L’art japonais a ses beautés comme l’art grec. Au fond, qu’est-ce que l’art grec : c’est le réalisme du beau, la traduction rigoureuse du d’après nature antique, sans rien d’une idéalité que lui prêtent les professeurs d’art de l’Institut, car le torse du Vatican est un torse qui digère humainement, et non un torse s’alimentant d’ambroisie, comme voudrait le faire croire Winckelmann. […] Nous prenons un fiacre, et nous allons porter nos livraisons de L’Art du dix-huitième siècle à Théophile Gautier, 32, rue de Longchamps, à Neuilly. […] Et je l’ai entendu de mes oreilles, ces années-ci, demander chez Rochoux ce que c’était qu’une gravure avant les armes, et aujourd’hui, j’apprends qu’il pousse le goût de la propreté de l’art, jusqu’à faire gratter la patine des bronzes antiques de sa collection. […] Et chez cette femme une énergie de caractère, une force de volonté, un art du mystère, auxquels rien ne peut être comparé.
L’Orateur peut employer quelquefois ces ressources ; mais dès qu’il les prodigue ou les excede, dès qu’il en fait la base de ses Discours, il cesse d’être Orateur, parce que tous les Arts ont leurs limites. […] Le plan en est-il mieux entendu, l’unité d’action mieux observée, les épisodes amenés avec plus d’art, le nœud plus adroitement tissu, & le dénouement plus naturel ? […] Elle enseigne l’art de gouverner des Nations différentes, les moyens de conserver la paix avec ses voisins, d’affermir un Royaume au dehors par des forces toujours prêtes, de lui donner de l’activité au dedans par des ressorts bien concertés, de l’enrichir par le commerce & l’agriculture, d’en écarter le luxe, d’en prévenir la corruption & l’indépendance par de sages loix. […] En cachant au jeune Télémaque l’assistance d’une Divinité toujours présente, il a l’art de ne rien dérober à sa gloire ; la vertu du jeune Grec en est plus vigilante & plus ferme, ses triomphes en sont plus glorieux & plus solides, ses dangers plus intéressans, ses succès plus flatteurs. […] Ce Discours est un vrai modele à proposer aux Orateurs Chrétiens, soit pour l’art d’appliquer sans affectation l’Ecriture Sainte, soit pour celui de savoir disposer, embellir & animer les Productions de leur propre génie.
Il est certain pourtant qu’il y a des vers de génie, & d’une vérité frappante dans cette traduction en vers de l’Essai sur la critique, ouvrage dont on parle en Angleterre, comme on parle en France de notre art poëtique. […] La raison est qu’en rendant les mots, & même le sens principal, on ne rend pas toujours les idées accessoires, qui forment tout l’art & tout le mérite d’un ouvrage. […] Il cita le morceau où ce jésuite dit : « Une traduction en vers ne sçauroit manquer de sacrifier souvent l’essentiel à l’accessoire, & d’altérer les pensées & les expressions de l’auteur, pour conserver les graces de la versification. » Mais, d’un autre côté, le président Bouhier pouvoit se réclamer du jésuite Tarteron, qui, après avoir donné la traduction des Satyres, des Épîtres & de l’Art poëtique d’Horace, avoit été vingt ans sans oser entreprendre celle des Odes, dans la persuasion qu’elles ne pouvoient être bien rendues qu’en vers. […] M. d’Alembert, dans ses Observations sur l’art de traduire, condamne aussi les traductions en prose. […] Ce qui fait, dit-il, que les grands poëtes de l’antiquité ont été traduits en vers avec beaucoup de succès chez nos voisins, & ridiculement chez les François, c’est la différence du génie des langues, La nôtre ne sçauroit se plier à rendre les petites choses ; à nommer, sans causer du dégoût (tant nous sommes des Sybarites dédaigneux & difficiles) les instrumens des travaux champêtres & des arts méchaniques.
Ce sont ces deux volumes, légers, quoique gros, c’est la sorcellerie de talent qui, en ces deux gros volumes, parle si divinement chiffons, cette petite chose, misérable pour les feuilletonistes belges, mais qui est l’art de la femme comme la statuaire est l’art de Phidias et la peinture est l’art d’Apelles, et qui en parle comme on n’en a peut-être jamais parlé, depuis la feuille de vigne de la première femme jusqu’à la crinoline de la dernière, en ces jours dégénérés et imposteurs ! […] Assurément on donnerait volontiers la main à ce charmant et noble jeune homme sur tous ces sujets de discussion contemporaine qu’il traite avec l’air de les cravacher ; et même parfois on la lui serrerait avec une cordialité ardente, mais ce n’est plus comme en chiffons, cet art de la femme. […] Elle entra dans la sphère pure de cette simplicité de femme du monde qui est parfois une simplicité très savante, très profonde, où l’art et le naturel désunis partout, frères ennemis si souvent, se réconcilient et s’embrassent.
Le goût des arts, des lettres, les sentiments d’un esprit vif et honnête, s’y montrent selon les traditions reçues. […] La Fontaine lui-même, déjà, dans le Songe de Vaux, avait introduit et fait parler Hortésie ou l’art des jardins, qui dispute le prix à Palatiane, Appellanire et Calliopée (les arts de l’architecture, de la peinture et de la poésie). […] Mais il convient d’insister sur une seule objection fondamentale qui embrasse tous les ouvrages et l’ensemble du talent de Delille : nous lui reprocherons de n’avoir eu ni l’art ni le style poétique. […] Vers 1809, un Nouvel Art poétique, par M. […] La poésie était morte en esprit, perdue dans le délayage et les fadeurs : nous l’avons sentie, nous l’avons relevée, les uns beaucoup, les autres moins, et si peu que ce soit dans nos œuvres, mais haut dans nos cœurs ; et l’Art véritable, le grand Art, du moins en image et en culte, a été ressaisi et continué !
Laissons ces derniers qui forment un groupe naturel et considérons ce que nous avons appris sur l’art du seul lyrique que nous avons été amené à connaître. […] Tout l’art littéraire dépend des propriétés intimes de l’élément matériel même dont il se sert, du mot. […] Ce serait alors un art impersonnel tout nouveau qu’il aurait inauguré, contraire au précepte des anciennes rhétoriques mais justifié par les théories esthétiques actuelles. […] Cet art idéalise en ce qu’il représente de préférence ces traits comme possédés par certains êtres fictifs, quand la plupart des hommes en sont fort loin. […] Odilon Redon l’a fait dans les arts graphiques par ses lithographies et ses fusains.
La mort de Hugo était la mort d’un astre. « L’art était fini ! […] Convaincue que Victor Hugo ne faisait pas de « l’art pour l’art », mais produisait des vers pour les vendre, la bourgeoisie aurait imposé silence aux plumitifs envieux qui, sous Louis-Philippe, reprochaient à l’écrivain, ses gratifications royales. […] La famille Hugo excella dans cet art précieux. […] Avec un art que n’égala jamais Barnum, il fit de l’exil la plus retentissante des réclames. […] Le travail, l’industrie, l’art, c’est-à-dire la pauvreté.
Les chairs de l’art luttent contre les chairs de nature. […] Mais dans les arts, comme en amour, un bonheur qui n’est fondé que sur l’illusion ne scauroit durer. […] Chaque art a ses avantages. […] Jugerons-nous de l’art comme la multitude ? […] En un mot, la peinture est-elle l’art de parler aux yeux seulement ?
Voilà qui trancherait à jamais la question de savoir si la musique est un art corrupteur ou un art moralisateur, pour employer le langage du jour. […] La musique me semble un art dépravant même dans ce qu’elle a de noble et d’élevé. […] Or quel art est plus propre à produire cette émasculation morale que la musique ? […] La musique est par excellence l’art moderne, l’art du xixe siècle. […] Les autres arts s’épuisent en imitations stériles ou en innovations plus stériles encore.
les arts ! […] D’ailleurs, un tragique qui n’a que le troisième rang dans son art, n’exige pas une si grande vénération. […] N’est-ce pas une faute essentielle contre les règles de l’art que de travestir ainsi les Chinois en Romains ? […] car il y a peu d’auteurs que les sifflets mènent à l’art de plaire. […] Le roman est mortel pour l’art dramatique ; il est à la scène ce que le charlatanisme est à la science.
