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1568. (1864) Le roman contemporain

L’imagination, chez l’auteur, est la faculté maîtresse ; c’est la locomotive qui mène, le conducteur se laisse emporter à l’impétuosité vertigineuse de la vapeur. […] Une décoration de théâtre n’est pas un tableau, elle a été faite pour être vue de loin ; cependant il faut un talent particulier pour faire une décoration de théâtre : j’en dirai autant de ces feuilletons écrits vite pour être lus comme ils ont été écrits et qui demandent une imagination pleine de mouvement et habile à trouver des effets étranges et baroques, une plume douée de la faculté d’ubiquité et qui fait le tour du monde en quelques pages, une verve intarissable en péripéties et qui saute par-dessus l’invraisemblable pour arriver à l’impossible. […] Suivre son instinct, ouvrir son esprit et son cœur au souffle de la passion, sans plus de scrupules que les navires ouvrent leurs voiles au vent qui les pousse, se donner la plus grande somme de sensations possible, se réfugier dans l’art quand le plaisir vous échappe, et faire servir les épreuves qu’on rencontre sur sa route au développement de son imagination et de ses facultés littéraires et artistiques, si l’on en possède, voilà la vie telle que le roman de mœurs de M.  […] Pour les lecteurs jeunes, chez lesquels le jugement n’est qu’une faculté de second plan et encore peu sûre d’elle-même, ce livre fait l’effet d’un agréable rêve auquel on se laisse doucement aller, en craignant à chaque instant d’être éveillé par un rayon de lumière s’introduisant à travers la fente des volets au milieu de la nuit factice de l’alcôve ou par le cri matinal de quelque marchand passant sous la croisée.

1569. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Mais, pour le moment, en vrais fils qu’ils sont de la génération précédente, ils ne se soucient que du libre exercice de leur « faculté pensante », et le Dieu « rémunérateur et vengeur » de Voltaire n’est lui-même à leurs yeux qu’une hypothèse dont se passent très bien la mécanique céleste ou la fabrication du sucre de betteraves. […] Un autre Michelet se dégage alors du premier ; — le Michelet des Jésuites, 1843 ; — l’auteur du Prêtre, de la femme, et de la famille, 1845 ; — celui du Peuple, 1846, — et de son Histoire de la Révolution française, 1847-1853. — Qu’à première vue ce second Michelet ne se distingue pas beaucoup — de ceux de ses contemporains qui combattent le même combat ; — et on dirait que son originalité première se noie — dans la banalité des idées qu’il développe, — avec la violence d’un encyclopédiste. — Mais il y a pourtant en lui quelque chose de plus ; — et notamment la faculté de se mettre tout entier lui-même dans ce qu’il dit ; — et dans ce qu’il écrit. — Il quitte sa chaire du Collège de France, 1852, [Cf.  […] 2º L’Homme et le Poète ; — et de quelques points de comparaison intéressants à relever entre Voltaire et Victor Hugo ; — dont le moins remarquable n’est pas l’habileté supérieure et le sens pratique, — avec lequel ils ont su gouverner leur fortune et leur vie. — Leur longévité ; — leur fécondité ; — leur universalité, — sont encore trois raisons pour lesquelles ils ont tous deux été le plus grand « littérateur » de leur siècle ; — quoique non pas le plus original. — Et ils ont enfin entre eux deux autres traits au moins de communs, — qui sont d’avoir su l’un et l’autre admirablement se plier aux exigences de l’opinion de leur temps ; — ce qui est le principe de leurs variations ; — et d’y avoir réussi grâce au même don de « virtuosité », — qui leur a permis de s’approprier les inventions ou les idées de leurs contemporains ; — pour les transformer, et les revêtir, l’un en prose et l’autre en vers, d’une expression définitive. — Que cette faculté d’appropriation est peut-être l’une des formes du génie même ; — et qu’en tout cas il semble qu’elle constitue la définition propre du talent.

1570. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Il croyait que là seulement l’homme avait eu une vue simple des choses, un déploiement heureux et naturel de ses facultés.

1571. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Comme, selon lui, le propre de l’ honnête homme est de n’avoir point de métier ni de profession, il pensait que la cour de France était surtout un théâtre favorable à le produire : « car elle est la plus grande et la plus belle qui nous soit connue, disait-il, et elle se montre souvent si tranquille que les meilleurs ouvriers n’ont rien à faire qu’à se reposer. » Ce parfait loisir constitue véritablement le climat propice : être capable de tout et n’avoir à s’appliquer à rien, c’est la plus belle condition pour le jeu complet des facultés aimables : « Il y a toujours eu de certains fainéants sans métier, mais qui n’étoient pas sans mérite, et qui ne songeoient qu’à bien vivre et qu’à se produire de bon air. » Et ce mot de fainéants n’a rien de défavorable dans l’acception, car « ce sont d’ordinaire, comme il les définit bien délicatement, des esprits doux et des cœurs tendres, des gens fiers et civils, hardis et modestes, qui ne sont ni avares ni ambitieux, qui ne s’empressent pas pour gouverner et pour tenir la première place auprès des rois : ils n’ont guère pour but que d’apporter la joie partout39, et leur plus grand soin ne tend qu’à mériter de l’estime et qu’à se faire aimer. » Voilà les f ainéants du chevalier.

1572. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Thiers, tant doué par la nature sous le rapport de l’intelligence, de la justesse, de la délicatesse du coup d’œil, de l’aptitude à tout, de l’esprit, n’a pas été doué au même degré de la faculté d’exprimer, en écrivant, sa pensée ; ce qui est juste, c’est d’avouer que M. 

1573. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Jamais elle ne peut être comparable en éclat à la grandeur de l’action où se développent largement d’énergiques facultés ; mais elle sera longtemps la seule à laquelle puisse prétendre l’homme armé, car il est armé presque inutilement aujourd’hui.

1574. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Ces belles promesses firent tourner vers Dieu toutes les facultés de mon âme, et je baisai le pan de l’habit de Son Excellence, les larmes aux yeux.

