» Le roi, secouant la tête, lui répondit : « C’est un peuple : si mon plus grand ennemi était là où je suis, et qu’il le vît passer, il lui en ferait autant qu’à moi, et crierait encore plus haut qu’il ne fait. » Cromwell ne dirait pas mieux ; mais, comme le caractère d’un chacun imprime aux mêmes pensées une diverse empreinte, Henri IV ne laissait pas de rester, à travers cela, indulgent et bon, et, qui plus est, de gausser l’instant d’après comme de coutume.
Sénecé y exprime sous un léger déguisement ses pensées personnelles, ses regrets de poète et de courtisan à cet âge de plus de cinquante ans qu’il avait déjà.
Habile capitaine plutôt que grand général, sa mesure à cet égard est difficile à prendre, et j’aimerais assez à entendre là-dessus des gens du métier : à le traduire à la moderne, ce qui est toujours hasardeux, vu l’extrême différence des moyens en usage aux différents siècles, il me fait l’effet d’être ou d’avoir pu être, comme militaire, quelque chose entre Gouvion Saint-Cyr et Macdonald, et plus près du premier à cause des pensées.
Mais tout d’un coup une autre pensée lui vient, et voici en quels termes elle s’en ouvre à la maréchale de Noailles, en essayant de l’y intéresser et de la tenter (27 décembre 1700) : La grande affaire dont je veux vous parler, madame, regarde le mariage du roi d’Espagne, et une vue pour moi en cas qu’il se fasse avec Mme la princesse de Savoie.
Sous l’empire de cette fantaisie lugubre, l’arrière-petit-fils de Charles-Quint, comme s’il eût voulu remonter tout le cours de sa race, se fit ouvrir les cercueils : celui de la reine sa mère qui fut ouvert le premier ne fit pas sur lui grande impression ; mais quand ce fut le tour de sa première femme, de cette jeune reine qu’il avait tant aimée, quand il revit ce visage altéré à peine et sa beauté encore reconnaissable à travers la mort, le coeur lui faillit, il recula en disant : « J’irai la rejoindre bientôt dans le Ciel. » — Et cette image suprême ne dut pas être étrangère à sa pensée, quand, peu après, lui le haïsseur des Français, il fit son testament en faveur de la France.
Mme de Staël est une grande personne ; et le lecteur curieux, admis à l’entendre causer dans l’intimité, doit être un peu impatienté, ce me semble, de ne pouvoir l’aborder sans l’intervention continuelle d’une sorte de trucheman, d’un tuteur et d’un mentor qui l’explique, la commente, au risque de forcer parfois sa pensée, qui lui coupe peut-être la parole si elle est tentée d’en dire trop sur quelque point.
Il a dans la pensée un type de théâtre à lui, une scène idéale de magnificence et d’éclat, de poésie en vers, de style orné et rehaussé d’images, de passion et de fantaisie luxuriante, d’enchantement perpétuel et de féerie ; il y admet la convention, le masque, le chant, la cadence et la déclamation quand ce sont des vers, la décoration fréquente et renouvelée, un mélange brillant, grandiose, capricieux et animé, qui est le contraire de la réalité et de la prose : et le voilà obligé de juger des tragédies modernes qui ne ressemblent plus au Cid et qui se ressemblent toutes, des comédies applaudies du public, et qui ne lui semblent, à lui, que « des opéras-comiques en cinq actes, sans couplets et sans airs » ; ou bien de vrais opéras-comiques en vogue, « d’une musique agréable et légère, mais qui lui semble tourner trop au quadrille. » Il n’est pas de l’avis du public, et il est obligé dans ses jugements de compter avec le public.
Repoussé avec politesse et réserve, il en revint à sa première pensée, la plus naturelle, d’agrandir le royaume du côté des frontières du Nord ou de l’Est, et il échappa ainsi au péril d’aller chercher trop loin gloire et succès au Midi, en Italie, et de verser, comme au temps de François Ier, de l’autre côté des monts, hors de portée de la France.
