Ce soin de chercher, de s’ingénier, de creuser sans cesse, de prétendre reconstruire l’entendement humain de fond en comble, appartient surtout aux esprits tournés en dedans, à parole rentrée et difficile comme Hegel, à parole rare et dense comme Sieyès ou Spinoza. […] Bossuet, dirai-je donc, c’est l’esprit qui embrasse le mieux, le plus lumineusement, le plus souverainement un corps, un ensemble de doctrines morales, politiques, civiles, religieuses, qui excelle à l’exposer avec clarté et avec éclat, avec magnificence, en se plaçant au point de vue le plus élevé ou au centre, à une égale distance de toutes les extrémités ; à en retenir, à en réunir, à en développer tous les ressorts, à en faire marcher tous les mouvements, à en faire bruire et résonner l’harmonie, comme sous la voûte d’une nef les tonnerres d’un orgue immense ; — mais en même temps, c’est un esprit qui n’en sort pas, de cette nef, de cette sphère si bien remplie, qui ne sent pas le besoin d’en sortir, qui n’invente rien au fond, qui n’innove jamais : il hait la nouveauté, l’inquiétude et le changement ; en un mot, c’est le plus magnifique et le plus souverain organe et interprète de ce qui est institué primordialement et établi.
Le talent qui, dans le premier et bel hyménée de la jeunesse, ne fait qu’un d’ordinaire avec les sentiments dont une âme est possédée, s’il est fort, abondant, de trempe durable, s’en sépare bientôt, et devient jusqu’à un certain point distinct du fond même de l’âme. […] Puis, à toi, ta blessure est si simple et si belle, Si belle de motif, et pour un soin si pur, Toi, chaque jour, laissant quelque part de ton aile Au fond du nid obscur, Que c’est pour nous, souffrant de nos fautes sans nombre, De vaines passions, d’ambitieux essor, Que c’est honte pour nous de t’écouter dans l’ombre, Et de nous plaindre encor.
« Mon Révérend Père, Comme mon changement ne regarde que l’enveloppe et qu’il n’y en a aucun dans mes sentiments ni dans le fond de mon caractère, je conserve toujours chèrement la mémoire de mes anciens amis, et je suis en Hollande le même qu’à Paris à l’égard de tous ceux à qui je dois de l’estime et de la reconnoissance. […] Le Ciel connoît le fond de mon cœur, c’en est assez pour me rendre tranquille.
Selon les temps, cette inspiration diffère ; la voir invariablement sous certaines formes déjà produites, c’est ne pas aller au fond et en prendre une pauvre idée. […] Au fond, répétons-le, l’inspiration religieuse ne consiste jamais dans cet appareil extérieur et dans ces moyens.
10 Regardez pourtant au fond du coeur, et dites si la vénération l’oppresse. […] C’est par ce côté et dans ce fond intime qu’il faut regarder La Fontaine, C’est par là que la vie d’un poëte vaut quelque chose.
Le fond de l’homme, c’est, pour Taine, aujourd’hui comme aux temps préhistoriques, « le gorille féroce et lubrique » : des éléments multiples se sont superposés à celui-là, mais ne s’y sont pas mêlés, ne l’ont pas altéré. […] Comme Sainte-Beuve dans un livre, Fromentin, dans un tableau, retrouve l’auteur, son développement personnel, ses hésitations, ses recherches, ses acquisitions, toutes les influences qui l’ont modifié, mais aussi et d’abord l’irréductible fond de l’individualité.
répond, du fond d’une église de village, un murmure de prière virginale. […] J’avoue, du reste, que, si j’essaye d’aller un peu plus au fond des choses, je n’y vois pas bien clair.
Simple et immense, paisiblement irrésistible, il lui a été donné d’unir la profusion des peintures naturelles, l’esprit d’élévation des spiritualistes fervents et l’ensemble des vérités en dépôt au fond des moindres cœurs. […] Delà ce chant qui est la voix du cœur qui médite, un chant où tout se dispose pour la complète libération de l’âme, un chant où les émotions allégées semblent venir du fond d’un rêve.
L’image du beau, ainsi que celle de la vertu est gravée au fond de nos cœurs ; il n’appartient qu’à nous de la contempler sans cesse ; voilà la véritable jouissance de l’ame, & le plaisir inaltérable ; aussi les gens de Lettres sçavent trouver en eux-mêmes une satisfaction douce & continue, qui n’agite point le cœur, qui ne réfroidit point l’imagination, tandis que les autres hommes jamais détrompés, embrassent dans une volupté passagere un phosphore brillant qui se dissipe. […] Il admire également la clarté brillante d’un jour pur & serein, & les nuages orageux portés sur les aîles des tempêtes, & le calme auguste de la Nature qui se tait dans le fond des Forêts, & l’écho du Tonnerre qui du haut de son trône terrible & ténébreux, gronde avec majesté sous un Ciel déchiré par l’éclair, & le fleuve majestueux qui promenant lentement ses eaux, répete ses bords enchantés, & les vagues mugissantes qui frappent & blanchissent d’arides rochers de leur écume, & l’aspect magnifique d’un vaste & superbe Palais, & les débris antiques des colomnes renversées & rongées par la lime des tems.
