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1790. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

S’il vivait, il pourrait être tranquille. […] Il était bien capable de l’être, quand il vivait, de la paroisse de Saint-Bonnet, dont il a été l’honneur comme il eût été celui de toutes les marguilleries de France.

1791. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Ce rude et joyeux jaugeur, au bonnet bleu et à la branche de houx, ce chanteur de chansons, le soir, dans les granges, ce joueur de violon et de cornemuse — qui ne l’est pas qu’en vers — et qui faisait réellement danser dans leurs sabots les meunières et les batelières de l’Écosse, a toujours vécu sur le cœur de son pays, et il y a trouvé sa force et sa gloire. […] … Le génie du poète, c’est de faire vivre l’imagination dans son rêve comme dans la réalité même, et plus, car c’est une réalité supérieure.

1792. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Le Père Frédéric Bouvier, érudit spécialisé dans l’histoire comparée des religions, tué à Vermandovillers, le 17 décembre 1916, en assistant des blessés, offre sa vie « pour ses compagnons d’armes du 86e, pour que tant d’hommes droits et bons à qui il ne manque plus que de vivre en Dieu et de vivre conformément à leur foi, se tournent définitivement vers lui ».

1793. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

La partie de l’ouvrage dans laquelle M. de Latena se montre le plus lui-même, et avec ses avantages, est celle où il a pied en terre et où il parle de ce monde où il a vécu, de ces sentiments moraux qu’il a éprouvés ou observés avec justesse et délicatesse.

1794. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Autour des trois ou quatre points de droit qui constituaient la jurisprudence gallicane, il s’était formé, à l’abri des parlements et de l’ancienne Université, une sorte d’esprit religieux modéré, assez libre, tout à fait tempéré, dans lequel de beaux génies avaient pu vivre et qui convenait aux raisons droites et modestes.

1795. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

. — Une poignée de vaniteux et même d’intrigants s’y rattachent encore, et vivent aux dépens de l’exilé.

1796. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

« Chateaubriand. »  En citant de semblables éloges à mon sujet, je n’ai qu’une intention et qu’un désir : c’est de montrer que si, la veille ou le lendemain d’une telle lettre, nous venions à louer M. de Chateaubriand, comme il était tout naturel de le faire dans le milieu de société où nous vivions près de lui, nous ne faisions nullement pour cela la cour à un puissant lettré dont nous eussions besoin, ni une platitude envers un grand nom idolâtré ; il pouvait y avoir de notre part quelque complaisance assurément, mais cette complaisance n’était pas tout entière de notre côté, et elle était elle-même partagée.

1797. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.

1798. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

En un mot, si André Chénier eût vécu, je me figure qu’il aurait pu être le grand poëte régnant depuis 95 jusqu’en 1803 ; réaliser admirablement ce que son frère, et Le Brun, et David dans son genre, tentèrent avec des natures d’artiste moins complètes et avec une sorte de sécheresse et de roideur ; exprimer poétiquement, et sous des formes vives de beauté, ce sentiment républicain à la fois antique et jeune, qui respire dans quelques écrits de Mme de Staël à cette époque, et surtout dans sa Littérature considérée par rapport à la Société.

1799. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

S’il eût vécu au milieu de ces circonstances, et s’il eût compris aussi bien qu’aujoud’hui quel devait être le parti libérateur pour la Révolution, il est présumable que son âme, ouverte inévitablement aux impressions de l’atmosphère de ces temps orageux, se serait mise au niveau de sa tête.

1800. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Quelle différence d’exactitude et de vérité nous sentons dans nos jugements successifs sur un même individu, si nous l’avons vu en personne ou si nous n’en avons qu’entendu parler, si nous le connaissons pour l’avoir rencontré ou pour avoir vécu avec lui !

1801. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Rousseau tué par les chagrins et par la misère… » Après avoir quelque temps continue sur ce ton,  l’auteur s’attache à une phrase échappée à M. de Custine dans son livre sur l’Espagne : « En France, dit le spirituel touriste, Rousseau est le seul qui ait rendu témoignage par ses actes autant que par ses paroles à la grandeur du sacerdoce littéraire ; au lieu de vivre de ses écrits, de vendre ses pensées, il copiait de la musique, et ce trafic fournissait à ses besoins.

1802. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

De la dédicace et de la préface il résulte que l’auteur a reçu force compliments et cartes de visite pour sa pièce : avant la représentation, c’était le suffrage (je copie textuellement) des hommes les plus éminents dans le monde littéraire, dam le monde politique et dans le monde social ; depuis la représentation et pour contrecarrer les impertinences qu’en ont dites des critiques mal placés, « les juges réels de la pièce, ceux qui vivent parmi les choses et qui les voient, viennent tour à tour, auprès de l’auteur, s’inscrire en témoignage et lui apporter leur formelle adhésion. » Le moyen, maintenant, de refuser cette adhésion formelle et de prétendre à passer pour un juge !

1803. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Les provinces autrefois vivaient, mais elles se cantonnaient aussi ; elles se séparaient volontiers du centre : ici en voilà une qui subsiste ou qui revit avec un fonds de souvenirs, d’affections, et qui cependant ne fronde pas.

1804. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

La France ne peut être sauvée que par ce moyen, et les partisans de la liberté, les amateurs des arts, les admirateurs du génie, les amis d’un beau ciel, d’une nature féconde, tout ce qui sait penser, tout ce qui a besoin de sentir, tout ce qui veut vivre, enfin, de la vie des idées, ou des sensations fortes, implore à grands cris le salut de cette France.

1805. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

On doit être très économe de ces expressions de circonstance, destinées à vivre un jour ou un an, que Joubert appelait langue historique, qui cessent d’être entendues dès qu’elles ne sont plus employées et qui souvent ne perdent la vogue que pour tomber dans le ridicule.

1806. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les snobs » pp. 95-102

Ils ne sauraient soutenir longtemps le faux et le fragile et ce qui n’a pas en soi de quoi durer : mais leur zèle, quoique ignorant, peut hâter le triomphe de ce qui est appelé à vivre.

1807. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Je sais que, entre l’égoïsme où nous vivons presque tous et la charité parfaite, l’entier dépouillement des saints, la distance est grande, et les degrés nombreux et rudes.

1808. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

José-Maria de Heredia exprimait de préférence, c’était je ne sais quelle joie héroïque de vivre par l’imagination à travers la nature et l’histoire magnifiées et glorifiées.

1809. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Des êtres passent en ce poème — et ils vivent de tout cela de très humain qu’ils ont en eux.

1810. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Si sa mère objecte que la littérature est « mal vue », et constituera peut-être à son « établissement » futur un empêchement rédhibitoire, le père réplique qu’il faut savoir vivre avec son siècle, que la plume est un riche instrument quand on est malin comme le petit, que les histoires de littérateurs de brasserie sont des contes à dormir debout, que la Société des Gens de lettres est le plus beau des syndicats « parce qu’il est intellectuel », et que son garçon, doué certes du talent de M. 

1811. (1911) La valeur de la science « Introduction »

La meilleure expression de cette harmonie, c’est la Loi ; la Loi est une des conquêtes les plus récentes de l’esprit humain ; il y a encore des peuples qui vivent dans un miracle perpétuel et qui ne s’en étonnent pas.

1812. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Napoléon disait de Corneille : S’il eût vécu de mon temps, je l’aurais fait prince.

1813. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Virgile ne vécut que cinquante-deux ans.

1814. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

Voyons de belles choses ; lisons de bons ouvrages ; vivons avec des hommes ; rendons-nous toujours compte de notre admiration ; et le moment viendra où nous prononcerons aussi sûrement, aussi promptement de la beauté des objets que de leurs dimensions.

1815. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

Elle s’est donc imaginée qu’il y eut une espece de vertu à dépendre en esclave des volontez, ou pour parler plus sincerement, des caprices de quelqu’infante, à lui rapporter tout ce qu’on faisoit, à ne vivre que pour la servir.

1816. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Mais il faut que le poëte comique fasse des portraits où nous reconnoissions les hommes avec qui nous vivons.

1817. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

Nodier disait « Pour juger une grande époque de destruction et de renouvellement, comme celle où nous vivons, il faudrait pouvoir se séparer tout à fait du passé et de l’avenir, ne conserver de l’un que des souvenirs sans passion, ne fonder sur l’autre que des espérances sans regrets… On sent partout, dans ce livre, l’inspiration qui a produit Antigone ; et je ne sais par quel mystère qui étonne et qui effraie, il rappelle le langage des fondateurs de la civilisation, comme si la nôtre était déjà détruite : il résulte de ce mélange d’éléments quelque chose qui accable la pensée, mais qui a un caractère monumental très instructif pour le siècle, si les livres remarquables sont les témoins de l’état de la société.

1818. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Léon Feugère ; Ambroise-Firmin Didot »

Quoique nous ne ressemblions guères aux hommes qui vivaient vers 1550 et que nous n’ayons pas dans nos chétives poitrines les gerbes de flamme qui brûlaient alors tous les esprits et tous les cœurs, nous sommes les enfants du xvie  siècle bien plus qu’on ne le croit, de ce siècle de la discussion, de l’émancipation de l’esprit humain, de sa réaction indignée contre la tradition de l’autorité, toutes choses, hélas !

1819. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Avant cette époque de jouissances physiques, de facilité à vivre tous ensemble, coude à coude, dans la communauté de la monarchie, et à faire un tas de toutes les individualités, rien de pareil ne s’était vu.

1820. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Ces messieurs étaient nus, sans vivres, sans logements, sans ménage, sans femmes (étaient-elles nées, et comment ?)

1821. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Elle ne tient pas à être savante, — et quand elle sent la nécessité de le devenir, soit qu’il s’agisse de l’esprit général d’un peuple ou du génie particulier d’un homme, c’est que le peuple ou cet homme ont déjà largement vécu.

1822. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Mais ce qu’on peut constater dès maintenant, et la constatation contredit d’une façon piquante le préjugé où nous vivons sur l’audace des esprits élevés, c’est que depuis le grand mouvement industriel et commercial qui transforme l’Europe, il y a presque constamment en France une protestation de l’élite intellectuelle (au moins du monde littéraire accrédité) contre les directions du siècle.

1823. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXII. Des éloges des hommes illustres du dix-septième siècle, par Charles Perrault. »

Enfin ceux qui sentent tout le prix des talents, et qui ont le goût des arts, voient avec intérêt, à la suite des princes, des généraux et des ministres, les noms des artistes célèbres ; de Lully, de Mansart, de Le Brun ; de ce Claude Perrault, qu’on essaya de tourner en ridicule, et qui était un grand homme ; de la Quintinie, qui commença par plaider avec éloquence, et qui finit par instruire l’Europe sur le jardinage ; de Mignard, dont ses parents voulurent faire un médecin, et dont la nature fit un peintre ; du Poussin, qui, las des intrigues et des petites cabales de Paris, retourna à Rome vivre tranquille et pauvre ; de Le Sueur qui mérita que l’envie allât défigurer ses tableaux ; de Sarrazin, qui, comme Michel-Ange, fut à la fois sculpteur et peintre, et eut la gloire de créer les deux Marsis et Girardon ; de Varin, qui perfectionna en homme de génie l’art des médailles ; enfin du célèbre et immortel Callot, qui eut l’audace, quoique noble, de préférer l’art de graver, à l’oisiveté d’un gentilhomme, et qui imprima à tous ses ouvrages le caractère de l’imagination et du talent.

1824. (1929) La société des grands esprits

Les habitants vivaient pour la plupart des industries destinées aux pèlerins. […] Il vivait très retiré et refusait toute invitation à dîner, pour vouer tout son temps à l’étude. […] On peut néanmoins regretter qu’il n’ait pas vécu cent ou deux cents ans plus tard. […] On ne peut voler et assassiner qu’à condition de vivre ensemble. […] Flaubert a-t-il réellement vécu ?

1825. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Et là, prêt à sonner, quelle était mon angoisse soudaine où ne semblaient plus vivre que les heurts de mon cœur ! […] Emotion poignante pour qui a vu vivre là le Maître si simple, car c’est là qu’il mourut, emporté en soudaineté terrible, d’un spasme de la gorge. […] J’ai pleinement vécu cette heure en sa simplicité glorieuse, et c’est là un souvenir dont l’émoi demeure en moi. […] Ils vivent ! […] Je sais, l’on peut voir en ce Cygne, captif de la glace du lac « pour n’avoir pas chanté la région ou vivre », une réplique de « l’Albatros » de Baudelaire.

1826. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Musset, pendant une bonne dizaine d’années, a vécu dans et avec « le grand ami Shakespeare ». […] Vivre et mourir là ! […] C’étaient les faux grands hommes, ceux d’un jour, « ceux qui vivent un temps », comme a dit le poète. […] Il suffit d’avoir vécu au village pour le savoir. […] vivre ici ! 

1827. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Deux motifs très pressants l’y déterminaient, le besoin de vivre et l’amour de la célébrité. […] Si Mirabeau avait vécu plus longtemps, il aurait pu justifier tous les éloges de ses admirateurs. […] Alexandre vivait dans les plus beaux temps de la philosophie ancienne ; il était l’élève de ce philosophe que toutes les sciences ont nommé leur maître ; et cependant il se plaignait de n’avoir point un Homère. […] Le siècle où nous vivons surpasse seul tous les précédents, et les esprits occupés des progrès de la philosophie tiennent la première place de ce premier de tous les siècles. […] Les conversations brillantes vivent de saillies, les bons livres de méditations.

1828. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Un peu de fleur est tombé sans doute, mais le parfum y gagne, plus profond.« Nous étions certainement nés l’un pour l’autre, dit-elle ; non pas peut-être pour vivre ensemble, c’est ce que je ne puis savoir, mais pour nous aimer… Adieu, chère Eugénie, je ne te le céderais plus. » Une maladie de son ami Godefroy force Meyer de partir pour Strasbourg inopinément : il n’a que le temps d’écrire son départ à Mlle de La Prise, avec l’aveu de son amour ; car jusque-là il n’y a pas eu d’aveu en paroles, et cette lettre est la première qu’il ose adresser. […] Cette histoire toute romanesque a dans le détail une couleur bien anglaise, quelque chose de ce qu’Oswald, plus tard, reproduira un peu moins simplement à l’égard de Corinne ; et cette première Corinne, remarquez-le, esquisse ingénue de la seconde, a elle-même longtemps vécu en Italie. […] N’importe que cette idée soit confuse ou débrouillée, qu’elle naisse d’une source ou d’une autre, qu’elle se porte sur tel ou tel objet, qu’on s’y soumette plus ou moins imparfaitement : j’oserai vivre avec tout homme ou toute femme qui aura une idée quelconque du devoir. » Là-dessus, grand débat ! […] Constance n’aurait pas voulu vivre, dit-elle, avec Jean-Jacques ni avec Voltaire. — Avec Duclos ?

1829. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Durante de Bresce, dont j’ai déjà parlé, était convenu avec un soldat, pharmacien de Prato, de mêler à mes vivres quelque liqueur mortelle qui pût me faire périr dans quatre ou cinq mois : on imagina du diamant pilé, qui n’est pas un poison par lui-même, mais qui est le seul, parmi toutes les pierres, qui conserve des coins aigus, lesquels, introduits dans l’estomac ou dans les entrailles, les déchirent insensiblement, et vous donnent enfin la mort. […] Rossi, frère du comte de Sansecondo, et évêque de Pavie, était aussi prisonnier dans le château ; je l’appelai à haute voix, pour lui dire et lui faire voir que ces scélérats m’avaient empoisonné avec du diamant en poudre ; mais je lui cachai que ce n’était que de la pierre pilée ; je le priai, pour le temps que j’avais encore à vivre, de me donner de son pain, parce que je ne voulais rien manger de ce qui viendrait de leur part. Comme c’était mon ami, il me promit de partager ses vivres avec moi. […] Alamanni plaida ma cause, et le cardinal dit que cette entreprise était trop considérable ; alors je pris la parole, et je dis : « “Je suis sûr d’achever cet ouvrage pour celui qui doit l’avoir ; et je le ferai plus beau encore que le modèle ; j’espère vivre assez pour en exécuter de plus importants.”

1830. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Il y avait eu toujours antipathie sourde entre Platon et Aristote pendant les dix-sept ans qu’ils avaient vécu et professé ensemble après la mort de Socrate ; le dissentiment s’était prononcé et élargi d’année en année depuis le départ de Platon. […] Évidemment elle ne peut être que la forme du corps, non pas du premier corps venu, comme l’ont dit les Pythagoriciens et quelques autres, mais d’un corps formé par la nature, et doué par elle d’organes qui le rendent capable de vivre. […] Je veux parler de cette éternité que Platon attribue à l’âme, de cette vie antérieure où l’âme sans le corps a connu directement les Idées dont elle ne fait que se souvenir ici-bas, de ces existences successives par lesquelles l’âme doit passer pour recouvrer sa pureté première, de ces récompenses et de ces peines que lui réserve la justice des dieux, selon qu’elle aura bien ou mal vécu. […] Maintenant, je le demande, si former ces croyances dans l’esprit humain, qui ne doit point vivre sans elles, c’est l’objet véritable de la philosophie ; si ces croyances sont bien le but supérieur que poursuit la pensée humaine, quelle valeur aura l’étude des faits de l’âme ?

1831. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

. — D’abord, le compositeur doit vivre son œuvre, entière, avant qu’il ne l’exprime ; ensuite, il doit, avec le contre-point, savoir la grammaire française, et l’orthographe. […] Mais sous le chant du poète, l’orchestre dira le fond, intraduisible en paroles, des émotions, au moyen des motifs définis, constituant un langage spécial, et cet orchestre ne devra pas être entendu, pour ainsi dire, mais disposer seulement le spectateur à vivre le drame. […] Il admit la doctrine suivant laquelle la Volonté, substance intime de l’Univers, devenait, en l’homme, la volonté, funeste, de vivre, et supposait le monde sensible, le monde de la Représentation, formé d’individus isolés, avec la lutte pour loi. […] La religion signifie le renoncement à la volonté de vivre et la délivrance par la Compassion, qui, sous les apparences multiples du monde sensible, voit l’unité réelle de l’être.

1832. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

J’avoue que peu de choses, depuis que je vis, m’ont autant consolé de vivre et m’ont rendu plus d’estime pour mon pays, et surtout pour la saine multitude de mon pays, que cette émotion de Paris et que ces funérailles ! […] On peut se plaindre quelquefois d’y vivre, mais il faut se féliciter au moins d’y mourir ! […] Je veux rester peuple pour vivre et mourir plus près du peuple !  […] Cette intimité confidentielle dans laquelle ils vivent avec les écrivains, les orateurs, les poètes, les savants, initient forcément ces ouvriers de la pensée à la science, à la politique, aux lettres.

1833. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Mais supposons que cette dernière circonstance seulement détermine, comme cela doit arriver souvent, le nombre de Bourdons qui peuvent vivre en une contrée quelconque ; supposons encore, contrairement, il est vrai, aux faits observés dans nos contrées, que la communauté hiverne, et conséquemment qu’elle ait besoin d’une ample provision de miel : on ne peut douter qu’en pareil cas toute modification d’instinct qui amènerait nos Bourdons à construire leurs cellules assez près les unes des autres pour que leurs contours sphériques interfèrent un peu, leur serait de grand avantage, en ce qu’une cloison mitoyenne entre deux cellules contiguës leur épargnerait un peu de cire. […] Quelque difficulté qu’il y ait à concevoir comment elles ont pu devenir stériles, cette difficulté n’est cependant pas plus grande qu’à l’égard de toute autre structure un peu anormale : car on peut prouver que d’autres insectes, et plus généralement d’autres articulés, qui vivent isolés à l’état de nature, se trouvent parfois frappés de stérilité. De telles espèces auraient vécu à l’état social, et il eût été avantageux à la communauté qu’un certain nombre d’individus naquissent capables de travailler, mais incapables de se reproduire, je ne vois aucune impossibilité à ce que la sélection naturelle fût parvenue à établir un tel état de choses. […] La preuve en est que le Polyergue roussâtre serait dans l’impossibilité absolue de vivre sans ses esclaves.

1834. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

J’ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société ; que toute autre marche était un écart de la route du bonheur, et que ce n’étaient que les qualités réunies d’homme de lettres et d’homme aimable de société, qui pouvaient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. […] Ceux encore aujourd’hui qui auront vécu par la lecture dans cette intimité tempérée et ornée, n’y eussent-ils passé comme moi qu’une quinzaine, comprendront que Gibbon, sans être de l’ordre des génies, sans être même de ceux qui avec du talent troublent ou passionnent les hommes, ait eu ses fidèles et ses pèlerins affectueux.

1835. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Telle elle avait été, toute sa vie, dans les maisons où elle avait vécu sur le pied d’amitié, y mettant l’ordre, la propreté, la décence, répandant l’esprit de travail autour d’elle, et en même temps faisant honneur tout aussitôt à l’esprit de politesse et de société. […] S’il est pénible, comme elle l’a dit, de durer trop longtemps, de vivre dans le monde avec des gens de qui l’on n’est pas connu, qui n’ont point été de la vie qu’on a menée autrefois, qui sont en un mot d’un autre siècle, il est très agréable dans la retraite, et sur le banc d’un jardin, de se retrouver devant des âmes toutes neuves et toutes fraîches, qui sont dociles à se laisser former et avides de tout ce que vous leur dites.

1836. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Ce ne sont point de ces détails qui nous déplaisent chez Le Dieu, pas plus que ceux qu’il donne sur la faiblesse tout humaine et plus touchante de Bossuet, sur son désir de guérir ou du moins de continuer de vivre, même avec ses maux. […] Le Dieu, avant de partir de Meaux, se munit d’une lettre de Mme de La Maisonfort, ancienne et fidèle disciple de Fénelon, et qui vivait reléguée à Meaux dans un couvent d’ursulines.

1837. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il aimait peu à vivre avec ses égaux. […] À cela près, nous vivons dans les ténèbres, et je dis de tout comme Montaigne : Que sais-je ?

1838. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Pourquoi Marolles n’a-t-il pas vécu de nos jours ? […] Et Mercier, l’auteur du Tableau de Paris, dans je ne sais quelle épître de sa vieillesse, a trouvé ce vers qu’il adressait à la nature ou à la Providence : Laisse-moi vivre au moins par curiosité !

1839. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Fontenelle, qui vivait avec ce neveu bourru, était grondé par lui bien souvent, mais ne s’en émouvait guère. […] Ne croyez pas qu’il s’en tienne à ce jugement ; il aura bientôt des accès de colère et des coups de boutoir contre Fleury qui ne l’emploie pas, qui ne s’en va pas, contre ce doux vieillard qui s’obstine à vivre, à durer, dont la longévité est la plus grande des ruses et déroute tant d’ambitions qui attendent.

1840. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Son mari, de vingt-cinq ans plus âgé, le général Swetchine, vivait à côté d’elle, complètement étranger à sa sphère d’activité. […] On dira tout ce qu’on voudra de M. de Falloux comme homme de parti politique et religieux, mais il est de sa personne le plus gracieux des catholiques et le plus avenant des légitimistes : il semble né pour les fusions, pour les commissions mixtes, pour faire vivre ensemble à l’aise, dans le lien flexible de sa parole, un protestant et un jésuite, un universitaire et un ultramontain, un ligueur et un gallican.

1841. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

La règle précise et rigoureuse, en pareil cas, est de ne pas tant raisonner sur les éventualités, et de ne point capituler tant qu’on n’éprouve pas le manque absolu de vivres et de munitions. […] C’eût été dommage, en vérité, que celui qui avait la taille, la vigueur, l’audace, le regard et le port de tête de Damp Abbé et de frère Jean, avec le cœur en plus du patriote et du citoyen, ne vécût point à cette date de l’abbé Sieyès et n’assistât point, en y prenant sa bonne part, à l’émancipation des classes, gage et signal de l’ennoblissement des cœurs.

1842. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Madame est Italienne de corps et d’âme ; le caractère de Monsieur y est très-conforme : notre pli est pris, nous vivrons toujours sans division ni confiance, et je crois que le roi est comme moi sur cet article. (14 juillet 1775.) » Cet article des deux beaux-frères revient fréquemment sur le tapis. […] Je ne sais quel est son projet dans ce moment : nous vivions fort bien ensemble, et même, depuis quelque temps, on me faisait compliment de mes attentions pour lui et sa femme ; il a imaginé de chercher l’intimité, et, pour s’y introduire, il a écrit (c’est son expédient ordinaire dans les grandes affaires, quoique jusqu’ici il y ait assez mal réussi) ; sa lettre est adressée à un homme de sa maison, mais en même temps il lui a indiqué un homme en qui j’ai confiance, pour me la montrer.

1843. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Après avoir parlé pendant trois heures sans lasser personne95, il me dit qu’il était à jeun depuis vingt-quatre heures, qu’il ne vivait que de lait et qu’il n’avait pu en trouver sur la route. […] Si vous en trouvez à ce que je propose, faites mieux, mais faites vite ; car nous ne pouvons vivre longtemps.

1844. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

J’étais né pour vivre et mourir dans une cellule, et encore des plus étroites : in angulo cum libello. […] Ce n’est pas connaître le monde, en effet, que de vivre jusqu’à l’âge de trente-deux ans au fond d’une campagne, n’ayant qu’un seul ordre étroit et sévère de rapports et d’intérêts moraux, de n’avoir jamais observé la société moderne dans l’infinie variété de ses conditions, de ses opinions, de ne s’être pas accoutumé de bonne heure à considérer de plain-pied les hommes nos semblables dans la diversité de leurs goûts, de leurs aptitudes, de leurs talents et de leurs mérites, dans les directions multipliées de leur, zèle et de leur ardeur, dans leur indifférence même, qui serait bien souvent de la sagesse si elle était plus réfléchie.

1845. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Cette affaire de Rome ne serait pas encore en suspens, s’il avait vécu. — Un grand mot d’un grand homme est celui-ci : Je crains plus une armée de cent moutons commandée par un lion, qu’une armée de cent lions commandée par un mouton. — Faites et surtout ne faites pas l’application de cela. — Hier j’ai parlé de Sainte-Aulaire ou de Rigny, disant que, pour le dehors, il n’y avait que ces deux noms-là qui pussent convenir. […] Sir Henry Bulwer est un peu doux et poli dans ses appréciations, comme il sied à un Anglais qui a tant vécu dans la haute société française ; mais voici un de ses compatriotes qui est plus haut en couleur et plus mordant : ce jugement parut dans le Morning-Post, à l’époque de la mort de Talleyrand ; je crois qu’il ne déplaira pas à cause de quelques traits caractéristiques qu’on chercherait vainement ailleurs : « Lorsque Talleyrand, nous dit l’informateur anonyme, était ici engagé dans les protocoles, lui qui dormait peu, il avait coutume de mettre sur les dents ses plus jeunes collègues, et nous avons trop bien éprouvé qu’au temps de la quadruple alliance et en plus d’une autre occasion, ses yeux étaient ouverts tandis que lord Palmerston sommeillait.

1846. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

M. de Cayrol a vécu quelque temps en Picardie, il est membre et a été chancelier de l’Académie du département de la Somme ; il n’en a pas fallu davantage pour enflammer chez lui une prédisposition qu’on peut croire préexistante et comme innée. […] Cet Hamilton que Gresset, dans sa jeunesse, avait beaucoup lu, et qu’il prétendait continuer, ne vécut pas toujours, tant s’en faut, à Paris ou à Saint-Germain, et les délicieux Mémoires de Grammont sont donnés comme venant de la plume d’un campagnard, de quelqu’un qui se dit rouillé par une longue interruption de commerce avec la cour.

1847. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Tout cela compose une situation beaucoup plus douce qu’il ne semble qu’on ait le droit de l’avoir dans le temps où nous vivons. […] Ce genre d’explication rentre tout à fait dans l’opinion de Fauriel telle que je l’ai trouvée exprimée dans ses papiers ; celui-ci comparait Benjamin Constant à La Rochefoucauld en un sens : il attribuait le manque de principes qu’on lui voyait, et ce mépris des hommes qui s’affichait jusqu’à travers son républicanisme d’alors, au premier monde dans lequel il avait vécu.

1848. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Ses personnages ne vivaient pas à la cour, mais aux champs et dans les étables, et on lui pardonnait de se faire fermier, et de savoir le nom rustique des bêtes, de dire la bique, le loquet, de peindre bravement la cuisine, « le tripotage des mères et des nourrissons », et plus intrépidement encore les habits de ses personnages, « le jupon crasseux et détestable d’une misérable vieille. » Il fait entendre les « pétarades » du cheval. […] La Fontaine eût dit volontiers comme Henriette J’aime à vivre aisément, et dans tout ce qu’on dit Il faut se trop peiner pour avoir de l’esprit.

1849. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

L’Ichtiosaure, muni de cent quatre-vingts dents, qui roulait des yeux larges comme les roues d’un char ; le Plésiausaure, qui dardait d’une carapace de tortue un cou long comme un boa déroulé ; le Ptérodactyle, amalgame horrible de reptile et de chauve-souris ; le Dinothérium, éléphant géant, aux défenses recourbées en bas comme celles des lamantins et des morses ; toutes ces créatures encombrantes et incohérentes avaient disparu avec les terrains qui les supportaient et les climats qui les faisaient vivre. […] Vivre sous un œil céleste empêche de mal faire.

1850. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Il y a encore les Amazones, les femmes sans mâles, qui vivent de chair crue. […] La génération de Périclès, que l’enceinte de l’Acropole aurait contenue, n’a-t-elle pas plus vécu que les myriades d’êtres humains qui ont coulé, dans la vallée du Delta, depuis Ménès jusqu’aux Ptolémées, monotones comme les eaux de leur fleuve ?

1851. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Tous ceux avec qui j’ai vécu, dit-il, ont vu, par mes actions et par mes discours, que je faisais surtout consister l’élévation du caractère dans ces deux choses, la franchise et la mesure ; et si, dans le cours de la Révolution, j’ai quelquefois oublié celle-ci, je déclare que c’est alors seulement que j’ai cessé d’être moi-même. […] Que serait devenu Barnave s’il avait franchi cette époque funeste, s’il avait vécu ?

1852. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Mme Geoffrin n’a rien écrit que quatre ou cinq lettres qu’on a publiées ; on cite d’elle quantité de mots justes et piquants ; mais ce ne serait pas assez pour la faire vivre : ce qui la caractérise en propre et lui mérite le souvenir de la postérité, c’est d’avoir eu le salon le plus complet, le mieux organisé et, si je puis dire, le mieux administré de son temps, le salon le mieux établi qu’il y ait eu en France depuis la fondation des salons, c’est-à-dire depuis l’hôtel Rambouillet. […] Pas un étranger de distinction ne vivait ou ne passait à Paris sans aspirer à être admis chez Mme Geoffrin.

1853. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Lorsque, vingt ou vingt-cinq ans environ après la condamnation de l’héroïne, la reconnaissance un peu tardive de Charles VII provoqua et mena à fin le procès de réhabilitation, on fit des enquêtes, on interrogea les anciens témoins, dont un grand nombre vivaient encore. […] Elle avait à la main, selon l’usage du temps, quand elle ne tenait pas l’étendard ou l’épée, un bâton, et ce bâton lui servait à plusieurs fins, et aussi à jurer : « Par mon martin, disait-elle des bourgeois d’Orléans, je leur ferai mener des vivres. » Ce martin, qui revient sans cesse dans sa bouche chez son historien le mieux informé, c’était son martin-bâton, son jurement habituel.

1854. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

« Peu de temps après ce rapprochement, dit l’historien sans avoir l’air d’y toucher, la princesse fut reconnue enceinte, et avant sept mois elle accoucha d’un enfant qui ne vécut pas. » Cela veut dire en bon gaulois que la princesse passait pour être déjà enceinte, quand elle jugea nécessaire de venir retrouver son mari. […] Il vivait d’une manière particulière, un peu bizarre.

1855. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Un poète italien moderne, Leopardi, enviant la gloire de ces opportuns et heureux traducteurs italiens qui se sont enchaînés à quelque illustre classique des anciens pour n’en plus être séparés, s’écrie : « Qui ne sait que Caro vivra autant que Virgile, Monti autant qu’Homère, Bellotti autant que Sophocle ? […] Parquoi Numa, pensant bien que ce n’étoit pas petite ne légère entreprise que de vouloir adoucir et ranger à vie pacifique un peuple si haut à la main, si fier et si farouche, il se servit de l’aide des dieux, amollissant petit à petit et attiédissant cette fierté de courage et cette ardeur de combattre, par sacrifices, fêtes, danses et processions ordinaires que il célébroit lui-même… Et plus loin, marquant que, durant le règne de Numa, le temple de Janus, qui ne s’ouvrait qu’en temps de guerre, ne fut jamais ouvert une seule journée, mais qu’il demeura fermé continuellement l’espace de quarante-trois ans entiers : Tant étoient, dit-il, toutes occasions de guerre et partout éteintes et amorties : à cause que, non seulement à Rome, le peuple se trouva amolli et adouci par l’exemple de la justice, clémence et bonté du roi, mais aussi aux villes d’alenviron commença une merveilleuse mutation de mœurs, ne plus ne moins que si c’eût été quelque douce haleine d’un vent salubre et gracieux qui leur eût soufflé du côté de Rome pour les rafraîchir : et se coula tout doucement ès cœurs des hommes un désir de vivre en paix, de labourer la terre, d’élever des enfants en repos et tranquillité, et de servir et honorer les dieux : de manière que par toute l’Italie n’y avoit que fêtes, jeux, sacrifices et banquets.

1856. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Parlant de ce qu’aurait pu faire le poète Le Brun, son prédécesseur, s’il avait assez vécu pour tenter en vers l’apothéose de Napoléon, Raynouard ajoutait : Le chantre de Napoléon l’aurait représenté d’après l’histoire, grand au-dessus des rois, tel qu’Homère, d’après la fable, a représenté Jupiter grand au-dessus des dieux ; gouvernant l’univers par l’autorité de sa pensée, toujours prêt à saisir de sa main toute-puissante l’une des extrémités de la chaîne des destins, si tous ses ennemis ensemble osaient s’attacher à l’autre, et toujours certain de les entraîner tous. […] Dans les dernières années, il vivait retiré à Passy, dans l’étude, levé dès grand matin, et se plaignant de ne pouvoir pousser encore son travail dans la soirée : « Ah !

