Je n’y crois à aucune époque de l’histoire, mais je n’y crois pas surtout à l’origine des sociétés, au premier moment perceptiblement historique. […] À l’origine des sociétés tout commence par des despotes, dans la pensée et dans le langage comme dans le reste des choses humaines.
Inévitable conséquence de l’esprit moderne et de notre état de société, admis par l’opinion en principe et en fait, les concours ont cependant besoin, pour mériter ce nom d’institution, qui implique l’ordre et la durée traditionnelle, d’un peu plus que d’un principe, même généralement consenti, et d’un fait irrégulier ou mal assis. […] Ardemment synthétique de tendance, quand le siècle et ses misérables philosophies ne jurent que par cette Fée aux miettes de l’analyse, en avant sur toutes les idées de son temps, et, pour preuve, dès 1845 repoussant, avec un mépris mérité, cette théorie obstinée de l’art pour l’art, triomphante alors, et qui prétend encore, à l’heure qu’il est, n’être pas battue, la revue de César Daly avait, parmi les autres buts qu’elle voulait atteindre, le but plus difficile et plus spécial de dégager l’inconnue de l’art qui va naître, et de prédire, en étudiant profondément la société moderne et ses nouvelles conditions, le caractère du style architectonique de l’avenir ; car l’architecture du xixe siècle n’est pas née.
Or, dans les sociétés telles que le matérialisme les a faites, il n’y a plus que ce mal-là. […] Tous, au contraire, en supputant sur leurs dix doigts les dommages faits à la France de l’industrie par la politique de Louis XIV, trouveront sérieusement moins grand ce grand homme à la lueur tremblotante de leurs chiffres… Et quoique Weiss n’ait pas dans l’âme cette profondeur de rancune qui attend le moment pour frapper et fait jeter un livre à la foule, comme Ravenswood, dans Walter Scott, jette sur la table la tête coupée de son taureau, l’auteur de l’Histoire des réfugiés aura peut-être, en fin de compte, le mieux vengé le protestantisme en démontrant placidement, et d’un ton très doux, à une société qui ne croit plus guères qu’à des chiffres, qu’économiquement la révocation de l’Édit de Nantes fut une grande faute, — car, en faisant cela, il aura insurgé contre Louis XIV la seule chose qui soit vivante et qui ressemble à une passion dans notre temps !
Il y a celle qui soutient que l’homme est bon et que la société le déprave ; celle qui prétend qu’il est également propre au bien comme au mal ; et enfin celle qui pose, comme le catholicisme, avec sa netteté souveraine, que l’homme est en chute, mais qu’il peut glorieusement se relever ! […] C’est une chrétienne comme on ne peut se dispenser de l’être quand on est femme et à une certaine hauteur de société, mais c’est une chrétienne au type effacé, et nous savons bien pourquoi : elle ressemble à la tête d’où elle est sortie ; elle fait partie de cette triste majorité de chrétiens involontaires que nous sommes tous, malgré nos systèmes, nos passions, nos sottises et nos vices.
Modeste sans hypocrisie, comme on ne l’est presque dans aucun temps, mais comme on l’était moins que jamais dans le sien, il est certainement l’homme le plus naturel d’une société surexcitée et artificielle. Il l’est tellement qu’il fait ce que personne ne faisait dans cette société : il aime sa femme !
Le railleur continuait : « Il n’y a pas d’histoire humaine qui ne s’arrête à une époque où l’Inde florissante jouissait de tout le superflu de la société perfectionnée. […] Parisot ne nous donne aucun détail, ce qui est regrettable, — car si le poème n’est rien moins qu’un chef-d’œuvre, s’il intéresse assez peu la Critique littéraire, qui cherche des émotions et des modèles, il intéresse au moins l’Archéologie et l’Histoire, il est une date, un jalon, et il pourrait être un phare dans les brillantes ténèbres de la civilisation asiatique ; — le Ramayâna est un poème mythologique vaste et confus, très digne enfin de la société tour à tour hallucinée et endormie dont il est l’expression à la fois ivre et rêveuse.
Le Matérialisme païen qui, en renaissant, devait reparaître plus monstrueux que la première fois, puisqu’il renaissait dans une société chrétienne, est scientifiquement plus grand dans les écrits de Van Helmont et de Boërhave qu’il ne l’était, par exemple, sous la plume d’Hippocrate et les traditions de l’école de Cos. […] Tessier avec infiniment de justesse, Cabanis, qui avait contre l’Église et les idées religieuses les haines perverses de son époque, voulait, dans la civilisation de l’avenir, remplacer les prêtres, dont le rôle était fini (pensait-il), par les vingt mille médecins qui allaient toucher en haut et en bas à toutes les réclamations de la société moderne et la gouverner en la retournant sur son lit de douleur.
Dans une société comme la nôtre, — dans une société familière, grossière, égalitaire et insolente, — M.
Il fallait que le sens public fût aussi profondément perdu qu’il l’est pour qu’on laissât passer de si honteuses extravagances sans les couvrir d’une flétrissure universelle ; il fallait qu’on pût désespérer de la raison même pour les voir accueillies et soutenues, à tous les étages de la société, dans des livres, dans des journaux, dans des discours. […] Les annotations qu’il a choisies indiquent suffisamment cette tendance fixe de sa pensée : « Ce livre — est-il dit dans le prospectus très simple et très intelligent qui serait la préface naturelle de son ouvrage — n’est pas seulement le travail d’un auteur isolé, mais l’œuvre de tous les grands hommes qui ont brillé dans la société chrétienne depuis les temps apostoliques jusqu’à nos jours, qui semblent s’être levés de toutes les parties du monde et, malgré la distance des temps et des lieux, s’être réunis, comme dans un concile auguste, pour nous montrer comment nous devons concevoir Jésus-Christ et interpréter son Évangile.