1575. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Pensons donc l’un et l’autre, puisque les événements différemment envisagés par nous, et puisque l’âge qui m’atteint, et qui vous suit, ne nous laissent pas d’autre usage à faire de nos facultés, pensons donc avec l’impartialité de l’âge et avec la patience du temps.

1576. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Elle obéit à un penchant heureux pour les peintures de la nature visible, et elle a aussi au fond d’elle-même de belles facultés.

1577. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Or, une faculté si précieuse de noyer le vide de la pensée sous des flots de discours ne saurait se donner carrière nulle part avec plus d’avantage que sous cette forme de production kilométrique.

1578. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Benoit a de plus mis en lumière, avec une clarté parfaite, ce don merveilleux d’invention poétique qui fut une des facultés maîtresses de Wagner.

1579. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

On peut, par le langage, mal traduire l’état réel de son intelligence, mais la croyance interne et vraie est toujours une traduction exacte de la contrainte subie par nos facultés sensitives et représentatives.

1580. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

La question est de savoir s’il faut, au lieu du jeu des lois de la sensation, de l’émotion et de l’appétit, invoquer une loi transcendantale ou, pour mieux dire, une faculté transcendantale.

1581. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Bertin l’aîné est mort entouré des sympathies, de la reconnaissance et des respects de cette grande famille d’esprits dont il avait été l’appui, l’exemple et le conseil. « Il ne faut pas pleurer sur moi, nous disait l’admirable vieillard, le jour même de sa mort, j’ai vécu heureux, je meurs content, et c’est sur vous que je pleure. » La durée en pleine action, en pleine intelligence, en plein exercice des facultés de l’âme et des puissances du cœur, est un signe, un présage, une promesse, une espérance d’immortalité !

1582. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Répétons, une fois de plus, que la nature n’a rien voulu, si l’on entend par volonté une faculté de prendre des décisions particulières.

1583. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Plus loin il développe quels sont les éléments constitutifs de la poésie ; il énumère les calmes nocturnes, les hasards crépusculaires, les splendeurs visibles de la femme, la vie et les parfums que dégagent ses allures et ses vestitures, les instants où l’on s’éveille au bord du souvenir, comme aux confins du rêve, etc… Ce qui, développé, indique une recherche de traduction de la sensation pure, de l’amour sans les contingences qui le déterminent pour tel ou tel être, avec l’évocation de toutes courbes et tous aspects y correspondant et pour ainsi dire en complétant la gamme dans la nature vraie et dans les aspects des choses dites civilisées ; le devoir du poète consisterait à épurer sa sensation des petits rythmes passagers, colère, jalousie, agréments, etc… qui forment le fonds habituel des petits élégiaques, et de considérer l’amour comme un jeu nécessaire, au moins d’après les contingences do la vie, des facultés et des robustesses de l’homme. […] Nous considérons la Maison Usher comme la dramatisation d’un fait psychique, intérieur, personnel à Poe. — Dans un décor saturé d’une tristesse sombre et comme sulfureuse, un château crevassé d’une imperceptible lézarde comme une âme tombée au deuil profond, contagieux, emmurée en son existence de rêves anormaux — le visiteur rencontre un très ancien ami qu’il a peine à reconnaître et dont il dépeint les intimes phénomènes, la perception de silence et de conscience, comme d’un autre lui-même ; cet être à la fois si semblable et différent du visiteur occupe un château dont les murs sont ornes de décorations qui sont au visiteur familières, mais un peu renouvelés par le bizarre des circonstances, soit la rareté de la sensation ; une femme passe grande, supra humaine, muette — on ne la reverra plus ; cette âme incluse en l’âme du visiteur, évoquée par ces circonstances du château, de l’atmosphère, du passage de la femme, cette âme délimitée par ses facultés de perception extraordinaire, extatique, et le don de bizarres perversions de thèmes musicaux connus, il faut la faire entièrement vivre et pour ainsi dire marcher ; ici Poe place le poème du Palais hanté, donnant en symbole l’état exact de cette âme supérieure, autrefois régie d’une belle conscience sans regret, maintenant proie de la foule des sensations mauvaises résurgentes en joies inutiles ; puis à travers cette âme hantée, à travers telle contemplation, à travers telle oiseuse lecture, la mémoire de la femme s’impose, de la femme trop tôt murée, et qui vient remourir sur le cœur de l’amant, et tout s’écroule, et bien des fois s’écroulera. […] Donc on plaignait quelques belles facultés perdues dans le désert ; on goûtait, sauf taches, ellipses et gongorismes à contre-poil, Les Effarés et le Bateau Ivre.

1584. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Cette petite excursion sur le système des formations latines, suffit pour faire entrevoir l’utilité & l’agrément de ce genre d’étude : nous osons avancer que rien n’est plus propre à déployer les facultés de l’esprit ; à rendre les idées claires & distinctes ; & à étendre les vûes de ceux qui voudroient, si on peut le dire, étudier l’anatomie comparée des langues, & porter leurs regards jusque sur les langues possibles. […] Voici une ellipse qui est devenue une locution propre à notre langue, un gallicisme, parce que l’usage en a prévalu au point qu’il n’est plus permis de suivre en pareil cas la Syntaxe pleine : il ne laisse pas d’agir, notre langue ne laisse pas de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas d’abandonner la vertu en la louant, c’est-à-dire il ne laisse pas le soin d’agir, notre langue ne laisse pas la faculté de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas la foiblesse d’abandonner la vertu en la louant.

1585. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

On ne remue pas, sans le don rare d’éminentes facultés, les intelligences délicates, blasées, et les hommes sans culture, — les artistes et le peuple : or, Darcier possède ce double secret ; j’ajouterai même que, de tous les chanteurs que je connaisse, il est celui dont la voix sait rencontrer de ces accents pénétrants et voilés, tout-puissants sur l’oreille et le cœur des femmes. […] Sans m’arrêter aux idées qui ont cours là-dessus, et qui sont à la faculté de raisonner ce que sont à la nécessité de l’échange les gros sous, qu’on fait circuler de main en main, sans y regarder de trop près, — je me demande : Qu’est-ce que la comédie ?