Plus d’une fois l’individu qui ne cherche dans ses attaques contre la société qu’une satisfaction de ses désirs antisociaux se persuade à lui-même qu’il obéit à une préoccupation de justice sociale, qu’il poursuit un idéal de sociabilité supérieure, et par contre, tel autre qui prétend ou qui croit même poursuivre un but social, un idéal politique et moral supérieur, ne recherche au fond qu’une occasion de renverser ce qui existe et jouit surtout du plaisir de la destruction. […] C’est pourquoi au fond de l’un et de l’autre individualisme on retrouve le même sentiment d’une antinomie entre l’individu et la société.
Comment se fait-il que l’image de chaque objet se peignant au fond de chaque œil, sur chaque rétine, l’objet cependant est perçu comme simple et non comme double ? […] Si l’on y prend garde, la question qui en fait le fond est celle-ci : tous nos plaisirs et toutes nos douleurs, quelle qu’en soit la nature, peuvent-ils s’expliquer par un principe unique, sont-ils réductibles à une ou deux lois fondamentales166?
Après tout, on n’a jamais tant d’efforts à faire en France pour revenir à cette netteté, car elle n’est pas seulement de forme chez nous, elle constitue le fond de la langue et de l’esprit de notre nation ; elle en a été la disposition et la qualité évidente durant des siècles, et, au milieu de tout ce qui s’est fait pour l’altérer, on en retrouverait encore de nombreux et d’excellents témoignages aujourd’hui. […] Le fond en est mince, non pas précisément frivole, comme on l’a dit ; il n’est pas plus frivole (pour être si léger) que tout ce qui a pour matière la comédie humaine.
Dans le fond, la mythologie est favorable à la poësie comme à la peinture, pourvu que l’usage en soit tempéré par le goût & le jugement. […] Il est le premier qui ait trouvé, dans lui-même, un fond assez riche pour fournir à une carrière aussi vaste, que celle du poëme épique.
Au fond, le matérialisme, comme le panthéisme, explique tout par une abstraction. Il reste encore un grand système : c’est le scepticisme, qui s’attaque à la puissance même de l’esprit humain et le déclare incapable de connaître le fond des choses, la réalité en soi.
RIen n’est plus agréable que de parcourir l’univers du fond de son cabinet ; c’est à quoi servent les voyageurs. […] Voilà le fond de l’ouvrage.
J’ai vu au fond du faubourg Saint Marceau où j’ai demeuré longtemps des enfants charmants de visage. […] Elle a suivi son époux dans la plaine, sur la montagne, au fond de la forêt.
Abîme d’ignorances, l‘un sur l’autre, avec le génie et la sainteté, tout au fond !! […] Ils sont là tous, plus humainement particularisés avec le détail, les mille petits ou profonds coups de poinçon, qui les gravent dans l’esprit au fond duquel ils étaient déjà (mais moins avant), dans la beauté pure de leurs grandes lignes lumineuses !
Seulement, ce génie aux longues et prévoyantes pensées rendit Mazarin avare et avide ; et, dans le fond de ces richesses de kalife qu’il fut sur le point d’entasser un jour à Vincennes, l’Histoire retrouve l’ancien pipeur au jeu, le parvenu, l’aventurier. […] Renée, qui cite souvent madame de Sévigné, se fie-t-il à l’enchantement de cette belle diseuse (comme il l’appelle) pour voiler gracieusement un fond de choses qui n’a rien d’élevé et de pur ?
On dirait, quoiqu’ils soient jeunes tous, des momies qui se font des politesses et des mamours du fond de leurs bandelettes. […] On n’a pas le droit, dans quelque hypothèse qu’on se place, de jeter sur la place une somme de livres ennuyeux qui, au fond, ne sont pas des livres, et qu’on n’y aurait jamais lancés si on n’avait pas trouvé dans quelque coin les brouillons des lettres écrites autrefois par ceux dont on a hérité.
D’abord, par une contradiction piquante, ce faiseur de livres de voyages, qui a voyagé, n’est point au fond un voyageur. […] Voilà en quelques mots (et il ne mérite pas davantage) ce livre sur la Hollande que du Camp vient de publier, et, comme tout livre de voyageur n’est jamais au fond que le voyageur lui-même, voilà aussi le voyageur !
Il nous a fallu un certain courage pour reconnaître, après un court examen, que ces farouches nationaux n’étaient au fond que des charlatans, de ceux qui amènent fatalement la ruine d’un peuple, quand il se laisse prendre à leurs pitreries. […] Néanmoins je trouve quelque peu stupéfiante l’attitude du Français, qui écoute les « trouble-fête », hoche la tête en signe d’approbation, semble se ranger de leur avis, et en même temps conserve au fond de lui-même le plus inaltérable sentiment de sécurité nationale.
Au fond, vous êtes du dix-huitième siècle ; votre philosophie détruit la dignité de l’homme ; vous êtes réduit au matérialisme ou au scepticisme. […] Le premier est puisé au fond même de notre nature.
Cependant l’ancienne langue des Césars, quoiqu’altérée, se conservait toujours, et ces empereurs daces, pannoniens et barbares, qui, du fond de la Thrace et des bords de la mer Noire, commandaient au monde, étaient loués quelquefois dans la langue des Scipions. […] Passionné pour les Grecs, nourri jour et nuit de la lecture de leurs écrivains, enthousiaste d’Homère, fanatique de Platon, avide et insatiable de connaissances ; né avec ce genre d’imagination qui s’enflamme pour tout ce qui est extraordinaire ; ayant de plus une âme ardente, et cette force qui sait plus se précipiter en avant que s’arrêter ; d’ailleurs, accoutumé dès son enfance à voir dans un empereur chrétien le meurtrier de sa famille, et, dans le fond de son cœur, rendant peut-être la religion complice des crimes qu’elle condamne ; placé entre l’ambition et la crainte, inquiet sur le présent, incertain sur l’avenir ; ses goûts, son imagination, son âme, les malheurs de sa famille, les siens, tout semblait le préparer d’avance à ce changement qui éclata dans la suite.