Voilà, va-t-on dire, bien de l’appareil et des préparations pour de simples articles ; mais quand une idée nous a une fois saisis, nous autres gens de pensée et de caprice, elle nous mène plus loin souvent que nous ne voudrions ; elle nous tient et nous obsède jusqu’à ce que nous l’ayons conduite à bonne fin et mise au jour.
M. de Mortemart, premier gentilhomme, qui pénétra jusqu’à lui en ce moment, et qui l’encouragea dans sa pensée de révolte, fut dépêché sur l’heure à M. le Duc avec injonction pour lui d’envoyer sans retard à Issy et de notifier à M. de Fréjus l’ordre de revenir.
Chérubin est l’enfant en voie de passer homme, qui ne connaît pas la femme, et que la pensée de la femme obsède, tout bouillant de désirs effrontés et timides.
Il s’épanouit toute une floraison de pensées, de doctrines, de sentiments, d’actes qui naissent à l’occasion de ce désordre et tendent, spontanément ou volontairement, à le réprimer.
Un poète de la génération suivante, Fernand Divoire, la recueillera tout à l’heure, qui dit aux parents : Notre rancune est devant vous dressée, Pères, hommes de sport, stupides et dandys, Mères, faites de rien, de chiffons, d’organdis, De balivernes amassées, Car nous nous souvenons que nous avons grandi Dans le fumier de vos pensées.
C’est ce qui se produit quand nos pensées et nos sentiments sont calmes ; et c’est de là que résultent les états successifs qui constituent la conscience.
Il chercha comment il pourrait le dérober à ce danger ; bientôt ce moyen se présenta à sa pensée ou plutôt à son cœur.
Après avoir traité la question dans sa généralité, il arrivait au fond même, et il ne craignait pas de dire le secret des cœurs : « Les prêtres non assermentés sont, dit-on, violemment soupçonnés de n’avoir jamais aimé la Révolution. » Et en ne les justifiant qu’autant qu’il le fallait pour rester dans le vrai, il maintenait que le cours des pensées est libre et doit être ménagé tant qu’il ne se traduit point en actes coupables : « Quand il s’opère une grande révolution dans un État, il n’est pas possible que tous les membres de cet État changent d’habitudes, de mœurs et de manières dans un instant.
Pendant le même temps Marguerite avait des pensées sincères et plus que des accès de dévotion.
Le grand financier Pâris-Duverney, devenu, dans sa vieillesse, intendant de l’École militaire, dont il avait inspiré la première idée à Mme de Pompadour, et dont il avait dirigé la fondation, souhaitait ardemment que la famille royale honorât d’une visite cet établissement patriotique où il mettait sa dernière pensée.
[NdA] « Je me souviens, dit Montesquieu en ses Pensées, que j’eus autrefois la curiosité de compter combien de fois j’entendrais faire une petite histoire qui ne méritait certainement pas d’être dite ni retenue : pendant trois semaines qu’elle occupa le monde poli, je l’entendis faire deux cent vingt-cinq fois, dont je fus très content. » 59.
Regnard esquisse là, dans cette suite de pensées, une véritable épître d’Horace, et cette philosophie, si elle n’est pas la plus difficile à inventer, n’est pas pour cela la moins bonne, ni surtout la plus aisée à pratiquer1.
Lucien, qui se moque de ces historiens prétendus poétiques, qui ont, au début, des invocations pleines d’emphase, Lucien, qui veut de la simplicité dans l’histoire, admet pourtant que le style y participe, en certaines occasions, de la poésie : « Il faut alors qu’un petit vent poétique enfle les voiles du navire, et le tienne élevé sur le sommet des flots. » Il ne veut point que la diction s’élève trop, il suffit que la pensée soit un peu plus haut que l’expression, celle-ci à pied et tenant de la main, comme en courant, l’autre qui est montée et qui devance.
… Oui, oui, je crois qu’il est dans les données probables qu’un jour on expliquera scientifiquement la pensée, comme on a expliqué le tonnerre… Qu’est-ce qu’une chose immatérielle sur laquelle un coup de pied dans le c… agit ?