En somme, de tout ce qui a produit dans les arts, c’est lui et Michel-Ange qui me remuent le plus : le premier par le fond de philosophie si bien écrit ; le second par une imagination si gigantesque, si grande, si originale. […] M. de Roullet eut occasion de le voir et l’accueillit très amicalement comme compatriote ; et dans quelques conversations qu’ils eurent ensemble, M. de Roullet désira savoir s’il y avait à Paris d’autres jeunes compatriotes étudiant les arts. […] Mais la joie de Léopold Robert, en quittant sa famille pour la patrie du soleil et des arts, fut mêlée de quelque amertume : il aimait profondément sa mère, ses frères, ses sœurs. […] On a remarqué qu’à cet égard, il est de l’école de Despréaux en peinture ; il efface, il corrige sans cesse, et n’est content que lorsqu’il a atteint, à force de retouches et de repentirs, l’expression longuement désirée : L’exécution, disait-il, est de beaucoup pour un succès complet dans les arts. Le premier jet frappe et attire : mais ensuite une expression juste, une pose sévère et vraie, un dessin serré et gracieux en même temps, ne conservent pas seulement cette première attention, mais ces qualités produisent le goût des arts et font les amateurs constants.
L’ouvrage appartient désormais à l’art, seulement à l’art, il n’est justiciable que de la critique, et celle-ci peut user de toute son indépendance en en parlant. […] Une vérité sévère et impitoyable est entrée jusque dans l’art comme dernier mot de l’expérience. […] ce pauvre Charles qui l’aime, et que par moments elle voudrait tâcher d’aimer, n’a pas l’esprit de la comprendre, de la deviner ; s’il était ambitieux du moins, s’il se souciait d’être distingué dans son art, de s’élever par l’étude, par le travail, de rendre son nom honoré, considéré ; mais rien : il n’a ni ambition, ni curiosité, aucun des mobiles qui font qu’on sort de son cercle, qu’on marche en avant, et qu’une femme est fière devant tous du nom qu’elle porte. […] Cependant, l’office de l’art est-il de ne vouloir pas consoler, de ne vouloir admettre aucun élément de clémence et de douceur, sous couleur d’être plus vrai ? […] Vous avez beau faire, dans vos personnages même si vrais vous rassemblez un peu comme avec la main et vous rapprochez avec art les ridicules, les travers ; pourquoi aussi ne pas rassembler le bien sur une tête au moins, sur un front charmant ou vénéré ?
Souffrir et crier, haïr ce qu’on vient de lire, est-ce un résultat de l’art ? […] En présence de ce roman ou de ce poème tout archéologique, c’est le cas ou jamais de le redire : l’art, nonobstant toute théorie, l’art dans sa pratique n’est pas une chose purement abstraite, indépendante de toute sympathie humaine : et je prends le mot de sympathie dans son acception la plus vaste. […] Mais encore une fois, je le maintiens, l’art ne saurait être totalement indépendant de la sympathie, et portant tout entier sur des monstres. […] L’art en soi, je le reconnais, ne vise pas sans doute à la sensibilité, pas plus qu’il ne vise à la moralité, mais il n’affecte pas non plus, nécessairement, le contraire. Goethe, qu’on n’accusera pas d’étroitesse et qui comprenait tout, ce critique universel au goût le plus large et le plus hospitalier, reculait toutefois devant les tableaux odieux et hideux trop prolongés ; il voulait que l’art tournât en définitive au beau, au digne, à l’agréable.
Il débuta à la Presse par des articles d’art, notamment sur les peintures d’Eugène Delacroix à la Chambre des Députés. […] Ainsi, à propos d’une pièce (la Fille du Cid) de Casimir Delavigne : « Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère. […] Bernardin de Saint-Pierre écrivait le 1er janvier 1772 ce qu’il aurait pu redire aussi exactement soixante ans après : « L’art de rendre la nature est si nouveau, que les termes mêmes n’en sont pas inventés. […] Il n’est jamais plus à l’aise que quand on le met en face d’une nature ou d’un art à développer et à exhiber. […] En présence du Parthénon, du temple d’Érechthée, de ces immortels débris d’un art qui fait comme partie de la nature, de ces montagnes pas trop hautes, de cet horizon aux lignes sobres et parfaites, il fut saisi par un sentiment d’harmonie et de proportion.
Il vous initie à tout, et il n’y aurait qu’à le remercier pour tant de bonne grâce et d’aimable confidence, s’il ne partait de là pour jeter, en littérature et en poésie, certaines façons de voir qu’il est impossible d’accepter par rapport à l’art en général, et par rapport à son propre talent, car ce serait une ruine. […] Et puis, quels que soient l’avenir et le prix, est-ce qu’en art comme en morale il ne faut pas faire de son mieux ? Ce n’est pas même une comparaison que j’établis là, c’est une identité que j’exprime : l’art, pour l’artiste, fait partie de sa conscience et de sa morale. […] La conclusion de tout ceci est triste ; un grand trouble, en achevant ce volume et en repassant mes propres impressions, m’a saisi ; on doute de soi ; les notions du beau et du vrai se confondent : y a-t-il telle chose qu’un art, et n’est-ce pas chimère que d’y croire et de s’y dévouer ? […] Mais c’est trop douter ; la conscience aussi, en pareil cas, dit non et se soulève ; je reviens à la règle sûre, déjà posée : l’art, comme la morale, comme tous les genres de vérités, existe indépendamment du succès même.
Haydn, Grétry, les musiciens du dernier siècle, connaissaient un art tout de ténue et plaisante émotion. […] Wagner se montre expérimentateur et j’eusse désiré justifier expérimentalement ce titre qu’il s’est maintes fois donné, mais le caractère de cette Revue ne me permettait pas de relever la magistrale empreinte qui caractérisera plus tard Wagner dans l’art fossile de notre temps, j’entends son socialisme naturaliste61. […] Il accompagne Pogner le bourgeois de Nuremberg, artiste et citoyen, fier de son art et de sa ville ; il s’étend un peu aux maîtres, et en général caractérise la générosité du riche bourgeois qui donnera sa fille à un maître-chanteur. […] D’autre part, la jeunesse de l’art de Walther, qui gagnera le peuple et Eva, s’y manifeste encore avant d’être soumise aux règles : « Die alte Zeit dünkt mich erneut », dit Pogner. […] Et cette vie si puissante, participant du sentiment populaire et du sentiment féminin, cet art « pur simple » devenant le sauveur de l’art vieillissant, n’est-ce pas cette jeunesse que l’espèce, peuple et femme, doit rendre continuellement à notre vie vieillie par l’artificialisme, ne renaissant que par le naturalisme, à travers les cahots de l’évolution individuelle, sociale et sexuelle ?
De l’art, nul soupçon ; de la langue, du rythme, nul souci. […] L’art existe-t-il, oui ou non ? […] Tout le petit côté de l’art leur est une région interdite. […] L’art, c’est l’éternel mensonge. […] Car si l’art était la vie elle-même, à quoi serait-il bon ?
C’était le chambellan de l’art comme il l’aurait été d’un prince. […] Demandez-vous quelle était la personnalité de Shakespeare, le plus grand homme que l’art dramatique ait jamais produit ? […] Les matérialistes, qui ont, en art, engendré le réalisme, oublieront ingratement l’athéisme qu’ils doivent à Diderot et riront avec mépris du bonhomme qui définit la peinture : « l’art d’aller à l’âme par l’entremise des sens », et qui, dans son Essai sur la peinture, pose en principe que « le but de l’art est de rendre la vertu aimable, le vice odieux et le ridicule saisissant ». […] Les monuments d’art religieux du moyen âge correspondent à des sentiments immortels. […] C’est lui qui a mis le calcul dans l’art, dans le succès et dans la vie.
Aimait-il l’art pour l’art ? […] Elle ne rappelle en rien l’art des Grecs, cet art contenu dans les justes bornes, dans les strictes limites. […] l’Art poétique ! — Oui, l’Art poétique ! […] c’en était fait de l’art de Molière.
On a prétendu que la décadence des arts, des lettres et des empires devait arriver nécessairement, après un certain degré de splendeur. Cette idée manque de justesse ; les arts ont un terme, je le crois, au-delà duquel ils ne s’élèvent pas ; mais ils peuvent se maintenir à la hauteur à laquelle ils sont parvenus ; et dans toutes les connaissances susceptibles de progression, la nature morale tend à se perfectionner. […] Il y a plus d’idées fines et neuves dans le traité de Quintilien sur l’art oratoire, que dans les écrits de Cicéron sur le même sujet. […] À l’honneur du peuple romain, les arts d’imagination tombèrent presque entièrement pendant la tyrannie des empereurs.
