Avant 1870 c’est Émile Zola qui s’essaye et qui se cherche ; de 1870 à 1893 c’est Émile Zola qui s’est trouvé et qui s’exprime ; depuis 1893 c’est Émile Zola déclinant et n’écrivant plus qu’avec ses procédés, ses recettes et ses manies. […] La grande âme contemptrice et désolée de Chateaubriand, si souvent retrouvée partiellement par Musset, par Gautier, par Vigny, par Lamartine lui-même, le tempérament neurasthénique des romantiques, est l’âme même, intime et profonde, du romantisme ; et si Vigny est considéré à présent, plus que tout autre, comme le représentant du romantisme, c’est que du romantisme il a négligé le magasin des accessoires, mais exprimé plus fortement que personne l’esprit même.
Comment exprimer cependant la perfection de pénétration et d’imagination avec laquelle Dostoïevski crée des âmes plus animées que les vivantes ! […] À ce mysticisme final aboutit l’œuvre de Dostoïewski et l’âme qu’elle exprime.
Je les y trouve entassés, nombreux, à toute page, sans mélange et tellement, qu’il est impossible que le porte-plume quelconque qui s’exprime en ces termes ; qui n’a à son service, exclusivement, que ces métaphores épuisées, traînées et fourbues, puisse jamais s’appeler du nom de grand écrivain, déjà lourd à porter partout ; à plus forte raison du premier des grands écrivains français au dix-neuvième siècle, comme on l’a dit de Mme George Sand, et qui l’écrase — net ! […] Voyez si vous trouvez pour exprimer les choses du cœur et de la pensée, plus que les vieilles images surannées, « d’autels renversés dans la fange, d’orages, de ruines qui croulent, de par vis, de feuilles sèches que disperse le vent de la mort, de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat), de volcans à peine fermés du sol (pour dire les passions apaisées), du forum (pour dire comme les avocats, là vie publique), de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, du vent, de la pluie, mais sur-« tout du vent, et pourquoi ?
Comme si ce n’était pas trahir et déshonorer sa propre admiration à soi-même que d’exprimer, après elle, un pareil soupçon ! […] Il trouve dans sa profondeur de la variété… Ces poésies, qui expriment des états d’âmes effroyablement exceptionnels, ne sont pas le collier vulgairement enfilé de la plupart des recueils de poésies, et elles forment dans l’enchaînement de leurs tableaux comme une construction réfléchie et presque grandiose.
J’ai bien souvent, donc, entendu Stéphane Mallarmé exprimer son sentiment sur l’œuvre de Wagner et en définir la nature et la portée. […] Ces sympathies, Pierre Loti ne les a jamais dissimulées, bien au contraire, il les a maintes fois exprimées avec une éloquence communicative et convaincue. […] Cette révélation, Baudelaire en a exprimé le caractère dans une lettre souvent citée. […] Ce fier visage exprimait fierté d’une belle œuvre, et, s’il pouvait regarder l’avenir avec une glorieuse certitude, il pouvait aussi se retourner sans crainte vers le passé en évoquer les jours et les travaux. […] Il y a dans ce besoin espèce de grâce d’état qui profite aux narrateurs et leur donne le pouvoir de s’exprimer presque toujours, avec force et pittoresque.
du droit qu’a le premier venu de conter ses rêveries et d’exprimer ses vœux. […] Professer qu’on n’en a point, c’est encore en exprimer une ; c’est désapprouver ceux qui affirment ou nient quelque chose. […] Lemaître, qui vaut beaucoup par les idées qu’il exprime, vaut plus encore par la forme qu’il leur donne. […] je comprends qu’il ait le souci d’exprimer sa pensée dans toute sa plénitude. […] Un homme de bon sens qui exprime franchement ce qu’il a éprouvé conte du même coup l’histoire de beaucoup de ceux qui l’entourent.
Si l’on n’y remarque aucune vue d’ensemble bien nouvelle sur nos épopées, s’il se hâte trop, selon nous, de rejeter dans un horizon fabuleux ce qu’on pourrait appeler les grosses questions à ce sujet, on y trouve en revanche beaucoup de détails piquants, des rapprochements d’une scrupuleuse exactitude, le tout exprimé en ce style élégant et légèrement épigrammatique dont M.
Et les cris gutturaux que poussent ces êtres n’expriment que deux sentiments, sans plus : une colère méchante ou une douleur féroce.
Laurent-Pichat, qui s’est exprimé de la sorte : On a beaucoup écrit sur Hégésippe Moreau.
Ce qu’il faut retenir de ces développements, c’est que la réalité psychologique de quelque façon qu’on l’imagine, est bien un compromis entre deux forces dont l’une s’exprime en une tendance à agir et l’autre en une tendance à prendre conscience, à titre de spectacle, des actes accomplis, c’est que cette réalité qui a pour support les combinaisons les plus diverses, les états d’équilibre les plus variés entre ces deux tendances, se voit abolie dès que l’une d’elles, triomphant de l’autre absolument, l’exclut : en sorte que, selon un Bovarysme essentiel, l’existence de quelque réalité psychologique suppose l’antagonisme de ces deux forces, dont chacune tient les conditions de sa mort pour les conditions de son triomphe et ne persiste dans l’être que par la vertu de sa défaite tout au moins partielle.
La filiation d’un mot, même du latin au français, n’est presque jamais immédiatement perceptible ; très souvent le mot français a une signification tout à fait différente de celle qu’il supportait en latin ; bien plus, à quelques siècles, et même à quelque cinquante ans de distance, un mot français change de sens, devient contradictoire à son étymologie, sans que nous nous en apercevions, sans que cela nous gêne dans l’expression de nos idées ; d’identiques sonorités expriment des objets entièrement différents, soit qu’elles aient une origine divergente, soit qu’un mot ait assumé à lui seul la représentetation d’images ou d’actes disparates10.
Platon reproche encore un autre inconvenient à la poësie : c’est que les poëtes en se mettant aussi souvent qu’ils le font à la place des hommes vicieux dont ils veulent exprimer les sentimens, contractent à la fin les moeurs vicieuses dont ils font tous les jours des imitations.
Ils n’y doivent pas jouer un des rolles principaux d’une action, mais ils y peuvent seulement intervenir, soit comme les attributs des personnages principaux, soit pour exprimer plus noblement, par le secours de la fiction, ce qui paroîtroit trivial s’il étoit dit simplement.
