théorie, le génie devance les faits ; il n’en est pas l’expression, il en est la cause. […] Taine, la théorie du génie est toute différente. Le génie n’est qu’un effet, il est le résultat et la combinaison de tous les phénomènes coexistant à un moment donné.

1515. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Comme qui dirait le Faust du second Faust, ingénieur de génie après avoir été l’immense poète vivant de Méphistophélès et possesseur de cette blonde Marguerite ! […] La Fontaine lui a donné le fatal exemple et leur génie ne les absout pas plus que son esprit — en prose, n’absout Le d’ailleurs « affreux Voltaire ». […] Génie incontestable, éclatant fréquemment surtout vers le milieu de l’œuvre, des pages comme Gastibelza, superbe cri de jalousie quasi bastiale dans quel sinistrement voluptueux paysage ! […] On sait que le mot et l’idée de liberté décuplent le génie de Victor Hugo. […] Cette science mêlée à celle de notre littérature classique, dont Racine est le pur prototype, produisit, n’en doutons pas, dès cette époque le Génie du Christianisme, qui fit révolution !

1516. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article »

Ce n’est pas l’enthousiasme, la noblesse, ni l’élégance qui caractérisent le génie de sa Muse : Santeuil, son devancier, lui est infiniment supérieur à tous ces égards : mais le Recteur de l’Université a pour partage le nombre, la douceur, & quelquefois le sentiment.

1517. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 444

Il s’est exercé dans le genre des Contes de la Fontaine & des Epigrammes de Rousseau, sans songer qu’il n’avoit ni le même génie que ces deux Poëtes, ni les mêmes qualités pour se faire pardonner ses licences.

1518. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Le lutrin plaît par une satyre fine, et par une conduite riante et ingénieuse, qui n’est pas moins l’effet du génie, que le plus grave sublime. […] Le génie a ses caprices, et la raison ne le discipline pas toûjours comme elle voudroit. […] Le second orgüeil naît du jugement trop favorable qu’ils portent de leurs productions : ils n’estiment que leur maniere, et ils méprisent tout ce qui ne lui ressemble pas : leur sorte de génie, leur goût, c’est la perfection. Le génie, le goût des autres, c’est ignorance de l’art. […] Cet homme pourroit faire un poëme où le génie perceroit à travers le défaut de sa matiere ; mais que seroit-ce que ces héros ?

1519. (1902) Le critique mort jeune

L’écrivain inexpérimenté croit que la liberté favorise son génie. […] On me dit qu’un grand journal sud-américain, connu pour les sympathies qu’il témoigne au génie français, lui donne la parole devant deux ou trois cent mille lecteurs. […] Mais le dire en vers, c’est une idée de génie. […] Comme l’avait bien vu Voltaire, éclairé par le génie antisémitique de l’occident, la France avait envie d’aller à quatre pattes et de manger du foin. […] Et ce fut le cas de Chateaubriand qui introduisit le génie de Rousseau dans le Génie du christianisme, qui servit les Bourbons mais en saluant d’un hosanna toutes les chutes et toutes les infortunes des dynasties et qui put quitter le monde satisfait par le cataclysme final de 1848.

1520. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Quels poètes, l’un et l’autre, et quels pénétrants génies ! […] J’en conclus que son génie fut le fruit de toutes ces épreuves ; il ne naquit pas, mais émergea naïf et pur, de ses infortunes et de ses joies ; il n’en fut pas le produit, mais il y prit son essor. […] La nature du génie de ces deux grands hommes, la même quant à l’essence, fut évidemment modifiée dans les deux cas par leur éducation première et l’existence qui s’en suivit. […] », qu’il devait devenir et rester ; Soulié, qui promit plus qu’il ne tint et finit, comme tant d’autres, sans que la misère excuse un crime ou délit littéraire, par le roman-feuilleton ; Dumas, à qui l’on pardonne tout, en raison de sa verve qui touche au génie ; George Sand, le génie fait femme avec Desbordes-Valmore ; Balzac enfin ! […] Qu’est-ce que cela d’ailleurs peut faire au génie et au talent ?

1521. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 446

Il auroit poussé plus loin le génie de l’invention, si sa pétulance naturelle lui eût laissé le temps de combiner & de perfectionner ses découvertes.

1522. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 501

Ses Imitateurs se sont infiniment multipliés, mais n’ont point approché de ses succès ; aussi n’avoient-ils pas le même génie.