Mais ce qu’on sait moins, ce qu’on n’explique pas et ce que le livre de Mgr Salvado nous montre avec une évidence nouvelle sur laquelle nous croyons utile d’insister, c’est que l’apport de la vie sociale aux brutes de la horde humaine n’est jamais que le fait du prêtre catholique, et qu’en dehors du prêtre catholique rien n’est possible, même aux gouvernements les plus forts qui veulent créer des sociétés à leur image et les frapper à leur effigie, sous le coup de balancier de leurs colonisations ! […] Eh bien, le gouvernement d’Angleterre — ce gouvernement qui est tout ce que nous venons d’énumérer — a senti, pour la première fois, — depuis qu’il sème des colonies, c’est-à-dire de la graine de société sur les continents qu’il découvre, — l’insuffisance de sa propre action sur la terre d’Australie et la force très suffisante de quelques prêtres, qui n’ont pour toute ressource que la consigne de Rome et leur crucifix sur le cœur !
II Elle y est, en effet, cette manie, un des derniers gestes de la décrépitude d’une société tout à la fois curieuse et blasée… Vieux de race, hébétés de civilisation, énervés, blasés, ennuyés, dégoûtés, ayant besoin pour nous secouer d’une originalité dont nous n’avons plus la puissance, nous ne comprenons plus rien à la beauté de la ligne droite dans les choses humaines, et nous la courbons, nous la tordons, nous la recroquevillons en grimaçantes arabesques, pour qu’elle puisse donner une sensation nouvelle à nos cerveaux et à nos organes épuisés… La simplicité du génie et de ses procédés nous échappe. […] C’est un misanthrope, dont on oppose l’humeur brusque au ton d’une société polie et charmante, et à qui on fait aimer ce qu’il devrait haïr le plus : une coquette.
Mendès, ce pandémonium de chimères où les monstres alternent avec les plus difformes caricatures, qui ne sont pas la vérité non plus ; tous sont tellement pétris et tripotés dans l’hyperbole et dans l’impossible, que Victor Hugo lui-même, malgré ses fameux yeux qui grossissent tout ce qu’ils regardent, déconcerté par un tel spectacle, serait bien capable de dire à la fin qu’une telle société de monstres n’existe pas. […] De là les grands défauts d’un roman qui veut être une étude de la société d’il y a quelques années.
Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt. […] Comparez-les à toute cette société puissante, idéale et réelle de Balzac, et réelle au même degré qu’idéale, quoique l’idéal dans Balzac atteigne à une telle élévation ou à une telle profondeur que les imaginations qui ne peuvent le suivre l’accusent de manquer de réalité !
Seulement, pour cela, il lui eût fallu le bénéfice et le soutien d’une éducation morale quelconque, et l’on se demande avec pitié ce que fut la sienne, à lui, le fils d’une actrice et de l’aventure, dans une société qui a trouvé, un beau matin, les Mormons, au fond de ses mœurs ! […] C’est la vieille thèse, la thèse individuelle, et il faut bien le dire, puisque c’est la même chose, la thèse bohême contre les sociétés.
Quant aux autres, qui ont la prétention d’être exacts, de montrer les dessous de la société, les cruautés de la nature ; anathème sur ces barbares ! […] Il n’est encore qu’à demi satisfait par un tableau curieux de quelque coin du monde, par une peinture exacte de telle ou telle partie de la société. […] Il a recherché l’action de la société, du climat, des événements sur l’individu. […] C’est un habitué des salons de Paris et des stations où la société cosmopolite de nos jours promène sa paresse ennuyée. […] J’entends par là qu’il en est arrivé à s’occuper des conséquences que peut avoir pour la société une doctrine philosophique ou même un simple roman.
Bourgelat la direction des Ecoles établies pour cette partie essentielle de l’économie publique ; Ecoles préférables à ces Sociétés oiseuses, qui ne s’attachent, la plupart, qu’à des objets frivoles.
C. qui n’est pourtant pas la meilleure de celles que nous avons, & ses quatre Dialogues sur l’Immortalité de l’ame, qu’il composa, dit-on, en société avec M. de Dangeau, son ami intime.
Il y a tant d’autres états dans la société où la médiocrité même est utile.
à une certaine hauteur, toutes les sociétés se ressemblent.
D’une foule il fait une société, d’une cohue un corps harmonique. […] Il matérialise ces vagues atmosphères angoissantes qui flottent dans les esprits et dans les sociétés. […] Il demeure homme de société. […] Il commence par une sorte de cauchemar qui va de l’effrayant au doux, de notre société qu’écrasent l’industrie mal comprise ou l’agiot à la société si cohésive des Chinois. […] La société n’est point si mauvaise.
Qu’on lise son cinquième chant sur la formation de la société, et qu’on juge si la poésie offrit jamais un plus riche tableau. […] Une studieuse métempsycose le fit renaître dans les vers de Racine, aux jours les plus florissants d’une société polie. […] C’est une littérature morte, image d’une société détruite par le malheur et la servitude. […] Il y a donc chez ces hommes, naguère si opprimés, tous les éléments d’une société forte et éclairée. […] Il se hâta de publier un écrit intitulé : Moyen prompt et facile d’établir une société libre.