Encore l’architecture ramène la pensée à la vie civile, en ce sens qu’un monument est fait pour recevoir une foule en vue de tel ou tel acte et doit jusqu’à un certain point avoir le caractère qui convient à cet acte, comme il a la forme qui s’y prête, et une école ne doit pas présenter les mêmes combinaisons de lignes qu’une église ; — et la musique seule est tout à fait l’art qui permet qu’on échappe à la vie et qui aide à en sortir ; et c’est l’expression même de la rêverie.
On se contenterait de ses pensées, en estimant qu’elles valent bien toutes celles qu’un autre peut avoir.
Elles ont aussi successivement pénétré dans le domaine de la poésie, de la littérature, des arts, et même des sciences : madame de Staël vient de leur ouvrir la carrière de la pensée.
Car c’est un goût épousé par Michelet que l’amour de l’histoire naturelle, et non pas un goût qui ait poussé de soi dans l’ardent célibat de sa pensée.
Dans aucun livre enfin une pensée d’ailleurs plus ferme n’a revêtu, comme dit Bossuet, un style plus « triste » pour s’exprimer ; — et je pense qu’il veut dire un style plus capable de décourager le lecteur. […] Il faut vivre selon la nature ; mais notre « nature » est déterminée par notre fin ; et « la fin de l’homme, de toutes nos pensées et de tous nos mouvements, c’est le bien » ; et « notre bien » ne consiste qu’en « l’usage de la droite raison, qui est à dire en la vertu ». […] Que son rôle philosophique n’a pas été non plus sans réelle importance. — De sa traduction du Manuel d’Épictète et de son Traité de la philosophie des Stoïques. — Comment son œuvre est connexe de celle de Charron, qu’elle éclaire ; — mais, de plus que Charron, il a été mêlé aux grandes affaires, et de là sa supériorité d’expérience ; — le champ de l’observation psychologique et morale s’en élargit d’autant. — Il se fait aussi de la dignité de la raison et du pouvoir de la volonté une idée plus « stoïcienne » ; — et plus haute, par conséquent, de la hauteur dont le point de vue stoïque dépasse le point de vue épicurien. — Enfin, dans son Traité de la sainte philosophie, il accomplit le dernier pas : — après avoir essayé de séculariser la morale, il y renonce ; — et ne voyant plus de remède à la corruption que dans le retour à la morale chrétienne, il en proclame la nécessité. — Analogie de cette évolution avec celle de la pensée de Pascal. — Les Traités philosophiques de Du Vair sont aussi nécessaires que la Sagesse à l’intelligence du mouvement d’où va sortir le jansénisme.
C’est là que trônent ces aristocrates de la pensée, ces grands seigneurs de l’intelligence, ces rivaux de toutes les gloires et de toutes les noblesses — comme dirait l’un d’eux en parlant d’eux. — Le foyer de l’Opéra est donc un vaste salon qui a ses groupes ; chaque groupe a en quelque sorte son président ; on n’y demande pas la parole, on la prend ; là se glissent quelques greffiers qui annotent et mnémonisent pour continuer leur métier de colporteur par lequel ils vivent avec la réputation de gens d’esprit. […] car je m’aperçois d’une chose assez bouffonne, c’est que je parle autant de moi dans ces lettres sur toutes les célébrités de la plume et de la pensée, que j’ai parlé des plus célèbres d’entre elles. […] Harel a raison ; le public qui, dans la pensée de M. […] Cet examen critique des livres de ces Messieurs, examen que je n’ai du reste jamais eu envie de faire, devient pour moi une pensée effrayante, depuis que j’ai lu le feuilleton de la Quotidienne, signé Théophile Muret, et que j’entrevois sur un catalogue de livres parisiens au rabais, que le même M.