1523. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article »

Ce n'est pas qu'on n'y trouve de l'esprit, du savoir, & même un certain talent ; mais il manque de goût & de sentiment, & l'on sait que le génie même auroit de la peine à soutenir un Poëme dépourvu de ces deux qualités.

1524. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Espérons qu’il aura plus de génie civil que son oncle n’avait eu de génie militaire. […] XIX Le génie et la passion sont quelquefois politiques. M. de Chateaubriand avait de la passion et du génie : passion de jeune émigré pour les Bourbons, dieux de sa jeunesse ; génie des hautes affaires, qui donne aux hommes comme lui les grandes inspirations pour les républiques ou pour les monarchies.

1525. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Toute la force et toute la gloire littéraires de Port-Royal, en somme, si l’on met Racine à part, sont ramassées dans Pascal : il représente pour nous toute la hauteur intellectuelle et morale de la doctrine janséniste, qu’il agrandit de la vaste originalité de son génie. […] Son instruction littéraire paraît avoir été fort courte ; de ce côté Pascal est un « ignorant » de génie : c’est l’effet qu’il produira plus tard à tout le monde. […] Tout est subordonné à la démonstration que l’écrivain veut faire : il n’applique son rare génie qu’à choisir les meilleurs moyens de l’opérer. […] C’est qu’avec la précision de son génie scientifique, Pascal ne nous montre aucun objet, qu’il ne lui ait arraché le secret de son essence intime, et qu’il n’ait suivi, aussi loin que la pensée peut aller, l’action qui en rayonne à travers l’infinité de la nature. […] J’aurais à parler maintenant du style de Pascal : il faut être, a-t-il dit quelque part, « pyrrhonien, géomètre, chrétien » ; et son style, comme son génie, est tout cela, et tire ses qualités de cette triple essence : une analyse aiguë, un raisonnement puissant, une dévotion passionnée, voilà les éléments qui s’amalgament étrangement et font le style le plus fort, le plus suggestif, et le plus séduisant qu’il y ait.

1526. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Corbeiller, Jean-Maurice (1859-1936) »

Le Corbeiller n’en a pas moins le mérite d’avoir dit, je crois, et fort bien dit, dans les vers que j’ai cités, l’essentiel sur le génie d’Alfred de Musset.

1527. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 464

Quelques-unes de ses petites Pieces respirent un enjouement & une gaieté bien plus analogues au génie & au goût de la Nation, que tant de dolantes Jérémiades ou de vaporeuses Epîtres philosophiques, dépourvues même du mérite de la versification.

1528. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » p. 540

Malherbe, en lui léguant la moitié de sa Bibliotheque, ne put lui léguer la moindre partie de son génie.

1529. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Le stile. » pp. 145-146

Les hommes pensent & sentent à peu près de même : mais ce qui distingue l’homme de génie, c’est la manière de démêler ses idées & de les rendre.

1530. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Collin de Vermont et Jeaurat » p. 94

Si son génie ne lui disait rien que n’allait-il aux Chartreux.

1531. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Magnin), que la fermeté très-grande et très-réelle qu’il montra à cette époque était, comme le Génie de Socrate, une force toute d’arrêt et nullement d’impulsion. » Partout ailleurs, voyez-le, c’est évident : il rentre, il se recouvre, il se retire. […] Lorsque, plus tard, le Consulat se lèvera dans sa gloire, quand le génie du xviie  siècle reparaîtra de loin sur l’horizon, et que l’éloquence, comme le ciel, s’éclairera, on aura l’Éloge de Washington et Fontanes. […] Daunou vit dépérir de jour en jour cet ami précieux, le visita jusqu’à l’instant fatal, recueillit ses manuscrits, publia ses œuvres, lui rendit enfin tous les suprêmes devoirs ; il n’en parlait jamais que comme d’un homme dont le talent, dans ses derniers efforts, s’acheminait au génie. […] Il était prêt, par exemple, à mettre un bon sujet qui se soigne sur la même ligne qu’un beau génie qui se néglige, et peut-être il était à craindre qu’il ne le préférât à ce dernier. […] Qu’est-ce que le génie ?

1532. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Et il faut tenir compte encore de la qualité propre du génie italien. […] À cet égard, la Renaissance est bien l’œuvre du génie italien. […] C’est à peu près ainsi que le génie italien a consommé l’œuvre de la Renaissance : il a été l’étincelle. […] C’est qu’aussi bien, si le grec a de rares qualités, le latin en a d’autres, et de plus convenables peut-être à la nature du génie français. […] C’est ainsi que l’enfance du talent ou du génie s’agite confusément, se disperse en apparence ou même se dissipe, mais une force intérieure ne le dirige pas moins, de traverse en traverse, à son but ; et son originalité s’enrichit de la contrariété même de ses expériences.