Chateaubriand, Bernardin de Saint-Pierre, avaient peint des coins de savanes, des bords de fleuves, des marines, derrière les personnages qui exprimaient avant tout, pour eux romanciers, les idées et les sentiments qu’il leur importait de creuser.
Ce mot proscrit n’exprimait pas autre chose que le fait qui est traduit dans la langue courante par celui de virginité. […] Il éveille dans l’esprit des images qui sont en désaccord complet avec l’idée que l’on se fait de la chose qu’il exprime. […] Le premier point est que l’idée, exprimée par la scène, soit générale, et trouve, dans la vie réelle, de nombreuses applications. […] La colère naïve de ces deux filles envieuses, l’amer ressentiment de leur déconvenue, sont exprimés avec un naturel exquis. […] Elle le dit d’abord du ton d’un homme qui exprime une idée probable, puis d’un ton plus convaincu, puis d’une voix tout à fait assurée.
L’idée sans le mot qui l’exprime, il ne faut pas dire : reste confuse, il faut dire : n’existe pas. […] Incapables d’avoir une pensée sans avoir le mot qui l’exprime, nous recevons nos idées des mots que nos pères nous transmettent. […] — Jamais une idée sans le mot qui l’exprime, dites-vous. […] Enfin, il paraît plus assuré que les littératures expriment le tour d’esprit des nations, et si elles l’expriment, il n’est pas douteux qu’elles ne le créent, comme par un contre-coup. […] Elle a compris, senti et exprimé le xviiie siècle en ce qu’il a de plus haut, de plus noble et déplus pur.
Avec leurs plumes, ils s’expriment comme les artistes d’autrefois, avec leurs pinceaux. […] Il existe un parti, en Belgique, qui rêve d’une culture purement flamande, sans odeur latine, sans même parfum germanique, capable de laisser s’exprimer en flamand des pensées et des sentiments flamands. […] Toute pensée calme ou d’un caractère purement pratique se traduit en prose ; dès que l’âme s’émeut, elle s’exprime en vers : la transition de l’une aux autres s’opère sans le moindre heurt et comme naturellement. […] Gustave van Zype s’exprime en une langue pure et élevée ; il n’abandonne rien au hasard. […] En opposition aux classiques, ils ne se soucient pas d’exprimer un caractère.
si elle est trop pleine et anéantie par des émotions qu’elle n’exprime pas, à qui songe-t-elle pour n’en garder que la moitié ? […] Ici le contraste est parfait : Gandar et About, deux cerveaux disparates ; l’antithèse, pour qui les connaît, saute aux yeux et rit à l’esprit : l’un grave, consciencieux, religieux aux anciens, déférant aux modernes, se tenant dans sa voie et ne s’en laissant détourner par rien ; portant du sérieux et de l’affection en tout, de cet approfondissement attentif et pénétré, quelque peu étranger à la nature française, et que les Allemands qui se l’arrogent expriment très bien par le mot Gründlichkeit, réalisant encore l’idée du σπουδαῖος d’Aristote, l’homme vertueux et non léger ; un gros front énorme venant en surcroît au portrait163 : l’autre gai, vif, ironique, espiègle même, le nez au vent, la lèvre mordante, alerte à tout, frondant sans merci, à l’exemple de Lucien ne respectant ni les hommes ni les dieux : chez l’un l’École normale en plein exercice et développement de son professeur modèle, dans tout le large de la tradition régulière et directe ; chez l’autre cette même École en rupture de ban, en pleine dissipation et feu d’artifice d’homme d’esprit émancipé, lancé à corps perdu à travers le monde, mais d’un homme d’esprit, remarquez-le, dont c’est trop peu dire qu’il pétillé d’esprit, car sous sa forme satirique et légère il fait bien souvent pétiller et mousser le bon sens même, et toujours dans le meilleur des styles : toutes qualités par où il témoigne encore de son excellente nourriture et tient, bon gré mal gré, de sa mère. […] Émile Michel, dans laquelle, déjà bien malade, il exprimait son vœu, son espoir mêlé d’une plainte étouffée : « (1er janvier 1868)… J’ai beau faire depuis deux mois : le malaise dont vous avez vu le commencement n’a fait qu’empirer. […] La vivacité pouvait manquer à Gandar dans les allures, dans la manière de s’exprimer, dans les actions et les démarches, dans les résolutions même ; mais il concevait et travaillait vite. […] Je me rappelle encore son opinion si nettement exprimée et un peu sévère.
Car c’est sans doute encore la forme de la critique qui, à propos des personnes originales de notre temps ou des autres siècles, permet le mieux d’exprimer ce qu’on croit avoir, touchant les objets les plus intéressants et même les plus grands, d’idées générales et de sentiments significatifs. […] Et ce qu’il a exprimé, on ne peut s’empêcher de croire qu’il le découvrait en lui-même, en y descendant jusqu’au fond. […] Eugène Veuillot n’avait qualité pour exprimer les sentiments posthumes, si je puis dire, du fondateur de l’Univers, et l’on sait quelle a été, dans ces derniers temps, la conduite de M. […] Nul n’a mieux compris ni exprimé que c’est par l’âme que nous sommes grands et que « c’est de là que nous nous relevons ». […] Veuillot s’exprime modestement sur l’Honnête Femme : Œuvre d’un jeune homme, d’un converti … ce livre appartient pleinement à la classe des fruits verts.
Lorsque Béatrice dit à son amant que son seul souvenir aurait dû régner sur lui sans partage, elle exprime la théorie, l’idée de l’amour platonique, où la beauté de l’âme a plus de part que la beauté du corps. […] Placé sur le devant de la scène, un coryphée récitait ou chantait, en prose ou en vers, l’action que les personnages de bois exprimaient par leurs gestes. […] Sans s’étonner à l’annonce de sa gloire future, Dante exprime à Brunetto la gratitude qu’il lui garde en son cœur pour lui avoir enseigné comment l’homme s’éternise, come l’ uom s’eterna. […] La croyance à l’immortalité dans les œuvres est dominante dans tout le poëme de Dante ; elle y prévaut très manifestement sur le sentiment de l’éternité des peines ou des récompenses célestes ; elle y est plus vivement exprimée et de manière à nous émouvoir davantage. […] « Lire Tacite dans Rome », c’est le vœu viril par lequel s’exprime chez Gœthe la Sehnsucht de l’Italie.