Le sort de l’univers est un peu plus intéressant que celui du Pérou et de Pékin ; et s’il est un poète tragique qui mérite le titre de philosophe, c’est assurément l’auteur de Cinna : tout le théâtre de Voltaire, réuni et pressé, ne donnerait pas autant de suc et de substance, ne fournirait pas à la pensée une nourriture aussi vigoureuse que cette mâle et sublime tragédie. […] La sévérité avec laquelle on condamne les vices de son style s’étend mal à propos jusque sur ses pensées. […] Sa seconde pensée est un retour sur lui-même ; il se condamne, il justifie ses assassins. […] On ne trouve pas, sans doute, dans les pièces de Corneille cet intérêt romanesque fondé sur l’amour et sur les crimes qu’il fait commettre ; il n’offre pas au spectateur des aventures, des surprises, des fureurs, des folies : il cherche à intéresser par l’importance réelle des événements, par l’héroïsme des sentiments, par le sublime des pensées, par l’énergie et la grandeur des caractères ; il élève, il fortifie l’âme au lieu de la rabaisser et de l’amollir ; il fait couler des larmes généreuses, non pas sur de honteuses passions, mais sur des actions héroïques ; il fait pleurer d’admiration plutôt que de pitié. […] Pour mettre sa pensée dans un plus grand jour, Longin compare Démosthène avec Hypéride ; il entre dans une énumération très détaillée des qualités de ce dernier orateur, dont malheureusement il ne nous reste plus rien.
Non seulement cette pompe et cette bouffissure ont quelque chose de risible, mais les pensées que le littérateur habille avec cette friperie magnifique sont fausses, erronées, et d’une pernicieuse doctrine. […] car, pour me servir de la pensée d’un ancien, voilà les véritables spectateurs que nous devons nous proposer ; et nous devons sans cesse nous demander : Que diraient Homère et Virgile, s’ils lisaient ces vers ? […] Ulysse lui reproche avec quelque fondement de s’appliquer trop à son amour, tandis que d’autres objets devraient en ce moment fixer sa pensée : Ah ! […] En polissant l’expression, on acquiert un droit à la pensée ; le style en vers est une création. […] La scène du vieux avare, qui veut être fermier-général, a paru très comique à La Harpe : peut-être les plaisanteries sur le tour du bâton étaient-elles moins usées il y a cent ans ; mais la scène finit par un sermon sur la mort et des pensées édifiantes sur la brièveté de la vie, qui n’ont rien de plaisant.
C’est cette indignation généreuse qui donna naissance à ses Mémoires, et qui lui inspira la pensée de les faire entreprendre sous ses yeux pour rectifier tant de fausses et mensongères notions qu’on était en train d’accréditer.
Plus tard, quand il se flattait d’être tout à fait impartial et indifférent sur les croyances, il est permis de supposer que, même sans se l’avouer, il nourrissait contre la pensée religieuse une secrète et froide rancune comme envers un adversaire qui vous a un jour atteint au défaut de la cuirasse et qui vous a blessé.
Comme toutes les organisations complètes, il eut successivement les fruits de chaque saison ; le moment de son plus grand mérite se rapporte à l’heure de sa maturité, et ça vieillesse ne fit point défaut aux pensées sérieuses.
A côté de l’Académie, soit en dehors d’elle ou dans son sein, mais dans un parfait accord et concert avec ses principaux membres, un homme en particulier eut l’honneur de comprendre mieux que personne cette disposition de son temps, de se vouer uniquement à la servir, à l’éclairer ; il eut la pensée et la patience de s’établir durant de longues années dans un coin propice, non pour régler, mais pour relever au fur et à mesure, pour surprendre et constater les faits de langage, à simple titre de témoin scrupuleux et fidèle.
» Et voilà aussi comme la plume reprend ses avantages en regard du pinceau, et comment la fine analyse morale, la propriété, la concision et le choix des termes, une certaine distribution et un ordre naturel de pensées, une certaine marche graduelle en si petit espace, réussissent, presque en jouant, à faire un Portrait qui a sa beauté et tout son effet.
Tout considéré, et sauf quelques ombres, quelques grains plus marqués çà et là dans la physionomie, nous verrons le même Catinat, le vrai Catinat déjà connu, le plus vertueux des hommes de guerre de son temps, obéissant pourtant à sa consigne, et docile de point en point à Louis XIV, à Louvois ; puis, le guerrier une fois quitte de son service, nous aurons le philosophe et le sage, non pas absolument celui qu’on a arrangé au xviiie siècle, et sur lequel on avait répandu une légère teinte de liberté de pensée, mais enfin un modèle de modestie, de raison, de piété morale, et un bon citoyen, celui qui disait ; « J’aime mon maître et j’aime ma patrie. ».
