Selon lui, Paris n’était pas au roi (quand il y avait un roi) ; il n’est pas au peuple, toujours occupé et affairé : « le seul, le véritable souverain de Paris, c’est le flâneur ».
Pauvre cour, qui s’amusait ou s’effrayait si fort d’une plume blanche, quand déjà toute la monarchie était sapée et que le respect des peuples se convertissait sourdement en haine et en mépris !
En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.
Cependant le monde ne va ni plus ni moins, et l’influence des opinions les plus hardies est équivalente à zéro. » Grimm se trompe ; en attribuant toute la morale publique aux institutions et à la législation d’un peuple, il oublie que, dans les intervalles de relâchement, les livres ont grande influence.
Le monarque parle, tout est peuple, et tout obéit » ; c’est-à-dire que, par suite du relâchement excessif des pouvoirs, de l’affaiblissement des mœurs et d’une sorte de dissolution lente et universelle, il n’y avait plus en France alors de digue véritable et solide entre la masse entière de la nation et le roi ; que les divers corps et ordres de l’État n’avaient plus de force pour subsister par eux-mêmes et pour résister, le jour où ils seraient mis sérieusement en question, et qu’il n’y avait plus qu’un trône debout, au milieu d’une plaine immense, d’une plaine mobile.
Son irréligion même, qui éclate pour nous dans ses rapports avec nos philosophes, et qui est le côté par lequel il les a le plus regardés, cette irréligion qui jure si fort avec son rôle de roi fondateur et instituteur de peuple, n’était pas au fond ce qu’accusent ses correspondances les plus connues.
Nul peuple n’a conçu ce genre de drame, dont l’action est toute morale, qui néglige tous les accidents secondaires de la vie, tous les événements extérieurs, toutes les formes changeantes de l’humanité, pour peindre l’homme en général et surtout l’homme aux prises avec lui-même dans ce grand combat de la passion et de la vertu.
Enfin, en politique, Rivarol est un oligarque qui a pris tout ce qu’il sait dans Montesquieu, n’ayant pas une conception plus nette ou plus simple de l’organisa lion du pouvoir que la constitution d’Angleterre appliquée indifféremment à tous les peuples.
Renan sont au nombre de quatre, Les Religions de l’antiquité, L’Histoire du peuple d’Israël, Les Historiens critiques de Jésus, Mahomet et les origines de l’islamisme.
Quelque bruit que fassent autour d’elle les peuples et les rois, elle n’oubliera pas un de ses mendiants, un de ses martyrs.
L’humanité s’est passée d’elles pendant fort longtemps ; et elles n’auraient peut-être jamais paru dans le monde s’il ne s’était rencontré jadis, en un coin de la Grèce, un petit peuple auquel l’à-peu-près ne suffisait pas, et qui inventa la précision 8.
Enfin, le protestantisme, qui venait de chasser les Stuarts et d’abolir la monarchie absolue, paraissait le gardien de la Constitution et le libérateur du peuple.
J’entendais, par-là, qu’il devait, autant que faire se pouvait, négliger les habitudes et les prétentions de la bourgeoisie, s’adresser, en attendant que le peuple s’y intéressât, aux prolétaires intellectuels, à ceux de demain, et pas à ceux d’hier ; je ne pensais pas un instant qu’on dût faire banal pour être sûrement compris. […] Mais de même que pour le gros public les décadents, les auteurs difficiles, c’était tout un énorme groupe, un peuple d’écrivains qui englobait Goncourt, Villiers de l’Isle-Adam, Poictevin, Rosny, tous les discutés, tous les méconnus, tous les passionnés d’écriture artiste, ou plutôt d’écriture expressive et de forme nouvelle, les occultistes, les symbolistes, les anarchistes aussi ce fut, pour ce même public, une masse en marche. […] Si l’on évoquait le passé de notre littérature et ses écoles variées, comme on fait aux expositions, pour les peuples par des séries de pavillons, le pavillon du symbolisme ne serait point indigne des autres, et pourrait lancer ses clochetons et ses minarets, fièrement auprès des coupoles du Parnasse. […] Le peuple comprendra ; ce sont ses Académies, et ses critiques jurés qui l’abusent et lui affadissent l’intellect de boissons tièdes. […] Il se peut que cette certitude fasse sourire des chroniqueurs élégants et des penseurs mondains ; quoi soumettre au peuple, ces choses que tous jugèrent hermétiques !