1857. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Si étonnante que la chose puisse sembler, il faut bien reconnaître que cette considération lui demeura tant qu’il vécut, et malgré tout ce qu’il fit pour l’entamer. […] Elles la rappellent du moins et la résument d’une manière frappante pour ceux qui ont vu et vécu.

1858. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Pourtant, réduite et entendue dans un certain sens, cette idée a sa justesse : « Je ne crains pas de vous dire, écrit-il pour son fils, que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir ni connaître qu’en l’occupant. » Saint-Simon, que j’oserai ici contredire et réfuter, a dit de Louis XIV : Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. […] « Car enfin ce n’est pas une chose facile que de se transformer à toute heure en la manière que l’on doit », et « la face du monde où nous vivons est sujette à des révolutions si différentes, qu’il n’est pas en notre pouvoir d’y garder longtemps les mêmes mesures ».

1859. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le colonel Jardet, envoyé par lui à l’Empereur qui était à la veille de partir pour l’expédition de Russie, eut des audiences sans résultat : « Voilà Marmont, dit l’Empereur, qui se plaint de manquer de beaucoup de choses, de vivres, d’argent, de moyens. […] Et moi, je crois qu’il faut dire, en embrassant toute la condition humaine : « Il est mieux qu’il ait vécu pour montrer ce que peut le malheur, la force des circonstances, une certaine fatalité s’attachant, s’acharnant à plus d’une reprise à une belle vie, un cœur généreux ressentant l’outrage sans en être abattu, sans en être aigri, et finalement une belle intelligence trouvant en elle des ressources pour s’en nourrir et des résultats avec lesquels elle se présente aujourd’hui, en définitive, devant la postérité. » 1.

1860. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Ceci devait mourir dans le même lieu qui l’a fait naître ; mais ceux qui vivent dans une société ont des devoirs à remplir ; nous devons compte à la nôtre de nos moindres amusements. » Il semble même qu’en terminant ce mémoire, Montesquieu s’attache trop à diminuer le mérite de l’observateur, lequel a souvent besoin de toute sa subtilité d’esprit et de son invention ingénieuse pour amener le fait sous son regard : Il ne faut pas avoir beaucoup d’esprit, disait Montesquieu, pour avoir vu le Panthéon, le Colisée, des Pyramides ; il n’en faut pas davantage pour voir un ciron dans le microscope ou une étoile par le moyen des grandes lunettes ; et c’est en cela que la physique est si admirable : grands génies, esprits étroits, gens médiocres, tout y joue son personnage. […] Homme d’étude et de pensée, détaché d’assez bonne heure des passions et n’ayant du moins jamais été entraîné par elles, il habita et vécut dans la fermeté de l’intelligence.

1861. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

En un mot, je crois qu’il est impossible qu’un homme, eût-il toute la ruse d’un démon, puisse vivre et mourir comme un misérable, et pourtant le cacher si bien qu’il emporte au tombeau la réputation d’un honnête homme. […] Il nous fait en quelque sorte son inventaire moral à ce moment décisif de sa vie ; il y énumère ses principes dont il ne se départira jamais : Je demeurai convaincu que la vérité, la sincérité et l’intégrité dans les relations entre les hommes étaient de la dernière importance pour la félicité de la vie, et je formai la résolution écrite, qui est toujours consignée dans mon livre-journal, de les pratiquer tant que je vivrais.

1862. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Grimm, dans une page écrite en 1762, et où il fait de Rousseau un portrait aussi neuf que vrai, le montre dans sa première forme, tel qu’il l’avait connu avant la célébrité, et puis au moment de sa transformation subite qu’opéra le succès de son discours à l’Académie de Dijon : Jusque-là, dit-il, il avait été complimenteur, galant et recherché, d’un commerce même mielleux et fatigant à force de tournures : tout à coup il prit le manteau de cynique, et, n’ayant point de naturel dans le caractère, il se livra à l’autre excès ; mais, en lançant ses sarcasmes, il savait toujours faire des exceptions en faveur de ceux avec lesquels il vivait, et il garda, avec son ton brusque et cynique, beaucoup de ce raffinement et de cet art de faire des compliments recherchés, surtout dans son commerce avec les femmes. […] Il avait reçu des lettres qui l’engageaient à revenir vivre à Genève ; on lui offrait une place de bibliothécaire avec appointements, un sort honnête et doux : Quel parti dois-je prendre ?

1863. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il est évident, par ses ouvrages mêmes, qu’il ne connaissait qu’imparfaitement l’Antiquité ; s’il en eût bien connu les grands modèles, l’ordonnance de ses pièces y eût gagné sans doute ; mais, quand il aurait étudié les anciens avec autant de soin que nos plus grands maîtres, quand il aurait vécu familièrement avec les héros qu’il s’est attaché à peindre, eût-il pu rendre leur caractère avec plus de vérité ? […] Dans tous les temps, les hommes ont préféré l’instant pendant lequel ils vivaient, à cette immense durée qui avait précédé leur existence.

1864. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

Il se mit, pour vivre, à garder les chevaux à la porte des théâtres. […] Il vécut perpétuellement insulté.

1865. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Ce ne sont pas des hommes qui vivent, ce sont des sentences qui parlent. […] Nous vivons dans un temps où l’on voit des orateurs louer la magnanimité des ours blancs et l’attendrissement des panthères.

1866. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il y avait le hardi faquin, le coquin héroïque, qui, avant d’être prêtre, n’eut que la seule qualité d’être brave au feu du canon comme il l’était au feu des filles ; mais prêtre et cardinal, et cardinal pour son argent, pour que cela fût plus miraculeux, le faquin et le coquin disparurent, et le ministre qui se mit alors à pousser sous cette majestueuse barrette que Richelieu avait portée, le ministre aurait été grand, s’il avait vécu, — si la mort n’avait coupé l’herbe sous le pied à sa gloire naissante, avec une faulx longtemps aiguisée par ses vices… Seulement, cet homme-là, dans Dubois, le passionné, le haineux, l’ambitieux, le jaloux Saint-Simon, ne pouvait pas le voir, et ni Drumont non plus, puisqu’il émet le doute qui ferait de Dubois le satanique que tiennent à voir en lui tous les superficiels de l’Histoire, c’est-à-dire que, par une haine d’une machiavélique profondeur contre Saint-Simon, Dubois aurait subi, sans protester, l’ambassade donnée à Saint-Simon par le Régent, parce que Saint-Simon, son ennemi, devait immanquablement s’y ruiner… Ni Saint-Simon ni son publicateur ne révèlent donc la vérité sur les étonnantes, les renversantes dépêches à Dubois ; et le mot de l’énigme sur l’homme le plus entier qui fut jamais et qui semble se rompre tout à coup en deux dans une contradiction mortelle, est un mot qui reste encore à deviner. […] Le ridicule de Saint-Simon, pour nous autres révolutionnaires, ce sont ces questions d’étiquette dont l’esprit moderne ne comprend pas plus le sens que la portée… Et, en effet, l’étiquette comme le blason, ces deux langues mortes, qu’on ne parle plus, n’en furent pas moins deux langues superbes… L’étiquette et le blason, méprisés maintenant par les polissons de notre âge, symbolisaient des choses sur lesquelles a vécu des siècles la plus ancienne des monarchies connues, et Saint-Simon est le dernier historien de cette monarchie, dont son grand esprit pressentait la ruine prochaine, et qu’il défend avec le courage et l’acharnement de l’épouvante, car il savait qu’il ne la sauverait pas !

1867. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Il trouva le temps de vivre tête à tête avec sa pensée, de tirer de son cerveau et de son cœur tout ce qu’il y avait de génie, et de le verser dans des œuvres qui maintenant ne périront pas ! […] Lui qui vivait si fort dans le bouillonnement des faits contemporains, il les a racontés comme s’il avait été à soixante ans d’eux, avec la fermeté dépensée., la possession de soi et la portée de l’homme d’État… Un jour, Napoléon, de la hauteur méprisante de son esprit impérial, découvrit le journaliste dans Tacite, malgré l’immortel préjuge de sa gloire d’historien, Eh bien !

1868. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

« Dites aux simples, dit-il de son ton protecteur, de vivre d’aspiration à la vérité, à la beauté, à la bonté morale, ces mots n’auront pour eux aucun sens. […] Or, s’il en est ainsi, que voulez-vous qu’on dise des esprits de second ou de troisième degré qui vivent sur sa méthode comme le puceron dans sa feuille ?

1869. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

« Au temps, est-il dit, où parurent à Marathon et à Salait mine les Perses homicides et Datis à la voix sauvage, alors même vivait Pindare, pendant qu’Eschyle florissait dans Athènes. » Belle manière de noter une époque par le synchronisme de deux victoires et de deux grands poëtes ! […] C’étaient peut-être les vers mêmes, que nous retrouvons, au début de la Théogonie108 : « Ayons les Muses en tête de nos chants, les Muses qui habitent le grand et fertile sommet d’Hélicon, et dansent de leurs pieds légers autour de la fontaine bleuâtre et de l’autel du puissant fils de Saturne ; les Muses qui, lavant aux sources du Permesse leur beauté délicate, auprès de l’Hippocrène, ou sur le divin sommet d’Holmios au plus haut de l’Hélicon, forment des chœurs gracieux, sous leurs pas tressaillants ; puis, élancées de là, sous le voile d’un épais nuage, ont marché dans la nuit, jetant d’harmonieuses clameurs, en hymnes à Jupiter porte-égide, à la sainte Junon, reine d’Argos aux brodequins dorés, à la fille du dieu porte-égide, Minerve aux yeux pers, à Phébus Apollon, à Diane chasseresse, à Neptune qui enceint la terre et l’ébranlé, à la vénérable Thémis, à Vénus aux roulantes prunelles, à Hébé parée d’une couronne d’or, à la belle Dioné, à l’Aurore, au Soleil immense, à la Lune brillante, à Latone, à Japet, au ténébreux Saturne, à la Terre, au vaste Océan, à la Nuit sombre et à la race sacrée des autres dieux : célébrons ces Muses, qui enseignaient une si belle chanson à Hésiode, occupé de paître ses agneaux, aux bords de l’Hélicon divin. » Cette poésie brillante et gracieuse, non moins ancienne que les chants homériques, mais indigène en Béotie, offerte aux yeux et gravée dans les temples de cette religieuse contrée, suffisait à dénouer la langue du jeune homme, né pour les vers, qui vivait dans ces lieux.

1870. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Le goût, le choix, ne faisaient pas vivre cette poésie. […] Quelle ode d’Horace, sur les premiers temps de Rome, égale ce tableau de l’ancienne Florence, dans le xve  chant du Paradis : « Florence, au milieu de cette enceinte antique d’où elle compte encore les heures du jour, vivait en paix, dans la sobriété et la pudeur.

1871. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Il a beaucoup vécu ; dans sa première jeunesse, il a été aide-chirurgien de marine.

1872. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Rien de plus juste, et c’est là un des bienfaits, une des garanties habituelles du régime sous lequel nous vivons.

1873. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Nous n’avons eu d’autre effort à faire que de nous remettre au point de vue et dans la voie où l’habitude journalière de vivre et de penser littérairement avec lui nous avait laissé à sa dernière heure.

1874. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Dès lors son unique pensée est d’achever doucement de vivre, et de savourer à loisir la béatitude qu’elle s’est ménagée : dans sa lettre d’adieux à madame des Ursins, le rayonnement de l’amour-propre satisfait perce sous la froideur ascétique et les sentiments chrétiens : « Vous avez bien de la bonté, madame, d’avoir pensé à moi dans le grand événement qui vient de se passer ; il n’y a qu’à baisser la tête sous la main qui nous a frappés.

1875. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Réception à l’Académie Française »

Depuis ce temps, fier et blessé dans sa candeur, le poète s’en retourna vivre sur cette terre d’Italie dont il aimait l’air, la lumière et la noble beauté.

1876. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable.

1877. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Que de temps, que d’études, que d’observations rectifiées l’une par l’autre, que de recherches dans le présent et dans le passé, sur tous les domaines de la pensée et de l’action, quel travail multiplié et séculaire, pour acquérir l’idée exacte et complète d’un grand peuple qui a vécu âge de peuple et qui vit encore !

1878. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

L’honneur leur appartient d’avoir ouvert la porte À quiconque osera d’une âme belle et forte Pour vivre dans le ciel en la terre mourir.

1879. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Nous n’aurons pas à étudier la littérature de langue d’oc, bien qu’elle ait vécu surtout sur le territoire français : non plus que nous n’étudions la littérature gallo-romaine ou les écrits latins de notre moyen âge.

1880. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Ses deux premiers volumes paraissent en 1749 : préparer les volumes suivants, sera l’unique affaire des trente-neuf années qui lui restent à vivre.

1881. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Beaucoup de ces braves histrions défunts (histrions n’est ici qu’un latinisme, je vous en avertis) sont déjà comme s’ils n’avaient jamais vécu.

1882. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Il a de plus en plus vécu avec la pensée de Sirius.

1883. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Nous sommes prêts à vivre, quand tant de gens ne parlent que de mourir.

1884. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

De ce four, pour nous servir de ce terme assez plaisant, sont sortis différens Ouvrages, tous marqués au même défaut de coction & de maturité : des Héroïdes, qui, avec de l’aisance & de la douceur, manquoient absolument de cette énergie, de cette chaleur, de cette variété, de ces mouvemens qui font vivre le style & annoncent le Poëte vivant : des Poëmes, des Odes, des Epîtres, sans verve, sans goût, & dont l’unique effet a été de faire partager la honte de leur médiocrité aux Académiciens qui ont couronné plusieurs de ces Pieces : des Tragédies, qui, à l’exception de Warwick, ne s’élevent pas au dessus des Productions scholastiques ; & encore sur ce Warwick, M. de la Harpe peut-il dire, mille bruits en courent à ma honte.

1885. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

La plupart des Grands, sans en excepter les Princes, semblables à ces arbres nés dans le silence, & accrus à l’ombre des forêts, vivent & meurent sans que leur existence & leur chute fassent une sensation & un vide dans le monde : il n’en est pas de même de l’homme qui a su se rendre utile par ses lumieres ou ses talens ; il est connu par-tout où ses Ouvrages pénetrent ; & plus ou moins honoré de ses Contemporains, selon qu’il s’est montré plus ou moins supérieur dans le genre qu’il a embrassé, il peut se flatter d’exister encore avec honneur dans la mémoire des générations futures.

1886. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Il y vécut.

1887. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Il vivrait dans la nature, il habiterait avec la société.

1888. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

En vain remontra-t-on à ce beau génie que Scaliger cherchoit moins à l’abbaisser, qu’à faire vivre, à la faveur de ses satyres grossières, sa femme & ses enfans.

1889. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

« Si le besoin d’argent fait travailler pour vivre, il me semble que le triste spectacle du talent aux prises avec la faim doit tirer des larmes des yeux les plus secs.

1890. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

……………………………………………… Seigneur, de vos bontés il faut que je l’obtienne, Elle a trop de vertu pour n’être pas chrétienne ; Avec trop de mérite il vous plut la former Pour ne vous pas connoître et ne vous pas aimer, Pour vivre des enfers esclave infortunée, Et sous leur triste joug mourir comme elle est née !

1891. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« Nous mourons et nous changeons à toute heure, écrit-il à un de ses amis, et cependant nous vivons comme si nous étions immortels.

1892. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

L’Esprit des Lois et les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, et de leur décadence, vivront aussi longtemps que la langue dans laquelle ils sont écrits.

1893. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Il faut, pour faire une comédie du même genre du génie, de l’étude, et de plus avoir vécu long-temps avec le monde.

1894. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Un homme, en ce temps-là, s’aperçut un jour de la monstruosité sous laquelle le monde vivait en paix et allait son train.

1895. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Aucun jeune nom inconnu, l’espoir de ce qui nous reste de xixe  siècle à vivre, n’a jailli de l’obscurité et brillé, je ne dis pas comme une étoile, — je ne suis pas si ambitieux, — mais simplement comme une de ces bulles de lumière dont le destin est de tout à l’heure s’évanouir !

1896. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Je n’ai aucun attachement aux richesses, mais je ne suis pas encore assez habile pour trouver que j’ai tout le nécessaire si je n’avais que le nécessaire, et je perdrais plus de la moitié de mon esprit si j’étais à l’étroit dans mon domestique. »‌ Vivre à l’étroit, se contenter du nécessaire, c’est ce qu’un Renan, un Stendhal acceptent d’enthousiasme.

1897. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Dans le temps où le genre humain était encore extrêmement farouche, et où la religion était le seul moyen puissant de l’adoucir et de le civiliser, la Providence voulut que les hommes vécussent sous les gouvernements divins, et que partout régnassent des lois sacrées, c’est-à-dire secrètes, et cachées au vulgaire des peuples.

1898. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

C’était dans l’origine des terres accordées par les seigneurs aux prières des pauvres qui vivaient du produit de la culture. — (Voy.

1899. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Telle elle vécut et elle mourut. […] Il intervint utilement, et de la seule manière dont il le pouvait, en tâchant de faire prolonger indéfiniment les procédures : « Car il ne faut pas se flatter, écrivait-il, de terminer cette affaire autrement que par insensible transpiration, et en la traînant si longtemps que cela la fasse oublier, ce qui n’est pas même fort aisé ; car quand une fois un livre est dénoncé ici, vous ne sauriez croire avec quelle ardeur quatre zélés et quatre mille hypocrites le poursuivent. » Il réussit pourtant à rendre à son illustre confrère ce bon office auquel se prêta la partie sage de la cour romaine. — Le duc de Nivernais avait auprès de lui, dans son ambassade de Rome, un homme d’esprit et de talent, La Bruere, auteur d’opéras et capable de mieux, et qui, s’il avait vécu, aurait appris au public à distinguer son nom de celui de son presque homonyme. […] À cette époque, et dans le monde particulier où vivait Besenval, M. de Nivernais était dès longtemps remplacé : le Nivernais jeune et du moment, l’homme aimable et à la dernière mode, c’était M. de Vaudreuil.

1900. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Aie pitié, et laisse-moi vivre. […] Le fils unique de l’aubergiste, Herman lui-même, a attelé ses beaux chevaux favoris au chariot de poste de son père, et il est allé porter des vivres, des couvertures, des vêtements, à ces infortunés surpris par l’irruption dans la nuit. […] Ils oublièrent les distances qui les séparaient, ils se jurèrent une amitié indissoluble, ils se promirent de se rejoindre un jour à Weimar pour vivre tous deux de la même vie aussitôt que les circonstances leur laisseraient la liberté de leurs sentiments l’un pour l’autre.

1901. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Quoique d’un âge bien plus mûr, monsieur, ajoute-t-elle, je viens avouer que je rougissais dans mon cœur de vivre à si peu de distance du pays que vous habitez, Saint-Point, Milly, Monceau, sans avoir cherché, pendant que vous vivez encore, à voir un homme dont nos contemporains ont tant entendu parler et dont la postérité dira peut-être à son tour : « L’avez-vous par hasard rencontré sur les chemins de la Bourgogne, soit dans la maison de son enfance, à Milly, soit dans la masure de Saint-Point, soit dans son château paternel de Monceau, noms familiers à nos oreilles ?  […] Madame de Lamartine, sa mère, vivait encore alors, et en me voyant entrer dans sa cour pour porter ceci ou cela à son fils, elle me souriait avec son air si aimable de bonté et me disait : « Entrez donc, Besson, un moment à la cuisine, et prenez donc un verre de vin blanc pour vous rafraîchir pendant que mon fils va répondre à M. le curé. » Ah !

1902. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Dieu soit loué de tout, et vous donne la grasce de persévérer au service de son Église tant que vous vivrez, et jamays ne puisse cet honneur sortir de nostre race, que, tant hommes que femmes, soyons prompts de respandre nostre sang pour maintenir la querelle de la foy, tous aultres respects mondains mis à part ; et, quant à moy, je m’estime née du costé paternel et maternel, pour offrir mon sang en icelle, et je n’ay intention de dégénérer. […] Elle consulta l’horloge et dit : « Je n’ai plus que deux heures à vivre ici-bas. » Il était six heures du matin. » « Elle ajouta à sa lettre au roi de France qu’elle désirait que les revenus de son douaire fussent payés après sa mort à ses serviteurs, — que leurs gages et pensions leur fussent payés leur vie durant, — que son médecin (Bourgoing) fût reçu au service du roi, — que Didier, un vieux officier de sa bouche, conservât le greffe qu’elle lui avait donné : « ……… Plus, que mon aumosnier soyt remis à son estat, et, en ma faveur, pourveu de quelque petit bénéfice pour prier Dieu pour mon ame le reste de sa vie.......... […] Madame, s’écria Melvil en se rapprochant de sa maîtresse et en tombant à ses pieds, j’ai trop vécu, puisque mes yeux étaient réservés à vous voir la proie du bourreau, et que ma bouche devra redire à l’Écosse l’affreux supplice. » Des sanglots s’exhalèrent de sa poitrine au lieu de paroles.

1903. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

On nous conte qu’en 1624 des princes, des dames et des seigneurs d’Allemaine firent une Académie des vrais amants pour vivre la vie de l’Astrée sous les noms de l’Astrée. […] Il vivait dans l’intimité de la marquise de Rambouillet, et il savait toujours faire jaillir quelques rimes ou quelques pointes, de toutes les circonstances qui intéressaient le petit cercle. […] Il n’y a pas un de ces poètes qui sache ce que c’est qu’un homme, et soit capable d’en faire vivre un dans son poème.

1904. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Ces libertins du monde n’avaient pas de doctrine arrêtée : ils se moquaient des mystères et des dévots, affichaient la tolérance, prétendaient suivre seulement la raison et la nature, et vivaient en gens pour qui c’est raison de satisfaire à leur nature. […] Quand le jansénisme commença de se répandre dans le monde, on se tourna vers Port-Royal comme vers le sanctuaire, le centre religieux de la nouvelle Église : les bâtiments de Port-Royal des Champs furent relevés334 et servirent d’asile aux solitaires, aux hommes saints que la grâce avait touchés, et qui, sans se lier par aucuns vœux, sans quitter leur nom, sans former une communauté régulière, venaient vivre là, dans la retraite, une vie d’étude et de piété. […] Il faut donc vivre en chrétien.

1905. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Sa mère, à laquelle il paraît qu’il ressemblait beaucoup, vivait encore, et il l’entourait de respects touchants. […] Les mystiques vivaient dans un état de tension si extraordinaire que quelques-uns d’entre eux moururent. […] Nous vivions d’ailleurs beaucoup les uns des autres.

1906. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Le gentilhomme vivait alors dans un monde à part, aussi étranger à la bourgeoisie, par ses traditions et par ses usages, que l’étoile de Sirius peut l’être à la terre. […] Les courtisanes de naissance ou de vocation sont comme les animaux marins que l’eau douce empoisonne ; il leur faut, pour vivre et respirer à l’aise, l’écume et la salure de leur mer Morte natale. […] Il est de ceux qu’on discute parce qu’ils vivent, et que rien de ce qui vient d’eux n’est indifférent.

1907. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

Au premier abord, cette opinion semble, en effet, très probable, car les espèces qui vivent dans une même contrée demeureraient bien difficilement distinctes, s’il leur était possible de croiser librement. […] J’étais d’abord peu disposé à admettre cette idée, par la raison qu’en général les hybrides, une fois nés, se portent bien et vivent longtemps, comme nous le voyons pour la mule. Mais les circonstances où se trouvent les hybrides avant et après leur naissance sont bien différentes : une fois nés, s’ils demeurent dans la contrée où vivent leurs parents, ils sont généralement placés sous des conditions de vie convenables.

1908. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le poète des Contemplations est le Ronsard du xixe  siècle, un Ronsard en second, chef, comme l’autre Ronsard, d’une école qui n’a pas vécu. […] Toutes ces métamorphoses, — produit d’une imagination ambitieuse et impuissante qui ne saisit que des rapports vulgaires et qui est bien au-dessous du terrible des Contes de Perrault, — devaient au moins se relever et vivre par l’expression : mais lisez ces vers inouïs et pensez aux beautés correctes, spirituelles et lumineuses d’Ovide ! […] Hugo a recommencé de vivre d’une vie plus intense peut-être que ne l’a été sa jeunesse.

1909. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

De personnages réels, historiques ou humains, exceptionnels, mais vivants, car l’exception elle-même doit vivre, vous n’en trouverez pas plus ici que de composition. […] Ces faits : la naissance de Borgia, de vieille race royale aragonaise et dont l’élévation ecclésiastique vint de ce qu’il était le neveu du vaillant pape Calixte III ; ses premières fonctions, qui furent militaires ; son mariage avec Julia Farnèse, qui mourut après quelques années ; la légitimité, contestée et prouvée incontestable, de ses enfants ; le rétablissement dans son titre pur de belle-mère de celle-là que les historiens ont appelée, sans le comprendre, du nom familier et intime de Vanozza, et dont ils ont fait la maîtresse d’Alexandre VI jusque dans ses dernières années parce que cette belle-mère, gendre respectueux, il n’avait jamais cessé de la visiter ; les longues années sous plusieurs papes qui le conservèrent chancelier de l’Église, le firent évêque et l’envoyèrent, comme légat, en Aragon, représenter le Saint-Siège ; ses mœurs si accusées, mais garanties par la considération des papes — presque tous des grands hommes — sous lesquels il vécut, et par sa popularité dans le collège des Cardinaux, où jamais une voix ne s’éleva contre lui, mais où toutes, moins deux, s’élevèrent pour lui quand il fut nommé pape : tous ces faits sont racontés ici avec un détail dans lequel nous ne pouvons entrer, mais qui confond, par sa netteté et par son poids, quand on songe à tout ce qu’on a fait de cette simple et imposante histoire ! […] ce crime incomparable dans les annales du monde, parce qu’il tua à travers un homme le principe qui fait vivre les nations, — le principe d’autorité !

1910. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Il s’agissait d’acheter à un drôle qui vivait de chantage à Londres le manuscrit d’un libelle infamant dont il menaçait Mme Du Barry. […] Que les divers ordres de l’humanité vivent côte à côte en se supportant mutuellement. […] Mais l’application seule ne suffit pas pour enfanter des œuvres d’art qui vivent à toujours. […] es-tu même sûr de vivre ? […] Quelle chose que de vivre dans un siècle où tout est usé, flétri, discuté, nié, prouvé !

1911. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Je veux vivre !  […] Vivent les expéditions lointaines, si elles doivent nous rapporter de semblables merveilles ! […] Aux uns il faut une plus grande masse de profits et d’avantages matériels ; d’autres vivent de plus de gloire et recherchent plus de grandeur. […] Veuillot qu’ils « auraient sauvé beaucoup de choses qui vont périr et que même ils en auraient créé quelques-unes qui eussent vécu ». […] « Nous vivons dans une société sombre.

1912. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Elle ne sait rien de la vie vécue. […] Et dans ce pays des cailles à trois sous pièce, du vin à un sou la bouteille, des corbeilles de figues pour rien, les soixante francs que lui rapportent les deux miss, permettent à Raffaëlli et à sa femme de passer tout l’hiver, et de vivre dans une aisance que le ménage n’avait jamais connue. […] si j’avais encore quelques années à vivre, je voudrais écrire sur l’Art Japonais un livre dans le genre de celui que j’ai écrit sur l’Art du dix-huitième siècle, un livre moins documentaire, mais un livre encore plus poussé vers la description pénétrante et révélatrice des choses. […] C’est bon tout de même, cette vie active, affairée, précipitée, où l’on n’a pas une minute à soi : ça fait vivre jeunement, un vieux comme moi. […] … » Ma pièce, ainsi qu’elle est faite, et avec l’apeurement produit par la presse dans la gent bourgeoise, ne peut vivre que par la curiosité sympathique du Paris lettré.

1913. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Non seulement il entreprit de gouverner la France, mais il entreprit de l’intéresser, et ces deux choses se tiennent plus qu’on ne le croit communément, car les nations sont comme les hommes : elles ne vivent pas seulement de pain, et il n’y a rien de plus terrible qu’un peuple qui s’ennuie. […] Les populations mises en coupes réglées par la guerre se félicitaient, comme il arrive dans les villes longtemps décimées par la contagion quand le fléau cesse de frapper : les mères, qui s’effrayaient naguère encore de voir grandir leurs fils, se disaient que les enfants qu’elles nourrissaient pourraient vivre. […] Elle est fatiguée de cette vie publique et générale qui a longtemps absorbé tout sentiment individuel ; elle ne veut plus marcher du même pas, au son du tambour, groupée tout entière autour du même drapeau ; elle rompt les rangs, elle dit adieu à la discipline ; chacun reprend l’indépendance de sa pensée, la liberté de ses sentiments ; chacun veut vivre de sa vie propre, de ses émotions personnelles. […] On veut se regarder vivre, sentir que le soleil se lève et que le soleil se couche ; on veut penser, prier, méditer, aimer ; l’homme de fer et de bronze a en vain jeté encore une fois à ce peuple haletant de fatigues et de triomphes la terrible parole, qui fut pendant quatorze ans son histoire : Agis ! […] Le général Foy, que sa chaleur d’âme intéressait à tout, qui vivait dans la palpitation de cœur continue de la tribune, du travail et des entretiens animés, serrait les mains du jeune poëte, le louait d’enthousiasme sur ses sentiments, ses expressions, son éloquence, et l’assurait qu’il serait un jour l’honneur de la tribune, s’il venait y défendre les vrais principes de la monarchie constitutionnelle.

1914. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Je ne sais qu’un moyen d’y échapper, c’est de vivre rez terre. […] C’était son neveu Hippolyte Royer-Collard, vraiment de sa famille, quoiqu’il n’y parût guère à son humeur et à sa manière de vivre. […] Avant de les faire apparaître à la lumière, il avait pensé aux moyens de les faire vivre. […] faut-il donc se reprendre à vivre ? […] Est-ce que nous vivons ?

1915. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

La cause pour l’efet ; par exemple : vivre de son travail, c’est-à-dire, vivre de ce qu’on gagne en travaillant. […] C’est-à-dire, qu’on ne songe guére à faire l’amour quand on n’a pas dequoi vivre. […] Par la même raison on dit que les persones d’une condition médiocre ne doivent pas se mesurer avec les grands, c’est-à-dire, vivre come les grands, se comparer à eux, come on compare une mesure avec ce qu’on veut mesurer. […] « ne devrois tu point mourir etc. » c’étoit par la même figure qu’au lieu de dire je vous abandone, je ne me mets point en peine de vous, je vous quite, les anciens disoient souvent, vivez, portez-vous bien. Vivez forêts, cette expression, dans l’endroit où Virgile s’en est servi, ne marque pas un souhait que le berger fasse aux forêts, il veut dire simplement qu’il les abandone.

1916. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Pourtant un fluide bienfaisant nous baigne, où nous puisons la force même de travailler et de vivre. […] Dans l’absolu nous sommes, nous circulons et vivons. […] Car nous saisissons du dedans, nous vivons à tout instant une création de forme, et ce serait précisément là, dans les cas où la forme est pure et où le courant créateur s’interrompt momentanément, une création de matière. […] Plus particulièrement, si je considère le monde où nous vivons, je trouve que l’évolution automatique et rigoureusement déterminée de ce tout bien lié est de l’action qui se défait, et que les formes imprévues qu’y découpe la vie, formes capables de se prolonger elles-mêmes en mouvements imprévus, représentent de l’action qui se fait. […] Elle nous donne aussi plus de force pour agir et pour vivre.

1917. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Le cuisinier de l’ambassadeur de Rome ne sera pas moins en réputation, et Bernis dut un jour en écrire à M. de Choiseul pour répondre à de sots bruits qu’on faisait courir sur le luxe de sa table : « Un bon ou mauvais cuisinier fait qu’on parle beaucoup de la dépense d’un ministre ou qu’on n’en dit mot ; mais il n’en coûte pas moins d’être bien ou mal servi, quoique le résultat en soit fort différent. » Or, il est constant que Bernis, au milieu de cette table somptueuse qu’il offrait aux autres, ne vivait lui-même que frugalement et d’une diète toute végétale : J’ai été dîner avec Angelica Kaufmann (le peintre célèbre) chez notre ambassadeur, écrit Mme Lebrun dans ses Mémoires : il nous a placées toutes deux à table à côté de lui ; il avait invité plusieurs étrangers et une partie du corps diplomatique, en sorte que nous étions une trentaine à cette table dont le cardinal a fait les honneurs parfaitement, tout en ne mangeant lui-même que deux petits plats de légumes. […] Bernis ne revint plus jamais vivre à Paris depuis ces années.

1918. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Le passé, attesté par des ruines majestueuses, lui paraît plus grand, et préférable au temps où il vit : « Quel bonheur, dit Aladin, j’aurais eu de vivre dans un siècle aussi éclairé ! […] Dans les dernières années, M. de Meilhan vivait à Vienne, au quatrième étage, pauvre et assez entouré.

1919. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À Nîmes, repoussé tout net par les gens aisés qui le mettent à la porte, il allait être réduit à passer la nuit à la mairie sur un lit de camp, lorsqu’une bonne femme, dont le fils unique était à l’armée, le retira chez elle : Nous étions, dit-il, aussi pauvres l’un que l’autre ; elle vivait de son travail, et je n’avais qu’une modique solde en assignats dont personne ne voulait plus. […] Un mot flatteur de l’empereur, un titre de baron, et quelques milliers de francs pour vivre plus tard dans une modeste aisance, telles étaient les limites extrêmes de notre ambition personnelle.

1920. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard vivait à Paris au commencement de l’Empire dans un quartier central, du côté de la rue Montmartre (si je ne me trompe) ; sans être trop solitaire ni renfermé, il cherchait à se défendre des visites importunes. […] Sa longue et belle existence permit à toutes ses qualités, je l’ai dit, de se développer à leur avantage et à leur honneur ; il usa, à force de durer et de vivre, toutes les critiques dont il avait été l’objet, et celles qui étaient injustes, et celles qui n’étaient que transitoires.

1921. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Ces excès de table sont la cause de son état maladif, et bien des personnes pensent qu’en continuant de la sorte il ne pourra vivre longtemps. […] Que si les types connus et répétés vous ennuient, rien n’est épuisé ; l’imagination et l’observation sont deux sources ; ayez vos types tout neufs, ayez-les à vous, et, par votre talent, faites-les aussitôt vulgaires ; opérez le miracle du poète et dites-leur : Vivez et marchez !

1922. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Les artistes vivaient d’un côté, les lettrés d’un autre. […] Il a dans son crayon de cette aisance et de cette grâce dégagée qu’avait ce premier élève dis Balzac, qui eût pu être supérieur au maître si un disciple l’était jamais, et si surtout il eût plus fait, et si enfin il eût vécu ; je veux parler de Charles de Bernard.