La société, qu’il décrit, a disparu depuis longtemps. […] Il n’en coûte que la somme relativement faible de une livre onze shillings pour être présenté à la meilleure société. […] » Monogame de nom, toute société cultivée est polygame ; souvent même polyandrique. […] Alors tout le monde se mit à raisonner sur la meilleure manière de raccommoder la société. […] La société produit des coquins, et l’éducation rend un coquin plus malin qu’un autre.
Il semble que la chute définitive de l’ancien édifice, qu’on s’obstinait à restaurer, ait, à l’instant, mis à nu les fondements encore mal dessinés de la société future que les novateurs construisaient dans l’ombre.
Cette œuvre, très haute, dont je n’ai cité qu’un fragment (car on trouvera dans le livre bien d’autres chapitres semblables), ne peut se comparer, comme quelques critiques l’ont maladroitement fait, aux chansons de Richepin ou de Bruant ; elle est, en sa langue pittoresque, un réquisitoire heureux contre l’iniquité des Forts et des Puissants, une leçon à l’usage d’une société soi-disant chrétienne, dont la conscience semble dormir en toute sécurité au milieu d’un bourbier… [La Province nouvelle (juillet 1897).]
Ce Poëme a joui d’une grande réputation, pendant tout le temps que l’Auteur s’est borné à le lire dans les Sociétés ; mais depuis qu’il a été exposé au grand jour, le Public l’a mis au rang de ces Ouvrages dont les beautés de détails ne sont pas capables de racheter les défauts.
Son talent principal consistoit à disserter sur tous les Ouvrages nouveaux nouveaux, à les critiquer sans ménagement, à tourner en ridicule les Auteurs, à amuser les Sociétés où sa malignité le faisoit rechercher : pauvre genre de distinction, qui fait le seul mérite de tant d’Aristarques ambulans, dont les lumieres se bornent à prononcer, dans les Cafés & autres Bureaux d’esprit, sur tout ce qui paroît ; Etres déterminés à ne rien approuver que ce qui est marqué au coin des Fabriques qu’ils protégent, mais dont le Public rejette les censures, comme il ignore leur existence.
Les Auteurs les plus célebres rechercherent sa société, & célébrerent à l'envi son mérite.
Un des gentilshommes les plus instruits et des plus beaux esprits de ce temps-là, M. de Tréville, issu d’une noble famille du Languedoc, élevé avec Louis XIV, cornette de la première compagnie des mousquetaires, était de la société intime de Madame Henriette ; il fut si frappé de sa mort soudaine qu’il quitta le monde le lendemain et prit le parti de la dévotion. […] Membre d’une société qu’on accusait d’être accommodante et relâchée, il s’attache à prendre chez les adversaires ce qu’ils ont de juste, de moral, de profondément chrétien et de raisonnablement sévère ; il en ôte ce qu’ils y mettent d’excessif, et il ne leur laisse en propre que cette dureté. […] Les personnes qui rient de tout, et auprès desquelles un bon mot a toujours raison, se sont autorisées quelquefois d’une parole de Mme Cornuel sur Bourdaloue ; elle disait : « Le père Bourdaloue surfait dans la chaire, mais dans le confessionnal il donne à bon marché. » Ce n’est là qu’un joli mot de société.
Il était mort depuis longtemps pour l’agrément de la société et pour l’influence (s’il en avait eu jamais). […] Ils portent avec eux leur mythologie toute faite, leurs habitudes et leur ton de société, leur jargon. […] Il me semble voir les gens de la société du Marais qui attendent son récit en se disant : « Le bel esprit !
Vers 1725, il s’était formé à Paris, chez l’abbé Alary, de l’Académie française, une conférence politique qui se tenait tous les samedis ; et comme l’abbé demeurait à un entresol, place Vendôme, dans la maison du président Hénault, la société avait pris nom l’Entresol C’était à la fois un essai de club à l’anglaise et un berceau d’Académie des sciences morales et politiques. […] un morceau précieux de d’Argenson qui entre dans le plus grand détail sur ce qu’il appelle « cette aimable société ». Il était là dans son centre, avec le degré de sérieux et de laisser-aller qui lui convenait ; et s’il n’y avait eu que des politiques comme lui, rassis et prudents, et plus à la hollandaise qu’à la française, la société aurait pu durer longtemps sans porter ombrage.
Il est comme un homme délivré et qui respire librement ; il se remet à rire, à jouer la comédie et la tragédie en société ; il est heureux de cette bienveillance intelligente qu’il inspire, et de cette culture mêlée de simplicité qu’il rencontre au pied des Alpes. […] Ce sont là de détestables sentiments, en même temps qu’un détestable système et une fausse vue des véritables intérêts qui importent le plus aux hommes réunis en société. […] Le peuple de Paris a montré de nos jours, et même dans les périodes d’excès, qu’il n’était plus le même que ce peuple informe, tout nouvellement sorti de la société d’avant 89.