1586. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Avancez, messieurs de la faculté ; délayez en phrases insignifiantes les ordonnances d’Hippocrate : hérissez vous d’apophtegmes et d’aphorismes grecs ou latins, pour désigner votre ignorance des causes de nos maladies ; il est là pour avertir les vivants des services journaliers que vous rendez à nos ancêtres impatients de nous revoir, et pour dire le peu que vous savez sur les secrets de la santé, dont vous raisonnez en docteurs habiles à constater pourquoi nous souffrons, mais non comment on nous guérit. […] Molière n’eût donc pu déployer si largement les hautes facultés de son génie comique, si, tout savant qu’il était, il n’eût pas été vertueux. […] L’originalité des spectacles facétieux révolte leur suprême raison : ils ne reçoivent pas l’absurde gaîté d’un auteur qui ose transformer le malade Argant en médecin, et qui, l’habillant en docteur pour intégrer son ignorance dans le corps de la faculté, renouvelle sur la scène française l’idée des chœurs de la comédie grecque et la malice de la verve aristophanique. […] Celui-ci frappait le corps entier de l’état et ses chefs dénommés : mais le ridicule général n’atteint que des castes, des corporations, des classes, telles que la noblesse de cour et de province, les facultés, et la bourgeoisie, et jamais il ne se permet de dénominations directes. […] On devine aisément jusqu’où il alla, lorsqu’on se souvient que tout Versailles s’émut à l’apparition de ses marquis, quelle académie féminine il fit trembler à l’hôtel de Rambouillet en affichant ses Femmes savantes, quelle société redoutable et intolérante il ébranla, quand Bossuet et Bourdaloue se crurent intéressés à diffamer son art et son chef-d’œuvre, et par quel trait de sa philosophie militante, attaquant les faux médecins du corps après ceux de l’âme, il jeta dans la défaillance la docte faculté qu’il investit en cérémonie du droit de purger, clystériser, saigner et tuer impunément par toute la terre.

1587. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Mais, si sèchement et durement triste, ou même si ennuyeusement ennuyé que soit souvent Obermann, l’aveu lui échappe que la mélancolie, la tristesse, le non-désir, la non-espérance, même l’ennui, ne sont jamais la pire souffrance, ne sont peut-être pas une souffrance, sont peut-être même une sorte de plaisir, par ce qu’ils contiennent, soit d’orgueil, soit de langueur, et en ce qu’ils sont un exercice et une invention de notre esprit : Je me décidai à rester le soir à Iverdun, espérant retrouver sur ces rives ce bien-être mêlé de tristesse que je préfère à la joie… Jeune homme, … vous chercherez des délassements, vous vous mettrez à table, vous verrez le côté bizarre de chaque chose, vous sourirez dans l’intimité, vous trouverez une sorte de mollesse assez heureuse dans votre ennui même… C’est le propre d’une sensibilité profonde de recevoir une volupté plus grande de l’opinion d’elle-même que de ses jouissances positives… Nous souffrons de n’être pas ce que nous pourrions être ; mais, si nous nous trouvions dans l’ordre de choses qui manque à nos désirs, nous n’aurions plus ni cet excès de désirs, ni cette surabondance de facultés ; nous ne jouirions plus du plaisir d’être au-delà de nos destinées, d’être plus grands que ce qui nous entoure, plus féconds que nous n’avons besoin de l’être… D’où vient à l’homme la plus durable des jouissances de son cœur, cette volupté de la mélancolie, ce charme plein de secrets, qui le fait vivre de sa douleur et l’aimer encore dans le sentiment de sa ruine ? […] Deux choses (au moins) sont admirables dans sa vie politique : la faculté qu’il a d’amplifier merveilleusement ce qui le touche, et la maussaderie superbe de son dévouement à la cause royale, le dédain sublime dont il accable le trône en le défendant. […] Ce qui a pu lui manquer pour être un grand diplomate ou un grand politique autrement que par ses vues, ce sont peut-être, ce sont sûrement des qualités dont lui-même faisait peu de cas : la souplesse, l’art de feindre et de tromper, de se servir des vices des autres, l’art d’attendre, la faculté de s’attacher très longtemps à un même dessein et de ne se laisser rebuter ni par les insuccès ni par les avanies. […] Il a vu que la faculté dominante de Bonaparte était l’imagination et comment il subissait l’attrait du gigantesque, et le rêve de l’Orient et de l’aventure d’Alexandre.

1588. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Jacques Denis, professeur à la Faculté des Lettres de Caen. […] Il y a même une grisette, et c’est peut-être la grisette qui a dicté à l’ancien professeur de Faculté ses plus surprenants feuilletons. […] Le pli est pris, rien à faire La vérité, c’est que, en combinant notre organisme avec celui de certaines plantes et de certains animaux, et en supposant portés au dernier degré de perfection des sens et des facultés que nous possédons déjà, nous arrivons à concevoir des formes vivantes assujetties à moins de nécessités que les corps où nous sommes captifs : mais ces formes rêvées, nous ne les aimons pas, nous ne désirons même pas qu’elles existent. […] Ne sachant ni ne voulant rien faire, incapables des travaux qui ne dérogent pas, art ou littérature, et dédaigneux des travaux qui dérogent, impuissants en politique, ils ont tourné leurs facultés intellectuelles vers les seuls emplois où elles pussent suffire : représentation mondaine, sport hippique, escrime, conduite de mails-coachs, inventions de gilets et de cravates, — roulette et baccarat… Or, ce train de vie, ils ne sauraient le soutenir longtemps ; et, comme ils dépensent depuis un siècle sans produire, le mal qu’on appelle « faute d’argent » finirait par nous débarrasser d’eux… Mais c’est alors que s’opère ce que j’appelais tout à l’heure la conjonction de la bassesse aristocratique et de la bassesse financière.