Personne dans le ministère ni dans le parti ministériel ne tenait à ce mot flétri qui excédait le sentiment à exprimer ; et pourtant, une fois admis, on l’a laissé par embarras de le retirer.
Il nous paraît avoir mieux saisi notre littérature vivante et en avoir exprimé quelques traits avec bonheur.
Mais il nous faut maintenant revenir au point de départ, à la première époque de la littérature française, et embrasser d’un regard les principaux caractères du monde qui s’y exprime et s’y réjouit.
Entre le don littéraire, le don de sentir et d’exprimer le beau, et notre vie morale, un lien existe, assez facile à percevoir.
Cela se sent et ne s’exprime guère, non plus qu’on expliquerait aisément en quoi M.
Il trouve, dans sa profondeur, de la variété… Ces poésies qui expriment des états d’âme effroyablement exceptionnels, ne sont pas le collier vulgairement enfilé de la plupart des recueils de poésies, et elles forment dans l’enchaînement de leurs tableaux comme une construction réfléchie et presque grandiose.
Quiconque ferait ce travail pour la Chanson de Roland ou pour le Cid en calculerait, si je puis m’exprimer ainsi, l’intensité de rayonnement.
S’exprimer ainsi, n’est-ce pas rétracter d’une maniere authentique ce qu’on a pu avancer de téméraire, de peu exact, & de trop licencieux ?
Vous m’écrasez, il est vrai, et vous me le dites trop, de la hauteur des milliers de pieds cubes de l’atmosphère intellectuelle, dans laquelle vous planez, vous gravitez, vous « tourneboulez » au-dessus de moi, — ainsi que s’exprimait René François, prédicateur du Roy, en son Essay des merveilles de nature… Un conseil, M.
L’auteur exprime et développe dans un de ces chapitres, sur la décadence actuelle de l’architecture et sur la mort, selon lui, aujourd’hui presque inévitable de cet art-roi, une opinion malheureusement bien enracinée chez lui et bien réfléchie.
Les acteurs dont je parle sont émus veritablement, et cela leur donne le droit de nous émouvoir, quoiqu’ils ne soïent point capables d’exprimer les passions avec la noblesse ni avec la justesse convenable.
Dans ce Dîner de Madelon, sa petite comédie la plus charmante (1813), il se rencontre de jolis couplets qui expriment la Philosophie du sexaginaire : A soixante ans on ne doit pas remettre L’instant heureux qui promet un plaisir. […] La muse inoffensive, insouciante, du Vaudeville et du Caveau, ne répond plus assez à la disposition publique et ne saurait l’exprimer pleinement. […] Il y avait jusque dans sa manière de serrer la main quelque chose de mœlleux et de naturellement caressant qui exprimait l’affection.
Pour exprimer toute notre pensée, ces vers de Farcy nous semblent une haute preuve de talent, comme étant le produit d’une puissante et riche faculté très-fatiguée, et en quelque sorte épuisée avant la production : on y trouve peu d’éclat et de fraîcheur ; son harmonie ne s’exhale pas, son style ne rayonne pas ; mais le sentiment qui l’inspire est profond, continu, élevé ; la faculté philosophique s’y manifeste avec largeur et mouvement. […] Mais, soit qu’il s’exprimât trop obscurément, soit que la préoccupation de cette femme distinguée fût ailleurs, elle ne crut jamais recevoir dans Farcy un amant malheureux. […] Ce mot est dur pour la monarchie de Juillet ; je ne l’aurais pas écrit plus tard ; et pourtant il exprime un sentiment que bien des hommes de ma génération partagèrent.
Je cherchais à lui faire comprendre cette vérité, difficile à admettre pour un poète penseur comme lui : c’est que le rôle de poète penseur était un rôle ingrat, que la poésie était faite pour exprimer des sentiments et non des idées, et que, le cœur étant le foyer de toute chaleur dans l’homme, de même que l’esprit était le foyer de toute lumière, le poète de sentiment incendiait le monde, tandis que le poète penseur ne pouvait que l’illuminer et l’éblouir. […] Les jeunes femmes et les jeunes filles, assises en silence autour du groupe de chênes voisins, ne goûtaient pas ces froides dissertations ; elles exprimaient, par des gestes d’impatience et par des chuchotements dont je comprenais le sens, le vif désir d’entendre, de la bouche de ce jeune et pâle poète, quelques-uns de ces vers qu’elles ne connaissaient encore que par mon admiration : « Vous voyez ? […] Mais, malgré cela, nous n’aimons pas la poésie politique : c’est aux grands philosophes et aux grands orateurs d’exprimer ces vérités dans leurs livres ou dans leurs harangues ; la poésie n’y doit pas toucher, ou elle ne doit y toucher que bien rarement.
Il semble qu’ils se soient plus étudiés à trouver les sentiments des autres qu’à exprimer les leurs. […] Cet amour il l’a épanché en une suite de petites pièces où sont décrits tous les spectacles de la mer, où est exprimé tout ce qu’il y a de poésie ingénue dans les cœurs vaillants qui ont fait amitié avec elle. […] Si je ne craignais d’être doublement dans l’illusion, comme contemporain et comme ami, j’oserais prédire à deux conteurs charmants et populaires, aussi heureux dans le roman qu’au théâtre, que leurs œuvres auront des lecteurs en France, tant qu’on y goûtera les délicatesses du sentiment et de la pensée exprimées dans la langue des bons écrivains.
Scientifique, il l’a été encore et enfin par sa volonté de tout dire, par son intrépide emploi soit des vocabulaires techniques soit des nudités et des crudités de style, par la précision et l’ampleur de ses descriptions, par l’effacement de toute distinction entre la langue qui se parle et celle qui s’écrit, par le soin scrupuleux de laisser à chacun sa façon propre de s’exprimer. […] Elle est alors, comme on dit, mystique, spiritualiste, idéaliste, mots qui expriment des degrés divers d’une même tendance. […] Le style est coloré, pittoresque ; il parle aux yeux ; il sait décrire la nature, exprimer avec vigueur les sensations.