L’adolescent s’enorgueillit de participer à une tradition vénérable : Je suis fier d’être admis à vos cérémonies Ô Dieu du peuple élu, ô mon maître, ô mon roi ; Je suis heureux que mon enfance soit nourrie Dans votre temple saint, de votre sainte loi. […] Ne sait-on pas que les affections désordonnées corrompent le jugement ainsi que la volonté, et que la conscience s’altère et se modifie insensiblement dans chaque siècle, à, dans chaque peuple, dans chaque individu, selon l’inconstance et la variété des préjugés ? […] Si des fous et des imbéciles ont pu comparer la Vierge folle à une tragédie classique et en faire honneur à Racine au lieu d’en faire honte à Rousseau ; si l’on a pu acclamer dans un théâtre français, chez le seul peuple qui possède le sens du ridicule, une femme qui monte la garde à la porte de la chambre où son mari est enfermé avec sa rivale, c’est parce qu’il a existé un ménage Wolmar-Julie-Saint-Preux. […] En ce temps-là, on « allait au peuple » ; Félix, lui, va à l’amour. […] Elle lui semble « peuple », et les intellectuels sont de fameux aristocrates.
» (1836) Il écrit à quelqu’un, par forme de compliment sur quelque ouvrage : « Je n’ai jamais rien lu ni écrit de si délicieux. » XVIII La forme particulière de l’orgueil chez M. de Lamennaiss est celle-ci : Quand il lui vient pour la première fois une idée (papauté, souveraineté du peuple, etc.), à l’instant, il s’y attache comme au résultat le plus important, le plus fécond, et croit que le monde irait se perdant, s’il ne la communiquait immédiatement au monde. […] Or, ce dernier but semble désormais le seul que poursuivent la plupart de nos grands auteurs. « Ne me lisez pas, dit Lamartine à quiconque lui parle des Girondins, je n’écris pas pour vous, mais pour les ateliers, pour le peuple. » Et tutti quanti… CXLVII S…, suborné par le style de Lamartine, se tue à me dire que son Histoire est pleine de talent et que cela aurait eu le plus magnifique succès en feuilletons ; que cela est composé, coupé admirablement en vue du feuilleton, de manière à satisfaire un jour celui-ci, un autre jour celui-là, à tenir tout le monde en suspens. […] L’atticisme, chez un peuple, et au moment heureux de sa littérature, est une qualité légère qui ne tient pas moins à ceux qui la sentent qu’à celui qui écrit.
Il est à croire, puisqu’ils voulaient perdre notre Europe et la remettre en friche par les dissensions et par les guerres, que les dieux, dans leur indulgence, préparaient un asile aux peuples fugitifs, et que c’est à cette fin qu’aux approches de ce siècle, du sein des vastes mers, ils ont fait jaillir un monde : — un monde vierge, humide encore, qui d’abord ne pouvait, dit-on, supporter qu’à peine les traces légères de quelques races errantes, et où maintenant le sol facile appelle la charrue, où les champs illimités n’attendent qu’un maître.
Les horreurs dont il est témoin, et dont il s’estime préservé tout exprès par une sollicitude particulière de la Providence, ne l’émeuvent qu’assez légèrement, et n’interrompent qu’à peine le cours de ce qu’il appelle sa délicieuse carrière spirituelle : En réfléchissant, dit-il en un endroit, sur les rigueurs de la justice divine qui sont tombées sur le peuple français dans la Révolution, et qui le menacent encore, j’ai éprouvé que c’était un décret de la part de la Providence ; que tout ce que pouvaient faire dans cette circonstance les hommes de désir, c’était d’obtenir par leurs prières que ces fléaux les épargnassent, mais qu’ils ne pouvaient atteindre jusqu’à obtenir de les empêcher de tomber sur les coupables et sur les victimes.