1589. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Or, pour développer la matière propre à la haute poésie qui la met en œuvre, nous avons sondé, comparé le goût universel des temps et des nations ; indispensable tableau de ce qui leur sembla digne d’être célébré, tableau d’où rejaillirent les clartés qui devaient nous diriger en nos jugements ; et pour reconnaître par quelles facultés le poète sait démêler et choisir cette même matière, que son art embellit avec tant d’efforts et de persévérance, nous dûmes interroger sa vie, scruter les sentiments intérieurs de son âme, descendre dans le mystère de sa studieuse sagesse, et revenir ainsi, par cet examen de son portrait moral, au principe sur lequel je fondai particulièrement mon cours, qui tend à rapporter aux vertus du cœur de l’homme le caractère analogue de son génie. […] Enfin l’âme, qui ne se nourrit que de fortes et hautes pensées et que de grands sentiments, ne soutient pas le perpétuel exercice de ses facultés intelligentes, et ne veut pas toujours planer dans les régions de l’enthousiasme : nous nous fatiguerions de son essor. […] Il en est, ce me semble, des qualités physiques ainsi que des facultés intellectuelles ; elles ont également leurs bornes, au-delà desquelles une puissance inconnue les arrête.

1590. (1898) Essai sur Goethe

À Monsieur Paul Perrin Il y a dix ans, j’eus l’occasion de faire, à la Faculté des Lettres de Genève, un cours sur Goethe. […] […] Il marche à pas comptés, Comme un recteur suivi des quatre facultés. […] Il faut que, chez Goethe, les facultés de réalisation dont l’ensemble forme ce qu’on appelle le talent aient été bien puissantes, il faut qu’il ait possédé à un degré bien surprenant l’art de tirer parti de toute matière : car celle que lui fournit sa vie, pendant ces dix années, paraît de pauvre qualité.

1591. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Il me semble que l’on n’a pas encore considéré comment, les facultés humaines se sont graduellement développées par les ouvrages illustres en tout genre, qui ont été composés depuis Homère jusqu’à nos jours.

1592. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Écoutez plutôt Suzanne d’Athol, dans la Clef d’or : « Dieu sait qu’aucune femme ne fut jamais plus disposée que moi à se contenter du rang modeste, des humbles devoirs que notre conscience nous assigne dans le monde ; mais il m’est difficile, monsieur, — c’est à son mari qu’elle parle, un mari qui ne l’est pas tout à fait, — il m’est difficile de nous croire condamnées à n’être qu’une espèce de créatures subalternes dont vous pouvez à votre fantaisie refouler, maîtriser, anéantir même toutes les facultés, tous les instincts, toutes les passions. […] je ne dis pas le contraire… mais qui, enfin, n’est pas de la même essence, ni du même azur… N’oubliez pas, monsieur Fabrice, — et ici je vous parle en véritable amie, — n’oubliez pas, en effet, que, dans nos longues successions et sélections de famille, ce n’est pas seulement le sang qui se raffine… c’est aussi l’éducation, le goût, le tact, le savoir-vivre… tous les sens et toutes les facultés… De là cette distinction supérieure qui vous enchante chez mademoiselle de Sardonne et qui sera pour vous à la fois un grand charme et un grand danger… Car une nature si perfectionnée et si exquise sera froissée d’un rien, révoltée d’une menace… Il faudra faire bien attention ! […] Ai-je besoin de faire observer que cette faculté de développement ou de transformation, — quelque surprise qu’elle puisse un jour ménager à la critique, — est ce qui fait de M.  […] « Ce qui a poussé nécessairement et naturellement l’homme à la formation des sons et du langage, c’est le besoin puissant de faire des conventions réciproques et de s’entendre avec ses semblables… Il n’y a pas de rapport de dépendance nécessaire entre les notions et les sons qui servent à les exprimer… un son quelconque peut désigner une notion quelconque… et lorsqu’un son à la longue a fini par désigner une notion spéciale, ce fait n’a jamais été que le résultat du hasard… L’organisme des langues est issu de la faculté et du besoin de parler, universel chez les hommes, et il provient de la nation entière… Le langage n’est pas un produit libre de l’homme considéré isolément, il appartient toujours à la nation entière… C’est par un très grand nombre de langues que les hommes primitifs commencent à exprimer leurs pensées.

1593. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Pour ceux-ci l’homme avait reçu une nature grossière et la faculté de voir qu’elle était grossière et une sourde et puissante aspiration à la modifier ; et il avait reçu une nature grossière et la force de la modifier peu à peu, à tel point qu’il dût finir par ne point la reconnaître. […] D’abord en faisant ce qui a toujours été un des articles essentiels du programme républicain : la séparation des Églises et de l’État ; en enlevant aux Églises la force qu’elles tirent de leur union avec l’État et les ressources qu’elles puisent dans le budget, et en laissant aux associations le soin de subvenir aux besoins des différents cultes… En second lieu, je voudrais qu’on laissât les congrégations libres de se former moyennant une simple déclaration ; mais en réservant le droit d’inspection de l’État et en limitant strictement leur faculté d’acquérir et de posséder… Et je persiste à penser que le régime de liberté, joint à l’exacte application des lois scolaires, servirait infiniment mieux la cause de la République et de la laïcité que le système de contrainte, je ne veux pas dire de persécution, irritant autant qu’inefficace, dans lequel je vois avec regret le parti républicain s’engager. » Ces avertissements, comme il arrive quand on a affaire à de certaines gens, ne servirent qu’à pousser plus vivement le parti despotiste dans le « système de contrainte » et dans la « manière forte ». […] Cet article donnait pleine faculté d’arbitraire et de bon plaisir au gouvernement. […] Je crois qu’il y a dans cette loi pour l’Église catholique non seulement faculté d’exister, mais principe ou occasion d’une véritable rénovation et d’un magnifique rajeunissement.

1594. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Ces sortes d’organisations impérieuses, douées d’une faculté prédominante et presque unique, ont toujours pour effet d’étonner et d’émerveiller ; le tout est de se remettre en présence.

1595. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Je le sais bien, mais je n’oserais pas le dire, de peur d’offenser l’esprit humain dans l’une ou dans l’autre de ses facultés également divines.

1596. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

« En ce temps-ci, où par bonheur on est las de l’impiété systématique, et où le génie d’un maître célèbre22 a réconcilié la philosophie avec les plus nobles facultés de la nature humaine, il se rencontre dans les rangs distingués de la société une certaine classe d’esprits sérieux, moraux, rationnels ; vaquant aux études, aux idées, aux discussions ; dignes de tout comprendre, peu passionnés, et capables seulement d’un enthousiasme d’intelligence qui témoigne de leur amour ardent pour la vérité.