A la première représentation, j’ai entendu comparer la pièce à un bonbon exquis (cette scène du quatrième acte) qui serait enveloppé dans quatre boîtes de carton, et tout au fond de la quatrième.
Viollet-Le-Duc achève d’éclairer et comme de meubler tout ce fond, longtemps vague et obscur, de notre Renaissance.
Leconte de Lisle Au fond, et en réalité, c’est un homme de concorde et de paix, revêtu de la peau de Némée.
Ses cheveux courts, tressés, ont l’aspect de la laine ; Sa prunelle se meut, noire sur un fond blanc Humide, transparent comme la porcelaine, Et son regard vous suit, placide, doux et lent.
Pierre Quillard est le plus caractéristique des poètes qui, tout en restant, pour la forme et le rythme, absolument fidèles à la technique parnassienne, se retrempent, pour le fond, dans les nouveaux courants poétiques.
Ces pâquerettes, comme il les appelle, c’étaient des fleurs du jardin de Saint-Remy, fleurs toutes simples, mais toutes fraîches, fleurs de saine pensée comme de gai savoir, offrande et appel adressé du fond du Mas des pommiers à tout le peuple de Provence.
Duclos à la Bruyere, soit par la maniere, soit par le fond, il est cependant peu d’Ecrivains parmi nos Littérateurs, & sur-tout nos Littérateurs Philosophes, qui aient su racheter leurs défauts par autant de mérite.
On peut dire que l'ironie y est aussi ingénieuse & aussi piquante, que le fond est judicieux & habilement développé.
Qu’est-ce que Junon allant aux bornes de la terre en Éthiopie, auprès de Satan remontant du fond du chaos jusqu’aux frontières de la nature ?
À cette première cause de l’infériorité de nos historiens, tirée du fond même des sujets, il en faut joindre une seconde, qui tient à la manière dont les anciens ont écrit l’histoire ; ils ont épuisé toutes les couleurs ; et si le christianisme n’avait pas fourni un caractère nouveau de réflexions et de pensées, l’histoire demeurerait à jamais fermée aux modernes.
Ce sont deux figures liées par des guirlandes sur un fond bleu.
Voyez comme il est terrible, lorsqu’il me montre dans une autre une femme envelopée d’un serpent qui l’entraîne au fond des eaux !
— Au fond de la salle, Champfleury-Pacha, Méry-Achmet, Villemot-Pacha, Omer-Dinochau, Monselet-Pacha, chargés de fers et gardés par huit janissaires. — Les quatre premiers sont très abattus. — Monselet-Pacha semble en proie à une douce folie et joue avec ses chaînes.
Quoiqu’une théorie repose au fond d’un pareil ouvrage, — car de toute pensée générale, de tout fragment de vérité, il est facile de déduire ce que la science appelle une théorie, — ce livre n’est pas, à proprement parler, ce que les esprits qui recherchent ces organisations de la pensée entendent généralement par un système.
Au fond des églises, les cierges flamboient ; des foules s’y pressent.
Car enfin, si le fond de cette littérature valait un peu de la peine qu’il faut se donner et de l’ennui qu’il faut surmonter pour l’entendre ! […] Au fond, ils respirent tous la même valeur féroce et brutale, ils ont tous la même valeur insultante et bravache, ils déchargent tous les mêmes grands coups d’épée. […] Il est bien évident que les monuments de l’histoire littéraire sont la substance et le fond de toute étude de ce genre. […] Forme et fond, il n’y a rien de si différent du théâtre de Corneille que le théâtre de Racine, pas même peut-être celui de Shakespeare. […] Au fond, cette croisade antimonarchique ne convenait nullement à ses goûts.
Elle est au fond du problème de l’Education, comme au fond du problème de la Politique. […] Ce que Balzac aperçoit dans son siècle, c’est d’abord et surtout les conditions imposées par les mœurs à une faculté qui, à ses yeux, constitue le fond même de l’âme humaine. […] Ils disent : « L’intérêt du pays est identique, en son fond, à celui des familles. […] Qu’il ne dût être que le poète d’une saison, la beauté même, si particulière et si morbide au fond, de ces premiers vers, l’annonçait dès lors avec évidence, et l’avenir n’a pas démenti le pronostic. […] Qui ne se rappelle la page, sublime : « Nous étions seuls, la croisée ouverte Il y avait au fond du jardin une petite fontaine dont le bruit arrivait jusqu’à nous.
Du fond de ce repaire de débauche, la tyrannie pesait sur Rome, et de Rome sur l’univers. […] Ce petit livre, à tout prendre, est d’une lecture agréable, et, pour le fond des aventures, aussi neuf que beaucoup de romans modernes. […] Maintenant, ô mon corps, disparais dans l’air, ou le démon va t’emporter dans le fond de l’enfer ! […] Ne nous étonnons donc pas que, chez une nation pensante et spirituelle, ses ouvrages soient comme le fond et la souche de la littérature. […] Lorsqu’elle parut sur la petite terrasse du jardin au fond duquel Pope était assis, il se leva avec empressement malgré sa faiblesse.