1923. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

… Surtout préparez dans votre intérieur les moyens de tenir vos engagements… Pénétrez-vous bien de cette vérité, que, pour s’illustrer par une résistance honorable au siècle où nous vivons, un peuple peu nombreux doit opposer aux armées disciplinées et permanentes le courage du Spartiate. […] Destiné par le sort à vivre loin de mes pénates, mon avis n’en est que plus impartial et plus méritoire.

1924. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Tout le monde en était informé alors, on vivait au milieu. […] Quand on a vécu très au centre et au foyer de la littérature de son temps, on comprend combien, en ce genre d’histoire aussi (quoiqu’il semble que là du moins les œuvres restent), la mesure qui ne se prend que du dehors est inexacte et, jusqu’à un certain point, mensongère et convenue ; combien on surfait d’un côté en supprimant de l’autre, et comme de loin l’on a vite dérangé les vraies proportions dans l’estime.

1925. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Claude-Ignace Brugière (ou Breugière) de Barante, bisaïeul de notre contemporain, était venu jeune à Paris, y avait connu Valincourt, l’ami de Boileau, et aussi Le Sage et Fuzelier, cette arrière-garde légère du grand siècle, ce qui ne l’empêcha pas de retourner vivre chez lui en excellent avocat. […] Comme nous l’avons déjà observé pour mademoiselle de Meulan et pour d’autres esprits influents sortis du même milieu, nous rencontrons ici un nouvel exemple d’un intéressant berceau placé dans cette haute classe moyenne, au sein de cette haute société administrative qui vivait avec l’aristocratie sans en être, et qui devait, dans la génération prochaine, la remplacer.

1926. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Les évangiles apocryphes furent préférés à la Bible et à l’Evangile ; les saints romains, gallo-romains, ou français, avec leurs maigres légendes et leurs figures presque réelles, ne soutinrent pas la concurrence des saints grecs, orientaux, celtiques, saints fantastiques, prestigieux, qui souvent n’avaient pas vécu, ou qui n’avaient jamais reçu le baptême que de l’affection populaire. […] La Vierge vient remplacer la sacristine d’un couvent, qui s’est enfuie pour vivre dans la débauche, en sorte qu’on n’a pas remarqué son absence lorsqu’après bien des années le repentir la ramène.

1927. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Les passions ne troublèrent pas sa vie : il était homme de famille, et vécut dans une étroite intimité avec son frère Thomas, de vingt ans plus jeune que lui. […] Il ne crée pas, avec les mots, les images, les harmonies de son vers, une sorte d’atmosphère poétique où vivront ses héros ; au contraire, il dessine la courbe de leur effort sur un fond neutre, qui laisse la pensée libre, et ne dérobe aucune partie de l’attention.

1928. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Et, si ce sont là actions pures, au moins nous avons vécu pendant une heure au milieu d’une humanité plus belle et plus noble, ce qui est un grand plaisir pour ceux qui n’aiment pas la réalité ou qui ne savent pas la voir. […] Au bout de six mois, elle déclare posément à son mari qu’elle ne l’aime plus et qu’elle entend vivre à sa guise et avoir des amants si cela lui plaît.

1929. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Il en rapporta tout l’honneur à son guide, et déclara qu’il n’avait pas vécu jusque-là ; qu’il renaissait à la véritable vie. […] C’est cet esprit, formé d’une sensibilité plus douce que profonde, d’une imagination plus enjouée que forte, d’une raison sûre, quoique bornée, qui fait vivre les poésies de Marot.

1930. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

« Il vivait, écrit-il, en philosophe, avec quelques amis et ses livres ; il avait l’humeur agréable, point d’ambition, pas même celle de montrer de l’esprit. » Ce dernier trait contredirait ce que Boileau en a écrit : « Qu’il ne lui manquerait rien si la nature l’avait fait aussi agréable qu’il a envie de l’être. » Il est vrai que Boileau dit de l’auteur ce que d’Olivet dit de l’homme. […] Ce peu de détails sur sa vie prouve qu’il vivait beaucoup en lui, et que, sans se commettre avec les hommes dont il n’avait rien à prétendre, il les observait du poste où l’avait mis Bossuet.

1931. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre X. La Science est-elle artificielle ? »

De ce qu’elle est « vécue », c’est-à-dire de ce que nous l’aimons et que nous croyons en elle ? […] Et si même, il n’y avait ni interprète, ni dictionnaire, si les Allemands et les Français, après avoir vécu des siècles dans des mondes séparés, se trouvaient tout à coup en contact, croit-on qu’il n’y aurait rien de commun entre la science des livres allemands, et celle des livres français ?

1932. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Nous avons rêvé ; ils veulent vivre et dire ce qu’ils ont vécu, directement simplement, intimement, lyriquement.

1933. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il écrivait sans hésiter : « Des classes entières doivent vivre de la gloire et de la puissance des autres. » Ainsi toute une partie de l’humanité était vouée pour jamais à n’avoir que la fumée ou les miettes d’un banquet où serait assise une élite privilégiée. […] » ― En dépit de ces oppositions, les écrivains ont continué et continueront avec raison à dire leur mot sur des problèmes qui nous concernent tous comme citoyens et comme hommes et à croire que le talent ne perd rien à servir la cause de la civilisation ; et selon leurs opinions, leurs tempéraments, le milieu où ils vivent, retenant ou poussant en avant la société dont ils font partie, ils ne cesseront d’entrecroiser d’une façon étroite l’histoire de la littérature et celle du droit.

1934. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Écoutons le raisonnement : Si l’on veut bien considérer, nous dit d’Olivet, qu’il a vécu quatre-vingt-onze ans moins quelques jours, qu’il se porta dès sa plus tendre enfance à l’étude, qu’il a toujours eu presque tout son temps à lui ; qu’il a presque toujours joui d’une santé inaltérable ; qu’à son lever, à son coucher, durant ses repas, il se faisait lire par ses valets ; qu’en un mot, et pour me servir de ses termes, ni le feu de la jeunesse, ni l’embarras des affaires, ni la diversité des emplois, ni la société de ses égaux, ni le tracas du monde, n’ont pu modérer cet amour indomptable de l’érudition qui l’a toujours possédé, une conséquence qu’il me semble qu’on pourrait tirer de là, c’est que M. d’Avranches est peut-être, de tous les hommes qu’il y eut jamais, celui qui a le plus étudié. […] L’âge acheva de mettre le sceau à cette manière honorable de vivre et de sentir.

1935. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Louis XIV se prêta et conspira à ce secret tant que vécut la reine mère. […] Les deux premiers enfants qui naquirent de cette liaison, deux garçons qui vécurent peu, furent présentés au baptême par d’anciens domestiques, de pauvres gens, parmi lesquels un vrai pauvre de paroisse.

1936. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle imagine donc, en une prairie, près d’une forêt, en vue de la mer, une société des deux sexes, toute composée de gens aimables et parfaits, délicats et simples, qui gardent les moutons les jours de soleil et pour leur plaisir, qui se visitent le reste du temps d’un ermitage à l’autre, en chaise, en calèche, en carrosse ; qui jouent du luth et du clavecin, lisent les vers et les ouvrages nouveaux ; qui unissent les avantages de la vie civilisée et les facilités de la vie champêtre, sans oublier les vertus de la vie chrétienne ; qui, tous célibataires ou veufs, polis sans galanterie ou du moins sans amour, vivent honnêtement entre eux, et n’ont nul besoin de recourir au remède vulgaire du mariage. […] Elle l’avait établi, comme malgré lui, son conseiller, son confident : elle voulait se marier, lui disait-elle, se marier décidément en France, faire la fortune de quelqu’un qui le méritât, et vivre avec cet honnête homme et cet ami dans une estime parfaite, avec douceur et tranquillité.

1937. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Il vécut trois ou quatre années en Suisse, particulièrement à Lausanne, y vit tout ce qui y passait de distingué, surtout Mme de Staël, à qui il tint tête, et qui le jugea dès lors un homme de génie. […] Après 1815, quand la maison de Savoie est rétablie dans son antique héritage, M. de Maistre, à la veille de rentrer dans sa patrie, mais lésé lui-même dans sa fortune et à peu près ruiné dans son patrimoine, ne forme plus que le vœu du patriarche ; il nous laisse voir l’unique fond de son désir au milieu de cet ébranlement de l’Europe, où le volcan ne se ferme d’un côté que pour se rouvrir d’un autre : « Ma famille, mes amis et mes livres suffisent aux jours qui me restent, et je les terminerais gaiement si cette famille ne me donnait pas d’affreux soucis pour l’avenir. » Faisant allusion à cette vivacité qu’il portait volontiers en tout, et dont il ne prétend pas s’excuser : Cependant, écrivait-il à un ami, si j’avais le plaisir de vivre quelque temps avec vous sous le même toit, vous ne seriez pas peu surpris de reconnaître en moi le roi des paresseux, ennemi de toute affaire, ami du cabinet, de la chaise longue, et doux même jusqu’à la faiblesse inclusivement !

1938. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Quand le mari fut mort, il vécut quelques années avec elle, puis l’épousa. […] Il est d’usage de vivre longtemps, à l’Académie ; c’est là une habitude qui ne s’est pas perdue, et qui, jointe à tant d’autres avantages, ne laisse pas d’avoir son prix.

1939. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Cependant il vivait trop de la vie brillante, dissipée, mondaine, de la vie de plaisirs, et, à peine âgé de vingt-huit ans8, il se disait lassé et vieilli : Quant à la vie que je mène, écrivait-il à un ami (janvier 1785), c’est un drame si ennuyeux, que je prétends toujours que c’est Mercier qui l’a fait. […] Mais toutes ces intentions premières furent interceptées et arrêtées avant le temps par le malheur des circonstances, et surtout par l’esprit du siècle dans lequel Rivarol vécut trop et plongea trop profondément pour pouvoir ensuite, même à force d’esprit, s’en affranchir.

1940. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

La Harpe eut de sa femme deux enfants qui ne vécurent pas. […] Pour juger d’un livre, il y a une épreuve sûre : quand vous en avez retranché tous les défauts, s’il y reste de grandes beautés, l’ouvrage mérite de vivre.

1941. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Défiguré en plein visage à vingt-six ans par une horrible maladie qui sentait son Moyen Âge ou son xvie  siècle, il vivait à Paris de sa plume, nécessiteux, fier, ulcéré, s’échappant du milieu de ses besognes commandées en tirades éloquentes, saisi fréquemment d’accès de violence et de rage, envieux, misanthrope, et pourtant généreux par retours, applaudissant encore du fond de son malheur à ce qui annonçait quelque vigueur mêlée d’amertume. […] Carrel dit quelque chose d’approchant de la seconde réalité, essentielle encore, selon lui, à toute constitution politique qui dérive de la Révolution bien comprise : ce second pouvoir, c’est une certaine aristocratie, qui tient de l’ancienne noblesse et qui se rapporte assez exactement à la classe des grands propriétaires : « Nous la transformerons en pairie, dit-il, et nous vivrons bien désormais avec elle. » Cet article, un peu enveloppé à cause du but, est d’ailleurs plein de sens et fait bon marché des doctrines abstraites ou mystiques en sens inverse, tant de celle du droit divin que de celle des disciples de Rousseau : Que si, croyant nous pousser à bout, vous nous demandez où réside enfin suivant nous la souveraineté, nous vous répondrons que ce mot n’a plus de sens ; que l’idée qu’il exprime a disparu par la Révolution comme tant de choses ; que nous ne voyons nulle utilité à la vouloir ressusciter ; que le peuple n’a plus besoin d’être souverain et se moque d’être ou non la source des pouvoirs politiques, pourvu qu’il soit représenté, qu’il vote l’impôt, qu’il ait la liberté individuelle, la presse, etc. ; enfin le pouvoir d’arrêter une administration dangereuse en lui refusant les subsides, c’est-à-dire l’existence même.

1942. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Notre enfance a vécu là-dessus et s’y est laissé porter comme sur un courant plein, sûr et facile. […] Les générations d’aujourd’hui sont positives, sans rêverie, sans tristesse ; radicalement guéries du mal de René, elles ont en elles l’empressement d’arriver, de saisir le monde, de s’y faire une place, et d’y vivre de la vie qui leur semble due à chacun à son tour : générations scientifiques ou industrielles, peu idéales, avides d’application, estimables pourtant en ce que la plupart font entrer le travail dans leurs moyens et ne reculent point devant les études spéciales qui mènent au but.

1943. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Schopenhauer, Taine et Nietzsche ont fait de la métaphysique ou de la psychologie en un style plein d’images expressément créées par eux pour expliquer leurs visions ; tous les trois furent de grands visionnaires devant lesquels l’Abstraction elle-même, comme au regard d’un démiurge, se mettait à vivre et à remuer sous ses longs voiles gelés par les hivers philosophiques. […] Nous vivons dans l’absurde.

1944. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Le caractère esthétique des sensations, en effet, nous paraît dépendre beaucoup moins de leur origine et, pour ainsi dire, de leur matière que de la forme et du développement qu’elles prennent dans la conscience, des associations et combinaisons de toute sorte auxquelles elles donnent lieu : elles sont comme ces plantes qui vivent moins par leurs racines que par leurs feuilles. […] Les abstractions mêmes ont besoin de paraître vivre pour devenir belles.

1945. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

L’esthopsychologie, la science des œuvres d’art considérées comme signes, accompagnée de la synthèse biographique et historique que nous venons d’esquisser, dépeint des hommes réels, des hommes de fortune médiocre ou élevée, ayant vraiment vécu dans un entourage véritable, ayant coudoyé d’autres hommes en chair et en os, étant enfin des créatures humaines, avec, pour parler comme Shylock, des yeux, des mains, des organes, des dimensions, des sens, des affections., des passions, tout comme les vivants que l’on rencontre aujourd’hui sous nos yeux. Les penchants que les travaux analytiques révèlent en eux, la sensibilité que ces êtres montrent, l’enchaînement divers des mobiles, des actes, des pensées, des impressions causées par les événements, des dispositions maintenues malgré les hasards de la carrière, sont des faits psychologiques vrais, comme sont vrais aussi les détails extérieurs de leurs vie, leur visage, leur teint, leur gesticulation, leurs façons de vivre, de se vêtir, de mourir.

1946. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Que l’on ajoute à cette beauté des poèmes les nobles mélodies dont les ont ornés Schumann et d’autres, ces récitatifs lyriques qui font retentir et vivre les mots, les accentuent et les cadencent sur des lèvres humaines, et l’on pourra sentir par quel charme la chanson allemande demeure un genre populaire et exquis, comment elle est la poésie lyrique la plus vivace de toutes les littératures, la seule qui ait renoué avec la musique son ancienne alliance naturelle et profitable. […] Ils ont pénétré l’âme de toute une race ; ils ont des airs propres, des auditoires nombreux, et vivent dans la mémoire d’une multitude, demeurés ce que toute poésie était à l’origine, une déclamation mélodique et nationale.

1947. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Jupiter, d’ailleurs identique à Jéhovah (Iovi, lova), punit cette témérité : avoir voulu vivre. […] Il vécut ainsi paisible, vieillissant et attendant la mort avec un air insensé.

1948. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

L’artiste dit qu’il y a en Russie des hordes de prétendus sorciers qui vivent, comme ailleurs, de la crédulité des simples. […] Ceux du côté du Gros-Caillou étaient des brigands ; ceux du côté de Chaillot, les uns étaient de bonnes gens qui cultivaient la terre, d’autres des paresseux qui vivaient aux dépens de leurs voisins ; mais de temps en temps les brigands de l’autre rive passaient la rivière à la nage et en bateaux, tombaient sur nos pauvres agriculteurs, enlevaient leurs femmes, leurs enfans, leurs bestiaux, les troublaient dans leurs travaux et fesaient souvent la récolte pour eux.

1949. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Malheureusement on laissa vivre le monstre. Et qui vécut jamais en vain ?

1950. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Joseph Delorme est un monstre qui a vécu, non pas seulement parmi nous, mais bien dans chacun de nous. […] si c’était là tout, on pourrait vivre encore Et croupir du sommeil d’un être qui s’ignore !

1951. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Elle vivra comme un témoignage des grandeurs de la religion et de la vertu devant l’iniquité de la force doublée de génie. […] Les chants tardifs et posthumes qu’il a laissés sur Sainte-Hélène n’ajouteront pas aux chansons de la Grand’ Mère ou du Vieux Sergent ; mais ces chansons-là vivront comme l’esprit français, dont elles ont la puissance.

1952. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Les pays vivent et meurent de la politique. […] On eût dit que nous vivions au siècle de Périclès, de ce Périclès auquel Edmond Haraucourt, auteur de la Légende des Sexes, comparait élégamment Waldeck-Rousseau. […] Il mourut comme il avait vécu, ayant à sa droite le génie, et à sa gauche la vilenie, partagé entre la dégradation et l’enthousiasme. […] Ce qu’il entend rechercher, c’est le comment, ou enchaînement relatif des circonstances, au milieu desquelles, nous vivons. […] Ayant vécu, observé, élevé des enfants, j’affirme que l’éducation (sur laquelle repose l’instruction) est impossible, elle-même, sans la religion.

1953. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Heureux qui ne vit que pour vivre, Qui ne chante que pour chanter !

1954. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Tous ceux qui faisaient partie de ces deux tiers, « véritables comédiens ambulants qui changèrent de nom et d’habit en même temps que de rôle »,lui paraissent « indignes non-seulement de gouverner, mais encore de vivre. » Il reconnaît pourtant qu’en voyant meilleure compagnie ils se sont amendés sous quelques rapports, et que, pour tout dire, « ils ont fait à peu près comme ces malheureuses femmes, qui, ramassées dans les carrefours et dans les prisons de la capitale, sont envoyées dans les colonies Étrangères, où, quoique leur jeunesse se soit écoulée dans le désordre, elles adoptent une nouvelle vie, redeviennent honnêtes, et, grâce à de nouvelles habitudes, dans une position nouvelle, sont encore des membres tolérables de la société. » Le rapprochement n’a rien de flatteur ni de délicat ; mais l’illustre baronnet n’y regarde pas de si près ; il a même tant d’affection pour ces sortes d’images, que plus tard l’arrangement du premier consul avec ses ministres lui semblera « pareil aux mariages contractés par les colons espagnols ou les boucaniers avec les malheureuses créatures envoyées pour peupler les colonies », et qu’il trouvera les moyens en un endroit de comparer, je ne sais trop pour quelle raison, M. de Talleyrand à une vivandière.

1955. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La bonté ne demande pas, comme l’ambition, un retour à ce qu’elle donne ; mais elle offre cependant aussi une manière d’étendre son existence et d’influer sur le sort de plusieurs ; la bonté ne fait pas, comme l’amour, du besoin d’être aimé son mobile et son espoir ; mais elle permet aussi de se livrer aux douces émotions du cœur, et de vivre ailleurs que dans sa propre destinée : enfin, tout ce qu’il y a de généreux dans les passions se trouve dans l’exercice de la bonté, et cet exercice, celui de la plus parfaite raison, est encore quelquefois l’ombre des illusions de l’esprit et du cœur.

1956. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Amyot Amyot188, catholique sans fougue, helléniste délicat, qui vécut pour les lettres, fit une des grandes œuvres du siècle en traduisant Plutarque, les Vies et les Œuvres morales.

1957. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Promulguons la joie de vivre, admirons les différents labeurs de l’homme par quoi se transforme le monde.

1958. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

«… Tous ceux qui ont vécu à Londres ont pu constater cette supériorité.

1959. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Ils se trouvaient ensemble dans les résidences royales, participaient souvent aux mêmes fêtes, aux mêmes spectacles ; ils assistaient à de communs repas : « Molière, dit Palaprat, vivait dans une étroite familiarité avec les Italiens, parce qu’ils étaient bons acteurs et fort honnêtes gens. » On s’explique parfaitement l’influence qu’un de ces théâtres eut sur l’autre.

1960. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

« Le grand progrès moderne (sur lequel je ne me fais point d’ailleurs trop d’illusions) serait de ne point recourir aux voies anciennes et de vivre l’un à côté de l’autre, de se combattre sans se maudire.

1961. (1887) Discours et conférences « Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand »

Non ; elle est très courte ; mais à cela près, je vous l’assure, il est bon d’avoir vécu, et le premier devoir de l’homme envers l’infini d’où il sort, c’est la reconnaissance.

1962. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre V : Rapports du physique et du moral. »

Ici encore on attribue à l’esprit une existence indépendante, une faculté de vivre à part, d’agir à volonté avec ou sans un corps.

1963. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Le malheureux Bayle perdit sa place de professeur de philosophie & d’histoire à Rotterdam, seule ressource qu’il eût pour vivre.

1964. (1879) Balzac, sa méthode de travail

L’auteur de la Comédie humaine, qui vivait à une époque où les écrivains se plaisaient à jeter de la poudre aux yeux du public, fut assez satisfait de cet article d’Ourliac, paru primitivement dans Le Figaro, pour le donner tout entier en appendice dans la première édition de César Birotteau.

1965. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

On dit encore que le vieillard est moribond, et qu’il a le visage d’un agonisant… Le docteur Gatti dit que ces critiques-là n’ont jamais vu de malades, et que celui-ci a bien encore trois ans à vivre.

1966. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Que celui qui vous nourrit puisse vivre ; que celui qui donne du lait à vos enfants ait du pain ; que celui qui vous vêtit ne soit pas nu.

1967. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Il est à mon sens le plus methodique de ces ouvrages ; et comme son auteur grec de nation frequentoit tous les jours les romains, puisqu’il a vécu dans le temps que tous les païs habitez par les grecs étoient soumis aux successeurs d’Auguste, il a dû sçavoir l’usage qu’on faisoit de la musique à Rome et dans la Grece.

1968. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Il suffit pour cela que l’auteur de cet écrit, qui est connu depuis plusieurs siecles, ait vécu quand les théatres des anciens étoient encore ouverts.

1969. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Si je désire vivre encore quelques années, c’est dans l’espérance, bien ambitieuse du reste, de comprendre quelque chose à tel philosophe contemporain qui m’est fermé, et je veux dire à qui je suis fermé moi-même.

1970. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Tout le temps qu’il vécut, il ne cessa d’être cet infatigable prometteur de mariage dont il faisait sa séduction, promettant du même coup le divorce, puisqu’il était marié, et que pour se donner il était bien obligé de se reprendre… Capefigue, qui ne se charge de nous raconter dans son livre sur Gabrielle d’Estrées que le plus long et le plus scandaleux adultère de cet homme d’adultères, nous a fait le compte de ces promesses de mariages menteuses, appeaux de cet oiseleur, qui durent certainement mettre plus bas que tous ses autres actes, dans l’opinion de ses contemporains, le don Juan royal chez lequel rien n’était sincère, si ce n’est les convoitises et les intérêts.

1971. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Ceux à qui est remis le droit surhumain de donner la mort sont tenus, sous peine d’être les derniers des hommes au lieu d’en être les premiers, de vivre dans le culte constant de ce qu’on a si bien nommé la religion du devoir.

1972. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Autrefois, quand chacun vivait sédentaire dans la case plus ou moins coloriée de son damier et ne regardait pas beaucoup plus loin que l’horizon de sa colline, de sa montagne ou de sa mer, un homme qui avait voyagé rapportait des pays qu’il avait visités une valeur qui s’ajoutait à la sienne ou qui lui en créait une, quand il n’en avait pas.

1973. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Ce fut son talent qui fit sa vie ; et cette vie toujours calme, aisée, honorée, et qui monta sans luttes et sans obstacles jusqu’à cette dignité de rang qui est la dernière caresse de la fortune à ceux qui pourraient s’en passer, puisqu’ils ne vivent que pour les jouissances de l’esprit, a plus d’un rapport avec l’existence d’un homme heureux aussi parmi les poètes, mais qui, à son déclin, sentit dans le fond de son cœur le souci cruel de la confiance trahie et sur son front la sueur de sang du travail forcé.

1974. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Monselet, ce gai, ce rieur, ce buveur, ce convive digne de Trimalcion, avait, au milieu de tout cela, dans un pli de son âme, comme une rose morte qui parfume plus étant morte que quand elle vivait, cette fleur coupée, la Mélancolie.

1975. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Il a la qualité la plus aimablement et la plus estimablement allemande : la cordialité ; et quand il aura vécu davantage, quand il aura éteint bien des tons crus qui lui restent, quoiqu’il ait déjà commencé de les adoucir, — car l’enlumineur de L’Illustre Docteur Mathéus a cédé la place au peintre dans les nouveaux Contes, — quand il aura passé sur les tableaux de genre, pour lesquels il nous semble fait, l’ombre enfumée de la délicieuse bonhomie, il aura atteint le vrai de son talent et acquis sa valeur plénière.

1976. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Taine, qui est né catholique et qui a vécu en libre-penseur, est mort protestant.‌

1977. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Nous échappons à l’ennui et à nous-mêmes ; nous volons au-devant du temps ; nous vivons où nous ne sommes pas.

1978. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

C’est à la tête de ce discours qu’Isocrate se plaint que de son temps on aimait à louer des héros, qui peut-être n’avaient jamais existé, tandis qu’on refusait quelques éloges à d’excellents citoyens avec qui on avait vécu.

1979. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Sa famille, comme protestante, ne vivait, depuis la révocation de l’Édit de Nantes, que d’une vie précaire, errante et presque clandestine. […] On distingue difficilement les articles de Fontanes dans cette feuille, qui d’ailleurs a peu vécu ; et comme il n’y a que l’esprit général qui en soit remarquable, il importe peu de les distinguer. […] Il revint à Paris en novembre 93, pour y vivre oublié, lorsque les députés de Lyon, de Commune-Affranchie, chargés de dénoncer à la Convention de Robespierre les horreurs de Collot-d’Herbois et de Fouché, qui avait fait regretter Couthon, lui vinrent demander d’écrire leur discours. […] Enviant le sort de Lacretelle et de La Harpe, qui du moins vivaient cachés en France (et La Harpe l’avait été quelque temps chez madame de Fontanes même), il songeait impatiemment à rentrer : « Je viens de lire une partie du décret ; quelque sévère qu’il soit, je « persiste dans mes idées. […] C’était au fond d’un désert, et non dans le sein de la capitale, que j’avais résolu de vivre.

1980. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

de grâce, Monsieur, laissez-les vivre encor ; Qu’ajouterait leur perte à votre renommée ? […] Je ne veux pas vivre, si mon père meurt. […] Noble ou vilain, si ce seul mot : « Vous en avez menti », déshonore un homme, que sera-ce donc de mentir réellement et de vivre sans honneur selon les lois humaines et sans avoir le droit de vous venger de celui qui vous dit ce mot ? […] La Reine confirme hautement le témoignage de Carlos : le Roi, dit-elle, s’il eût vécu, n’eût certes pas manqué d’acquitter cette dette ; elle la reprend pour son compte. […] En effet, au moment où Honorie excite Octar, « capitaine des gardes d’Attila » à le tuer : Si tu veux vivre encor, va, cherche du courage !

1981. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Huysmans sans se prendre aux cheveux et se manger le nez deux fois par ligne, je ferai observer d’abord qu’ils ont bien réussi à vivre en bonne intelligence chez M.  […] Il ne paraît point croire que l’amitié puisse vivre, si elle n’est également partagée. […] Bien sûr, vous le retrouverez dans quelque carrefour de Grenelle ou de Vaugirard, sonnant de la bombarde à ceux de ses nostalgiques compatriotes qu’y fait vivre la compagnie du gaz. […] Il est de l’avis de Fontenelle que, pour bien vivre, les plus petits sentiments valent mieux que les plus belles réflexions. […] Je n’ai voulu rien changer à ceci, qui fut écrit quand Tellier vivait encore.

1982. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

A ses débuts donc, on le trouve dans toute la vivacité des goûts et des modes d’alors, très-imbu de cette fin de Louis XV et vivant comme vivaient la plupart des jeunes gentilshommes de Versailles, contemporains ou à peu près de cette première jeunesse du comte d’Artois. […] Si l’on avait pris sur-le-champ cette détermination, j’aurais sollicité, au nom des Muses, qui n’ont pas le privilége de pouvoir vivre sans pain, un recoin obscur dans votre propre bureau. […] Non visité de toi, était-ce la peine de vivre ?

1983. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

On ne peut s’empêcher de s’incliner devant cette faculté si humble et pourtant si noble de s’absorber complétement dans ce qu’on admire et de vivre non pour soi, mais pour ce qu’on croit au-dessus de soi sur cette terre. Tel fut Ballanche ; je l’ai beaucoup connu ; j’ai assisté, au pied de son lit, à ses dernières contemplations de l’une et de l’autre vie ; je l’ai vu vivre et je l’ai presque vu mourir dans cette petite mansarde de la rue de Sèvres d’où il pouvait voir la fenêtre en face de son amie, madame Récamier. […] Je ne sais si je suis trop vieux ou trop jeune ; mais enfin je ne suis plus ce que j’étais, et vivre dans un coin tranquille auprès de vous est maintenant le seul souhait de ma vie. » Ce coin tranquille, c’étaient le ministère et la tribune !

1984. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

I Humboldt vécut ainsi, plein de vie, jusqu’en 1858, où ses forces commencent à défaillir. […] « Nous donnons dans ce monument l’image fidèle de son génie qui a exercé une si puissante influence sur notre époque que mille de ses contemporains ont longtemps vécu et se sont développés sous ses rayons, sans jamais le savoir ; car c’était un soleil d’intelligence qui éclairait toutes les branches de la vie et qui faisait éprouver son action bienfaisante à tous ceux qui ont senti et pensé par elle, même dans les limites les plus étroites de leur être. […] La conquête, une longue habitude de vivre ensemble, l’influence d’une religion étrangère, le mélange des races, lors même qu’il aurait eu lieu avec un petit nombre d’immigrants plus forts et plus civilisés, ont produit un phénomène qui se remarque à la fois dans les deux continents, savoir, que deux familles de langues entièrement différentes peuvent se trouver dans une seule et même race ; que, d’un autre côté, chez des peuples très divers d’origine peuvent se rencontrer des idiomes d’une même souche de langues.

1985. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Au milieu de ces luttes, il lui faut faire vivre sa troupe, amuser le roi : il est directeur, comédien, auteur : il va figurera Versailles, à Saint-Germain, à Chambord, dans les ballets ; il joue à Paris dans ses pièces, dans celles des autres auteurs, dans des tragédies : et parmi cette agitation, parmi ces multiples et accablantes occupations, il écrit en treize ou quatorze ans près de trente pièces, dont beaucoup sont en cinq actes, et beaucoup, grandes ou petites, des chefs-d’œuvre. […] Molière vivait dans le monde le plus libre de son temps et le plus irrégulier. […] Molière est impitoyable contre les parents qui veulent faire servir leurs enfants à la satisfaction de leurs idées et de leurs besoins, quand ceux-ci ont l’âge de vivre par et pour eux-mêmes.

1986. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Gentilhomme ordinaire, et plus tard chambellan de M. le duc d’Orléans, il vécut quarante ans à la cour, non pour s’y mêler d’intrigues politiques ou pour y avancer sa fortune, mais pour y être plus au centre du bon langage. […] Le temps où nous vivons nous prépare mal à juger cette censure exercée par une compagnie sur le travail d’un de ses membres. […] Pourquoi cette perfection de la langue générale n’est-elle pas ce style dont on a dit que seul il fait vivre les écrits ?

1987. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Maintenant, attaqués à droite et à gauche, attaqués en même temps par le Siècle et par l’Union, par l’Avenir national et par la Gazette de France, sans oublier le Monde ; fusillés par un premier Paris de la France, arrêtés par l’administration, — que nous reste-t-il à faire pour une pièce à laquelle les sympathies de la grande critique, les feuilletons de Jules Janin, de Théophile Gautier, de Nestor Roqueplan, de Paul de Saint-Victor, de Louis Ulbach, de Francisque Sarcey, la presse et le public, des recettes de quatre mille francs, une location de huit jours à l’avance, devaient assurer, semblait-il, le droit de vivre ? […] Puis vraiment, n’y aurait-il pas de grosses ficelles dans l’agencement de la vie humaine, de la véritable, de celle que nous vivons ? […] Elle retrace enfin avec des souvenirs bien personnels et vécus — l’expression est acceptée aujourd’hui — des sentiments qui ont le mérite de représenter rigoureusement, à la scène, les sentiments humains et contradictoires de deux hommes d’âge différent, confondus et mêlés dans une même existence.

1988. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Il vivait, comme on le voit dans l’histoire du Kachmir, dont Wilson a publié des extraits, vers l’année 720, à la cour du souverain d’Agra. […] Sita et Rama s’extasient ensemble sur les scènes reproduites par le pinceau : « Jours heureux pour moi », s’écrie Rama à l’aspect de ces peintures, « quand un père vénéré vivait encore, quand la tendresse d’une mère veillait attentivement sur mon existence, quand tout était plaisir pour mon jeune âge… Voyez… Voilà que ma jeune épouse, la belle Sita, attire l’admiration de ma mère… Le sourire est sur ses lèvres, sa bouche entrouverte laisse éclater des dents aussi blanches que les calices allongés du jasmin ; de longues nattes de cheveux souples, et doux au toucher comme la soie, répandent un crépuscule sur ses joues ; tous ses membres, élégants de formes, gracieux de mouvements, ont la blancheur et la flexibilité des rayons de la lune glissant dans le vague des airs ! […] Elle ignore que ses deux jumeaux Cousa et Lava, qu’elle a enfantés sur les rives du Gange, et qui lui ont été enlevés aussitôt après l’enfantement, vivent dans ces solitudes, déjà âgés de douze ans.