Après une vie assez errante à l’étranger où il fut attaché d’abord à l’ambassade devienne, puis à l’éducation du duc de Parme, revenu à Paris et très mêlé aux Encyclopédistes, il portait dans cette société si tranchée d’opinion et si mordante d’accent une âme timide, craintive, rongée de scrupules. […] Deleyre était une de ces âmes-là, une âme sensible, inquiète, dépaysée, déclassée, tirée du cloître où elle n’avait pu rester, et souffrant dans la société d’où il lui tardait toujours de s’enfuir, une de ces organisations ébranlées comme il ne s’en trouve pas sous cette forme au xviie siècle, et comme il devait s’en rencontrer beaucoup au commencement du nôtre ; il allait avoir son expression, mais imparfaite et insuffisante encore, dans les Rêveries d’un Promeneur solitaire ou dans les Confessions. […] Thomas et moi nous sommes charmés que notre société vous ait été douce et agréable.
Après avoir disposé de tous ses effets pour acquitter ses dettes, le testateur ajoutait : « Mais comme il pourrait se trouver quelques créanciers qui ne seraient pas payés quand même on aura réparti le tout, dans ce cas, ma dernière volonté est qu’on vende mon corps aux chirurgiens le plus avantageusement qu’il sera possible, et que le produit en soit appliqué à la liquidation des dettes dont je suis comptable à la société ; de sorte que, si je n’ai pu me rendre utile pendant ma vie, je le sois au moins après ma mort. » Il faut entendre probablement par là que Vaugelas, depuis longtemps malade d’une tumeur vers la rate ou l’estomac, autorisa l’autopsie après sa mort. […] Le mot de Cour chez lui revient assez à ce qu’on a appelé depuis la bonne société. […] Ces mots qui sont de l’usage ancien et moderne tout ensemble sont beaucoup plus nobles et plus graves que ceux de la nouvelle marque. » La Cour, au sens où l’entendait Vaugelas, n’était donc nullement un simple lieu de cérémonie et d’étiquette, une glacière polie, mais une école vivante, animée, la haute et libre société du temps.
M. de Noirmont est un personnage bien vrai, et qui nous rappelle plus d’un profil connu : « Né avant 89, d’une ancienne maison, mais abandonné à lui-même dès l’enfance, libre par conséquent de préjugés traditionnels, il a assisté avec indifférence, presque avec joie, à la chute de la vieille société. […] J’ai vu, dans mon enfance, une génération convaincue s’avancer intrépidement au-devant des obstacles, et je sais combien de sang et de larmes coûte chaque progrès de l’humanité ; j’ai vu, au lendemain de la Terreur, les restes de cette société égoïste et frivole se dédommager de quelques années d’abstinence en se jetant dans une licence sans limites : j’ai suivi le torrent, et, sans égard aux formes nouvelles, je continue les mœurs de mes contemporains. […] On commence à le savoir assez bien à partir du XVIIIe siècle, qui ne s’est pas fait faute de révélations de tout genre ; mais on voudrait pourtant que des plumes légères aient plus souvent pris la peine de nous le dire et de fixer, à des moments et pour des sociétés distinctes, ce qui ne se ressemblait pas si uniformément qu’on le suppose.
Mais ne voyez-vous pas que c’est aux dépens de la société, qui a intérêt à ce que, devant ses contemporains comme devant la postérité, chacun soit jugé selon ses œuvres, estimé à son prix, et qui peut tirer un immense profit de la sincérité de l’expérience dont on lui a transmis les résultats ? […] est-ce bien la peine de faire intervenir Dieu et de prendre à témoin la société tout entière, la postérité et le genre humain, pour se donner le droit de rétablir, au profit d’une édition plus complète et qu’on veut autoriser, quatre ou cinq passages, quelques-uns lestes en effet et assez indécents, qu’un peu de réflexion ou un bon conseil eussent très probablement fait retrancher à l’auteur, s’il avait eu le temps de consulter ou de se relire ? […] C’est la vie la plus favorable à la pratique de la vertu, au soutien de tous les penchants, de tous les goûts qui assurent le bonheur social et le bonheur individuel dans cet état de société ; je sens ce qu’elle vaut, je m’applaudis d’en jouir… » Voilà la vie de Mme Roland pendant des années et son intérieur moral, calme, contenu, sain et purifiant ; voilà les tableaux dignes de sa première vie, ceux qu’on ne saurait trop rappeler à son sujet et que je regretterais de voir ternir ; car ils donnent l’expression vraie et fidèle.
Elle m’a bien répondu, et du ton de la persuasion, qu’elle en était bien sûre ; mais en même temps elle m’a montré évidemment que ses amis et sociétés lui tenaient lieu de tout. » Quoi qu’on puisse dire, de tels sentiments ainsi exprimés sont respectables, et on sera en droit désormais de conclure que l’abbé de Vermond, quels que fussent ses défauts personnels, valait mieux que la réputation qu’on lui a faite. […] L’observateur anonyme parle comme s’il y avait été admis ; rien de sa part ne sent le subalterne : « La reine est très-gaie et aimable dans les sociétés ; on y parle fort librement d’affaires d’État, de littérature, de nouvelles, de spectacles, d’intérêts particuliers de chacun et de beaucoup de frivolités. […] Il reprochait à la reine son engouement pour la comtesse Jules, sa famille et sa société, lui disait des choses vraies sur les suites fâcheuses que pourrait avoir cette amitié… Il se plaignait de voir ses avis négligés ; puis il en venait aux conditions pour son retour… » — D’un autre côté on trouve dans les lettres de Marie-Thérèse à Marie-Antoinette du commencement de l’année 1780 des indications qui concordent avec ce changement de situation : « (1er janvier 1780.)