Sur la montagne, la verdoyante ramée des hêtres triomphait si bien du feuillage noir des sapins, elle s’étendait si lustrée, si criante, elle montait si vaillamment jusqu’à la région des pâturages, et ceux-ci commençaient à verdoyer si ferme, qu’à part la coupole de neige qui couvrait le fin sommet, on ne voyait que ce vert terrible qui semblait refouler la pensée en soi-même. » En allant chez la vieille, il y a un endroit plus élevé, un col à passer, et, si l’on s’y arrête pour jouir du spectacle, on voit en bas cette vallée se déroulant au plus loin dans sa moire verte et « d’un vert criard », mais de l’autre côté, du côté du village, au-dessus et par-delà, on voit la montagne et ses dernières pentes, mouchetées de sapins, semées de hêtres et offrant aussi des places plus riantes, car la saison y est retardée, et quand le vallon est en mai, on n’est là-haut qu’en avril : « Les vergers croissaient parmi, et comme j’avais monté pour arriver au col, je retrouvais fleuris les arbres qui, dans le vallon, avaient passé fleur. » Voilà des expressions charmantes et neuves, nées de l’observation même.
Saint-Simon, à mes yeux, est un bienfaiteur pour tout homme qui vit par la curiosité de la pensée et qui habite dans les souvenirs ; il a reculé le passé de la mémoire ; il a presque doublé le temps où nous avons vécu.
Malgré le découragement où me jette parfois le peu de succès que j’ai en sacrifiant depuis deux ans toutes mes pensées et actions à Mme la dauphine, je vois bien de la ressource dans son esprit et son caractère. » Nous sommes ici dans la vraie mesure : ni engouement ni dénigrement.
Quant à moi, je pense qu’il convient, dans la biographie d’un homme, dans son portrait fidèle, de conserver aux choses l’importance relative qu’elles eurent dans sa vie et dans ses pensées.
Mais on l’a déjà, si l’on se souvient que nos images ne sont que des sensations renaissantes, que nos idées ne sont que des images devenues signes, et qu’ainsi la trame élémentaire subsiste plus ou moins déguisée à tous les étages de notre pensée. — Ces fils primitifs sont d’espèces diverses.
…………………………………………………………………………………………………………… J’aurais voulu assister à cette scène de retour et de l’amour dans cette solitude ; puis, je réfléchis que le bonheur suprême a ses mystères comme les extrêmes douleurs que rien ne doit profaner à de tels moments et à de tels retours que l’œil de Dieu ; que je gênerais involontairement, malgré moi, l’échange de sentiments et de pensées qui allaient précipiter ce beau jeune homme des bras de sa sposa aux bras de son oncle et de sa mère dans des paroles et dans des silences que ma présence intimiderait et qui ne retrouveraient plus jamais l’occasion de se rencontrer dans la vie.
Quand toutes les pensées de l’homme se rabattent vers la terre, le plaisir prend une valeur infinie.
Cet admirable ouvrage n’est pas aussi lu chez nous qu’il devrait l’être : et la raison en est qu’il y a trop de pensée pour le commun des lecteurs : jamais de saillies, rien pour l’amusement ni le délassement : c’est un enchaînement austère et vigoureux de faits, de jugements, de prévisions.
» Elles ne veulent pécher que par pensée et par intention ; le reste leur fait peur.
En chacun de ceux, ou du moins chez certains de ceux qui sont les représentants d’une pensée de groupe, une dissociation doit forcément se produire à de certains moments entre l’être social qui pense sous la loi du groupe et l’individu indépendant qui a conservé en partie ou qui recouvre momentanément sa liberté de jugement et se moque au fond de lui-même de l’opinion qu’il se croit tenu d’afficher en tant qu’être social.
Ces lettres de Mme du Châtelet, il faut l’avouer, sont charmantes et vraiment tendres ; il semble que, sous l’empire d’un sentiment vrai, il se soit fait en elle une sorte de renouvellement de pensée et de rajeunissement.
Il a prononcé le mot de solitude, et ce mot, en réveillant toute une suite de pensées, le ravit dans un doux enthousiasme qui nous gagne avec lui.