1989. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Si les écrivains veulent inventer, il faut qu’ils regardent non les livres et les salons, mais les événements et les hommes ; la conversation des gens spéciaux leur est plus utile que l’étude des périodes parfaites ; ils ne penseront par eux-mêmes qu’autant qu’ils auront vécu ou agi. Addison sut agir et vivre. […] Il se confiait en Dieu, comme un être bon et juste qui se sent aux mains d’un être juste et bon ; il vivait volontiers dans sa pensée et en sa présence, et songeait à l’avenir inconnu qui doit achever la nature humaine et accomplir l’ordre moral. […] Elles ne sont plus élues dans les clubs quand on nomme les belles dont on boit la santé ; elles sont obligées par leurs principes de se coller une mouche sur le côté du front où cela va le plus mal ; elles se condamnent à perdre les toilettes du jour de naissance ; il ne leur sert de rien qu’il y ait une armée et tant de jeunes gens porteurs de chapeaux à plumes ; elles sont forcées de vivre à la campagne et de nourrir leurs poulets, juste dans le temps où elles auraient pu se montrer à la cour et étaler une robe de brocart, si elles voulaient se bien conduire… Un homme est choqué de voir un beau sein soulevé par une rage politique qui est déplaisante même dans un sexe plus rude et plus âpre… Et cependant nous avons souvent le chagrin de voir un corset près d’être rompu par l’effort d’une colère séditieuse, et d’entendre les passions les plus viriles exprimées par les plus douces voix… » Mais, heureusement, ce chagrin est rare ; « là où croissent un grand nombre de fleurs, la terre de loin en semble couverte ; on est obligé d’avancer et d’entrer, avant de distinguer le petit nombre de mauvaises herbes qui ont poussé dans ce bel assemblage de couleurs. » Cette galanterie est trop posée ; on est un peu choqué de voir une femme touchée de si près par des mains si réfléchies.

1990. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Ce puits où il est tombé a tué des centaines d’hommes, des pères, des maris, des fils qui faisaient vivre des centaines de familles. […] Ce n’est rien que de vivre ; c’est peu que d’être puissant, savant, illustre ; ce n’est pas assez d’être utile. Celui-là seul a vécu et est un homme, qui a pleuré au souvenir d’un bienfait qu’il a rendu ou qu’il a reçu. […] L’une et l’autre furent apportées de Germanie et composent la littérature qui vécut avant la conquête.

1991. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Leurs noms changés, ils vivraient encore comme types. […] Nous vivons dans une si profonde obscurité sur nous-mêmes, et avec un si violent besoin de nous connaître, que nous appelons excellent l’art qui nous apprend qui nous sommes et avec qui nous vivons. […] Pour les personnages d’invention, nous voulons qu’ils soient réels, qu’ils vivent comme les personnages historiques.

1992. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Lundi 21 août La vieille Mme Clérambaud, la maîtresse de piano d’Edmée, qui a beaucoup vécu dans l’intimité de Rossini, nous apprend, ce matin, qu’il avait pris volontairement sa retraite, avant cinquante ans, disant, en faisant allusion aux opéras d’Halévy et de Meyerbeer : « Voilà l’invasion des Allemands !  […] Son désir de quitter Paris, d’abandonner la bataille de la vie qui s’y livre, d’habiter la province, et là, d’y faire tranquillement et sereinement des livres, qui le feraient vivre. […] » Et son fils Jacques lui répétait plusieurs fois : « Si mon père avait vécu dix ans encore, il nous aurait mis sur la paille !  […] Au milieu de cela, une cage, où un perroquet et un singe vivent en famille, un perroquet à l’immense bec, que tourmente, que martyrise, que plume, le petit singe, toujours en mouvement, toujours faisant du trapèze autour de lui, et que couperait en deux de son formidable bec, le perroquet, qui se contente de pousser des cris déchirants.

1993. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Et, de fait, la leçon une fois apprise ne porte aucune marque sur elle qui trahisse ses origines et la classe dans le passé ; elle fait partie de mon présent au même titre que mon habitude de marcher ou d’écrire ; elle est vécue, elle est « agie », plutôt qu’elle n’est représentée ; — je pourrais la croire innée, s’il ne me plaisait d’évoquer en même temps, comme autant de représentations, les lectures successives qui m’ont servi à l’apprendre. […] chez l’animal lui-même, de vagues images du passé débordent peut-être la perception présente ; on concevrait même que son passé tout entier fût virtuellement dessiné dans sa conscience ; mais ce passé ne l’intéresse pas assez pour le détacher du présent qui le fascine et sa reconnaissance doit être plutôt vécue que pensée. […] Encore le passé où nous remontons ainsi est-il glissant, toujours sur le point de nous échapper, comme si cette mémoire régressive était contrariée par l’autre mémoire, plus naturelle, dont le mouvement en avant nous porte à agir et à vivre. […] Et un être vivant qui se contenterait de vivre n’aurait pas besoin d’autre chose.

1994. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Si, par exemple, ils avaient besoin d’un Dieu qui leur fît des loisirs, — et comment, en un temps où l’on ne concevait pas l’idée qu’un écrivain pût vivre de sa plume, s’en seraient-ils passés ?  […] Si le roi vit toujours, et quand il vivrait dix ans, quinze ans, vingt ans encore, le règne est terminé ! […] et ce qu’il nous faut avant tout connaître, c’est le monde où nous vivons, dont nous sommes. […] La tradition, ce n’est pas Mévius ni Bavius, qui sont parfaitement morts, c’est Virgile et Horace, qui vivent. Et pourquoi vivent-ils ?

1995. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Mais ce dont surtout la postérité sait gré et tient compte, c’est de ce que trouve le talent et de ce qui naît sans peine et comme une grâce ; une strophe bien venue sur une fleur, sur un coquillage, sur un zéphyr, s’en va vivre durant des âges, et suffit à porter un nom.

1996. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

En considérant de plus près les termes de l’arrêté du 12 octobre 1851, il a semblé par moments à la commission que les circonstances sociales, très différentes d’alors, dans lesquelles nous vivons, permettraient peut-être aujourd’hui d’exprimer un conseil autre et de parler un langage différent.

1997. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Il vivait, après tout, de la vie de son temps, réservant sa muse pour lui et pour un petit nombre d’amis dans le mystère.

1998. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

le souvenir de tes vertus pratiques, de ta prodigue bonté, de ta délicatesse de sentiments, vivra à jamais chez tous ceux qui t’ont connu et ne mourra qu’avec eux. » Les lecteurs peuvent en juger maintenant.

1999. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Cet homme impitoyable, qui ne descendait de son nid de vautour que pour dépouiller ses vassaux, les arma lui-même, les emmena, vécut avec eux, souffrit avec eux ; la communauté de misères amollit son cœur.

2000. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Il semble alors qu’il vaudrait mieux séparer entièrement l’amitié de tout ce qui n’est pas elle ; mais son plus grand charme serait perdu, si elle ne s’unissait pas à votre existence entière : ne sachant pas, comme l’amour, vivre d’elle-même, il faut qu’elle partage tout ce qui compose vos intérêts et vos sentiments, et c’est à la découverte, à la conservation de cet autre soi, que tant d’obstacles s’opposent.

2001. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Il était en disgrâce, et vivait dans la retraite quand il fit le Saint Paulin et ses ouvrages postérieurs.

2002. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Mais les cinq poèmes dont je parle sont la portion la plus nécessaire, la plus inévitable de ses ouvrages, et ils suffisent à évoquer en ses maîtresses lignes cette physionomie d’un des plus nobles artistes qui aient vécu parmi nous.

2003. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Messer Ipocrito entre en scène en se livrant à part lui à ces réflexions : Qui ne sait feindre ne sait vivre ; la dissimulation est un bouclier qui émousse toutes les armes ; c’est une arme qui brise n’importe quel bouclier.

2004. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Parce qu’il avait dans sa jeunesse contemplé de près la splendeur des montagnes et des lacs, vécu dans leur, intimité, respiré dans l’air pur l’âme des paysages alpestres ; parce qu’il avait parcouru à pied la Suisse et la Savoie, deux pays où des contrastes grandioses et charmants parlaient plus qu’ailleurs aux yeux et aux cœurs, où les fêtes, les usages, la vie de tous les jours avaient encore la saveur d’une agreste simplicité ; parce qu’enfin cet être si sensible, écrivant en un moment où la sensibilité se réveillait en France, rencontrait des lecteurs préparés aux émotions qu’il allait leur communiquer.

2005. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

La maniere de concevoir & de sentir, le mouvement & l’ordre des idées, la tournure de l’expression, une certaine forme d’exister & de vivre dans ses Ouvrages, qui lui est particuliere.

2006. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Né sans fortune & malheureusement incapable de s’en procurer, étant d’un caractère inquiet, caustique & porté à l’indépendance, il fut réduit à ne vivre que de sa plume ; mais il trouva toujours en elle des ressources qui n’eussent peut-être pas convenu à tout autre.

2007. (1865) Du sentiment de l’admiration

Nous serons ramenés à cette époque glorieuse où de véritables écoliers qui se nommaient Amyot, Ronsard, Montaigne et de moins illustres autour d’eux semblaient ne vivre que parmi les maîtres évoqués et ne respirer à pleine poitrine que l’air natal de l’antiquité !

2008. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Dans ces différents modèles le professeur aura soin de lui faire remarquer les accidents que les fonctions journalières, la manière de vivre, la condition et l’âge ont introduits dans les formes.

2009. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Il n’y avait plus que cela qui vécût, pour l’honneur de l’âme humaine pervertie.

2010. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Elle vivait au loin, dans son pays, au fond du cloître qu’elle avait souillé, et à peine si ceux qui lisaient ses lettres en France savaient son nom étranger.

2011. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

On avait dit qu’il déchiquetait aux amphithéâtres, qu’il vivait au milieu des cornues, et qu’il avait même cloué un squelette de crocodile au plafond de son cabinet.

2012. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Je m’imagine que Cléanthe, qui fut le second fondateur du portique, et qui, obligé de travailler de ses mains pour vivre, compta un roi parmi ses disciples, un jour, après leur avoir expliqué ses principes sur le système du monde et son auteur, tout à coup enflammé d’enthousiasme, se fit apporter une lyre, et chanta en leur présence cette hymne qui nous a été conservée par Stobée.

2013. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Il faut voir dans les lettres de Pline même, tous les détails de cette union si douce ; on partage et l’on envie les charmes de leur amitié : ils voulaient vivre, ils voulaient mourir ensemble ; ils désiraient, quand ils ne seraient plus, que la postérité unît encore leurs noms, comme leurs âmes l’avaient été pendant la vie.

2014. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVII. De l’éloquence au temps de Dioclétien. Des orateurs des Gaules. Panégyriques en l’honneur de Maximien et de Constance Chlore. »

Eumène, quoiqu’il fût orateur, vivait à la cour, et il exerçait une charge considérable dans le palais.

2015. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Que nous fait l’avenir, si nous vivons célèbres ; Si le siècle applaudit nos œuvres des ténèbres ; Si nos contemporains, sur la foi des journaux, Nous prennent bêtement pour des soleils nouveaux ; Si, courbés sous le poids des honneurs littéraires, Nous voyons, l’or en main, accourir les libraires ; Si, grâce à nos patrons, la cassette du roi Nous paie en bons louis nos vers de faux aloi ?

2016. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Tempéré d’humeur, sans passion aucune dès sa jeunesse (il disait lui-même qu’il avait vécu et mourrait comme Newton), aimant uniquement l’étude et la paix, il n’avait rien vu de mieux que d’entrer dans l’Oratoire et de se mettre à traduire Tacite, champion un peu rude peut-être pour un si pacifique attaquant. […] Daunou lui-même), et, après le repas auquel il ne fit qu’assister, mais qu’il n’avait pas négligé pour cela, prenant un air plus grave, il avertit cet ami qu’il se sentait à bout de vivre, qu’il lui disait adieu une dernière fois et lui demandait pour service suprême de lui faire une petite lecture. « Allez, lui dit-il, vous trouverez dans mon cabinet un livre (dont il désigna la place), apportez-le et lisez-le-moi à la page marquée. » — L’ami, en allant chercher le livre, se demandait tout bas si le père Dotteville n’avait pas réfléchi à ce moment du grand passage, et si ce n’était point quelque lecture religieuse qu’il réclamait enfin. […] Combien de fois, causant avec lui sur les conditions d’une existence heureuse, studieuse, socialement agréable et sérieuse à la fois, agitant en sa présence les diverses époques où l’on aurait aimé à vivre, il m’exprima son choix sans hésiter ! […] On ne conçoit pas qu’un homme aussi laborieux que Daunou, et qui savait si bien que le style seul fait vivre, n’ait pas exécuté un tel projet une fois entrepris ; mais, sans parler du découragement qui s’empara de lui à un certain jour, il n’avait pas non plus le sentiment de l’art en grand, l’idée passionnée de l’œuvre, de l’œuvre individuelle et originale, du monument. […] Daunou même et de celle d’une personne qui a vécu plus de quarante ans près de lui.

2017. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Il faut vivre selon la nature ; mais notre « nature » est déterminée par notre fin ; et « la fin de l’homme, de toutes nos pensées et de tous nos mouvements, c’est le bien » ; et « notre bien » ne consiste qu’en « l’usage de la droite raison, qui est à dire en la vertu ». […] Pour quelques sacrifices qu’il nous en coûtera, nous en serons plus que payés par les plaisirs d’une douceur toute nouvelle de vivre. […] 2º La Légende de Rabelais. — Comment elle s’est formée : — les attaques des contemporains ; — l’épitaphe de Rabelais par Ronsard : Une vigne prendra naissance De l’estomac et de la panse Du bon Rabelais qui boivait Toujours, cependant qu’il vivait ; … — les démêlés de Rabelais avec les moines ; — avec la Sorbonne ; — avec Calvin ; — les déclarations des Prologues ; — le caractère général du roman de Rabelais ; — et, à ce propos, qu’en dépit d’une tendance de la critique à vouloir que les hommes ressemblent à leurs œuvres, — Rabelais n’a rien eu, ni d’un ivrogne, ni d’un bouffon, ni même d’un révolutionnaire ou d’un révolté. — L’opuscule de Ginguené sur l’Autorité de Rabelais dans la révolution présente (1791) ; — et les notes de l’édition Esmangart et Johanneau. […] L’inspiration épique dans les Hymnes de Ronsard ; — et qu’à force de vivre dans la familiarité des anciens il est lui-même devenu l’un d’eux ; — [Cf.  […] Fillon, I, 48, 49 ; — Le Débat des outils d’agriculture, I, 106, 107. — L’allégorie de l’Essay de la teste des hommes, I, 108, et suiv.]. — Le sentiment de la nature. — Dans son style, comme dans ses émaux, Palissy est de ceux qui ont su faire non seulement vivre, mais « grouiller » les êtres. — L’observateur et l’expérimentateur.

2018. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ce n’est qu’à Paris qu’on peut vivre, partout ailleurs on végète, on ne vit pas. […] Vivre ailleurs qu’ici, c’est perdre son temps, son argent, sa figure, sa santé, tout enfin. […] En vérité, je ne comprends pas comment il y a des gens qui, pouvant vivre à Paris, s’en vont moisir à Nice ! […] — Car Dieu ne pouvant sans injustice tout m’accorder, n’aura pas la cruauté de faire vivre une malheureuse, à laquelle il a donné la compréhension et l’ambition de ce qu’elle conçoit. […] comme je voudrais avoir un salon littéraire et mondain, un salon intéressant, ce serait vivre en travaillant.

2019. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Autrefois, il y avait la Gloire qui vivait sans bruit comme sans magnificence et, quoiqu’elle fût la grande souveraine, elle ne revêtait jamais d’autre pourpre que celle de son propre sang quand elle le répandait pour devenir immortelle. […] Ceux-là, il les aime jusqu’à l’enthousiasme ; il les a non pas racontés, mais chantés dans ses livres et c’est par eux qu’il se venge des haillons littéraires et politiques de tous les mendiants roublards de l’infâme société où il est forcé de vivre. […] J’ai vécu complètement nu jusqu’à ces derniers temps et je ne me suis habillé d’une façon décente qu’en entrant au Chat Noir. […] Ainsi, nous avons eu tout récemment le monument nègre de Dumas père, nous en aurons bientôt des centaines d’autres non moins indispensables, et ce sera la joie de vivre que de se promener dans cette chaudronnerie de gloire, par laquelle tout besoin religieux de nos âmes se trouvera désormais assouvi. […] Assurément, la musique et les vers de Rollinat peuvent très bien se passer d’être ensemble et vivre encore très glorieusement.

2020. (1900) Molière pp. -283

Mais, lorsqu’il a vingt-trois ans, la fatalité s’abat sur lui sous la forme d’une passion de théâtre ; il s’éprend d’une comédienne, qui faisait alors assez de bruit dans Paris, et qui vivait avec M. de Modène, auquel elle était, dit-on, unie par un mariage secret ; on la nommait Madeleine Béjart. […] C’est Cathos, et c’est Madelon, qui sont des filles romanesques, des filles de la bourgeoisie que leur condition irrite, qui veulent vivre dans le grand et dans le fin ; comment Molière exprimera-t-il cet état d’esprit d’une sotte bourgeoise enragée de l’être, et qui a l’imagination dépravée par d’absurdes romans ? […] et, puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie ; sans toi il m’est impossible de vivre. […] Ce qui frappe d’abord, c’est qu’en un endroit de la pièce il attaque encore la cabale dévote ; tout ce que la fureur déchaînée peut inventer d’imaginations froides et insultantes se trouve réuni dans cette scène où Dom Juan, à bout d’expédients, avoue et explique à Sganarelle qu’il se fait dévot pour vivre à sa fantaisie et en sûreté, absolument comme Tartuffe. […] ——— La gloire nous fait vivre pour toujours dans la postérité et l’amour pour un instant dans l’infini.

2021. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Il faut songer, en effet, qu’âgé alors de 36 ans, n’ayant aucune fortune que ce que me procurait ma plume, ayant débuté en 1824 de compagnie avec des écrivains distingués, parvenus presque tous à des postes élevés et plus ou moins ministres, je n’étais rien, vivais au quatrième sous un nom supposé, dans deux chambres d’étudiant (deux chambres, c’était mon luxe), cour du Commerce. […] Ce n’est qu’alors que, par nécessité de vivre et en ayant trouvé l’occasion, j’allai en octobre 1848 professer à l’université de Liège, où je fus pendant une année en qualité de professeur ordinaire. […] Sainte-Beuve qu’il vivrait jusqu’à l’âge de sa mère.

2022. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Les dames sont aimables sans doute ; il faut vivre avec elles pour ne pas devenir sauvages. […] Songez que les pyramides d’Égypte, rigoureusement orientées, précèdent toutes les époques certaines de l’histoire ; que les arts sont des frères qui ne peuvent vivre et briller qu’ensemble ; que la nation qui a pu créer des couleurs capables de résister à l’action libre de l’air pendant trente siècles, soulever à une hauteur de six cents pieds des masses qui braveraient toute notre mécanique, sculpter sur le granit des oiseaux dont un voyageur moderne a pu reconnaître toutes les espèces ; que cette nation, dis-je, était nécessairement tout aussi éminente dans les autres arts, et savait même nécessairement une foule de choses que nous ne savons pas. […] La cour de Turin se souvenait trop de sa conduite compromettante dans l’affaire de Savary et de Napoléon pour lui confier le maniement très délicat d’une politique qui ne pouvait vivre que de ménagements et de prudence envers la France, l’Angleterre et l’Autriche.

2023. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Sans doute on y pouvait blâmer l’abus d’une belle imagination ; mais après Virgile, mais après Horace, il est resté dans la mémoire des hommes une place pour l’ingénieux Ovide, pour le brillant Lucain, et, seul peut-être parmi les livres de ce temps, le Génie du Christianisme vivra, fortement lié qu’il est à une époque mémorable ; il vivra, comme ces frises sculptées sur le marbre d’un édifice vivent avec le monument qui les porte.

2024. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Il nous était impossible de vivre sous le même toit que notre mère, qui, demeurant avec son frère, ne pouvait pas se réunir à nous. […] Après qu’il eut achevé ses complies devant moi, il m’adressa des paroles si pleines de bonté, que je ne pourrai jamais les oublier tant que je vivrai. […] On doit bien croire qu’un règne qui avait duré près de vingt-cinq années détournait efficacement de l’idée de nommer un successeur qui pouvait vivre aussi longtemps.

2025. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Rien de plus immuable que la nullité, qui n’a jamais vécu de la vie de l’intelligence, ou l’esprit lourd, qui n’a jamais vu qu’une face des choses. […] Est-ce de trop vivre dans le monde de l’esprit qui les a rendus inhabiles aux grandes choses ? […] Il semble qu’on admette tacitement que l’humanité primitive vivait sous d’autres lois que les nôtres.

2026. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Quand ils se reprennent à vivre et à combattre, leurs écrits trahissent le contre-coup de ce qu’on a énergiquement nommé « la peur rouge ». […] Une communion fraternelle, non seulement avec les déshérités, mais avec les animaux, nos frères inférieurs, avec les arbres et les fleurs, avec tous les êtres qui, comme nous, respirent, sentent et vivent. […] Parmi ceux qui périssaient sous les balles ou les boulets, par les coups de sabre ou les fatigues, il en était certes plus d’un qui dans une période pacifique aurait vécu et apporté son contingent d’efforts aux œuvres de la paix ; et parmi ceux mêmes qui faisaient sous les armes leur réputation et leur fortune, il en était plus d’un qui en d’autres temps aurait gagné une gloire moins trempée de larmes et de sang.

2027. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

Si l’on examine minutieusement les moyens qu’emploie Dickens pour faire apparaître et vivre la multitude d’êtres divers qui peuplent ses livres, on reconnaîtra que ses caractères et ses portraits sont tracés par le dehors, à gros traits et de premier aspect, comme par un artiste improvisateur qui note et peint sur un coup d’œil. […] La pénétration psychologique lui est interdite, et cette vue reçoit une éclatante confirmation de l’impuissance de Dickens à faire vivre ses personnages autobiographies, David Copperfield et le petit Pip, ainsi que de la faiblesse générale de ses peintures de caractère. […] On lui donnait six shelling par semaine (7 fr. 50) pour empaqueter toute la journée les boîtes de ce produit, en compagnie de quelques pauvres gamins ; et c’est sur cette somme que l’enfant dut vivre, seul, abandonné toute la semaine, logé la nuit chez une vieille qui ne prenait aucun soin de lui, et achetant lui-même ses maigres repas chez les vendeurs de pouddings et les charcutiers de son quartier.

2028. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Les poètes dramatiques ne sont pas seuls dans leurs œuvres, ils n’existent tout entiers que par leurs acteurs ; ils dépendent ainsi du temps où ils vivent et ne peuvent naître qu’à la consommation des nations policées. […] C’est de cette faiblesse qu’il vivait et qu’il devait mourir. […] La cour était à cette époque très lettrée ; et la plupart de ces jeunes personnes étant destinées, par leur naissance ou par leur mariage, à vivre à la cour, les lettres saintes et profanes, les arts d’agrément et principalement la déclamation théâtrale des plus beaux vers de la langue, entraient dans ce plan d’éducation.

2029. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

L’un d’eux ajouta : « Nous choisissons, pour les élever, tous les individus noirs d’une portée, parce qu’ils ont seuls quelque chance de vivre. » Les Chiens chauves ont les dents imparfaites. […] Ce que nous pourrions affirmer en toute sécurité, c’est qu’un grand nombre de nos races domestiques les plus distinctes ne sauraient vivre à l’état sauvage. […] Même sans avoir observé la généralité des effets de l’hérédité, l’utilité plus grande des meilleures races a fait conserver leurs représentants dans toutes les occasions où il s’agissait de détruire certains individus d’un troupeau, et de laisser vivre les autres, ainsi que M. 

2030. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Quelquefois, pendant qu’il vivait, il s’est servi de la peine de mort, cet homme clair, mais il a toujours dit, ce semble, assez distinctement pourquoi. […] Tiré, tout le temps qu’il vécut, aux quatre chevaux des choses les plus contraires, c’est un sublime écartelé ! […] Il a vécu cinquante ans en vain.

2031. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer, dans son journal, plaisantait de cette faction nouvelle à laquelle, disait-il, on cherchait un nom et qui se composait de deux hommes « qui ne voient personne, qui ne se voient pas, et sont connus pour être d’un caractère très difficile à vivre ». […] Une preuve de son ascendant, c’est la réserve et même le respect que lui témoignent, dans toutes leurs relations, les hommes qui ont vécu avec lui dans la plus étroite familiarité, ses compagnons d’armes, ses premiers lieutenants : et ce respect n’a rien de contraint, il est naturel.

2032. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Certes, instruit comme il l’était, possédant ses auteurs anciens et son siècle de Louis XIV, fidèle au goût sain, Marais eût été un membre de l’Académie française qui en eût valu bien d’autres ; mais il oublia trop, en couvant ce désir, qu’il vivait dans un cercle qui n’était pas celui du monde littéraire ; il avait en haine le salon de Mme de Lambert où se décidaient la plupart des choix académiques ; il n’était, lui, d’aucun salon. […] Elle a vécu jusqu’à soixante ans dans une noble simplicité que je regardais comme la fleur de ses mérites et le plus beau fleuron de leur couronne ; tout d’un coup il lui prit une tranchée de bel esprit : elle ne voulut plus voir que des personnes d’érudition ; elle les brigua, elle les mendia, elle en forma chez elle un bureau, se contentant de la science d’autrui et ne cherchant que la réputation d’une femme d’un mérite à part, et distinguée des personnes de son sexe.

2033. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ce n’est pas tant encore pour jouir que pour vivre et subsister que s’agite la majorité de l’espèce, et c’est là le problème présent qui, pour être moins noble en apparence et moins digne de figurer sur les bannières, n’en est pas moins capital et sacré. […] Ici il n’y a pas de quoi s’offenser : c’est l’auteur même qui parle, qui se démontre, et la dissection ne porte que sur les procédés de l’intelligence ; ce que l’auteur ajoute sur sa disposition morale est digne de ce qui précède, et résume nettement sa profession de foi politique : « J’ai l’orgueil de croire que je suis plus propre que personne à apporter dans un pareil sujet une grande liberté d’esprit, et à y parler sans passion et sans réticence des hommes et des choses : car, quant aux hommes, quoiqu’ils aient vécu de notre temps, je suis sûr de n’avoir à leur égard ni amour ni haine ; et quant aux formes des choses qu’on nomme des constitutions, des lois, des dynasties, des classes, elles n’ont point, pour ainsi dire, je ne dirai pas de valeur, mais d’existence à mes yeux, indépendamment des effets qu’elles produisent.

2034. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Le détail des Bucoliques est d’une continuelle et parfaite observation rurale, d’une peinture fidèle, prise sur nature, et du rendu le plus délicat ; elles sont bien d’un poète qui a vécu aux champs et qui les aime, et chaque fois qu’on sort de les relire, on ne peut que répéter avec M. de Maistre : « l’Énéide est belle, mais les Bucoliques sont aimables. » Ayant écrit moi-même autrefois une Étude sur Virgile, il m’est resté quelque surcroît d’idées et de remarques que je demande à joindre ici comme un dernier hommage et tribut au souverain poète à qui j’aurais aimé, moi aussi, à élever mon autel. […] Il ne voulait pas davantage des chefs du grand parti whig, et il s’imagina qu’il aurait meilleur marché de Pitt, qu’il avait obligé en 1761 de sortir du ministère et qui, depuis, vivait fort à l’écart, faisant pourtant à l’occasion une vive opposition à son beau-frère George Grenville.

2035. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

la plus petite partie de plaisir me forçait à vivre de panade pendant huit jours, que je faisais moi-même, tout en entassant rime sur rime, et plein de l’espoir d’une gloire future. […] Si quelque chose m’assure que Manuel, s’il avait vécu, serait resté peuple, et eût résisté à la contagion semi-aristocratique qui a infecté tant de nos tribuns parvenus, c’est que Béranger l’a jugé ainsi.

2036. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

De braves gens qui vivent en famille, des hommes sérieux régulièrement occupés, des personnes du monde tout agréables et qui ne veulent pas être choquées, peuvent dire : « Où trouve-t-on de tels personnages ? […] Au temps de d’Urfé, une société allemande se mit à vivre à la manière des bergers du Lignon.

2037. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Prévost vivait ainsi, heureux d’une étude facile, d’un monde choisi et du calme des sens, quand un léger service de correction de feuilles rendu à un chroniqueur satirique le compromit sans qu’il y eût songé, et l’envoya encore faire un tour à Bruxelles. […] Son désintéressement au milieu de ces sources de faveur et même de richesse ne se démentit pas ; il se refusait aux combinaisons qui lui eussent été le plus fructueuses ; il abandonnait les profits à son libraire, avec qui on a remarqué (je le crois bien) qu’il vécut toujours en très-bonne intelligence.

2038. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Il quitta donc Coppet pour Rouen dans cette idée de se rapprocher à tout prix du centre des belles-lettres et de la politesse, et du foyer des bibliothèques : « J’ai fait comme toutes les grandes armées qui sont sur pied, pour ou contre la France, elles décampent de partout où elles ne trouvent point de fourrages ni de vivres. » Précepteur à Rouen et mécontent encore, précepteur à Paris enfin, mais sans liberté, sans loisir, introduit aux conférences qui se tenaient chez M. […] Si Bayle eût vécu au centre de la société lettrée de son âge, de cette société polie que M. 

2039. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Au plus fort de la Jacquerie, les sages du temps supposeront toujours qu’ils vivent en pleine églogue, et qu’avec un air de flûte ils vont ramener dans la bergerie la meute hurlante des colères bestiales et des appétits déchaînés. […] Un enfant, en ouvrant les yeux, doit voir la patrie, et, jusqu’à la mort, ne doit voir qu’elle… On doit l’exercer à ne jamais regarder son individu que dans ses relations avec le corps de l’État. » Telle était la pratique de Sparte et l’unique but du « grand Lycurgue »  « Tous étant égaux par la constitution, ils doivent être élevés ensemble et de la même manière. » — « La loi doit régler la matière, l’ordre et la forme de leurs études. » À tout le moins, ils doivent tous prendre part aux exercices publics, aux courses à cheval, aux jeux de force et d’adresse institués « pour les accoutumer à la règle, à l’égalité, à la fraternité, aux concurrences », pour leur apprendre « à vivre sous les yeux de leurs concitoyens et à désirer l’approbation publique ».

2040. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Les passions générales ne vivent que dans des formes particulières, déterminées à chaque siècle et en chaque homme par un concours unique de causes. […] Ici, évidemment, le poète a érigé son goût de Parisien et d’homme du monde en lois générales de la raison : il a fixé les bornes de la nature qui peut être objet d’imitation, selon les préjugés d’un siècle mondain et raffiné, dans lequel il se trouvait vivre.

2041. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Mais ces artisans, ces bourgeois, n’eurent jamais, en près de deux siècles que vécut leur confrérie, une idée qui tendit à perfectionner l’art : tel ils le prirent dans le temps où ils s’associèrent, tel en somme, ou plus bas, ils le laissèrent quand ils renoncèrent à exploiter eux-mêmes leur privilège. […] vive Bourgogne », jusqu’à ce que, menacé de toutes parts, et ne sachant où se fourrer, il lâche ce mot grandiose : « Vivent les plus forts ! 

2042. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Je ne vois pas d’époque, sauf peut-être celle où nous vivons, qui soit à cet égard aussi remarquable que la minorité de Louis XIV. […] Les tendres bergers du Lignon, comme les galants héros des pastorales et des tragédies précieuses, font profession de ne vivre que pour l’amour.

2043. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Corneille est le contemporain des jansénistes de la première heure qui sacrifient sans hésiter les plaisirs du monde et les affections les plus légitimes au désir de vivre en communion avec Dieu, qui prêchent et pratiquent les préceptes les plus sévères. […] Il ne veut pas qu’on les condamne, parce que vivre, c’est agir, et que, sans les passions, l’homme serait voué à l’immobilité de la mort.

2044. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

, demandait-elle un jour au comte de Saint-Germain, qui avait la prétention d’avoir vécu plusieurs siècles ; c’est un roi que j’aurais aimé. » Mais Louis XV ne pouvait s’accoutumer à l’idée de compter les gens de lettres et d’esprit pour quelque chose, et de les admettre sur aucun pied à la Cour : « Ce n’est pas la mode en France, disait ce monarque de routine, un jour qu’on citait devant lui l’exemple de Frédéric ; et, comme il y a ici un peu plus de beaux-esprits et plus de grands seigneurs qu’en Prusse, il me faudrait une bien grande table pour les réunir tous. » — Et puis il comptait sur ses doigts : « Maupertuis, Fontenelle, La Motte, Voltaire, Piron, Destouches, Montesquieu, le cardinal de Polignac. » — « Votre Majesté oublie, lui dit-on, d’Alembert et Clairaut. » — « Et Crébillon, dit-il, et La Chaussée !  […] Dans l’entresol de la marquise à Versailles vivait le docteur Quesnay, son médecin, le patron et le fondateur de la secte des économistes.

2045. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Tant que Louis XVIII vivrait, il était douteux pourtant qu’il réussît, lui et les siens, à envahir le pouvoir, lorsque l’assassinat du duc de Berry vint lui mettre en main à l’improviste un argument dont il s’arma sans pitié. […] Il est bien temps de venir nous dire, quand l’expérience est faite et que vous êtes à bout de mécomptes : Que m’importaient pourtant ces futiles misères, à moi qui n’ai jamais cru au temps où je vivais, à moi qui appartenais au passé, à moi sans foi dans les rois, sans conviction à l’égard des peuples, à moi qui ne me suis jamais soucié de rien, excepté des songes, à condition encore qu’ils ne durent qu’une nuit !

2046. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Ce n’est pas qu’il ne l’eût jugé au moral et littérairement : Pour moi, dit-il, ouvrant les yeux autour de moi au sortir de l’enfance, je vis que l’argent et l’intrigue sont presque la seule voie pour aller à tout ; je résolus donc dès lors, sans examiner si les circonstances me le permettaient, de vivre toujours loin de toute affaire, avec mes amis, dans la retraite et dans la plus entière liberté. […] À ceux qui lui demandaient ce qu’il avait fait pendant la Terreur à la Convention, Sieyès se contentait de répondre : « J’ai vécu.

2047. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il n’était pas sans se rendre compte des difficultés : Tout le monde, disait-il, veut bien de la république, personne ne veut de la pauvreté ni de la vertu… Il s’agit de faire une république d’un peuple épars avec les débris et les crimes de sa monarchie ; il s’agit d’établir la confiance ; il s’agit d’instruire à la vertu les hommes durs qui ne vivent que pour eux. […] Par exemple : Les hommes qui auront toujours vécu sans reproche, porteront une écharpe blanche à soixante ans.

2048. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

., mais elles se débattent plutôt qu’elles ne luttent ; c’est de la mort qui s’efforce de vivre. […] En tant que personnalité, et en dehors de l’assassinat pour vivre, le tigre n’est pas.