Il nous enlace et nous emporte où il lui plaît, jusqu’au fond des abîmes où tournoie « le cadavre décomposé de l’agneau d’Alladine », — et plus loin, jusque dans les obscures et pures régions où des amants disent : « Que tu m’embrasses gravement… — Ne ferme pas les yeux quand je t’embrasse ainsi… Je veux voir les baisers qui tremblent dans ton cœur ; et toute la rosée qui monte de ton âme… nous ne trouverons plus de baisers comme ceux-ci… — Toujours, toujours ! […] Capitan d’une galère chargée d’opulents esclaves, il navigue parmi les périls tentants des archipels de pourpre (comme on dit qu’à certaines heures apparaissent les îles grecques), et quand la nuit vient il cherche le fond de sable d’un golfe violet Dans la splendeur des clairs de lune violets. […] J’apporte à ton amour, du fond des cieux antiques, Ma gorge dont le Temps n’a pas vaincu les lys Et ma voix assouplie aux rythmes prophétiques. […] Visiblement, il s’efforce d’aller au fond, de pénétrer jusqu’au centre vital même d’une ombelle d’hortensia. […] C’est très simple, très délicat, très pur et parfois biblique : J’étais allé jusqu’au fond du jardin, Quand dans la nuit une invisible main Me terrassa plus forte que moi — Une voix me dit : C’est pour ta joie.
Quant au fond, il n’y a plus guère à douter qu’il ne fût très-compromis sur plus d’un point. […] Au fond, son opinion est bien prise : sa parole extérieure demeure voilée. […] Tout ceci, en restant parfaitement exact, n’empêche point que, même en son temps de plus grand essor, Daunou n’ait eu bien des velléités d’arrêt qui le faisaient identique au fond à ce que nous l’avons vu. […] Quelque paresse du fond se cache iéi sous le labeur extrême du détail. […] Daunou tenait, pour sa part, la pierre de touche de la diction et ]e creuset de l’analyse moderne : ajoutez-y la grammaire générale toujours présente au fond, ce qui ne nuit pas.
Proudhon à découvrir le fond d’idées et l’unité de doctrines de messieurs les économistes. […] si on me traitait de la sorte, j’irais me sauver bien vite au fond de ma province. […] Encore s’ils avaient compris le fond de la poésie et de la sculpture grecques ! […] Qu’ils réfléchissent, qu’ils aillent au fond des choses comme M. […] Mirès de nouvelles Danaïdes condamnées à remplir le tonneau sans fond de la faim et de la soif des hommes de lettres.
Quand vous n’êtes pas là, je sens au fond du cœur que je vous aime comme autrefois ; quand vous y êtes, c’est une torture. […] Blessé au fond du cœur, il reprend le chemin de la Cour, décidé à montrer qu’il est prince et homme. […] Léo Claretie qui, au fond, ne nous montre pas sous un jour bien sympathique celles qui aimèrent Rousseau, et qu’il a cru aimer. […] Le jeune homme est appelé au parloir par sa vieille tante qui n’a pu s’empêcher de venir du fond de sa province pour l’embrasser. […] Tout au fond, le profil d’un frêle gnome, agrandi d’une gibbosité énorme, se dessine sur les clartés de l’arrière-scène.
Elle le devient, d’une autre manière, en développant dès lors, de son propre fond, et comme à l’abri de toute action du dehors, des qualités plus intérieures, assez difficiles à définir, et dont la nationalité se reconnaît à ce signe que les étrangers ou ne les voient pas, ou ne les sentent point. […] Mais il a soin de dire ailleurs : « Ces badineries, — il parle de ses Fables et non de ses Contes, on pourrait s’y tromper, — ces badineries donc ne sont telles qu’en apparence, et dans le fond elles portent un sens très solide. […] Tandis que Bossuet et Fénelon s’épuisent en d’autres combats, lui, continue son œuvre du fond de sa petite chambre, et cette œuvre consiste à humaniser, — nous dirions à « laïciser », — ce que la doctrine chrétienne offre de plus dur ou de plus contraire à la raison. […] Je vis alors qu’il la traversait par le milieu : d’où je jugeai que son amour était diminué de la différence de la diagonale aux deux côtés du carré. » Si diverses qu’elles soient, toutes ces manières de parler se ressemblent, au fond ; et ne sont-ce pas celles dont s’était tant moqué Molière ? […] Analyse de l’Augustinus. — Les cinq propositions [Cf. l’abbé Fuzet, Les Jansénistes et leur dernier historien ; et sur le fond de la question de la grâce, C.
Welschinger nous font découvrir, au fond des meilleures âmes et dans les plus braves cœurs, un effrayant abîme d’hypocrisie et de lâcheté. […] Les vieux tiroirs, au fond des châteaux héréditaires, semblent avoir livré tous leurs secrets. […] Saint Thiébault étant mort, ce pèlerin venait d’Italie et s’en allait vers les Pays-Bas, rapportant, au fond de sa besace, le pouce de son maître. […] Le riz ne nous apparaît jamais qu’au fond d’une assiette ou d’un plat, dans la prose d’un pilaf ou d’une soupe. […] Quand elle eut étanché sa soif, elle offrit à son singe, d’un mouvement infiniment gracieux, ce qui restait au fond de la noix de coco.