La Motte ne peut assez s’étonner « du ridicule des hommes qui ont inventé un art exprès pour se mettre hors d’état d’exprimer exactement ce qu’ils voudraient dire ». […] Il n’y avait plus de poètes, plus d’artistes : ne valait-il pas mieux laisser le vers et les formes d’art, et écrire en bonne, simple et franche prose ? […] Pour mettre de l’art, on recourt aux figures de rhétorique et aux machines poétiques : personne n’y croit, mais c’est la mode, et cela fait bien. […] Il faut franchir tout le siècle : nous verrons reparaître inopinément la poésie et l’art, avec André Chénier.
La comédie de l’art recouvra une partie de ses droits sous ce directeur, qui était un acteur excellent. […] Mais dans ses autres compositions il fut moins fidèle aux traditions de la comédie de l’art ; il céda, à son tour, à la tendance qui emportait le théâtre italien vers les complications extravagantes et les spectacles fantastiques. […] Pendant cette période du gouvernement de Richelieu, notre art comique suivait une marche ascendante continue. […] L’Art de la Comédie, tome II, page 6.
« L’art est l’outil, les esprits sont les ouvriers. […] « Victor Hugo. » L’art parnassien est alors à son apogée. […] Ainsi Burty écrit des articles sur le japonisme mis à la mode par les Goncourt d’où sortira un art neuf. […] Richepin y débute en célébrant Arpin, le lutteur, qui vient de mourir, image de l’Art qu’il médite, massif et forain.
Et réciproquement, s’il arrive que le peintre nous répète le même enchantement sur la toile, il semble que nous regardions l’effet de l’art comme celui de la nature. […] Ces tours de l’art ont été fréquents dans tous les temps et chez tous les peuples. […] L’art et l’artiste sont oubliés. […] Il est un art de faire les fonds, surtout aux portraits.
Pour bien apprécier le prodigieux mérite d’invention de Molière, il faut savoir où en était vers le milieu du dix-septième siècle l’art de la comédie, ce que Corneille avait fait pour cet art, ce qu’il laissait à faire après lui. […] Il faut pour les deux arts quelqu’un qui pose. […] C’est un art nouveau : c’est nous qui de spectateurs sommes devenus les personnages. […] Voilà bien des choses entre l’art et le public. […] S’il fut moqué, il fit tourner à l’avantage de l’art les disgrâces de la personne.
On peut dire en passant, que c’est là le grand art des tragédies de l’admirable Racine. […] On y remarque plus de bouffonnerie, que d’art et d’agrément. […] Si les médecins de notre temps ne connaissent pas mieux la nature, ils connaissent mieux le monde, et savent que le grand art d’un médecin est l’art de plaire. […] Il n’y avait pas plus d’art dans les tragédies. […] De plus, comment Despréaux peut-il dire que « Molière peut-être de son art eût remporté le prix » ?
Des paysages francs, naturels, des scènes prises sur le fait, une grande vérité de traits et un grand art d’expression dédommagent de l’action un peu absente, et recommandent, à première vue, cette étude qui est, du moins, une haute et noble tentative. […] Des villes d’Italie où j’osai, jeune et svelte, Parmi ces hommes bruns montrer l’œil bleu d’un Celte, J'arrivais, plein des feux de leur volcan sacré, Mûri par leur soleil, de leurs arts enivré ; Mais, dès que je sentis, ô ma terre natale, L'odeur qui des genêts et des landes s’exhale, Lorsque je vis le flux, le reflux de la mer, Et les tristes sapins se balancer dans l’air, Adieu les orangers, les marbres de Carrare, Mon instinct l’emporta, je redevins barbare, Et j’oubliai les noms des antiques héros, Pour chanter les combats des loups et des taureaux ! […] La Revue de Paris, par suite d’un arrangement ultérieur, va se confondre avec un journal d’art et de littérature intitulé l’Artiste, qui aura désormais le droit d’ajouter à son titre celui de Revue de Paris.
On ne saurait trop le réduire, pour quiconque a médité sur les besoins de la société, auxquels doivent toujours correspondre les tentatives de l’art, aujourd’hui plus que jamais le théâtre est un lieu d’enseignement. […] Il va sans dire que les conditions de l’art doivent être d’abord et en tout remplies. […] Au siècle où nous vivons, l’horizon de l’art est bien élargi.
La comédie, qu’on peut définir l’art de faire servir la malignité humaine à la correction des mœurs, est presque aussi ancienne que la tragédie ; et ses commencements ne sont pas moins grossiers. […] Cette sorte d’intrigue est celle qui produit un plus grand effet, parce que le spectateur, indépendamment de ses réflexions sur l’art du poète, est bien plus flatté d’imputer les obstacles qui surviennent, au caprice du hasard, qu’à la malignité des maîtres ou des valets. […] Mais c’est en traitant de la Comédie chez les Modernes, que l’on donnera une connaissance plus étendue des principes de ce bel art, et des moyens imaginés pour varier l’instruction et les amusements que la bonne comédie doit offrir à la société chez une nation policée.
Les poëtes viennent d’atteindre l’art qu’ils avaient entrevu. […] C’est que l’écolier, du premier coup, avait porté l’art plus loin que les maîtres. […] Mais ceci n’est rien auprès de l’art qu’elle déploie dans chaque phrase prise en détail. […] Cet art, qui est le propre de l’âge classique, est celui d’exprimer les idées générales moyennes. […] L’Essai sur la critique ressemble aux Épîtres et à l’Art poétique de Boileau, excellents ouvrages qui ne sont plus lus que dans les classes.
Aristote fit voir après Platon que la véritable philosophie est le guide secret de l’esprit de tous les arts. […] La poésie, non plus que les autres arts, n’a pas le secret de ses propres charmes et de sa puissance. […] À ses yeux, la poésie, ou l’art en général, est une imitation, comme le lui avait appris Platon, son maître. […] Horace et Boileau, dans leur Art poétique, sont plus parfaits, mais moins sagaces. […] L’art a fait beaucoup sans doute pour les dialogues de Platon, mais la réalité a fait encore plus.
Que les Allemands aient eu cette légèreté de main une fois, dans l’art, c’est bien extraordinaire, mais cette légèreté de main, ils ne l’ont eue, pourquoi ? […] À ce sujet, il raconte qu’à Port-Saïd, il a vu, caché, la toilette d’une colonie de femmes indiennes, embarquée pour je ne sais où, et dont l’adhésion des vêtements au corps, obtenue comme au moyen d’épingles, était faite absolument par l’art du drapement, et cet art de fermeture sans épingles, sans boutons, sans nœuds de cordon s’étend jusqu’aux pantalons des hommes, ces pantalons simplement drapés, que le prince Louis retrouvait encore ces temps-ci au Japon. […] Parmi ceux-ci, les montres, ces petits chefs-d’œuvre de l’art industriel avec les délicates imaginations de leur riche décor, sont parmi les bibelots que j’aime le mieux. […] Après la lecture de la pièce, Ajalbert m’entraîne chez Carrière qui habite tout près, à la villa des Arts. […] Ce monument d’art, le comité de souscription l’offre par mon intermédiaire à la ville de Rouen, et le remet entre les mains de son maire.
Mais avant de l’analyser en lui-même cet art, disons un mot de cette passion sereine et impersonnelle du beau qui possède certaines âmes d’élite venant en ce monde, qui les séquestre, pour ainsi dire, des vulgarités de notre vie à nous, active mais triviale, et qui les nourrit sans aliments visibles (excepté peut-être quelque amour sans récompense, voilé et innomé dans le rêve du cœur). […] Son costume est négligé, mais gracieux de coupe ; on voit qu’il a le sentiment du beau dans la draperie du buste, que peu lui importe l’étoffe, mais que le pli a de l’art involontaire dans sa tenue. […] Le poète, ce chercheur du beau dans l’histoire comme dans la nature et dans l’art, devenait donc républicain par naissance comme par nécessité. […] Les jeunes hommes sérieux tels que Louis de Ronchaud n’ont point de ces irrévérences ; pour eux, ce qui est beau est dieu ; ils ne profanent ni une pierre ni un homme, de peur d’y profaner une divinité cachée dans l’art ou dans l’artiste. […] » XLII Et en effet, le jeune maître faisait en silence deux choses mystérieuses et presque sataniques pour le pauvre ignorant de nos campagnes et de nos villes ; il ressuscitait la chevalerie par la poésie dans ses chants, et il ressuscitait le grand art dans ses veilles en écrivant son Phidias ; Phidias, l’art incarné, le créateur des marbres, le dieu de la sculpture et de l’architecture, le révélateur du beau dans la pierre, le créateur enfin du Parthénon, cette cathédrale d’une religion qui allait mourir dans un temple qui ne mourra pas !