Quand la passion du bien de la monarchie se joint au génie inventeur, alors le cœur se remplit de bien d’autres choses que de soi-même ; ordinairement même, le soi s’oublie et s’abandonne absolument, comme cela se voit chez ces chasseurs qui le sont par goût, chez tous les hommes à passions ardentes, à passions de goût et de curiosité, dans les amours violents comme celui de Moïse pour son peuple, et chez les savants qui ont recherché l’objet de leur étude en se détruisant visiblement17.
L’éminent critique crut devoir défendre de tout point l’aperçu de Boileau et l’appuya par des raisons réfléchies : il voyait dans Villon un novateur, mais utile et salutaire, un de ces écrivains qui rompent en visière aux écoles artificielles, et qui parlent avec génie le français du peuple ; contrairement à l’opinion qui lui préférait l’élégant et poli Charles d’Orléans, il rattachait à l’écolier de Paris le progrès le plus sensible qu’eût fait la poésie française depuis le Roman de la rose.
N’oublions pas la femme du peuple, la femme des halles alors si caractérisée, le genre poissard.
Représentants du peuple, vous répondrez enfin par ce cri consolateur et vainqueur, qui retentira dans toute la France : la justice, et puis la justice, et encore la justice. » Ainsi il reprend au rebours, de propos délibéré, le mot d’ordre de Danton : celui-ci, dans le mouvement, d’invasion et dans le temps d’assaut de la Révolution montante, a tout attaqué et détruit ; lui, dans la période du décours et du déclin, il veut restaurer, mais il le voudra selon la mesure et selon la justice.
On a besoin pour les admirer, dit-il, de songer aux difficultés qu’ont coûtées à construire ces énormes monuments et aux quarante siècles dont l’éloquence de Bonaparte les a couronnés ; mais « il y a derrière eux ce grand coquin de désert qui est autrement imposant. » Il ne se pique pas, depuis douze jours qu’il est arrivé, d’avoir une idée faite sur le pays ; son premier coup d’œil pourtant ne le trompe guère, et ce Méhémet-Ali tant vanté ne lui paraît que ce qu’il était en effet, un administrateur-exacteur mieux entendu, un pressureur de peuple plus habile : « Les gens qui en attendent des progrès comme civilisation se trompent lourdement.
Mais ne voyez-vous pas comme chaque peuple apporte aux représentations de la scène un degré de dureté ou de susceptibilité qui répond à son genre de tournoi national et qui peut se mesurer au caractère de ses jeux favoris ?
Bien parler a été de tout temps un don assez généralement dispensé aux hommes, et les orateurs, chez aucun peuple ni à aucune époque, n’ont jamais manqué : écrire était chose plus réservée, plus redoutée et jugée vraiment difficile.
M. le dauphin se mit la couverture sur le visage, mais ma princesse ne cessa de me parler avec une liberté d’esprit charmante, ne faisant non plus d’attention à ce peuple de Cour que s’il n’y avait eu personne dans la chambre.
… Surtout préparez dans votre intérieur les moyens de tenir vos engagements… Pénétrez-vous bien de cette vérité, que, pour s’illustrer par une résistance honorable au siècle où nous vivons, un peuple peu nombreux doit opposer aux armées disciplinées et permanentes le courage du Spartiate.
Quoique attaché par des affections antiques aux dynasties à jamais disparues, quoique lié de foi et d’amour à ce Christianisme que la ferveur des peuples semble délaisser et qu’on dirait frappé d’un mortel égarement aux mains de ses Pontifes, M. de Lamartine, pas plus que M. de La Mennais, ne désespère de l’avenir ; derrière les symptômes contraires qui le dérobent, il se le peint également tout embelli de couleurs chrétiennes et catholiques ; mais, pas plus que le prêtre illustre, il ne distingue cet avenir, ce règne évangélique, comme il l’appelle, du règne de la vraie liberté et des nobles lumières.