1597. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

J’étais d’ailleurs peu fait pour les ressentir, et trente années de polémique ont anéanti en moi cette faculté dont la nature ne m’avait que médiocrement pourvu.

1598. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Or quelle vraisemblance y a-t-il à entasser dans les trois heures que dure une représentation, sous peine d’excéder la faculté si bornée que nous possédons même pour le plaisir, assez d’incidents pour remplir des mois et peut-être des années ?

1599. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Il a une facilité déplorable, une faculté d’assimilation qui lui permet d’être tout ce qu’il veut, sans jamais rien être par lui-même.

1600. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

L’exorde est tout plein de jolies gamineries, d’amusantes pasquinades, d’aimables traits d’esprit, puis vient le morceau sérieux, le morceau historique, où le récipiendaire déclare, grâce à sa faculté de lire entre les lignes de l’imprimé, avoir fait la découverte que Richelieu n’a jamais été jaloux des vers de Corneille, qu’il lui en a seulement voulu un moment, pour avoir retardé, avec sa création du Cid, l’unité française.

1601. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Il y a, comme nous l’avons montré, une corrélation intime entre la faculté de concevoir un milieu homogène, tel que l’espace, et celle de penser par idées générales.

1602. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Ce serait donc en vain que vous auriez la faculté d’associer un plus grand nombre d’idées que les animaux ; — car si ceux-ci pensent, ils pensent moins que vous. […] Si nous nous servons de ceux qui possèdent ces qualités, mais qui ne les emploient qu’à la satisfaction exclusive de leurs instincts animaux, c’est seulement pour perpétuer, dans l’humanité, le goût de la lutte entre ces volontaires inférieurs et nos élus définitifs : ceux qui usent de leurs facultés pour le développement de leur pensée, en un mot, pour tendre à un idéal de plus en plus élevé.

1603. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

et le renversement de l’ancienne esthétique, dont le premier article consistait justement à se défier de la sensibilité comme étant de toutes nos facultés la plus ondoyante, la plus mobile, et la plus diverse ? […] Si ses contemporains n’ont rien tant admiré chez lui qu’une extraordinaire faculté d’assimilation, servie par une facilité d’exécution ou d’expression non moins extraordinaire, on constate qu’ils les ont d’autant plus admirées qu’ils les ont vues s’appliquer, tour à tour ou ensemble, à plus d’objets, plus différents, plus étrangers eu apparence à ses intérêts d’amour-propre et de vanité.

1604. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Corneille, me disois-je, si habile à faire parler & raisonner ses personnages, renoncerait-il à cette faculté pour lui-même ? […] Il le fut davantage de la chaleur, de la rapidité avec laquelle un Philosophe moderne lui expliquait son systême, lui développait ses idées sur le langage universel de la nature, sur l’interprétation qu’elle-même nous donne tacitement de ses principes & de ses loix, sur les facultés de l’ame dans un homme né aveugle & sourd …..

1605. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

C.Lenient, professeur à la Faculté des Lettres de Paris (2 vol. chez Hachette). — Les Trois Sultanes, de Favart. […] Cet art de duper les autres en passant pour dupe, et cette faculté de jouir seul, tout seul, de ses propres « fumisteries », supposent une grande force d’âme et une conception de la vie puissamment tintamarresque. […] Entre tous les professeurs de la Faculté des Lettres et des lycées de Paris (et je ne connais pas de corporation où il y ait plus de science, d’esprit et de vertu), M.  […] Mais au reste, quarante ans, n’est-ce pas l’âge où l’homme aime le mieux, avec le plus de profondeur, d’indulgence et de science, — et n’est-ce pas l’âge où il mérite le mieux l’amour, puisque c’est celui du complet épanouissement de ses facultés, — une seule exceptée ; mais celle-là, si elle commence à décroître, elle n’est pas encore atrophiée, vertudieu !

1606. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Enfin, Ibsen, — et ceci n’est plus une critique, — a mis dans sa dernière pièce, comme dans les autres, la faculté qu’il a de « s’étonner ». […] Et sans doute l’aveugle, le contrefait, le cul-de-jatte ou l’amputé pourra trouver sa propre vie bien dure, comparée à celle des hommes qui jouissent de leurs cinq sens et de tous leurs membres ; il lui paraîtra inexprimablement injuste et douloureux, étant un homme, de n’être pas complètement un homme ; et ne lui dites pas que, comparée d’autre part à la vie du mollusque ou de l’éponge, sa vie est un chef-d’œuvre de souffrance, mais aussi, corollairement, un chef-d’œuvre de félicité ; ne lui alléguez pas non plus, s’il est riche et si ses souffrances physiques ne sont pas intolérables, qu’il y a de par le monde de pauvres diables sains de corps et intacts de membrure qui souffrent plus que lui : il vous répondra que la pire souffrance, c’est d’être une exception ridicule et pitoyable, une créature visiblement manquée, et de s’en souvenir toujours ; que là est la plus grande douleur parce que là est la plus sensible humiliation… Oui, nous en sommes d’accord ; et cependant il y a chez l’homme une si surprenante faculté d’adaptation aux conditions d’existence les plus étranges, et l’habitude est une si puissante et si bienfaisante fée, que le plus lamentable des disgraciés physiologiques peut n’être pas entièrement malheureux. […] Je le fais riche et cultivé pour qu’il ait mieux le loisir et la faculté de penser ; bon, parce que je veux l’aimer et que les bons sont, après tout, aussi intéressants que les autres ; célibataire à soixante ans, — cela entre dans sa définition même, — non pas, toutefois, célibataire par égoïsme et calcul (puisque je le veux bon), mais à cause d’un amour de jeunesse malheureux.

1607. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Suffire à tous les besoins, à tous les caprices, à toutes les modes du jour et être en même temps un peintre charmant, un spirituel et fin coloriste à qui manque seulement le loisir de peindre, comme à nous autres poètes le loisir de faire des vers, n’est-ce pas faire un généreux emploi de ses facultés ? […] Dans la vie de tout individu remarquable, il y a une époque relativement heureuse et brillante, où ses facultés se développent en harmonie avec les manières de ses contemporains. […] Le temps n’avait cependant diminué en rien ses facultés de comédien ; il le fit bien voir dans le père de Claudie, où l’Antony des premiers jours s’était transformé en vieillard vénérable, patriarcal et presque biblique.