2049. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Les industries ne vivent que d’associations, et l’État surveille et contrôle toutes les associations. — Tout cela est vrai, parfaitement observé, et les conséquences de cet état de choses ont été cent fois signalées par les économistes. […] Il n’y pas, je crois, d’homme d’État qui dût voir avec indifférence que la métaphysique dominante dans le monde savant prît son point de départ dans la sensation ou en dehors decelle-là, car les idées abstraites qui se rapportent à l’homme finissent toujours par s’infiltrer, je ne sais comment, jusque dans les mœurs de la foule. » Quelque peu métaphysicien qu’il fût, il avait bien pénétré le sens de certaines doctrines, en particulier du panthéisme, et il expliquait parfaitement le secret de son empire dans le siècle où nous vivons.

2050. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Les mieux doués à cet égard sont ces voyageurs solitaires qui ont vécu pendant des années au fond des bois, au milieu des vertigineuses prairies, sans autre compagnon que leur fusil, contemplant, disséquant, écrivant. […] Nous vivons dans un siècle où il faut répéter certaines banalités, dans un siècle orgueilleux qui se croit au-dessus des mésaventures de la Grèce et de Rome.

2051. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

La province dont je suis, le « monde » où je vis, le public du journal que je lis, sont des groupements dont la mainmise sur ma conduite, mes goûts, mes idées est manifeste, mais ils ne sont pas officiellement constitués, ils n’ont pas demandé d’autorisation pour vivre, la statistique les laisserait échapper. […] Par exemple, il est vraisemblable qu’une nation qui admet en elle et fait vivre ensemble les groupements les plus nombreux et les plus variés comprendra, toutes choses égales d’ailleurs, un plus grand nombre d’individus qu’un clan qui ne tolère aucune union partielle ; et plus les groupements distingués seront entrecroisés, plus aussi il y aura de chances pour que, entre les individus agglomérés, les contacts se multiplient, c’est-à-dire pour que la densité sociale augmente.

2052. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Mais La Motte, que Duclos appelle le plus aimable des gens de lettres, ne s’éloignait guère, et pour cause, du café Gradot : Après avoir vécu dans les meilleures sociétés de Paris et de la Cour, devenu aveugle et perclus des jambes, il était réduit à se faire porter en chaise au café de Gradot, pour se distraire de ses maux dans la conversation de plusieurs savants ou gens de lettres qui s’y rendaient à certaines heures.

2053. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Mais au lieu de cela nous vécûmes, et la réalité, comme toujours, amena avec elle ses diminutions et ses mécomptes.

2054. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Tant que les cinq directeurs constitutionnels restèrent au pouvoir, tant que les deux tiers conventionnels eurent la majorité dans les Conseils, en un mot, tant que les auteurs de la Constitution furent là pour la surveiller et la pratiquer, tout alla bien ; les Conseils et le gouvernement vécurent en harmonie ; on vit la prospérité renaissante au dedans, au dehors d’immortelles victoires qui n’ont pas été surpassées depuis.

2055. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Diderot, bon qu’il était par nature, prodigue parce qu’il se sentait opulent, tout à tous, se laissait aller à cette façon de vivre ; content de produire des idées, et se souciant peu de leur usage, il se livrait à son penchant intellectuel et ne tarissait pas.

2056. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Il en résulta que la France presque en masse vivait sur des croyances abondantes, qu’elles fussent ou non grossières.

2057. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Jamais, du reste, je n’ai été réellement dupe de ces illusions ; mais mon esprit était souvent las de corriger incessamment les impressions nouvelles, et je me laissais aller à vivre de la vie malheureuse de ce nouvel être.

2058. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Le centenaire qui demande à vivre encore pour arranger ses affaires, prouve que l’homme ne pense pas à la mort et ne s’y prépare jamais ; les membres révoltés contre l’estomac prouvent que la plèbe romaine ne peut se passer du sénat.

2059. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Alors que, depuis le xviie  siècle, le monde était comme le milieu naturel de l’espèce des écrivains, alors que les ouvrages devaient, pour réussir et vivre, lui être et destinés et adaptés, il arrivera rarement désormais que les écrivains les plus illustres, les plus à la mode même, soient des hommes du monde, et y prennent l’esprit, la couleur de leur œuvre.

2060. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Si Kepler et Tycho-Brahé ont pu vivre, c’est parce qu’ils vendaient à des rois naïfs des prédictions fondées sur les conjonctions des astres.

2061. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Tu ne vivras qu’entre mes bords Plus solitaire qu’une veuve.

2062. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Encore quelques années et nous pourrons vivre, comme des coqs en pâte, sans bourse délier.

2063. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Pour être rempli d’une manière satisfaisante, il ne falloit rien moins qu’un homme qui eût toujours vécu dans les meilleures compagnies, qui possédât parfaitement sa langue, qui la parlât sans laisser entrevoir le moindre défaut d’organe, de pays, d’ignorance & de mauvaise éducation.

2064. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Héloïse vivait dans le cloître Notre-Dame ; on y voit encore la maison de son oncle, le chanoine Fulbert.

2065. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Je vois sortir de la bouche de cet artiste en légende : de contemnenda gloria ; écrit en rouleau autour de son ébauchoir : de pane lucrando ; et sur la frange de son habit : fi de la gloire, et vivent les écus !

2066. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

J’aurais mis ce qui est des pierres et du pittoresque à part des hommes et des faits qui vécurent.

2067. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Il n’y a donc qu’à la Restauration que l’intérêt commence à poindre, puisque l’auteur a vécu sous la Restauration comme sous la monarchie de Juillet.

2068. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Elle parle bien, sans peser sur les motifs de son désespoir, à un de ses amis, d’un projet de suicide qui, dans cette âme mobile, se change bientôt en projet d’aller vivre d’une vie cachée, avec sa fille, à la Martinique ou à la Louisiane, mais rien ne reste en peu de temps de ces deux projets.

2069. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Charrière, que nous ne connaissons pas, est probablement un homme d’esprit, et d’ailleurs il a trop vécu en tête à tête de son auteur dans le vis-à-vis d’une traduction, pour ne pas savoir la différence qu’il y a entre les tablettes d’un humouriste, écrites au courant de cette plume, mi-partie d’imagination et de réalité, qui est la plume des humouristes, et des Mémoires d’un seigneur russe, daguerréotypant, pour le compte de l’Histoire, avec une inflexible exactitude, les institutions et les mœurs politiques de son pays.

2070. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Il a eu la justesse d’esprit de mourir jeune, ne trompant que par la mort une espérance qu’il aurait trompée autrement, s’il avait vécu.

2071. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

À part, en effet, ces allusions qui lui ont donné quelques jours de vie, quoi de plus froid et de plus mort avant d’avoir vécu, quoi de plus intolérablement abusif dans l’impossible, que la donnée de Gulliver !

2072. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Mézières passe sa vie à maçonner des livres sur des livres… Race de parasites qui se choisissent un grand homme pour se nicher dedans et en vivre ; pucerons tapis dans le pli de pourpre de quelque célébrité !

2073. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

Taillandier était, lui, un quinquet fort sage, de lumière modérée, de chaleur sans inconvénient ; enfin, il était comme il fallait être pour vivre éternellement dans le clair-obscur de l’endroit.

2074. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Par là, il se sépare vigoureusement de ces Titans du romantisme avec lesquels il a vécu, de ces Prométhées de la forme et de la ciselure qui ne sont Titans que jusqu’au cœur ; car avec eux les vautours de Jupiter mourraient de faim.

2075. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

À mesure qu’il a vécu et travaillé (et j’emploie ce mot à dessein) il s’est dégagé de ses écumes et de ses scories.

2076. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Pour sept fois, je n’en sais absolument rien, mais poétiquement parlant, le cœur, le pectus de M. le Conte de L’Isle est trempé dans le néant ; ce peut être une situation aux Indes, mais pour nous qui sommes d’ici et qui avons la prétention de vivre encore, ce néant soi-disant divin ne vaut pas le plus humble degré de la vie que le poète se donne les tons de mépriser !

2077. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Jules de Gères qui, s’il le voulait, trouverait bien en lui assez de talent pour n’imiter personne, n’a point naturellement l’électricité négative du laurier qui repousse la foudre et qu’ont les génies d’exception, ces esprits vierges qui tirent d’eux seuls leur fécondité et peuvent vivre impunément, n’importe où.

2078. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Mais M. de Laprade ne s’est pas contenté de cette barbe d’anachorète des montagnes, de cette poésie monochorde et monotone des hommes de solitude, qui vivent de sauterelles, en fait d’idées, en regardant les grands horizons.

2079. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

très capable d’être le résurrectionniste de héros qui auraient vécu.

2080. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Quand on est jeune, l’imagination aime assez la passion pour vouloir toujours la peindre belle et irrésistible, mais la montrer rapetissée, humiliée sous les habitudes de la vie, sacrifiée à la tyrannie de ces habitudes, et la prose de la réalité venant à bout de la dernière poésie de nos cœurs, suppose un désintéressement d’observation qui ne se voit guère que chez les hommes qui ont vécu et qui savent comme la vie est faite.

2081. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Il vécut parmi les grands et les gens de cour, dans la société de mœurs artificielles et de langage calculé. […] Ce sont des poëtes étriqués et des courtisans mal élevés, ne sachant plus rêver et ne sachant pas encore vivre, tantôt plats ou brutaux, tantôt emphatiques ou roides. […] À côté de lui, un autre aussi l’a senti, un jeune homme, un pauvre aventurier, qui tour à tour étudiant, acteur, officier, toujours désordonné et toujours pauvre, vécut follement et tristement dans les excès et la misère, à la façon des vieux tragiques, avec leur inspiration, avec leurs fougues, et qui mourut à trente-quatre ans, selon les uns d’une fièvre causée par la fatigue, selon les autres d’un jeûne prolongé au bout duquel il avala trop vite un morceau de pain donné par charité. […] —  Ma jeunesse imprudente a volé parmi les vains désirs ; —  mon âge viril, longtemps égaré par des feux vagabonds, —  a suivi des lueurs fausses, et quand leur éclair a disparu, —  mon orgueil a fait jaillir de lui-même d’aussi trompeuses étincelles. —  Tel j’étais, tel par nature je suis encore. —  À toi la gloire, à moi la honte. —  Que toute ma tâche maintenant soit de bien vivre ! […] Il avait perdu les deux places qui le faisaient vivre ; il subsistait misérablement, chargé de famille, obligé de soutenir ses fils à l’étranger, traité en mercenaire par un libraire grossier, forcé de lui demander de l’argent pour payer une montre qu’on ne voulait pas lui laisser à crédit, priant lord Bolingbroke de le protéger contre ses injures, vilipendé par son boutiquier quand la page promise n’était pas pleine au jour dit.

2082. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et comme je l’interrogeais, sur ce que cette incroyable avalanche de mauvaises lectures avait dû produire dans son cerveau, elle me répondait que cette ouverture par les livres sur la vie aventureuse, lui avait donné l’éloignement des aventures, mais en même temps lui avait fabriqué une pensée, toute différente de la société, au milieu de laquelle elle vivait. […] Ce volume, je crois, s’appelle Le Capitaine Jack, et c’est l’histoire d’un voleur-enfant, écrite avec un sentiment d’observation moderne, et mille petits détails d’une vie vécue, contés bien certainement à l’auteur, enfin avec toute la documentation rigoureuse et menue d’un roman réaliste de notre temps. […] — En voilà encore un parmi les heureux, regardez-le, s’écrie Régamey, c’est Barthélemy Saint-Hilaire… il est, tout le temps, à parler du bonheur de vivre, des jouissances, que chaque jour apporte. […] Il cause médecine, dit qu’en France un médecin est obligé de faire de la clientèle pour vivre, tandis qu’en Allemagne, le médecin a un traitement qui lui permet de rester à son laboratoire ; et laisse un professeur de pathologie tout à ses dissections et à ses travaux micrographiques. […] Car à la crise de tous les commencements de semaine, qui me permettait de ressusciter le vendredi, et de vivre le samedi et le dimanche, avait succédé la période de deux crises par semaine, qui amenait chez moi une faiblesse, au-delà de ce qu’on peut imaginer.

2083. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

L’étrange adversaire des symbolistes, le très convaincu poète scientifique, philosophique et sociologique de En Méthode à l’Œuvre, le Vœu de vivre, etc., nous écrit : Il se trouve peut-être des jeunes symbolistes ou autres, pour regarder comme un peu leur œuvre l’évolution de Mistral vers un vers plus libre. […] Pourtant, oui — surtout chez les tout à fait médiocres — il y a une tendance excessive à vouloir enterrer des morts qui vivent toujours… Savez-vous pour combien l’on a vendu des œuvres d’Hugo depuis sa mort ? […] La vieille idée fédérale a regermé ; beaucoup de jeunes esprits ont rêvé d’une autonomie de la province et de la commune qui semblait avoir vécu avec les derniers Girondins. […] Ceux qui n’auront exprimé que leurs joies ou leurs souffrances personnelles, avec l’unique souci de l’esthétique, vivront pour les artistes, ayant été eux-mêmes les artistes de la poésie ; les autres, ceux qui auront chanté la mystérieuse éclosion sociale des temps futurs, en seront peut-être les poètes. […] Lui-même le poète l’a bien exprimé dans sa chanson des Bons Provençaux, dont j’interprète librement ce couplet : Quand le mois de mai fleurit     Tout brûle de vivre.

2084. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

On y rencontre bien quelques petits seigneurs campagnards ; mais ils se trouvent placés au second plan ; tout l’intérêt est concentré sur les hommes qui vivent dans leur dépendance. […] C’est ainsi qu’elle vécut une dizaine d’années près de ma femme. […] … Je me gardai bien de lui apprendre une triste nouvelle… Et pourquoi lui aurais-je dit, en effet, que sa Dacha était maintenant ronde comme une boule, qu’elle vivait avec des marchands, les frères Kondatchkoff, qu’elle était couverte de fard, qu’elle criait et se disputait du matin au soir ? […] — Et ici il cligna les yeux d’un air de malice. — Dieu merci, j’ai assez vécu ; j’ai connu de braves gens dans ma vie, et… — Tu devrais au moins, — lui dis-je en l’interrompant, — écrire à ta famille.

2085. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Trahi deux fois, ce grand homme a su vivre. […] Moi-même je ne pus le vaincre. — « Vous êtes de ceux qui ne sont jamais vieux, lui dis-je, parce qu’ils vivent après leur mort bien plus que pendant leur vie, et que leur temps à eux est la postérité ; mais, d’ailleurs, fussiez-vous vieux et n’eussiez-vous plus de sang dans les veines, dans des crises comme celle-ci il n’y a ni jeunes gens ni vieillards : on doit autant à sa patrie la dernière goutte de son sang que la première. » « — Non, me dit-il tristement, je me suis bien interrogé, je sens que mon devoir n’est pas là, et qu’il est ici, ajouta-t-il en me montrant du geste sa petite chambre, sa petite table et sa petite écritoire. […] Jamais peut-être, dans aucun esprit supérieur de nos jours, ce travail intérieur du temps, qui tue les illusions, qui convertit les faiblesses, qui fait éclore les vérités du sein de l’expérience et qui régénère les vertus naturelles dans les résipiscences d’esprit ; jamais, disons-nous, ce travail de vivre pour s’améliorer ne fut aussi sensible et aussi réussi que dans Béranger. […] Je me suis dit de bonne heure : l’homme sensé ne peut pas vivre sans Dieu et sans religion : ce serait un effet qui voudrait subsister sans relation avec sa cause ; mais la foi en Dieu suppose un culte qui l’adore, une morale qui se conforme à ses perfections, une action qui concourt à sa divine et souveraine volonté.

2086. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Le premier soin de Napoléon, en débarquant à cette île d’Elbe dont on l’a fait souverain, son premier coup d’œil se porte sur la ville jadis fortifiée de Portoferraio, qu’il s’applique à remettre en état de défense ; il en fait réparer les remparts, y réunit l’artillerie dispersée dans l’île, y rassemble des dépôts de vivres, de munitions.

2087. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Hommes et dieux, études d’histoire et de littérature, par M. Paul De Saint-Victor. »

Pour moi, je l’avoue, j’en veux moins aux grands esprits tels que le sien, même quand je ne les épouse pas ; je m’y attache, bon gré, mal gré, en les étudiant, en les suivant, ne fût-ce que dans leur correspondance ; et celle de Swift avec les illustres amis dont il vivait séparé n’est pas sans charme.

2088. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Comme la donnée première de Lélia est tout à fait réelle et a ses analogues dans la société où nous vivons, j’ai eu peine à ne pas regretter, malgré l’éclat prestigieux de cette forme nouvelle, que l’auteur ne se fût pas renfermé dans les limites du roman vraisemblable.

2089. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

vivre là, y aimer quelqu’un, et puis mourir !

2090. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

« Par une déplorable fatalité, la monarchie nous ramenait une suite de quatre vieux rois : Louis XVII, Charles X, le duc d’Angoulême quand son tour serait arrivé, et le duc de Berry, s’il avait vécu.

2091. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Pour tous ces êtres n’existe pas le problème moral de la destinée : ils naissent, ils vivent, ils meurent, sans se demander d’où ils viennent, pourquoi ils sont, où ils vont.

2092. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

., il en est un qu’ils ont négligé et que je signale à leur attention ; celui-là, je l’ai observé de près depuis bien des années, et j’ai vécu avec lui, je pourrais dire, comme lui ; aussi suis-je en état de le décrire, et je l’essayerai même, puisque l’idée m’en est venue : c’est l’ouvrier littéraire.

2093. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Aristote cependant, qui vécut dans le troisième siècle grec, par conséquent dans le siècle supérieur pour la pensée aux deux précédents, Aristote a mis l’esprit d’observation à la place de l’esprit de système ; et cette différence suffit pour assurer sa gloire.

2094. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand Goethe déclare que « Klopstock n’avait aucun goût, aucune disposition pour voir, saisir le monde sensible, et dessiner les caractères », quand il trouve ridicule cette ode où le poète suppose une course entre la Muse allemande et la Muse britannique, quand il ne peut supporter « l’image qu’offrent ces deux jeunes filles courant à l’envie à toutes jambes et les pieds dans la poussière » : à ce moment-là Goethe est moins content, moins heureux, il jouit moins du plaisir de vivre, du bonheur de sentir que madame de Staël, qui traduit avec enthousiasme cette même ode, et déclare fort heureux tout ce que Goethe trouve ridicule.

2095. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Pour être juste, il faut se souvenir du temps où vivait Calvin.

2096. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

… On peut avoir fait un mauvais drame, et non seulement n’être pas un sot, mais encore, par d’autres dons que ceux qui font le bon dramaturge et le bon écrivain, par un autre tour d’imagination, par l’activité, l’énergie, la bonté, par toute sa complexion et sa façon de vivre, être un individu plus intéressant et de plus de mérite que tel littérateur accompli. » Non, je ne raille point.

2097. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Rostand, d’ailleurs, ne semble pas très bien savoir à quelle époque vécut Cyrano : Cyrano, mort en 1655, a toujours ignoré, sans doute, l’emprunt que, dans les Fourberies de Scapin, jouées en 1671, Molière fit au Pédant joué ; et il est peu probable qu’il ait dédaigné d’être Dans les petits papiers du Mercure François, fondé en 1672.

2098. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

« Dis-nous que toute vie est belle et vaut de vivre » chante un poème, comme pour compléter le vers de Joies : « la vie est croulante, lustres sur lustres ». — On dirait qu’Empédocle s’unit ici à Héraclite, mais pour une conclusion nouvelle dont la ferme expression fait songer aux écrits d’Emerson.

2099. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

L’idéal est celui que chercha à réaliser la commedia dell’arte, en réunissant dans la même personne le poète et celui qui se charge de faire vivre ses fictions.

2100. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Il protège la catégorie sociale dans l’intérêt de laquelle il est fait et refuse sa protection ceux qui n’en font pas partie ou vivent en marge de cette catégorie.

2101. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

C’est l’année où, tandis que Th. de Banville jette en suprême adieu Les Occidentales et Rimes dorées, Verlaine donne Bonheur ; Stéphane Mallarmé, Pages ; Henri de Régnier, Épisodes, Sites et Sonnets ; Jean Moréas, le Pèlerin passionné ; Maurice du Plessys ; la Dédicace à Apollodore ; Laurent Tailhade, Vitraux et le Pays du Muffle ; Rodenbach, le Règne du Silence ; Stuart Merrill, Les Fastes ; Gustave Kahn, Chansons d’amant ; Emmanuel Signoret, le Livre de l’Amitié ; René Ghil, le Vœu de Vivre ; Louis Dumur, Lassitudes ; Gabriel Vicaire, À la Bonne Franquette ; Ajalbert, Femmes et Paysages ; Ernest Raynaud, Les Cornes du Faune 3, et si je ne devais m’en tenir aux poètes, je mentionnerais que c’est l’année où Maurice Barrès donne Sous l’œil des barbares et Trois stations de psychothérapie ; Léon Bloy, la Chevalière de la mort ; Huysmans, Là-Bas ; Péladan, l’Androgyne ; Rachilde, La Sanglante ironie ; Albert Autier, Vieux… 1891 !

2102. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

Il faut ainsi envisager sous toutes leurs faces ces êtres imaginaires que le romancier ou l’auteur dramatique ajoute à l’humanité qui a vécu réellement.

2103. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les Athéniens & tous les Peuples guerriers ne furent subjugués, que quand ils furent mieux raisonner que vivre & combattre.

2104. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Abailard, dégoûté du monde, des moines & de l’école, reste à Cluni, pour y vivre dans une solitude profonde.

2105. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Ainsi il se fit remarquer à la Cour pour un homme civil et honnête, ne se prévalant point de son mérite et de son crédit, s’accommodant à l’humeur de ceux avec qui il était obligé de vivre, ayant l’âme belle, libérale ; en un mot, possédant, et exerçant toutes les qualités d’un parfaitement honnête homme.

2106. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Vous voulez, lui dirais-je, former un enfant qui doit vivre parmi des magots, et vous voulez en faire un géant : cela n’est pas praticable ; le géant choquera les magots, qui se réuniront tous contre lui, et le chasseront de chez eux à coups de pierre.

2107. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire.

2108. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Et c’est alors que la diplomatie, fille de la vanité et du besoin, aura suffisamment vécu.

2109. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Digne par la proportion de son modèle, le portrait de Chateaubriand a donc été une toile à l’huile parmi les aquarelles de Monselet, et si vous ôtez quelques taches de goût, grandes comme des mouchetures sur une glace limpide13, vous avez là une pure et lumineuse peinture d’histoire littéraire dans laquelle le Monselet du xviiie  siècle n’a eu absolument rien à faire ni rien à voir… On sait si le génie de Chateaubriand, à part même son christianisme, fut antipathique au xviiie  siècle, et aujourd’hui que le xviiie  siècle, mal mort, voudrait recommencer de vivre, Chateaubriand, moqué par Morellet et Chénier, a retrouvé dernièrement un nouveau Morellet dans Stendhal.

2110. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

De l’organisation la plus heureuse, fait essentiellement pour les lettres, il y débuta en se jetant éperdument dans le feuilleton dramatique, alors florissant, et malgré tous les Mentors, — il en avait plusieurs, — qui craignaient les Eucharis du théâtre pour ce Télémaque en plein feu d’imagination et de jeunesse… La grande littérature du milieu du dix-neuvième siècle était morte ou allait mourir : Balzac et Stendhal n’étaient plus ; Gozlan vivait encore, mais les deux plus grands poètes du siècle, de Musset et Lamartine, étaient tombés, l’un des bras d’une indigne femme dans le désespoir enivré qui devait le tuer, l’autre dans la vie politique, qu’on pourrait appeler la mort littéraire, où il s’engloutit, la lyre à la main, comme Sapho, qu’il avait chantée, dans la mer !

2111. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Nous touchons de la main le temps où elle vécut.

2112. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Il prit, lui, sans broncher, la responsabilité d’un événement qui pesait à son général, et Prescott n’a pas non plus oublié de nous dire que le duc d’Albe fit une pension, de ses deniers, à la comtesse d’Egmont, tout le temps qu’elle vécut.

2113. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Cette blanche hermine, qui a vécu dix-huit ans… vous savez bien où, sans en mourir, — a craint la tache que M. 

2114. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Eugène Hatin » pp. 1-14

Avant Renaudot, il y avait, en effet, pour nous, des pamphlétaires, des satiriques, des libellistes, des polémistes sous toutes les formes, et les luttes religieuses du xvie  siècle avaient exaspéré plus que jamais cette furie de plumes qui vivra autant que la passion humaine ; il y avait même des nouvellistes ; mais le journalisme, c’est-à-dire ce mode de renseignement à jour fixe, au moyen de gazettes, à proprement parler n’existait pas.

2115. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

… Tout spirituel qu’il fût, à qui Voltaire, s’il avait vécu, aurait peut-être mis sa maigre main blanche sur l’épaule en l’appelant, qui sait ?

2116. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Les uns l’ont donnée pour cruelle parce que, comme tous les gouvernements qui veulent vivre, elle a privé de leur liberté les gens qui s’en servaient contre elle ; les autres l’ont appelée généreuse et se sont même servi de l’histoire de Silvio Pellico pour le prouver ; mais quelle discussion est maintenant possible devant des aveux aussi calmes, aussi pourpensés, aussi nuancés que ceux-ci ?

2117. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Si cette âme a jamais existé, elle devait être, du reste, assez pesante pour qu’on la retrouvât à la place où elle avait vécu et qu’elle ne pût pas s’envoler.

2118. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

C’était, d’ailleurs, un écrémage des lettres de l’abbé Galiani, et voici tout le poli… Galiani est un de ces hommes qui doivent vivre plus par la correspondance que par les livres qu’il a écrits, malgré leur perfection, sur des questions dont le temps a emporté l’intérêt, passionné alors qu’il les écrivait.

2119. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXII. Philosophie politique »

Ce qu’il lui faut de vérité pour vivre et de lumière pour l’éclairer, il les trouve dans la tradition et dans l’histoire.

2120. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

On a bien discuté l’Autriche : les uns l’ont donnée pour cruelle parce que, comme tous les gouvernements qui veulent vivre, elle a privé de leur liberté les gens qui s’en servaient contre elle ; les autres l’ont appelée généreuse et se sont même servi de l’histoire de Silvio Pellico pour le prouver, mais quelle discussion est maintenant possible devant des aveux aussi calmes, aussi pourpensés, aussi nuancés que ceux-ci ?

2121. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Elle a été posée et résolue à toutes les phases des sociétés, et si un tel fait a été méconnu, si l’on n’a pas tenu le compte qu’on devait des solutions sur lesquelles l’humanité a vécu, pendant des siècles, heureuse et puissante, la faute en est à ce mépris que des économistes ignorants ont toujours montré pour l’histoire, — pour l’histoire qui le leur rendra bien !

2122. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

L’auteur de l’Assistance montre bien que les circonstances dans lesquelles vivaient les fidèles des premiers temps étaient des circonstances d’exception, et que la communauté, au sens chrétien, s’est perpétuée dans l’Église de Jésus-Christ là seulement où elle était réalisable, c’est-à-dire dans ces communautés religieuses, éternelles comme la religion elle-même, dont elles ne sont la plus grande force que parce qu’elles en sont la plus grande vertu.

2123. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

Parole effroyable, mais qui, pour celui qui l’a écrite, exprime une chose plus effroyable encore et dont on ne peut donner trop d’effroi : la révolution acceptée lâchement par la royauté contre l’Église, sa mère, et contre elle-même… Et, en effet, aux yeux de ceux-là qui croient que la constitution de la monarchie française était essentiellement catholique, c’est comme si Henri IV avait pu devenir roi de France sans cesser d’être protestant… III Et pas de doute que l’auteur de la Reine Blanche, saint Louis et le comte de Chambord, n’eût été de ceux-là s’il avait vécu au xvie  siècle.

2124. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Selon lui, la science aura toutes les puissances qu’on peut avoir… quand elle sera faite ; mais au lieu d’être morte elle n’a pas vécu, parce qu une science qui se cherche n’est pas une science.

2125. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

… Selon nous, ce poème de Melænis n’a aucune des qualités qui font vivre les œuvres, et nous ne croyons pas que le poète les ait davantage.

2126. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

» ce qu’il serait devenu peut-être s’il avait vécu, comme tant d’autres qui ont commencé par le compagnonnage aimable et désintéressé, pour finir par la camaraderie.

2127. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Le La Bruyère qui écrira cette page d’observation terrible n’est peut-être pas né, mais tous ceux qui sentent en eux la conscience forte et tressaillante de la société où ils vivent savent si l’histrionisme nous dévore, et peuvent se demander, en lisant des œuvres poétiques comme ce dernier volume, si la fin de notre monde littéraire doit avoir lieu dans un cabotinage universel.

2128. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

S’il redevient obscur, il n’aura pas du moins vécu obscur… La Vie de Bohême, quand elle parut, cette suite de pochades écrites en un style qui est plus de l’argot que du français, sur des tables de brasserie et de café, entre beaucoup de pipes et de petits verres, parut une délicieuse fantaisie à beaucoup d’esprits et même à la Critique, qui devait pourtant s’y connaître.

2129. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

Seulement notre critique, à nous, n’aurait-elle que deux minutes à vivre, elle ferait, pendant ces deux minutes, sa pauvre justice éphémère et rendrait hommage à un homme de talent méconnu, parce que dans le débordement de paganisme et de matérialisme universel, il est resté purement et incorruptiblement un spiritualiste et un chrétien.

2130. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

À dater de Heine, de cet Allemand presque Français tant il s’était naturalisé parmi nous, la France n’a vécu que sur les vieux poètes qui existaient de son temps à lui et que la personnalité de son génie, à lui, effaçait, même de Musset, qui faisait songer à lord Byron, que Henri Heine ne rappelait pas.

2131. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Certainement, dans l’état actuel de leurs deux esprits, l’auteur de Madame Bovary est supérieur de facultés à l’auteur du Malheur d’Henriette Gérard, et il le serait encore par cela seul qu’il a vécu davantage, mais ils se ressemblent même par leurs défauts.

2132. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

On sait que, seul et sans secours, il fit trembler Philippe ; qu’il combattit successivement trois oppresseurs ; que, dans l’exil même, il fut plus grand que ses concitoyens n’étaient ingrats ; qu’il pensa, parla, vécut toujours pour la liberté de son pays, et travailla quarante années à ranimer la fierté d’un peuple devenu, par sa mollesse, le complice de ses tyrans.

2133. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

j’ai vécu puissant et solitaire, Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. […] Tant qu’il avait été dans la garde royale, c’est-à-dire jusqu’en 1823, il avait vécu à Paris et dans les cercles littéraires, où il rencontrait habituellement Soumet, Guiraud, les frères Deschamps et cette charmante et merveilleuse muse, Delphine Gay, alors dans la fleur naissante de son talent poétique et dans le premier épanouissement de sa beauté. […] Jeune, il avait vécu dans l’intimité de Fontanes, de Joubert, de Chateaubriand ; il était resté des plus délicats en matière littéraire, et même chatouilleux, si l’on peut dire.

2134. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Né à Bordeaux, d’une famille illustre et opulente, d’abord célèbre comme avocat et comme poète, Paulin, durant un séjour de quelques années qu’il fit eu Espagne, arriva aux idées religieuses et y fut confirmé par les conseils de son épouse, Therasia, sainte personne avec laquelle il finit par vivre comme avec une sœur. […] Le ive  siècle, sur sa fin, compte encore Sévère Sulpice, ami de saint Paulin, l’historien abréviateur, le biographe un peu légendaire de saint Martin ; — saint Hilaire de Poitiers, l’adversaire des Ariens et le vengeur de l’orthodoxie un moment opprimée. — Saint Ambroise naquit à Trêves, mais vécut et s’illustra hors des Gaules. — L’île de Lérins dans le Midi, séminaire fécond de savants hommes, fleurit avec ses anachorètes et ses cénobites sous saint Honorat. La solitude, avec ses pures délices, est célébrée par saint Eucher, évêque de Lyon, et racontée dans ses détails, exprimée dans ses mœurs par Cassien, né peut-être dans la petite Scythie, au bord de la mer Noire, mais qui vécut et écrivit à Marseille.

2135. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

. — D’autre part, elles sont indépendantes de moi et de tous les individus sensibles qui ont vécu, vivent et vivront.

2136. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Toute la paix des steppes où elles vivent est dans leurs yeux ; ils sont bleus comme le ciel, limpides comme la goutte d’eau que la rosée du matin a laissée au fond de la pervenche qu’elles foulent aux pieds ; leur profondeur n’a point d’abîmes comme les yeux humains. […] Ce sujet, plus déclamatoire que vrai et pathétique, était à la mode de 1820 ; ce poème ou ce roman vivait encore ; il est mort aujourd’hui, comme meurent, après un certain temps, dans la littérature des peuples, toutes les choses qui sont calquées sur les engouements de la société factice au lieu d’être calquées sur l’éternelle et simple nature. […] La poésie lettrée ou illettrée est chose de jeunesse ; une fois aux prises avec les occupations actives et sérieuses de la vie, on ne se passionne plus pour ces fables chantées qu’on nomme les poèmes : l’âge mûr n’a pas le temps, la vieillesse n’a plus le goût de ces rêveries ; on songe à vivre, on pense à mourir.

2137. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

La persécution et l’emprisonnement que j’avais autrefois subis par ordre du gouvernement républicain, à l’occasion de la chute du pouvoir temporel de Pie VI, alors que l’on m’avait cru exécuteur ou tout au moins complice de la mort du général Duphot, étaient si récents qu’ils vivaient encore dans la mémoire de tous. […] Par exemple, on sépara les cardinaux Saluzzo et Pignatelli, qui vivaient ensemble depuis plus de trois ans, les cardinaux Mattei et Litta, Gabrielli et Brancadoro qui habitaient sous le même toit depuis quelques mois. […] En attendant, nous vivons dans notre exil, nous privant de toute société, ainsi qu’il convient à notre situation comme à celle du Saint-Siège et du Souverain Pontife, notre chef.