1533. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 219

Il est étonnant qu’un sujet aussi intéressant, aussi noble, aussi fécond, aussi propre à élever l’ame, à échauffer le génie, & à lui faire enfanter de grandes idées, tel que la grandeur de Dieu considérée dans les merveilles de la Nature, ait échappé aux grands Poëtes du siecle de Louis XIV, même au petit nombre de bons Poëtes de ce siecle-ci.

1534. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 74-75

Il est quelquefois, à la vérité, inférieur à son Original ; mais il a, en revanche, des morceaux où il le surpasse, en donnant de la force, de la grace, de la noblesse à certains détails minutieux, que le génie Anglois peut admettre, mais que celui de notre Nation eût rejetés.

1535. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 352

Tiphaigne de la Roche, [N.ABCD] Médecin de la Faculté de Caen, de l'Académie de Rouen, né dans le Diocese de Coutances, mort en 1774, âgé de 45 ans, a fait plusieurs Ouvrages qui sont écrits d'un style élégant & facile, mais dans lesquels on voudroit plus de justesse dans les idées, & moins d'un certain enthousiasme, qui est plutôt l'effet de la singularité, que le fruit du génie.

1536. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » p. 6

Ses vers les plus médiocres conservent toujours le coloris de cette versification heureuse dont nous avons parlé ; mais la versification, comme on fait, n’est qu’une partie insuffisante du Génie poétique.

1537. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » p. 327

Ce Poëme est marqué au coin d’un génie aussi facile qu’aimable ; l’Homme de goût, le sage Moraliste, l’Ecrivain élégant, s’y montrent tour-à-tour.

1538. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 375

Cette science, si toutefois c’en est une, décriée chez tous les Esprits sensés, lui mérita la confiance du Cardinal de Richelieu, qui auroit dû s’en rapporter plutôt à son génie qu’à l’influence des Astres.

1539. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 206

Ce Poëte s'étoit formé le goût d'après l'étude des Anciens ; avec moins de génie que Marot, son esprit étoit plus orné.

1540. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Fils d’un horloger, Beaumarchais appliqua d’abord à l’horlogerie son génie inventif. […] Jamais homme ne posséda mieux le génie de la réclame et ce charlatanisme qui est plus nécessaire au succès que le mérite. […] Quel tour de son métier va-t-il faire, cet intrigant de génie ? […] Le génie, c’est l’originalité naturelle, l’invention facile et heureuse. […] Génie !

1541. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

La description de la Grande-Chartreuse, telle que nous la lisons dans cette lettre datée de 1785, est d’avance une page du Génie du Christianisme, l’une des plus simples et des plus belles : « Le monde n’a pas d’idée de cette paix, c’est une autre terre, une autre nature. […] Le général Bonaparte appréciait Ducis et avait du goût pour lui ; il l’aimait pour son instinct nouveau, pour ses éclairs de génie et ses élans hors de la routine, pour sa simplicité biblique dans Abufar. […] Je pourrais dire comme Corneille, en reconnaissant la distance infinie qui me sépare de lui comme poète : Mon génie au théâtre a voulu m’attacher ; Il en a fait mon fort, je dois m’y retrancher. […] Ces grands génies sont des bienfaits de la Providence ; ils luisent pour l’univers. » Sa lettre à M. 

1542. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

Je sais que l’examen que l’ancienne Académie a fait du Cid et celui que la nouvelle a fait du Génie du Christianisme peuvent ne point paraître encourageants : ces travaux, pourtant, l’un de Chapelain, l’autre de M.  […] Quoiqu’on n’aime aujourd’hui que le saillant et le coloré, je citerai le passage : « En voyant un si grand homme dans le négligé de sa vie domestique, j’admirais encore en lui une simplicité de manières qui encourageait la modestie timide, sans permettre cependant la familiarité ; un entier oubli de sa gloire, mais qui n’excluait pas le goût de la louange ; une habitude de distractions toujours réparées par les retours d’une bonté naïve ; une vivacité de discours qui avait l’air de l’abandon, mais d’où s’échappaient des éclairs de génie. » C’était le goût d’alors, tout en nuances : on ne saurait moins appuyer et mieux dire. — Il y avait une chose que Suard n’eût jamais dite en pleine Académie, mais qu’il aimait à raconter. […] … J’y ai beaucoup pensé, disait-il ; je n’ai jamais pu en saisir le sens avec certitude. » Montesquieu garda un moment le silence et répondit : « Pour faire de grands ouvrages, deux choses sont nécessaires, un père et une mère, le génie et la liberté… Mon ouvrage a manqué de cette dernière. » Noble et fière réponse ! Elle marquait qu’il avait conscience d’avoir eu du moins le génie.