L’Art musical de M. […] I : création d’un art allemand. […] » Le théâtre, au contraire, exerce une influence directe et immédiate, et est le seul art qui soit accessible au peuple en entier […] Appuyé sur les documents que fournissent l’histoire de l’église, la littérature de l’époque et les arts plastiques, M. […] Sannes, 1869 — ont été traduits encore pour le guide musical et tirés à part en brochures in-8° : Art et Politique,, par M.
Et chez cette femme, une énergie de caractère, une force de volonté, un art du mystère auxquels rien ne peut être comparé. […] Le public… trois ou quatre hommes, pas plus, tous les trente ans, lui retournent ses catéchismes du beau, lui changent, du tout au tout, ses goûts de littérature et d’art, et font adorer à la génération qui s’élève ce que la génération précédente réputait exécrable. […] « Maintenant par les écrits, par la parole, par les achats… qu’est-ce qui a imposé à la génération aux commodes d’acajou, le goût de l’art et du mobilier du xviiie siècle ? […] , paru en 1851… oui, en 1851… — qu’on me montre les japonisants de ce temps-là… — Et nos acquisitions de bronzes et de laques de ces années chez Mallinet et un peu plus tard chez Mme Desoye… et la découverte en 1860, à la Porte Chinoise, du premier album japonais connu à Paris… connu au moins du monde des littérateurs et des peintres… et les pages consacrées aux choses du Japon dans Manette Salomon, dans Idées et Sensations… ne font-ils pas de nous les premiers propagateurs de cet art… de cet art en train, sans qu’on s’en doute, de révolutionner l’optique des peuples occidentaux ? […] Léon Sari, et les frères Hanlon-Lee qui ne sont pas seulement les souples gymnastes que tout Paris applaudit, mais qui raisonnent encore de leur art comme des savants et des artistes.
Ainsi, il aurait eu l’art de placer ses souvenirs et aurait cru avoir des idées. […] L’art des mots, réduit à lui-même, a préoccupé tellement, toute sa vie, ce bel esprit frivole, qu’il n’a jamais vu dans la critique et dans l’histoire qu’une occasion de les arranger. […] À proprement parler, il n’y a pas d’histoire de la tribune, par l’impérieuse et souveraine raison qu’il n’y a pas d’art de la parole, si ce n’est pour les rhéteurs qui se vantent de l’enseigner. L’art de la parole n’existe pas en soi. […] c’est toujours le même Villemain en art oratoire qu’en littérature qui commet de ces bévues-là.
À vingt ans, la princesse Mathilde fut mariée à un riche sujet russe, ami des arts, qui vivait habituellement en Italie. […] Parmi les différents arts, ceux de la forme et du dessin sont, à ses yeux, les préférés ; son goût, à cet égard, est même prédominant, et il entre un peu de condescendance pour ses amis et pour sa société dans ce qu’elle accorde à cet autre art si transportant et si ravissant, mais un peu vague d’objet et de moyens, à la musique. […] On serait heureux d’avoir donné une idée, qui ne fût pas trop incomplète, d’une nature riche, loyale, généreuse, d’une personne qui, dans le plus haut rang, unit le don de beauté au feu sacré de l’art ; qui a le courage de ses pensées et le charme de ses sentiments. Comprendre ainsi la vie, quand on est des privilégiés du sort, accorder le moins possible aux opinions vaines, s’en remettre à l’impression vraie, à la lumière naturelle ; distribuer ce qui vous est donné en surcroît ; remplir sa part d’un rôle auguste, et mener une existence ornée, mais simple ; jouir des arts, des élégances, de la nature aussi et de l’amitié, ce n’est pas seulement avoir un beau lot, ce n’est pas seulement savoir être heureuse, c’est répandre le bonheur et cultiver l’affection autour de soi.
Plus d’art fainéant. […] Rester fidèle à toutes les lois de l’art en les combinant avec la loi du progrès, tel est le problème, victorieusement résolu par tant de nobles et fiers esprits. […] Oui, génies, oui, poètes, philosophes, historiens, oui, géants de ce grand art des siècles antérieurs qui est toute la lumière du passé, ô hommes éternels, les esprits de ce temps vous saluent, mais ne vous suivent pas ; ils ont vis-à-vis de vous cette loi : tout admirer, ne rien imiter. […] Ainsi que vous, ils ont pour seul point de départ, en dehors d’eux, l’être universel, en eux, leur âme ; ils ont pour source de leur œuvre la source unique, celle d’où coule la nature et celle d’où coule l’art : l’infini. […] Non, dans tout cet art vaste et sublime de tous les peuples, dans toutes ces créations grandioses de toutes les époques, non, pas même toi, Eschyle, pas même toi, Dante, pas même toi, Shakespeare, non, ils n’ont ni modèles ni maîtres.
Ces deux ouvrages sont estimables par la délicatesse des sentimens, par le tour heureux de l’expression, par un mêlange agréable de vérité & de fiction, par l’art d’attacher l’esprit & d’intéresser le cœur. […] Il a l’art de faire passer dans l’esprit de ses lecteurs les sentimens les plus déliés, les fils les plus imperceptibles de la trame du cœur. […] Cette sombre mélancolie qui domine dans certains morceaux de ce dernier écrivain, caractérise les Romans de M. d’Arnaud, bon prosateur, poëte touchant, qui sçait penser & écrire, & qui dans toutes ses productions a l’art de peindre à l’esprit & de remuer le cœur. […] Je n’aurois pas dû oublier pourtant la Comtesse de Gondez : ouvrage intrigué avec art & écrit avec délicatesse. […] de Querlon, en est quelquefois trop maniéré, & l’affectation d’esprit, ou l’art, en un mot, y laisse trop peu apercevoir la nature.
Plus coupable que le public, parce qu’elle devrait le diriger et le conduire, la critique de théâtre a fait au comédien, et surtout à la comédienne, une position exceptionnelle, anarchique et folle, à ne voir même que le théâtre et les intérêts de l’art dramatique ; car, si l’on place dans le ciel le simple interprète d’une œuvre de talent ou de génie, où placera-t-on celui qui l’a faite ? […] là où il n’y aurait ni acteurs ni actrices parmi ces gens du monde en train de cabotiner quelque peu, le théâtre de société manquerait d’éclat comme art et comme luxe ; il serait inférieur et peu compté dans l’opinion. […] Ceux-là qui croient, avec la bêtise mystique des fakirs, que l’art est le but de la vie, nous parleront-ils des intérêts de l’art à propos des affectations artistiques des petits jeunes gens du temps actuel et de la comédie de société ? […] Nous ne passons pas notre temps à foudroyer des tourterelles ; seulement il nous est impossible d’admettre, et nous vous défions de la supposer, l’innocence ou la moralité de ces comédies de société où le comédien est mandé pour apprendre le rôle à monsieur, et la comédienne pour l’apprendre à madame et à mademoiselle, et où, dans le laisser-aller de la coulisse, les professeurs peuvent faire échange de fonction et intervertir leur personnage avec la souplesse de leur art et les habitudes de leur état !
Dans ses Études sur le Combat, le colonel Ardant du Picq nous apparaît comme un esprit doué tout à la fois de réflexion et d’initiative, et, tour à tour, comme un historien, et, en matière de science et d’art militaire, comme un homme d’idées et un réformateur. […] Il y a même de très grands écrivains, de très grands artistes, qui emploient leur talent et leur art à fausser l’histoire et à faire d’elle la servante ou d’un système ou d’un parti ; par cela seul se déshonorant de ce qu’ils l’ont déshonorée… Michelet est de ceux-là, par exemple, et la critique peut pleurer sur lui, parce qu’elle sait tout ce qu’en le perdant la vérité y a perdu. […] Et, en effet, je l’ai dit plus haut, mais il faut le répéter à ceux qui ont appelé la guerre et son art du nom avilissant de militarisme pour mieux l’insulter, tout se passe, dans tous les mondes possibles, comme dans le monde de la guerre ; et ce que dit l’auteur des Études sur le Combat de la discipline des armées, on peut le dire de toutes les institutions de l’humanité, — religion, législation, gouvernement et art même, car l’art a ses règles, — qui toutes ont leurs disciplines, ces institutions, ou, pour parler mieux, qui ne sont que des disciplines sans lesquelles l’homme, faible créature, s’abolit, s’efface et se réduit au rien qu’il est , comme disait Bossuet !