2138. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

J’avoue même que moi, qui vivais, qui pensais et qui sentais déjà en ce temps-là, moi qui partageais les angoisses du peuple pauvre et sacrifié à la noblesse des barons d’empire, je retrouve dans ce livre la mémoire minutieuse de cette époque de la grandeur d’un homme de guerre et de la servitude d’un peuple ébloui de ses chaînes : il n’y a pas de plus grande leçon de dédain pour l’opinion de l’humanité que celle que l’humanité donne elle-même en divinisant quarante ans après le maître qui faisait de l’héroïsme avec le sang inutilement versé de quelques millions de ses pareils. […] Depuis le mois de février jusqu’à la fin de mai, tous les jours nous ne vîmes passer que des régiments et des régiments : des dragons, des cuirassiers, des carabiniers, des hussards, des lanciers de toutes les couleurs, de l’artillerie, des caissons, des ambulances, des voitures, des vivres, toujours et toujours, comme une rivière qui coule et dont on ne voit jamais la fin. […] Goulden, qui nous aimait comme ses enfants, m’avait mis de moitié dans son commerce ; nous vivions tous ensemble dans le même nid : enfin, nous étions les plus heureux du monde.

2139. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Quand je pense à ce noble peuple d’Athènes, où tous sentaient et vivaient de la vie de la nation, à ce peuple qui applaudissait aux pièces de Sophocle, à ce peuple qui critiquait Isocrate, où les femmes disaient : « C’est là ce Démosthène !  […] Les hommes vivent pour eux et non pour cette chimère, cette vaine abstraction que l’on nomme humanité… Le destin d’un État libre ne saurait être subordonné à aucun destin. » ? […] Cela, cinquante ans après que Herder avait dit : « L’homme, quand il le voudrait, ne pourrait vivre pour lui seul.

2140. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Il a épelé les papyrus de Sepphoris, qui, de son temps, n’était pas transformée encore en Diocésarée ; il a vécu avec les pêcheurs de perles de l’île Tylos. […] Vivre est une chanson dont mourir est le refrain. […] Cervantes, comme poëte, a les trois dons souverains : la création, qui produit les types, et qui recouvre de chair et d’os les idées ; l’invention, qui heurte les passions contre les événements, fait étinceler l’homme sur le destin, et produit le drame ; l’imagination, qui, soleil, met le clair-obscur partout, et, donnant le relief, fait vivre.

2141. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Il vivait dans l’opulence féodale au château de Rocca Secca. […] Quels que soient les innombrables défauts de ce poème épique du Dante dans la fable, on ne peut nier que ce ne fût, à l’époque où il vivait, et encore à la nôtre, le seul véritable texte d’une vaste épopée qui restât à chanter aux hommes. […] Mais nous avons vécu de longues années en Italie dans la société de ces érudits commentateurs et explicateurs du Dante, qui se succèdent de génération en génération comme les ombres des hiéroglyphes sur les obélisques de Thèbes.

2142. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

. — Car j’y crois, à Port-Royal, et je souhaite encore moins y vivre qu’à Carthage. […] « J’ai beaucoup connu et fréquenté, dans les premières années de leur éclosion féconde, les talents et les génies de l’école dite romantique, et je puis dire que j’ai vécu familièrement avec la plupart.

2143. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Il résulte clairement des dernières indications précises que Du Bellay n’avait aucune chance, s’il avait vécu, d’être promu à l’archevêché de Bordeaux, comme on l’avait dit et cru, un peu à la légère, d’après une confusion de noms. […] On m’assure pourtant qu’il ne sera ni tout à fait inutile, ni désagréable pour ceux mêmes qui le savent déjà, de citer le sonnet célèbre, qu’on s’attend à lire chaque fois qu’il est question de Du Bellay ; j’obéis donc à cette observation qui m’est faite au dernier moment, d’autant plus que c’est la meilleure preuve que je n’ai pas surfait le poète : Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme cestui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d’usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge !

2144. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

On eût dit qu’il n’avait jamais eu besoin d’indulgence, et que le monde ne continuait de vivre après lui que pour se charger de ses vengeances. […] Il vivait hors du monde des événements ; et se plongeait de plus en plus dans les études et dans les spéculations de la haute philosophie de l’ancienne Grèce.

2145. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Il en est des genres comme des langues : ce qui se fixe, c’est ce qui meurt, et les genres ne vivent que par une adaptation, c’est-à-dire une transformation continuelle ; dans cette évolution, ils semblent périr lorsque leur principe de vie abandonne la forme qui les caractérisait pour en revêtir une autre, qui fera la même fonction, sans pourtant avoir rien de commun en apparence avec ce qu’elle remplace. […] Et enfin il y a si longtemps que les genres servent dans notre littérature vieillie, nous en avons tant vu les lois et les règles tourner, aux mains des faiseurs, en procédés qui dispensent de regarder la nature, nous avons tant vu de pièces bien faites, où il n’y avait pas un mot de senti et de vécu, que nous en sommes venus à prendre volontiers l’inexpérience technique pour une marque de sincérité : il nous semble que l’artiste qui bouscule les genres et leurs lois doive nous étaler la nature toute pure et toute nue.

2146. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Oui, s’il est vrai qu’il ait eu, dans les lettres, le don du génie, qui est d’exprimer des vérités générales dans un langage définitif ; oui, si l’on ne veut voir dans son ouvrage que ces créations qui sont des vérités générales sous la forme de personnages qui vivent, et qui ont un nom immortel parmi les hommes. […] Cette abbaye, flanquée aux quatre angles de quatre grosses tours bâtie en forme de forteresse avec chambres surbaissées, comme dans les donjons, qu’il fait habiter par des gens de goût et de savoir, qu’il orne d’une bibliothèque, de galeries de peintures, où il établit des lices à l’antique, un hippodrome, un théâtre, des jeux de paume et de grosse balle, c’est une naïve image du temps où vivait Rabelais.

2147. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il en fut si satisfait, qu’il voulut que M. de Bellegarde le prit dans sa maison, où Malherbe vécut désormais avec une pension du roi. […] Ailleurs il dit de lui : Les ouvrages communs vivent quelques années ; Ce que Malherbe écrit dure éternellement125.

2148. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Mais elle sait très bien n’y pas vivre ; un peu en disgrâce, dit-on, à cause de ses amitiés dans la Fronde, et faute surtout de se montrer assez178. […] En revanche, ils nous font vivre plus près des personnages, et presque respirer le même air.

2149. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Et tandis que l’action dramatique, dans sa portée psychologique, c’est-à-dire par la sonorité expressive du mot et du motif, semble nous pénétrer et se perdre en nous, notre moi, par réaction fatale, se prend à vivre, à son insu, la vie du drame et à évoluer, dans sa compréhension subjuguée, selon le devenir déterminé de l’œuvre. […] Il quitte la félicité et la gloire pour secourir Elsa, pour vivre auprès d’elle, pour partager ses peines et ses joies, pour l’aimer.

2150. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Quoi qu’il en soit, de tout temps, et même quand il n’en eut plus besoin pour le nécessaire, M. de Latouche continua trop de vivre dans l’instant présent, de guetter l’occasion qui passe, de la poursuivre, de la harceler sans cosse et de s’aigrir en la manquant. […] Après avoir marqué les divers caractères des sites qu’elle parcourt, le romancier continue en exprimant une de ces pensées familières à tous, mais qu’on aime toujours à retrouver : Il est bien peu d’hommes qui puissent revoir sans émotion le lieu où ils ont commencé à vivre.

2151. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Michel Lévy et Jacottet devenus les Augustes de tous ceux qui salissent du papier pour vivre. […] Un premier testament lui donnait 100 000 francs (le chiffre de ses dettes) ; un second, 300 000 francs ; enfin, la succession ouverte, un troisième testament, découvert sous le fauteuil dans lequel vivait, le jour et la nuit, la mourante d’une maladie de cœur, lui donne toute la fortune.

2152. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

* * * Dans nos promenades de tout le jour, par les allées désertes de ce bois de Boulogne maudit, voir à la cantonade le défilé de ces joyeux, de ces vivants, de tous ces heureux de vivre, de tous ces reconnaissants de l’existence : ça vous donne des idées homicides ! […] Peut-être, sans moi, se serait-il fait peintre, et doué comme il l’était, il aurait fait son nom, sans s’arracher la cervelle… et il vivrait.

2153. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Cependant lucius a vécu dans merluche (brochet de mer), expression qui, avec des mots de sens identiques, se retrouve dans l’allemand seehecht. […] Elles servent à Dieu, à ses saints, au diable, — ou au loup ; les Arabes disent : ou au chacal ; elles servent aux animaux que nous ne voyons pas manger et qui vivent ; elles servent aux êtres surnaturels qui descendent pendant les nuits claires et à ceux qui rôdent pendant les nuits sans lune.

2154. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

La ville et la cour avaient les yeux fixés sur eux ; ils vivaient avec Molière, ils créaient avec lui ses comédies ; ils étaient les instruments immédiats de cet infatigable génie ; chaque jour leur amenait un nouveau chef-d’œuvre, une plaisanterie nouvelle, un personnage nouveau. […] Elle était ainsi la femme déclassée, et l’on dirait que Pascal lui-même a voulu tracer le portrait de cette créature malheureuse : « Le peu de temps qui lui reste l’incommode si fort et l’embarrasse si étrangement, qu’elle n’essaye qu’à le perdre : ce lui est une peine insupportable de vivre avec soi et de penser à soi ; ainsi, tout son soin est de s’oublier soi-même et de laisser couler ce temps, si précieux et si court, sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser.

2155. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Certes, elle était fort capable de tremper son gant de Suède dans le sang d’un assassinat, elle qui n’avait vécu que de trames, de complots et de trahisons ; mais enfin, cette abominable gloire, elle ne l’a pas plus que toutes les autres. […] Le temps qu’avait vécu Louis XIII, — l’histoire le dira en termes sévères — Anne d’Autriche s’était laissé imposer par ses familiers et par ses domestiques une politique qui n’était pas celle de l’État.

2156. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Philippe n’a de mauvais sujet que de vouloir vivre à Paris et de ne pas épouser sa cousine, que sa famille lui garde pour femme de toute éternité. […] Littérairement, il s’est maintenu à la place où il a vécu toute sa vie.

2157. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Les amants de Pénélope ne sont que de vils parasites, plus occupés du soin de vivre aux dépens d’Ulysse, que du soin de le remplacer. […] Thélésin, qui vivoit sous le Roi Artus, & Melkin, qui vécut quelque temps après, célébrerent tous deux les faits merveilleux de ce Monarque & des Héros de la table ronde.

2158. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

De tant de tragédies, il ne s’est conservé que quatre vers des Pélopides, où se rencontre une forte et mélancolique image : « Les infortunés144, quand la mort est loin, l’appellent de leurs vœux ; mais, lorsque vient sur nous le dernier flot de la vie, nous souhaitons de vivre : on n’a jamais satiété de la vie. » Que si, d’après la seule œuvre de ce poëte qui lui ait survécu, on augure mal de son génie ; si la subtile et bizarre emphase du poëme d’Alexandra ne permet de lui attribuer, ni la libre éloquence nécessaire au drame, ni la splendeur lyrique, n’oublions pas cependant qu’il fut, pour les contemporains, l’égal d’Apollonius de Rhodes, d’Aratus et de Théocrite, formant avec eux et d’autres plus obscurs la pléiade poétique du ciel alexandrin. […] Mais, retenu dans Alexandrie, comme dans sa patrie de prédilection, il vécut, sous Ptolémée Philadelphe et sous son fils Évergète, jusque vers la 125e olympiade ; il enseigna les lettres dans des cours publics ouverts au bourg d’Éleusis, quartier d’Alexandrie.

2159. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

là où l’intelligence, délivrée de cette prison mortelle, vivrait unie à ta lumière, libre, sans être errante !  […] N’est-ce pas elle, en effet, qui, toute ravie d’amour divin, s’écrie dans un cantique : « Je vis, sans vivre en moi-même ; j’aspire à une vie si haute, je la sens si proche, que je meurs de ne pas mourir ! 

2160. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

Elle vécut assez pour voir l’heure du dégrisement.

2161. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Quand M. de Chateaubriand, bien autrement artiste que madame de Staël, voulait s’enfermer dans l’art pur, il composait son poème des Martyrs, qui ressemble si peu au monde dans lequel il vivait, qui se détache si complètement des affections et des sympathies contemporaines ; véritable épopée alexandrine, brillante, érudite, désintéressée ; hymne auguste né du loisir, de l’imagination, de l’étude, et consacrant un passé accompli ; groupe harmonieux en marbre de Carrare restitué par le plus savant ciseau moderne sur un monument des jours anciens.

2162. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Le danger très rare de rencontrer une femme dont la supériorité soit en disproportion avec la destinée de son sexe, doit-il priver la république de la célébrité dont jouissait la France par l’art de plaire et de vivre en société ?

2163. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

La société est faite : ils ne prétendent rien y changer ; mais l’individu, qui vivra dans cette société, est toujours à faire : c’est cet individu à qui tous nos écrivains veulent imposer une forme.

2164. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Cette poésie bourgeoise et populaire, intime et vécue, que Sainte-Beuve avait rêvée, vous vous le rappelez, dont il n’y avait quelques accents avant lui que dans la chanson de Béranger peut-être, M. 

2165. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IX. L’antinomie politique » pp. 193-207

C’est l’indépendance de l’individu dans sa vie privée ; c’est la libre disposition de sa personne et de ses biens ; c’est la liberté des relations, des faits et gestes de chaque jour : c’est le pouvoir de vivre et d’agir à sa guise sans être en butte à une inquisition perpétuelle, à une police minutieuse et tyrannique de la part de l’autorité publique.

2166. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

« Elle ne vivait point comme le reste des mortels ; elle ne s’abaissait point à se régler sur les horloges… Elle était ennemie du soleil… Elle ne sortait jamais en plein midi ; elle ne se levait qu’au coucher du soleil, elle ne se couchait qu’à son lever.

2167. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Toute pauvre et exiguë qu’elle était, la conscience de son aristocratie native lui faisait appeler « Barbares » ceux qui vivaient hors de ses mœurs et de ses cités.

2168. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

La seule unité est l’appétit sourd de vivre, qui subsiste sous cet amas incohérent et qui se sent vaguement lui-même.

2169. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Nous ne pouvons assez le remarquer, le symptôme effrayant des temps où nous vivons c’est l’activité dévorante des esprits qui est hors de proportion avec la mesure du temps.

2170. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

III Mais s’il fallait, d’ailleurs, un exemple de l’inanité de l’esprit de salon et de l’innocuité de cette catapulte, on le trouverait ici, — précisément dans ces lettres de Mme de Staël, qui la montrent aujourd’hui seulement femme du monde, et par le fait seul qu’elle n’y est que cela, l’exilant de son esprit comme elle était exilée de France, alors qu’elle vivait en Russie… Ah !

2171. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Supposez Michelet ou Chateaubriand, ou tout autre historien qui aurait eu le sentiment profond de l’Histoire, croyez-vous qu’ils n’auraient pas animé devant nous, et fait vivre dans leur action même, Innocent X, Alexandre VII, les Barberini, le duc de Parme, tous les hommes, enfin, à qui Lionne eut affaire, en ces deux négociations, dans lesquelles, il faut bien le dire, il fut battu, mais ne fut pas content ?

2172. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

Ils en ramassaient beaucoup, quand ils vivaient, pour en orner leurs plus belles œuvres.

2173. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Rigault était mort… physiologiquement, sans avoir beaucoup vécu… intellectuellement.

2174. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Villon, qui a vécu un peu comme Callot, le rappelle deux fois, — par son genre de talent et aussi par sa physionomie.

2175. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

D’abord la grande société monarchique du temps de Louis XIV est finie, et par le fait fatal et triste de cette âpre curiosité qu’on a pour les choses qu’il est impossible de revoir, et aussi par le fait du contraste de nos mœurs avec ces mœurs évanouies, nous nous attacherons pendant longtemps encore à remuer cette poussière et à lui demander ce qu’elle fut du temps qu’elle vivait.

2176. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Il ne porterait pas pour épigraphe ces mots irréfléchis, tracés par madame d’Alonville elle-même : « Destiné à vivre parmi les hommes, médite ces mots et prends-les pour devise : connaître, tolérer, aimer, servir. » Car la destinée de l’homme est d’habiter un jour le ciel conquis par ses œuvres, et non pas de passer chétivement parmi ses semblables trente-trois ans et demi, en moyenne actuelle.

2177. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

C’est la plus étonnante spontanéité qui ait jamais vécu, et voilà le trait pour qui saura le dégager, voilà le grand trait de sa physionomie !

2178. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Il n’est pas douteux pour qui que ce soit que si cet historien avait vécu dans la mêlée du temps qu’il raconte, il n’eût parlé, écrit, agi, dans la mesure de sa force, qui n’est pas grande, il est vrai, mais dans le sens de tous ceux-là dont il nous répète les observations, les opinions et les maximes.

2179. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Il est vrai que depuis le prince de Ligne, et même depuis de Champagny, nous· avons vécu, ce qui a permis à l’auteur d’À travers l’Antiquité d’employer une langue plus verte et plus crue… Seulement, langue à part, ce que ne pouvaient avoir ni Renan, le Brid’oison du doute, ni de Champagny, du faubourg Saint-Germain, où l’on n’est guères Gaulois, si on y est Français, c’est la plaisanterie !

2180. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

C’est la plus étonnante spontanéité qui ait jamais vécu, et voilà le trait pour qui saura le dégager, voilà le grand trait de sa physionomie !

2181. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Au Moyen Âge, s’il y avait vécu, il aurait esquivé Cousin, Thiers et la Revue des Deux Mondes, qui furent ses maîtres, et il nous eût paru moins petit !

2182. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Il n’en reste absolument rien dans leurs nerfs ou dans leurs esprits, et c’est véritablement à faire croire que la superficialité humaine, qui paraissait si monstrueuse à Pascal, est peut-être tout le secret de vivre, et que si les hommes étaient plus profonds ils mourraient de leur profondeur.

2183. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Il avait vécu de la grande existence de la haute société de son temps, et il s’en était blasé vite, comme les grandes imaginations qui dominent tout et qui finissent par être de grandes dégoûtées.

2184. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

L’auteur du Tigrane a dû vivre parmi les prêtres à quelque époque que ce soit de sa vie, car il en parle tous les langages comme s’il les avait appris, et il en exprime les faiblesses — plus ou moins honteuses — comme s’il les avait vues de ses propres yeux… Assurément, il a le mépris intelligent du clergé français assez médiocre dans sa masse flottante, ne croyant, là comme ailleurs, qu’à l’individualité et qu’à l’exception ; mais pourtant il ne hait point le prêtre comme un autre observateur et un autre artiste, Stendhal, qui fut aussi toute sa vie magnétisé par le sublime type du prêtre, la seule grande poésie, avec le soldat, qui soit restée à notre misérable temps.

2185. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Il vit donc là comme un certain Edgar Ravenswood, que nous connaissons, vivait dans sa tour en Écosse, en compagnie d’un vieux domestique que M. 

2186. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Ce vieux cardinal, qui a menti soixante ans avec une tenue et une sérénité infinies, a flairé le prêtre du progrès dans Julio, et il lui remet en mourant le soin d’un testament religieux, qui n’est rien moins que la rétractation des doctrines religieuses sur lesquelles il a vécu toute sa vie et volé l’estime des honnêtes gens de son diocèse.

2187. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Nous sommes, en effet, une race issue de toi, ayant par privilège le signe imitatif de la voix, entre tous les êtres mortels qui vivent et rampent sur la terre.

2188. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

L’une et l’autre ne vivent que de sentiments libres, vrais, énergiques ; l’une et l’autre ne respirent que le sublime, et jamais celui-ci ne se démontre dans l’asservissement des pensées. […] Le seul Virgile fut heureux auprès d’un empereur : Valérius Flaccus se dérobait à des monstres couronnés : Lucain avait été dès sa jeunesse la victime de Néron : Arioste et Tasse vécurent dans l’intimité des princes ; le premier sut s’en faire aimer par ses grâces railleuses, et déjouer leur malignité par sa riante insouciance ; le second mourut le plus humilié, le plus infortuné des hommes. […] Que les Grecs ne se fussent pas vengés, leurs maisons, leurs personnes, leurs troupeaux eussent été la proie de tous les barbares vagabonds qui ne vivaient alors que de la dépouille des agricoles. […] Elle a pour objet, convenable au temps où vivait le poète qui l’a choisie, les exploits et les hasards de la guerre, parce que la guerre était, comme nous l’observions, utile à l’existence d’une population nouvelle. […] vivons en bons chrétiens ; « C’est le parti, croyez-moi, qu’il faut suivre.

2189. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

De mille soins jaloux jusqu’alors agitée, Il est vrai, je n’ai pu concevoir sans effroi Que Bajazet pût vivre et n’être plus à moi ; Et lorsque quelquefois, de ma rivale heureuse Je me représentais l’image douloureuse, Votre mort (pardonnez aux fureurs des amans) Ne me paraissait pas le plus grand des tourmens. […] A ma douleur je chercherai des charmes ; Je songerai peut-être, au milieu de mes larmes, Qu’à vous perdre pour moi vous étiez résolu, Que vous vivez, qu’enfin c’est moi qui l’ai voulu. […] Mais qui peut vivre infâme, est indigne du jour. […] Zopire, en refusant la proposition de Mahomet, l’irrite par sa fermeté, et le met dans le cas d’écouter l’avis d’Omar, qui lui conseille de faire périr Zopire par Séide, et de plus prépare la reconnaissance, en apprenant à Zopire que ses enfants vivent encore. […] Que ma fille à ses yeux soit un sujet d’ennui ; Il l’aime : elle vivra pour un autre que lui.

2190. (1903) Propos de théâtre. Première série

En cela seul ils sont poètes, c’est-à-dire émus, ce qui revient à dire qu’en cela seul ils vivent. […] Car enfin personne ne me contestera que, tant que Marie Stuart n’est pas morte, elle peut vivre. […] Maintenant, je ne vais plus vivre. […] Il est né avec la « société polie », et il a vécu avec elle et de sa vie, comme un parasite. […] Elle crée des êtres factices, pour ainsi dire, des êtres qui ne vivent ou voudraient ne vivre que d’idées et de beaux entretiens.

2191. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Je reviens, tous les soirs, en chemin de fer, avec un vieillard dont je ne connais pas le nom, un vieillard intelligent et bavard, qui semble avoir vécu dans tous les mondes, et en posséder la chronique secrète. […] 3 septembre Ce n’est pas vivre, que de vivre dans ce grand et effrayant inconnu, qui vous entoure et vous étreint. […] Dans le village abandonné, des voitures de déménagement stationnent, sans chevaux, devant des matelas et des objets de literie jetés sur le trottoir, et çà et là, quelques vieilles femmes assises au soleil, devant la porte d’une allée obscure s’obstinent à rester, à vouloir mourir, là où elles ont vécu. […] Passer sous ces coups de canon, se risquer au bout du bois de Boulogne, voir comme aujourd’hui la flamme sortir des maisons de Saint-Cloud, vivre dans ce continuel émoi d’une guerre vous entourant, vous touchant presque, frôler le danger, être toujours le cœur un peu battant vite : cela a sa douceur, et je sens, lorsque ce sera fini, qu’il succédera, à cette jouissance fiévreuse, de l’ennui bien plat, bien plat, bien plat. […] Rien de plus pénible que cet état, où vous ne savez pas si les armées de province sont à Corbeil ou à Bordeaux, et si même ces armées sont ou ne sont pas : rien de plus cruel de vivre dans l’obscurité, dans la nuit, dans l’inscience du tragique qui vous menace.

2192. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Mais surtout, dans un temps où l’on jouissait profondément de « la douceur de vivre », on lui était reconnaissant du respect ému, quasi religieux, qu’il professait pour « l’institution sociale » ; des raisons profondes qu’il semblait qu’il eût trouvées pour en placer les titres au-dessus même des lois ; on lui était reconnaissant des perpectives de perfectionnement croissant qu’il ouvrait à ses contemporains ; — et nous, encore aujourd’hui, si cette religion ne suffit pas à nos yeux pour faire l’unité de l’Esprit des lois, elle en fait du moins la noblesse. […] Nous ne le croyons pas, et pour plus d’une raison, dont la première est celle-ci, qu’il avait vécu cent cinquante ans. […] Nous n’en vivons pas moins encore de lui, si c’est lui qui a vraiment organisé notre système d’éducation dans ses Mémoires sur l’instruction publique, dont on n’a, pour en sentir toute la supériorité, qu’à faire la comparaison avec ceux de son ami Cabanis, par exemple ; et puis, il est l’auteur de ce livre fameux : l’Esquisse d’une histoire des progrès de l’esprit humain, qui n’est peut-être pas l’expression la plus éloquente que l’on ait donnée de l’idée de progrès, mais qui en est l’une des plus persuasives. […] De l’utilité de ces détails pour l’intelligence des romans de Prévost : — il a vraiment vécu son œuvre ; — les hasards de sa vie en expliquent le décousu ; — et ce qu’il n’en a pas vécu, il l’a moins « imaginé » que « senti ». — Du caractère sombre et mélodramatique des romans de Prévost ; — et combien ils diffèrent des romans de Le Sage et de Marivaux. — La passion de l’amour dans les romans de Prévost ; — comment elle les remplit à peu près uniquement ; — et qu’elle y affecte les mêmes caractères de soudaineté ; — de violence ; — et de fatalité que dans les tragédies de Racine. — Que là même, et non pas du tout dans une peinture de la fille ou de la courtisane, est le mérite éminent de Manon Lescaut. — La peinture des mœurs dans les romans de Prévost ; — et combien elle y est insignifiante ou superficielle. — Les romans de Prévost sont des romans idéalistes ; — nullement psychologiques d’ailleurs ; — et le style en est celui de la passion ; — c’est-à-dire, tantôt capable de la plus haute éloquence ; — et tantôt de la pire banalité ; — toujours facile d’ailleurs, harmonieux, abondant et prolixe. […] Hornung, Les Idées politiques de Rousseau, 1878 ; et André Lichtenberger, Le Socialisme au xviiie  siècle, 1895] ; — et que pour le bien entendre, il faut se souvenir que Rousseau est un plébéien ; — un protestant, — à qui l’idée de la souveraineté populaire est innée ; — et enfin un Genevois. — Dans quelle mesure, en concevant son Contrat social, Rousseau s’est inspiré de la constitution de Genève ; — et comment, en se la représentant d’une manière idéale, — il se l’est représentée plus tyrannique encore qu’elle n’était. — Qu’il ne faisait pas bon vivre à Genève au dix-huitième siècle. — Le calvinisme inconscient de Rousseau [Cf. 

2193. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Comme je parlais ainsi avec un peu d’humeur, contrarié d’avoir travaillé quatre jours pour rien, et d’avoir été dupe de tant de raisonnements qui en les écrivant me semblaient si beaux : « Je vois bien que vous ne réussirez jamais à rien, reprit l’avocat ; vous vivriez dix ans à Paris, que vous n’arriveriez pas même à être de la société pour la morale chrétienne ou de l’académie de géographie ! […] Examinons Hector, Tibère, Clytemnestre, Sylla, l’École des Vieillards, les Deux Gendres, et quelques pièces de Picard et de Duval ; examinons les divers autres genres, depuis les romans de madame Cottin jusqu’aux chansons de Béranger ; et nous reconnaîtrons que tout ce qu’il y a de bon, de beau et d’applaudi dans tous ces ouvrages, tant pour le style que pour l’ordonnance, est conforme aux préceptes et aux exemples des bons écrivains du vieux temps, lesquels n’ont vécu, lesquels ne sont devenus classiques que parce que, tout en cherchant des sujets nouveaux, ils n’ont jamais cessé de reconnaître l’autorité de l’École. […] Faut-il donc troubler le repos de ces vieux rhéteurs qui vivent encore sur l’esprit de Geoffroy ? […] Quel bonheur de vivre à Philadelphie, me dis-je au premier moment !

2194. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Il lui promettait quand il serait levé, ajoutant : « Mais en attendant que ça réussisse, il faut vivre, n’est-ce pas, Monsieur ? […] » Jeudi 25 juin Quelqu’un de bien renseigné, me parlant des fonds secrets, m’apprenait qu’il n’y avait pas seulement le mandat jaune qui exigeait une signature, et où la signature certifiait la somme donnée, mais qu’il y avait l’argent d’un certain tiroir du ministère, donné de la main à la main, et qu’il croyait être l’argent avec lequel vivaient deux ou trois hommes politiques : argent dont le ministre ne spécifie la destination que sur une feuille de papier, qu’il met sous les yeux du Président de la République, lorsqu’il quitte le ministère. […] C’est vraiment trop d’humanités dans la vie de l’humanité, et un jour elle retournera à la vie sauvage, à la vie agricole et chasseresse, à la vie des temps, où l’homme vivait réellement les années qu’il passait sur cette planète. […] Il m’avoue, qu’ils sont en train de vivre en plein populaire, proclamant que ces gens, sont très supérieurs dans le dévouement et le sacrifice, aux gens éclairés, peut-être par une espèce d’inscience.

2195. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

L’orgueil de la vie enivre aisément les vivants, surtout s’ils se comparent à ceux qui ne sont plus : c’est déjà une telle supériorité que celle de vivre !

2196. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Les Grecs n’en sont pas moins admirables dans cette carrière, comme dans toutes les autres, quand on compare leurs succès à l’époque du monde dans laquelle ils ont vécu.

2197. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

comment imposer silence aux sentiments qui vivent en nous, et ne perdre cependant aucune des idées que ces sentiments nous ont fait découvrir ?

2198. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

L’homme ne peut vivre sans manger ; ce qui n’empêche pas que, s’il n’y a pas une raison spéciale qui vienne du sujet, on ne fait pas dîner devant nous les héros du roman, ni les personnages de l’histoire.

2199. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il a l’imagination livresque de l’honnête homme qui a fait ses classes et vécu à la ville.

2200. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment.

2201. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Jean Richepin a vécu son œuvre et, en maints endroits, elle vous prend assez aux entrailles pour qu’on ne puisse mettre en doute le noble sentiment artistique qui l’a inspirée.

2202. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

On nous conte ses petits malheurs, et une tristesse en sort d’autant plus vive que Poil de Carotte est plus philosophe, d’une résignation précoce qui désole : « Tout le monde ne peut pas être orphelin. » Le mal n’est pas d’avoir les oreilles tirées ; c’est, tout jeune, de n’apprendre pas l’art d’espérer qui est tout l’art de vivre.

2203. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Mais nous vivons, Mesdames et Messieurs, en un temps où règne ce que M. 

2204. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

L’atrocité particulière du supplice de la croix était qu’on pouvait vivre trois et quatre jours dans cet horrible état sur l’escabeau de douleur 1188.

2205. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Il continua de vivre à Bruxelles dans le désespoir.

2206. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Il n’y a rien d’absurde à ce qu’une religion déjà existante, ayant une tradition historique, associée aux habitudes et aux mœurs d’une société, continue à vivre en se dépouillant successivement de toute superstition.

2207. (1799) Dialogue entre la Poésie et la Philosophie [posth.]

Un de ces rimeurs fastidieux, qu’on appelait la Bouquetière, à cause de la ressource que Flore lui fournissait souvent pour ses poésies, avait fait dire de lui, que si on avait coupé les ailes à Zéphyre et à l’Amour, on lui aurait coupé les vivres .

2208. (1757) Réflexions sur le goût

Les beautés de cette espèce ne sont que du second ordre, car ce qui est grand est préférable à ce qui n’est que fin ; elles sont néanmoins celles qui demandent le plus de sagacité pour être produites, et de délicatesse pour être senties ; aussi sont-elles plus fréquentes parmi les nations chez lesquelles les agréments de la société ont perfectionné l’art de vivre et de jouir.

2209. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Il n’essaya pas de transfuser dans ses propres veines le sang d’un homme qui était mort, et qui, du reste, n’avait jamais beaucoup vécu.

2210. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Le Moyen Age a vécu des conceptions de ce grand esprit qui garda toute son autorité après sa mort.

2211. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

X C’est criminel, en effet, gratuitement criminel, car il est toujours aisé de se tenir tranquille et de se taire, — de laisser passer, sans y répondre, une thèse vraie dans sa ferme généralité ; il est toujours aisé de vivre dans un sort honnête et obscur, ou même éclatant, si on a vraiment du mérite et si on est taillé pour la gloire, sans que l’impudence d’une révélation sinistre vienne tout à coup répandre une vile lumière autour de soi.

2212. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

comme nous avons tous vécu plus ou moins intimement depuis notre enfance avec les grands hommes de ce temps, le mieux connu de tous parce qu’il est le plus glorieux de nos Annales ; comme jamais époque ne produisit plus de ces Mémoires personnels qui sont les fruits des civilisations avancées, nous avons peine à reconnaître, malgré la fidélité des portraits, dans cette clarté sagement distribuée de l’histoire, les hommes que nous avons contemplés sous une lumière ardente et rapprochée, à travers cette lentille de cristal brûlant des Mémoires.

2213. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Idée vulgaire et fausse que Thierry a traînée toute sa vie à la queue de son beau talent, et qu’il en aurait détachée pour la fouler à ses pieds s’il avait vécu davantage.

2214. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

… Lui, le duc de Luynes, je le veux bien, il pouvait croire, toujours en sa qualité de grand seigneur, qui veut que ses enfants vivent comme lui, faire acte de vertu prévoyante en leur apprenant les détails inouïs qu’il leur rapporte : mais c’était là une affaire de famille, et d’entre soi, qui devait mourir et s’engloutir avec la famille.

2215. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Lamartine, plus grand poète que Chénier et plus coupable, car il avait vécu davantage et il s’était frotté aux expériences de la vie, qui n’apprennent donc rien à personne !

2216. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Venu par la fantaisie, il s’en retournera par la fantaisie, rien ne pouvant vivre en dehors des lois arrêtées et inflexibles du beau, et l’art, après tout, n’étant pas si grand.

2217. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée.

2218. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

que dirait-il, le grand poète, s’il vivait à cette heure du siècle et s’il apprenait tout à coup qu’en France, ce pays de convenance et de goût, il est livré dans une de ses plus belles œuvres aux faiseurs de flonflons, et, comme il les appelait : aux violonneurs !

2219. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

En dehors du saint-simonisme et de la doctrine de Fourier, qui furent moins des philosophies que des essais d’institutions sociales, nous vivons à peu près sur le fonds d’idées qui s’est produit de 1811 à 1828.

2220. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

L’ennui des loisirs que lui a faits le gouvernement de l’Action, substitué aux vaines parades de la parole, lui a-t-il fait comprendre qu’il faut revenir au livre, si l’on veut vivre plus de deux jours dans la mémoire des hommes, puisqu’enfin l’y voilà revenu ?