1543. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Mme Roland est la première et la plus belle de ce groupe ; elle en est le génie dans sa force, dans sa pureté et sa grâce, la muse brillante et sévère dans toute la sainteté du martyre. […] Chacun y est touché et marqué en quelques lignes ; ils passent tous l’un après l’autre devant nous dans leurs physionomies différentes, et le digne Sers (depuis sénateur), aimable philosophe, habitué aux jouissances honnêtes, mais lent, timide et par là même incapable en révolution ; et Gensonné si faible à l’égard de Dumouriez dans l’affaire de Bonne-Carrère, qui ne sait pas saisir le moment de perdre un homme quand il le faut ; avec trop de formes dans l’esprit et pas assez de résolution dans le caractère ; et l’estimable Guadet, au contraire trop prompt, trop vite prévenu ou dédaigneux, s’étant trompé d’ailleurs sur la capacité de Duranthon qu’il a poussé aux affaires, et ayant à tout jamais compromis son jugement par cette bévue sans excuse ; et Vergniaud qu’elle n’aime décidément pas ; trop épicurien, on le sent, trop voluptueux et paresseux pour cette âme de Cornélie : elle ne se permettrait pas de le juger, dit-elle, mais les temporisations subites de l’insouciant et sublime orateur ne s’expliquent pas pour elle, aussi naturellement que pour nous, en simples caprices et négligences de génie ; mais elle le trouve par trop vain de sa toilette, et se méfie, on ne sait pourquoi, de son regard voilé, qui pourtant s’éclairait si bien dans la magie de la parole. […] Elle-même, si elle avait été homme, eût-elle pu devenir ce bon génie patriotique, sauveur de l’empire ? […] A ceux qui citeraient Mme Roland pour exemple, nous rappellerons qu’elle ne négligeait pas d’ordinaire ces formes, ces grâces qui lui étaient un empire commun avec les personnes de son sexe ; et que ce génie qui perçait malgré tout et s’imposait souvent, n’appartenant qu’à elle seule, ne saurait, sans une étrange illusion, faire autorité pour d’autres.

1544. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Bossuet régnait pleinement par son génie en ce milieu du grand règne, et sa vieillesse commençante en devait longtemps encore soutenir et rehausser la majesté. […] Vers les mêmes années, ce qui devait nourrir à sa naissance et composer l’aimable génie de Fénelon était également disposé et comme pétri de toutes parts ; mais la fortune et le caractère de La Bruyère ont quelque chose de plus singulier. […] Il avait dit dès sa première édition : « Combien d’hommes admirables et qui avoient de très-beaux génies sont morts sans qu’on en ait parlé ! […] Mais Vauvenargues lui-même n’a pas l’estime et l’autorité qui devraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage étendue d’esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu, de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Voltaire ; il n’a pu faire ni la réputation de La Bruyère ni la sienne. » Cinquante ans de plus, en achevant de consacrer La Bruyère comme génie, ont donné à Vauvenargues lui-même le vernis des maîtres.

1545. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Peuple de beaux instincts, mais de peu de moralité politique, toujours ivre de lui-même, enivrant les autres peuples de son génie et de son exemple ; mais ne tenant pas plus à ses vérités qu’à ses rêves, et créé pour lancer le monde, plutôt que pour le diriger vers le bien. […] Sayous est là, pour le dire sans l’offenser, un statisticien moral, un fureteur de génie épiant et découvrant le beau et le bon dans tous ces recoins de l’Europe où de petits cénacles littéraires, français de langue et d’esprit, depuis Copenhague, Pétersbourg, Berlin, Dresde, jusqu’à Lausanne, Coppet, Ferney, Genève (il aurait pu y ajouter Turin et Chambéry, colonie des deux frères de Maistre, l’un naturel et arcadien, l’autre emphatique et olympien), devaient bientôt appeler l’attention sur leur nom et sur leurs œuvres. […] Cette famille, de génies divers, avait acquis aussi divers genres de célébrités. […] Mais le génie à tâtons de J.

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