Crois-tu qu’une race inconnue Peuple ces mondes radieux ?
Étienne Pasquier écrivait à Ronsard en 1555, six ans seulement après que Du Bellay, dans l’Illustration de la Langue, avait sonné la charge et prêché la croisade : « En bonne foi, on ne vit jamais en la France telle foison de poëtes… Je crains qu’à la longue le peuple ne s’en lasse ; mais c’est un vice qui nous est propre, que, soudain que voyons quelque chose succéder heureusement à quelqu’un, chacun veut être de sa partie sous une même promesse et imagination qu’il conçoit en soi de même succès. » Pasquier veut bien croire que tous ces nouveaux écrivasseurs donneront tant plus de lustre aux écrits de Ronsard, « lesquels, pour vous dire en ami, continue-t-il, je trouve très-beaux lorsque avez seulement voulu contenter votre esprit ; mais quand, par une servitude à demi courtisane, êtes sorti de vous-même pour étudier au contentement, tantôt des grands, tantôt de la populace, je ne les trouve de tel alloi. » En sachant gré au poëte de l’avoir nommé en ami dans ses écrits, il ajoutait : « Mais, en vous remerciant, je souhaiterais que ne fissiez si bon marché de votre plume à haut louer quelques-uns que nous savons notoirement n’en être dignes ; car ce fesant vous faites tort aux gens d’honneur.
Je satisfais ensemble et peuple et courtisans, Et mes vers en tous lieux sont mes seuls partisans ; Par leur seule beauté ma plume est estimée ; Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée, Et pense toutefois n’avoir point de rival A qui je fasse tort en le traitant d’égal17.
La littérature du xviiie siècle avait été presque en entier consacrée à établir dans l’opinion les droits des peuples, à retrouver et à promulguer les titres du genre humain.
Elle va nous l’avouer elle-même et laisser échapper son orgueil, son ivresse de sainte, sous les semblants de l’humilité : « On ne peut méconnaître, écrivait-elle « d’Aaran (en avril 1816), les grandes voies de miséricorde du Dieu qui veut, avant les grands châtiments, faire avertir son peuple et sauver ce qui peut être sauvé.
Il était tout français, imperceptiblement italianisé, et n’ayant pris à l’antiquité latine que ce qui mettait en valeur les vieux dons de sa race : par lui, La Fontaine et les autres reprenaient le contact du pur génie de la France, se remettaient en communion avec l’âme héréditaire de notre peuple.
Il devait les écrire, car l’avènement du christianisme forme, pour les peuples d’Occident, le nœud du grand drame humain.
Villon et Marot sont deux poètes sortis du peuple ; le caprice de la fortune a laissé l’aîné dans la bassesse de sa naissance, et a élevé le cadet jusqu’à la domesticité de la cour.
C’est par là que je trouve des enseignements pour ma condition obscure, dans la peinture des conditions les plus élevées, et qu’enfant du peuple, je profite de la leçon faite aux grands.
Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type de la taxation : à propos de tout ; donc aussi à propos des productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’État, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose.
Notre Rimbaud, que nous imaginions une sorte de Salomon, pasteur de peuples, entouré d’une pompe nègre, s’avérait simple voyageur de commerce.
Ceux des Théatins seront célèbres entre tous les autres… Là, on verra une décoration souvent profane, les places retenues et payées, des livres distribués comme au théâtre (le motet traduit en vers français par LL**), les entrevues et les rendez-vous fréquents, les murmures et les causeries étourdissantes ; quelqu’un monté sur une tribune, qui y parle familièrement, sèchement, et sans autre zèle que de rassembler le peuple, l’amuser… jusqu’à ce qu’un orchestre, le dirai-je ?