25 » Et c’est parce qu’il applique à l’observation de l’homme l’œil de la conscience, que Maine de Biran, sans renouveler l’hypothèse scolastique des forces occultes, parle constamment, dans ses belles analyses, de force, de cause, d’effort, de tendance, tous mots vides de sens dans la langue de la physique, mais dont sa psychologie peut d’autant moins se passer qu’ils sont les seuls qui puissent exprimer le principe même de sa philosophie de l’esprit humain. […] Aucune langue n’a de mot pour exprimer ce je ne sais quoi (effort, tendance) qui reste absolument caché, mais que tous les esprits conçoivent comme ajouté à la représentation phénoménale27. » La force qui tend au mouvement, voilà, en effet, ce que ni la physique, ni la physiologie, ni même la psychologie expérimentale ne veut et ne peut connaître. Ces sciences, qui ne pratiquent pas d’autre méthode que celle de Bacon, ne cherchent que des lois ; et quand elles emploient les termes de cause et de force, c’est uniquement pour exprimer des abstractions, c’est-à-dire des faits généralisés.
Ainsi s’exprime encore Diderot, dans son Supplément au voyage de Bougainville ; et telle est aussi l’opinion qu’Helvétius a sans doute ramassée dans quelqu’un des « salons » de son temps : « Les vices d’un peuple sont toujours cachés au fond de sa législation : c’est là qu’il faut fouiller pour arracher la racine productrice de ses vices » [Cf. […] Car, nos sentiments c’est nous-mêmes, ou plutôt, chacun de nous n’est soi qu’autant que ses sentiments s’expriment en toute liberté, et c’est cette liberté même qui est la nature : « Nous naissons tous sensibles… Sitôt que nous avons, pour ainsi dire, conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent. […] C’est ainsi qu’après avoir émancipé l’individu de la tyrannie de la communauté, et substitué la sensibilité dans les droits de l’intelligence même, Rousseau achève son œuvre en posant ce principe qu’on exprimera désormais l’homme en fonction de la nature. […] Eugène Asse, ses éditions des Lettres de Mme de Graffigny, Paris, 1879 ; et des Lettres de Mme du Châtelet, Paris, 1882]. — Variété des travaux de Voltaire : — son Alzire, 1736 ; — Le Mondain, 1736 ; — et de la netteté avec laquelle s’y trouve exprimée l’idée de progrès. — La comédie de L’Enfant prodigue, 1736 ; — Voltaire entre en correspondance avec le prince royal de Prusse, depuis Frédéric II ; — l’Essai sur la nature du feu, 1737 [Cf. […] Réflexions et maximes, passim, et Réflexions sur divers sujets, 54]. — Analogie de ces idées avec celles que Rousseau va bientôt exprimer ; — et d’où provient-elle ?
Aussi la gaieté lubrique s’exprime-t-elle le plus souvent plutôt par le sourire, c’est-à-dire par le rire contraint, que par le rire aux éclats. […] L’auteur n’est pas tout bonnement gai, ou du moins il l’est à la manière celtique plus qu’à la française, et sa gaieté, telle qu’il l’exprime, a bien l’air forcé et tiré. […] Bérénice laisse s’exprimer toute sa douleur. […] Tout cela, elle l’exprime avec force et, s’agissant des Idées de Madame Aubray, c’est très à propos.. […] Elle a une idée, elle l’exprime à moitié, elle la lâche, et puis elle la raccroche trois pages plus loin, après avoir parlé d’autre chose et tout en parlant d’autre chose.
Praxitèle ne le détruit pas, mais, en atténuant les membres pour leur faire exprimer la grâce, il en rend la notion plus sensible, trop saisissable même. […] Il fait observer que la douleur physique et la douleur morale ne s’expriment pas en périodes harmonieuses ni en vers mesurés. […] Pourquoi les personnages, surtout s’ils sont bourgeois, ne s’exprimeraient-ils pas en prose ? […] Diderot exprima plus d’une fois la même idée, bien que dans la pratique il ait enchéri sur les abstractions classiques en ne donnant aux êtres qu’il créait qu’un nom générique, celui de leur condition ou de leur fonction. […] Deux interprétations se sont partagé la critique, dont aucune n’a exprimé la vraie pensée du peintre.
Je n’ai point attendu ces circonstances pour exprimer les sentiments de déférence et de respect que m’a toujours inspirés l’auteur ; mais je profiterai du moment favorable pour parler de lui avec l’étendue qu’il mérite, pour caractériser quelques-uns de ses travaux, et le présenter au public tel que je l’ai vu constamment et que me le peignent les hommes qui l’ont le plus cultivé et qui l’ont suivi de plus près. […] Se peut-il trouver un sentiment national plus fièrement exprimé que cette supériorité de race que le médecin de Cos attribue à ses compatriotes ? Plus on pénètre le sens des écrits d’Hippocrate, et plus l’on s’identifie avec le fond et la forme de ses pensées, plus aussi on comprend l’affinité qu’il a avec les grands esprits ses contemporains, et plus l’on est persuadé qu’il porte comme eux la vive empreinte du génie grec. » Et plus loin, je détache, avec le regret de l’abréger, une belle et bien bonne page encore : « Celse a vanté la probité scientifique d’Hippocrate dans une phrase brillante qui est gravée dans tous les souvenirs : (« Hippocrate, a-t-il dit, a témoigné qu’il s’était trompé dans un cas de fracture du crâne, et il a fait cet aveu avec la candeur propre aux grands hommes, aux riches qui ont pleine conscience du grand fonds qu’ils portent en eux »)… C’est le même sentiment de probité qui lui inspire la plus vive répugnance pour tout ce qui sent le charlatanisme… La haine qu’Hippocrate ressentait et exprimait à l’égard des charlatans est très comparable à la haine qui animait Socrate, son contemporain, contre les sophistes. […] Venant à définir le style si caractéristique du père auguste de la médecine, cette langue ionienne, chez lui si ferme et si sévère, bien qu’élégante toujours, ce style aphoristique en particulier auquel Hippocrate a donné vogue et qu’il semble avoir communiqué depuis à des moralistes eux-mêmes pour graver leurs pensées, il y reconnaît la marque primitive du maître, qui est demeurée sans égale, bien des choses qui, répétées depuis, n’ont plus été exprimées avec le même sens et la même grandeur.
Moïse, après tout, n’exprimait dans sa généralité que « cette mélancolie de la toute-puissance, comme l’a très bien définie M. […] Aussi ai-je mon avis, et je l’exprime au naturel. […] La Bouteille à la mer exprime sous une forme saisissante cette disposition stoïque et funèbre. […] La Sauvage, qui exprime le contraste de la vie errante primitive avec la colonisation la plus civilisée, est mieux conçue et contrastée : c’est l’éloge de la famille anglaise, du confort anglais, de la religion biblique anglicane.