Gœthe, en effet, cet habile, qui aurait le plus grand génie si le génie était jamais une résultante d’habileté ; Gœthe, ce savant metteur en œuvre, ce roué d’art, de moyens et de réussite, qui dans sa vie fut ce qu’il est toujours dans ses ouvrages : un homme d’effet calculé ; Gœthe, enfin, le puissant jeteur de poudre aux yeux, paraîtra, à ceux qu’il n’a pas tout à fait aveuglés, effroyablement diminué par les révélations d’Eckermann. […] Mais que Gœthe le fût, c’est donc qu’on peut s’épuiser autant à lécher des œuvres qu’à en produire, car Gœthe, en art, est, avant tout et après tout, un lécheur. […] Du haut de cette immobilité empyréenne, il se jugeait, lui, ses ouvrages, le monde de l’art, de la science, de la politique ; il jugeait tout : il était critique. […] la véritable et la seule originalité de Gœthe, de cet Allemand qui, comme les autres Allemands, était idéaliste et poète, c’est d’avoir, Ixion infidèle, quitté la nuée pour embrasser la terre ; c’est d’avoir fait de la vie un art, bien plus qu’il n’a fait de l’art une vie ; c’est de s’être préoccupé, jusqu’à nous en faire mal au cœur, de l’utilité et de la pratique ; de jouer, enfin, au petit Machiavel, même littéraire, en n’étant qu’un petit Jérémie Bentham.
Il est de race gauloise comme La Fontaine et Boileau, — non pas Boileau, le froid et didactique auteur de l’Art poétique, mais Boileau, le chantre coloré et chaud du Lutrin. […] , mais il n’a jamais eu les tristesses voulues d’une époque aussi artificielle dans ce qu’elle appelait son inspiration que violente à froid dans ses procédés littéraires, et qui fit art jusque des larmes. Art facile, du reste ! […] … Corrégien de coloris, sanguin blond, qui peint rose plutôt qu’écarlate, il se tient dans un milieu d’art réfléchi, mais qui quelquefois pousse en haut et devient superbe, comme un jet d’eau ensoleillé jaillissant tout à coup d’une mer calme. […] C’est partout la même simplicité, le même fini, le même art caché et profond, dans les pièces les plus attendries comme dans les plus riantes ; car Saint-Maur, ce vivant et ce jeune toujours, a les deux émotions du rire et des larmes.
Mérimée, avec des reflets de littérature étrangère transportés avec art et surtout avec ménagement, obtint dans la littérature de son pays une originalité relative, et ce succès de nouveauté qui est au succès du talent ce qu’est à un cerf-volant brillant et bien construit le fort coup de vent qui l’emporte. […] … Esprit ferme et rusé, plein d’entregent et de rétorsion, il se conduisit comme ces habiles coquettes qui quittent le monde avant que le monde ne les quitte, et il essaya de masquer, sous des travaux plus ou moins tourmentés d’art ou d’histoire, l’impuissance de l’inventeur qu’il sentait venir… II D’autant que l’inventeur, chez M. […] … A ce compte-là, s’il fallait l’admettre, l’art du roman ne serait plus que la puissance « de bâtir un Alhambra sur une pointe d’aiguille », et l’art dramatique, composé autrefois de caractères, de passion et d’esprit — le plus que l’on pouvait en mettre, et on n’en mettait jamais assez ! — ne serait plus, à son tour, qu’une petite mécanique plus ou moins ingénieusement construite, une espèce de tourniquet à émotions, qu’on serrerait d’autant plus fort qu’on voudrait en finir plus vite… Seulement, disons-le, si l’art n’est conçu que comme une opération chirurgicale, — non nécessaire, — et que plus tôt c’est terminé, mieux ça vaut, pourquoi commencer ?
À part l’admiration dont Archiloque frappa les Grecs, nous savons qu’il fut un des modèles d’Horace, et que l’art si studieux et si vif du lyrique romain était tout parsemé de réminiscences d’Archiloque, d’Alcée, de Stésichore, de Sapho. […] Ce nom continua de vivre dans la mémoire poétique de la Grèce, souvent blâmé par les philosophes, mais cité, chanté dans toutes les fêtes : et, lorsque la Grèce libre et parlant à la tribune et sur le théâtre eut cessé, lorsque sa langue et son génie ne furent plus qu’un luxe de cour et une étude de cabinet dans Alexandrie et les villes grecques d’Asie, nul monument de l’art antique ne fut plus imité, plus commenté que le hardi génie d’Archiloque. Sa licence s’oublia, devant son art profond de langage ; on le médita comme Pindare et comme Homère lui-même ; et, dans cette riche série de modèles que le génie grec, à ses âges divers, offrit au goût laborieux des Romains, il fut l’objet de l’émulation des plus habiles. […] Sur le sommet des mâts un nuage s’est arrêté tout droit, signe de la tempête ; puis vient la terreur qui suit un danger subit. » Quelquefois encore, ces restes brisés de la couronne du poëte grec ne sont que des traits rapides et simples, une parole délicate et passionnée, un coup de pinceau qui ne s’oublie pas52 : La jeune fille triomphait, tenant à la main une branche de myrte et une fleur de rosier ; et ses cheveux épars lui couvraient le visage et le col » ; ou bien encore, avec moins de simplicité, cette autre peinture qui rappelle celle de Sapho : « Semblable passion d’amour, pénétrant au cœur, répandit un nuage épais sur les yeux et déroba l’âme attendrie. » Horace, dans sa vive étude des Grecs, avait sans doute gardé bien d’autres souvenirs d’Archiloque ; et quelques-unes de ses odes, son dithyrambe à Bacchus et d’autres, ne doivent être qu’une étude d’art et de goût substituée au tumulte des anciennes orgies, où le poëte de Paros se mêlait, en chantant : « Le cerveau foudroyé par le vin, je sais combien il est beau d’entonner le dithyrambe, mélodie du roi Bacchus. » Archiloque, s’il faisait des hymnes, devait être, ce semble, le poëte lyrique des Furies et non des Dieux. […] Il donna par sa verve et par ses vices, par la pureté de son art et la licence de son génie le premier exemple de ce que serait un jour la comédie d’Aristophane, dans la démocratie d’Athènes.
Elle était moins un art qu’une croyance. […] Les arts sont cultivés dans un pays ; c’est la langue commune. […] Le commerce, et la culture des arts. […] Où en étaient la civilisation, les arts, la gaye science ? […] Philippe-Auguste, ambitieux et politique, fut grand protecteur des arts et des lettres.
Les entretiens du poète réformateur avec ses amis roulaient exclusivement sur l’art d’écrire. […] La timidité de Patru le trompa sur le génie de La Fontaine et de Boileau, qu’il dissuada, dit-on, l’un de mettre ses fables en vers, et l’autre de faire l’Art poétique. […] La grammaire, c’est l’Art de parler ; la logique, c’est l’Art de penser. Nous avons eu tort de ne pas nous en tenir là, d’étendre la définition de la grammaire à l’art de parler et d’écrire correctement, de réduire celle de la logique à l’art de raisonner. […] C’est l’art de parler qui nous apprend l’art de penser.
Que devient le poète rendu à ses propres maximes et à son art, qui l’éloignent de la contagion des cours ? […] Voyons néanmoins avec quel art ils sont liés au tout, de façon à paraître nécessaires à l’ensemble. […] Telles sont les beautés qui demeurent toujours originales, et qu’il faut savoir ou créer ou reproduire avec art dans la poésie épique. […] des arts brillants la pompe enchanteresse, « Les trésors du savoir, les fruits de la sagesse ! […] Au surplus, nous lui devons un hommage reconnaissant pour avoir fait contribuer les arts de la France à la publication du chef-d’œuvre portugais.
