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810. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

C’est la mélancolique aventure d’un vieux garçon, qui croit son cœur usé et flétri, lorsqu’il rencontre, une fillette qui lui donne des émotions sur lesquelles il ne comptait plus guère.

811. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Que le meilleur de leur style soit perdu pour nous, il est très possible, et nous l’avons dit ; mais que leur émotion, leurs images, leur vie descriptive, leurs fortes qualités intérieures ne se puissent plus sentir, c’est, je crois, ce que personne ne soutiendra.

812. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Même la catastrophe, en vue de laquelle l’histoire tout entière a été écrite par le mélodramatique auteur des Couronnes sanglantes, même cette catastrophe est sans émotion partagée, sans expression digne des faits pathétiques dont le récit déborde à chaque pas !

813. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Nous l’avons cru et nous avons vécu dans l’émotion commune ; nous avons épousé l’intérêt triste et cruel de cette page d’Histoire, désespérée.

814. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Nous l’avons cru et nous avons vécu dans l’émotion commune ; nous avons épousé l’intérêt triste et cruel de cette page d’histoire, désespérée !

815. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect.

816. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Mais, je l’affirme en toute sécurité, pour les autres comme pour moi-même, les chefs-d’œuvre épars vus depuis n’ont pu effacer en nous l’impression de ces images peut-être grossières, et quand nous pensons à la grandeur des scènes bibliques, c’est à travers le tressaillement d’émotions que ces images nous ont données et que rien dans nos âmes n’est capable maintenant de recommencer !

817. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Qu’est-ce qui va naître dans l’immense émotion de la victoire ?‌

818. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Et si on voulait rêver pour Aristote une émotion lyrique, en pourrait-on supposer une plus naturelle et meilleure ?

819. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Ce qui y manque, à coup sûr, c’est un grain de tendresse et d’émotion. […] Dumas a soulevé puissamment ces deux émotions dans le cœur des spectateurs, parce qu’il les a pleinement éprouvées. Et quant à ses thèses, qui sont toujours extrêmes parce qu’elles ne sont jamais que des transformations et des prolongements de ses émotions, de ses passions, qu’en restera-t-il ? […] Lérand, gêné dans son uniforme, mais d’une intensité d’émotion et de désespoir admirables, incroyablement beau, particulièrement au troisième acte. […] Guitry a été extraordinaire de vérité, comme toujours, et aussi d’émotion vraie, sans rien de déclamatoire, dans le personnage de Marèze.

820. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Un scandale éclate ; un mari trompé demande justice ; quelques jeunes désœuvrés se tuent, laissant leurs poches pleines de mauvais vers ; un romancier fait un livre immoral ; un entrepreneur d’émotions dramatiques exploite sur la scène le reste impur des corruptions d’un autre âge : tout cela, c’est la faute de ce pauvre siècle ! […] Tel était le rôle difficile que le génie de M. de Châteaubriand lui assignait dans notre régénération littéraire, et qu’il a si complètement rempli : d’une main il rattachait le présent à la chaîne brisée des temps passés, dont il semble qu’on avait voulu abolir le souvenir aussi bien que les œuvres ; de l’autre, il remuait le sol fécondé par de si longs orages, et il y trouvait ce style éclatant passionné, ce style si local, si actuel, si pur et si nouveau, ce style d’images magnifiques, qui convenait à une époque de grandes émotions et de grands spectacles. […] Vu à distance, il produit une certaine émotion, une sorte d’ébranlement nerveux qui n’est pas sans charme ; il est éblouissant, il est sonore ; vu de près, le tissu paraît grossier, le dessin étrange, la broderie de mauvais goût. […] Passionné pour l’étude, avide d’émotions scientifiques, impatient de trouver une carrière à l’incroyable activité de son esprit ; mais obscur, sans autres antécédents que quelques essais de critique et des voyages de recherches géologiques en France, en Suisse et en Amérique, où de cruels chagrins l’avaient quelque temps exilé, sans autre fortune qu’une instruction immense, Victor Jacquemont avait accepté avec enthousiasme la mission que lui avait confiée le choix intelligent du Conservatoire d’Histoire naturelle ; et il avait compris que sa destinée, en le conduisant aux Indes pour y faire collection de plantes, de couches coquillières et d’animaux, le chargeait aussi d’y représenter la France, et particulièrement cette génération si ardente, tant calomniée, mais si estimable dans sa vivacité même, à laquelle il appartenait. […] « C’était la première fois », dit l’auteur du roman, et l’émotion faillit le jeter à la renverse.

821. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

C’est ce doute qui jette sur la fin de ce roman un intérêt poignant et laisse cette impression de rêverie, d’idées qui se combattent, de cette émotion insurmontable que l’on subit toujours quand on vient de lire ce qui s’appelle une œuvre. […] Je reviens à son livre et j’affirme que personne ne lira sans émotion les dramatiques récits qu’il a intitulés : Ombres parisiennes, la Chinoise et la Danseuse de corde. […] René Bazin a parlé avec un rare tact, en ne disant que ce qu’il fallait dire, ne voulant provoquer d’émotion que par des moyens de bon aloi. […] Et si elle avait un instant prévu la possibilité d’une rencontre avec M. l’Hérée, c’était avec un sentiment si vif de ses rancunes et de ses droits, qu’elle n’en avait pas éprouvé la moindre émotion pour elle-même. […] Victor Cherbuliez, on a toujours chance de signaler un livre de bon goût qui ne provoque que de saines émotions, ne s’adressant qu’au meilleur du cœur et de l’esprit des lecteurs.

822. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Travailler, amener ses vers à la perfection, fixer sur le papier l’émotion qu’ils nous apportèrent afin que quelques-uns goûtent une joie pareille à la nôtre. […] Ma pensée détendue, incapable, en ce moment, de s’assimiler des émotions nouvelles, remonte dans le passé, recherche sur les routes autrefois suivies l’emplacement des bâtisses où d’autres que toi l’épousèrent. […] Amalgamer, transmuer toutes nos émotions selon la formule sacrée qui en fera le fluide solaire du rêve et l’essence de vie. — Ô bel alchimiste de la nature, ton art nous rend plus beaux et meilleurs ! […] Tout tressaillant d’une émotion religieuse, je recueillis les conseils paternels des arbres. […] Mais, comme ces pauvres cervelles sont incapables de ressentir profondément n’importe quelle émotion, on se met bientôt à rire, et l’on me traite d’original. — Je m’incline.

823. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

C’est qu’ils oseront se servir de ce mot propre, unique, nécessaire, indispensable, pour faire voir telle émotion de l’âme, ou pour raconter tel incident de l’intrigue. […] 3º L’intérêt passionné avec lequel on suit les émotions d’un personnage constitue la tragédie ; la simple curiosité qui nous laisse toute notre attention pour cent détails divers, la comédie. […] Une bonne foi naïve et un peu bête (1), un dévouement parfait, une sorte de difficulté à être ému par les petits incidents et à les comprendre, mais en revanche une grande constance dans l’émotion et une grande peur de l’enfer, séparent l’Anglais de 1600 des Français de 1820. C’est cependant à ceux-ci qu’il faut plaire, à ces êtres si fins, si légers, si susceptibles, toujours aux aguets, toujours en proie à une émotion fugitive, toujours incapables d’un sentiment profond.

824. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

De l’écriture d’une grande distinction et d’une tendresse de cœur, qui me remplit d’émotion. […] Jeudi 12 mars Dans le montage fiévreux de la pièce, dans le coup de fouet des répétitions, dans l’émotion de la première, je n’avais pas conscience de la fatigue cérébrale ; aujourd’hui, elle se fait sentir, et tous les matins je me réveille la tête lourde. […] Et, par moments, il vient à sa parole passionnée, une étrange exaltation, qui tout à coup s’étrangle dans de l’émotion, quand il parle de son rêve, et du relèvement, et de la glorification du nom des Parrocel : rêve qui le tient souvent éveillé la nuit, le fait parler tout haut, « invoquant, ainsi qu’il le dit, son créateur ». […] Et réveillé par l’émotion de Belot et des acteurs désarçonnés par le refroidissement du quatrième acte, il croit presque à un insuccès.

825. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

le théâtre, c’est vraiment trop une boite à émotions, et une succession de courants d’espérance et de désespérance par trop homicide. […] Je ne sais décidément pas si la pièce est bonne ou mauvaise, mais pour moi, c’est un fort emmagasinement d’émotions dramatiques. […] J’avoue que j’ai une petite émotion, et un peu peur que la bataille de la première ne recommence. […] Jeudi 14 mai Daudet nous entretient du plaisir que lui procurait la perspective du danger, et de l’émotion bienheureuse qu’il avait eue, un jour, en tournant la clef d’un hangar de son beau-père, où s’était introduit un voleur de jardin.

826. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Il veut peut-être concilier et assembler trop de choses, tenir trop d’éléments en présence et en équilibre, religion et philosophie, régularité et liberté, impartialité et émotion, stabilité et progrès, culte du passé et aspiration vers l’avenir… C’est après tout une noble ambition, l’ambition des esprits jeunes, même quand ils sont le plus modérés.

827. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

C’était un motif ou un prétexte que je ne voulais pas laisser échapper, d’adresser moi-même un bien faible hommage à la femme dont l’admirable et touchant génie poétique m’a causé le plus d’émotion.

828. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

Thiers l’a rêvé aussi, ce rôle idéal ; il s’en fait l’interprète pour tous, et de même que dans les chants du chœur antique, dans ces vœux, ces prières, ces conseils jetés au milieu de l’action sans la hâter ni la ralentir, le spectateur aimait à entendre le cri de la nature humaine et à reconnaître ses propres impressions, de même, en lisant l’historien, on éprouve une vive et continuelle jouissance à retrouver partout l’accent simple et vrai d’une émotion qu’on partage et à sentir un cœur d’homme palpiter sous ces attachants récits.

829. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Cet homme que nous fait entrevoir le grand romancier Tolstoï, lorsqu’il peint le défilé interminable des blessés de Borodino qui passe sous les yeux de son héros ému et navré, cet homme couché sur le ventre au fond d’une charrette, dans la demi-ombre de la bâche, blessé, on ne sait où ni quand, d’on ne sait quelle blessure, sans visage, sans nom, sans passé, sans avenir, forme obscure et vague un moment devinée et disparue pour jamais : c’est là, semble-t-il, un détail insignifiant ; et pourtant que de pensée, que d’émotion ramassée en ce seul trait !

830. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il n’a laissé passer dans ses vers que les parties de son humeur qui étaient inséparables en lui de toute pensée : il a retenu, renfermé tout ce qu’il a pu de ses émotions intimes.

831. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Nous apporte-t-il des émotions nouvelles et saines ?

832. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Les médiocrités agitées provoquent les plus délicates, les plus hautes émotions.

833. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

… Gagnant de salle en salle, de galerie en galerie, cette émotion étrange déborde, arrive aux postes extérieurs et se répand bientôt comme une alarme sur la ville entière. » Certainement, voilà qui est enlevé, d’un très beau mouvement, très gradué, très puissant, qui vous saisit et vous fait merveilleusement comprendre l’ivresse de ce dernier banquet, la veille du martyre — Ôtez le riant chasseur, qui est trop riant et rappelle trop Capefigue, et la divinité mythologique, qui rappelle trop les dessus-de-porte d’Arsène Houssaye, et vous avez une vraie page d’une sensibilité contagieuse.

834. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Excepté leur étude sur Marie-Antoinette, dans laquelle ils se haussent par le sujet et par l’émotion jusqu’à la grande histoire, MM. de Goncourt ne firent que celle des frivolités de ce siècle frivole, — qui rendit frivole jusqu’à l’âme de Marie-Antoinette, retrouvée tout à coup si sérieuse et si héroïque devant l’échafaud !

835. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

L’émotion ici vaut mieux que le fait même.

836. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

On n’est jamais compté par lui qu’à l’une ou l’autre de ces deux conditions : ou lui donner un plaisir ou du moins une émotion quelconque, ou lui apprendre quelque chose qu’il ne savait pas ; et c’est ce que ne feront point, je vous assure, ces Œuvres et Correspondances inédites !

837. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Le fantastique, qui n’est pas uniquement la sphère de la fantaisie et qu’on n’a jamais nettement défini, Hoffmann l’aborda sous la pression de Goethe, mais il l’aborda comme un être faible dont la tête tournait dans l’émotion, et qui n’avait ni la foi profonde au monde surnaturel que n’aurait pas manqué d’avoir un véritable homme de génie, ni la combinaison froide et comédienne qui produit la terreur, quitte à la déshonorer dans notre âme en montrant par quels moyens on peut la produire.

838. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

D’ailleurs, il disait, en pâlissant et en tremblant d’émotion, « qu’il était difforme », et cette difformité qu’il cachait et que personne ne vit jamais, dut l’agrafer à la sagesse, quand cette sagesse lui aurait cruellement coûté… Mais elle ne lui coûta rien.

839. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Probablement ce furent les émotions et les applaudissements sur place de la tribune qui empêchèrent, pendant vingt années, M. de Montalembert de publier son Saint Bernard et de prétendre à une gloire moins instantanée et plus sévère.

840. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Rhétorique, sentimentalités, mièvreries littéraires, il a laissé tout cela dans une histoire où les philosophes ont pourtant la bonté d’autoriser l’émotion en faveur du fondateur des Filles de la Charité et des Enfants trouvés ; — comme ils disent : un saint populaire.

841. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Pour lui, pour Maurice de Guérin, — et celui qui écrit ces lignes a été profondément mêlé à sa vie, — l’émotion désintéressée que donne le génie et la perfection de son langage étaient bien au-dessus de tous les profits, toujours grossiers et vains, de la renommée !

842. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

» L’étonnement n’est pas l’émotion.

843. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Tu vis, imperturbable, énigme solitaire, Sans une émotion, proposant ton mystère,            Pur, triste, — peut-être joyeux.

844. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

La pensée d’un livre, l’idée qu’il exprime, la notion de vérité qu’il laisse dans l’esprit, une fois l’émotion apaisée, toutes ces choses, les réalistes en font peu de cas.

845. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Or, ces gens-là, que suppose Feydeau pour avoir le plaisir de leur répondre, sont évidemment des cuistres de moralité, faciles à découdre sans qu’on soit pour cela, en fait de raisonnements vainqueurs, un sanglier d’Érymanthe ; mais la question n’en reste pas moins tout entière de la moralité dans l’art, lequel n’atteint réellement son but idéal et suprême qu’à la condition d’étre moral dans l’effet ou l’émotion qu’il produit, — ce qui, par parenthèse, est précisément le contraire de l’effet produit par les livres de Feydeau.

846. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Voir ses émotions de jeune officier qui prend le contact de l’âme guerrière de ses hommes.

847. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Toute la fin respire le charme de l’amitié, et porte l’impression de cette mélancolie douce et tendre, qui quelquefois accompagne le génie, et qu’on retrouve en soi-même avec plaisir, soit dans ces moments, qui ne sont que trop communs, où l’on a à se plaindre de l’injustice des hommes ; soit lorsque blessée dans l’intérêt le plus cher, celui de l’amitié ou de l’amour, l’âme fuit dans la solitude pour aller vivre et converser avec elle-même ; soit quand la maladie et la langueur attaquant des organes faibles et délicats, mettent une espèce de voile entre nous et la nature ; ou lorsqu’après avoir perdu des personnes que l’on aimait, plein de la tendre émotion de sa douleur, on jette un regard languissant sur le monde, qui nous paraît alors désert, parce que, pour l’âme sensible, il n’y a d’êtres vivants que ceux qui lui répondent.

848. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Quand un idiome a vieilli sur son sol natal, ou que, défiguré dans son passage sous un ciel nouveau, il a perdu l’instinct délicat de sa forme première, sa grâce ou son énergie ; qu’il n’est plus en rapport avec le monde troublé et nouveau dont il est entouré, il n’importe : l’éclair de l’esprit, l’émotion de l’âme se fait jour par toute voie laissée à l’intelligence ; et le génie de l’architecte brille encore dans l’imperfection des matériaux mutilés ou à peine dégrossis qu’il emploie.

849. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Cela donne du jour à son œuvre, et de la lumière, et de l’émotion. […] Il est vainqueur à Montenotte, à Millesimo, à Dego… Joséphine constate ces événements sans excès d’émotion. […] Marcel Monnier, dans ses pittoresques récits, qu’on ne peut relire maintenant sans une émotion croissante, nous a montré, en de brefs cauchemars, bientôt suivis, hélas ! […] « Merci, messieurs, dit-il avec une émotion contenue. […] C’est pourquoi on trouvera une source d’émotion vraiment humaine dans l’exotisme attendri et charmant de Myriam Harry.

850. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

« Et voilà des émotions !  […] Même alors je conçois mal que l’intérêt qu’on peut prendre aille jusqu’à l’émotion et jusqu’aux larmes. […] Élémir Bourges passe d’une émotion céleste à de terribles duretés. […] Point de vaste plan harmonieux, ni d’émotion profonde, ni de large envolée. […] Mais ces réserves sont légères, et comment ne pas admirer cet inépuisable flot d’éloquence, de piété, d’émotion, cette œuvre large et puissante d’un homme de grand cœur et de grand talent ?

851. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

J’attribue ce retard, irréparable aujourd’hui, d’abord à cette secousse de la guerre qui, durant la période où son talent allait s’épanouir, l’a détournée des aventures et des émotions fictives. […] C’est vous dire avec quelle émotion j’ai accepté l’honneur qui m’est fait aujourd’hui. […] Cette réserve professionnelle donne un pathétique singulier à ces pages qu’aucun Français ne lira sans émotion reconnaissante pour cet observateur qui nous représente, comme son généreux Roi, cette amitié belge qui nous fut si précieuse dans une heure inoubliable et tragique. […] En l’honneur du Maréchal Fayolle Quel Français aura pu lire sans émotion la page écrite par le maréchal Pétain en faveur du monument que l’on veut ériger au maréchal Fayolle ? […] Une influence émane des horizons, qui semble devoir être d’autant plus puissante sur l’enfant que sa sensibilité, encore incertaine, s’offre comme une matière malléable à toutes les émotions du dehors.

852. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Nettement, lui-même, avec les plus grands mérites du style, de l’intelligence et de l’émotion intime qui fait vivre un historien, M.  […] L’enfant était tremblante et toute pâle d’émotion. […] La mort de Sa Majesté le roi Charles X (23 novembre) est racontée avec une émotion bien sentie. […] que devient l’histoire, si vous la privez de ces honnêtes émotions ? […] Il y a beaucoup de ce charme des souvenirs vrais et des émotions honnêtes dans les mémoires posthumes de M. 

853. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Ces larmes précieuses, qui ne sont faites pour couler qu’aux jours solennels de la vie et sous le coup des émotions pieuses, je les rendrai faciles et vulgaires. […] Considérez une foule en proie à l’émotion d’une grande œuvre musicale. […] Sa poitrine se soulèvera d’enthousiasme et son cœur débordera de tendresse aux sons de la musique de Mozart et de Haydn ; mais ces émotions fortes et dangereuses cesseront avec la magie des sons. […] Il n’aime plus rien que Charlotte ; c’est elle seule qui peut encore lui faire éprouver quelques-unes de ces émotions naïves et puissantes qu’il trouvait autrefois dans une promenade au fond des bois, dans la conversation d’un ami, dans la lecture de son Homère. […] Et qu’y a-t-il au fond du sentiment religieux, sinon une contemplation métaphysique de la vérité rendue vivante par l’excès de l’émotion du contemplateur.

854. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Maurice Talmeyr ; c’est là qu’iront les chercher ceux qui ne craignent pas les émotions. […] Il se pencha sur Tighiale pour cacher son émotion, et il le caressait, de tapes amicales sur les flancs. […] Hector, qui me regardait, lut mes émotions sur mes traits. […] Rodenbach, comme celle des poètes de conscience, est de faire tenir le plus d’émotion, le plus d’impression possible dans un vers. […] Les émotions ne se ressemblent pas ; mais être ému, voilà l’important.

855. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Edmond de Goncourt eut une forte émotion pendant le siège, le jour où il fut réduit par le manque de vivres à couper le cou d’une de ses poules avec un sabre japonais. […] Mieux vaut se laisser prendre à l’émotion tendre et douloureuse qui anime tout ce drame moral, et féliciter M.  […] J’imagine que Bonvalot et ses compagnons ont dû observer, par certains exemples frappants, comment l’homo ingeniosus, premier sous-ordre des primates, s’ouvrit à l’émotion religieuse. […] Elles parlaient, ces voix, avec une émotion pénétrante et un accent exotique dont la saveur nous plut. […] À bout d’émotions, les raffinés d’Alexandrie s’efforçaient d’oublier les délicats régals dont ils étaient saturés, en se faisant, par plaisir, rustiques et canailles.

856. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Le plaisir que donnent l’entrelacement des belles consonances et la difficulté vaincue ne saurait compenser tout seul ni l’absence d’idée ou d’émotion, ni le manque de dessein, d’ordre et d’enchaînement. […] Sully-Prudhomme est le poète qui a le mieux dit, avec le plus d’émotion et le moins de bravade, sans emphase ni banalité, ce qu’il y avait à dire après nos désastres. […] Nous avons des poètes qui le sont quand ils veulent et comme ils veulent, qui se donnent et quittent à volonté l’émotion congruente à leur dessein. […] Tout au moins la recherche, même exclusive, de la forme suppose-t-elle une sorte de sensualité épurée, qui peut être aussi communicative qu’une émotion morale. […] La mort d’Emma donne bien une émotion aussi forte que la mort d’Athalie.

857. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Il résulte de ce soin même et de ce premier mystère de notre étude avec eux, que nous les aimons, et qu’il s’en répand un reflet de nous à eux, une teinte qui donne à l’ensemble de leur figure une certaine émotion : c’est souvent l’intérêt unique de ces petites nouvelles à un seul personnage. […] Tous ces détails de coquetterie innocente, d’émotion naïve, de prudence maternelle et de franchise presque de sœur, sont portés sur un fond de paysage brillant et de légère peinture du monde vaudois. […] Je crois, ma chère grand’mère, que ce mal est incurable. » — Et à propos du jeu dont il est témoin dans ses soirées mondaines : « Cependant le jeu et l’or que je vois rouler me causent quelque émotion. » Il est déjà avec toute sa périlleuse finesse, avec tous ses germes éclos, dans cette lettre230.

858. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Thiers ; l’historien pathétique manque, il est vrai ; cependant les scènes de la guerre lui inspirent quelquefois un héroïsme de style et une émotion de pinceau qui rendent merveilleusement les impressions non individuelles, mais collectives, du champ de bataille. […] Elles semblaient ignorer quel était le principal de ces officiers, autour duquel les autres se rangeaient avec respect, lorsque l’une d’elles, jeune encore, saisie d’une vive émotion, s’écria : “Voilà l’Empereur ! […] Telles étaient ses pensées en 1810, et, cherchant de bonne foi à les réaliser, il imaginait le blocus continental qui devait contraindre l’Angleterre à la paix par la souffrance commerciale, s’efforçait de soumettre la Hollande à ce système, et, celle-ci résistant, il l’enlevait à son propre frère, la réunissait à son empire, et donnait à l’Europe, qu’il aurait voulu calmer, l’émotion d’un grand royaume réuni à la France par simple décret.

859. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Je pouvais bien, par pressentiment, avoir sous ma puissance pour Faust les sombres émotions de la fatigue de l’existence, pour Marguerite les émotions de l’amour, mais avant d’écrire ce passage : « Avec quelle tristesse le cercle incomplet de la lune décroissante se lève dans une vapeur humide, il me fallait observer la nature. » * * * Dimanche, 29 février 1824. […] Et puis, quelles émotions, quelle joie quand la flèche part, siffle et perce le but !

860. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Un tableau, par exemple, se livre et se révèle dans son exécution au premier regard : le regard même de l’artiste quand il s’empara de son objet à l’heure de l’émotion première. […] Poe, qu’il n’existe pas de long poème, que ces mots “un long poème” sont tout simplement contradictoires dans les termes. » Revenant sur cette pensée, il la précise : « La dose d’émotion nécessaire à un poème pour justifier ce titre ne saurait se soutenir dans une composition de longue haleine : au bout d’une demi-heure au plus, elle baisse, tombe, une révulsion s’opère et dès lors le poème, de fait, cesse d’être un poème. » Nous pouvons nous souvenir, pour corroborer l’opinion de Poe par l’histoire, que l’Iliade et l’Odyssée datent d’une époque postérieure à celle de leur composition, quant à la forme arbitraire selon laquelle ces deux œuvres nous sont présentées : forme arbitraire, étrangère, ou peu s’en faut, à la pensée du ou des poètes primitifs. […] Ou bien au contraire elle envahit le domaine plastique, hérisse le style écrit de termes arides et qui ne font pas image, encombre la peinture et la musique de théories réputées infaillibles, de procédés qui suppriment l’émotion et l’instinct et prétendent mettre l’artiste à même de produire à coup sûr des œuvres irréprochables.

861. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

En un mot, le paysage intérieur est altéré dans ses éléments et dans son plan même par les émotions et les volontés ; il en résulte que la vision interne est elle-même altérée et que la réaction consécutive l’est à son tour. […] Il y a ici une relation entre l’émotion et le mouvement qui se détache dans ma conscience, et qui donne à ma douleur un caractère plus pratique, plus réel, conséquemment aussi plus « vrai » qu’à une sensation confuse sans forte réaction. […] Le psychologue, lui aussi, a besoin d’imagination pour se représenter les combinaisons d’états intérieurs, sentiments, passions, émotions, pensées, désirs, volitions, etc.

862. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Elle est relative, en effet : 1° à l’intensité des images représentées ; 2° à l’intensité des différences entre ces images ; 3° au nombre de ces images et au nombre de leurs différences ; 4° à la vitesse de succession de ces images ; 5° aux relations mutuelles entre ces images, entre leurs intensités, entre leurs ressemblances ou leurs différences, entre leurs durées diverses, et enfin entre leurs positions dans le temps ; 6° au temps nécessaire pour la conception de ces images et de leurs rapports ; 7° à l’intensité de notre attention à ces images ou aux émotions de plaisir et de peine qui accompagnent ces images ; 8° aux appétits, désirs ou aversions qui accompagnent ces images ; 9° au rapport de ces images avec notre attente, avec notre prévision. « On voit combien sont nombreux les rapports de représentation, d’émotion et de volition qui influent sur le sentiment de la durée. » 132. […] La question est de savoir s’il faut, au lieu du jeu des lois de la sensation, de l’émotion et de l’appétit, invoquer une loi transcendantale ou, pour mieux dire, une faculté transcendantale.

863. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Pour ne prendre que les génies lyriques, c’est-à-dire ceux qui excellent à revêtir toutes les émotions de leur âme par l’image et par le nombre, leur faculté n’est jamais plus grande, plus au complet qu’après la jeunesse et durant le milieu de la vie. […] Si vous avez perdu une mère, si, nourri aux affections de famille, vous avez éprouvé quelqu’une de ces grandes et saintes douleurs qui devraient rendre bon pour toute la vie, lisez, relisez, pour retrouver vos émotions les meilleures, la visite à la maison natale, l’évanouissement de la mère de Jocelyn, la rentrée folâtre des enfants du nouveau possesseur, courant de haie en haie, tandis qu’elle, on l’emporte par l’autre porte sans connaissance ; et, après cette mort, les larmes du fils pieux, sa foi soulageante, ses retours vers les jours passés de tendres leçons et d’enfance heureuse,  Quand le bord de sa robe était mon horizon !

864. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Si dans Tycho-Brahé qu’il effleure, dans Leibnitz, dans Gibbon, n’importe où, à côté de lui, il y a un mot, un détail qui prête à l’imagination, à l’émotion du critique, soyez sûr qu’il ne le manque pas ; il le dégage comme le point à faire saillir et à éclairer. […] Villemain, nourri de l’histoire, de l’antiquité et des littératures modernes, de plus en plus attentif à n’asseoir son jugement des œuvres que dans une étude approfondie de l’époque et de la vie de l’auteur, et en cela si différent des critiques précédents qui s’en tiennent à un portrait général au plus, et à des jugements de goût et de diction, ne diffère pas moins des autres appliqués et ingénieux savants ; sa manière est libre en effet, littéraire, oratoire, non asservie à l’investigation minutieuse et à la série des faits, plus à la merci de l’émotion et de l’éloquence.

865. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Mais d’autres émotions survinrent : elle n’y retourna pas ; et c’est dans ce peu de suite que, chez Mme de Krüdner, le manque de discipline, d’ordre fixe, et aussi de doctrine arrêtée, se fait surtout sentir. […] On rapporte (et c’était déjà dans ces années de conversion) qu’un homme distingué qui venait souvent chez elle, épris des charmes de sa fille qui lui ressemblait avec jeunesse, s’ouvrit et parla à la mère, un jour, de l’émotion qu’il découvrait en lui depuis quelque temps, des espérances qu’il n’osait former ; et Mme de Krüdner, à ce discours assez long et assez embarrassé, avait tantôt répondu oui et tantôt gardé le silence ; mais tout d’un coup, à la fin, quand le nom de sa fille fut prononcé, elle s’évanouit : elle avait cru qu’il s’était agi d’elle-même. — Au reste, pour bien entendre, selon la mesure qui convient, ce reste de facilité romanesque chez Mme de Krüdner au début de sa conversion, et aussi la décence toujours conservée au milieu de ses inconséquences du monde, il faut ne pas oublier ce mélange particulier en elle de la légèreté et de la pureté livonienne qui explique tout.

866. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Cette voix lente, grave, timbrée d’émotion, résonnait comme le puits où le passant jette une pierre du chemin pour mesurer par la lenteur de l’écho la profondeur de l’abîme. […] on lui reprochait, dans sa jeunesse, de n’avoir que des cordes de métal à son instrument lyrique : il a aimé, il a mûri, il a été amant, époux et père comme nous ; il n’arrachait que des applaudissements, il arrache maintenant des larmes ; l’émotion de son cœur, jusqu’alors trop impassible, a passé dans ses vers ; l’artiste s’est fait homme, et l’homme a grandi l’artiste.

867. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Les mœurs des peuples qu’il décrit interrompent habilement le récit des tragédies romaines, et reposent l’âme pour la préparer à de nouvelles émotions. […] « Elle envoie son affranchi Agérinus annoncer à son fils que, par la protection des Dieux et par l’heureuse fortune de l’empereur, elle vient d’échapper à un grave accident, et le conjurer en même temps, malgré l’émotion que va lui causer le péril de sa mère, de vouloir bien différer sa visite, ayant elle-même, pour le moment, besoin d’un repos absolu.

868. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Si c’était pour arriver à ce gouvernement de vaines paroles et d’odieuses intrigues qu’on avait traversé la mer de sang de 1793, le carnage militaire de quinze ans d’empire, la réaction armée de l’Europe contre la France en 1814, le retour du despotisme soldatesque de l’île d’Elbe en 1815, l’expulsion de trois dynasties en un jour de 1830 et les dix ans de dynastie agitatrice en 1840 ; en vérité, le résultat de tant d’efforts pour arriver à diviser la France en deux camps, comme les verts et les bleus du Bas-Empire à Constantinople, entre des ministres, racoleurs de factions, coureurs de majorité au but des portefeuilles dans le stade de la rue de Bourgogne à Paris, en vérité, me disais-je, ce résultat de tant d’événements n’en vaut ni le temps perdu, ni le sang versé, ni la grande émotion des esprits en 1789 par la pensée du dix-huitième siècle, ni la grande convulsion de la Révolution française en 1791. […] Mais remontons de quelques mois, au moment où, en écrivant les Girondins, je faisais ce discours épique, cette discussion en récit qui devait produire et qui produisit une émotion plus grande et plus durable que cent discours de tribune.

869. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

Sa biographie, plus romanesque qu’un roman, attache tout de suite le lecteur, par toutes les curiosités de l’esprit et par toutes les émotions de l’âme, au drame dont ce grand acteur va remuer la scène. […] Ses cheveux blond-cendré étaient longs et soyeux ; son front haut et un peu bombé venait se joindre aux tempes par ces courbes qui donnent tant de délicatesse et tant de sensibilité à ce siège de la pensée ou de l’âme chez les femmes ; les yeux de ce bleu clair qui rappelle le ciel du Nord ou l’eau du Danube ; le nez aquilin, les narines bien ouvertes et légèrement renflées, où les émotions palpitaient, signe du courage ; une bouche grande, des dents éclatantes, des lèvres autrichiennes, c’est-à-dire saillantes et découpées ; le tour du visage ovale, la physionomie mobile, expressive, passionnée ; sur l’ensemble de ces traits, cet éclat qui ne se peut décrire, qui jaillit du regard, de l’ombre, des reflets du visage, qui l’enveloppe d’un rayonnement semblable à la vapeur chaude et colorée où nagent les objets frappés du soleil : dernière expression de la beauté qui lui donne l’idéal, qui la rend vivante et qui la change en attrait.

870. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Je parle quand je veux à ce petit cahier ; je lui dis tout, pensées, peines, plaisirs, émotions, tout enfin, hormis ce qui ne peut se dire qu’à Dieu, et encore j’ai regret de ce que je laisse au fond du cœur. […] Et maintenant j’ai vu, écrit et parlé sans émotion, de sang-froid et sans plaisir, ou que bien peu, celui de la curiosité3, le moindre, le dernier dans l’échelle des sensations.

871. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Fior d’Aliza ne s’aperçut même pas de ma réflexion : elle était toute à son émotion désespérée pendant la nuit de silence qui lui avait duré un siècle. […] — Soyez tranquille, madame, lui répondis-je, en pâlissant d’émotion, je ne rirai pas souvent en faisant mon métier ; je n’ai pas envie de rire en voyant la peine d’autrui et, de plus, je n’ai jamais été rieur, tout en jouant, pour ceux qui rient, des airs de fête.

872. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Dans un autre temps, c’eût été un événement national, mais le bruit qu’il avait trop adoré couvrit l’émotion publique par une émotion plus personnelle à la nation.

873. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Peut-être faut-il attribuer en partie à la contrainte et à la solitude de sa première enfance la sécheresse de son œuvre et la courte haleine de sa verse ; il fut habitué à se renfermer, et jamais une indulgente affection ne l’encouragea à laisser librement jaillir ses émotions dans leur vive et naturelle abondance. […] Une chose lui manque, et lui a toujours manqué, c’est l’abandon, la richesse des émotions intimes et le besoin de s’épancher.

874. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Il a des émotions plus vives et plus profondes, des désirs plus véhéments et plus effrénés, des volontés plus impétueuses et plus tenaces que les nôtres. […] les dialogues où il exprime à Stella les inquiétudes de sa conscience et son dessein de redescendre sur la terre pour faire profiter les pauvres hommes de ce qu’il a appris dans un monde meilleur, et même, s’il le faut, pour souffrir encore avec eux… il y a dans tout cela une émotion, une beauté du sentiment moral, et comme un sublime tendre où M. 

875. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Elles ont moins de ce qu’on appelle maintenant « l’intuition », en mettant le mot à toutes sauces ; elles sont également moins susceptibles d’émotion musicale. […] les poètes nés dans le Midi qui ont cru pouvoir rendre en français les émotions de leur nature provençale ont changé leur flûte pour un violon étranger.

876. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Tout s’empreint à ses yeux des couleurs du ciel qu’il contemple ; tout s’anime en ses vers des émotions de son âme. […] Et jamais la nature seule n’aurait pu obtenir un plus beau triomphe que cette profonde émotion qui ne permettait pas de respirer.

877. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

L’arrestation de la sacristine et l’émotion qui en fut la suite gâtèrent toute son intrigue. […] L’émotion, avait été trop forte pour cette simple femme.

878. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Chacun des acteurs parlera comme il doit parler ; les scènes se suivront franchement et se déduiront logiquement ; l’orchestre enveloppera la tragédie d’une atmosphère de sons appropriés, commentera les péripéties, fera comprendre les âmes et, par des mélodies typiques qui circuleront à travers toute l’œuvre, rappellera à la pensée de l’auditeur tel personnage, telle situation, telle émotion. […] En fait d’émotion dramatique, cela ne donne que mal à la tête, en fait d’intérêt, cela fait désirer que le spectacle soit fini le plus tôt possible.

879. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Des émotions pures et cordiales effacent à propos l’impression choquante de cette scène. […] L’émotion produite, on peut se demander si ce coup de foudre ne détonne pas en tombant sur un raout de cocottes.

880. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Par lui la prose française, trop molle dans Fénelon, trop brusque dans Bossuet, trop pompeuse dans Buffon, trop légère dans Voltaire, prend une vigueur, une gravité mâle, une majesté digne, mais toujours naturelle, qui donne l’autorité à la pensée, la plénitude à l’oreille, l’émotion à la conscience du lecteur. […] XVIII Les assemblées législatives sont l’expression de cette part de déception, de réaction, de difficultés et de découragement, qui, chez les peuples mobiles et impatients, comme nous, marquent le lendemain des grandes émotions nationales.

881. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Les règles veulent qu’il attende ; et il abandonne le premier acte, quelquefois davantage, aux besoins du poète, dans l’espérance qu’il lui ménage par là de grandes émotions. […] Il est difficile, en effet, de croire que les discours de deux personnages passionnés aient d’autre objet que de développer leurs sentiments ; et, à la faveur de cette émotion, le poète instruit adroitement les spectateurs de tout ce qu’il a intérêt qu’on sache.

882. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

De cette puissante voix qui se fait entendre tout à la fois dans vos ouvrages, dans les journaux, dans les salons vous avez dit : « L’art dramatique n’est point connu en France, nos prédécesseurs n’y entendaient rien, nos pères ont eu tort de rire, ou d’éprouver de vives émotions à la représentation de leurs anciens ouvrages, il n’y a de vrai beau que la nature, moi seul je ferai connaître aux Français le vrai beau. » À ces paroles mémorables cent novateurs ont répondu par des cris de joie ; vous êtes tout à coup devenu leur prophète, leur Dieu ; vous avez parlé, ils vous ont écouté avec respect ; vous avez prêché votre loi, ils ont suivi vos préceptes ; vous avez ordonné des chefs-d’œuvre, ils ont travaillé ; enfin vous avez opéré vos miracles, et les théâtres sont tombés. […] Moi, je crois au contraire que loin de nous avoir fait un public, vous avez complètement défait le nôtre ; public bien respectable dont j’ai longtemps brigué les honorables suffrages ; public qui se composait alors d’une grande partie de la jeunesse instruite, de l’élite de la société, d’un grand nombre d’anciens magistrats, d’artistes, de savants qui le soir régulièrement venaient se délasser de leurs graves travaux et chercher de douces émotions ou égayer leur esprit à nos jeux scéniques.

883. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

Le succès qu’obtint à la Comédie-Française cette jolie chose poétique prouva qu’il y avait lieu encore, dans le public, à de l’émotion littéraire délicate quand on la savait éveiller.

884. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

La lettre de Garat à Ginguené sur ce sujet est incroyable d’émotion, de boursouflure : « Cette couronne de l’orateur de vingt ans, écrit-il, le percera d’épines tout le reste de la vie.

885. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Rien de pareil à un gémissement ne sortit de sa bouche ; son visage ne trahit pas la moindre émotion.

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