Qu’il chante ouvertement ou sous voile d’allusion les douleurs et les oppressions de la patrie, qu’il se reporte aux calamités, aux espérances ou aux plaintes de l’Italie et de la Grèce, qu’il raille au théâtre certains préjugés, qu’il flétrisse certaines tyrannies, il est toujours aisément d’accord avec ce que sont tentées de penser et de sentir sur ces sujets la plupart des natures droites et saines, des jeunes âmes écloses du milieu de notre société et formées par notre éducation libérale. […] Même dans cette seconde moitié de sa carrière où il eut affaire à un milieu de société décidément modifié, à certains goûts littéraires que nous connaissons très-bien, moins réguliers, moins simples ou moins traditionnels, et, comme on dit, plus exigeants, là encore il sut trouver je ne sais quel point agréable ou tolérable dans le mélange : il étendit ses ressources sans trop sortir de ses données habituelles ; il put paraître quelquefois sur la défensive, il réussit toujours à garder ses avantages, il ne fut jamais vaincu. […] Décrirai-je cette journée du 19 décembre, ces funérailles immenses du simple homme de lettres, ce cortége mené par le jeune fils orphelin, et où se pressaient les représentants de l’État, de la société, toute la littérature ?
Il ne faut pas s’étonner s’ils sont restés puissants et surtout riches ; rien de plus stable qu’une forme de société. […] La forme dans laquelle s’enserre alors la société humaine est construite sous les exigences du danger incessant et proche, en vue de la défense locale, par la subordination de tous les intérêts au besoin de vivre, de façon à sauvegarder le sol en attachant au sol, par la propriété et la jouissance, une troupe de braves sous un brave chef. […] Arthur Young, visitant un château de Seine-et-Marne, écrit : « J’ai interrogé Mme de Guerchy ; il résulte de cette conversation que pour habiter un château comme celui-ci, avec six domestiques mâles, cinq servantes, huit chevaux, entretenir un jardin, etc., tenir table ouverte, recevoir quelque société, sans jamais aller à Paris, il faut environ 1 000 louis de revenu ; il en faudrait 2 000 en Angleterre ».
Son succès engagea les poètes de la société polie à porter aux comédiens des poèmes délicatement écrits. […] La société polie suivit ses poètes, le cardinal de Richelieu se déclara amateur passionné du genre dramatique, et les honnêtes femmes commencèrent à se risquer chez les comédiens. […] En venant au théâtre, la société polie y avait apporté sa sécheresse d’imagination et son instinct rationaliste.
Il balbutiait une naïveté et une pauvreté, le mot qui aurait pu dire tout le dédain de l’homme qui pense pour la société, la plus brutale des forces naturelles. […] Vous condamnez de très haut toute notre société fondée sur « le mauvais principe de la subordination ». […] Pourvu que l’avocat vibre, les bons boutiquiers qui sont venus au Palais un peu comme à un devoir et un peu comme à un plaisir ; un peu comme à leur boutique, mais un peu comme au théâtre ; disposés sans doute à défendre la chère société faite à leur ignoble ressemblance, mais prêts aussi à applaudir l’acteur habile, oublient un instant leur morale utilitaire, se laissent entraîner à l’ivresse romantique.
On saisit à nu, dans ce chapitre, l’œuvre d’une vieille société en reconstruction sous une main puissante, une vieille civilisation avec ses pièces essentielles, hardiment remise, comme un vaisseau de haut bord, sur le chantier. Napoléon, du premier coup, a compris que la majorité de toute société est neutre et ne demande qu’à subsister et à se soumettre, si elle est garantie dans ses croyances et dans ses intérêts. En s’adressant à ces chefs arabes, à ces ulémas et docteurs révérés, à ces honnêtes gens du pays, en essayant auprès d’eux sa politique de ménagement et de réparation pour ces grands intérêts de toute société, la religion, la propriété, la justice, le jeune conquérant se faisait la main pour ce qu’il devait accomplir ailleurs de bien plus délicat.
Lorsque, quittant sa patrie, à la fin du premier livre des Confessions, il se représente le tableau simple et touchant de l’obscur bonheur qu’il aurait pu y goûter ; quand il nous dit : J’aurais passé dans le sein de ma religion, de ma patrie, de ma famille et de mes amis, une vie paisible et douce, telle qu’il la fallait à mon caractère, dans l’uniformité d’un travail de mon goût et d’une société selon mon cœur ; j’aurais été bon chrétien, bon citoyen, bon père de famille, bon ami, bon ouvrier, bon homme en toute chose ; j’aurais aimé mon état, je l’aurais honoré peut-être, et, après avoir passé une vie obscure et simple., mais égale et douce, je serais mort paisiblement dans le sein des miens ; bientôt oublié sans doute, j’aurais été regretté du moins aussi longtemps qu’on se serait souvenu de moi. […] Le premier livre des Confessions n’est pas le plus remarquable, mais Rousseau s’y trouve déjà renfermé tout entier, avec son orgueil, ses vices en germe, ses humeurs bizarres et grotesques, ses bassesses et ses saletés (on voit que je marque tout) ; avec sa fierté aussi et ce ressort d’indépendance et de fermeté qui le relève ; avec son enfance heureuse et saine, son adolescence souffrante et martyrisée, et ce qu’elle lui inspirera plus tard (on le pressent) d’apostrophes à la société et de représailles vengeresses ; avec son sentiment attendri du bonheur domestique et de famille qu’il goûta si peu, et encore avec les premières bouffées de printemps et ces premières haleines, signal du réveil naturel qui éclatera dans la littérature du xixe siècle. Nous courons risque d’être aujourd’hui trop peu sensibles à ces premières pages pittoresques de Rousseau ; nous sommes si gâtés par les couleurs, que nous oublions combien ces premiers paysages parurent frais et nouveaux alors, et quel événement c’était au milieu de cette société très spirituelle, très fine, mais sèche, aussi dénuée d’imagination que de sensibilité vraie, dépourvue en elle-même de cette sève qui circule et qui, à chaque saison, refleurit.