— Oui, nous le répétons aujourd’hui avec toute l’autorité de la réflexion, oui, l’inspiration essentielle des Mystères de Paris, c’est un fond de crapule : l’odeur en circule partout, même quand l’auteur la masque dans de prétendus parfums.
Royer-Collard savait certes bien ce qui manquait au fond de cette peinture, mais il l’a jugée suffisante et allant au but.
Mais d’ailleurs, au fond, ils sont bien le même.
Des deux volumes, je préfère À l’orée de beaucoup ; j’aimerais mieux que la nature y fût chantée librement, au lieu d’être ainsi sévèrement modelée ; mais en se contentant de ce qu’on y trouve, on se sent en contact avec de la poésie vraie, encore que nuancée, fond et rythme, à la façon d’un érudit, ce qui ne peut surprendre personne, étant donnée la sûre et modeste érudition dont M.
Au fond, M.
Théophile Gautier C’est un talent fin, discret, un peu timide que celui de Theuriet ; il a la fraîcheur, l’ombre et le silence des bois, et les figures qui animent ses paysages glissent sans faire de bruit comme sur des tapis de mousse, mais elles vous laissent leur souvenir et elles vous apparaissent sur un fond de verdure, dorées par un oblique rayon de soleil.
La forme de cette comédie élégante m’a donné beaucoup à penser sur ce que c’est que le Romantisme, et le fond m’a donné beaucoup à penser sur ce que c’est que l’Amour.
De l’affaire la plus embrouillée, il sait tirer une proposition unique, qu’il développe avec une supériorité qui intéresse par la maniere, autant qu’elle instruit par le fond.
Ce qui acheve de prouver qu’il est un de nos meilleurs Littérateurs, est l’érudition qu’il joint au mérite du style & de la Poésie ; érudition qui n’est point fantastique & mendiée, comme celle de tant d’Ecrivains dont le fond consiste dans quelques Extraits lus sans réflexion, & insétés uniquement pour faire étalage, mais une érudition solide, étendue, choisie, dirigée par le goût, appuyée sur la connoissance de l’Hébreu, du Grec, du Latin, & de plusieurs Langues vivantes.
Il est d’autant plus répréhensible de ne l’avoir pas fait, qu’il a produit, de son propre fond, des Réflexions dignes du P.
Et puis, au bas de ce groupe qui jouit, qui possède et qui qui souffre, tantôt sombre, tantôt rayonnant, ne pas oublier l’envieux, ce témoin fatal, qui est toujours là, que la providence aposte au bas de toutes les sociétés, de toutes les hiérarchies, de toutes les prospérités, de toutes les passions humaines ; éternel ennemi de tout ce qui est en haut ; changeant de forme selon le temps et le lieu, mais au fond toujours le même ; espion à Venise, eunuque à Constantinople, pamphlétaire à Paris.
Ainsi, tout poème où une religion est employée comme sujet et non comme accessoire, où le merveilleux est le fond et non l’accident du tableau, pèche essentiellement par la base.
Satan, s’apprêtant à combattre Michel dans le paradis terrestre, est superbe ; le Dieu des armées, marchant dans une nuée obscure à la tête des légions fidèles, n’est pas une petite image ; le glaive exterminateur, se dévoilant tout à coup aux yeux de l’impie, frappe d’étonnement et de terreur ; les saintes milices du ciel, sapant les fondements de Jérusalem, font presque un aussi grand effet que les dieux ennemis de Troie, assiégeant le palais de Priam ; enfin il n’est rien de plus sublime dans Homère, que le combat d’Emmanuel contre les mauvais anges dans Milton, quand, les précipitant au fond de l’abîme, le Fils de l’Homme retient à moitié sa foudre, de peur de les anéantir.
Le fond caractérise bien le lieu de la scène.
mais des originalités d’un homme ayant son indépendance et sa manière de voir, — très lisible, au fond, à travers son ironie rieuse, — ce qu’il est présentement et ce qui ne changera pas, c’est un esprit qui a horreur de la vulgarité, du bourgeois, du mesquin, de toutes les choses qui règnent en ce monde.
Le mépris de la vie, quand elle est en balance avec le devoir, la passion ou seulement quelque bien d’opinion, est le fond des mœurs de cette époque. […] L’histoire le lui reproche justement, sans lui tenir assez compte de l’idée supérieure d’unité et de paix sociale qui était au fond de cet excès de jalousie de son autorité. […] Il en faisait passer le fond avant la façon, et, quoique fort sensible à un beau sermon, il savait ne pas s’ennuyer à un sermon médiocre. […] On vit monter dans la chaire un homme d’une pénétration extraordinaire, qui lisait au fond des consciences les plus enveloppées, d’une parole plus animée que véhémente, dédaignant d’émouvoir et de plaire, tant il était occupé de convaincre. […] Un des premiers peut-être, Bossuet fut frappé de ce grand air du jeune roi, et il y prit la définition qu’il donne de la majesté, « laquelle n’est pas une certaine prestance, dit-il, qui est sur le visage du prince et sur tout son extérieur, mais un éclat plus pénétrant qui porte dans le fond des cœurs une crainte respectueuse260. » Il devina les grandeurs de son règne.
