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32. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Socrate ne croyait guère à des dieux personnels ; s’il eut eu pareille croyance, sans doute il eût identifié la voix du divin avec celle d’Apollon, qui avait, par l’organe de la Pythie, garanti sa sagesse et encouragé son apostolat207, et, sous l’influence d’une telle conviction, la voix eût sans doute pris une autre allure : Socrate eût eu de véritables révélations, en belle et bonne prose, ou même en vers ; l’oracle se fût nommé ; peut-être même le dieu eût apparu sous une forme visible. Mais Socrate enseignait que les dieux sont invisibles, et l’Olympe de la religion officielle n’était guère pour lui qu’un symbole. […] Suite : les dieux d’Homère ; la prosopopée Socrate ne rattachait ses idées propres sur les rapports des dieux avec les hommes qu’aux idées religieuses de son temps ; néanmoins, il est impossible de ne pas remarquer une certaine analogie entre le rôle qu’il attribuait à son démon et le rôle que prennent dans Homère les divinités protectrices à l’égard des héros : tantôt elles leur révèlent l’avenir ; tantôt et plus souvent, elles les invitent à certaines actions déterminées, ou bien elles les retiennent au moment d’agir, elles leur imposent le calme et la réserve ; enfin, prédiction et conseil ont souvent dans les discours des dieux de l’Olympe le rapport de principe à conséquence : l’avenir dévoilé justifie le conseil présent. […] Telle est la vérité psychologique qu’Homère exprime à sa façon quand il fait intervenir les dieux dans les résolutions des mortels ; mais ce qui, dans les paroles attribuées aux divinités, n’est pas vrai au point de vue psychologique, c’est l’élément dialectique ; Homère est purement poète, il n’est plus à aucun degré psychologue, quand, à la suite d’impératifs catégoriques ou d’inspirations irrationnelles, il attribue encore aux dieux les sages raisonnements qui, pour une pensée calme, motivent et justifient l’impulsion primitivement conçue. […] Socrate croyait à la divination et à la providence des dieux ; c’est un point que M. 

33. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Ce rocher de Tantale, menaçant au-dessus de nos têtes, l’épouvantable calamité de la guerre, un dieu l’a détourné. […] « M’entend-il ce roi, dans sa béatitude et dans son sort égal aux dieux ? […] … « Dieu du sombre Adès, dieu conducteur, renvoie à la lumière Darius ! […] celui-là ne perdit pas les hommes dans le désastre d’une guerre meurtrière ; et il fut nommé par les Perses le confident des dieux ; et il était lui-même bien conseillé par les dieux, puisqu’il conduisait heureusement notre armée. — ô seigneur antique, ô Baal ! […] splendeur de l’empire persan, gloire des guerriers, grandeur qu’a moissonnée le dieu !

34. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Doyen  » pp. 153-155

Le dieu l’effraye de son regard et de son égide. […] On reproche à ses dieux de n’être qu’esquissés ; c’est qu’on n’a pas encore saisi l’esprit de sa composition. Dans son tableau les dieux sont d’une taille commune et les hommes sont gigantesques. […] Dans l’Iliade les hommes sont plus grands que nature ; mais les dieux sont d’une stature immense. […] C’eût été la querelle des dieux et non celle des hommes.

35. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

des dieux. il faut encore combattre ces dieux de l’iliade ; ces dieux que les géants entreprirent autrefois de chasser du ciel, et qui auroient été dépossedez en effet, si les géants eussent alors atteint l’âge d’homme . […] Cependant, dit-il, s’il avoit un second, il combattroit contre ce dieu. Un dieu, selon lui, ne vaut précisément que deux hommes. […] Les chevaux mêmes des dieux ont-ils jamais été mieux traitez ? […] Dieux !

36. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre I. De la sagesse philosophique que l’on a attribuée à Homère » pp. 252-257

Passons-lui donc d’avoir présenté la force comme la mesure de la grandeur des dieux ; laissons Jupiter démontrer, par la force avec laquelle il enlèverait la grande chaîne de la fable, qu’il est le roi des dieux et des hommes ; laissons Diomède, secondé par Minerve, blesser Vénus et Mars ; la chose n’a rien d’invraisemblable dans un pareil système ; laissons Minerve, dans le combat des dieux, dépouiller Vénus et frapper Mars d’un coup de pierre, ce qui peut faire juger si elle était la déesse de la philosophie dans la croyance vulgaire ; passons encore au poète de nous avoir rappelé fidèlement l’usage d’empoisonner les flèches 83, comme le fait le héros de l’Odyssée, qui va exprès à Éphyre pour y trouver des herbes vénéneuses ; l’usage enfin de ne point ensevelir les ennemis tués dans les combats, mais de les laisser pour être la pâture des chiens et des vautours. […] Il n’était point d’un homme sage d’amuser le peuple grossier, de la grossièreté des héros et des dieux. […] Comment appeler autrement que sottise la prétendue sagesse du général en chef Agamemnon, qui a besoin d’être forcé par Achille à restituer Chryséis au prêtre d’Apollon, son père, tandis que le dieu, pour venger Chryséis, ravage l’armée des Grecs par une peste cruelle ? […] La constance d’âme que donne et assure l’étude de la sagesse philosophique pouvait-elle lui permettre de supposer tant de légèreté, tant de mobilité dans les dieux et les héros ; de montrer les uns, sur le moindre motif, passant du plus grand trouble à un calme subit ; les autres, dans l’accès de la plus violente colère, se rappelant un souvenir touchant, et fondant en larmes84 ; d’autres au contraire, navrés de douleur, oubliant tout-à-coup leurs maux, et s’abandonnant à la joie, à la première distraction agréable, comme le sage Ulysse au banquet d’Alcinoüs ; d’autres enfin, d’abord calmes et tranquilles, s’irritant d’une parole dite sans intention de leur déplaire, et s’emportant au point de menacer de la mort celui qui l’a prononcée.

37. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Les idées et les sentiments, qui sont le fondement de la vie sociale, furent personnifiés dans les Dieux. […] Rome n’eut point, à proprement parler, d’autres Dieux que Rome même. […] Mais cette largeur est rare, et la concorde des Dieux dans l’Humanité n’est qu’un beau rêve. […] L’analyse du cœur humain, la peinture des caractères remplacèrent sur la scène l’antique guerre des Dieux. […] Les Dieux sont tranquilles !

38. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

Et, d’autre part, paraissent les personnages des dieux de l’ancienne mythologie, à savoir Apollon et les muses. […] Acanthe dit à Clymène : Laissez-moi mon amour, Madame, au nom des dieux. […] Au milieu de son sommeil, qui est traversé de rêves bizarres et terribles, les dieux finissent par s’apitoyer. […] Les dieux s’ennuient bien ! […] Nécessairement je suis dieu, ou je suis démon, ou bien enchanteur.

39. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Cette poésie fut d’abord divine : ils rapportaient à des dieux la cause de ce qu’ils admiraient. […] Les anciens Germains, dit Tacite, entendaient la nuit le soleil qui passait sous la mer d’occident en orient ; ils affirmaient aussi qu’ils voyaient les dieux. […] Toutes les nations païennes crurent posséder cette langue dans la divination, laquelle fut appelée par les Grecs théologie, c’est-à-dire, science du langage des dieux. Ainsi Jupiter acquit ce regnum fulminis, par lequel il est le roi des hommes et des dieux. […] Considérée sous le dernier de ses principaux aspects, la Science nouvelle nous donnera les principes et les origines de l’histoire universelle, en partant de l’âge appelé par les Égyptiens âge des Dieux, par les Grecs, âge d’or.

40. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Addition au second livre. Explication historique de la Mythologie » pp. 389-392

Apollon est le dieu de la lumière, de la lumière sociale, qui environne les héros nés des mariages solennels, des unions consacrées par les auspices. […] Apollon poursuit Daphné, symbole de l’humanité encore errante, mais c’est pour l’amener à la vie sédentaire et à la civilisation ; elle implore l’aide des dieux (qui président aux auspices et à l’hyménée). […] Les premiers essais de l’agriculture furent exprimés symboliquement par trois nouveaux dieux, savoir : Vulcain, le feu qui avait fécondé la terre ; Saturne, ainsi nommé de sata, semences [ce qui explique pourquoi l’âge de Saturne du Latium, répond à l’âge d’or des Grecs] ; en troisième lieu Cybèle, ou la terre cultivée. […] Les noces se célébraient aquâ, igni et farre ; les noces appelées nuptiæ confarreatæ devinrent particulières aux prêtres, mais dans l’origine il n’y avait eu que des familles de prêtres. — Les combats livrés par les pères de famille aux vagabonds qui envahissaient leurs terres, donnèrent lieu à la création du dieu Mars. […] La transaction qui termine cette révolution, est caractérisée par Mercure, qui, dans l’orgueil du langage aristocratique, porte aux hommes les messages des dieux……

41. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

On le conçoit même : sous la dépravation d’un culte qui plaçait dans les cieux les forfaits et les vices, la foule pouvait être tentée de voir un dieu dans un si méchant homme. […] Ne cherchez pas l’enthousiasme lyrique dans les hymnes dont Auguste est le dieu. […] Vous n’avez pas oublié le poëte de Thèbes préludant pour le roi de Syracuse : « Hymnes qui régnez sur la lyre, quel dieu ou quel héros allons-nous célébrer ?  […] « En te faisant petit devant les dieux, tu commandes aux nations : c’est là le principe de tout ; là tu dois tout ramener. Les dieux, mis en oubli, ont frappé de grands malheurs la déplorable Hespérie.

42. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Ces chanteurs introduits dans l’action de l’Odyssée, ce chantre aveugle qui se fait entendre à la table hospitalière du roi Alcinoüs, leurs hymnes aux dieux, ne s’éloignent en rien, pour l’expression et le rhythme, de tout le reste du récit. […] Salut, mère des dieux, épouse du ciel étoilé ! […] Mais à des maux extrêmes, ô ami, les dieux ont donné pour remède la ferme hardiesse de l’âme. […] » Par là sans doute, et par cette complaisance du peuple artiste de la Grèce pour le génie qui le charmait, Archiloque, malgré la licence de sa vie et de ses vers, eut un nom honoré des hommes et des dieux, selon le langage païen. […] Il avait lu dans Archiloque50 : « Confiez tout aux Dieux.

43. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

« Dieux ! […] Prince, c’est ainsi que les dieux dispensent leurs bienfaits. […] Dieux ! […] Ainsi que l’ordonne le maître des dieux. […] Cette couleur appartient à Siva, dieu de la guerre et de la destruction des êtres.

44. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Il lui était plus aisé de se faire dieu que de susciter un grand poëte ; et, quand il voulut des hymnes pour son apothéose, il n’obtint que les vers emphatiques du sophiste Anaxarque. […] comme les plus grands141 et les plus aimés des Dieux sont les bienvenus dans Athènes ! […] « Salut, fils du puissant dieu Neptune et de la déesse Aphrodite ! Les autres dieux, ou sont trop éloignés, ou n’ont pas d’oreilles : ils n’existent pas ; ou ils ne s’occupent pas de nous. […] Et d’abord, assure-nous la paix, dieu chéri !

45. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Les anciens lyriques furent sans doute les auteurs des hymnes en l’honneur des dieux, analogues à ceux que l’on attribue à Homère, et écrits aussi en vers héroïques. Chez les Latins les premiers poètes furent les auteurs des vers saliens, sorte d’hymnes chantés dans les fêtes des dieux par les prêtres saliens. […] Tout ceci s’accorde avec nos principes : les hommes des premiers siècles qui étaient essentiellement religieux, ne pouvaient louer que les dieux. […] Dans la satire dramatique, on voyait paraître, selon Horace, divers genres de personnages, héros et dieux, rois et artisans, enfin esclaves. […] Il peut être vrai en ce sens que Bacchus, dieu de la vendange, ait commandé à Eschyle de composer des tragédies.

46. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Leur religion attribuait aux dieux une grande puissance sur les remords des coupables. […] Il suffisait aux Grecs d’un oracle des dieux pour tout expliquer. […] C’est dans les chœurs que sont reléguées les réflexions, les incertitudes, les délibérations et les craintes ; les héros agissent toujours par l’ordre des dieux. […] Racine a risqué sur le théâtre français un amour dans le genre grec, un amour qu’il faut attribuer à la vengeance des dieux. […] On représentait les tragédies grecques dans les fêtes consacrées aux dieux ; elles étaient presque toutes fondées sur des dogmes religieux.

47. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Ce sont les enfants des Dieux. […] Au nom des hommes ou au nom des dieux. […] Les hommes croient généralement à des dieux, à un grand nombre de dieux. […] Dès lors le grief contre les dieux s’évanouit. […] Dans une telle cité, qu’elle ait pour habitants des dieux ou des enfants des dieux, la vie est parfaitement heureuse.

48. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre IV. De la morale poétique, et de l’origine des vertus vulgaires qui résultèrent de l’institution de la religion et des mariages » pp. 168-173

Les vertus du premier âge, à la fois religieuses et barbares, furent analogues à celles qu’on a tant louées dans les Scythes, qui enfonçaient un couteau en terre, l’adoraient comme un dieu, et justifiaient leurs meurtres par cette religion sanguinaire. Cette morale des nations superstitieuses et farouches du paganisme produisit chez elles l’usage de sacrifier aux dieux des victimes humaines. […] Telle était la barbarie des nations à l’époque même où les anciens Germains voyaient les dieux sur la terre, où les anciens Scythes, où les Américains, brillaient de ces vertus de l’âge d’or exaltées par tant d’écrivains. […] Cette innocence n’était autre chose qu’une superstition fanatique qui, frappant les premiers hommes de la crainte des dieux que leur imagination avait créés, leur faisait observer quelque devoir malgré leur brutalité et leur orgueil farouche. Plutarque, choqué de cette superstition, met en problème s’il n’eût pas mieux valu ne croire aucune divinité, que de rendre aux dieux ce culte impie.

49. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Ne lui siérait-il pas de s’écrier : Ô dieu du goût ! […] Les héros dans sa narration n’apparaissent que sous l’influence directe des dieux célestes, terrestres, et infernaux. […] Aussi trouvons-nous que les plus habiles n’ont chanté que les sublimes actions des dieux ou des hommes presque divinisés. […] « Muses, racontez-nous ce grand bienfait des Dieux. […] C’est qu’en prenant leurs dieux, il s’est emparé de même de l’un des héros de leurs fables.

50. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

un Olympien, un dieu, un Jupiter, — ce livre va les exalter de plus belle, les faire titiller et danser plus fort la danse de Saint-Guy de leurs admirations. […] Eckermann, c’est le bedeau du dieu Gœthe. […] Il ne lui apportait pas sa casquette bleue quand le dieu, comme un simple mortel, allait promener en voiture sa divinité. […] Il était entré dans l’immobilité des dieux d’Épicure. […] Mais je cherche des jugements qui vont à fond et des idées qui me disent que je suis devant le dieu Gœthe, puisque c’est ainsi qu’on l’appelle.

51. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

Dans ce grand entrepôt du commerce de la Méditerranée et de l’Orient, un peuple si vaniteux16, avide de superstitions nouvelles, imbu du préjugé de son antiquité prodigieuse et des vastes conquêtes de ses rois, ignorant enfin que les autres nations païennes avaient pu, sans rien savoir l’une de l’autre, concevoir des idées uniformes sur les dieux et sur les héros, ce peuple, dis-je, ne put s’empêcher de croire que tous les dieux des navigateurs qui venaient commercer chez lui, étaient d’origine égyptienne. […] Dès que les géants, quittant leur vie vagabonde, se mettent à cultiver les champs, nous voyons commencer l’âge d’or ou âge divin des Grecs, et quelques siècles après celui du Latium, l’âge de Saturne, dans lequel les dieux vivaient sur la terre avec les hommes. […] D’après la division des trois âges que reconnaissaient les Égyptiens, Hermès devait être un dieu, puisque sa vie embrassait tout ce qu’on appelait l’âge des dieux dans cette nomenclature19. […] L’âge héroïque qui suit celui des dieux, est caractérisé par Hercule, Orphée et le second Hermès. […] … Ce sont peut-être de semblables observations qui ont fait conjecturer à Cicéron, dans son livre sur la Nature des Dieux, qu’Orphée n’a jamais existé.

52. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Une seule chose est claire : c’est qu’il se moque des dieux, et qu’il sape le polythéisme par ses conséquences dans la raison de ses disciples. Aussi était-il déjà cité devant les juges pour cause d’impiété envers les dieux d’Athènes. […] Le peuple croyait défendre sa liberté en défendant ses dieux, à la voix d’un de ses tribuns qui l’ameutait contre Socrate. […] Entre la vie et l’éternité, on se sent homme si on regarde Socrate, on se sent dieu quand on l’écoute. […] Il parle deux fois d’Apollon, il fait sa prière aux dieux avant d’avaler la coupe ; il demande si l’on peut faire une libation avec la liqueur mortelle ; il recommande à Criton de sacrifier un coq à Esculape, pour remercier le dieu de la médecine de l’avoir guéri du mal de la vie.

53. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Ce n’est pas de l’amour proprement dit, c’est un culte ; il y a une prêtresse et un dieu. Seulement, Rousseau était un dieu malade, quinteux, atteint de gravelle, et qui avait moins de bons que de mauvais jours : Goethe est un dieu supérieur, calme, serein, égal, bien portant et bienveillant, le Jupiter Olympien qui regarde et sourit. […] Jamais enfance d’un dieu n’a été épiée et recueillie dans ses moindres événements avec plus de curiosité pieuse. […] Mais n’avez-vous pas senti dans ce simple récit de la mère tout l’orgueil de Latone : C’est un fils des dieux ? […] On a dit de Goethe que c’était un dieu olympien, mais ce n’était certes pas un dieu de l’Olympe d’Homère : quand de telles batailles se livrent sous Ilion, Homère y fait descendre tous ses dieux.

54. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Maurice de (1810-1839) »

Par cette fiction hardie, on est transporté tout d’abord dans un univers primitif, au sein d’une jeune nature, encore toute ruisselante de la vie et comme imprégnée du souffle des dieux. […] Il se livre vraiment aux dieux qu’il ne connaît pas et qui sont les dieux de son cœur ; le Dieu qu’il connaît n’est que le dieu de sa raison.

55. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Vraiment il plane et n’effleure que la surface brillante de l’univers, comme un dieu innocent et ignorant de ce qui est au-dessous, ou plutôt comme un être paradoxal et fantasque, un porte-lauriers pour de bon qui se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique et à qui la réalité, même contemporaine n’apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] La fable et la fantaisie ; toute l’irréalité magnifique, la Muse et la Bacchante, les mains unies ; une fête prolongée, travestie et nuptiale, sans l’amertume des lendemains, ni la lie des regrets, ni la cruauté des revers, — ainsi la vie ; l’Olympe et la Comédie italienne fraternisant parmi des plasticités somptueuses et les Dieux souriants, doux au bonheur des hommes, — ainsi la destinée… Ainsi se manifestait à ses yeux la splendeur des formes, une enfance du monde…. […] Néanmoins l’humanité retiendra le nom du divin poète qui chanta dans un jardin de joie, Erynna, le Festin des Dieux et l’Âme de Coelio, et qui écrivit aussi le Forgeron. […] Le printanier soleil, dieu d’argent des beaux rythmes Père des anémones, des jacinthes et des lis, Inspirateur des odes et donneur des cadences. […] Et toi, contemplateur des éphèbes, des naïades Banville, fils d’Éros, fils des dieux, fils de Diane, Comme un pasteur paisible qui rit à son troupeau.

56. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Longtemps avant cette époque, les Romains eurent la coutume de louer leurs grands hommes ; ils adoraient leurs dieux sous des toits de chaume ; ils célébraient les héros dans une langue de laboureurs et de soldats. […] L’orateur, en louant ce grand homme, nous dit Cicéron, « remercia les dieux de ce qu’ils avaient fait naître Scipion dans Rome, plutôt que partout ailleurs, parce qu’il fallait que l’empire du monde fût où était Scipion ». […] Trois siècles après, un empereur10 plaça son image dans un temple domestique, et l’honora à côté des dieux. […] Il semble que ce même dieu qui a donné Rome aux nations, vous eût donnés à Rome. La mort pour vous n’a rien de honteux : pour qui fuit, la mort est un opprobre ; pour qui est vainqueur, elle est le sceau de la gloire, car ce sont toujours les plus braves que le dieu des combats choisit pour victimes.

57. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Tandis que, des fils de l’empereur, l’un, Chéréas, toujours indécis, essaye d’oublier, en faisant des vers, la chute qui menace Chrysopolis, et l’autre Théodore, insouciant et léger, oublie les malheurs de la patrie en courant au cirque et en fréquentant chez les courtisanes, Hérakléa, fière et pure, prie les Dieux, honore les vertus anciennes et pousse à la lutte acharnée. […] Priscus, prince du Sénat, l’invite à se rendre ; Xéniclès, préfet des légions, lui annonce que l’armée refuse de sortir ; Chrysès, le grand-prêtre, vient proclamer que les Dieux ordonnent d’ouvrir aux Barbares : Hérakléa renie les Dieux, qui conseillent la lâcheté, et l’empereur, après un moment de défaillance, repousse ceux qui veulent la reddition. […] Villeroy languit-elle à certains moments ; la gradation des sentiments n’est pas toujours assez marquée ; mais il est des scènes bien animées et vraiment dramatiques : celle, par exemple, qui termine le second acte, où Hérakléa cesse de croire aux Dieux, et, bravant le grand-prêtre Chrysès, décide l’empereur à agir contre la volonté de tous.

58. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

Douze signes célestes, disposés par la main des Dieux, ornent son contour, & la divisent en autant d’espaces égaux ». […] Mais le pere des Dieux protégea sa victime au milieu des flammes, & la transportant dans les cieux, il parsema son front & sa toison d’astres éclatans ». « Près de lui les Dieux ont placé ce Taureau également fameux, qui mérita d’être transporté parmi les astres, pour avoir porté sur les eaux une Vierge plus chérie de Jupiter, & favorisée d’un sort plus heureux. […] « Mais combien d’autres encore insérés par les Dieux au nombre des astres, occupent au loin l’espace des cieux ! […] L’invention en eût été plus riche, la diction plus naturelle, & l’intérêt plus sensible ; l’Auteur auroit employé des expressions plus correctes, & évité les tournures Gasconnes ; ses images auroient été mieux choisies, ses comparaisons plus justes & moins ridicules ; il n’eût point appelé le Soleil le Duc des Chandelles les Vents les Postillons d’Eole, le Tonnerre le Tambour des Dieux ; le total de l’Ouvrage eût été dans le goût de ces vers du quatrieme Chant, qu’on peut citer avec estime, dès qu’il ne s’agit pas de l’Astronomie : Il se trouve entre nous des esprits frénétiques Qui se perdent toujours dans des sentiers obliques, Qui, sans cesse créant des systêmes nouveaux, Prouvent que la raison gît loin de leurs cerveaux.

59. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Je suis le dieu sans nom aux visages divers, Mon âme il illimitée est le palais des êtres ; Je suis le grand aïeul qui n’a pas eu d’ancêtres, Dans mon rêve éternel flottent sans fin les deux ; Je vois naître en mon sein et mourir tous les dieux. […] Ne pas être beau, ne pas avoir de génie, ne pas être tout-puissant, ne pas être dieu… rien ne serait plus triste que cette mesquine et misérable condition si elle devait durer toujours ! […] Et cette exhortation à l’homme : Que les pouvoirs obscurs d’un monde élémentaire Connaissent grâce à toi le rythme harmonieux ; Et si, tous les dieux morts, tu restes solitaire, Garde au moins les vertus que tu prêtas aux dieux !

60. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

Le dieu ! Voilà le dieu ! Elle dit, etc. » Énée adresse sa prière à Apollon ; la Sibylle lutte encore ; enfin le dieu la dompte, les cent portes de l’antre s’ouvrent en mugissant, et ces paroles se répandent dans les airs : Ferunt responsa per auras  : O tandem magnis pelagi defuncte periclis ! […] La Sibylle touche, saisit l’Esprit, elle en est surprise : Le dieu ! voilà le dieu !

61. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il lui sembla que l’homme, presque toujours, avait aggravé l’horreur de son destin par les explications qu’il en avait données, par les religions qui avaient hanté son esprit malade, prêtant à ses dieux les passions dont il était agité. […] oui, les dieux passeront, mais après ? […] Ils se lèvent, gravissent la divine montagne où siège Baghavat et, sortant de l’Illusion qui enveloppe le dieu, entrent en lui et s’unissent à l’Essence première. […] La Légende des Nornes déploie leur théogonie bizarre et grandiose : la naissance d’Ymer et des géants, qui sont les puissances mauvaises ; la naissance des dieux bienfaisants, des Ases, qui domptent Ymer et de son corps forment l’univers ; le rouge déluge que fait son sang ; l’apparition du premier couple humain ; Loki, le dernier-né d’Ymer, et le Serpent, et le Loup Fenris et tous les dieux du Mal vaincus par les Ases bienheureux ; la venue du jeune dieu Balder ; puis la suprême révolte de Loki, du Serpent, de Fenris et des Nains, et la fin misérable du monde  La pensée de l’au-delà hantait ces hommes du Nord dans l’intervalle des tueries : ils étaient tout prêts pour le christianisme et devaient le prendre terriblement au sérieux. […] Seuls, les prêtres et les bardes, soit orgueil sacerdotal, soit qu’ils subissent la fascination de leurs propres théogonies ou que leurs dieux désertés leur deviennent plus chers, résistent au dieu nouveau.

62. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Ce dieu, dis-je, touché de l’humaine misère, créa la médecine par l’entremise de son fils Esculape, comme vous savez. […] Il nous a indiqué que les maux nous viennent des dieux qui sont jaloux de l’homme, et puis, ailleurs, il nous assure que les maux viennent de nous, de notre imprudence, de notre sottise. […] Il y a les amours de Vénus et d’Adonis, et la mort d’Adonis, et les pleurs que verse Vénus sur ce pauvre jeune homme sitôt sacrifié à la colère des dieux. […] Nous sommes en Grèce, dans la Grèce européenne, et le culte de ce dieu, bizarre encore, et qui le sera toujours du reste, le culte de ce dieu oriental qui s’appelle Dionysos, qui s’appelle Bacchus aussi, le culte de ce dieu vient d’être introduit dans la Grèce, et les filles de Minée, qui sont pour la vieille religion ancestrale, se refusent au culte de ce dieu étrange ; elles restent chez elles pendant les fêtes consacrées à Bacchus, pendant les premières dionysiaques et pour user le temps, tout en filant ou dévidant, elles proposent de se conter des histoires, et, comme ce sont des jeunes filles, elles se content des histoires d’amour. […] il n’en est point de telle en la nature ; Sur le point de jouir, tout s’enfuit de nos mains : Les dieux se font un jeu de l’espoir des humains.

63. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Il en était de même des autres dieux : ils rapportaient toutes les fleurs à Flore, tous les fruits à Pomone. […] D’abord dans l’Iliade : Les dieux, dit-il, appellent ce géant Briarée, les hommes Égéon  ; plus loin, en parlant d’un oiseau, son nom est Chalcis chez les dieux, Cymindis chez les hommes  ; et au sujet du fleuve de Troie, les dieux l’appellent Xanthe, et les hommes Scamandre . Dans l’Odyssée, il y a deux passages analogues : ce que les hommes appellent Charybde et Scylla, les dieux l’appellent les Rochers errants  ; l’herbe qui doit prémunir Ulysse contre les enchantements de Circé est inconnue aux hommes, les dieux l’appellent moly . […] Les Grecs comptaient aussi trente mille dieux, et divinisaient les pierres, les fontaines, les ruisseaux, les plantes, les rochers, de même que les sauvages de l’Amérique déifient tout ce qui s’élève au-dessus de leur faible capacité. […] Ceux qui imagineront les dieux étaient des hommes, et croyaient leur nature héroïque mêlée de la divine et de l’humaine.

64. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Nul des habitants de la terre n’a encore reçu des dieux un gage assuré de l’événement futur ; mais, sur l’avenir, les âmes ont été frappées d’aveuglement. […] Le corps, chez tous, suit la loi de la mort irrésistible ; mais il reste de nous une image vivante du principe éternel : car seule, elle vient des dieux. […] Certes, ce grand bienheureux ainsi nommé par le poëte, n’est pas le Jupiter corrupteur et profane, le dieu de la fable et du vice : c’est plutôt la pure et suprême intelligence que, deux siècles après, concevait Aristote, accusé d’athéisme dans son temps, mais loué par Bossuet pour avoir parlé divinement de l’âme. […] Il n’a pas seulement, comme le dit Horace, chanté les dieux et les rois issus des dieux : il a aimé cette forme de puissance ; il l’a louée, en la voulant soumise aux lois. […] Tel est le langage magnifique de l’ode à Théron, roi d’Agrigente, vainqueur à la course des chars : « Hymnes qui régnez sur la lyre, quel dieu, quel héros ou quel homme allons-nous célébrer ?

65. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Enfin il doit être un homme pieux et rempli de la présence des dieux et du culte de la Providence, car il parle du ciel autant que de la terre. […] Les dieux lui destinaient à son insu moins de bonheur et une autre gloire : le monde à enseigner, et la gloire immortelle pour héritage. […] Toutes les aventures de l’Odyssée sont ses propres aventures transfigurées dans la langue des dieux. […] Les bergers, les pêcheurs et les matelots de la côte accoururent pour lui demander des oracles, comme à une voix des dieux sur la terre. […] Son âme avait passé tout entière dans leur mémoire avec ses chants ; en la rendant aux dieux il ne l’enlevait pas à la terre : elle était devenue l’âme de toute la Grèce ; elle allait devenir bientôt celle de toute l’antiquité.

66. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

. — Les Dieux et les Demi-dieux de la peinture, avec A.  […] Phidias lui-même (qui savait bien les secrets de son art) ne serait pas arrivé à tailler une tête d’académicien à perruque verte, car il y a parfois un obstacle impérieux dans la nature des choses, et pour faire un marchand de parapluies ou un employé du Mont-de-Piété, vous n’auriez pas l’idée de prendre l’immortel Indra sur son char traîné par les coursiers d’azur, ni le Zeus-Clarios de Tégée, à la fois dieu de l’éther et de la lumière. […] Homère, Il errait, poursuivant, fidèle à tous ses dieux, Sa beauté, — strophe ardente ou marbre radieux, —  Où coulât le sang pur de la Gaule, sa mère ! […] les dieux (si les dieux y peuvent quelque chose) Devraient ravir ce corps dans une apothéose, D’incorruptible éther l’embaumer pour toujours ; Et l’âme, l’envoyer dans la Nature entière Savourer librement, éparse en la matière, L’ivresse des couleurs et la paix des contours ! […] Comme un dieu plein d’ennui qui déserte l’autel, Rentre et disperse-toi dans l’immense matière.

67. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

On sçait quelle étoit là-dessus la délicatesse des Athéniens ; quel mauvais traitement ils firent à Euripide, lorsqu’il lui arriva de parler indécemment des dieux. […] On a pris pour autant de dieux les perfections de l’être suprême, représentées sous des noms divers & sous les différens attributs ; & on a rendu également un culte aux signes & à la chose signifiée. […] Un poëte chrétien doit se passer, disent-ils, de cette multitude de dieux, de déesses & de cérémonies. […] Il protesta qu’il ne parleroit jamais d’aucune divinité payenne* : Bannissons de nos vers tout ornement profane, Tous ces dieux supposés que notre dieu condamne. […] Je doute qu’un poëte épique réussît aujourd’hui s’il en usoit autrement, s’il introduisoit, dans un long ouvrage, les dieux & les déesses, & toutes les idées mythologiques, quelque sage que fût d’ailleurs l’ordonnance du poëme.

68. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Cependant, à Delphes, ses adorateurs, désespérés de ce retard, célébraient des solennités et des danses autour du trépied sacré, pour appeler la présence propice du dieu. […] Ailleurs, Alcée innovait encore dans l’histoire d’un autre dieu, de l’Amour, ce premier-né du Chaos, selon la tradition d’Hésiode. […] Enfin, traitant les dieux comme les hommes, Alcée, dans un autre hymne à Mercure, tel que celui peut-être où s’égaye Horace, avait raconté, d’après Homère, les tromperies les plus piquantes du dieu. […] Après les élans et les aveux de son propre cœur, ses amours, ses jalousies, elle eut pour sujet de ses vers la louange des dieux, les fêtes de famille de la Grèce, les épithalames, les chants funèbres. […] On eut dit qu’ils se défendaient dans leurs écoles, comme plus tard Bélisaire dans Rome, en mutilant, pour lancer quelques traits de plus, les frises des temples et les statues des dieux.

69. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Platon nomme d’ailleurs Parménide à côté d’Hésiode, comme tous deux ayant raconté d’anciennes histoires des dieux. […] Comme l’école pythagoricienne, et dans les mêmes termes, il promettait que l’homme deviendrait dieu après la mort. […] « C’est une loi de la nécessité89, un antique décret des Dieux. […] Je viens à vous, dieu immortel, non plus homme ; je me mêle à la foule qui m’honore, paré, comme je le suis, de bandelettes et de guirlandes de fleurs. […] En même temps que, dans ses vers, il se donnait pour un être surnaturel, ou du moins pour un être humain rendu de nouveau à la terre, après avoir passé par les cieux, tout son langage recommandait le culte des dieux et le respect de la vertu.

70. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Est-ce pour qu’il se regarde comme un être à part, comme un dieu, et le tout parce qu’il aime son père, sa mère et sa gouvernante ? […] Et d’autres dons des cieux, Que les enfans des autres dieux. […] Je veux, dit le dieu de la guerre… Cette idée de représenter tous les dieux, ou tous les génies, ou toutes les fées qui se réunissent pour doter un prince de toutes les qualités possibles, est une vieille flatterie, déjà usée dès le temps de La Fontaine. Quant à M. le duc du Maine, il est fâcheux que l’assemblée des dieux ait oublié à son égard un article bien important ; c’était de lui donner un peu de caractère ; cette qualité lui eût épargné bien des dégoûts. […] Le dieu Faune l’a fait, La vache Io donna le lait : La Fontaine brille toujours dans cet usage plaisant et poétique qu’il fait de la Mythologie.

71. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Il me semble que, quand on a la fantaisie d’occuper de sa personne un art imitatif, il faudrait avoir d’abord la vanité d’examiner ce que cet art en pourra faire, et si j’étais l’artiste et qu’on m’apportât un aussi plat visage, je tournerais tant, que je le ferais entendre, non à la façon du Puget ou de Falconnet, mais à la mienne, et le plat visage parti, je me frotterais les mains d’aise, et je me dirais à moi-même : dieu soit loué ! […] C’est celle qui verse aux dieux l’ambroisie, ce breuvage qui alume dans les âmes divines une joie éternelle, et elle est ennuyée et triste. L’artiste aura choisi le jour où Ganimède fut admis au rang des dieux. […] Il n’en est rien ; le poëte dit simplement : tristis ad extremi… etc. c’est un fils qui s’adresse à sa mère dans Virgile ; dans le statuaire, c’est un enragé qui charge les dieux d’imprécations. […] Je ne les ai point vus, dieu merci.

72. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guerne, André de (1853-1912) »

Pierre Quillard On crut d’abord que le vicomte de Guerne serait l’homme d’une œuvre unique et considérable, Les Siècles morts, où il a tenté d’inscrire la légende de quelques siècles, les plus lointains, de l’Orient, père des dieux féroces et des conquérants aussi féroces que les dieux ; il avait successivement assoupli sa langue et ses rythmes à redire la Chaldée et l’Iran hiératique en des poèmes massifs et sonores et à exprimer ensuite les subtilités de la Gnose et de l’Hellénisme finissant et de la première théologie chrétienne, si proche des métaphysiques ingénieuses et extravagantes qui lui furent contemporaines. Mais sa vie littéraire n’était point scellée dans la tombe des dieux disparus, et, par une métamorphose qui surprendra seulement les niais, le vicomte de Guerne s’est montré dès lors le poète le plus voisin de nous et le plus préoccupé, maintenant, du monde qui peine autour de lui vers les destins inconnus. Très tardivement et très modestement aussi, au moment où il est de rite de ne parler de cet autre dieu mort qu’avec un léger sourire, il s’avoue l’un des épigones d’Hugo le Père, par qui, tout jeune, enfermé dans un collège de l’Île-de-France, ou mieux, comme il dit, « dans la cage de Loyola », il eut, impérieuse et inoubliable, la révélation de la poésie lyrique : Et soudain c’était dans nos ombres Un éblouissement pareil À celui des prisonniers sombre Qui remontent vers le soleil, Quand, frémissants, malgré le maître, Les pensums et ses quos ego.

73. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre IV. Le Père. — Priam. »

« Souvenez-vous de votre père, ô Achille, semblable aux dieux ! […] Respectez les dieux, ô Achille ! […] Étudiez le discours de Priam : vous verrez que le second mot prononcé par l’infortuné monarque est celui de père, πατρὸς ; la seconde pensée, dans le même vers, est un éloge pour l’orgueilleux Achille, θεοῖς ἐπιείκελ’ Ἀχιλλεῦ, Achille semblable aux dieux. […] Enfin Priam, après avoir parlé des hommes au fils de Thétis, lui rappelle les justes dieux, et il le ramène une dernière fois au souvenir de Pélée.

74. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Il n’y a jamais eu aucun édit, aucune loi qui ordonnât qu’on adorât des idoles, qu’on les servît en dieux, qu’on les crût des dieux. […] Cicéron dans ses ouvrages philosophiques ne laisse pas soupçonner seulement qu’on puisse se méprendre aux statues des dieux, & les confondre avec les dieux mêmes. […] En un mot, les images des dieux n’étoient point des dieux ; Jupiter & non pas son image lançoit le tonnerre. […] Ensuite venoient les dieux minorum gentium, les dieux indigetes, les héros, comme Bacchus, Hercule, Esculape ; les dieux infernaux, Pluton, Proserpine ; ceux de la mer, comme Thétis, Amphitrite, les Néréïdes, Glaucus ; puis les Driades, les Naïades, les dieux des jardins, ceux des bergers. […] Croira-t-on que les dieux descendoient du ciel pour venir se cacher dans ces statues ?

75. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Étienne Dolet, et François Floridus. » pp. 114-119

« A le voir seulement, dit Angeodonus, on démêloit un étourdi, un fou, un insensé, un furieux, un enragé, un glorieux, un impertinent, un menteur, un débauché, un méchant, un quérelleur, un impie, un écrivain sans dieu, sans foi, sans religion quelconque ; & l’on voyoit si bien tout cela, que, ni le bronze ni la toile n’eussent jamais pu être, comme son visage, l’image d’un monstre. […] D’autres assurent que, sur une exhortation du confesseur, il changea de langage ; qu’au lieu de blasphêmer contre dieu, contre les saints & la vierge, comme il avoit toujours fait, il les invoqua ; qu’il implora sur-tout saint Étienne, son patron. […] Jacques du Lorens, avocat au présidial de Chartres, fut mis à l’amende, pour avoir fait des satyres contre les juges. » On peut ajouter à cette liste le célèbre Vanini, qui, pressé, avant qu’on le jettât au feu, de demander pardon à dieu, au roi & à la justice, répondit : Je ne connois point de dieu, je n’ai jamais offensé le roi, & je donne la justice au diable, s’il y en a.

76. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre X. De la chronologie poétique » pp. 235-238

Usant d’abord du langage muet, ils montrèrent autant d’épis ou de brins de paille, ou bien encore firent autant de fois le geste de moissonner, qu’ils voulaient indiquer d’années… Dans la chronologie ordinaire, on peut remarquer quatre espèces d’anachronismes. 1º Temps vides de faits, qui devraient en être remplis ; tels que l’âge des dieux, dans lequel nous avons trouvé les origines de tout ce qui touche la société, et que pourtant le savant Varron place dans ce qu’il appelle le temps obscur. 2º Temps remplis de faits, et qui devaient en être vides, tels que l’âge des héros, où l’on place tous les événements de l’âge des dieux, dans la supposition que toutes les fables ont été l’invention des poètes héroïques, et surtout d’Homère. 3º Temps unis, qu’on devait diviser ; pendant la vie du seul Orphée, par exemple, les Grecs, d’abord semblables aux bêtes sauvages, atteignent toute la civilisation qu’on trouve chez eux à l’époque de la guerre de Troie. 4º Temps divisés qui devaient être unis ; ainsi on place ordinairement la fondation des colonies grecques dans la Sicile et dans l’Italie, plus de trois siècles après les courses errantes des héros qui durent en être l’occasion. […] Le culte de Jupiter, que nous retrouvons partout chez les premières nations païennes, fixe les fondateurs des sociétés dans les lieux où les ont conduits leurs courses vagabondes, et alors commence l’âge des dieux qui dure neuf siècles. […] Nous avons prouvé l’uniformité du développement des nations, en montrant comment elles s’accordèrent à élever leurs dieux jusqu’aux étoiles, usage que les Phéniciens portèrent de l’Orient en Grèce et en Égypte.

77. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Est-il un défaut qui les blesse davantage que de diriger les hommes qui suivent une autre croyance par l’intervention des dieux d’un culte qu’ils méprisent ? […] Je lui prêtai des dieux, emblèmes de nos connaissances : il eut donc un culte, et par conséquent des dogmes, des rites, et des mœurs. […] C’est alors, par la variété des coupes, qu’il vous peint à la fois sa terreur et le secours qu’elle reçoit de l’influence du dieu qui l’aime. […] « Est-ce un dieu qui m’inspire ? est-ce un dieu qui m’enflamme ?

78. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Plus de voiles, déchirées déjà par tant de tempêtes ; plus de dieu qu’il te reste à invoquer sous les périls qui pèsent sur toi ! […] toi maintenant le regret et la terreur constante de ma vie, que les dieux te gardent des écueils écumants des Cyclades !  […] Plus loin ce sont des vœux modérés du poète, adressés à ses dieux le jour où il leur consacre un autel. […] » Ce souvenir l’exalte et lui fait récapituler, avec une pieuse reconnaissance, toutes les protections miraculeuses des dieux sur sa vie. […] Cette ode est grave comme un grondement de la colère des dieux dans la poitrine du poète.

79. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Ces sortes de dieux, et la raison qui tient le haut bout est d’un style très-négligé. […] Ce n’est pas ce qu’on croit, que d’entrer chez les dieux. […] (C’est un dieu.). […] Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels. […] Ces secours, grâce à dieu, ne nous manqueront pas : Les honneurs et le gain, tout me le persuade.

80. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Ce seront quelques mots de la prière des frères Arvales, de cette courte antienne qu’à certains jours, au sortir du temple, après avoir prié les dieux du foyer et frotté d’huile leurs images, les laboureurs romains chantaient en dansant, répétant trois fois chaque verset : « Ô Dieux lares, soyez-nous en aide ! […] Dieux, qui êtes entre le ciel et la terre, venez tous. […] Mais, en retour, un dieu tout italique, ignoré de la Grèce, Janus, était appelé le dieu des dieux dans ces hymnes saliens dont Horace devait se moquer un jour. […] C’était au sénat même qu’était porté le fragment de cet hymne ; c’était là qu’on en délibérait, et qu’on instituait solennellement ces jeux Apollinaires, dont la dédicace et le dieu devaient annuellement ramener pour la rudesse romaine des chants de reconnaissance et un luxe d’hommages rapprochés de l’élégante mythologie de la Grèce. […] Les autels des dieux ne sont plus debout dans ma patrie.

81. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Le Vendidad, un des livres sacrés de la Perse, raconte qu’à l’origine du monde, Ormuzd, le dieu céleste, remit au héros Yma des armes invincibles, et lui donna trois cents contrées pour domaine. […] Le dieu accorda à Yma trois cents autres pays encombrés bientôt comme les premiers. […] Au centre de cet éblouissement, le Grand Roi régnait dans une profondeur, masqué en dieu, invisible et inabordable. […] Il n’y avait guère que deux liens entre ses tribus querelleuses : les Dieux d’Homère et d’Hésiode, et, chaque année, des Jeux solennels où elles se ralliaient un instant, dans une trêve de fraternité. […] Thémistocle fit voter la mort du profanateur. — On a déchiffré récemment un papyrus d’Herculanum soutenant cette thèse : « Que les dieux parlent grec. »

82. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

Le dieu s’appelle Allah dans les contes des peuples anciennement islamisés et il a, en gros, le caractère du dieu de Mahomet. […] Quant au dieu des Môssi, il est d’un caractère plus autochtone, c’est Ouinndé. […] Pour messagers ces dieux ont les malakas de même qu’un nâba môssi, ses soronés ou un bâdo gourmantié, ses lâris. […] Comme nature, les guinné sont intermédiaires entre l’homme et le dieu supérieur dénommé ou pressenti. […] Les dieux de l’antiquité ne furent-ils par rabaissés au rang de démons au moyen âge lorsque le Christ régna en dieu incontesté sur le monde ?

83. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

» Et mille mains gracieuses faisaient à l’envi descendre sur sa tête une pluie de fleurs, tandis que de vertueux brahmanes, les bras tendus vers le ciel, cherchaient à attirer sur le monarque les faveurs de Brahma (le dieu de l’Inde, le dieu créateur). […] Où es-tu née, toi qui resplendis de toute la divinité d’une fille des dieux ? […] Ce dieu, tremblant d’être surpassé lui-même par l’anachorète Visoumitra, lui envoie la plus belle des Apsaras, sorte de Vénus du ciel indien, pour le séduire. — « Qui, moi ?  […] Le héros lui confesse alors qu’il a employé ce stratagème pour convaincre son peuple de la beauté, de la vertu, des droits de Sacountala à sa main, et pour se faire commander par les dieux et par les hommes son bonheur. […] Arrosons donc aussi celles qui ont déjà donné leurs fleurs ; nos soins désintéressés ainsi pour elles n’en auront que plus de mérite aux yeux des dieux.

84. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XI. Suite des machines poétiques. — Songe d’Énée. Songe d’Athalie. »

Il ne nous reste plus qu’à parler de deux machines poétiques : les voyages des dieux et les songes. […] C’étoit l’heure où, du jour adoucissant les peines, Le sommeil, grâce aux dieux, se glisse dans nos veines ; Tout à coup, le front pâle et chargé de douleurs, Hector, près de mon lit, a paru tout en pleurs, Et tel qu’après son char la victoire inhumaine, Noir de poudre et de sang, le traîna sur l’arène. […] ah, du moins, dans ses derniers adieux, Pergame à ton amour recommande ses dieux ! […] Observez d’abord le contraste entre cet effroyable songe et l’heure paisible où les dieux l’envoient à Énée.

85. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Le peuple s’attendait à retrouver sur les autels ses dieux et ses déesses avec les charmes caractéristiques de son catéchisme. […] C’est qu’ils étaient vrais ; c’est qu’en effet il était dans les cieux, parmi les dieux ; c’est qu’il jouissait réellement de l’objet de son adoration et de l’adoration nationale. […] Il ne leur a manqué que de nous dire plus souvent où l’on voyait ce dieu ou cette déesse dont ils caressaient l’original vivant ; mais les peuples qui lisaient leurs poésies, ne l’ignoraient pas. […] Dites-moi, ne pensez-vous pas que c’est là l’origine de tous ces éloges des mortels, empruntés des attributs des dieux, et de toutes ces épithètes indivisiblement attachées aux héros et aux dieux ? […] Il semble qu’on vous propose là d’aller coucher avec la mère de votre dieu.

86. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945) »

La seule domination qu’elle tolère est l’impérieux appel de son génie : C’est un dieu qu’on ignore et qui me survivra. Le dieu, donc, a emprunté sa voix grave et forte, et elle a dit les spectacles variés des choses et des hommes, toujours avec un accent presque mâle. Mais comme les dieux sont faillibles, à l’image des simples mortels et des poètes qui les inventèrent, il advient que, parfois, Mme Delarue-Mardrus soit égarée par celui qui l’inspire et qui lui conseilla quelques afféteries peu dignes d’elle.

87. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Je ne parle pas de vingt autres causes qui la préparèrent ; mais je remarque que dès le premier siècle, la grandeur de l’empire, une puissance qui n’était limitée par rien, des fantaisies qui n’avaient de bornes que la puissance, des trésors qu’on ne pouvait parvenir à épuiser, même en abusant de tout, firent naître dans les princes je ne sais quel désir de l’extraordinaire qui fut une maladie de l’esprit autant que de l’âme, et qui voulait franchir en tout les bornes de la nature ; de là cette foule de figures colossales consacrées aux empereurs, la manie de Caligula de faire enlever de toutes les statues des dieux leur tête, pour y placer la sienne ; le palais d’or de Néron, où il avait englouti un quart de Rome, une partie des richesses du monde, et des campagnes, des forêts et des lacs ; la statue d’Adrien élevée sur un char attelé de quatre chevaux, et qui faite pour être placée au sommet d’un édifice, était d’une grandeur que nous avons peine à concevoir ; sa maison de campagne, dont les ruines seules aujourd’hui occupent dans leur circonférence plus de dix milles d’Italie, et où il avait fait imiter les situations, les bâtiments et les lieux les plus célèbres de l’univers ; enfin le palais de Dioclétien à Spalatro en Illyrie, édifice immense partagé par quatre rues, et dont chaque côté avait sept cents pieds de long. […] Dès qu’il s’agissait du prince, le peintre, le sculpteur, l’architecte, faisaient un dieu : l’orateur ou le poète qui n’eût fait qu’un homme, eût paru faible ou coupable. […] « Il nous est permis, dit l’orateur, de nous plaindre des dieux, lorsqu’ils négligent l’univers. C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».

88. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Ses censeurs se récrient au contraire sur les fausses idées que les poëtes se sont formées de la vertu, et sur les fables extravagantes qu’ils ont debitées des dieux. […] Les premiers vers ont été employés à la loüange des dieux. […] On pouvoit loüer les dieux en prose, et se servir du langage ordinaire pour enseigner la vérité. […] Les siennes roulent indifféremment sur les loüanges des dieux et des héros, sur la galanterie, la table, la morale, et même la satyre. […] Ces longues digressions qu’on lui a tant reprochées, étoient, comme je l’ai déja fait voir, l’inconvénient inévitable de ses sujets ; et d’ailleurs les fables qu’il y racontoit des dieux, intéressoient alors les peuples autant qu’elles nous sont aujourd’hui indifférentes.

89. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Et le voilà qui « tombe » Dieu et les dieux dans des vers d’un athéisme carnavalesque et forain. […] Il nous dit en parlant des dieux : Et je vais leur souffler au c… pour me distraire. […] Et il ne s’aperçoit pas, lui, le pourfendeur des dieux, que, tandis qu’il symbolise aussi malproprement la Nature et lui adresse des discours, il obéit à l’éternel instinct qui a créé les dieux. Ces dieux auxquels il ne croit pas, il les injurie continuellement, par une convention de rhétorique vraiment un peu trop prolongée. […] » Et il tend ses muscles, et il offre aux dieux le caleçon.

90. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Il atteste les dieux, la perfide s’en moque. […] Il faut que le barbare soit religieux, qu’il sente les dieux présents, qu’il porte dans son coeur leur justice et leur colère. […] Et c’est là un sauvage indigné, désespéré, qui menace au nom des dieux avec une sorte d’emportement prophétique ! […] « Ô secrets jugements des dieux ! […] Cet homme-là croit aux dieux, et il parle comme s’il les sentait derrière lui, dites mieux, en lui-même et dans son coeur.

91. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Les réfugiés, impies et sans dieu, obéissaient à des hommes pieux, qui adoraient la divinité, bien qu’ils la divisassent par leur ignorance, et qu’ils se figurassent les dieux d’après la variété de leurs manières de voir ; étrangers à la pudeur, ils obéissaient à des hommes qui se contentaient pour toute leur vie d’une compagne que leur avait donnée la religion ; faibles et jusque-là errants au hasard, ils obéissaient à des hommes prudents qui cherchaient à connaître par les auspices la volonté des dieux, à des héros qui domptaient la terre par leurs travaux, tuaient les bêtes farouches, et secouraient le faible en danger. […] Mais comme la société humaine ne peut subsister un moment sans ordre, c’est-à-dire sans dieu, la Providence fit naître l’ordre civil avec la formation des cités. […] Par elle les nobles régnaient sur les plébéiens, dont les unions n’étaient pas ainsi consacrées. — Au gouvernement théocratique où les dieux gouvernaient les familles par les auspices, succéda le gouvernement héroïque où les héros régnaient eux-mêmes, et dont la base principale fut la religion, privilège du corps des pères qui leur assurait celui de tous les droits civils.

92. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

C’est la langue des dieux dont parle Homère. […] Comment s’étonner que l’antiquité en ait fait des dieux ? […] Qui pourrait s’étonner encore qu’il ait élevé les hommes à la grandeur des dieux, et rabaissé les dieux aux faiblesses humaines ? le vulgaire ne fait-il pas les dieux a son image ? […] De même que Dieu est l’esprit du monde, l’esprit humain est un dieu dans l’homme.

93. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Et, dans un autre endroit, il prétend prouver, par l'exemple des Quakers, que les hommes seroient plus heureux sans Prêtres & sans Maîtres. « La Pensilvanie, ajoute-t-il, dément l'imposture & la flatterie, qui disent impudemment, dans les Cours & dans les Temples, que l'homme a besoin des Dieux & des Rois. Ce sont des Dieux cruels qui ont besoin de Rois qui leur ressemblent ; ce sont des Rois méchans qui ont besoin de Dieux tyrans, pour se faire respecter, &c ».

94. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Elle est commune aux dieux, etc… On peut observer qu’en ceci, comme en bien d’autres choses, les hommes ont fait les dieux à leur image. […] Achetaient de son sang l’indulgence des dieux. […] Les deux derniers vers : Quiconque en pareil cas se voit haï des cieux, Qu’il considère Hécube, il rendra grâce aux dieux ; sont excellens ; mais la moralité qu’ils enseignent est énoncée d’une manière bien plus frappante dans une fable de Sadi, fameux poète persan ; la voici : « Un pauvre entra dans une mosquée pour y faire sa prière : ses jambes et ses pieds étaient nus, tant sa misère était grande ; et il s’en plaignait au ciel avec amertume. […] Le premier pauvre sortit de la mosquée, en rendant grâce aux dieux. » Fable XIV. […] Quel rapport y a-t-il entre Hercule ayant obtenu l’apothéose par des travaux utiles aux hommes (c’est ainsi du moins qu’il faut l’envisager dans l’Apologue), quel rapport, dis-je, entre ce dieu et un aventurier faisant une action folle, dangereuse, utile aux autres, ou qui ne peut-être utile qu’à lui-même ?

95. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Il invoque également et les dieux et les hommes, persuade un peuple, anime un bataillon, parle en législateur ou en guerrier. […] Accordez-moi la riche abondance qui vient des dieux immortels, et donnez-moi d’obtenir toujours de tous les hommes bonne renommée, d’être ainsi doux à ceux que j’aime, amer à mes ennemis, respectable à ceux-ci, terrible à ceux-là. […] La richesse que donnent les dieux demeure stable, des fondements jusqu’au faite ; celle que convoitent les hommes s’enlève par la force, sans égard au droit. […] Cet autre, Apollon l’a fait prophète, Apollon, le roi qui lance ses flèches au loin ; et il prévoit le mal qui de loin vient à l’homme : car les dieux communiquent avec lui. […] Le premier vers désigne les Spartiates par le dieu même dont ils se croyaient descendus ; le reste exprime la grandeur du danger et le dernier effort du désespoir animant la discipline.

96. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M.  […] Hommes et Dieux, c’est le titre du premier livre qu’il publie, et ce titre est exact, non pas tant en effet parce qu’il y a placé, en commençant, la description de quelques grandes divinités antiques, la Vénus de Milo, Diane, Gérés et aussi Hélène, la déesse de beauté, mais parce que partout, dans les jugements de M. de Saint-Victor, dans les rangs qu’il assigne, dans les étages et comme les sphères d’admiration qu’il embrasse, respire et règne une véritable religion littéraire. […] Oui, M. de Saint-Victor, classique en cela, classique dans la plus large acception sans doute, classique toutefois, comme le pourrait être un fils retrouvé de Chateaubriand, a au plus haut degré et possède en toute sincérité la religion de l’art, la religion littéraire ; à la manière dont je les lui ai vu quelquefois défendre, dans la conversation comme dans ses écrits, j’ai compris qu’il a bien réellement des dieux, et il a eu droit, par une sorte d’invocation, de les inscrire dès le début au frontispice de son livre. […] J’ai dit que M. de Saint-Victor avait ses dieux : il est difficile, quand on a ses dieux, de ne pas avoir ses démons aussi et ses diables, c’est-à-dire, en regard de ceux qu’on adore, de ne pas dénoncer et repousser d’un geste ceux qu’on réprouve et qu’on range parmi les maudits.

97. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

« Dans le bois sacré près de l’Hélicon, dit-il, après les statues des Muses, après celles d’Apollon et de Mercure, de Thamyris aveugle, la main sur une lyre brisée, on voyait une statue d’Orphée, ayant près de lui debout Télète, comme symbole de l’initiation aux mystères, et entouré d’animaux en marbre et en bronze, attentifs à ses chants55. » D’après ces monuments, Pausanias, sans croire qu’Orphée ait été le fils de la Muse Calliope, ni qu’il soit descendu vivant aux enfers pour redemander sa femme, suppose du moins qu’il avait surpassé dans l’art des vers tous ses devanciers, et qu’il avait acquis un grand pouvoir par la science des mystères divins et des expiations, des maladies et des remèdes qui détournent la colère des dieux. […] On racontait qu’il avait été jadis foudroyé par les dieux, pour avoir révélé aux hommes, dans les mystères, des choses inouïes jusqu’alors. […] Ce caractère devait être surtout marqué dans les sujets qui s’y prêtaient d’eux-mêmes, dans les hymnes de reconnaissance aux dieux, les Péans, les Prosodies, les Parthénies. […] Tel est cet hymne d’actions de grâces que le chantre Arion, sauvé des flots par un dauphin, aurait adressé au dieu Neptune : « Dieu de la mer, ô le plus grand des dieux, Neptune au trident d’or, toi qui de tes ondes embrasses la terre !

98. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VI, première guerre médique »

. — Apparition du dieu Pan au messager d’Athènes. — Miltiade. […] Les historiens anciens n’expliquent pas l’énigme, ils la posent sans la résoudre. — Heureusement, avec le refus de Sparte, Phédippide rapportait à Athènes l’oracle d’un dieu. […] Il lui fallait un héros pour oser et vaincre, les dieux l’envoyèrent. […] Le Messager même ne lui manque pas ; il est représenté par ce soldat qui courut annoncer sa délivrance à Athènes, et tomba mort sur la place, en agitant sa palme, comme un coursier épuisé par l’élan d’un dieu.

99. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Mais où est le caractère du dieu des batailles ? […] Comment reconnoitre dans ce morceau, le dieu dont le cri est comme celui de dix mille hommes. […] Gare la requête qui suivra.) et vous appelez cela la jouissance du souverain des dieux, et de la première des déesses ! […] " le dieu qui rassemble les nuages dit à son épouse, rassurez-vous. […] Second instant, second tableau ; celui où la tête du dieu repose sur les genoux de la déesse, et où il puise l’yvresse dans ses regards.

100. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Son prétendu Fragment d’Alcée confesse ouvertement quelques-unes des maximes les plus usuelles de ce code relâché : Quel mal ferait aux Dieux cette volupté pure ? […] Dussault a très-bien dit de la Guerre des Dieux que ce poëme figurera dans l’histoire de la Révolution, encore plus qu’il ne marquera dans celle de la littérature, et à ce titre il réclame quelque considération sérieuse. […] Au lendemain de l’apparition de la Guerre des Dieux, une place se trouvait vacante à l’Institut ; il s’agissait de remplacer Delille qui s’était obstiné, un peu tard, à émigrer. […] Garat voulait parler à M. de Parny de son poëme honteusement célèbre de la Guerre des Dieux. […] Les Muses sont des déesses, et les déesses chantent les dieux, tandis que nous, nous sommes des mortels, et les chants des mortels s’adressent aux mortels.

101. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Ils prenaient possession de la terre non encore parcourue, non encore décrite ; étonnés de chaque jouissance, de chaque production de la nature, ils y plaçaient un dieu pour l’honorer, pour en assurer la durée. […] On confondait ensemble les héros et les dieux, parce qu’on en attendait les mêmes secours ; et les hauts faits de la guerre s’offraient avec des traits gigantesques à l’esprit épouvanté. […] Le paganisme des Grecs était l’une des principales causes de la perfection de leur goût dans les arts ; ces dieux, toujours près des hommes, et néanmoins toujours au-dessus d’eux, consacraient l’élégance et la beauté des formes dans tous les genres de tableaux. […] Pindare donne ce nom à l’art de triompher dans les courses de char aux jeux olympiques : ainsi les succès, les plaisirs, la volonté des dieux, les devoirs de l’homme, tout se confondait dans ces têtes ardentes, et l’existence sensitive laissait seule des traces profondes. […] L’amour, tel qu’ils le peignaient, est une maladie, un sort jeté par les dieux, un genre de délire, qui ne suppose aucune qualité morale dans l’objet aimé.

102. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XII. Suite des machines poétiques. — Voyages des dieux homériques. Satan allant à la découverte de la création. »

. — Voyages des dieux homériques. […] Tantôt il raconte que le char du dieu vole comme la pensée d’un voyageur qui se rappelle, en un instant, les lieux qu’il a parcourus ; tantôt il dit : Autant qu’un homme assis au rivage des mers Voit, d’un roc élevé, d’espace dans les airs, Autant des Immortels les coursiers intrépides En franchissent d’un saut81. Quoi qu’il en soit du génie d’Homère et de la majesté de ses dieux, son merveilleux et sa grandeur vont encore s’éclipser devant le merveilleux du christianisme.

103. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

La civilisation marcha d’un pas plus réglé chez les Romains ; ils perdirent entièrement de vue leur histoire divine ; aussi l’âge des dieux, pour parler comme les Égyptiens (Voy. […] Homère parle dans cinq passages de ses poèmes d’une langue plus ancienne que l’héroïque dont il se servait, et il l’appelle langue des dieux. […] Toute nation païenne eut son Hercule, fils de Jupiter ; le docte Varron en a compté jusqu’à quarante. — Voilà l’origine de l’héroïsme chez les premiers peuples, qui faisaient sortir leurs héros des dieux. […] Les Grecs, craignant de trouver les dieux aussi contraires à leurs vœux, qu’ils devaient l’être à leurs mœurs, attribuèrent ces mœurs aux dieux eux-mêmes, et donnèrent souvent aux fables un sens honteux et obscène. […] Telle fut aussi la division des dieux : dii majorum gentium, ou dieux consacrés par les familles avant la fondation des cités ; et dii minorum gentium, ou dieux consacrés par les peuples, comme Romulus, que le peuple romain appela après sa mort Dius Quirinus.

104. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Ses livres sur l’Allemagne, Lutèce, les Dieux en exil n’ont pas de développements inopportuns et sont composés en partie avec la sobriété et la proportion des proses classiques. […] Et grâce à la vive facilité de son imagination, il eut le cerveau peuplé de déesses tangibles et souriantes, de dieux statuaires, majestueusement drapés ou noblement nus, figurant de leurs traits augustes, avec la joie calme qui arque leurs lèvres et éclaire leurs yeux, la plus belle phase de l’humanité intacte. […] Et il jeta sa croix sur la haute table des dieux ; les coupes d’or tintèrent ; les dieux se turent, pâlirent, pâlirent toujours plus, s’effacèrent et s’évanouirent. » Les jours de douleur étaient venus. […] Pour la seconde fois il se convertit au christianisme : « Je n’ai rien abjuré » dit-il dans la préface de son Romancero (185l) «  pas même mes dieux païens, dont je me suis cependant séparé à l’amiable. […] Quand on a besoin d’un dieu qui vous secoure, et certainement c’est là le principal, il faut en admettre un qui soit personnel, immatériel, bon, sage, juste.

105. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Un dieu Pan. […] Un Jupiter assis sur son trône, et entouré des Dieux, qui sont debout. […] Un dieu Bacchus. […] Les douze grands Dieux. […] Les douze Dieux.

106. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Des prêtres, dont les dieux auroient été menacés, s’il y en avoit eu, je les aurois vus furieux et se mordant les lèvres de rage. […] Vous verrez le saint ardent, enflammé, transporté de zèle, encourageant ses auditeurs à briser leurs dieux et à renverser leurs autels. […] L’assemblée des dieux ne sera pas tumultueuse comme celle des hommes, ni celle des hommes faits, comme celle des enfants. […] Seroit-ce que cette tranquilité du dieu, cette facilité à faire de grandes choses en caractériseroient mieux la puissance ? […] Un catéchisme d’autant plus utile aux peuples qu’on n’avoit guères que ce moyen de tenir présentes à leurs esprits et à leurs yeux, et de graver dans leur mémoire, les actions des dieux, la théologie du tems.

107. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Les poètes théologiens ont senti, par une sorte d’instinct, cette dernière vérité ; et dans les poèmes d’Homère ils ont appelé l’âme (animus), une force sacrée, une puissance mystérieuse, un dieu inconnu. En général, lorsque les Grecs et les Latins rapportaient quelqu’une de leurs paroles, de leurs actions à un principe supérieur, ils disaient un dieu l’a voulu ainsi. […] Examinons le trait sublime que Longin admire dans l’ode de Sapho, traduite par Catulle : le poète exprime par une comparaison les transports qu’inspire la présence de l’objet aimé, Ille mi par esse deo videtur, Celui-là est pour moi égal en bonheur aux dieux même.... la pensée n’atteint pas ici le plus haut degré du sublime, parce que l’amant ne la particularise point en la restreignant à lui-même ; c’est au contraire ce que fait Térence, lorsqu’il dit : Vitam deorum adepti sumus, Nous avons atteint la félicité des dieux.

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