En cette circonstance toutefois, et quelle que fût la réalité des motifs qu’il a exposés lui-même en toute nudité, il viola ce que les anciens appelaient la conscience du genre humain, et il coopéra à l’un de ces scandales qui ébranlent toujours la confiance des peuples dans le droit protecteur des sociétés. […] Henry estime que cette moquerie irréligieuse de Frédéric se passait surtout à la surface de son âme ; qu’en s’y livrant, il s’abandonnait surtout à un mauvais ton de société, dans la pensée que cela n’arriverait jamais à la connaissance du public ; mais que le fond de sa royale nature était sérieux, méditatif, et digne d’un législateur qui embrasse et veut les choses fondamentales de toute société et de toute nation.
Sa passion pour la pastorale ne l’empêcha à aucun moment de savoir comment on réussit et l’on fait son chemin dans la littérature et dans la société. […] En terminant ses Fables à une époque où déjà l’ancienne société française était bouleversée et en train de périr, Florian exprimait un vœu sincère, le désir vrai d’être oublié ; il souhaitait la paix secrète, la paix du cœur, un abri studieux, Le travail qui sait éloigner Tous les fléaux de notre vie ; Assez de bien pour en donner, Et pas assez pour faire envie. […] À la fois auteur, acteur, metteur en scène, il était l’âme des divertissements de la société.
Il les justifie du reproche de vouloir matérialiser la société ; il y montre les travailleurs comme n’étant pas simplement une classe dans la société, mais la société même : « Le travail, dit-il, dont l’ingénieux Franklin fit toute la science du bonhomme Richard, sera le dernier réformateur de la vieille Europe.
Nommé lieutenant d’artillerie en juin 1793, il alla en garnison à Thionville ; il écrivait de là à sa mère (10 septembre 1793) pour lui demander des livres, Bélidor sur le génie et l’artillerie, et surtout deux tomes de Démosthène et il ajoutait : Mes livres font ma joie, et presque ma seule société. […] Courier a vingt et un ans ; il travaille, il s’occupe de ses lectures chéries, et il a aussi des moments d’entraînement vers les sociétés et les coteries, comme il les appelle. […] Athènes par-delà l’appelle ; il y aspire comme le dévot musulman au pèlerinage de La Mecque ; mais, en attendant, Rome et Naples, avec leurs monuments, leur ciel et leur petite société d’élite, lui suffisent, le possèdent et lui tiennent lieu de tout ; grands souvenirs, beautés naturelles, c’est pour lui tout ensemble « ce qu’il y a de mieux dans le rêve et dans la réalité ».
Tous les autres genres ont sans doute participé à cette révolution, mais seulement sous le rapport des idées et du langage, et par un effet de cette influence que le théâtre, le plus populaire de tous les plaisirs de l’esprit, exerce infailliblement sur la société et sur la littérature. […] La Révolution, disent-ils, a tout changé parmi nous, les institutions et la société, les principes et le caractère : il faut que la littérature, expression naturelle de toutes ces choses, participe au changement universel. […] Dans cet état moral et politique de notre société reconstituée, il est d’une conséquence nécessaire que la littérature réponde aux besoins des âmes et des esprits.
Mais cet état d’esprit existait : si tous ne délestaient pas sincèrement notre société bourgeoise, chacun la harcelait de ses violentes diatribes, chacun avait une vague intuition de quelque chose de mieux. […] « Enfin pour donner à sa personne la curiosité, le piquant, l’intérêt que le scandale ne peut manquer de lui ajouter dans une société pourrie comme la nôtre, il nie carrément l’amour. […] Individualistes à outrance, ils ne veulent pas admettre que la société égalitaire de demain soit une machine où tout sera réglé comme les mouvements d’une horloge.
L’Histoire, pour lui, qu’elle parle ou se taise, est une révélation de toutes les vérités nécessaires à l’homme et à la société, ces deux êtres qu’il ne sépara jamais ! […] On en a fait un bourreau de sentiment et d’idée, et si on avait pu, on en eût fait un bourreau de métier, parce que, ni plus ni moins monstre que l’Histoire, ni plus ni moins monstre que toutes les sociétés connues, il a posé la nécessité lamentable, mais la nécessité du bourreau. […] Sans argent, dans la société la plus fastueuse, il écrivait, avec la légèreté qu’ont les grands cœurs dans la misère : « Qu’est-ce que le sentiment fait au prix des choses !