… démêler l’ombre d’avec le jour, Et connaître à la fin ce qu’il peuvent enclore Derrière leur surface et derrière leur flore, Sous leur nénuphars blancs — frileuse puberté — Plus au fond, tout au fond de leur ambiguïté. […] On me dira bien qu’au fond ces gaillards-là ne sont que des symboles ; dans ce cas, ils ont encore trop de chair et je demande qu’on les réduise à l’état de purs esprits. […] Il constate que rien n’est plus, fatal que la logique absolue qui conduit au scepticisme, lequel n’est au fond qu’un avant-goût de la mort. […] Si le peuple égyptien indigène est peu ou point modifiable, il n’en est pas de même de l’Égypte administrative qui se renouvelle de fond en comble, aussi bien dans ses procédés gouvernementaux que dans son personnel. […] Oui, les choses éternelles semblaient seules vivantes au fond de ses grands yeux ; les autres y passaient comme de vaines apparences dans un miroir profond.
C’est bien le même qui, dix ans plus tard, dans un admirable article sur les Mémoires de Gouvion Saint-Cyr21, après avoir montré, à la louange des grands capitaines, que penser fortement, clairement, non pas au fond de son cabinet, mais au milieu des boulets, est, à coup sûr, l’exercice le plus complet des facultés humaines, c’est lui qui ajoutera en des termes tout à fait semblables : « Ceux qui ont rêvé la paix perpétuelle ne connaissaient ni l’homme ni sa destinée ici-bas. […] Il demande sa route, et tandis qu’on lui répond, une voiture fond sur lui ; il fuit, mais une autre le menace. […] s’écrie-t-il et a-t-il droit de s’écrier dans cet égoïsme de l’artiste amoureux de son objet ; on m’a été prendre Alexandre du fond de l’antiquité, et on me l’a mis là, de nos jours, en uniforme de petit capitaine et avec tout le génie de la science moderne. » Pour la première fois donc l’historien a fait, a voulu faire un ouvrage. […] Arriver à être court en restant facile et sans cesser d’être abondant par le fond, ce résultat obtenu résumerait la perfection de sa manière. […] Penser fortement, clairement, au fond de son cabinet, est bien bea sans contredit ; mais penser aussi fortement, aussi clairement, au milieu des boulets, est l’exercice le plus complet des facultés humaines. » Thomas, si l’on s’en souvient, en son Éloge de Duguay-Trouin et dans une page qu’on dit éloquente, a décrit les difficultés et les dangers des combats de mer, plus terribles que ceux de terre ; mais ici que le Thomas est loin !
On voyait les feux du prince de Hohenlohe sur toute l’étendue des plateaux, et au fond de l’horizon à droite, sur les hauteurs de Naumbourg, que surmontait le vieux château d’Eckartsberg, ceux de l’armée du duc de Brunswick, devenu tout à coup visible pour Napoléon. […] Tandis que la première ligne d’infanterie est ainsi culbutée et hachée, la seconde se replie à un bois, qui se voyait au fond du champ de bataille. […] Thiers ne pense pas pour vous : il expose, il décrit, il raconte ; or, exposer lucidement, décrire fidèlement, raconter intarissablement, n’est-ce pas au fond tout l’historien ? […] Il n’est pas permis à un magnifique récit en seize volumes de remuer le monde de fond en comble, pendant vingt ans de convulsions et de catastrophes, sans en faire jaillir autre chose que de la fumée de canon, des cliquetis de baïonnettes, des éclairs livides de gloire soldatesque. […] Cet égoïsme au fond qui semble tout remplir est un grand vide, car c’est le vide de tout droit et de toute vertu dans les choses humaines.
Les Français, disait-il, ont de l’intelligence et de l’esprit, mais ils n’ont pas de fond et pas de piété, ce qui leur sert. […] Elle obéit à un penchant heureux pour les peintures de la nature visible, et elle a aussi au fond d’elle-même de belles facultés. […] C’est là toujours l’avantage d’une passion, elle nous fait pénétrer le fond des choses. […] Mais aussi, par cette sévère modération en toutes choses, l’empire chinois s’est maintenu depuis des siècles, et par elle il se maintiendra dans l’avenir. — J’ai trouvé dans ce roman chinois un contraste bien curieux avec les chansons de Béranger, qui ont presque toujours pour fond une idée immorale et libertine, et qui par là me seraient très antipathiques, si ces sujets, traités par un aussi grand talent que Béranger, ne devenaient pas supportables, et même attrayants. […] C’est là ce que j’appelle la toute-présence de Dieu ; au fond de tous les êtres il a déposé une parcelle de son amour infini ; et déjà dans les animaux se montre en bouton ce qui, dans l’homme noble, s’épanouit en fleur splendide.
Le timon est d’if poli ; le siège est formé d’os éclatants de blancheur ; ses flancs sont remplis de lances entassées, et le fond est foulé par les pieds des héros. […] Ils sont pour moi comme le calme du matin et la fraîcheur de la rosée qui humecte les collines lorsque le soleil ne jette sur leur penchant que des rayons languissants et que le lac est bleuâtre et tranquille au fond du vallon. […] Ils vainquirent et enchaînèrent Starno, roi de Loclin ; mais ils le rendirent à ses vaisseaux ; son cœur était gonflé d’orgueil et de ressentiment ; il méditait au fond de son âme ténébreuse la mort du jeune vainqueur, car jamais, jamais nul autre que Fingal n’avait dompté la force du puissant Starno. […] Gaul fond comme un tourbillon d’Arven : la destruction suit son épée. […] « Du fond de là caverne de Cromla, Cuchullin entendit le bruit des combattants.