Ils font se succéder, en chaque journée de leur vie, des productions, inégales sans doute, mais dont quelques-unes sont le chef-d’œuvre de la combinaison humaine et de l’art ; ils savent l’art déjà, ils l’embrassent dans sa maturité et son étendue, et cela sans en raisonner comme on le fait autour d’eux ; ils le pratiquent nuit et jour avec une admirable absence de toute préoccupation et fatuité littéraire. […] Brossette, peut tenir lieu d’un traité complet de peinture, et l’auteur y a fait entrer toutes les règles de cet art admirable (et Despréaux citait les mêmes vers que nous avons donnés plus haut). […] Je lis dans Cizeron-Rival le trait suivant, qui éclaire et précise le passage de l’Art poétique : « Deux mois avant la mort de Molière, M. […] Boileau dut écrire, ce me semble, le passage de l’Art poétique sous l’impression qui lui resta du précédent entretien. […] Mais bientôt, en l’embrassant d’une plus équitable manière, en la comparant, selon la philosophie et l’art, avec d’autres renommées des nations voisines, il l’a mieux comprise encore et respectée.
Lorry qui l’accusaient de trop efféminer la science et d’amollir le caractère de la profession en vue du succès : Mais s’il ne devait cet accueil, remarquait-il, qu’aux impressions d’une âme douce et compatissante, à cette pénétration, à cette sagacité particulières qui font deviner aux uns ce que les autres n’apprennent que par de longs discours, à cet art d’interroger la nature sans soulever le voile de la décence et sans alarmer la pudeur, combien ces considérations ajouteraient à notre estime pour M. […] On dit volontiers du mal de la rhétorique, et à moi-même cela a pu m’arriver quelquefois : pourtant dans ces genres officiels et où la cérémonie entre pour quelque chose, dans ces sujets que l’on ne choisit pas et que l’on ne va point chercher par goût, mais qui sont échus par le sort et imposés avec les devoirs d’une charge, il y a un art, une méthode et des procédés de composition qui soutiennent et qui ne sont nullement à dédaigner ; si on peut les dénoncer et les blâmer par instants en les voyant trop paraître, on souffre encore plus lorsqu’ils sont absents et qu’au lieu d’un orateur on n’a plus devant soi qu’un narrateur inégal, à la merci de son sujet, avec tous les hasards de la superfluité ou de la sécheresse. Vicq d’Azyr laisse trop voir sans doute ses intentions et ses moyens ; son art n’est pas de ceux qui se dérobent : chez lui pourtant ce qu’on est en droit d’appeler la rhétorique ne se sépare jamais de l’idée et de l’emploi même du talent. […] Quand ces développements concernent l’art même dont il traite et les sciences dont il est l’organe, ce ne sont point à proprement parler des lieux communs, ce sont des parties intégrantes et naturelles de son sujet. […] Par exemple, dans l’Éloge de M. de Montigny, amateur des sciences et des arts et administrateur éclairé, il nous le fait voir dans sa jeunesse tout près d’entrer dans une compagnie célèbre3 qui façonnait tous ses membres à son usage, mais contrarié heureusement dans son désir et se félicitant plus tard d’avoir échappé au danger des sectes, dont le grand inconvénient, dit Vicq d’Azyr, est « de ne voir dans le monde entier que deux partis, l’un pour lequel on ose tout, et le parti opposé contre lequel on se permet tout ».
Il lui fallut un art, un effort savant et continuel, toute une tactique composée d’adresse et de bonté, tempérée de froideur et de compassion ; et c’est où nulle autre, je crois, ne l’a surpassée. Quelques-uns lui en voudront et trouveront qu’il est disproportionné, vraiment, d’avoir mis un art si accompli et si raffiné au service d’une destinée si virginale. Mais il est assez, depuis Ariane et Didon jusqu’à Mlle de Lespinasse et au-delà, — bien assez de lamentables victimes d’une passion délirante et sacrée : laissons sous sa couronne pure une figure unique, la plus savante des vierges dans l’art de dompter et d’apprivoiser les cœurs. […] Un art et une grâce de Mme Récamier, c’était de faire valoir la personne avec qui elle causait ; elle s’y appliquait, en s’effaçant volontiers ; elle n’était occupée que de donner des occasions à l’esprit des autres, et on lui savait gré même de ses demi-mots, de ses silences intelligents. […] Ainsi la description du château de Maintenon, malgré l’intérêt qui s’attache à un si noble séjour, méritait d’être supprimée : la plume de M. de Chateaubriand, en ces derniers écrits, n’est plus elle-même. — L’observation faite, il n’en est pas moins vrai que ces deux volumes nous offrent sur une femme qui fut un modèle de beauté et de bonté, et sur le monde qu’elle eut le charme et l’art de grouper jusqu’à la fin autour d’elle, une quantité de pièces intimes, agréables, imprévues, qui permettent aux nouveaux venus, s’ils en sont curieux, de vivre pendant quelques soirées dans une intimité inespérée et des plus choisies.
Brizeux me fait l’effet de ces officiers supérieurs dans une arme spéciale, savante, qui, voués au noble génie de leur art, s’y tiennent, sans vouloir jamais d’avancement ailleurs. Le vivre plus facile, la popularité courante, au prix de son art chéri, au prix d’une seule des perles de son loisir, il n’en a pas voulu. […] Voilà de ces redoublements de nature autant que d’art, et qui remplissent à la fois la fantaisie et le cœur. […] Ce cadre heureux fourni par la réalité, le poëte l’a simplement et largement rempli ; il est ici dans sa première manière et s’abandonne avec moins d’art à une sensibilité plus facile et plus courante. […] Ta jeunesse aima les plus belles choses : L’art, la liberté, fleurs au ciel écloses !
Et ces deux journaux sont spécifiés littéraires, et le public s’occupant d’art les lit de préférence. […] C’est un logicien dogmatique, qui a rangé toutes les productions de l’esprit dans des catégories définies, et a de plus séparé les catégories bonnes des mauvaises, au nom d’une certaine destination morale de l’art qu’il a décrétée nécessaire en lui-même. […] Il considère le fait d’écrire comme une carrière d’État, qui doit être utile à la nation, et le rôle du critique comme celui d’un fonctionnaire ; il est convaincu au même point que les professeurs de l’Académie des Beaux-Arts perpétuant l’enseignement de la peinture sans même admettre l’hypothèse que l’art ne s’enseigne pas. […] Si, lors du mouvement symboliste, à peine terminé depuis trois ans après avoir occupé douze années, lors de cette confuse aspiration de la jeunesse française vers une réunion de tous les arts sous l’influence de Wagner et de l’internationalisme, un critique de haut sens moral s’était levé pour arrêter les polémiques inutiles et substituer la logique aux dédains des critiques et aux saillies des nouveaux venus, il aurait précisé l’un des plus curieux mouvements intellectuels du siècle, et peut-être développé deux ou trois conséquences fécondes de cette crise pleine d’intentions et de promesses ; il y avait là un rôle considérable et bienfaisant à remplir, le rôle de Heine dans le second romantisme allemand, après Schlegel et Tieck, le rôle de Baudelaire, de Gautier et de Nerval, en 1840, le rôle de Taine dans les débuts du rationalisme, le rôle de William Morris dans les tentatives de socialisation d’art qui suivirent le préraphaélisme, le rôle professoral de César Franck dans l’école symphonique après Wagner ; ce rôle, personne ne se présenta pour le tenir, et si le symbolisme a avorté, s’est restreint à un dilettantisme de chapelle alors qu’il était parti pour une bien plus grande tentative, c’est à cause des obstinées plaisanteries des critiques superficiels, à cause du manque d’intelligence logique dans l’école, autant et plus qu’à cause des défauts eux-mêmes des symbolistes. […] L’essai est la forme supérieure de la critique ; il se rattache directement aux sciences psychologiques et contemplatives, il touche autant à la poésie qu’à la philosophie, il est l’expression morale des arts.
