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560. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Comment on doit quitter la vie et tous ses maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux !

561. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Les abonnés, dont dépend le journal, n’auraient peut-être pas accepté la monstrueuse et basse immoralité du monsieur dont Feydeau a distillé les infamies dans son roman, si, de temps à autre, l’auteur n’eût montré une indignation honnête, et allongé, pour l’acquit de la conscience publique, un coup de fouet à l’indigne animal qu’il conduit l’espace de trois volumes dans le brancard de son feuilleton.

562. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Les citoyens sont pour lui le troupeau dont il est le pasteur, mais il regarde les soldats comme ces animaux fiers et dociles, dont la fonction est d’écarter le danger. 

563. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

On l’a bien senti, car on ne s’est jamais élevé contre les naturalistes, quand ils ont parlé des merveilles du puceron, du crapaud et de l’araignée : dans le genre humain s’il se trouve des animaux analogues, pourquoi donc ne veut-on pas en entendre parler ? […] Il y a des millions d’animaux que nous avons vus et plus encore qui nous échappent. […] Alors l’effort suprême, la sublimité a été de retourner les plantes les racines en l’air, les feuilles en terre, et l’homme a créé des végétaux ; sur les épaules du lion il a mis une tête de femme, et il a créé des animaux. […] Moi, je n’en sais rien ; vous me paraissez un animal de la fable, un griffon, vous aimez tout : Arsène Houssaye, Eschyle, Maxime Du Camps, Champfleury, Victor Hugo, Racine. […] Toussenel est naturaliste, et s’il s’était borné à appliquer l’analogie à des classifications, je lui en saurais un gré infini ; mais il a voulu trop prouver à la fois, et sa théorie des planètes a nui à sa théorie des animaux.

564. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

C’est ainsi que le monde inorganique ne connaît pas la douleur ; l’animal, au contraire, quelque imparfait qu’il soit, souffre déjà. « À mesure qu’elle s’élève sur l’échelle animale, la douleur croit en proportion. […] En somme, il est fort inférieur aux bêtes, au chien surtout, qui sont pour lui comme une raison d’exister : « Je dois l’avouer sincèrement, la vue de tout animal me réjouit aussitôt et m’épanouit le cœur, surtout la vue des chiens et celle de tous les animaux en liberté : les oiseaux, les insectes, etc. […] Et je persiste à croire que cette mission, divine comme tout ce qui nous élève au-dessus de la vie animale, est aussi noble que celle des législateurs et des conducteurs de peuples. […] Or cela est contestable, l’homme n’étant pas un animal très logique. […] C’est là une vérité que Tolstoï reconnaît comme tout le monde et qu’il traduit dans l’apologue du voyageur surpris dans le désert par un animal furieux.

565. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Certains vers nous révèlent subitement que ces personnages, qui tout à l’heure nous semblaient si proches de nous, appartiennent à une époque extraordinairement lointaine, pleine du souvenir de grands cataclysmes naturels et où vivaient peut-être des espèces animales maintenant disparues, au temps des premières cités, au temps des monstres et des héros. […] » Roxane est un des animaux les plus effrénés qu’on ait jamais mis sur la scène. Seulement, c’est un animal versé dans le langage amoureux du dix-septième siècle. […] J’imagine que nous aurions une jolie collection d’animaux. […] Mais, en attendant qu’elle meure de ce qui reste de bon dans son âme d’oiseau, c’est un petit animal délicieusement frivole, avide de mouvement et de bruit, chez qui les impressions sont si mobiles et se succèdent avec une telle rapidité qu’on peut se demander si elle a bien le temps d’être une personne morale, d’avoir une conscience, un for intérieur et tout ce qui s’ensuit ; exquise d’ailleurs, et qu’on adore pour sa gentillesse, sa vivacité, sa fragilité, son inutilité.

566. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Pour ne leur manquer en rien, on fait des sacrifices ; on égorge des animaux, dont on donne ensuite des repas. […] La transfusion du sang d’un animal dans un autre, fit naître à peu près, vers le même temps, de grandes disputes dans les écoles. […] Un de ces philosophes qui pense le plus, dit que tout homme qui pense est un animal dépravé. […] Celui qui mangeroit de la chair de cet animal, seroit un homme abominable. […] On crieroit à l’impiété de voir quelqu’un manger de quelque animal que ce puisse être.

567. (1813) Réflexions sur le suicide

Ils ne servent qu’à l’habileté, qu’à la prudence, qu’à toutes ces qualités mondaines dont le type est dans les animaux, quoique le perfectionnement en appartienne à l’homme. […] L’homme de génie qui se sert lui-même aux dépens du bonheur de la race humaine, de quelques facultés éminentes qu’il soit doué, n’agit jamais que dans le sens de l’égoïsme ; et sous ce rapport le principe de la conduite de tels hommes est le même que celui des animaux. […] Les animaux, dit-on, ne se tuent jamais.

568. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Il se chercha dans la condensation et l’organisation des corps célestes, dans l’éclosion des végétaux, dans la progression du règne animal ; il se trouva et se connut dans l’homme. […] L’Esprit universel, après s’être adoré en Asie dans la nature et dans les formes colossales de la matière inanimée, puis en Égypte, dans le règne animal, eut pour la première fois conscience de son humanité en Grèce ; non encore comme individu, mais comme société politique. […] Dans le monde de la nature, l’Idée (Begriff) passe par divers modes d’existence avant d’être l’Idée véritable (Idee)… Le système solaire est pour l’Idée une manière encore imparfaite de manifester son unité… La plante ne peut avoir le sentiment de sa subjectivité, parce qu’elle pousse sans cesse au dehors un nouvel individu sans pouvoir revenir sur elle-même… Dans l’animal, le principe spirituel n’apparaît pas encore comme Âme véritable ; car il ne se sait pas… La propriété d’être pour soi est ce qui constitue la véritable subjectivité.

569. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

Je les considérais tous deux, l’un comme un grand galion espagnol, et l’autre comme un vaisseau de guerre anglais ; maître Jonson, comme le galion, était exhaussé en savoir, solide, mais lent dans ses évolutions ; Shakspeare, comme le vaisseau de guerre anglais, moindre pour la masse, mais plus léger voilier, pouvait tourner à toute marée, virer de bord, et tirer avantage de tous les vents par la promptitude de son esprit et de son invention. » Au physique et au moral, voilà tout Jonson, et ses portraits ne font qu’achever cette esquisse si juste et si vive : un personnage vigoureux, pesant et rude ; un large et long visage, déformé de bonne heure par le scorbut, une solide mâchoire, de vastes joues, les organes des passions animales aussi développés que ceux de l’intelligence, le regard dur d’un homme en colère, ou voisin de la colère ; ajoutez-y un corps d’athlète, et vers quarante ans, « une démarche lourde et disgracieuse, un ventre en forme de montagne109. » Voilà les dehors, le dedans y est conforme. […] Nous sommes comme des apprentis naturalistes, gens paisibles et bornés qui, voulant se représenter un animal, voient le nom et l’étiquette de son casier apparaître devant leur mémoire avec quelque indistincte image de son poil et de sa physionomie, mais dont l’esprit s’arrête là ; si par hasard ils veulent compléter leur connaissance, ils conduisent leur souvenir, au moyen de classifications régulières, à travers les principaux caractères de la bête, et lentement, discursivement, pièce à pièce, ils finissent par s’en remettre la froide anatomie devant les yeux. […] Figurez-vous, au lieu de cette pauvre idée sèche, étayée par cette misérable logique d’arpenteur, une image complète, c’est-à-dire une représentation intérieure, si abondante et si pleine qu’elle épuise toutes les propriétés et toutes les attaches de l’objet, tous ses dedans et tous ses dehors ; qu’elle les épuise en un instant ; qu’elle figure l’animal entier, sa couleur, le jeu de la lumière sur son poil, sa forme, le tressaillement de ses membres tendus, l’éclair de ses yeux, et en même temps sa passion présente, son agitation, son élan, puis par-dessous tout cela ses instincts, leur structure, leurs causes, leur passé, en telle sorte que les cent mille caractères qui composent son état et sa nature trouvent leurs correspondants dans l’imagination qui les concentre et les réfléchit : voilà la conception de l’artiste, du poëte, de Shakspeare, si supérieure à celle du logicien, du simple savant ou de l’homme du monde, seule capable de pénétrer jusqu’au fond des êtres, de démêler l’homme intérieur sous l’homme extérieur, de sentir par sympathie et d’imiter sans effort le va-et-vient désordonné des imaginations et des impressions humaines, de reproduire la vie avec ses ondoiements infinis, avec ses contradictions apparentes, avec sa logique cachée, bref de créer comme la nature.

570. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Une nuit que je dormais profondément, contre mon ordinaire, un homme qui, sous la qualité d’orfèvre, était venu souvent dans ma boutique, et la trouvait richement garnie, vint pour me voler ; mon chien se jetait sur lui ; mais il se défendait avec son épée, de sorte que cet animal courait çà et là dans toute la maison, entrait dans les chambres de mes garçons, qui étaient ouvertes à cause de la grande chaleur ; et, voyant que ses aboiements ne les réveillaient pas, il leur arrachait les couvertures de leur lit, leur tirait les bras aux uns et aux autres ; et, par les cris épouvantables qu’il faisait, et marchant devant eux, il leur montrait ce qu’ils avaient à faire ; mais ils ne voulaient pas le suivre, et, pour le faire taire, lui jetaient des bâtons dans les jambes ; car ma boutique était toujours éclairée pendant la nuit. […] Ces gens le crurent, et, après beaucoup d’efforts, firent rentrer cet animal dans la maison. […] Quelques amis qui étaient dans ma boutique dirent : Voyez ce pauvre animal, il a peur, et à peine ose-t-il montrer sa tête !

571. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Aussi toute religion divine a-t-elle pour dogme l’amour universel, la défense d’attenter à la vie animale, tandis que la volonté mauvaise porte l’homme, fatalement, à la destruction. L’Eucharistie a ce seul sens : elle ordonne l’abstinence de nourriture animale ; la communion universelle dans le pain et le vin. […] De là, par notre alimentation animale continue et nos guerres, la décadence où nous sommes parvenus et l’impuissance de l’art à remplir pour nous sa tâche religieuse.

572. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Tout à coup nos yeux se sont ouverts comme à un phénomène extraordinaire et nouveau : on a été tout étonné qu’un géomètre ne fût pas une espèce d’animal sauvage. […] Mais il serait à souhaiter du moins qu’ils fussent simples spectateurs dans cette société forcée, et spectateurs assez attentifs pour n’avoir pas besoin de retourner trop souvent à une comédie qui n’est pas toujours bonne à revoir ; qu’ils assistassent à la pièce comme le parterre qui juge les acteurs, et que les acteurs n’osent insulter : qu’en un mot ils y fussent à peu près dans le même esprit qu’Apollonius de Thyane allait autrefois à Rome du temps de Néron, pour voir de près, disait-il, quel animal c’était qu’un tyran. […] Disons mieux, qu’on punisse sévèrement les satires personnelles contre quelque citoyen que ce puisse être, celles qui l’attaquent dans sa probité, dans ses mœurs, dans son état ; mais qu’il soit libre l’apprécier devant le public l’esprit et les talents de ceux qui protègent, comme de ceux qui écrivent ; ces hommes orgueilleux et vils, qui regardent les gens de lettres comme des espèces d’animaux destinés à combattre dans l’arène pour le plaisir de la multitude, descendraient alors de l’amphithéâtre, et verraient leurs juges y remonter.

573. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

La famille, en effet, s’étend bien plus loin que le seuil, pour qui sait comprendre les animaux, les arbres, les plantes, avec lesquels on cohabite depuis son enfance. […] Quand je vois ce cher et fier animal passer par hasard sous son possesseur inconnu dans l’avenue des Champs-Élysées, je détourne la tête, je pâlis ; et, si l’on me dit : Qu’avez-vous ?

574. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Les animaux sauvages perdaient leur férocité en écoutant la lyre d’Amphion, et les enfers même s’attendrissaient aux accents d’Orphée. […] Sciences naturelles. — De la vie et des formes variées que présentent les êtres vivants, soit végétaux, soit animaux ; — Examen des phénomènes physiques et chimiques qui résultent de l’existence des êtres organisés. — Application de ces connaissances à l’hygiène publique et à l’éducation particulière.

575. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Par exemple, quand vous lisez La Fontaine, lecteur bénévole, vous vous plaisez à voir vivre devant vous cette nature et cette humanité peintes avec tant de franchise et de grâce, vous regardez les hommes, les animaux, les paysages, vous sentez les allusions quand il y en a, et vous ne les cherchez pas, quand il n’y en a point. […] Tous ses animaux sont des courtisans ; il n’y a pas à s’y tromper, et vous allez le voir !

576. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Ceux-là semblent avoir écrit et mesuré avec le doigt de Dieu les astres, la nature, les animaux, les grandeurs, les formes, les âmes répandues dans les êtres de la création, toute pleine pour eux d’évidence divine, d’intelligence animale et d’amour universel.

577. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je suis convaincu que c’est très sincèrement, que c’est très candidement, j’ajouterai que c’est très philosophiquement, que La Fontaine croit que nous pouvons prendre des exemples sur nos frères inférieurs, les animaux. […] L’animal aussitôt, à cette double atteinte, A levé le derrière, et moi je suis glissé Aussitôt sur le col où je me suis blessé ; Mais le cheval mutin, après cette ruade, A relevé sa tête et fait une saccade Qui du col sur la croupe à l’instant m’a placé, Du maudit mousqueton toujours embarrassé : N’y souffrant rien, il a gambadé de plus belle Et m’a fait un pivot du pommeau de la selle.

578. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Charles Giraud (le jeune) a peint l’intérieur de l’atelier de la princesse, et le spirituel peintre d’animaux, Jadin, nous a rendu au naturel et avec finesse ses chiens favoris, ce qu’elle appelle sa petite Meute.

579. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Capables de raisonner très loin et très haut, par malheur nous manquons de base : « Ce n’est pas tant le raisonnement qui nous manque que la prise du raisonnement. » L’instinct de certains animaux est à faire envie à la raison de l’homme.

580. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

Jouffroy a pris soin, en mainte occasion, de déterminer et de circonscrire avec une clarté remarquable la sphère psychologique au centre de laquelle il observe ; il est encore revenu dans ses deux dernières leçons sur sa distinction du moi et du non-moi ; il a poursuivi et tracé avec une prétention de rigueur scientifique cette distinction délicate jusqu’au sein de l’homme même, et il a déclaré que l’homme était double, qu’il y avait en lui force pensante et force vitale, esprit et matière, âme et corps ; il a professé que ce nom d’homme n’appartient légitimement qu’au moi, à la force pensante, à l’esprit ; et que le reste, force vitale, matière et corps, ne constitue réellement que l’animal.

581. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

il en énumère simplement les principaux effets : domestication des animaux, invention de l’agriculture, de la médecine, applications du feu, de l’eau, découvertes astronomiques et mesure du temps.

582. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Cependant l’épithète est juste et bien appliquée : mais elle évoque des images d’animaux en bois, en plomb, en fer-blanc revêtus de tons splendidement criards, comme en ont manié tous les enfants, des formes d’hommes et de bêtes, qu’on voit dans les rues de village, pendues à des tringles, se balancer au vent et faire éclater au soleil leur luisante peinture : jamais le naturel, le vivant n’est vernissé.

583. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Ils furent pris par tous les sens et par tout l’esprit : une conception nouvelle de la vie s’éveilla en eux, et ils commencèrent à transporter chez eux tout ce qui les avait ravis la-bas : ils voulurent avoir des palais, des jardins, des tableaux, des statues, des habits, des bijoux, des parfums, des livres, des poètes, des savants, des animaux rares, de la science, de l’esprit, comme en avaient les Médicis, les ducs d’Urbin ou de Ferrare ; quand ils revinrent en France, toute la Renaissance y entra avec eux, un peu pêle-mêle, dans leurs cervelles comme dans leurs fourgons.

584. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Puis, certaines fonctions de ce misérable corps, si elles peuvent sembler avilissantes, sont bonnes pourtant par le soulagement et l’aise qu’elles apportent, par l’idée de joyeuse vie animale qu’elles éveillent dans l’esprit, et sont en même temps comiques par le démenti perpétuel qu’elles opposent à l’orgueil de l’homme, à sa prétention de faire l’ange.

585. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Cet animal, enfant gâté de la maison, d’une figure très avenante, oubliant tous les bienfaits de son ami, de son protecteur, entra dans le parterre, déracina jonquilles et tulipes, dont il dévora les oignons.

586. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Les animaux lâches vont en troupe Le lion marche seul dans le désert Qu’ainsi marche toujours le poète113.

587. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

L’homme, dès qu’il se distingua de l’animal, fut religieux, c’est-à-dire qu’il vit, dans la nature, quelque chose au-delà de la réalité, et pour lui quelque chose au-delà de la mort.

588. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

L’humanité dans son ensemble offre un assemblage d’êtres bas, égoïstes, supérieurs à l’animal en cela seul que leur égoïsme est plus réfléchi.

589. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Seulement il ferait, suivre son nom d’un de ses nombreux titres et serait pour la circonstance « François Coppée, de la société protectrice des animaux ».

590. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

quand on l’a dépouillé des pourpres volées un peu partout dont il drape la gueuserie de son esprit et l’infamie de son âme, on se trouve en présence d’une brute conquérante ou d’un animal de chasse.

591. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Le sacrifice d’un bouc choisi comme animal luxurieux, ou comme victime émissaire du dégât que les chèvres faisaient dans les vignes, terminait la fête.

592. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Un des devins, Théocritos, saisit l’occasion comme par les crins de l’animal bienvenu. — « Pélopidas !

593. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

* * * — L’humanité a tout trouvé à l’état sauvage : les animaux, les fruits, l’amour.

594. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Puis, l’heure passait, et quelquefois minuit avait sonné à tous les clochers de la vallée qu’il était encore là, debout dans quelque brèche du donjon, songeant, regardant, examinant l’attitude de la ruine ; étudiant, témoin importun peut-être, ce que la nature fait dans la solitude et dans les ténèbres ; écoutant, au milieu du fourmillement des animaux nocturnes, tous ces bruits singuliers dont la légende a fait des voix ; contemplant, dans l’angle des salles et dans la profondeur des corridors, toutes ces formes vaguement dessinées par la lune et par la nuit, dont la légende a fait des spectres.

595. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines.

596. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Les bras et les animaux rustiques se sont multipliés ; les manufactures et les produits de la terre ont dû augmenter et s’améliorer en proportion.

597. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Le cochon de lait n’est pas un animal cosaque.

598. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Saint-Bonnet, est de placer continuellement la notion de l’être, la notion de la loi, du nécessaire, de l’unité, du juste, du bien en soi, en un mot, du Divin, sous les perceptions innombrables du phénomène, du variable, du relatif, du fini, que lui transmet sans cesse l’Intelligence recueillant le produit des sens, et d’empêcher que nous ne restions de simples animaux.

599. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Nous n’en craignons pas même les Archiloques, s’il s’en rencontre, car les limes de la gloire sont plus dures que la dent des gracieux animaux qui les rongent, et c’est toujours quelque chose, c’est encore un profil pour l’intelligence que le talent, fût-il dans l’injustice.

600. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Il n’existe point et il n’existera jamais de Cuvier pour recomposer les nuances sociales perdues, qui ne laissent pas d’os après elles, comme les animaux engloutis.

601. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

L’hermine, ce noble animal dont la fourrure parait autrefois la noblesse, l’hermine la garde encore dans son attitude d’agonie, sous les taches qui la font mourir.

602. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Après cela, tout est à croire et à espérer pour les mortels ; et personne de vous ne doit s’étonner, s’il voit les animaux féroces échanger avec les dauphins leurs forêts contre les profondes vallées de la mer, et les uns préférer les flots retentissants à la terre, tandis que les autres se plairaient désormais sur la montagne. » Ailleurs le poëte proteste, avec non moins de force, contre les mécomptes de la vie, et ne conseille pas, comme fait parfois Horace, d’y opposer l’insouciance et le plaisir, mais la fermeté d’âme.

603. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Le gentilhomme d’alors est un animal de parade, bizarrement et somptueusement costumé, fait pour la représentation et qui s’y plaît. — Quand ils ne paradaient pas, ils jouaient. […] Mais le dernier des animaux vit de sa vie pleine, il a des petits, les couve, il les allaite, il les protège, il les aime, et toi, créature de Dieu, pour laquelle un Dieu est mort, tu n’auras pas ce que la nature a donné aux animaux. […] Et alors, — contraste délicieux, — au milieu même d’un appareil de luxe et d’élégance qui implique une culture humaine très avancée, on glisse, on retombe dans une béatitude purement animale et dans une vie qui n’est plus qu’à demi-consciente. […] Un petit animal resté, au fond, aussi près de la nature que les jeunes faunesses mythologiques, qui ne vit que pour jouir et qui prend tranquillement son plaisir où il le trouve. Sans doute ce petit animal vit dans une vieille société toute garrottée de lois, d’usages, de convenances ; on lui a inculqué certaines croyances, certaines idées et certains préjugés.

604. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Non seulement elle fait la bête pour vouloir faire l’homme ; souvent elle devient je ne sais quel animal de cauchemar, monstrueux et irréel, parce qu’elle s’efforça d’être un homme extraordinaire, d’une invraisemblable unité, idéalement et continûment sublime, ou continûment et idéalement pervers. […] Je sais aussi que le petit animal, remarquable par sa seule vanité, est presque toujours de la couleur ordinaire. […] Elle laisse ses yeux jouir de l’aspect nouveau, et le sourire de son esprit caresse l’étranger, comme sa main caresse l’animal mystérieux et familier. […] Quand l’animal résiste d’un poids vainqueur et immobile, elle s’effare en une joie religieuse, se prosterne sur toutes les faces, le supplie de renoncer aux grâces trop frêles de l’enfance, de prendre la taille et les forces irrésistibles du taureau. […] Ses instincts naïfs de petit animal égoïste et gracieux s’expriment aujourd’hui en une philosophie qui a tout le pédantisme lourd de la légèreté voulue.

605. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

En réduisant l’État à n’être plus qu’une volonté de puissance, on ramène la société humaine à n’être plus qu’une société animale, et l’on aboutit, comme a fait la Germanie, à une pratique de la guerre qui ne se distingue plus, qui n’a aucune raison de se distinguer de la guerre faite par les animaux. […] Encore ici nous retrouvons la sophistique application aux groupements humains des lois valables pour les groupements animaux. […] Ce peuple de proie, cet animal tentaculaire, comme il s’appelait lui-même, a voulu davantage. […] Nous nous rendons compte que légiférer pour cet « animal politique », ainsi que disait le vieil Aristote, n’est pas chose aisée. […] André Lichtenberger, a recueillis dans le Bulletin de la ligue pour la défense des animaux.

606. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

« Il n’y a qu’un animal. […] L’animal est un principe qui prend la forme extérieure, ou, pour parler plus exactement, les différences de sa forme dans les milieux où il est appelé à se développer. […] En second lieu, le botaniste a rempli tout son office quand il nous a instruits des lois qui régissent la croissance et le développement des plantes, et le naturaliste a rempli le sien quand il a distribué dans ses classifications les espèces animales. Il se peut d’ailleurs que, lorsqu’on parle de la plante humaine ou de l’animal humain, l’expression ait une autre valeur que celle d’une simple métaphore ; il n’en reste pas moins que l’homme ne devient lui-même qu’en se différenciant de la plante et de l’animal. […] « Vous dites avec Alfieri que la plante homme naît en Italie plus forte qu’ailleurs, vous vous en tenez là… C’est prendre l’homme isolément, à la manière des artistes et des naturalistes, pour voir en lui un animal puissant et redoutable, une pose expressive et franche.

607. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Secondement, il n’est pas d’animal plus timide ni plus esclave de la tradition qu’un chansonnier gaulois ou un retraité qui traduit Horace. […] Ciel, terre, animaux et plantes, tout a une âme, comme jadis pour le bon saint François.

608. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Ils se plongent dans ses fraîches piscines alimentées par l’eau vierge de la fontaine Castalie ; ils s’enveloppent d’une fumigation de soufre et d’encens ; ils immolent un porc, l’animal immonde, comme pour tuer en lui l’impur démon qui les possédait. […] On peut restituer, d’après plusieurs vers du drame et quelques monuments archaïques, les figures grandiosement hideuses sous lesquelles il les fit paraître, comme on recompose, sur des fragments de dents et de griffes, les animaux antédiluviens.

609. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

il analyse curieusement les progrès de la décomposition cadavérique, il assimile les vices aux animaux impurs ou féroces ! […] Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux, et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M. 

610. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Dès que Rancé fut informé de son dessein, il lui écrivit pour le prier de passer la brosse sur tout ce qui le concernait ; cette lettre du 17 juillet est d’une humiliation de ton, d’un abaissement d’images qui sent plus l’habitué du cloître que l’homme de goût : non content de s’y comparer à un animal ( sicut jumentum factus sum ), Rancé trouve que c’est encore un trop beau rôle pour lui dans le paysage, et il descend l’échelle en ne voulant s’arrêter absolument qu’à l’insecte et à l’araignée.

611. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

L’air et les aliments font le corps à la longue ; le climat, son degré et ses contrastes produisent les sensations habituelles, et à la fin la sensibilité définitive : c’est là tout l’homme, esprit et corps, en sorte que tout l’homme prend et garde l’empreinte du sol et du ciel ; on s’en aperçoit en regardant les autres animaux, qui changent en même temps que lui, et par les mêmes causes ; un cheval de Hollande est aussi peu semblable à un cheval de Provence qu’un homme d’Amsterdam à un homme de Marseille.

612. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Quels sont les animaux, les fruits, les céréales, les commerces ?

613. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

L’Hermès aurait exposé le système de la terre, sa formation, l’apparition des animaux et de l’homme, la vie de l’homme primitif avant la constitution des sociétés, le développement des sociétés, politique, moral, religieux, scientifique : en somme, le cinquième livre de Lucrèce, refait, agrandi, développé au moyen de l’Histoire naturelle de Buffon.

614. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Au contraire, les poèmes Védiques et Brahmaniques qui eurent lieu peu après, entremêlés de superbes paysages des îles et de tableaux d’animaux : Les Éléphants, le Condor, et cette terrible eau-forte, les Chiens, révélèrent un poète épris du néant par dégoût de la vie moderne ; ce qui n’empêcha pas le maître de donner bientôt toute sa mesure dans ce colossal livre des Poèmes barbares, études d’une couleur inouïe sur le Bas-Empire et le moyen âge.

615. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Ceci est la norme pour tous, pour l’animal comme pour l’homme.

616. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Avant l’apparition du premier animal doué de vision, il n’y avait point de lumière, et c’est seulement alors que l’on a pu dire que la lumière fut.

617. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

un tableau d’animaux. c’est une bécasse avec un hibou suspendus par les pattes à un clou.

618. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Chez les animaux, en effet, un facteur spécial vient donner aux caractères spécifiques une force de résistance que n’ont pas les autres ; c’est la génération.

619. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Partout ailleurs que sous le gouvernement de l’Église et en dehors de son orthodoxie, le Mysticisme, — et il en faut bien prévenir des âmes ardentes et pures qu’une telle coupe à vider tenterait, — le Mysticisme n’a donc été et ne continuera d’être qu’une immense erreur et une éblouissante ivresse de cette faculté de l’infini, la gloire de l’homme et son danger, et qui fait de lui, — diraient les naturalistes, — un animal religieux.

620. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Il aime sa femme de cette affection des imbéciles du genre tendre, qu’ont certaines espèces inférieures pour les espèces supérieures, ce qui est une question de physiologie animale bien plus que de moralité sensible.

621. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Avec lui nous avons admis que l’espace homogènes est une forme de notre sensibilité ; et nous entendons simplement par là que d’autres intelligences, celles des animaux par exemple, tout en apercevant des objets, ne les distinguent pas aussi nettement, ni les uns des autres, ni d’elles-mêmes.

622. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ces derniers expliquent strictement & séchement chaque chose par son genre & sa différence : ainsi ils définissent l’homme un animal raisonnable. […] Le satyrique qui outrage un homme qui n’est plus, ressemble à ces animaux carnaciers qui fouillent dans les tombeaux pour se repaître de cadavres. […] La gravitation des corps, la végétation des plantes, l’instinct des animaux, les développemens du feu, l’action de l’air, &c. […] On a fait consister l’artifice de la fable, à citer les hommes au tribunal des animaux. […] L’homme qui se sacrifie à lui seul le repos, le bonheur des hommes, est de tous les animaux le plus cruel & le plus vorace : tout doit s’unir pour l’accabler.

623. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

“Je suis le Seigneur, dit-il par la bouche de Jérémie ; c’est moi qui ai fait la terre avec les hommes et les animaux, et je la mets entre les mains de qui il me plaît. […] “Et j’ordonne, poursuit-il, que tout lui soit soumis, jusqu’aux animaux”, tant il est vrai que tout ploie et que tout est souple quand Dieu le commande ! […] Était-ce qu’il crût bien nécessaire, comme on l’a prétendu, de réfuter le paradoxe de Descartes sur les animaux machines ? En aucune façon, mais il voulait enlever aux « libertins » l’argument qu’ils tiraient contre la Providence de l’apparente identité de l’homme et de l’animal. […] L’homme, s’il en descend, s’oppose à l’animal, et s’en distingue par la conscience même qu’il a de son animalité.

624. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Assise à la fenêtre, elle essayait de rendre l’effet étrange de ces profils d’animaux qui se découpaient en noire silhouette sur l’immense pâleur de la mer et du ciel. […] Mais cela ne me dit pas du tout la signification allégorique de ces animaux. […] Me voilà presque réconciliée avec ces terribles animaux. […] Il n’y a d’indispensables et aussi d’évidentes que les premières : celles de la voie droite, de la forêt, de la colline et des animaux sauvages. […] Entre les quatre animaux vient un char triomphal traîné par un griffon aux ailes immenses.

625. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

— L’enfant n’est pas méchant à l’homme, il est méchant aux animaux. […] … » Le jeune Anglais ajoutait placidement et posément : « Moi j’ai les goûts cruels, mais je m’arrête aux hommes et aux animaux… Dans le temps, j’ai loué, avec un ami, une fenêtre, pour une grosse somme, afin de voir une assassine qui devait être pendue, et nous avions avec nous des femmes pour leur faire des choses — il a l’expression toujours extrêmement décente — au moment où elle serait pendue. […] Quelle invention, quelle poésie horrifique dans ces fantaisies animales.

626. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Dans les Animaux malades de la peste, où M.  […] Dans l’Homme et la couleuvre, l’animal inoffensif tient tête à son bourreau et affronte la mort comme un personnage cornélien. […] Il insiste aussi, à bon droit, sur les leçons de bonté pour les animaux que nous donne La Fontaine. […] Amour des arbres et des animaux. […] Ils n’ont pas besoin qu’on leur recommande d’être bons pour les animaux.

627. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

Par un instinct extraordinaire, ils se mettent de prime-saut à la place des êtres : hommes, animaux, plantes, fleurs, paysages, quels que soient les objets, animés ou non, ils sentent par contagion les forces et les tendances qui produisent le dehors visible, et leur âme, infiniment multiple, devient par ses métamorphoses incessantes une sorte d’abrégé de l’univers. […] On croit voir des animaux révoltés, la stupidité meurtrière d’un loup lâché dans une bergerie ; la brutalité d’un pourceau qui se soûle et se roule dans l’ordure et dans le sang. […] La lourde machine corporelle, la masse des muscles, l’épaisseur du sang qui se traîne dans ces membres de lutteurs, oppriment l’intelligence et ne laissent subsister que les passions de l’animal. […] À un certain degré finit la conscience ; la nature prend sa place, et l’homme court sur ce qu’il désire sans plus penser au juste ni à l’injuste qu’un animal de la forêt voisine. […] Si Shakspeare avait fait une psychologie, il aurait dit avec Esquirol : L’homme est une machine nerveuse, gouvernée par un tempérament, disposée aux hallucinations, emportée par des passions sans frein, déraisonnable par essence, mélange de l’animal et du poëte, ayant la verve pour esprit, la sensibilité pour vertu, l’imagination pour ressort et pour guide, et conduite au hasard, par les circonstances les plus déterminées et les plus complexes, à la douleur, au crime, à la démence et à la mort.

628. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Les dérivés du premier ordre sont amant, amour, amoureux, amoureusement, qui ajoûtent à l’idée primitive du sentiment de bienveillance, l’idée accessoire de l’inclination d’un sexe pour l’autre : & cette inclination étant purement animale, rend ce sentiment aveugle, impétueux, immodéré, &c. […] On peut remonter de l’individu au genre suprême, ou descendre du genre suprême à l’individu, en passant par tous les dégrés différenciels intermédiaires : Médor, chien, animal, substance, être, voilà la gradation ascendante ; être, substance, animal, chien, Médor, c’est la gradation descendante. […] Parmi les différens noms qui expriment des animaux ou des êtres inanimés, il y en a un très-grand nombre qui sont d’un genre déterminé : entre les noms des animaux, il s’en trouve quelques-uns qui sont du genre commun d’autres qui sont du genre épicene : & parmi les noms des êtres inanimés, quelques-uns sont douteux, & quelques autres hétérogenes. […] Tous les objets de nos pensées peuvent se réduire à différentes classes : il y a les objets réels & les abstraits ; les corporels & les spirituels ; les animaux, les végétaux, & les minéraux ; les naturels & les artificiels, &c. […] Tel est en latin le nom de taurus, qui quelquefois signifie l’animal domestique que nous appellons taureau, & d’autres fois une grande chaîne de montagnes située en Asie.

629. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Les courtisanes de naissance ou de vocation sont comme les animaux marins que l’eau douce empoisonne ; il leur faut, pour vivre et respirer à l’aise, l’écume et la salure de leur mer Morte natale. […] » M. de Balzac, dans sa Torpille, a étudié, lui aussi, cet effrayant phénomène de la nostalgie du vice sur un sujet naïf comme un animal.

630. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Ce qui me frappe surtout chez eux, c’est l’absence d’estomac et de toute la tripaille matérielle qui remplit un ventre européen, et leur maigreur de lapin vidé et l’exiguïté de leurs personnes flottent dans nos pantalons et nos redingotes, un peu à la façon de la petitesse d’animaux affublés dans les cirques de vêtements humains. […] Philippe Sichel tombait alors sur un homme en train de monter les panneaux de la porte d’une habitation, et il se mettait à l’écouter, charmé, ravi, quand l’ouvrier faisant sauter un petit morceau de bois d’un panneau, le façonnait dans quelques minutes, en un petit animal sculpté qu’il tendait à l’étranger.

631. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

« La fougue lui faisait faire quelquefois le tour entier et redoublé d’une chambre courant sur les tables et les chaises sans toucher du pied la terre. » Il vécut et mourut dans les rages et les blasphèmes, « grinçant des dents », écumant, « les yeux hors de la tête », avec une telle tempête et si continue d’ordures et d’injures qu’on ne comprenait pas comment des nerfs d’homme y pouvaient résister ; le sang fiévreux de l’animal de proie s’allumait pour ne plus s’éteindre, et par des redoublements exaspérés s’acharnait après le butin. […] Un jour, impatienté, il dit de deux évêques : « Ces deux animaux mitrés. » Quand la Choin entra en faveur, « M. de Luxembourg, qui avait le nez fin, l’écuma », et pour Clermont, son amant, « il se fit honneur de le ramasser. » Ailleurs, il « s’espace » sur Dangeau, « singe du roi, chamarré de ridicules, avec une fadeur naturelle, entée sur la bassesse du courtisan, et recrépie de l’orgueil du seigneur postiche. » Un peu plus haut, il s’agit de Monaco, « souveraineté d’une roche, de laquelle on peut pour ainsi dire cracher hors de ses étroites limites. » Ces familiarités annoncent l’artiste qui se moque de tout quand il faut peindre, et fait litière des bienséances sous son talent.

632. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

C’est nous donner le change et se payer de mots, que d’identifier le problème de la destinée de l’humanité avec celui de la destinée du moi ; la métaphysique et la psychologie ne détermineront pas l’histoire ; l’individu quelconque, s’observant isolément d’après la méthode expérimentale appliquée aux faits de conscience, n’atteindra que certaines formes constantes de sa nature, certains éléments abstraits de son esprit ; il n’acquerra que des probabilités éloignées sur l’immortalité de son âme, et il ne sera nullement en droit ni en mesure de conclure de là au développement de l’espèce à travers les siècles, à l’explication de sa perfectibilité croissante, de son émancipation progressive, de ses conquêtes au sein de la nature ; à la prédiction de son avenir sur cette terre ; pas plus que le chimiste habile qui aurait décomposé et analysé une portion du lobe gauche ou droit du cerveau humain, qui aurait vu certains gaz se sublimer et certains sels se déposer, ne serait en mesure ni en droit de conclure de cette décomposition morte à la loi physiologique du règne animal et de ses évolutions organiques.

633. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Moins il y avait de communications faciles entre les divers pays, plus le récit des faits se grossissait par l’imagination ; les brigands et les animaux féroces qui infestaient la terre, rendaient les exploits des guerriers nécessaires à la sécurité individuelle de leurs concitoyens ; les événements publics ayant une influence directe sur la destinée de chacun, la reconnaissance et la crainte animaient l’enthousiasme.

634. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Nous mangeons, nous dormons, nous songeons à gagner un peu de considération et d’argent ; nous nous amusons platement, notre train de vie est tout mesquin, quand il n’est pas animal ; arrivés au terme, si nous repassions en esprit toutes nos journées, combien en trouverions-nous où nous ayons eu pendant une heure, pendant une minute, le sentiment du divin ?

635. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Je n’ai pas à discuter ni même à exposer la valeur philosophique de ce système original, où Taine, utilisant et dépassant certaines théories de Condillac et des philosophes anglais contemporains, Stuart Mill, Bain, Spencer, réduisait l’esprit à être « un flux et un faisceau de sensations et d’impulsions, qui, vus par une autre face, sont aussi un flux et un faisceau de vibrations nerveuses859», faisait de la faculté d’abstraction l’unique faculté qui distingue l’intelligence humaine de l’intelligence des animaux, et engendrait toutes les idées, l’idée même du moi, par une série d’opérations d’abstraction.

636. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Un jour le poète, étant mort, va, suivi de son chien, frapper à la porte du Paradis ; et, comme saint Pierre ne veut pas laisser entrer le fidèle animal et que saint Roch lui-même, invoqué, fait le cafard et se récuse, le poète et son chien errent à l’aventure dans la région où sont les ombres des bêtes… Et cela est un rêve, et cela s’appelle Dans les limbes, et il est difficile d’imaginer un badinage plus soigné et plus long.

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