Les galons d’or devenus à la mode et touchant au fond même de l’habit12 leur semblèrent exiger un précepte positif : « Mes frères, dit encore le lettré, sachez que les testaments sont de deux sortes : traditionnels et écrits ; que dans le testament écrit qui est là devant nous, il n’y ait ni précepte, ni mention au sujet de ce galon d’or, conceditur ; mais si idem affirmetur de nuncupatorio, negatur. […] Qu’importait aux yeux des hommes religieux de l’Église établie que Martin fût un peu moins ridicule que Pierre et que Jacques, lorsque les croyances communes de Pierre, de Jacques et de Martin étaient avilies sous les plus indignes images, lorsque leurs débats, où leur dignité commune était engagée, devenaient une comédie grossière, lorsqu’enfin le surnaturel, ce fond commun et indispensable de toutes les sectes religieuses, n’apparaissait plus dans leur histoire que sous la forme des inventions indescriptibles de Pierre et des repoussantes aberrations de Jacques. […] Mais agiter un article de foi aussi fondamental, dans un pays où le christianisme est déjà établi, ne peut qu’avoir des conséquences pernicieuses pour la morale et la tranquillité publique. » Il semblerait que Montesquieu eût voulu résumer toute la polémique religieuse de Swift et le fond de son argumentation ordinaire, lorsqu’il écrivit cette page, que le doyen de Saint-Patrick eût signée : « Quel peut être le motif d’attaquer la religion révélée en Angleterre. On l’y a tellement purgée de tout préjugé destructeur, qu’elle n’y peut faire de mal et qu’elle y peut faire au contraire une infinité de biens… En Angleterre, tout homme qui attaque la religion, l’attaque sans intérêt, et quand même il aurait raison dans le fond, il ne ferait que détruire une infinité de biens pratiques pour des vérités purement spéculatives. » Mais en parlant, en toute occasion, avec la mâle liberté de Montesquieu, Swift oubliait qu’il était membre et membre ambitieux de l’Église anglicane. […] Nos misères mêmes qui sont le fond de ce livre, y sont moins exagérées que séparées de tout ce qui, dans le monde, les atténue au point de les faire parfois oublier.
Le front large et bossué, l’œil bleu et à fleur de front, le nez gros et arqué, les pommettes relevées, les joues lourdes, les lèvres épaisses, le menton à fossette, le visage rond plutôt qu’ovale ; le cou bref, mais relié par de beaux muscles à la naissance de la poitrine ; les épaules massives, la taille carrée, les jambes courtes ; la stature pesante en apparence, mais souple au fond, tant il y avait de ressort physique et moral pour l’alléger ; mais ce front était si pensif, ces yeux si transparents et si pénétrants à la fois, le nez si aspirant le souffle de l’enthousiasme par ses narines émues, les joues si modelées de creux et de saillies par la pensée ou par les sentiments qui y palpitaient sans cesse, la bouche si fine et si affectueuse, le sourire bon, l’ironie douce et la tendresse compatissante s’y confondaient tellement pour plaisanter et pour aimer sur les mêmes lèvres ; le menton si téméraire, si sarcastique, si défiant et si gracieux tout ensemble en se relevant contre la sottise ; de si belles ombres tombées de ses cheveux, et de si belles lumières écoulées de ses yeux flottaient sur cette physionomie pendant qu’elle s’animait de sa parole ; l’accent de cette parole elle-même, tantôt grave et vibrante comme le temps, tantôt sereine et impassible comme la postérité, tantôt mélancolique et cassée comme la vieillesse, tantôt badine et à double note comme le vent léger de la vie qui se joue le soir sur les cordes insouciantes de l’âme ! […] Un second corridor noir s’offrait à vous ; vous le suiviez ; un jour de reflet vous indiquait au fond du corridor la lumière répercutée d’une pièce éclairée par le soleil. […] Un lit, un canapé, une table ronde où les journaux et les brochures du jour faisaient place à leur heure à la bouteille de verre noir et au frugal repas du matin, une cheminée au fond de laquelle couvait un petit feu de fagots dans un massif de cendres, une ou deux gravures pendues à des clous contre la muraille, représentant les amis de sa jeunesse, dieux lares de son cœur : Manuel, le favori de ses souvenirs, près de qui il doit lui être doux de reposer dans son tombeau d’emprunt ; Laffitte, le Mécène bienfaisant des factions, dans un temps où les factions vendaient et achetaient la gloire ; Chateaubriand, qu’il avait cru aimer, et dont il avait pris les morosités monarchiques pour des convictions républicaines ; Lamennais, dont il estimait le courage, mais dont il aimait peu le caractère ; un masque mort du premier Napoléon couché sur le grabat de Sainte-Hélène, relique obligée chez ce dévot railleur à la grande armée : ce masque est moitié pathétique et moitié lugubre. […] Il faisait ses vers à petit feu, comme on fond la cire : il ne les chauffait à grande flamme que pour la gloire et pour la patrie. […] Enfin il y fut initié par les mœurs communes à la langue triviale du peuple dont il goûtait les larmes au fond du verre.
Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?) […] Il fut triste, au fond, comme un protestant, ce catholique qui avait fait ses études dans Rousseau, et qui, quand il ne l’aima plus, n’en garda pas moins toutes les mélancolies sur sa pensée… Chateaubriand, de race de chevaliers français qui teignaient de leur sang les armes de France (sa devise), n’avait point la gaîté de la vieille et gaie France, la gaîté du roi saint Loys et du sénéchal Joinville, qui étaient des hommes gais, quoique héros et saints ! […] Au fond, ce n’est qu’un roman d’aventures, enté sur une idée superstitieuse que la haute raison des temps modernes a pu fouler de son pied superbe, mais n’a pas arrachée encore de l’esprit humain, qui impertinemment lui résiste. […] Moi, je ne le connus que longtemps après sa jeunesse passée… Parfois, sa haute taille abandonnée se redressait tout à coup comme celle d’un soldat qui oublie sa blessure, et parfois aussi, du fond de lui, une corrosive odeur d’orgueil s’exhalait, malgré l’humiliation volontaire et sévère de sa vie. […] Ici l’historien touche à l’hagiographe et se fond avec lui.
« Ils étaient dans toutes les bouches, au fond de tous les verres ! […] et elle fut jetée au fond de l’in-pace, au chant funèbre du De profundis ! […] Monteil vit son fils disparaître au fond de cet abîme. […] Que nous importe, en effet, le fond éternel et monotone de ces disputes sans fin ? […] Elle les connaissait jusqu’au fond du cœur.
Le fond des âmes est impitoyablement découvert par cet investigateur à qui nul mobile n’échappe. […] Plus simplement encore, toute la compagnie sort pour aller voir la lune au fond du parc et la scène reste à la disposition de ceux qui en ont besoin. […] * * * La fond de la poésie de M. […] C’est le fond même de toute grande poésie. […] Assurément du fond moraliste de l’œuvre de M.
Au fond, il pensait toujours comme lorsqu’il avait dit dans sa riante peinture des Fleurs : Pour être heureux, il ne faut qu’une amante, L’ombre des bois, les fleurs et le printemps. […] Car elles alors, toutes fâchées, s’en reviennent à la maison, pieds nus, en me reprochant grandement d’avoir fait un voyage stérile, et, craintives désormais, elles attendent là, assises sur le fond d’un coffre vide, tenant la tête basse entre leurs genoux glacés ; et ce banc de repos leur est bien dur, après qu’elles n’ont rien obtenu ! […] Voici quelques vers dont on me garantit l’exactitude et qui ont l’avantage d’être nés sur les lieux ; on y reconnaît tout d’abord, à l’accent, l’école qui a succédé à celle de Parny : Ondes du Bernica, roc dressé qui surplombes, Lac vierge où le cœur rêve à de vierges amours, Pics où les bleus ramiers et les blanches colombes Ont suspendu leur nid comme aux créneaux des tours ; Roches que dans son cours lava le flot des âges, Lit d’un cratère éteint où dort une eau sans voix, Blocs nus, ondes sans fond, site âpre, lieux sauvages, Salut ! […] Tu souris trop peu à nos amours que tant d’obstacles jaloux traversèrent ; tu y souris pourtant assez, ô Plaisir, pour que l’image en reste, au fond de mon cœur, pleinement couronnée.
Vicovaro ; le torrent de la Digentia qui écume encore sous les chênes disséminés au fond de la vallée d’Ustica ; le site parsemé de débris de briques de la maison rurale du poète ; Rocca-Giovanni qui s’élève avec ses ruines de forteresse féodale comme une sentinelle à l’ouverture de la vallée ; la plaine de Mandéla fumante çà et là au soleil ; des feux d’herbes sèches allumés et oubliés par les bergers ; la grotte des nymphes au bord de laquelle rêve le poète endormi dont on voit danser les songes sous la figure des femmes qu’il aima ; la fontaine de Blandusie en Calabre, qui a changé tant de fois de nom depuis Horace, et à laquelle un vers du lyrique rend éternellement son premier nom ; la barque pleine de musique et pavoisée de voiles qui portait Mécène, Horace et leurs amis pendant le voyage de Brindes ; la treille de Tibur entre deux colonnes à l’ombre desquelles le nonchalant ami de Mécène écrit une strophe entre deux sommeils ; l’entretien du maître d’Ustica avec son métayer, au milieu de ses troupeaux de chèvres ; Horace, ses tablettes sur ses genoux dans sa bibliothèque de Tibur, écrivant au milieu de ses rouleaux de livres grecs les préceptes de son épître aux Pisons, chacun de ces tableaux est une évocation vivante d’un passé de deux mille ans, mais auquel ces deux mille ans n’ont enlevé ni un rocher, ni une source, ni un arbre aux paysages, ni un vers au génie aimable du poète. […] « Un jour que, dans les bois de la Sabine, je m’égarais sans armes hors de mes sentiers ordinaires jusqu’au fond des forêts, distrait de tout autre souci que de célébrer dans mes vers ma chère Lalagé, un loup m’apparaît et s’enfuit loin de moi. […] » Ce dernier vers, inattendu dans une ode pleine de riantes images et de douce sagesse, sonne comme un ressentiment caché au fond du cœur contre la méchanceté de ses ennemis ; c’est une flèche sous les fleurs qui retentit au fond du carquois.
« La colère peut être folle et absurde ; on peut être irrité à tort ; on n’est indigné que lorsqu’on a raison au fond par quelque côté. […] « La nature humaine se transforme-t-elle ainsi de fond en comble et tout à fait ? […] Âmes tombées au fond de l’infortune possible, malheureux hommes perdus au plus bas de ces limbes où l’on ne regarde plus, les réprouvés de la loi sentent peser de tout son poids sur leur tête cette société humaine, si formidable pour qui est dehors, si effroyable pour qui est dessous. […] Le froid sans fond le paralyse.