Cette admirable terminaison du chant second, qui exprime la vie des antiques Sabins, leur labeur opiniâtre durant l’année, leurs jeux aux jours de fête, jeux rudes encore et aguerrissants : Corporaque agresti nudant prœdura palaestra ; telle est la franche nature romaine primitive dans tout son contraste avec les loisirs et les passe-temps gracieux des chevriers de Sicile. […] La pièce qui porte cette adresse, très-belle, mais assez amère, et où il exprime ses plaintes encore plus que ses espérances, semble prouver qu’il n’avait guère prospéré dans l’intervalle, et que la confraternité d’études avec Ptolémée Philadelphe ne lui avait pas beaucoup profité. […] Salut, consternante Hécate, et jusqu’au bout sois-nous présente, faisant que ces poisons ne le cèdent en rien à ceux ni de Circé, ni de Médée, ni de la blonde Périmède. » C’est aussitôt après cette invocation que le sacrifice proprement dit commence : Simétha continue de chanter, et ce chant énergique, exhalé d’une voix lente et basse, presque avec tranquillité, est d’un grand effet ; chaque couplet qui exprime quelque moment de l’opération se marque d’un même refrain mystérieux. […] Nous sommes en plein dans l’amour antique, dans celui de Phèdre, mais d’une Phèdre sans remords, dans celui que Sapho a exprimé en son ode délirante, et qu’aussi le grand poëte Lucrèce a dépeint en effrayants caractères, tout comme il décrit ailleurs la peste et d’autres fléaux.
L’artiste dont les œuvres expriment le plus de ce Sursum corda, de cette réalisation de l’idéal par la parole, les sons, les couleurs, les formes, est le plus véritablement artiste entre tous les artistes. […] Le plus grand artiste en tout genre n’est donc pas celui qui manie avec le plus d’habileté technique la phrase, le son, le pinceau, le marbre, mais celui qui exprime le plus de cette essence divine, le beau, dans ses ouvrages. […] Ainsi ce n’est pas seulement l’homme, ce n’est pas seulement l’inclination de notre propre goût, c’est le genre qui nous fait choisir Léopold Robert pour vous parler aujourd’hui de la littérature peinte dans les œuvres de cet étrange génie, le Raphaël de la pure nature, exprimée, en dehors de toute convention de religion, d’histoire ou d’école, par le pinceau d’un berger du Jura. […] Les instincts de Léopold répugnaient à cette profession d’un honnête et laborieux égoïsme ; il avait trop d’imagination pour aimer le chiffre, qui n’exprime que des quantités et qui résume toute une vie d’homme dans un seul mot : l’épargne.
En français les places étaient prises, en piémontais il n’y avait que les places burlesques à prendre ; le burlesque n’a que le patois pour s’exprimer, et le piémontais a de véritables chefs-d’œuvre dans ce dialecte. […] Un jour, en 1770, le duc de Choiseul, qui avait songé un instant à la restauration des Stuarts, fait exprimer au Prétendant le désir de lui parler très confidentiellement à Paris. […] « Ma très chère sœur, je ne puis vous exprimer l’affliction que j’ai soufferte en lisant votre lettre du 9 de ce mois. […] Rien ne peut être plus sage ni plus édifiant que la pétition que vous faites de venir à Rome dans un couvent, avec les circonstances que vous m’indiquez : aussi je n’ai pas perdu un moment de temps pour aller à Rome expressément pour vous servir et régler le tout avec notre très saint père, les bontés duquel envers vous et envers moi je ne saurais vous exprimer.
Mais, je ne peux considérer comme tels, ceux qui prétendent m’aimer comme artiste, et croient devoir me refuser leur sympathie comme homme (IV, 288). » Et, autre part : « Je demande à ceux qui doivent me comprendre, seulement de me voir tel que je suis en réalité et non autrement, et de ne reconnaître dans mes communications artistiques comme essentiel que ce qui leur est révélé de moi suivant ma volonté et mon moyen de m’exprimer. » En prenant l’expression « ennemis de Wagner au sens wagnérien du mot, c’est-à-dire en l’appliquant à ceux qui ne le comprennent ni ne l’aiment comme il voulait l’être, on peut dire que la majorité du parti wagnérien français est ennemie de Wagner. […] Ce sont ceux qui ont pour unique ambition de réaliser le désir exprimé par Wagner ; ce sont ceux qui ont senti « le penchant à l’aimer et le besoin de le comprendre » et qui, pour le satisfaire, ont étudié l’œuvre, comme elle veut l’être, ils n’ont pas voulu faire ce départ de l’artiste et de l’homme qui est aussi insensé que la séparation de l’âme et du corps » ; ils ont voulu connaître à fond cet artiste qu’« inconsciemment au moins et involontairement » ils aimaient comme homme ; ils ont étudié aussi bien ses écrits théoriques que ses œuvres d’art et aussi ce qui pouvait être connu de sa vie. […] Cette conviction a été exprimée par Wagner : dans sa vie entière, dans ses écrits, dans son « Festspielhaus » de Bayreuth. […] Je crois que cette Revue elle-même n’eut point la marche sûre des grands dévouements : elle nous donna de précieuses informations, nous renseigna, avec netteté et conscience, sur tels faits extérieurs que nous désirions connaître ; mais en refeuilletant sa collection, je ne vois pas que rien s’en dégage de définitif : la figure de Wagner n’y apparaît point, qu’éparse et par ébauches rapides ; le sens de ses œuvres n’y est guère saisi ni exprimé qu’à travers les partis-pris et les rhétoriques de systèmes littéraires bien restreints ; les choses même de l’actualité y sont jugées avec des principes flottants, comme sous l’influence de bonnes ou mauvaises digestions, d’humeurs en va et vient, de colères d’un moment et d’étranges balancements psychologiques, Ici aussi, on a voulu garder sa vie.