Voltaire fit plus, il inséra l’épître tout entière au mot Dispute de son Dictionnaire philosophique, en y mettant cette apostille : « Lisez les vers suivants sur les Disputes ; voilà comme on en faisait dans le bon temps. » Et en effet, cette épître, qui a été reproduite dans toutes les Leçons de littérature et que nous savions par cœur dans notre enfance, ressemble par le ton aux meilleures de Boileau, auxquelles elle est supérieure par la pensée.
Jeune, mais déjà mûr, d’un esprit ferme et haut, nourri des études antiques et de la lecture familière des poètes grecs, il a su en combiner l’imitation avec une pensée philosophique plus avancée et avec un sentiment très présent de la nature.
Plus je les vois de près, et moins je trouve qu’ils méritent qu’on ait pour eux l’estime que je croyais qu’on ne pouvait leur refuser. » Selon elle, cette nation, en la personne de ses grands, ne s’était donnée à un fils de France que dans la pensée que la France seule la pourrait défendre et protéger.
La pensée de sa famille et de sa fille chérie le soutenait.
C’est là une belle pensée.
Mais cette seule pensée tuait cette foule de beaux esprits et de rimeurs à la mode qui ne devaient qu’au hasard et à la multitude des coups de plume quelques traits heureux, et qui ne vivaient que du relâchement et de la tolérance.
C’est ainsi que dans un genre tout différent et dans une pensée toute parisienne, après avoir discuté avec impartialité des deux musiques italienne et française, il ajoutera : « Je souhaiterais seulement voir établir à Paris un Opéra italien, en laissant subsister le nôtre tel qu’il est. » C’est ainsi encore qu’en visitant le Forum, et en se rappelant que la première pierre milliaire était au milieu, et que c’était de là que partaient toutes les grandes routes dans l’Empire, il proposera quelque chose de pareil dans notre pays : En France, où nous avons fait sous ce règne-ci, disait-il, tant de beaux grands chemins, ne ferait-on pas bien de placer, de lieue en lieue, de pareilles petites colonnes numérotées, à commencer par la première, placée au centre de Paris sur le Pont-Neuf, au pied de la statue de Henri IV ?
La crainte que son enfant ne se fit mal en sucçant du sang au lieu de lait, étoit si bien marquée sur le visage de la mere, toute l’attitude de son corps accompagnoit si bien cette expression, qu’il étoit facile de comprendre quelle pensée occupoit la mourante.
C’est parce qu’il est, dans tout ce que nous abhorrons le plus, — la haine et la négation des choses religieuses, — un esprit des plus bas, quand Stendhal garde encore, dans cette haine et dans cette négation, une âme élevée… Stendhal, qui est sorti par les années bien plus du xviiie siècle que Mérimée, Stendhal, qui avait été soldat de l’empereur Napoléon, a pour le catholicisme qu’il n’a pas étudié et qu’il ne connaît pas, mais qu’il aurait adoré s’il l’avait connu, un mépris soldatesque mêlé de voltairianisme ; mais dans ce mépris et dans cette haine, Stendhal n’a jamais été un goujat, tandis que Mérimée, sans excuse, en a été un d’expression et de pensée qui aurait répugné à la noblesse fondamentale de l’âme de Stendhal !
Dans ce cadre peuvent se placer mille variantes de détails, mais toujours, ce qui domine tout, c’est la pensée de la mort.
Sur ce point, la pensée de Spencer paraît flottante.
Envain l’auteur, qui nous a donné ses sentimens sur la critique des pensées de Pascal, & trois lettres sur la nature de notre ame, a-t-il eu dessein de réchauffer la dispute des idées innées. […] Ses idées sont hardies, ses pensées sortes & quelquefois neuves. […] Celui-ci en parut enchanté ; prit, sur le champ, un cahier qu’il lui montra, & lui dit : Lisez, voilà précisément qu’elle est ma pensée. […] On abandonne à des esprits vétilleux le soin d’exposer & de faire entendre clairement ce que c’est que les quiddités, l’universel de la part de la chose, & l’universel de la part de la pensée. […] Ils soutinrent qu’on avoit pris le change sur sa pensée, sur la manière dont il avoit parlé des commandemens divins, de la nature de la grace, du sang de Jésus-Christ, répandu pour le salut de tous les hommes.