1608. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il ne perdit pas l’habitude de railler la Faculté et, ne guérissant pas, comme il disait autrefois dans l’Impromptu qu’il fallait toujours-un marquis pour divertir la compagnie il semble à partir de 1665 avoir remplacé les marquis par des docteurs. […] Toutes ses facultés tendent vers ce but unique. […] Il y a deux genres de coquettes, puisque la coquette a deux facultés maîtresses. […] Quelques-uns de ces types ne sont pas des types, en ce sens qu’ils sont des caractères complexes, et c’est nous qui en avons fait des types en éliminant les parties secondaires de leur caractère et en ne considérant que leur faculté maîtresse ; mais ils sont complexes, ils ne tiennent pas dans une formule ou dans un mot, ils ne sont pas uniquement ce qu’ils sont le plus.

1609. (1774) Correspondance générale

La bonne philosophie ne me permet de supposer dans les choses que ce que j’y aperçois distinctement ; mais je n’aperçois distinctement d’autres facultés dans l’esprit que celles de vouloir et de penser, et je ne conçois non plus que la pensée et la volonté puissent agir sur les êtres matériels ou sur le néant, que le néant et les êtres matériels sur les êtres spirituels. […] Au-dessus de la portée de nos facultés de divination il existe certaines possibilités. […] La suscription porte : À Monsieur, Monsieur Daumon, docteur en médecine de la Faculté de Médecine et professeur dans l’Université de Valence, en Dauphiné.

1610. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Il veut toucher les deux ou trois passions éternelles qui mènent l’homme, les quelques facultés maîtresses qui composent la race, les quelques circonstances générales qui façonnent la société et le siècle.

1611. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Comme en Germanie, parmi les tristesses du tempérament mélancolique et les rudesses de la vie barbare, on ne voit dominer et agir que les plus tragiques facultés de l’homme, la profonde puissance d’aimer et la grande puissance de vouloir.C’est pour cela que le héros, ici comme en Germanie, est véritablement héroïque.

1612. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Puissamment construite, son âme retient et juge toute chose avec une large mémoire et un sens droit et pénétrant ; mais l’imagination emporte ses facultés vers le ciel aussi irrésistiblement que le ballon enlève la nacelle.

1613. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

L’exaltation de la sensibilité sur certains points est plus étonnante encore que son abolition sur d’autres points ; le développement anormal de certaines facultés est plus merveilleux encore que le rétrécissement du champ de la conscience.

1614. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — L’imagination du monstre, de l’animalité chimérique, l’art de peindre les peurs qui s’approchent de l’homme, le jour, avec le féroce et le reptile, la nuit, avec les apparitions troubles ; la faculté de figurer et d’incarner ces paniques de la vision et de l’illusion, dans des formes et des constructions d’êtres membrés, articulés, presque viables — c’est le génie du Japon.

1615. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

3 février On raconte que dans les entrevues d’Ollivier avec l’Empereur, ce dernier le pria de lui dire, bien franchement ce qu’on disait de lui : de parler enfin comme s’il ne parlait pas à l’Empereur, et Ollivier ayant fini par lui déclarer qu’on trouvait que ses facultés baissaient : « Cela est conforme à tous mes rapports ! 

1616. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Et en effet, le cœur de l’homme, jusqu’alors engourdi par des cultes purement hiérarchiques et sacerdotaux, pouvait-il ne pas s’éveiller et sentir germer en lui quelque faculté inattendue, au souffle d’une religion humaine parce qu’elle est divine, d’une religion qui fait de la prière du pauvre la richesse du riche, d’une religion d’égalité, de liberté, de charité ?

1617. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Exiger une somme de travail qui, en émoussant toutes les facultés de l’âme, écrase le corps et en consume les forces jusqu’à l’épuisement, c’est une conduite que ne peuvent tolérer ni la justice ni l’humanité… La violence des révolutions politiques a divisé le corps social en deux classes et creusé entre elles un abîme immense.

1618. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Je leur ai consacré l’usage de tous mes sens et de toutes mes facultés ; et c’est peut-être la raison pour laquelle tout s’exagère, tout s’enrichit un peu dans mon imagination et dans mon discours ; ils m’en font quelquefois un reproche, les ingrats !

1619. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Desdevises du Dèzert, professeur à la Faculté des lettres de Clermont, dans la Terre Nouvelle, revue lyonnaise aujourd’hui disparue.

1620. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Mais d’autre part le fait justement qu’elle n’est pas liée d’une manière constitutionnelle avec l’acte génital, lui permettra aussi de le dépasser et de se mettre au service de l’activité intellectuelle, d’irriguer pour ainsi dire nos facultés spirituelles. […] Le livre de Proust est aussi satisfaisant pour notre intelligence que pour toutes nos autres facultés.

1621. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

On le berne, ce malheureux Pourceaugnac, on le fouaille, on lui lâche aux trousses la Faculté tout entière et le Parlement avec la Faculté, des apothicaires et des avocats, une légion de farceurs et de gredins qui l’escroquent, le pillent, l’enragent, lui enlèvent sa bonne humeur et lui volent son argent.

1622. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Elles ont été dictées dans le même esprit que les premières, et sont destinées à tenir les médecins et les physiologistes qui s’intéressent aux progrès de la science au courant des questions nouvelles qui ne peuvent surgir et bien se développer qu’en dehors de l’enseigne ment régulier des Facultés. […] Enfin, cette tradition d’anatomie soi-disant physiologique se trouve encore aujourd’hui dans les thèses des Facultés, dans les sujets de concours toujours posés ainsi : Anatomie, physiologie d’un organe, comme si la seconde se déduisait de la première. […] Nous aurions encore, Messieurs, à parler de la quantité de salive sécrétée par les glandes salivaires, mais nous avons vu, en parlant des usages mécaniques de la salive, combien est variable la quantité de salive sécrétée, quantité qui dépend de l’état de sécheresse des aliments, de leur faculté excitante sur le goût, etc. […] Cette faculté existe aussi dans le sérum du sang, et le contact de l’amidon avec une muqueuse quelconque suffit pour la déterminer.