Bien des gens, il est vrai, en parlent de confiance, et seraient fort embarrassés d’éclaircir les vagues idées que ce mot éveille en eux ; réjouissons-nous toutefois que, même mal ou peu compris, il soit sur toutes les lèvres : on en peut conclure qu’il exprime une tendance sérieuse de toutes les âmes. […] Cette force évolutive, énorme à l’origine de l’espèce, s’affaiblit à mesure que l’adaptation aux milieux, les causes infiniment diverses qui modifient le type primordial d’organisation qu’elle exprime, la contraignent à se diviser en un plus grand nombre de variétés, à se partager entre des courans de plus en plus étroits. […] Supposez que l’association de deux idées s’exprime par une vibration de deux fibres nerveuses qui ait pour effet d’allonger ou de fortifier un peu ces deux fibres ; l’opération sera-t-elle physiologiquement moins efficace, si l’association est arbitraire et fausse ? […] L’âme est, en effet, la cause finale du corps vivant, et l’âme ou principe de la vie se manifeste par une hiérarchie de facultés, nutritive, sensitive, motrice, pensante, dont chacune, impliquant les degrés inférieurs, exprime la complexité et la perfection croissantes de l’organisation.
Comme les deux frères de Hors Nature n’expriment que le conflit de la Vie et du Rêve. […] Il n’a rien de commun avec le fatalisme de Pierre Loti, qui n’exprime que sa propre résignation, individuelle, devant la mort ? […] Mais quand il déclare : « La fidélité des femmes dans le mariage lorsqu’il n’y a pas d’amour, est probablement une chose contre nature » ou « la seule chose que je voie à blâmer dans la pudeur, c’est de conduire à l’habitude de mentir… » il exprime la thèse que développent le plus complaisamment nos femmes de lettres. […] Les bêtes, dans ces dialogues, s’expriment en un langage délicieux et coloré.
Un écrivain de nos jours, qui a parlé de Massillon avec une prédilection peu commune4, a relevé dans cette édition même de 1745, qui est devenue le patron de toutes les autres, des locutions qu’il est difficile de ne pas croire des fautes d’impression, et il a exprimé le désir qu’on refît une comparaison du texte avec les manuscrits. […] Une telle nuance de regret exprimée en chaire par l’orateur sacré me semble indiquer déjà toute une transition vers un autre siècle : les Fénelon et les Massillon furent des premiers en effet à incliner de ce côté et à former des vœux pour une royauté plus populaire et plus familière.
Pour prendre idée du zèle et du sentiment que Froissart apportait à la confection de son œuvre, il faut lire les diverses préfaces et les passages où il s’en exprime avec effusion. […] Claverhouse en convient : il insiste sur son idée en la poussant cruellement à bout ; il l’exprime en des termes énergiques que nul, certes, n’a oubliés, distinguant entre le sang et le sang, entre celui « des braves soldats, des gentilshommes loyaux, des prélats vertueux, et la liqueur rouge, dit-il, qui coule dans les veines de manants grossiers, d’obscurs démagogues, de misérables psalmodieurs… ».
Et en effet, lorsque Buffon âgé de quarante-deux ans publia en 1749 les premiers volumes de son Histoire naturelle, malgré les dix années qu’il avait mises à la préparer, il avait beaucoup à apprendre : il n’était nullement botaniste, il n’était point anatomiste ; il avait contre la méthode et contre toute classification scientifique des préventions qu’il exprime tout d’abord d’un air de bon sens, et qui soulevèrent bien des réclamations fondées. […] Mais dans quel sens précis Buffon a-t-il exprimé ces vues, dont son Histoire naturelle est éclairée en maint endroit ?
Et encore, le vœu du retour dans la patrie est exprimé sans faste, comme on l’aime chez un naufragé : « Si la paix se fait, j’obtiendrai aisément ma radiation, et je m’en retournerai à Paris où je prendrai un logement au Jardin des plantes. […] L’auteur du Génie du christianisme nous a dit vrai, suffisamment vrai dans sa préface, et ce livre a été entrepris en effet et en partie exécuté sous le genre d’inspiration qu’il exprime et qu’il tend à consacrer.
Je ne puis m’empêcher encore d’exprimer une pensée. […] Je fus quelque temps à penser à qui je ferais avoir sa charge… » C’est ainsi que s’exprime un roi.
Il traite brièvement des deux premiers points et réserve tous ses développements pour la troisième vérité qu’il dédie expressément à Henri IV ; et dans cette dédicace il exprime particulièrement sa joie comme Parisien « pour cette tant douce et gracieuse, et en toutes façons tant miraculeuse réduction de cette grande ville du monde à l’obéissance de son vrai et naturel roi, à son devoir et à son repos. » C’était l’heure de la Satyre Ménippée, cette œuvre parisienne aussi et si décisive pour le triomphe de la bonne cause. […] Poirson, discutant le témoignage de Louvet, a également exprimé des doutes (voir Revue des sociétés savantes des département, 1859 ; deuxième série, tome I, page 568.)
Il doit cependant au commerce de son maître et ami, et à son propre sens, bien de bonnes pensées qu’il exprime heureusement : dès le début de son second livre, où il en vient à exposer les instructions et règles générales de sagesse, il remarque combien, telle qu’il l’entend et qu’il la conçoit, elle est chose rare dans le monde, et il le dit avec bien de la vivacité (je suppose que l’expression dans ce qui suit est de lui et non de Montaigne, car je n’ai pas tout vérifié, et l’on a toujours à prendre garde, quand on loue Charron, d’avoir affaire à Montaigne lui-même) : Chacun, dit-il donc, se sent de l’air qu’il haleine et où il vit, suit le train de vivre suivi de tous : comment voulez-vous qu’il s’en avise d’un autre ? […] Il est ici fort loué ; on dit qu’il écrit presque aussi bien que Balzac. » Ce dernier éloge portait à faux ; Chanet n’écrit point pour faire de belles phrases ni en rhétoricien, mais seulement pour exprimer sa pensée.
Le nom d’écrivains proprement dits continue d’appartenir à ceux qui de propos délibéré choisissent un sujet, s’y appliquent avec art, savent exprimer même ce qu’ils n’ont pas vu, ce qu’ils conçoivent seulement ou ce qu’ils étudient, se mettent à la place des autres et en revêtent le rôle, font de leur plume et de leur talent ce qu’ils veulent : heureux s’ils n’en veulent faire que ce qui est le mieux et s’ils ne perdent pas de vue ce beau mot digne des temps de Pope ou d’Horace : « Le chef-d’œuvre de la nature est de bien écrire. » Les autres, les hommes d’action, qui traitent de leurs affaires, ne sont écrivains que d’occasion et par nécessité ; ils écrivent comme ils peuvent et comme cela leur vient ; ils ont leurs bonnes fortunes. […] Notre Henri, d’ailleurs, n’en abusera guère, et s’exprimera en général plus naïvement.