2221. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

c’est le dernier fait sous lequel s’enterrera le Matérialisme et cette philosophie de la Sensation, qui a longtemps régné et qui se raccroche en ce moment au Panthéisme, pour ne pas tout à fait périr et pour retrouver plus tard le moyen de vivre.

2222. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

C’est de l’histoire, et de l’histoire sacrée ; car c’est la vie d’un saint, — d’un saint qui vivait hier encore, — écrite par un homme qui l’a assisté en ses travaux apostoliques, et racontée avec un détail infini.

2223. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

L’éclectisme, cette combinaison qui vivra dans l’histoire des vacuités humaines, l’éclectisme n’est pas un enfant vrai.

2224. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Après s’être condamnées à tant d’épreuves et de souffrances mutuelles, ces deux Églises ont appris, par leur propre expérience, qu’elles ne peuvent se détruire l’une l’autre, et qu’il est dans leur destinée de vivre ensemble sur la face du globe… » Ainsi, selon Guizot, le Christianisme est une chose, et le catholicisme et le protestantisme deux autres choses, sorties de celle-là ; il y a égalité de deux Églises.

2225. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Elle le laissera vivre, cet agneau… Mais, dans l’intérêt de sa poésie future, elle lui signalera les défauts de sa poésie actuelle, qui sont grands, — aussi grands que ses qualités.

2226. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Il s’en va avec la beauté et la jeunesse, laissant aux femmes qui ont vécu par lui les yeux pleins de ces larmes qui tacheraient l’honneur de la vieillesse, si on osait les essuyer avec des cheveux blancs !

2227. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Comme jamais poète ne vécut plus que lui dans son rêve, au milieu du monde il était distrait et on se le montrait en souriant… Mais quand il tombait de son rêve, — et il avait plus l’habitude d’en tomber que d’en descendre, — il portait dans toutes les relations de la vie le charme de son génie bonhomme.

2228. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Mais il continua de vivre, et il eut raison de cette fois encore ; car s’il resta le même par le génie, il se diversifia par les œuvres, et il écrivit le Pianto, c’est-à-dire les plus beaux vers qui aient été faits sur l’Italie depuis Byron, les plus tristes depuis le Dante !

2229. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

En général, les poètes, et même les plus grands, restent asservis à l’inspiration qui fit leur gloire et continuent de vivre soumis au despotisme d’une manière, pratiquée longtemps.

2230. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Plus poète, plus vraiment poète quand il est involontairement le catholique du passé que quand il est l’athée de l’heure présente ; plus poète quand il remonte par la pensée dans ce monde qui a dormi (dit-il) que quand il est dans ce monde qui s’éveille, Laurent Pichat, au lieu d’appeler son livre : Les Réveils, aurait mieux fait de l’appeler : Les Regrets ; car ce qui vibre le plus dans ce livre et ce qui y prend irrésistiblement le cœur, c’est la vie vécue, c’est la puissance des souvenirs et leur mélancolie amère.

2231. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

elle a vécu, et un sage, mais un sage de l’école stoïque qui lui propose de l’épouser pour la délivrer du joug honteux dont elle est brisée, elle refuse le sage, agréé d’abord, parce qu’il lui passe sur le front, à cet honnête homme, le nuage, bientôt chassé, d’une jalousie silencieuse, et elle retombe sous l’empire dégradant du forcené qui est bien pis que jaloux, lui, car il est infidèle… Dans la conception de son sage infortuné d’Elle et Lui, madame Sand, comme dans sa conception de Laurent, se pille elle-même.

2232. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un romancier d’un talent, d’une fécondité et même d’une moralité relatives ; mais, en France, il est plus utile, au point de vue des facilités et des aises de la gloire (quand la gloire ne doit être que ce viager charmant qui s’éteint avec nous, mais sur lequel on a vécu), de posséder des facultés mitoyennes que des facultés d’extrémité et d’intensité qui dérangent le train des cerveaux et font battre trop vivement les cœurs.

2233. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

elle a vécu, et un sage, mais un sage de l’école stoïque, qui lui propose de l’épouser pour la délivrer du joug honteux dont elle est brisée, elle refuse le sage, agréé d’abord, parce qu’il lui passe sur le front, à cet honnête homme, le nuage, bientôt chassé, d’une jalousie silencieuse, et elle retombe sous l’empire dégradant du forcené qui est bien pis que jaloux, lui, car il est infidèle… Dans la conception de son sage infortuné d’Elle et Lui, Mme Sand, comme dans sa conception de Laurent, se pille elle-même.

2234. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Par exemple, quand il introduit le jeune Paul dans sa maison et qu’il le fait vivre avec Rosette, il n’est pas seulement un être stupide, mais il devient un être impossible.

2235. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir.

2236. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Ames mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbéciles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.

2237. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

; puis la chute morale de la danseuse, qui s’en va vivre en concubinage avec Saint-Bertrand.

2238. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Ils vivaient, ils sentaient, ils respiraient à quinze siècles d’eux.

2239. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Mais l’homme a plus de monotonie et déréglé, surtout l’homme policé par les lois, et civilisé par l’art de vivre en société.

2240. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Tout le monde sait qu’un certain nombre des théâtres de Paris ne vivent que par la mise en scène. […] On peut donc dire qu’une pièce dont l’action se déroule dans un milieu très éloigné de celui où nous vivons, présente les mêmes difficultés de représentation qu’une pièce dont l’action a été placée à une époque de beaucoup antérieure à la nôtre. […] Tout ce qu’il y a de spécial et de circonstanciel dans les milieux différents de celui où nous vivons nous échappe à peu près complètement. […] L’éducation, l’instruction, le commerce avec nos semblables nous inculquent certaines façons de penser, de dire, d’agir, qui varient suivant le milieu où nous avons vécu. […] Le vaudeville a vécu ; et il ne ressuscitera pas plus que le génie dramatique de Scribe.

2241. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Nous vivons encore aujourd’hui de sa séve, et nous ne faisons que continuer sa poussée et son effort. […] Ceux-ci plus rudement élevés, plus habitués aux intempéries, plus endurcis par les exercices du corps, plus roidis contre le danger, durent et vivent ; y a-t-il un homme aujourd’hui qui pourrait supporter la tempête de passions et de visions qui a traversé Shakspeare, et finir comme lui en bourgeois sensé et renté dans son petit pays ? […] La belle Argentile317 est retenue à la cour de son oncle qui veut la priver de son royaume, et après deux ans lui ordonne d’épouser Curan, un rustre de sa maison ; elle s’enfuit, et Curan, désespéré, s’en va vivre chez les pâtres. […] Déjà pourtant la magnifique imagination y déborde ; dieux, hommes, paysages, le monde qu’il fait mouvoir est à mille lieues du monde où nous vivons. […] Le nombre des morts excède de beaucoup tout ce qui vit ; ce que le monde a vécu dépasse beaucoup ce qui lui reste à vivre, et chaque heure ajoute à ce nombre grandissant qui ne sait s’arrêter une seule minute… D’ailleurs l’oubli enlève au souvenir une large part de nous-mêmes, même lorsque nous sommes vivants encore.

2242. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

On peut lui appliquer cette pensée de Montesquieu : « Quand j’ai vécu dans le monde, j’ai cru que je ne pouvais supporter la solitude ; quand j’ai vécu dans la retraite, je n’ai plus pensé au monde. » Or dans le moment actuel, l’âme humaine est occupée en dehors de soi ; elle se cherche partout où elle n’est pas, dans le monde extérieur, dans l’animalité, dans son propre corps. […] Qui ne reconnaîtrait là une de ces qualités occultes dont vivait la scolastique, et que la science moderne tend partout à éliminer ? […] Ayant vécu pendant longtemps dans le sein de l’école spiritualiste, il a conservé quelques-uns de ses principes les plus essentiels. […] Dans la véritable idée de la génération spontanée, la vie devrait naître d’une simple rencontre d’éléments minéraux ; mais si la vie vient de la mort, c’est-à-dire de tissus organiques ayant déjà vécu (ce qui est l’hétérogénie), un tel fait, fût-il démontré, prouverait contre l’individualité des espèces animales dans les bas degrés de l’échelle, mais non pas contre l’hypothèse d’une force vitale, car on n’aurait pas encore atteint le phénomène primitif de la vie.

2243. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Logé à la cour sans y vivre et placé là comme en observation, on le voit rire amèrement et quelquefois s’indigner d’un spectacle qui se passe sous ses yeux. […] L’année même où parut cette relation de voyage, il prenait la part la plus active à la rédaction d’un recueil qui ne vécut que peu, mais qui était un heureux signal, les Tablettes universelles. […] A chaque mouvement, il faut songer à la veille, au lendemain, à ses flancs, à ses derrières ; mouvoir tout avec soi. munitions, vivres, hôpitaux ; calculer à la fois sur l’atmosphère et sur le moral des hommes ; et tous ces éléments si divers, si mobiles, qui changent, se compliquent sans cesse, les combiner au milieu du froid, du chaud, de la faim et des boulets.

2244. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Gabriel Naudé Il me semble difficile, lorsqu’on est arrivé en quelque endroit nouveau, en quelque coin du monde, pour s’y établir et y vivre quelque temps, de ne pas s’enquérir tout d’abord de l’histoire du lieu (et, si obscur, si isolé qu’il soit, c’est bien rare qu’il n’en ait point)  : quels hommes y ont passé, s’y sont assis à leur tour ; quels l’ont fondé, donjon ou clocher, maison d’étude ou de prière ; quels y ont gravé leur nom sur le mur, ou seulement y ont laissé un vague écho dans les bois. […] Quant au fond même des idées, la révolution fut plus lente à se produire ; on continua de vivre sur le xvie  siècle et sur ses résultats, jusqu’à ce que Descartes vint décréter à son tour l’oubli du passé, l’abolition de cette science gênante, et recommencer à de nouveaux frais avec la simplicité de son coup d’œil et l’éclair de son génie. […] C’est peut-être parce que Richelieu a fait tomber la tête du duc de Montmorency, qu’il a été plus loisible à tel bon bourgeois de vivre honnête homme en sa rue Saint-Denis.

2245. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Mais la tragédie moderne est encombrée de personnages, et les incidents s’y multiplient au gré de l’imagination du poète, parce qu’ici toute chose est bonne, propos hors du sujet, situations extraordinaires, interruptions de l’action dramatique, embarras compliqués de l’intrigue, toute chose est bonne qui peut servir à ce premier dessein du poète moderne : faire vivre des êtres individuels et réels, peindre des caractères 201. […] Le temps où vivent Gœtz et Franz de Sickingen est cet âge héroïque du monde chrétien qui s’appelle la féodalité. […] Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude, Un prince dont les jeux se font jour dans les cœurs, Et que ne peut tromper tout l’art des imposteurs.

2246. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Voyez, en effet, avec quelle animosité, indigne d’un si beau génie, M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires, traîne complaisamment sur la claie le nom de M. de Talleyrand, souillé et marqué par de petites furies qui ne vivent que l’espace d’une petite colère ! […] Évêque d’Autun, débris de ville romaine caché dans les forêts de la Bourgogne, le jeune prélat dédaignait son siège épiscopal, répugnait à l’autel, et vivait à Paris au sein de la dissipation et des plaisirs, dans lesquels la plupart des ecclésiastiques de son âge et de son rang consumaient les immenses dotations de leurs églises. […] C’étaient les ministres de la religion, avec lesquels sa dernière signature l’avait réconcilié quelques jours auparavant, et qui venaient constater tardivement sa résipiscence ; les ambassadeurs de toutes les cours, avec lesquelles il avait négocié depuis Louis XVI, le Directoire, la République, l’Empire, les deux Restaurations, la monarchie légitime et illégitime, qui lui devaient les mêmes honneurs ; les anciens sénateurs, les nouveaux pairs de France, les membres de l’Institut, fiers d’avoir compté dans leurs rangs l’art de négocier comme le premier des arts de la paix ; les employés du ministère des affaires étrangères sous tous les régimes, qui tous avaient eu à se louer de sa bonté et à profiter de ses leçons ; enfin quelques vieux survivants de son cabinet intime, rouages inconnus de la grande machine européenne, rédacteurs consommés de ses hautes pensées, qui l’avaient d’autant plus admiré qu’ils avaient, pour ainsi dire, plus vécu à son ombre ou dans sa sphère.

2247. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Est-ce que je sers un de ces hommes qui ne vivent que pour leurs plaisirs en les faisant payer à un peuple ? […] C’est ensuite un couple d’amants qui dans leur longue liaison ont vécu avec tant de retenue que, se trouvant forcés de rester une nuit entière l’un près de l’autre, dans une chambre, ils la passent en entretiens sans aller plus loin. […] — Aucunement, les Chinois en ont de pareils par milliers et ils en avaient déjà quand nos aïeux vivaient encore dans les bois.

2248. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Je vous ai aussi ordonné, dans mon testament, de vivre ensemble dans la même maison, en frères et en amis, seul moyen de prospérer. » Qui ignore l’immortel récit des aventures de ces trois frères ; comment devenus amoureux de la duchesse d’Argent9, de madame de Grands-Titres et de la comtesse d’Orgueil, ils se virent obligés de suivre les modes et se trouvèrent déchirés entre les humiliations du monde et l’immuable testament de leur père. […] Swift l’encourageait dans ses lettres à vivre au jour le jour, et à ne rien désirer au-delà du présent. […] Si l’homme ne vivait que pour lui-même, et s’il fallait juger toutes ses actions par le profit qu’il en tire, le passage de Swift en ce monde ne serait qu’une rigueur inutile de la destinée, et ce serait à bon droit qu’il demandait compte au ciel de cette existence, qui avait commencé dans les dégoûts, langui dans les déceptions, et qui devait finir dans les tortures.

2249. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Nous ne croyons pas que l’existence simultanée de processus intenses et de processus faibles pût donner à Adam l’illusion d’avoir déjà vécu. […] Bergson compare le sentiment de la durée pure : se laisser vivre sans rien penser, sans rien distinguer, sans discerner le plaisir de tout à l’heure d’avec la peine présente, c’est être dans la « durée pure » ; disons plutôt : c’est perdre tout sentiment de la durée, toute mémoire du passé comme distinct du présent, toute anticipation de l’avenir ; cette sorte de vie, en apparence mystique et « libre », ne serait qu’un complet abêtissement ou, plus encore, un retour à la vie purement végétative. […] Les choses, qui n’ont point cette idée, ne vivent point dans le temps, mais seulement dans l’espace, où elles sont situées et en relation réciproque.

2250. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

. — Pourquoi des opinions si diverses sur le temps où il vécut ? c’est qu’il vécut en effet pendant les cinq siècles qui suivirent la guerre de Troie, dans la bouche et dans la mémoire des hommes. — Jeune, il composa l’Iliade… La Grèce, jeune alors, toute ardente de passions sublimes, violentes, mais généreuses, fit son héros d’Achille, le héros de la force. […] Et grâce à vos louanges, ô noble poète, déjà fameux, déjà antique de son vivant, il vivra aux âges futurs, l’infortuné Vico ! 

2251. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

C’est ainsi seulement qu’ils ont chance de vivre pour ceux qui ne les ont pas connus et qui ne peuvent se les représenter que si l’on donne au portrait toute sa précision. […] Les services qu’il a rendus sont de deux sortes et de deux ordres : la plupart se sont passés, se sont usés aussi, il faut le dire, au sein même de la génération dont il faisait partie, et ne sont pas sortis du temps et des circonstances où il a vécu.

2252. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Les légitimistes disaient : « Il est mort en bon gentilhomme. » Une dame de la vieille cour eut le meilleur mot : « Enfin il est mort en homme qui sait vivre. » Un plus osé, M. de Blancm…, disait : « Après avoir roué tout le monde, il a voulu finir par rouer le bon Dieu54. » Ce qui est hors de doute, c’est qu’en mourant il avait, ne fût-ce que par complaisance, désavoué la Révolution. […] Thomas Raikes, honnête gentleman, fils d’un riche marchand de la Cité, et qui se trouvait très flatté de vivre dans ce grand monde anglais et français sur le pied de comparse ou figurant, a noté, comme l’aurait fait un Dangeau, avec une minutieuse attention qui tenait autant de la badauderie que de l’exactitude, tout ce qui peut se rapporter à M. de Talleyrand, à Montrond et à leurs entours.

2253. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Par l’ordre de sa date, par le rang éminent où il s’est placé d’abord, par la vive influence qu’il a longuement exercée, par le progrès et l’accroissement où il n’a pas cessé de se tenir, en même temps qu’il reste pour nous du très-petit nombre des maîtres illustres, il est de ceux dont l’autorité continue de vivre, et qu’on est certain, en avançant, de toujours et de plus en plus retrouver. […] On est heureux, dit-il, de le connaître, de vivre de son temps.

2254. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Son grand-père, qui vécut tard, et dont la jeunesse s’était passée en quelque charge de l’ancien régime, avait conservé beaucoup de solennité, une grandeur polie et presque seigneuriale dans les manières. […] il s’y fondera à côté de la science une gloire plus durable ; Pétrarque doit la sienne à ses vers vulgaires, qui seuls ont vécu.

2255. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Ce sont les nobles de cour, qui vivent à portée des grâces, exercés dès l’enfance à demander, obtenir et demander encore, uniquement attentifs aux faveurs et aux froideurs royales, pour qui l’Œil-de-bœuf compose l’univers, « indifférents aux affaires de l’État comme à leurs propres affaires, laissant gouverner les unes par les intendants de province, comme ils laissent gouverner les autres par leurs propres intendants ». […] À Plessis-Hébert, « le desservant déportuaire, n’ayant pas de quoi vivre, est forcé d’aller chercher ses repas chez les curés voisins ».

2256. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

L’air, la terre, les eaux, les plantes, les êtres animés ne forment qu’un concert dont la note universelle est la joie de vivre. […] Mon oncle vivait en simple gentilhomme de campagne, dans l’obscurité et dans la liberté de son désert.

2257. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

« Qui desire vivre en la mémoire de la postérité, dit-il, doit comme mort en soy-mesme suer et trembler maintes fois ; et, autant que nos poëtes courtisans boivent mangent et dorment à leur aise endurer de faim, de soif et de longues vigiles. » Du Bellay ne veut ni paresseux ni esprits médiocres dans son Parnasse. […] L’immortalité, pour le chef de la Pléiade, ce n’est pas l’espoir timide et obscur de la récompense après le labeur, ni un transport extraordinaire, un jour, que la muse a été plus souriante107 ; c’est une assurance habituelle et comme une foi sans vivacité, parce qu’elle est sans défaillances : Les vers qu’il m’a plu de dire Sur les langues de ma lyre Vivront, et, superieurs Du temps on les verra lire Des hommes postérieurs ; Sus donc Renommée, charge Dessus ton espaule large108.

2258. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Les hommes qui ont vécu il y a deux cents ans seulement seraient stupéfaits, s’ils pouvaient revenir au monde, de voir dépassés quelques-uns de leurs rêves les plus audacieux. […] On peut en relever cependant quelques traces dans l’effort qui s’y est dépensé pour détruire certaines conventions et serrer de plus près la vérité, dans le souci de donner une exactitude rigoureuse au costume, au décor, à la mise en scène, de rétablir ainsi quelques-uns des fils mystérieux qui rattachent les acteurs d’un drame au milieu où ils vivent.

2259. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

. — Je m’en allais mourir, madame, dit Tristan ; sans votre amour je ne puis vivre. […] Iseult court où elle voit le corps ; elle se tourne vers l’orient, elle prie pour lui, en sanglotant : — Ami Tristan, quand je vous vois mort, je ne puis vivre plus longtemps : vous êtes mort d’amour pour moi ; je meurs aussi d’amour, ami, quand je n’ai pu venir à temps.

2260. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Mais il faut être Russe, il faut avoir vécu dans nos provinces du Midi et du Centre pour bien sentir la richesse inappréciable de ce trésor populaire3. […] Plutôt que de traduire, comme Beethoven, leurs propres sentiments ou ceux de personnages indéterminés, ils ont voulu contribuer, par la musique, à faire vivre des personnages définis, dans un cadre réel.

2261. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Mais voici que s’approchait à la Musique un homme si extraordinaire que ses origines intellectuelles demeureront à jamais mystérieuses : un extravagant prodige anéantissantes lois où nous nous complaisions sur l’hérédité, l’adaptation aux milieux : un compositeur dont l’influence pour la musique ultérieure fut partielle, funeste, mais qui rendit un peu superflues toutes musiques ultérieures ; un être qui, seul dans l’Art, a connu tout le domaine de l’Art ; un musicien dans l’âme duquel ont vécu, précises et réelles, toutes les émotions humaines, toutes absolument ; un Dieu donc, puisqu’il fut de tous les hommes le plus surnaturel : le claveciniste flamand Ludwig van Beethoven. […] Richard Wagner est le maître de ces conclusions toutes puissantes, qui vivent de leur seule beauté, qui résument supérieurement l’intensité d’une œuvre et qui sont poignantes par cela simplement qu’elles emportent l’esprit des auditeurs aux plus hautes sphères de l’idéal humain.

2262. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Coupons un polype ou un ver en plusieurs morceaux, chaque morceau continuera à vivre et à se développer ; et cependant nous ne pouvons supposer qu’en pareil cas nous avons coupé le principe vital eu plusieurs principes. […] Ainsi, nous voyons dans nos serres, les insectes chercher leur nourriture et leur nid dans des plantes tropicales qui ne peuvent vivre en plein air dans les pays où ces insectes sont nés.

2263. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Mme Jacques Fréhel, inégale encore à l’effort de composer un livre harmonieux et encore impuissante à faire vivre les personnages qui lui répugnent, est admirable dans la peinture de quelques êtres nobles, qu’elle fait passer malheureusement sur les marges de l’intrigue. […] Ils vivent par l’intensité de la couleur, par la violence des ombres et l’éclat soudain des lumières, par la brusquerie rapide du mouvement qui les précipite en un vertige, chassés qu’ils sont par toute une armée d’autres tableaux aussi vibrants et passionnés.

2264. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Cantenac est tué, mais le pauvre baron est blessé à mort ; son médecin intime ne lui donne pas vingt-quatre heures à vivre. […] Égorgée à Paris, Desdémona ou Hédelmone ressuscitait à Bordeaux ; on l’enterrait à Lyon ; elle vivait longtemps et avait beaucoup d’enfants à Marseille.

2265. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Et il continuait à vivre comme s’il ne se savait pas condamné à jour fixe, donnant toujours ses consultations, recevant le soir, à des soirées où l’on faisait de la musique, — serein et impénétrable. […] Puis l’on se demande, dans mon coin de table : Est-ce qu’il y aurait des animaux, créés pour toujours vivre, et qui, sans la mort accidentelle, seraient éternels ; et en des endroits cachés, en des fonds de mer, n’existerait-il pas des animaux, aussi vieux que le monde ?

2266. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Par ce féminin, le peuple achève de faire vivre le mot laideron. […] C’est un barbarisme, disait Nodier en 1828 ; mais les mots qui veulent vivre sont tenaces.

2267. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

que Madeleine aurait donc de plaisir à le revoir, si elle vivait !  […] Je travaille tout l’hiver au coin du feu en jasant avec les enfants ou avec les chèvres et les poules qui vivent avec nous, et je me repose tout l’été.

2268. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

……………………………………… Ton malheureux amant aura bien moins de peine A mourir par ta main, qu’à vivre avec ta haine. […] Dis-lui…Qu’en sa faveur vous laissez vivre Auguste.

2269. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

De cette imagination si vraie naît le plus fort conseil : comment pourrions-nous mieux vivre que dans un accord étroit avec ceux dont nous sommes le prolongement ? […] Ses modèles sont nouveaux, mais son ardeur renouvelle celle des innombrables jeunes Français qui voulurent avant lui ne vivre que pour le danger et la gloire. « Tout ce qui est fade nous écœure, tout ce qui est âpre nous attire », déclare-t-il.

2270. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

On ne peut nier non plus l’instinct de sociabilité des animaux quand on les voit, non-seulement se réunir et s’associer accidentellement pour la chasse et la guerre, comme les loups, mais encore vivre en communauté, former des sortes de républiques, comme les abeilles, les fourmis et les castors. […] Or aucune espèce d’observation ne découvre dans la vie des animaux, même des animaux qui vivent en société, rien qui ressemble à ce qu’on nomme, dans toute langue humaine, morale et religion.

2271. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Nous vivons dans le climat et dans le siècle de la philosophie et de la raison ; les lumières de toutes les sciences semblent se réunir à la fois pour éclairer nos yeux et nous guider dans cet obscur labyrinthe de la vie humaine ; les plus beaux génies de tous les âges réunissent leurs leçons pour nous instruire ; d’immenses bibliothèques sont ouvertes au public ; des multitudes de collèges et d’universités nous offrent dès l’enfance l’expérience et la méditation de quatre mille ans ; l’immortalité, la gloire, la richesse et souvent les honneurs sont le prix des plus dignes dans l’art d’instruire et d’éclairer les hommes : tout concourt à perfectionner notre entendement et à prodiguer à chacun de nous tout ce qui peut former et cultiver la raison : en sommes-nous devenus meilleurs ou plus sages ?

2272. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Mais il fallait bien faire payer à l’auteur son premier succès, qui avait été d’entraînement et de surprise : au reste, je ne l’en plains pas ; il est de force à soutenir la lutte, il en a besoin peut-être, et il n’est pas de ces jolis talents qui ne vivent qu’à condition d’être dorlotés.

2273. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

J’eus toutefois la satisfaction de voir que ceux qui avaient le plus anciennement, le plus habituellement vécu dans le même monde et les mêmes sociétés que M. de Chateaubriand, et qui en jugeaient sans prévention, reconnaissaient la vérité de la plupart de mes remarques, et y retrouvaient leurs propres souvenirs dans leur mélange, « de très bons souvenirs, et parfois d’assez mauvais. » C’est ce que m’écrivait l’illustre chancelier M. 

2274. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Serions-nous devenus des rhétoriciensou des byzantins pour disputer ainsi à perte de vue sur ce qui n’est beau et ce qui ne mérite de vivre que par le sentiment qui en est l’âme ?

2275. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

« Quand on a su vivre quinze ans avec Lucrèce sans se pénétrer de son esprit, il serait miraculeux qu’on eût réussi à rendre les innombrables beautés par lesquelles cet esprit se manifeste et transpire à chaque page, et presque à chaque vers.

2276. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

— Mais nos grands hommes d’État régnants vivent en esprits forts ; ils tiennent et dévorent le présent : à d’autres, à d’autres qu’eux les augures et l’avenir !

2277. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Il scruta beaucoup, il conversa, il controversa, il vécut.

2278. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Le danger est plutôt pour ces timides et mélancoliques talents, comme il s’en trouve, qui se défient d’eux-mêmes, qui s’ouvrent amoureusement aux influences, qui s’imprègnent des odeurs qu’on leur infuse, et vivent de confiance crédule, d’illusions et de caresses.

2279. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Ce n’est pas seulement à la physionomie de son style qu’on s’en aperçoit : le choix peu scrupuleux de ses sujets, et, encore plus, le déréglement absolu de sa vie, se ressentaient des habitudes de la bonne Régence ; le favori de Fouquet avait longtemps vécu au milieu des scandales de Saint-Mandé ; il les avait célébrés, partagés, et était resté fidèle aux mœurs autant qu’à la mémoire d’Oronte.

2280. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

., cinq cents  seulement… de ceux qui cueillaient sous Condé des  lauriers stériles ou vivaient de la pitié des nations  étrangères, réunis alors (après le 10 août et avant le  21 janvier) dans Paris, auraient été probablement  soutenus par les habitants de cette ville, et, en attaquant franchement les fédérés, auraient peut-être, par un coup de main hardi, réussi à leur arracher leur victime. » Et ailleurs, « La facilité avec laquelle les jacobins furent dispersés par les sections (au 1er prairial) fit voir combien, à d’autres époques, avec de l’accord et de la résolution, il eût été aisé de triompher du crime.

2281. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Il vivait en patriarche, s’occupant de ses filatures, recevant des échantillons de John Adams, avec lequel il s’était cordialement réconcilié, lui écrivant en retour ses réflexions de sage sur l’Hymne de Cléanthe, sur les vers gnomiques de Théognis, sur le véritable christianisme primitif, qu’il séparait radicalement de ce qu’il appelait le christianisme platonisé.

2282. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Une nuit, il manque à son devoir de Cosaque, et s’introduit dans la place assiégée avec des vivres.

2283. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Dans cette improvisation historique nouvelle, l’auteur a fait preuve, une fois de plus, de ce talent de peindre en courant, de deviner au risque d’imaginer, de faire vivre des portraits, de dramatiser des scènes, et de verser l’émotion poétique, romanesque même, dans de graves récits.

2284. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

S’il vivait de nos jours, et qu’il osât suivre les règles nouvelles, il ferait cent fois mieux qu’Iphigénie.

2285. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

La littérature est, dans le plus noble sens du mot, une vulgarisation de la philosophie : c’est par elle que passent à travers nos sociétés tous les grands courants philosophiques, qui déterminent les progrès ou du moins les changements sociaux ; c’est elle qui entretient dans les âmes, autrement déprimées par la nécessité de vivre et submergées par les préoccupations matérielles, l’inquiétude des hautes questions qui dominent la vie et lui donnent sens ou fin.

2286. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Paris attirait les étrangers, qui ne venaient pas seulement en dévorer les beautés extérieures et les plaisirs publics : ils voulaient vivre de sa vie, être admis dans ces salons que toute l’Europe connaissait, et dont ils gardaient toute leur vie l’éblouissement.

2287. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Se retournant vers Vittoria, elle lui dit que si son honneur ne lui défendait pas de se commettre avec une actrice, elle lui apprendrait à vivre, et elle rentre chez elle.

2288. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Ainsi a pu s’accomplir l’opération la plus hardie qui ait été pratiquée dans l’histoire, opération que l’on peut comparer à ce que serait, en physiologie, la tentative de faire vivre en son identité première un corps à qui l’on aurait enlevé le cerveau et le cœur.

2289. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Par là, le christianisme réunit les deux conditions des grands succès en ce monde, un point de départ révolutionnaire et la possibilité de vivre.

2290. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Il ne vivait que de son Père et de la mission divine qu’il avait la conviction de remplir.

2291. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Il trouve raisonnable qu’elle le quitte pour aller vivre avec Jude.

2292. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

Les précurseurs et les novateurs se succèdent ; Chérilos, qui vécut assez pour concourir, presque centenaire, avec Sophocle déjà célèbre, écrit les chants tragiques pour la première fois.

2293. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Dans les animaux très inférieurs, comme les polypes, la méduse, l’étoile de mer, cette individualité des diverses parties est manifeste, puisque la partie séparée du tout peut encore vivre, reformer un animal entier.

2294. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Dans la connaissance qu’on prend d’un beau livre, d’un beau morceau de musique, il y a trois périodes ; la première, quand le livre est encore inconnu, qu’on le lit ou qu’on le déchiffre, qu’on le découvre en un mot : c’est la période d’enthousiasme ; la seconde, lorsqu’on l’a relu, redit à satiété : c’est la fatigue ; la troisième, quand on le connaît vraiment à fond et qu’il a résonné et vécu quelque temps en notre cœur : c’est l’amitié ; alors seulement on peut le juger bien.

2295. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Le devoir de tout est de vivre.

2296. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Sollicité continuellement de retourner à celle de Berlin, il se contente de répondre au monarque, pour lequel son cœur n’a point changé : Je ne puis vivre avec vous ni sans vous.

2297. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Rien n’est plus vraisemblable ; il vécut loin d’elle presque toute sa vie.

2298. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Platon et Pythagore vivent comme moralistes et législateurs, Leibnitz et Descartes comme métaphysiciens, peut-être encore plus que comme géomètres.

2299. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Il est le modèle des gens de lettres qui vivent dans le monde par son caractère de droiture & de franchise, par sa noble liberté avec les Grands, par sa douce familiarité avec les petits, par sa sensibilité pour ses amis, & par toutes les qualités du galant homme, de l’honnête homme.

2300. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

 » Si Mercier vivait encore, il me ferait un sensible plaisir de m’enseigner la manière de placer le boulevard Montmartre à côté de la Concorde.

2301. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Pas de doute, pourtant, que cette femme, aux relations immenses, et plus Européenne encore que Française, qui touchait aux plus hautes sociétés de son temps et dont l’esprit, tout le temps qu’elle vécut, ressembla à l’urne penchée et bouillonnante d’un fleuve, n’ait laissé derrière elle d’autres lettres que celles qui ont donné sa goutte de vie à ce maigre livre de Weymar et Coppet, mort-né, sans ces lettres !

2302. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

et qui est officier dans l’armée anglaise, on ne sait pourquoi, si ce n’est pour porter un joli uniforme, s’est donné la mission de vivre pour les autres.

2303. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Et comme elle ne se sentait pas d’invention dans sa tête de femme, plus faible que puissante, elle a songé naturellement à écrire ce qu’elle voyait dans le milieu militaire où elle vivait par le fait de son mariage, et naturellement encore, elle a écrit les Ménages militaires… Voilà, probablement son histoire, dans sa simplicité !

2304. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Le traducteur de Poe, le suggestif et perçant Baudelaire, qui vivait dans la préoccupation de la beauté des œuvres spirituelles comme Robinson en son île, mais sans vouloir jamais en sortir, Théophile Gautier, indifférent à tout excepté à la perfection de la forme, étaient aussi dans la condition nécessaire où il faut être pour écrire, sans distraction, sans adultérisation d’aucune sorte, l’histoire d’une littérature.

2305. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

C’est un homme d’épée et de bonne maison, élevé dans cette idée, dont Montesquieu a fait un dogme : c’est que la monarchie est fondée sur l’honneur, comme les républiques sur la vertu, — ce qui est moins sûr, car cette vertu-là n’a pas encore remplacé l’honneur monarchique, sur lequel des républicains, sans vertu, vivent toujours !

2306. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Il a été tué avec l’auteur, mort sous les murs de Metz pendant la dernière guerre, et c’est par son frère qu’ont été publiés ces fragments qui, si l’auteur avait vécu, auraient certainement fait un tout superbe.

2307. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Dans l’absorption religieuse où il a vécu, il ne s’est pas, comme eux, déchiré aux dures réalités de ce monde et il n’a pas, comme eux, l’âpre ressentiment qui donne à leur talent et à leurs œuvres cette saveur amère que recherche et qui tonifie la faiblesse de nos cœurs froissés… L’auteur de ces Plateaux de la balance est bien plus le moraliste de l’esprit que le moraliste du cœur.