1623. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Le « Symbolisme »  s’il est l’extrême développement du Romantisme et du Parnasse, l’est nécessairement à travers Baudelaire disant paradoxalement et en haine précisément de la Science : « L’imagination est la plus scientifique des facultés, parce qu’elle comprend l’analogie universelle, ou cc qu’une religion mystique appelle la correspondance. »4 Si nous supprimons la contradiction : imagination et science (à moins que l’imagination vaille en ce sens, en étant promotrice d’hypothèses), et si répondons qu’analogie n’est point rapport, nous avons là toute la doctrine Symboliste, et comprises ses tendances mystiques : l’imagination personnelle créant des analogies ou correspondances, et les exprimant par séries ordonnées d’images. […] Du côté paternel : Facultés de création avec nécessité de construction harmonieuse et de plan, la tendance philosophique et le recours premiers à la connaissance, à la Science.

1624. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Que si notre sincérité a le bonheur d’en rencontrer d’autres et de les attirer à soi, cette force nouvelle s’ajoutant à la nôtre est un des grands réconforts de la vie, et nos facultés s’en accroissent. […] Concluons donc que ce qu’on nomme l’idéal se trouve, lui aussi, en nous-mêmes, et qu’il n’est autre, en y regardant bien, qu’une aspiration puissante de nos facultés les plus hautes, un coup d’aile, un sursum corda ! […] L’artiste, le véritable artiste, a une plus haute et difficile mission que celle de reproduire ce qui est ; il a à découvrir et à nous révéler ce que nous ne voyons pas dans tout ce que nous regardons tous les jours, ce que seul il a la faculté de percevoir dans cet ensemble en apparence ouvert à tous ; et, s’il emprunte à la création, ce n’est que pour créer à son tour.

1625. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

On lui fit faire de bonnes études ; ses facultés s’y agrandirent ; il vint de bonne heure les compléter et les polir à Paris.

1626. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

  Quels que soient les avantages de l’homme sur tous les autres Êtres de la nature, il a besoin que l’instruction développe les facultés de son ame, féconde son esprit, touche son cœur, fixe ses idées morales & physiques, lui démontre la nécessité d’obéir à la raison, lui apprenne à connoître la justice, à se la rendre à lui même & aux autres, en domptant ses passions & en évitant les actions nuisibles à la société : de-là naîtra l’amour de la sagesse, fondé sur le sentiment lumineux du vrai, du juste ; sentiment qui seul peut lui servir de guide pour marcher constamment dans le sentier de la vertu, & le détourner de la voie du vice.

1627. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Lundi 9 février Une chose providentielle, chez l’homme — et surtout chez l’homme intelligent — c’est le mépris qu’il a pour les facultés qu’il ne possède pas.

1628. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

. — Allons, êtes-vous bête… Permettez-moi d’être cruel… Mettons les choses au pis… Est-ce que Henri Heine n’a pas conservé sa faculté de travail jusqu’au dernier moment ?

1629. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

On s’explique que la poésie lyrique soit demeurée longtemps orale et qu’elle ait disparu sans laisser d’autres traces que des refrains et des motifs ; on s’explique encore que la farce, véritable commedia dell’ arte, n’ait pas nécessité de notation écrite ; mais on ne saurait admettre une floraison épique à l’état oral ; c’est trop demander à la faculté créatrice et à la mémoire du poète.

1630. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Sitôt que sa souffrance s’allége, que sa puissance se manifeste, que ses perspectives s’élargissent, il recommence à aimer la vie présente, à prendre confiance en lui-même, à aimer et célébrer l’énergie, le génie, toutes les facultés efficaces qui travaillent pour lui procurer le bonheur. […] Pour déployer ces facultés épiques, et pour les déployer dans la région sublime où cette âme se trouve naturellement portée, il ne faut pas moins que l’épopée idéale, c’est-à-dire située hors du réel, avec des personnages qui existent à peine et dans un monde qui ne peut être nulle part.

1631. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Dans ce cas, le réveil ne peut être redoutable : il doit être plutôt enchanteur, toute existence dans la nature ayant sa raison d’être et toute créature, la plus infime comme la plus noble, trouvant son bonheur dans l’exercice de ses facultés. » Je passe sur le séjour dans Mars que la science a pénétré récemment ; là M. 

1632. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Mais en même temps, pour civiliser cette barbarie et maîtriser cette violence, une faculté paraît, commune à tous, auteurs et public : la sérieuse réflexion attachée à observer les caractères.

1633. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Et c’est la vraie, la sérieuse critique, que je ferai à l’auteur des Scènes de la Vie cléricale, de nous avoir montré un prêtre si peu homme et plus parfait que nos premiers parents ne nous ont laissé la faculté d’être : et je la lui ferai, parce que cette perfection, autant que ma raison de profane en peut juger, l’homme le moins homme ne la peut conquérir que de vive lutte, et que cette lutte, s’il ne plaisait point à Charles Buet de nous la redire, — et ceci pouvait ne pas lui plaire ou ne pas lui être loisible, je dirai plus loin pourquoi, — il ne fallait pas la rendre nécessaire, en nous racontant la vie d’un seul, alors qu’on pouvait écrire des épisodes de la vie de beaucoup. […] Lui même, il fallait bien l’avouer, malgré ses facultés d’organisateur, ne s’entendait guère à conduire une maison, tandis qu’il était homme à mener la province d’Alger tout entière. […] Depuis neuf ans, il était à Madrid, sous le prétexte d’étudier la médecine, et, s’il ne fréquentait guère la Faculté, il n’y avait petit ou grand journaliste qu’il ne tutoyât.