Pour qui sait quelle grande ombre jetait un duc dans le monde, même à ce crépuscule de la monarchie, de quel pied de pourpre il foulait la terre, et quelle solennelle étiquette régnait jusque dans l’intérieur de ces grandes familles rangées en face du trône et en vue du peuple, les incartades du chevalier de Talmay divaguent d’inconvenance et de contresens.
Madame Guichard, n’étant plus jalouse, redevient alors une bonne femme du peuple.
Cependant, la dernière guerre de Louis XIV, la guerre de la succession d’Espagne, s’était allumée et embrasait l’Europe ; la fortune commençait à devenir contraire ; les peuples s’épuisaient d’impôts et de sang ; le duc du Maine ne s’illustrait point à l’armée par sa valeur ; mais, à Sceaux, la duchesse, radieuse d’espérance et d’orgueil, s’amusait et jouait toujours.
Le lendemain, 20 avril 1674, elle entendit la messe du roi qui partait pour l’armée ; au sortir de la messe, elle demanda pardon à genoux à la reine pour ses offenses, puis monta en carrosse et se rendit aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques, où une grande foule de peuple rangée sur son passage l’attendait.
Dire cela au peuple est mal, l’aider à le chanter est pis encore.
» Ce refroidissement éloigna Bonneval de Vienne ; il était en 1724 à Bruxelles, où il servait comme général, et où il avait son régiment en garnison ; il y était sur le meilleur pied, un peu goutteux, mais recevant chez lui la meilleure compagnie, donnant soupers et concerts, très aimé tant de la noblesse que du peuple et de la bourgeoisie, quand tout à coup éclata sa fâcheuse affaire avec le marquis de Prié, gouverneur.
L’influence de ces sobriquets parmi le peuple est plus importante qu’on ne pense ; ils ne se perdent presque jamais.
Sans quelques fruits, l’Europe n’aurait qu’à pleurer sur des trophées inutiles ; mais des peuples entiers vivent en Allemagne des pommes de terre venues de l’Amérique, et nos belles dames mangent des cerises qu’elles doivent à Lucullus.
Rien de plus délicat que les questions de frontières ; elles amènent la guerre entre les peuples.
. — Écrire pour le peuple. — Sacrifier à la canaille. — Se plaire dans l’horrible. — N’avoir point de grâce. — N’avoir point de charme. — Dépasser le but. — Avoir trop d’esprit. — N’avoir pas d’esprit. — Faire « trop grand ». — « Faire grand ».
Dans la pratique, il est vrai, il sera bon que l’autorité des sages guide et éclaire l’inexpérience des humbles, mais c’est encore en s’adressant à leur liberté de penser et de juger, — non pas en se réservant le privilège des lumières, et en laissant au peuple celui de la servitude et de l’ignorance.
Nul n’a moins que lui de superstitions politiques et son essai sur la Condition du peuple au xxe siècle s’éloigne des banalités optimistes du journalisme et du Parlement.
Eux et leurs adhérents, prêtres ou moines, ont souvent abusé du droit de haranguer le peuple assemblé.
Voici la corporation des maris, doublés de leurs femmes aux mantelets éclatants ; voici la corporation des célibataires provocateurs aux lorgnons adultères ; — voici la bande des bonnes d’enfants cherchant d’un œil langoureux — dans le cercle formé par les musiciens — le timbalier dont parle le poète ; — voici le clan des voyous en quête des bouts de cigares… Toute la ville enfin : tiers-état, menu peuple, noblesse.