Scientifiquement, il faudrait un Code pour chaque individu ; mais cela compliquerait un peu les sociétés. […] Voilà la limite du féminisme, et posée par la société elle-même. […] Il n’y a pas d’imparité bien sensible entre les sociétés humaines et les sociétés animales ; la comparaison s’est toujours imposée de l’homme avec la fourmi, l’abeille, le castor, le pécari ou le chien des prairies. […] Pourtant je voudrais vous dire quelque chose qui paraisse important, et voici : la vie serait, je crois, rendue beaucoup meilleure pour tous et pour chacun, si l’on admettait cette idée que la société est faite pour l’individu et non l’individu pour la société. […] Je ne crois pas qu’il réussisse, parce que l’on conçoit difficilement une société anti-sociale.
Laurent Tailhade Louis Marsolleau qui, si vigoureusement, fit entendre aux oreilles du mufle agrégé en société la trompette vengeresse de l’immanente justice et des prochaines revendications.
Les formes de la société humaine sont des plus variées.
L’Abbé de Boisrobert étoit en effet d’une société très-agréable ; il avoit le caractere gai, & l’imagination pleine de saillies.
Il étoit fort lié avec Voiture, Scarron, Sarrasin, avec la fameuse Ninon, & quelques autres, d’une société pleine de gaieté & d’agrémens, ce qui ne contribue pas peu à animer un esprit naturellement agréable & facile.
Ils purent bien comparer sa Phédre à celle de Racine, faire des Sonnets, débiter des Plaisanteries, cabaler dans les Sociétés de leur temps, ressource ordinaire des Présidens & Présidentes des Bureaux d’esprit ; le pauvre Pradon n’y gagna que du ridicule.
le jeune Léon Daudet m’apprend qu’au collège Louis-le-Grand, l’histoire de la Révolution, s’apprend dans notre Histoire de la société française pendant la Révolution et le Directoire. […] Lettre de Debry, agent de la société des auteurs dramatiques, qui m’annonce que Mme Favart accepte mes conditions pour une tournée en province. […] On s’entretient d’une société à la fin du dix-huitième siècle dont tous les membres, desquels était Condorcet, portaient dans le chaton d’une bague ou le gousset de leur gilet, la dose de néant, qu’il fallait pour les cas imprévus et les fins de vie déshonorantes. […] Quand je faisais des romans, que je créais des personnages, ma création me tenait compagnie, faisait ma société, peuplait ma solitude ; je vivais avec les bonshommes et les bonnes femmes de mon bouquin. […] Les dames de la société me blaguent sur les succès, qu’elles prétendent que j’ai auprès des femmes.
car cette femme de grande inspiration et de généreuse spontanéité devait à la société de son temps la vivifiante et saine chaleur de son âme. […] Dans ce paradis futur, vous faites rentrer les animaux inoffensifs exclus si longtemps de notre société barbare, et victimes de nos habitudes sanguinaires. […] Dans tous les cas, nous portons la peine de nos erreurs ou de celles d’autrui, car la nature n’échappe pas, comme la société, à la loi de solidarité. […] La société ne nous offre pas un milieu où nos idées et nos sentiments puissent s’asseoir et travailler de concert. […] Si la vertu succombe, et si le vice triomphe, la pensée du livre n’est pas douteuse : c’est la société qui est condamnée.
Henri Blaze de Bury Le sonnet d’Arvers, isolé dans son œuvre, ne vise pas telle ou telle personne de la société ; il vise la femme, être essentiellement réfractaire aux choses de la poésie quand son amour propre n’y est pas intéressé, et qui ne comprend vos vers et vos hommages que le jour où votre gloire les lui renvoie et que vous avez fait d’elle une Elvire.
On peut employer encore un autre moyen : il est certaines Sociétés dévouées à des hommages mutuels, où l’encensoir passe de main en main : il est aisé de s’y faire agréger, afin d’obtenir de ses confreres une ample dose d’encens, en revanche de celle qu’on leur a distribuée.
Ce fut donc parce que Cotin se prévaloit un peu trop d’une réputation usurpée, qu’il cabaloit dans les petites Sociétés de son temps, qu’il s’étoit érigé en Président de quelques Bureaux d’esprit, qu’au milieu de ces Sénats ridicules, où il étoit écouté comme un Oracle, il insultoit au vrai mérite, en faveur du sien & de celui de ses amis ; ce fut enfin l’admiration indiscrete de l’Hôtel de Rambouillet, qui fit pleuvoir sur lui les anathêmes de l’Auteur du Lutrin, & de celui des Femmes Savantes.
Ses Chansons, pour la plupart, ont eu cependant de la vogue dans les Sociétés Bourgeoises.
Mercier n’ont pas encore eu les honneurs de la représentation, du moins dans la Capitale, pas même au milieu de ces Sociétés mornes & prétendues sensibles, où les soupirs factices d’un Héros, sanglotant de trois points en trois points, sont toujours sûrs d’être merveilleusement accueillis.
Cette édition demandoit donc un homme de Lettres laborieux, intelligent, Poëte lui-même, en état de remplir les lacunes, de lier les morceaux séparés, de deviner l’Auteur, de disposer de son bien comme du sien propre, de faire en un mot avec lui société d’esprit & de talens, en lui cédant tout l’honneur du succès ; M. de Tresseol qui a réuni toutes ces qualités, mérite de partager la gloire de M.
es Poetes de société, 209 Chap.
Il aimait les grands seigneurs, il aimait les rois ; il voulait éclairer la société plutôt que la changer. […] Mais la destinée de Voltaire était le chef-d’œuvre de la société, des beaux-arts, de la civilisation monarchique : il devait craindre même de renverser ce qu’il attaquait.