Je pense qu’on devrait donner dans les écoles une idée de toutes les connaissances nécessaires à un citoyen, depuis la législation jusqu’aux arts mécaniques, qui ont tant contribué aux avantages et aux agréments de la société ; et dans ces arts mécaniques, je comprends les professions de la dernière classe des citoyens. […] D’ailleurs il y a dans les arts mécaniques les plus communs un raisonnement si juste, si compliqué, et cependant si lumineux, qu’on ne peut assez admirer la profondeur de la raison et du génie de l’homme, lorsque tant de sciences plus élevées ne servent qu’à nous démontrer l’absurdité de l’esprit humain. […] Au lieu de donner six mois et plus à l’étude de la logique et de la métaphysique, et au bel art de l’argumentation, je crois qu’on ferait beaucoup mieux de s’appliquer tout de suite aux mathématiques, dont c’est le propre de rendre le raisonnement plus exact et l’esprit plus juste. […] Indépendamment des examens, le candidat est obligé de soutenir publiquement des thèses, sous la ’ présidence d’un professeur, contre les attaques des autres, et ce n’est qu’après avoir subi toutes ces épreuves qu’il reçoit le bonnet de docteur en théologie, ou en droit, ou en médecine, ou de maître ès arts en philosophie. […] A mesure que les peuples se civiliseront, le nombre des langues essentielles augmentera ; car ce qu’il y a de moins douteux, c’est que les arts, les sciences et les lettres voyagent, et qu’il est impossible de les fixer.
À mesure que la science va le dépouillant de ses espérances et de ses fiertés, l’art le relève et l’ennoblit. […] La littérature et l’art seuls peuvent le conserver au cœur de l’homme, et l’homme meurt de ses rêves brisés. […] Maginard est fort habile en cet art et il ne sent pas le rouge lui monter parfois au visage. […] Chacun de ces deux écrivains a sa personnalité différente, son idéal d’art différent, sa méthode différente. […] Assez de vieux arts morts et de vieilles littératures pourries !
Nous y voyons un manque d’art autant qu’un défaut de tact. […] C’est l’art de la composition. […] Le premier il donna droit de cité dans l’art aux humbles et aux ignorés. […] Beau, une grande âme au service du grand Art. […] L’art et l’héroïsme du passé combattaient encore pour cette terre sainte.
Portoul ; non-seulement il se raille volontiers de la direction humanitaire dans la critique ou dans l’art, mais il se passe très bien, dans l’une et dans l’autre, d’un point de vue moral et d’un but utile quelconque ; il lui suffît en toutes choses de rencontrer ou de chercher la distinction, la fantaisie, l’éclat, la rareté de forme ou de couleur. Il est de ce qu’on appelle l’école de l’art pour l’art, et il en a même poussé quelques-uns des principes dans l’application avec une rigueur et une nouveauté qui lui font une place à part.
Tout le monde, en effet, a deviné le motif qui amenait le poëte devant le roi75 ; et ce motif n’était pas seulement une affaire privée : c’était aussi, et avant tout, une grave question d’art et de liberté que M. […] Ce que l’histoire consacre, ce qu’elle imprime dans ses livres, professe dans les chaires, et invoque à tous moments dans les discussions de l’une et l’autre Chambre ; ce que les journaux répètent et portent à la fois sur tous les points du pays, cela même deviendrait-il dangereux au théâtre, sous un point de vue tout impartial, et à travers le prisme purificateur de l’art ? […] Ils aspirent aux jouissances de l’art, si puissantes à concilier et à purifier les âmes, que de longs ressentiments ont aigries ; et s’ils paraissent commencer en cette voie une sorte de révolution, celle-là du moins se passera tout entière dans la région des idées, dans le domaine de la poésie, et c’est d’ailleurs presque seulement de l’époque de la Restauration qu’elle date, et par des hommes de la Restauration qu’elle est tentée.
Or le goût n’est que l’art de connaître et de prévoir ce qui peut causer ces impressions. […] Je ne reprocherai point à Shakespeare de s’être affranchi des règles de l’art ; elles ont infiniment moins d’importance que celles du goût, parce que les unes prescrivent ce qu’il faut faire, et que les autres se bornent à défendre ce qu’on doit éviter. […] Les règles de l’art sont un calcul de probabilités sur les moyens de réussir ; et si le succès est obtenu, il importe peu de s’y être soumis.
Charles Morice À celui-ci exceptionnellement soyons sévère, car il a fait tout ce qui était en lui pour compromettre l’art qu’il croyait servir. […] Gaston Dubedat, en 1887, fonda les Écrits pour l’Art, petite revue qui parut jusqu’en décembre 1892 et où combattirent pour leurs idées les jeunes écrivains partisans de M. […] Le rêve scientifique domine cette œuvre, où l’auteur, dans son écriture, veut synthétiser les différentes formes d’art : littéraire, musicale, picturale et plastique.
Le roi fait concourir à leur éclat et à leur charme, la magie des arts de l’imagination, la puissance des talents. […] En 1660, il fut avait donné la salle du Palais-Royal ; en 1663, il le comprend pour une gratification annuelle de mille francs entre les hommes illustres dans les arts. […] Ces quatre hommes n’ont jamais été considérés que sous leurs rapports avec la gloire littéraire de la France, et avec celle des branches de l’art que chacun d’eux a le plus particulièrement cultivée.
Son Discours sur l’Histoire universelle est un chef-d’œuvre, qui réunit tout à la fois ce que le génie a de plus sublime, la politique de plus profond, la morale de plus sage, le style de plus vigoureux & de plus brillant, l’art de plus étonnant. […] Son éloquence y est soutenue, mâle, abondante & naturelle ; elle dédaigne le faux brillant des antitheses, ces tours emphatiques qui ne prouvent que la sécheresse de l’imagination & la disette de l’esprit, ces details recherchés, ces portraits fantastiques, plus faits pour plaire que pour corriger ; elle s’abandonne à la chaleur qui l’enfante, & n’emprunte de l’art que ce qu’il faut pour l’embellir, ou plutôt elle embellit l’art même.
Sandoz rapetisse étrangement le domaine de l’art, et, ce qu’il y a de curieux, c’est que cet enragé croit l’agrandir ! […] Zola lui-même qui, bien inspiré ce jour-là, a dit que l’art était « la réalité vue à travers un tempérament » ? […] Claude aime Christine, puis est ressaisi tout entier par son art : c’est aussi simple que cela. […] Zola l’écrase sous une impuissance absolue et sous un malheur absolu Et Claude Lantier n’est pas seulement un artiste amoureux de son art : c’est un possédé de la peinture, un fou, un démoniaque en qui la passion unique a étouffé tout sentiment humain. […] Et lui : « Non, je veux peindre, j’appartiens à l’art, au dieu farouche : qu’il fasse de moi ce qu’il voudra Mais je suis vivante, moi !
L’affaiblissement de la rime aux deux derniers siècles ne fut qu’un signe de lassitude ou de décadence : le vers classique à rimes pauvres n’est que le produit d’un art anémié et titubant. […] On peut facilement jouir d’une représentation modeste de cet art antique et « intégral », un soir, dans une rue calme du vieux Paris. […] Elle a sans doute été plus longtemps exclusivement fidèle à la musique, mais en séparant, pour ne les rejoindre que dans l’effet produit, deux arts déjà trop perfectionnés pour se confondre. […] C’est là un art agréable, mais ce mouvement est-il vraiment nouveau dans la versification française ? […] Je crois que l’art suprême est de donner des illusions d’harmonie.
Rien de plus, mais avec quel art d’avilir et quelle bassesse d’outrage ! […] L’Infâme, aujourd’hui, c’est l’Art, l’Art ennemi qui pourrait relever les cœurs. […] Il a eu l’honneur de représenter l’Art, le pauvre Art, qui convient à notre génération comme un collier de perles à un goîtreux… et il a été vaincu, l’infâme, vaincu et écrasé comme une flûte par un pachyderme. […] Leur art, à ces contemplatifs patients et solitaires, était, au contraire, un art tout chrétien. […] Grasset, par qui cet art vient de renaître.
Mais cet art du moyen âge, c’est le christianisme qui l’a inspiré. […] Aussi bien l’art de Benvenuto n’est pas tout l’art de la Renaissance. […] Quelques pages cependant y annonçaient déjà l’art du récit. […] Art Roë en donne ici un remarquable exemple. […] Il parle en bons termes de l’art de Kiriu-Kocho-Kouaïcha.
Voyez ce qu’elle inspire aux arts, cette démocratie que vous vantez ! […] Les lettrés seuls comprennent la plupart des sujets traités par les arts. […] Il n’était pas possible que de toutes ces notions fausses sortît spontanément un art pur. […] Mettre tout son art dans sa vie et toute sa vie dans son art, comme le fait Gœthe, c’est un divin mensonge, Marcel, et par qui l’on gagne l’immortalité. […] En effet, plus qu’aucun poëte, Dante a mis, comme vous le dites si bien, toute sa vie dans son art ; mais son art dans sa vie, je ne l’y saurais voir.