Non seulement il a su exprimer avec puissance les divers sentiments de son personnage : tendresse, colère, douleurs, enthousiasme, mais il a répandu sur tout le rôle une grâce exquise, la grâce d’une âme naturellement héroïque, qui n’a point à faire effort pour être grande et belle, qui ne se roidit point dans sa gloire (car elle s’y trouve du premier coup comme chez elle), et qui, portée si haut par l’amour et l’admiration d’un peuple, heureuse d’être tant fêtée, n’est que douceur et gentillesse. […] Ce n’est pas tout : ils gongorisent ; ils sont alambiqués et fleuris ; ils analysent leurs sentiments avec subtilité (avec plus de subtilité que de profondeur) ; ils parlent ce langage cherché et contourné (où il y a, dans le fond, encore bien de l’enfantillage et de la barbarie, qu’on trouve dans l’histoire littéraire de presque tous les peuples un peu avant leur complet développement intellectuel, et qu’on retrouve d’ailleurs, il faut le dire, dans leur âge de décadence… Pour toutes ces raisons, les vers du Cid ne doivent pas être dits simplement ni modestement. […] Mais qu’est-ce que c’est que ce fanatique, ce fou furieux, ce révolté contre les lois de son pays, qui, sans nécessité, outrage publiquement le culte officiel de tout un peuple et qui, pour le gagner à une religion de douceur et de charité, commence par lui briser les statues de ses dieux avec des cris d’énergumène ? […] Joignez que cette parodie de l’antiquité classique est faite pour flatter la pédanterie naturelle et les instincts scolaires du peuple de bacheliers que nous sommes. […] À cause d’elle, deux peuples se massacrent depuis neuf ans déjà.
Cela devrait monter tout le long de voûtes immenses et se perdre en haut dans la nuit, ainsi que toutes ces têtes se perdent dans l’anonymat… Puis l’agacement de ces Parisiens loustics, un vrai train de plaisir dans un ossuaire, et qui s’amuse à jeter des lazzis dans cette caverne du néant… En regardant tous ces restes, tout ce peuple d’os, je me demandais : Pourquoi ce mensonge d’immortalité, le squelette ? […] Je me fais une fête d’être coudoyé par du peuple, comme on est roulé par les flots.
Ce qui est oublié redevient neuf, et il y a peut-être, dans la vie des peuples, un rythme de résurrections successives d’émotions anciennes, que nous rajeunissons. […] Ainsi, conclut-il, la Renaissance italienne ne serait pas, « comme le croyaient Burckhardt et d’autres historiens, le produit du peuple qui créa la civilisation romaine, mais celui d’une race nouvelle, apparentée d’une part aux Grecs de la belle époque, de l’autre aux Francs, aux Saxons et aux Angles, qui tous prirent une prépondérance à l’élaboration de notre civilisation moderne… ». […] Mais quand Zarathoustra eut dit ces mots, il considéra de nouveau le peuple et se tut.
Ces différences n’ont pas seulement lieu dans le temps, mais dans l’espace ; elles existent principalement de race à race, de peuple à peuple, et même, je le suppose, d’individu à individu. Les opinions et les systèmes ne se mesurent donc pas sur la nature des choses : il n’y a pas de nature des choses, ou, si elle existe, elle est inaccessible ; mais ils se mesurent et se déterminent par l’état subjectif des individus, des siècles et des peuples.
Le Comte de Villiers de L’Isle-Adam C’est certes le livre le plus charmant de Villiers, le plus aérien, si j’ose dire, quelque chose comme le drapeau sur les palais de souverains qui enseigne gentiment et bellement au Peuple, avec ses fiers et gais claquements parmi tous les vents qui passent, avec ses plis majestueux par les bonaces, que Sa Majesté est là : et est-ce assez le cas ici ? […] Et puis, Joseph de Maistre tablant toujours sur l’homme initialement mauvais et sur l’indéfectible péché originel dans son action par les grandes masses humaines, peuples et civilisations, a fait, dès le premier essai (sous le Directoire, je pense) de ce qu’on a nommé beaucoup trop emphatiquement, hélas ! […] Et il revient sur « l’irrésistible attrait de gaieté et d’enchantement » dû aux « tonalités claires, ici et là épandues », inspirées par tout l’Orient, par tous « les peuples du Levant, anciens ou modernes, artistes par instinct et non par éducation », remarque-t-il excellemment.