A l’égard de mon livre des Réflexions morales sur le nouveau testament, je déclare qu’en le composant, je n’ai jamais eu la moindre pensée d’y rien mettre qui soit opposé aux sentimens de l’église, ni qui ait quelque rapport aux erreurs pernicieuses & aux intentions malignes qu’on m’a imputées à Rome & en France… Je persiste dans l’appel que j’ai interjetté au futur concile général de la constitution de notre saint père le pape ; qui commence par ces mots, unigenitus Dei filius, & de tous les griefs dont je demande justice à l’église… Je déteste enfin tout esprit de schisme & de division ». […] Madame de Valentinois, qu’il aimoit, prit pour elle, du fond de ma pensée, qu’elle chantoit en volte. […] Quel chef-d’œuvre de force & de variété dans les pensées, d’harmonie, d’élégance, de correction & de clarté pour le stile ! […] Il dit qu’il a rejetté bien vîte cette pensée, convaincu qu’il étoit l’homme du monde le moins propre à vivre dans un couvent. […] Les vers suivans roulent sur la même pensée.
Lorsque, dans la variété infinie de son monde théâtral, il descend jusqu’aux limites extrêmes de la sottise et de la perversité, loin de permettre à ses drôles de s’abandonner à la petitesse de leurs basses pensées, Shakespeare les relève par la poésie, et fait abonder sur leurs lèvres folles de brillantes images et des sentences d’or216. […] …… Jusqu’ici, assis aux pieds du divin Hegel, mon maître, j’ai écouté docilement ses leçons, reproduisant sa pensée avec fidélité, sans me permettre d’intervenir moi-même dans cette modeste exposition, autrement que par la plus timide paraphrase.
« C’était au milieu de ces tristes pensées que le sommeil vint un moment s’emparer de moi. […] Voyant bien, à ces paroles, qu’ils venaient pour accroître mes maux, mais préparé à tout souffrir, je lui répondis : J’ai tourné vers ce Dieu, roi des cieux, toutes les pensées de mon âme, de sorte qu’il ne reste rien pour vous.
XV Nous allons voir en quoi consistent aujourd’hui les reliques de ce puissant génie qui attache sur sa trace, quatre siècles avant le christianisme, les plus fortes et les plus sages pensées du monde antique et moderne. […] Et, si l’on remonte par la pensée à deux ou trois mille ans plus loin que sa Politique, ne sera-t-on pas tenté de croire que le monde est né vieux et que les mêmes mots ont exprimé les mêmes choses depuis l’origine inconnue des mots et des choses ?
Je me suis rendu à ta cour dans la pensée que tu m’étais dévouée, ô ma sœur chérie. […] Les peuples qui viennent de passer brillamment par trois grandes phases de philosophie dans le dix-huitième siècle, d’action militaire dans le dix-neuvième et de pensée éloquente dans notre dernière période de la restauration en France, sont-ils donc comme les individus qui se lassent à moitié route et qui déposent leur fardeau pour que d’autres plus jeunes et moins découragés les reprennent et les portent plus loin sur le chemin de l’avenir ?
Cet art tout féminin de cacher sa pensée sous la perfection du langage, Marivaux l’a possédé, à ce point qu’il pourrait en remontrer aux femmes les plus habiles. […] Tantôt elle se cachait à tous les regards, fuyant la douce lueur du jour, assistant dans sa pensée à ses propres funérailles (ainsi fit l’empereur Charles-Quint après l’abdication), tantôt elle se montrait à son peuple, en belles robes taillées par son artiste favorite Victorine, avec qui elle avait arrangé tant de modes nouvelles, et inventé ce rose à part que les dames du meilleur monde appelaient, par excellence, le rose de mademoiselle Mars.