Il a voulu mettre de l’art dans chaque page, dans chaque phrase et presque dans chaque mot. […] Comment l’affection, le mal sacré de l’art, la science successive de la vie, ont-elles, par degrés, amené en lui cette transformation, ou du moins cette alliance du poète au savant, de celui qui chante à celui qui analyse ? […] Il repousse avec une sorte de pudeur virile la tentation d’amuser les désœuvrés des secrets de sa vie ou des mystères de son cœur… l’art est toujours chez lui, en un sens, philosophique… Chacun de ses poèmes : Moïse, Éloa, n’est, si l’on veut bien le prendre, qu’un admirable symbole… C’est une succession de petits ou de grands drames dont chaque partie se relie par une pensée unique, mais l’artiste, nulle part, ne se sacrifie au penseur ; il garde tous ses droits, nous enivre et s’enivre lui-même de poésie, orne d’une grâce infinie chaque détail. […] Je voudrais essayer de montrer, en m’en tenant aux cinq morceaux dont j’ai cité les titres, en quoi ces œuvres d’un art raffiné traduisent quelques-unes des plus profondes aspirations de l’âme contemporaine.
Marmontel, qui juge quelquefois sainement des grands Maîtres, dit, en parlant de Lafontaine, que nous n’avons pas de Poëte plus riant, plus fécond, plus varié, plus gracieux, & plus SUBLIME ; il recommande la lecture de ses Fables aux jeunes Poëtes, pour en étudier la versification & le style ; où les Pédans, ajoute-t-il, n’ont su relever que des négligences, & dont les beautés ravissent les hommes de l’Art les plus exercés & les hommes de goût les plus délicats * . […] Sans chercher à pénétrer les motifs de l’Auteur de l’Art Poétique, on pourroit assurer que ce Poëme cesse d’être complet, puisqu’il n’y dit rien de la Fable, genre le plus capable de faire honneur à notre Parnasse & à notre Langue. […] Il seroit aisé de pousser plus loin les citations ; mais c’est plus qu’il n’en faut pour faire dire de Lafontaine, qu’en qualité de Philosophe il connut la vraie sagesse & l’art de la faire aimer, comme on a dit de lui, en qualité de Poëte : Il peignit la Nature, & garda les pinceaux. […] Si Boileau n’a pas fait mention de Lafontaine dans son Art Poétique, il a beaucoup parlé de ce Poëte dans sa Dissertation sur Joconde, où il le propose comme un modele de naturel & de naïveté.
Aucun Poëte n’a mieux connu l’art de tout mettre à sa place, de ne faire dire à ses personnages que ce qu’ils doivent dire, & de régler toujours leurs moindres mouvemens sur la nécessité d’agir ; c’est par-là principalement que Racine s’est distingué des autres Tragiques. […] Voilà Corneille, qui, sans modele, sans guide, trouvant l’Art en lui-même, tire la Tragédie du chaos où elle étoit parmi nous. Un Homme d’esprit étudie l’Art ; ses réflexions le préservent des fautes où peut conduire un instinct aveugle ; il est riche de son propre fond, &, avec le secours de l’imitation, maître des richesses d’autrui. […] On pourroit faire la même remarque pour les Arts, qui ont eu le tendre & le moëlleux, après le vigoureux & le sublime.
Nous ne savons pas si le lecteur est frappé comme nous ; mais nous trouvons dans cette scène de la Genèse quelque chose de si extraordinaire et de si grand, qu’elle se dérobe à toutes les explications du critique ; l’admiration manque de termes, et l’art rentre dans le néant. […] Milton s’est emparé, avec beaucoup d’art, de ce premier mystère des Écritures ; il a mêlé partout l’histoire d’un Dieu qui, dès le commencement des siècles, se dévoue à la mort pour racheter l’homme de la mort. […] Cet art de s’emparer des beautés d’un autre temps pour les accommoder aux mœurs du siècle où l’on vit, a surtout été connu du poète de Mantoue. […] Cela prouve qu’une grande différence existait déjà entre les temps de Virgile et ceux d’Homère, et qu’au siècle du premier, tous les arts, même celui d’aimer, avaient acquis plus de perfection.
Par suite de cette froideur d’Imagination, de cette quiétude littéraire qui vous fait assister au déroulement des merveilles de l’art comme des témoins à demi-insensibles, et non comme des adorateurs émus et transportés. […] Mais pour comprendre de bonne heure que cette recherche platonicienne et surtout chrétienne de l’idéal dans les chefs-d’œuvre de l’art est la fin supérieure des vraies études, il faut bien un peu de cette folie dont je parlais tout à l’heure, folie qui a son nom et l’un des plus beaux noms qui soient ici-bas, l’enthousiasme. […] On cherchera à vous prouver que l’idéal n’est qu’un mot, la littérature qu’un luxe, l’art classique qu’une convention maintenue par la docilité du public. […] Pensez-vous que de ces sommets de l’art, le jeune homme redescende sur la terre, oublieux de ces grandioses visions ?
Une figure humaine est un système trop composé pour que les suites d’une inconséquence insensible dans son principe ne jettent pas la production de l’art la plus parfaite à mille lieues de l’œuvre de la nature. Si j’étais initié dans les mystères de l’art, je saurais peut-être jusqu’où [l’artiste] doit s’assujettir aux proportions reçues, et je vous le dirais ; mais ce que je sais, c’est qu’elles ne tiennent point contre le despotisme de la nature, et que l’âge et la condition en entraînent le sacrifice en cent manières diverses. […] Oui vraiment c’est un art et un grand art que de poser le modèle ; il faut voir comme M. le professeur en est fier.
Il n’y a ici ni éclat, ni tumulte, ni fracas de couleur et de figures, rien de ce qui impose à la multitude, mais du repos, de la tranquillité, un art sévère. […] Cela ne viendrait-il pas de ce que, dans l’impossibilité reconnue et peut-être heureuse de la rendre avec une précision absolue, il y a une lisière de convention sur laquelle on permet à l’art de se promener ? […] Laissez à l’art la liberté d’un écart approuvé par les uns et proscrit par d’autres. Quand on a une fois avoué que le soleil du peintre n’est pas celui de l’univers et ne saurait l’être, ne s’est-on pas engagé dans un autre aveu dont il s’ensuit une infinité de conséquences, la première de ne pas demander à l’art au-delà de ses ressources, la seconde de prononcer avec une extrême circonspection de toute scène où tout est d’accord ?
Cet esprit, c’est autre chose encore que l’art de donner un tour piquant à des sentiments vrais ou à des pensées justes. […] A la différence de Tacite qui s’émeut, par réflexion et par art, de choses dont il n’a pas été témoin, c’est l’âme même de Saint-Simon, toute troublée de ce qu’il vient de voir ou d’apprendre, qui se répand sur le papier. […] Ce sont des morceaux achevés, et pour quiconque estime le beau langage, la précision, la netteté des nuances, la justesse des contrastes, la force du coloris, l’art ne peut aller au-delà. […] Un critique qui, après cette première impression de vérité et de vie, voudrait faire des réserves au nom du goût, trouverait à noter dans ces portraits plus d’une infraction aux règles de l’art et plus d’un effet illégitime. […] Ainsi a fait plus d’un homme de génie parmi ceux qui ont traité de matières de spéculation comme Descartes, ou qui ont fait des ouvrages d’art proprement dits.
Qu’on le remarque bien toutefois : alors même que Goethe n’avait pas encore subi l’influence de son ami, son réalisme était déjà une source de richesses, car l’observation chez lui n’était que le commencement de l’art, elle n’excluait pas le choix, le dessein, l’arrangement, la pensée enfin, c’est-à-dire la poésie. […] L’antique, l’éternel précepte : « Si tu veux me toucher, sois ému toi-même », est abrogé au nom du grand art, et le principal souci de ces grands artistes, c’est la crainte de conserver quelque chose d’humain. […] Ce n’est qu’un travers d’esprit où l’honnêteté du cœur n’est point engagée ; mais, la question de moralité une fois écartée, reste la question d’art, et ici la critique peut à bon droit se montrer sévère. […] Pour un petit nombre de gens d’esprit que l’art seul avait touchés, combien de suffrages peu dignes d’envie ! […] Et voilà les sujets que l’art nouveau se plaît à étaler sous nos yeux, voilà les problèmes qui lui paraissent dignes d’étude et les beautés qu’il veut qu’on admire !