Le roi tenait ce grave discours à ses officiers et gens de justice le 24 ; la veille, il avait écrit ces mots plus lestes à Gabrielle : « Ce sera dimanche (après demain) que je ferai le saut périlleux. » Ce mot a scandalisé à bon droit ; mais il ne faut jamais oublier que Henri IV, nonobstant les sentiments, avait une manière gaie involontaire de prendre et d’exprimer même ce qu’il avait de plus à cœur et de plus sérieux. […] Montluc a parlé quelque part de cette antique qualité de la noblesse de France, à laquelle il suffit d’un petit souris de son maître pour échauffer les plus refroidis : « Et sans crainte de changer prés, vignes et moulins en chevaux et armes, on va mourir au lit que nous appelons le lit d’honneur. » Henri exprime ce même feu de dévouement en deux mots et en le peignant aux yeux.
Fénelon lui-même, Fénelon vieillissant, en sait autant que La Rochefoucauld et ne s’exprime pas autrement : Vous avez raison de dire et de croire, écrivait-il à un ami un an avant sa mort, que je demande peu de presque tous les hommes ; je tâche de leur rendre beaucoup et de n’en attendre rien. […] [NdA] Je ne discute point la question de savoir si ces Réflexions diverses sont certainement de La Rochefoucauld ; il me suffit qu’elles lui soient attribuées, qu’elles soient dignes de lui, et qu’elles expriment le meilleur goût et tout l’esprit de son monde.
Il a exprimé son sentiment d’indifférence philosophique autant qu’orthodoxe pour toutes ces divisions et variations des sectes : L’un se dit zwinglien, l’autre luthérien, Et fait de l’habile homme au sens de l’Écriture. […] Il a exprimé cela admirablement dans une épître à son ami Jean Galland, principal du collège de Boncourt ; il lui dit : Comme on voit en septembre aux tonneaux angevins Bouillir en écumant la jeunesse des vins, Qui, chaude en son berceau, à toute force gronde Et voudroit tout d’un coup sortir hors de sa bonde, Ardente, impatiente, et n’a point de repos De s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots, Tant que le froid hiver lui ait dompté sa force6, Rembarrant sa puissance aux berceaux d’une écorce : Ainsi la poésie, en la jeune saison, Bouillonne dans nos cœurs… Mais quand vient l’âge de trente-cinq ou quarante ans (c’est la limite qu’il assigne), le sang se refroidit ; adieu la muse et les belles chansons : Nos lauriers sont séchés, et le train de nos vers Se présente à nos yeux boileux et de travers : Toujours quelque malheur en marchant les retards, Et comme par dépit la muse les regarde.
Je voudrais qu’il eût tout à fait supprimé les autres petites notes de critique littéraire dans lesquelles il se contente d’approuver son auteur et de dire : « Pensée noble et noblement exprimée… Distinction fine et vraie… Jolie expression, etc… » Il n’y a pas de raison pour ne pas mettre cela presque à chaque paragraphe. […] On conjecture que, né dans un village près de Dourdan, il fut élevé à la campagne ; car il garda toujours de la nature une impression vive qu’il a exprimée avec bonheur, et il porte à l’homme des champs, pour l’avoir vu de près à la peine, un sentiment de compassion et d’humanité qu’il a rendu d’une manière poignante.
Aujourd’hui je voudrais non pas du tout répondre à deux articles qui ont paru, il y a une quinzaine, dans les Débats, mais en parler et exprimer à cette occasion quelques idées qu’ils m’ont suggérées à mon tour. […] Nisard tout ce qui était à dire : c’est moins sur le fond que j’ai à revenir que sur une des idées et des vues exprimées par M.
Il sent vivre et s’éveiller en lui des pensées poétiques et philosophiques ; il les a bues avec l’air qui l’entoure, mais il s’imagine qu’elles lui appartiennent, et il les exprime comme siennes. […] Dans une lettre adressée à Mme Récamier le 9 mai 1827 et publiée quelques jours après dans le Globe par suite d’une indiscrétion non regrettable, le jeune voyageur s’exprimait en ces termes, qui sont à rapprocher de ceux dans lesquels Eckermann va nous parler des mêmes entretiens : « Gœthe, écrivait M.
On comprend bien que c’est moins encore pour donner une idée exacte du livre que je me suis appliqué à cette longue analyse, que pour constater au fur et à mesure la suite de mes impressions et me donner à moi-même, en les recueillant, le droit d’exprimer mon jugement sans mollir, en toute fermeté et sécurité. […] La suite des chapitres auxquels il s’est successivement appliqué exprime et accuse le procédé d’exécution.
Le système auquel M. de Girardin a donné une netteté ingénieuse d’expression et une précision voisine de l’algèbre, et qu’il porte sur quelques points tels que le mariage 68 au-delà de ce qu’on avait exprimé encore, n’est pas nouveau d’ailleurs dans son principe ni dans la plupart de ses développements ; et lui-même reconnaît des pères et des maîtres dans les publicistes de l’école économiste ou économique, promoteurs d’un gouvernement réduit et à bon marché, Dupont de Nemours, Daunou, Tracy… et surtout Turgot. […] Le talent, c’est-à-dire les idées exprimées d’une façon incisive et tranchante, le mordant, la verve, la précision, la propriété des termes dont il joue, qu’il entre-choque à plaisir et qu’il oppose, sont chez M. de Girardin publiciste des qualités incontestables.
Il a souvent exprimé l’âme et le génie de tels paysages naturels avec des couleurs et une saveur d’une âpreté vivifiante. […] Après avoir montré avec beaucoup d’art et de finesse en quoi le langage employé dans la Princesse de Clèves est parfaitement délicat et comment il ressemble fort peu à ce qui, chez des poëtes ou des romanciers spirituels de nos jours, a été salué de la même louange ; après avoir reconnu l’accord et l’harmonie des sentiments et des émotions avec la manière de les exprimer, et avoir donné plus d’un exemple des scrupules et des exquises générosités de l’héroïne jusque dans la passion, M.
Le portrait ne sera ni flatté ni noirci : je tâcherai seulement qu’il soit fidèle, et qu’il exprime la parfaite idée de l’esprit critique en ces matières, tel que je le conçois. […] Soigneux d’échapper aux apparences trompeuses, il sait que le talent de la parole crée plus de choses encore qu’il n’en exprime.