1634. (1888) Impressions de théâtre. Première série

On jurerait qu’on a perdu à tout jamais la faculté d’être ému par les choses imprimées. […] Si nous ne connaissions ces choses depuis si longtemps, si notre faculté de sentir et d’admirer n’était tout émoussée par l’accoutumance, rien ne nous semblerait plus beau ni plus grand que cette antique conception du poète, plus fort par la lyre que les chefs primitifs par les muscles et par l’épée ; que les lions suivent, charmés, avec des lambeaux de chair entre leurs dents, à qui les tigres viennent lécher les pieds, et qui fait s’incliner en cadence, sur son passage, les chênes et les grands pins : âme toute-puissante sur les hommes, sur les animaux et sur la nature entière, parce qu’elle est tout amour, toute sympathie et toute bonté.

1635. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Et puis il faudrait bien s’entendre sur cette appellation de jeunes ; s’il s’agit, par le mot : jeunesse, de la force intellectuelle, de la plénitude de ses facultés, un homme peut être jeune à quarante ans et très vieux à vingt. […] Je ne l’aurais peut-être pas écrite sans cela, car le journal intime de ma vie est de plus en plus bref, négligé ; ma faculté de sentir s’émousse, et les trois quarts des choses qui m’impressionnaient jadis passent aujourd’hui inaperçues. […] Je me retournai ; mon chien trottait à mes côtés ; et j’aperçus la mer : Elle brûlait. — J’ignore si l’approche d’un terrible spectacle m’affinait et m’aiguisait les pupilles ; mais je ne me sentais ni le même esprit, ni les mêmes facultés.

1636. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Legrelle, a présentée à la Faculté des lettres sur Holberg, un poète danois, qui a été précisément un des plus heureux imitateurs du maître. […] Nous avons une faculté de distraction, qui a bien des inconvénients, mais qui, en des cas pareils, nous rend de grands services. […] Étourdi ne marque ici qu’un affaissement momentané des facultés intellectuelles. […] Cette prodigieuse faculté d’invention dans le rythme déconcerte et confond ces rythmiques, et Banville lui-même, dans un excellent traité de versification française, se contente de marquer son étonnement et passe.

1637. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — Nous sommes donc chassés irrévocablement de l’infini ; nos facultés et nos assertions n’y peuvent rien atteindre ; nous restons confinés dans un tout petit cercle ; notre esprit ne porte pas au-delà de son expérience ; nous ne pouvons établir entre les faits aucune liaison universelle et nécessaire ; peut-être même n’y a-t-il entre les faits aucune liaison universelle et nécessaire. — En suivant cette idée jusqu’au bout, on arriverait à considérer l’ensemble des événements et des êtres comme un simple monceau.

1638. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

C’est ici le véritable domaine de Dryden et de la raison classique747 : des pamphlets et des dissertations en vers, des épîtres, des satires, des traductions et des imitations, tel est le champ où les facultés logiques et l’art d’écrire trouvent leur meilleur emploi.

1639. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

» Daudet soutenait que les locutions des gens sont, la plupart du temps, en rapport avec la nature de leurs facultés.

1640. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

De son bureau de Doyen de la Faculté des Lettres de Clermont-Ferrand, M. 

1641. (1911) Études pp. 9-261

Elle a des élans sans doute, mais qui ne sont que la délivrance de la faculté poétique en travail. […] Elle conduit de l’un à l’autre bord de la forme ; avec son modelé parfait et sans surprise elle rejoint doucement les extrémités trop distantes et montre en silence l’étendue de leur séparation ; elle mène les yeux sans les arrêter à tous les éloignements ; elle est à la place du mouvement apaisé et garde de lui je ne sais quelle faculté de liaison.

1642. (1911) Nos directions

. — Si on ne consent pas à réduire l’expression théâtrale d’un débat intérieur, à une mimique passionnée qui ne vaudra qu’autant que vaut le mime ; si on accorde que tout personnage est tenu de « parler » ses sentiments les plus secrets, les plus résolument tacites, et que le théâtre ne saurait vivre sans cette transposition, — pourquoi le héros qui consent à nous dévoiler sa pensée, n’aurait-il pas la faculté, en outre, d’élucider, d’exprimer par des mots, tout l’inconscient de son être, ce poème confus de sensations, d’intuitions, de rêves, de souvenirs et de réactions obscures que chacun de nous porte en lui, ce lyrisme sourd et caché que l’émotion délivre ? […] Cette faculté qu’il a, et que l’exercice a développée, d’accumuler intarissablement toutes les analogies sonores des mots de France, M. 

1643. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Ici l’attaque et la défense s’équilibrent : même hauteur d’orgueil, même noirceur de tempérament, mêmes facultés d’acrimonie et de haine. […] Comme Philippe IV était né un vendredi saint, et qu’une superstition espagnole attribuait aux personnes venues au monde ce jour-là, la faculté de voir dans chaque endroit ou un meurtre avait été commis, le corps de la victime, le peuple attribuait les yeux égarés de son roi à la préoccupation d’éviter cette perpétuelle vision de cadavres. […] Est-ce au philosophe, est-ce au naturaliste, qu’il appartient d’analyser son âme dépourvue, en apparence, de toutes les facultés de la réflexion et du sens moral ?

1644. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Disons les choses rondement, Mlle Desprès a échoué, mais c’est un échec non seulement honorable, mais qui lui fera infiniment de bien dans l’opinion, parce qu’elle y a grandi et a montré, ce qui était sans doute son propos, qu’elle était assez grande artiste pour être extrêmement intéressante dans le rôle le plus difficile de tout le théâtre et dans le rôle le plus éloigné de tous les moyens qui sont les siens et de toutes les facultés qui sont les siennes. […] Il a le goût sûr, l’esprit philosophique, l’entente des causes, des effets et des rapports probables ; il expose bien, il raisonne bien, quoique peut-être il raisonne trop ; il a cette faculté, très rare, quand il parle d’un auteur, de bien garder sous son regard l’ensemble et les grandes lignes de toute la littérature du pays auquel cet auteur appartient ; il a le sens du théâtre ; il sait, quand il lit une pièce, la voir sur la scène, don très particulier, que certains auteurs, même très célèbres, de cours de littérature dramatique n’ont possédé à aucun degré. […] Il faut suivre la faculté Pendant trois ou quatre ans ; il faut rester peut-être Cinq ou six ans encor, pour se faire connaître.

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