[NdA] Car il dicte et n’écrit pas ; et j’emprunte ici une remarque à un érudit en ces matières : On s’est longtemps récrié sur l’ignorance de l’antique noblesse, sur l’incapacité de tel ou tel seigneur qui ne savait pas écrire, attendu sa qualité de gentilhomme : si l’on se reporte au temps où tout châtelain avait à ses côtés un clerc ou chapelain, dont l’emploi était de tenir la plume pour son maître, on verra qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que le seigneur se dispensât d’écrire ; les écrivains alors remplaçaient les imprimeurs d’aujourd’hui, et étaient destinés comme eux à transmettre aux siècles futurs les pensées et les actes de leur époque… Les gens du métier seulement transcrivaient ce qu’on voulait conserver ; il en résulte de belles et uniformes copies.
Elle aimait les chiens et les chevaux, passionnément la chasse et les spectacles, n’était jamais qu’en grand habit ou en perruque d’homme, et en habit de cheval… Et ailleurs, dans un second portrait d’elle qu’il recommence admirablement et qu’il conclut en ces mots : « La figure et le rustre d’un Suisse ; capable avec cela d’une amitié tendre et inviolable. » Introduite à la Cour par sa tante, l’illustre princesse palatine Anne de Gonzague, elle ne lui ressemblait donc en rien pour l’esprit, pour le don d’insinuation habile et de conciliation, pour la prudence ; succédant, à la première Madame, elle en était encore plus loin et véritablement le contraire pour les manières, pour la qualité et le tour des pensées, pour la délicatesse et pour tout, Madame, dans toute sa vie, était et sera ainsi le contraire de bien des choses et de bien des personnes autour d’elle : elle était originale du moins, et tout à fait elle-même.
C’est ainsi qu’en multipliant à plaisir ses travaux, et en se créant avec une rare vigueur de pensée ces surcroîts et comme ces superfluités d’action et d’emploi au milieu d’occupations qui, seules, eussent absorbé tout autre, Daru, sans s’en douter, préludait à ce rôle qui devait l’illustrer un jour, celui d’administrateur de la plus forte trempe sous le capitaine le plus infatigable qui ait jamais existé.
Ces deux auteurs sont mes dieux domestiques, sans lesquels je ne devrais point voyager. » Voilà le poème épique qui le préoccupe au milieu de tant d’autres soins ; cette diversité d’emplois et de pensées ne laisse pas d’y nuire.
Il appréciait son zèle et son courage, mais il augurait trop peu de son habileté ; il le croyait une tête légère, sans modération, toujours prêt à se piquer d’honneur et à tout risquer au moindre mot de défi : « Le papillon, disait-il, se brûle à la chandelle ; aille jugeait trop sur ses paroles et ne lisait pas dans ses pensées. « Je vous assure, monsieur, écrivait Villars au ministre en lui peignant sa situation, que ces contradictions (que je rencontre) rendent le fardeau que j’ai bien pesant.
Il y a surtout quatre aunes de tapisserie, provenant de l’ameublement de Germigny, qu’il a sur le cœur et qu’il réclame à outrance : On voit par là que l’abbé Bossuet n’a pas seulement eu la pensée de me faire présent de ces quatre aunes de tapisserie, tant pour rendre ma tenture parfaite que pour me restituer l’aunage qui me manque, à moi qui travaille pour lui actuellement en chose si importante et si nécessaire (les Méditations sur les Évangiles).
Il a des pensées et des remarques du meilleur aloi, et qui se rapportent bien à la nation française de son temps, et de tous les temps.
Tranquillisez-moi sur cet article : vous en avez un moyen, que mon amitié pour vous mérite et exige que vous employiez : c’est de me promettre de ne pas vous réduire vous-même à des extrémités dont la seule pensée m’effraye, et de vous adresser à moi avant que vos propres ressources soient tout à fait épuisées.
Ma pensée m’a reporté aussitôt à votre situation dans une si triste conjoncture.
Dieu eût dû mettre la jeunesse à la fin de notre vie » ; lorsqu’il parle ainsi et qu’il raisonne à la manière de Garo chez La Fontaine, je l’arrête, je ne reconnais plus là son bon sens, et je lui oppose ce qu’a dit un autre moraliste dans une pensée toute contraire : « Force nous est bien de vieillir ; justice est que nous vieillissions.