Le Roi ne pouvait trouver mauvais qu’on en fît voir de dures à la trop rigoureuse Compagnie dont les abus augmentaient la souffrance du peuple. […] Lui octroyait-on simplement ces libertés et ces privilèges pour mettre à leur aise les graves magistrats, les pompeux sénateurs et pour donner au peuple le plaisir de pouvoir impunément les coudoyer ? […] Lucien Corpechot et aux chapitres élégants et substantiels où il nous montre ce que fut, chez divers peuples de divers époques, le jeu magnifique et charmant qui consisté à disposer les arbres, les fleurs et les eaux en vue d’une satisfaction esthétique, aussi bien en Perse qu’à Rome ou à Byzance. […] Aussi, à le considérer, semble-t-il assez improbable que ce brave officier ait été grand oppresseur du pauvre peuple.
Tout à coup, une bombe éclata qui tua au hasard, parmi le peuple et parmi les riches. […] Peut-être des peuples voisins l’assiègent et l’accablent, et il n’y a personne pour écarter de lui la guerre et la mort. […] C’est une chose étrange que toi et tes frères, chaque fois que vous entrez dans mon domaine, vous trouviez le moyen de donner des leçons d’irrespect à mon peuple. […] Autour des troncs alignés comme les colonnes d’un temple, il flotte une brume légère, trempée de rayons, qui, d’arceaux en arceaux, va se perdre au loin parmi un peuple de sapins bleuâtres dont le murmure d’orgue célèbre la défaillante beauté de la Forêt.
Il faut donc, pour qu’une grande littérature d’imagination se produise, un concours de circonstances qui se rencontre assez rarement ; il faut par exemple que les forces de la vie aient été soulevées chez un peuple, et que l’âme de toute une génération ait tressailli jusque dans ses profondeurs, sous le coup de quelque grande doctrine ou de quelque grande émotion. […] Comptez combien sont rares chez les divers peuples les époques qui ont eu une littérature d’imagination, et combien rapide a été la vie de cette littérature ! […] Feuillet, mais je suis porté à croire qu’elle ressemble à l’histoire des peuples heureux. […] Feuillet ; la seconde, s’il serait possible de trouver dans le peuple issu de la Révolution française un chiffonnier capable de la très innocente, mais très malpropre action commise par le nocturne industriel que M. de Camors charge de venger la morale sur sa personne. […] Le cheval barbe, qui est le plus intelligent des chevaux, devait être la monture naturelle du plus intelligent des peuples.
Victor Hugo, faisant, dans Aymerillot, parler Charlemagne de « clerc en Sorbonne », se défendit ensuite en disant que Sorbonne ne venait pas, ainsi qu’un peuple vain le pense, de Robert de Sorbon, chapelain de Saint-Louis, mais de Soror bona. […] L’Afrique, telle que sa situation, sa géographie, son climat, ses peuples la font, telle que sous tous les chocs du dehors l’histoire aiguë la retrouve toujours. […] Et l’on peut bien songer à l’Enéide, Flaubert et Chateaubriand ont fait, par-delà, une œuvre française, une œuvre romaine : une diversité hardie de peuples, de visages, réunis par un ciment d’art, par une lumière énergique et dorée. […] « Ces hommes si grands, ou par leur naissance, ou par leur faveur, ou par leurs dignités, ces têtes si fortes et si habiles, ces femmes si jolies et si spirituelles, tous méprisent le peuple, et ils sont peuple. » Je m’arrête ici. […] Si cette géographie était bien faite, toute querelle littéraire s’y classerait automatiquement, comme les guerres des peuples, dans la carte de leurs pays et des pays voisins.
Quand on l’aurait présenté comme le narrateur le plus varié et le plus piquant des entreprises d’armes et de toutes les chevaleries d’alors, il y aurait à se garder encore de le trop circonscrire et de lui refuser l’intelligence du reste ; car, s’il entend par excellence le fait des chevaliers et gentilshommes, il a montré dans ses récits des affaires et des troubles de Flandre qu’il n’entendait pas moins bien le tribun du peuple, le factieux de la bourgeoisie et de la commune, le chef des chaperons blancs, c’est-à-dire des bonnets rouges de ce temps-là.