Les formes varient sans doute suivant les caractères, et la même bienveillance peut s’exprimer avec douceur ou avec brusquerie ; mais pour discuter philosophiquement l’importance de la politesse, c’est dans son acception la plus étendue qu’il faut considérer le sens général de ce mot, sans vouloir s’arrêter à toutes les diversités que peut faire naître chaque caractère. […] Un autre genre d’impolitesse peut caractériser encore les hommes en pouvoir : ce n’est pas la grossièreté, c’est, si je puis m’exprimer ainsi, la fatuité politique, l’importance qu’on met à sa place, l’effet que cette place produit sur soi-même, et qu’on veut faire partager aux autres ; on a dû nécessairement en voir beaucoup d’exemples depuis la révolution.
Le lecteur y trouve l’expression parfaite de ses vagues tendances, et de l’esprit général du siècle : mais Boileau y a mis quelque chose de plus, une doctrine originale et personnelle, qui, dans la vaste unité du siècle, sépare un certain groupe d’esprits, exprime l’idéal d’une école littéraire. […] La doctrine de Boileau fut amputée précisément de ce qu’elle avait de plus éminent et caractéristique, de ce double caractère naturaliste et esthétique, où s’exprimait, avec le génie même de l’auteur, la spéciale beauté du grand art classique.
La valeur littéraire des œuvres d’érudition se mesure à deux caractères : la quantité de pensée philosophique impliquée ou suggérée ; l’intensité de vie concrète exprimée ou dégagée. […] Mais, de plus, la précision extrême de son étude exprime toute la réalité : il sait obtenir les plus grands effets par les plus simples moyens, et quelques types compréhensifs, quelques faits caractéristiques — très peu nombreux, mais très soigneusement choisis — nous rendent la Grèce présente, en sa vivante originalité, ou Rome, ou la France des Mérovingiens.
De ce nombre est la vérité, pour la première fois trouvée et exprimée par Buffon, de l’unité de l’homme, première marque de sa supériorité sur les animaux, après la pensée. […] Les défauts, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas le style, ces traits saillants qu’on veut mettre partout, ces mots « qui nous éblouissent un moment pour nous laisser ensuite dans les ténèbres, ces pensées fines, déliées, sans consistance, qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité » ; la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes d’une manière singulière ou pompeuse ; les phrases arrangées, les mots détournés de leurs acceptions, les traits irréguliers, les figures discordantes ; — d’où tout cela vient-il, sinon de ce qu’on écrit hors de soi, à côté de soi, et qu’il y a un auteur au lieu d’un homme ?
« Je ne sais s’ils disoient ainsi à part, ajoute Commynes, je me doute que non ; et à la vérité je crois qu’il les y eût laissés et qu’il ne fût pas revenu. » Commynes exprime ainsi sa conjecture, et il ne s’en indigne pas. […] Nul historien n’exprime aussi vivement que lui le sentiment profond de la misère des grands et des rois, des puissants et des heureux de la terre.
J’ai causé d’ailleurs avec quelques-uns de ces hommes distingués qui s’honorent du simple titre de lecteurs, et, à mon tour, je me permettrai de discourir un peu sur ce sujet, en soumettant mes idées aux leurs et en me hâtant de reconnaître que je leur emprunte beaucoup à eux-mêmes dans ce que je vais exprimer. […] Je continue de donner les simples notes qui suggèrent, chemin faisant, plus d’une réflexion littéraire : Fables de La Fontaine. — Elles amusent ; mais la morale qu’elles expriment déroute parfois les ouvriers ; ils cherchent où est la leçon.
Il ressort pourtant de ces notes du Journal d’éducation que M. de Montpensier avait plus de distinction naturelle, quelque chose de plus fin, et qu’il trouvait que son frère aîné prenait un peu trop rondement les choses ; il le lui exprima même plus d’une fois avec la familiarité d’un camarade et d’un frère. […] Je n’ai le droit d’exprimer aucun jugement personnel sur un prince que la versatilité française est en train d’exalter et d’amplifier pour le moment, après l’avoir précipité ; seulement je sais qu’un jour, pendant cinq courtes minutes, trois académiciens étaient admis en sa présence, et qu’il trouva moyen de leur dire la date de la fondation de l’Académie de la Crusca, ce qu’aucun des trois ne savait ; et il n’était pas fâché de le dire.
« Nous sommes comme les rivières, qui conservent leur nom, mais dont les eaux changent toujours. » C’est le grand Frédéric qui écrivait cela à d’Alembert, pour lui exprimer le changement qu’opère le temps dans les sentiments et dans les pensées de chaque individu. […] Ce sont là de belles et justes pensées, admirablement exprimées.
Pour exprimer la situation embrouillée de la seconde Fronde, dans laquelle il était impossible aux plus habiles de faire prévaloir un dessein et un plan quelconque de conduite, Patru disait qu’il n’y avait d’autre parti à suivre que de « trousser à l’aveugle », c’est-à-dire de marcher à travers bois et broussailles, sans savoir où. […] Il se consolait de ses disgrâces en se réfugiant dans le sentiment de la droiture et de la vertu : « Et c’est, comme vous savez, écrivait-il à M. de Montausier, le vrai bonheur de la vie : tout le reste n’est qu’illusion, et se passe à s’inquiéter ou de faux honneurs ou de fausses infamies. » Patru avait aisément de ces belles expressions antiques, et qui expriment la probité et l’innocence48.
De telles témérités exprimées si nettement et sans aucun correctif du côté de la religion, si elles étaient venues un peu plus tard, auraient tiré à conséquence ; mais, à l’époque où écrivait Regnard et à cette fin de Louis XIV, elles ne passaient encore que pour les fusées d’un esprit qui s’amuse. […] Ayant à parler en un endroit d’une tempête qu’il essuie sur la Baltique, et où le vaisseau se trouve échoué sur un banc pendant une nuit obscure : Il n’y a point de termes, confesse-t-il ingénument, qui puissent exprimer le trouble d’un homme qui se trouve dans ce misérable état ; pour moi, Monsieur, je ne me ressouviens d’autre chose, sinon que, pendant tout le reste de la nuit, je commençai plus de cinq cents Pater, et n’en pus jamais achever aucun.