De même que la société russe, la poésie française manque d’un tiers-état163. — L’art n’est pas un plat miroir reproduisant telle quelle la réalité élégante ou vile. […] Fischart cite jusqu’à 586 jeux d’enfants et de société, que j’ai comptés en me pressant et en m’ennuyant beaucoup.
Bientôt on oublia les égards, les ménagemens, les devoirs les plus indispensables dans la société. […] On lui attribue cet esprit de méchanceté & de tracasserie, fléau des sociétés.
Une femme seule pouvait nous donner ces feuilletons, qui feront certainement suite, dans l’histoire de la société française, aux lettres de Mme de Sévigné, cette feuilletoniste du grand siècle de Louis XIV, et déplier au regard qui craint qu’elles ne s’envolent ces fragiles peintures d’éventail On aura beau, par un tour de souplesse de l’imagination, se faire spirituel, dandy, Rivarol en habit violette expirante, grand seigneur, prince de Ligne, avec ses coureurs roses et argent, devant sa voiture rose, on n’arrivera jamais, si on n’est qu’un homme, à être le vicomte de Launay d’un siècle grave, par des choses que le siècle dédaigne ou n’aime plus, avec cette supériorité ! […] dans l’atmosphère d’une société fausse, on prend un masque pour mieux respirer.
Dans l’impossibilité de créer des romans comme Delphine et Corinne, qui sont des études superbes de passion et de société, on se rabat sur l’histoire et sur la critique ; et parce que Mme de Staël a jugé Gœthe et Schiller, et toute l’Allemagne intellectuelle de son époque, en l’inventant, il est vrai, plus qu’en la voyant telle qu’elle fut, l’auteur de Robert Emmet, qui n’a pas une pareille envergure de plume, se croit de la plus pieuse modestie filiale, en condescendant à un sujet moins vaste et moins ambitieux et en nous racontant Lord Byron. […] Lord Byron, à lui seul, l’emporte, en intérêt littéraire et surtout en intérêt de nature humaine, sur tous ces Allemands sans passion ardente et profonde et qui n’ont de nature humaine que dans le cerveau… La vie de ce grand poëte, qui s’est élevé jusqu’au grand homme, est autre chose que celle de ces travailleurs en rêveries dont l’existence ressemble à une table des matières de leurs œuvres, dans laquelle elle tient… Pour tout homme, pour tout être si heureusement et si puissamment organisé qu’il soit, la vie de Byron est un sujet de critique et de biographie de la plus redoutable magnificence ; car Byron fut comme le plexus solaire du xixe siècle, et tous les nerfs de la société moderne, cette terrible nerveuse, aboutissent à lui… Toucher à cet homme central, magnétique et vibrant, qui mit en vibration son époque, c’est toucher à l’époque entière… Jusqu’ici, ceux qui y ont touché s’y sont morfondus.
Il fait partie d’une société qui, dans ses prévisions, faillibles ou infaillibles, mais siennes, est parfaitement condamnée à périr. […] La faute, la grande faute de Henri fut moins l’Édit de Nantes que sa teneur, qui replaçait en vis-à-vis de guerre, dans la société et dans la loi, les anciens vainqueurs et les anciens vaincus du champ de bataille.
Est-ce à l’honneur d’une société ? […] condamna pendant quelque temps au bonnet rouge, à la carmagnole et aux pataquès, cette société toute de soie et de beau langage, mais où l’homme manquait par-dessous !
Il fallait une société comme la nôtre pour que les hallucinations de deux hommes mourant de leurs excès, l’un du delirium tremens, l’autre du tabès dorsal, devinssent des lueurs de génie, et pour que l’ivrognerie et ses songes prissent rang parmi les facultés et les produits de l’esprit humain. C’est cette société qui a créé tout le succès d’Hoffmann.
On pourrait le laisser perdu, noyé, imperceptible, presque invisible, dans son coin de littérature et de société, il n’est pas si grand qu’on l’y aperçoive ! […] À cette heure, il est évident que sans un coup de Providence qu’on n’a pas le droit d’espérer, la société chrétienne est morte.
Cela le met à part d’Alfred de Vigny, poète anglais en langue française, qui avait la beauté anglaise, l’originalité anglaise, la pureté et même la pruderie anglaises ; qui, comme les grands Anglais, ne relevait que de la Bible et de lui-même, et qui avait le dédain anglais pour cette société démocratique qu’est devenue l’ancienne société française.
Quand la société (j’entends la société qui lit) a soixante-dix ans, comme l’a dit Stendhal , et n’a plus d’énergie, elle est bien reconnaissante, allez, de voir qu’on en a plus qu’elle !
À ce tableau il oppose celui de l’officier français : « Idolâtre de son honneur et de celui de son souverain ; bravant de sang-froid la mort, avec toutes les raisons d’aimer la vie ; quittant gaiement les délices de la société pour des fatigues qui font frémir la nature ; humain, généreux, compatissant, tandis que la barbarie étincelle de rage autour de lui ; né pour les douceurs de la société comme pour les dangers de la guerre ; aussi poli que fier ; orné souvent par la culture des lettres, et plus encore par les grâces de l’esprit. » Il parcourt ensuite rapidement nos victoires, nos exploits et nos pertes ; il célèbre cette brave noblesse qui partout a versé son sang pour l’État76.