Il avait le tempérament ardent et prompt ; il était homme, dans la rue, à s’arrêter et à oublier même une conversation sur le grec, que son interlocuteur poursuivait tout seul, pour regarder une beauté du peuple qui passait.
N’allez donc point le confondre le moins du monde avec le peuple des caudataires littéraires et des commentateurs, avec les Brossette et consorts ; s’il est disciple, il l’est selon la moelle et l’esprit.
» et que le peuple d’alentour disait : « Ah !
Une armée étrangère peut seule le maintenir sur le trône ; et si cette année reste en France, si le pillage régulièrement organisé continue, en un mot si l’on nous traite comme Buonaparte a traité l’Espagne, nous n’avons non plus qu’un exemple à suivre, celui des Espagnols ; car il n’y a point de maux pour un peuple qui ne soient préférables à la perte de l’honneur et de l’indépendance.
Ses Réflexions sur les divers génies du peuple Romain dans les différents temps de la République sont d’un esprit éclairé, sensé, philosophique et pratique à la fois, qui s’explique assez bien ce qui a dû se passer dans les âges anciens par ce qu’il a vu et observé de son temps, et par la connaissance de la nature humaine : partout où il faudrait entrer dans les différences radicales et constitutives des anciennes cités et sociétés, il est insuffisant et glisse.
Vinet sur les mots et leurs divers accidents me donnent occasion d’en glisser une qui m’est propre sur le français du canton de Vaud : c’est qu’on trouve dans ce canton, comme dans les divers pays où l’on parle français hors de France, des restes nombreux d’expressions et de locutions anciennes qui ont dès longtemps disparu en France même et au cœur de notre culture ; des mots du xvie siècle : volée, par exemple, tout à fait dans la même acception que chez Estienne Pasquier quand il parle des poëtes de la volée de Ronsard ; le peuple dit : Il s’est pensé, pour il a pensé ; il s’y fait beau, pour il fait beau (le s’y dans ce cas n’est peut-être que cy pour ici).
Dans le jardin des Récollets de Nîmes où le jeune chef se rendit (mai 1704), le peuple admira, au passage, sa jeunesse, son air de douceur, sa belle mine ; et en sortant du jardin, est-il dit, on lui présenta plusieurs dames qui s’estimaient bienheureuses de pouvoir toucher le bout de son justaucorps.
Villemain avait relevé ; il donne là-dessus des raisons de France, pays de démocratie, de Poésie, fille du peuple, qui me semblent toujours un peu vaines et acquises, dans la bouche de M.
Ce fut ainsi, selon toute vraisemblance, que le peuple breton répandit sa poésie à travers l’Occident féodal : sourde infiltration d’abord, qui devint une large inondation.
Fontanes, dans une ode à Chateaubriand, lui dit : Contre toi du peuple critique Que peut l’injuste opinion ?
Le bonhomme se retourne, s’imaginant qu’ils parlent à quelqu’un placé derrière lui, Quand il est bien convaincu que ses fils s’adressent à lui, il faut voir comme il se fâche ; et il faut entendre de quel ton son frère lui explique cette mode du grand monde. « C’est, dit-il, que le terme de mon père est trop ignoble, trop grossier ; il n’y a que les petites gens qui s’en servent ; mais chez les personnes aussi distinguées que Messieurs vos fils, on supprime dans le discours toutes ces qualités triviales que donne la nature, et, au lieu de dire rustiquement mon père comme le menu peuple, on dit Monsieur ; cela a plus de dignité89. » L’ironie est visible, et, dans les pièces de Marivaux, les parents tutoient déjà leurs enfants, ce qui est un acheminement à se laisser tutoyer par eux.
Puis elle a passé en Europe, où elle fait le ravage d’une épizootie sur le peuple d’amoureux qu’elle traîne à sa suite.
On sait d’autre part avec quelle rigueur la croyance aux doubles, née chez les Egyptiens, domina les rites et les coutumes de ce peuple.