2308. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Moins scrupuleuses, les Américaines ont accepté le type à titre universel, et c’est pour cela que j’en fais ici une propriété nationale de cet excentrique pays… » Et il ajoute, pour l’apaisement d’un scrupule : « Je ne veux pas dire que les Américaines répugnent au mariage et, occupant le côté officieux de la vie civile, se livrent par profession à l’exploitation de l’homme et changent en rapports de contrebande les relations légitimes des sexes… mais j’avoue que le divorce, sous le régime duquel elles vivent, peut, aux yeux de bien des gens, ressembler aux inconstances des Américaines de Paris… » Et, de fait, il a raison ; elles ont le divorce, les Américaines d’Amérique !

2309. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Si M. de Meaux avait vécu au xvie  siècle, il aurait été de ceux-là qu’on appelait « les politiques », dans ce temps.

2310. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Le Roi, ce Jupiter qui brûlait toutes les Sémélés du temps, qui ne demandaient qu’à être brûlées, ne tiédit même pas cette incombustible, qui, avant d’être maîtresse en titre, exigea avec une inflexibilité moqueusement féroce qu’on la fît duchesse de Châteauroux et qui le fut, et qui aurait été on ne sait plus quoi si elle avait vécu, tant son ambition — une ambition à profondeurs infinies ! 

2311. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Il y a des gentilshommes de lettres ; lui, il fut toujours un chouan de lettres, et littérairement, tant qu’il vécut et n’importe dans quelle histoire il s’engagea, il resta toujours chouan, toujours le Marche-à-Terre de Balzac ; — mais un Marche-à-Terre qui ne rampait que devant l’ennemi, pour se relever et le frapper mieux ; un Marche-à-Terre dont la peau de bique n’avait rien de sinistre et cachait l’intrépide gaieté d’un Gaulois !

2312. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Alexandre de Humboldt est, de consentement universel, au xixe  siècle, l’un des premiers hommes de ce siècle qui a encore quarante ans à vivre, et que dis-je ?

2313. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Madame Geoffrin fut de celles-là… Le don de séduction qui était en Poniatowski, ce séducteur d’impératrice, ne rencontra pas d’obstacle à sa toute-puissance dans la raison de cette femme dont le mâle esprit, inaccessible aux engouements de son époque, toisait, toute petite bourgeoise qu’elle fût, et le grand Frédéric, et Catherine-le-Grand, et Voltaire, avec une toise d’une telle précision que les plus forts de ce temps-ci (Joseph de Maistre, par exemple, sur le grand Prussien Frédéric de Prusse), n’ont eu besoin ni de la raccourcirai de l’allonger… Stanislas Poniatowski n’était pas, en effet, un séducteur des temps corrompus où il vivait et dont Madame Geoffrin aurait pu dire, comme de la politique de ces temps : « Ce sont les profondeurs de Satan ! 

2314. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Insupportable, nous l’avons dit déjà, par le sujet et la manière ; insupportable par la monotonie de son trait, qui est toujours le même ; insupportable par la vulgarité de son observation, qui ne s’élève jamais, quoiqu’il ait essayé, dans la seconde partie des Âmes mortes, de peindre des gens qui ne sont pas simplement des radoteurs ou des imbécilles ; insupportable enfin par sa description de la nature, qui nous reposerait du moins de cette indigne société de crétins nuancés dans laquelle il nous fait vivre, et qu’il nous peint toujours à l’aide du même procédé : la comparaison de l’objet naturel avec le premier engin de civilisation venu.

2315. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Il a laissé, presque dès son début, des traces trop vives et trop profondes dans l’opinion contemporaine, pour qu’on pût oublier de réunir les écrits dus à cette plume brillante que la mort a si tôt brisée, et qu’il eût brisée lui-même, s’il avait vécu davantage, tant elle satisfaisait peu son âme sainte !

2316. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Seulement, plus frappé que personne, en vertu de son tour d’esprit, de l’inutilité des charges à fond exécutées par les meilleures intelligences contre la Révolution dans les systèmes qu’elle a engendrés par la tête de ses plus illustres penseurs, et voyant, sur ces systèmes rompus, déshonorés, défaits, la Révolution vivre encore et continuer de ravager la pensée sociale, M. 

2317. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Auguste Comte était de son vivant un fort savant homme en mathématiques, mais en philosophie, c’était un indigent, excusable peut-être, — car chacun veut vivre, — quand il empruntait les idées qu’il n’avait pas.

2318. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Alexandre de Humboldt est, de consentement universel » au dix-neuvième siècle, l’un des premiers hommes de ce siècle qui a encore quarante ans à vivre, et que dis-je ?

2319. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

» — Raymond Brucker, qui n’a jamais bénéficié de rien, et pour lequel l’Église, dont il fut le serviteur fidèle et héroïque jusqu’au dernier moment, n’a rien fait, et qu’elle a laissé mourir de faim ou à peu près ; Raymond Brucker, dont les grands hommes littéraires du temps où il fut littéraire comme eux, avec autant de talent qu’eux, diraient peut-être, s’ils vivaient encore : « Je ne connais pas cet homme-là », comme saint Pierre l’a dit de Jésus-Christ, aura-t-il, à propos de ses Docteurs du jour, ce bonheur d’outre-tombe, qui ne sera un bonheur que pour nous qui l’avons aimé, de quelques rumeurs flatteuses autour de son tombeau ?

2320. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Lamennais, à qui l’esprit de parti a élevé un catafalque, mais qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, finir par juger, Lamennais se présente entre deux théories dont l’une est morte et l’autre n’a jamais vécu.

2321. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « E. Caro »

Selon Caro et la vérité, montre à la main, c’est Hegel qui règle les destinées de la minute dans laquelle nous avons le bonheur et l’honneur de vivre.

2322. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Seulement, par les traits qui en sont sortis, par les quelques flèches que nous pouvons juger, puisqu’elles brûlent, à force de talent, d’un feu inextinguible et immortel, nous pouvons induire quel poète il aurait été s’il eût vécu un jour de plus.

2323. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

— poète partout et toujours : en ces Psaumes traduits pour le service de Dieu, en ces sonnets, en ces élégies, en ces héroïdes, en ces stances, en tous ces vers humains et vécus dont le troisième volume de ses Œuvres est rempli.

2324. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

En effet, si les auteurs avaient vécu là où ils étaient parfaitement placés pour observer ce qu’ils voulaient peindre, s’ils avaient de l’âme, s’ils avaient de cette fougue sensible, l’écume du talent qui va s’étendre, comme la vague, en se purifiant, ils n’avaient pas les notions morales.

2325. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

About, qui conçoit ses chevaliers avec une tache au milieu du cœur, nous donne pour un Cid de noblesse, Germaine n’a pas trois mois à vivre.

2326. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire ; … agréez ces derniers efforts d’une voix qui vous fut connue ; vous mettrez fin à tous ces discours.

2327. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Ce nom continua de vivre dans la mémoire poétique de la Grèce, souvent blâmé par les philosophes, mais cité, chanté dans toutes les fêtes : et, lorsque la Grèce libre et parlant à la tribune et sur le théâtre eut cessé, lorsque sa langue et son génie ne furent plus qu’un luxe de cour et une étude de cabinet dans Alexandrie et les villes grecques d’Asie, nul monument de l’art antique ne fut plus imité, plus commenté que le hardi génie d’Archiloque.

2328. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Mais ce système fût- il admis, il ne nous donnerait que médiocrement satisfaction, parce qu’il laisserait hors de nos prises le monde du mouvement dans l’espace, c’est-à-dire, en définitive, le monde où nous vivons et sur lequel il nous importe tout d’abord de pouvoir agir. […] Nous avons conscience de vivre. […] Il a de plus en lui une force évolutive, grâce à laquelle il s’adapte de mieux en mieux aux conditions dans lesquelles il doit vivre. […] Ou invoquera la remarque de Darwin, suivant laquelle des êtres différents vivent plus facilement côte à côte que des êtres semblables : ils se gênent moins les uns les autres, et entre eux la lutte pour la vie est moins ardente. […] La division du travail apparaît comme nécessaire pour que les hommes vivent.

2329. (1885) L’Art romantique

De celui-ci il disait souvent, comme rêvant avec inquiétude de l’avenir : « Après tout, de nous tous, c’est lui qui est le plus sûr de vivre !  […] Le poëte doit vivre par lui-même ; il doit, comme disait Honoré de Balzac, offrir une surface commerciale. […] Je vois, par les notes que lui-même il a fournies sur sa jeunesse, que, tout enfant, il vivait au sein du théâtre, fréquentait les coulisses et composait des comédies. […] Ou bien le poëte espère-t-il persuader à ce gros public de petites gens que les deux époux vivront dans une chasteté parfaite ? […] La plastique, cet affreux mot me donne la chair de poule, la plastique l’a empoisonné, et cependant il ne peut vivre que par ce poison.

2330. (1927) André Gide pp. 8-126

… » et lorsqu’il précise : « Multiplier les émotions… Que jamais l’âme ne retombe inactive ; il faut la repaître d’enthousiasmes… », on se demande s’il annonce Nietzsche et son « Vivre dangereusement !  […] Bien mieux, « tant que le corps vivra, l’amour sera contraint, mais sitôt la mort venue, l’amour triomphera de toutes les entraves ». […] Gide, ce qui met l’homme en demeuré de périr ou d’être grand. » Il recommande de vivre dangeureusement, si on le peut, selon la formule de Nietzsche. […] Julius trouve son frère naturel dans un hôtel garni, où il vivait avec une certaine Carola.

2331. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Il vit pourtant, et il en coûte de vivre ; pauvre et chargé de famille, à cinquante-cinq ans, il se retourne vers la fiction et compose Robinson Crusoé, puis tour à tour Moll Flanders, Captain Singleton, Duncan Campbell, Colonel Jack, the History of the Great Plague in London, et d’autres encore. […] Il entre dans toute sorte de rêveries ; il se demande si ce n’est pas le diable qui a laissé cette empreinte de pied, et il en raisonne. « Je considérai que le diable aurait pu trouver quantité d’autres moyens de m’effrayer1031 », si c’était là son envie. « Comme je vivais tout à l’opposé de ce côté de l’île, il n’aurait jamais été si simple que de laisser cette marque à un endroit où il y avait dix mille chances contre une que je ne la verrais pas, dans le sable surtout, où la première houle par un grand vent l’eût effacée. […] On serait inquiet de vivre auprès de lui ; il n’est bon qu’à choquer ou à tyranniser les autres. […] Il avait vécu en cynique et en excentrique, ayant passé sa jeunesse à lire au hasard dans une boutique, surtout des in-folio latins, même les plus ignorés, par exemple Macrobe ; il avait découvert les œuvres latines de Pétrarque en cherchant des pommes, et crut trouver des ressources en proposant au public une édition de Politien.

2332. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il vivait à Moorshedabad, entouré d’un appareil magnifique et princier. […] Il avait au plus haut degré la magnifique faculté par laquelle l’homme est capable de vivre dans le passé et dans l’avenir, dans les choses éloignées, et dans les choses imaginaires. […] L’Europe et l’Amérique ont dû à leur sagesse des douzaines de constitutions avortées, constitutions qui ont vécu juste assez longtemps pour faire un tapage misérable, et ont péri dans les convulsions. […] Pendant douze jours, les soldats vécurent familièrement avec les habitants de la vallée.

2333. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Comme elles vivent, comme elles parlent, comme elles sont des raccourcis de personnes qu’on devine, qu’on voit, qu’on aime, ces mains de race, cambrées, arquées, et colères, et languides, et voluptueuses ; ces mains de malade et d’artiste, d’élégance capricieuse, tourmentée, presque diabolique ; vraies mains de violoniste, pleines d’âme, fines, longuettes, spirituelles, frémissantes comme des cordes de guitare ; — les mains que Watteau seul a pu peindre, sur le papier d’une feuille d’étude, avec de la sanguine et du crayon noir. […] On ne se sent plus s’habiller, manger, vivre. […] Il nous dit encore que son grand malheur, et le malheur de tous les maîtres actuels, c’est de ne pas avoir vécu dans un temps héroïque de peinture, en un temps, où on savait peindre le grand morceau, et il s’échappe de lui le regret de n’avoir pas eu la tradition, de n’être pas un aide, un rapin sorti de l’atelier d’un Van der Meulen. […] Je ne sais quoi de tragique, de funèbre et de touchant s’échappe de la désolation passionnée de ce vieillard, qui semble ne plus vouloir avoir la force de vivre, et que le délaissement frappe au cœur comme avec une épée.

2334. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

Or, le vieux renard qui a vécu mille ans et qui, d’après les croyances de là-bas, a le pouvoir de se changer en ce qu’il veut, se métamorphose en femme et va élever l’enfant de Tadanobou. […] Alors qu’il vivait tranquillement dans son ménage, il a la mission de détruire un repaire de diables (brigands) près d’un temple au milieu d’une forêt, mais il est battu, ses soldats tués, et le sabre que lui avait donné le prince pour couper la tête du chef des brigands est pris. […] Malheureusement pour elle, cet ami était amoureux d’une jeune fille qui vivait avec « l’Assiette cassée », et était tout dévoué à l’amie de son amoureuse. […] En cette grève des éditeurs, Hokousaï comptant sur la popularité de son nom, eut l’idée de composer des albums au bout de son pinceau, et il trouva à vivre à peu près cette année de la vente de ces dessins originaux vendus sans doute très bon marché. […] Les filles, ce sont : Onao, qui mourut dans son enfance, et Oyei, qui se maria avec un peintre nommé Tômei, mais divorça et vécut, comme nous l’avons dit, la fin de la vie d’Hokousaï, avec son père.

2335. (1802) Études sur Molière pp. -355

Dom Pèdre, c’est le nom du mari, plus sot encore que sa femme, voulut voir jusqu’où pouvait aller sa simplicité ; il se mit dans une chaise, la fit tenir debout, et lui dit : « Vous êtes ma femme, dont j’espère que j’aurai sujet de louer Dieu tant que nous vivrons ensemble ; mettez-vous bien dans l’esprit ce que je vais vous dire, et l’observez exactement tant que vous vivrez, de peur d’offenser Dieu, et de me déplaire. » À toutes ces paroles dorées, Laure faisait des révérences, à propos ou non, et regardait son mari entre deux yeux ; celui-ci, satisfait de la trouver encore plus simple qu’il n’eût osé l’espérer, tira de l’armoire une armure, en couvrit l’idiote, et lui ayant mis une lance à la main, lui dit que le devoir des femmes mariées était de veiller leurs maris pendant leur sommeil, armées de toutes pièces comme elle. […] Nous serons de ce dernier sentiment, si nous ne consultons que la marche du cœur humain, et si nous nous rapprochons du temps où le prince, si digne à tous égards que son règne fût celui du génie, permettait que La Fontaine vécût aux dépens de ses amis, pour avoir dit : Notre ennemi, c’est notre maître, Je vous le dis en bon français. […] Le reproche l’a vivement frappé ; il s’est recueilli un instant, et par là, il a motivé sa sortie précipitée, lorsque, poussé à bout par la soubrette, et craignant de s’emporter encore, il s’écrie : Vous avez là, ma fille, une peste avec vous, Avec qui, sans péché, je ne saurais plus vivre ! […] Enfin, Harpagon se montre plus avare qu’Euclion, en voulant se mettre en dépense pour faire écrire en lettres d’or, sur la cheminée de sa salle à manger, cette sentence qui l’a charmé : Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger  ; en souhaitant que Valère eût laissé noyer Élise, plutôt que d’avoir dérobé sa chère cassette. […] Cotin a fini ses jours, Trissotin vivra toujours.

2336. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Si liberté n’est pas chimère, Pour vivre libre et lire Homère, Bien portant, que faut-il encor ? […] Il fallait, remarque-t-on justement, avoir vécu sur mer, avoir aimé la mer, pour la chanter ainsi.

2337. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

tandis que les grands poèmes chevaleresques et les nobles sujets qu’ils traitaient se sont perdus avec le temps, ont été oubliés et n’ont laissé de souvenir que ce qu’il en fallait pour être parodiés, tandis que la grande et hautaine branche des Chansons de geste s’est desséchée et a péri, la branche plus humble des Fabliaux, et plus voisine de terre, n’a cessé de verdoyer, de bourgeonner et de fleurir ; ces vieux récits n’ont cessé de vivre, de se réciter, de se transmettre, et les auteurs connus, qui ont eu l’honneur de nous les conserver en les variant à leur guise, n’ont fait le plus souvent qu’hériter des inconnus qui leur en ont fourni la matière et soufflé l’esprit. […] Celui-ci n’a pas vécu assez pour connaître le vrai, le grand et royal Malherbe, pour assister à son entier développement et à son triomphe.

2338. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Jamais et nulle part ils ne l’ont été si habituellement et au même degré. « Pour un homme de science et de génie, dit un voyageur anglais, ici le principal plaisir est de régner dans le cercle brillant des gens à la mode456. » Tandis qu’en Angleterre ils s’enterrent morosement dans leurs livres, vivent entre eux et ne figurent dans la société qu’à la condition de « faire une corvée politique », celle de journaliste ou de pamphlétaire au service d’un parti, en France, tous les soirs, ils soupent en ville, et sont l’ornement, l’amusement des salons où ils vont causer457. […] Diderot le pousse à bout jusque dans l’emphase larmoyante ou furibonde, par des exclamations, des apostrophes, des attendrissements, des violences, des indignations, des enthousiasmes, des tirades à grand orchestre, où la fougue de sa cervelle trouve une issue et un emploi  En revanche, parmi tant d’écrivains supérieurs, il est le seul qui soit un véritable artiste, un créateur d’âmes, un esprit en qui les objets, les événements et les personnages naissent et s’organisent d’eux-mêmes, par leurs seules forces, en vertu de leurs affinités naturelles, involontairement, sans intervention étrangère, de façon à vivre pour eux-mêmes et par eux-mêmes, à l’abri des calculs et en dehors des combinaisons de l’auteur.

2339. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

La nature des temps où nous avons vécu proteste contre la forme traditionnelle du pouvoir. […] Il parlait de lui comme d’un roi qui aurait vécu mille ans auparavant ; il jugeait les actes du peuple envers lui comme il aurait jugé les actes de Cromwell et du long parlement envers Charles Ier.

2340. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Les seuls insectes qui se montrent en grand nombre sont les fourmis, les termites, des guêpes qui vivent en société, et des libellules dans les clairières. […] Le ramage trop rare des oiseaux a un caractère mélancolique et mystérieux, plutôt fait pour aviver le sentiment de la solitude que pour égayer et pour exciter à vivre.

2341. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Il faut observer que le duc Alexandre, dont son cousin Lorenzo di Pier Francesco dei Médicis, délivra le monde, vivait au milieu de continuelles terreurs. […] Ses lettres à son ami Giorgio Vasari, à ce déclin de ses années, prouvent qu’il vivait seul à Rome dans la seule famille de ses disciples et de ses ouvriers.

2342. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Mais des exemples de ce genre sont rares et l’on trouve aussi des strophes semblables aux suivantes, où le mètre nouveau s’essaie à peine à vivre de lui-même et bientôt, issu de l’alexandrin, vient s’y résoudre. […] Il est homme avant d’être artiste ; pour lui, vivre c’est agir, regarder est une joie puissante, puisqu’en l’action, puisqu’en les images se développe et se précise le moi.

2343. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Le régent d’abord, puis Mme de Pompadour, voulurent l’enrichir : c’est à peine s’ils parvinrent à le faire vivre. […] Ces caractères vivent ; nous les connaissons, nous les aimons.

2344. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Sa piété était vraiment comme les mères-perles de François de Sales, « qui vivent emmy la mer sans prendre aucune goutte d’eau marine ». […] Durant deux mois à peu près, je fus protestant ; je ne pouvais me résoudre à quitter tout à fait la grande tradition religieuse dont j’avais vécu jusque-là ; je rêvais des réformes futures, où la philosophie du christianisme, dégagée de toute scorie superstitieuse, et conservant néanmoins son efficacité morale (là était mon rêve), resterait la grande école de l’humanité et son guide vers l’avenir.

2345. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Depuis la Fronde, cette princesse avait vécu dans une espèce d’exil. […] L’habitude du travail en famille, la réunion de la mère de famille et de ses filles autour d’une taille de travail est le seul moyen d’enseigner les usages du monde où les jeunes personnes sont destinées à vivre, le seul moyen de donner à leur esprit le développement convenable, à leur langage la facilité et la mesure appropriées à leur condition.

2346. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je ne saurais oublier les gens avec lesquels j’ai vécu. […] Mes appointements sont ici de 100 louis, et je vous jure que cette somme suffit à peine à vivre.

2347. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Il vivait, cet épicurien, dans un petit monde de jouisseurs délicats, dont était Pingard, l’huissier de l’Académie, qu’on retrouvait à la vente des vins, faisant de la dégustation savante avec la petite tasse d’argent des gourmets-piqueurs de vin, et tout débordant d’indignation comique, quand l’expert se trompait d’un an, sur la date d’un cru. […] Je vais enfin m’appartenir, et me donner, pour les années qui me restent à vivre, à l’imagination, au style, à la poésie.

2348. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

On dit que, dans la suite, une fois adulte, j’acquiesce à cette obligation par cela seul que je continue à vivre dans mon pays. […] La densité dynamique peut se définir, à volume égal, en fonction du nombre des individus qui sont effectivement en relations non pas seulement commerciales, mais morales ; c’est-à-dire, qui non seulement échangent des services ou se font concurrence, mais vivent d’une vie commune.

2349. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

C’est la convoitise humaine, réprimée, contenue pendant des siècles par des lois comme il en faut aux hommes pour qu’ils puissent vivre ensemble sans se dévorer ; c’est la convoitise humaine qui se lève et qui étend sur tout ses cent mille bras immenses ! […] Taine, s’il vivait et s’il le lisait ?

2350. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Certes, s’il avait vécu, personne n’aurait eu plus de droits que lui à être duc de Rivoli.

2351. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

M.Viguier, ancien inspecteur général de l’Université, ancien directeur des études et maître de conférences à l’École normale, est mort le 11 octobre dernier à Précy-sur-Oise, où il vivait retiré depuis quelque temps.

2352. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Au commencement du mois de mai 1737, un jeune homme et une jeune femme arrivent à Vevey, dans le canton de Vaud, et là, au bord du beau lac, interrompant leur voyage, ils font choix d’une habitation élégante et rustique ; ils continuent, durant des années, d’y vivre dans l’amour fidèle, dans l’admiration de la nature et l’adoration du créateur.

2353. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

On peut sortir en toute saison, vivre dehors sans trop pâtir ; les impressions extrêmes ne viennent point émousser les sens ou concentrer la sensibilité ; l’homme n’est point alourdi ni exalté ; pour sentir, il n’a pas besoin de violentes secousses et il n’est pas propre aux grandes émotions.

2354. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Ce fut un superbe pamphlétaire, dont l’absolu désintéressement, l’humilité profonde, mirent à l’aise le tempérament ; écrivain puissant, nourri des grands maîtres, au commerce desquels il a développé son originalité, ayant une rare intelligence littéraire, il a écrit des pages qui vivront, par la vivacité mordante de l’esprit ou par l’éclat violent de la passion.

2355. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Après, il fallait vivre. « J’ai été pion, disait-il plus tard, pion ou quelque chose d’approchant, et je n’en suis ni fier ni honteux. » Il nous a raconté comment il fut maître d’études au collège d’Aix, et en même temps étudiant à la Faculté des Lettres.

2356. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Charles Baudelaire J’ai dit, je ne sais plus où : « La poésie de Banville représente les belles heures de la vie, c’est-à-dire les heures où l’on se sent heureux de penser et de vivre »… Banville seul, je l’ai déjà dit, est purement, naturellement et volontairement lyrique.

2357. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Hésiode, des tragiques grecs et de quelques latins : Kain, le Lévrier de Magnus, mille et un autre poèmes plus beaux les uns que les autres, en attendant son œuvre caressée, les États du Diable, attestaient que le poète vivait toujours et splendidement.

2358. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Celle-ci, après avoir obtenu grâce pour la vie de celui qu’elle a aimé et qu’elle n’aime plus, lui ordonne d’aller vivre dans la solitude, et quant à elle, elle épouse Cinthio.

2359. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Ses enfants continueront son œuvre, rencontreront sans doute des papillons plus éducables et tenteront à leur tour de leur apprendre à vivre.

2360. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Si j’étais à recommencer, je referais ce que j’ai fait, et, pendant le peu de temps qui me reste à vivre, je continuerai.

2361. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Il s’ensuivrait que Racine, s’il eût vécu au moyen âge, aurait quand même écrit Andromaque et Phèdre telles que nous les possédons.

2362. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

De même que ces crises tragiques, un changement dans la nourriture, dans la manière de vivre se répercute en sentiments et en idées que les écrivains expriment, sans en soupçonner souvent l’origine. « Savez-vous, disait Edmond de Goncourt à Taine50, si la tristesse anémique de ce siècle-ci ne vient pas de l’excès de son action, de ses prodigieux efforts, de son travail furieux, de ses forces cérébrales tendues à se rompre, de la débauche de sa production et de sa pensée dans tous les ordres ? 

2363. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Le rêve des jeunes prudents aujourd’hui, c’est de vivre, d’être préfet à vingt-cinq ans, ou représentant, ou ministre.

2364. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Partant du principe que les choses morales ont, comme les choses physiques, des dépendances et des conditions, il esquisse la vie de chacun des écrivains qu’il veut étudier, montre le pays où il est né, le lieu où il a vécu, puis, analysant son œuvre et en dégageant les principaux caractères, il exprime fame qu’ils révèlent, en une formule à plusieurs termes.

2365. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Les animaux vivent, l’homme existe.

2366. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Lui-même était plein de fierté et ne supportait pas aisément l’injustice ; et, dans son exil d’ambassadeur à Saint-Pétersbourg, il parle constamment au roi de Piémont le langage à la fois le plus fidèle et le plus hardi ; enfin, on sent vivre en lui le vieil esprit des parlements.

2367. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Et nous répondrons incontinent que, dans cet ordre d’idées, il n’est pas non plus indispensable pour vivre, boire, manger, dormir, et, par surcroît, se distraire et voyager, au siècle d’Edison, de Pasteur, de Tolstoï, de Nietzsche, et de tant d’autres génies, de savoir comment on naît et comment on meurt, pourquoi l’on souffre et pourquoi l’on espère, mais que nous ne sommes pas fâchés d’être un peu plus fixés à ce sujet chaque jour, et que c’est peut-être là ce qui constitue notre supériorité sur le Malgache ou le Huron rencontré sur nos boulevards, ou sur le chimpanzé Consul — cependant de mœurs fort civiles, dit-on.

2368. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Déjà il avait charmé par ses discours deux générations d’hommes entre lesquelles il avait vécu dans la grande Pylos, et il régnait maintenant sur la troisième119. » Cette phrase est de la plus belle antiquité, comme de la plus douce mélodie.

2369. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

La structure politique d’une société n’est que la manière dont les différents segments qui la composent ont pris l’habitude de vivre les uns avec les autres.

2370. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

De là vient, sans doute, cette indépendance à l’égard de l’autorité, caractère particulier des temps où nous vivons.

2371. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

— ou que la Portinari ne fût pas morte à douze ans, mais qu’elle eût vécu sur le cœur du Dante, — et supposez qu’on vînt vous dire, tout à coup, ce matin, que toutes les deux ont écrit, — l’une sur Pétrarque, l’autre sur Dante, — avec quelle violence d’intérêt ne vous jetteriez-vous pas sur le livre qu’elles auraient laissé !

2372. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le capitaine d’Arpentigny »

Il y a, en d’Arpentigny, les impatientants contrastes que nous ayons déjà signalés dans un esprit, parent du sien du reste, qui croyait comme lui à la physiologie, qui a voulu expliquer l’amour par elle comme lui a voulu expliquer l’intelligence, et qui, comme lui, avait vécu de cette vie militaire dont l’influence est un bénéfice pour tous les ordres d’esprits.

2373. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Ils passaient de l’anarchie, qui tue les peuples, à l’organisation, qui les fait vivre.

2374. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

C’est un utopiste du même genre, resté utopiste, malgré des expériences qui auraient corrigé l’abbé de Saint-Pierre s’il avait vécu dans notre temps, et si les prêtres tombés de plus haut que les autres hommes dans l’Ordre spirituel, pouvaient se relever et n’étaient pas presque toujours incorrigibles !

2375. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

De même, en sensation, ôtez le vestiaire de Don Juan qui traîne partout et les réminiscences de Shakespeare sur lequel nous vivons pour l’instant ; ôtez les Musées et les tableaux décrits, depuis Rubens jusqu’à Watteau, c’est-à-dire la poésie ravalée jusqu’à n’être plus qu’un daguerréotype ; ôtez l’orgie (la moderne et l’antique !)

2376. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

L’éloge est un tribut qu’on paie à la vertu. » Dans un de ses derniers discours à Théodose, il s’interrompt tout à coup : « Tu vois, prince, lui dit-il, que je ne suis pas venu ici pour te flatter : conviendrait-il à un philosophe en cheveux blancs, qui a familièrement vécu avec tant d’empereurs, aujourd’hui que le plus humain de tous est sur le trône, de mendier sa faveur par des bassesses ?

2377. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

« Sa vigilance sur lui-même, dit Saint-Simon, le renfermait dans son cabinet comme un asile impénétrable aux occasions. » Fénelon lui avait inspiré une horreur si outrée des flatteurs que, pour échapper à leurs pièges, il ne trouvait d’autre moyen que de vivre seul. […] ou le devait-il à l’état de dépendance filiale dans lequel il vivait à l’égard de Fénelon ? […] Virgile vivait dans un temps où Auguste élevait des temples à Mars vengeur, à Apollon, à Jupiter tonnant ; où pour complaire à ce prince, de riches citoyens construisaient le temple d’Hercule, celui des Muses, celui de Saturne.

2378. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Il est du domaine de toute œuvre sérieuse de ne pas attirer l’attention par des retentissements inutiles : une douce symphonie de Haydn, intime et domestique, vivra encore, qu’on parlera avec dérision des nombreuses trompettes de M.  […] Les éternels bourgeois qu’il a immortalisés de son crayon et qui vivront à travers les siècles dans toute leur laideur moderne s’écrient en regardant un tableau de M.  […] Nous sommes aujourd’hui les modernes ; à ce titre nous avons le droit de prétendre vivre notre vie personnelle, mais demain d’autres nous remplaceront au même titre, en nous mettant de côté à notre tour. […] Partout enfin, dans la mesure du talent des artistes, l’art aspire à vivre de notre vie réelle, à revêtir nos costumes et nos passions réels, à se mettre, en un mot, à l’unisson des pulsations réelles de notre cœur. […] C’est contrariant, j’en conviens, pour les gens qui tiennent à se regarder comme des phénix, mais pour nous autres simples mortels qui prenons notre parti de vivre parmi des hommes et non parmi des anges, cette constatation nous met dans des joies désopilantes.

2379. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Elle sera très forte chez les personnes douées d’une imagination active, d’une vive sensibilité, qui vivent surtout de la vie intérieure, et qui ont le loisir de s’y adonner. […] S’il se trouve que par faveur du sort nous avons vécu dans la sérénité et la joie, entourés de gracieuses images, nos pensées prendront d’elles-mêmes une allure esthétique. […] Nous ne vivons plus de notre vie propre, mais de la vie des personnages dont nous suivons l’existence aventureuse. […] Il restera donc enfermé dans son splendide isolement, et perdra presque toute action sur les âmes. — Que le poète commence donc par vivre sa vie personnelle ; que jeune il chante son amour, ses désirs et ses mélancolies. […] L’œuvre qu’il aura ainsi composée sera forcément vivante, puisqu’elle aura été réellement vécue.

2380. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

J’aime mieux y voir ce qui est fait pour attendrir, la pauvreté et la détresse ôtant à la dignité du génie, ce génie ne craignant pas de mendier comme une mère pour l’enfant qu’elle sent près de naître, le peintre ne demandant qu’un gîte, le vivre et une toile pour déployer à l’aise ses couleurs et ses pinceaux : « J’ai à mettre en ordre des matériaux fort intéressants, et ce n’est qu’à la vue du ciel que je peux recouvrer mes forces. […] Cette impuissance de la mesure serrée et du chant, en ces organisations si accomplies, marque bien la spécialité du don, et venge les poëtes, même les poëtes moindres, ceux dont il est dit : « Érinne a fait peu de vers, mais ils sont avoués par la Muse. » Bernardin de Saint-Pierre vécut assez pour assister à toute la grande moitié du développement littéraire et poétique de M. de Chateaubriand.

2381. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

Les chrétiens vivent, multiplient, prient, trafiquent, s’enrichissent, possèdent leurs privilèges sous la protection de leurs magistrats ou de leurs consuls ; les Turcs règnent et gouvernent : voilà toute la différence. […] XIII Aucune de ces races, pas même la race grecque, n’est donc assez agglomérée dans les mêmes provinces d’Europe, d’Asie ou d’Afrique, pour s’y lever en une unité puissante et pour dire : « Je suis la population héritière des Turcs. » Il y a plus encore : c’est que toutes les races, chrétiennes ou autres, disséminées sur le sol ottoman sont mille fois plus antipathiques entre elles qu’elles ne le sont aux Turcs sous l’empire desquels ces races vivent, et que, si l’on mettait aux voix à qui l’empire, il n’y a pas une de ces tribus qui ne répondît sans hésiter : « Aux Turcs plutôt qu’aux Grecs ; aux Turcs plutôt qu’aux Arméniens ; aux Turcs plutôt qu’aux Arabes ; aux Turcs plutôt qu’à aucune de ces petites races faibles et tyranniques, assez fortes pour nous opprimer, trop peu pour nous défendre.

2382. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La plus belle, la plus faible, la plus entraînante et la plus entraînée des femmes ; créant sans cesse, par une irrésistible attraction autour d’elle, un tourbillon d’amour, d’ambition, de jalousie, où chacun de ses amants est tour à tour le motif, l’instrument, la victime d’un crime ; passant, comme l’Hélène grecque, des bras d’un époux assassiné dans les bras d’un époux assassin ; semant la guerre intestine, la guerre religieuse, la guerre étrangère sous tous ses pas et finissant par mourir en sainte, après avoir vécu en Clytemnestre ; puis laissant une mémoire indécise, également défigurée par les deux partis : protestants et catholiques, les uns intéressés à tout flétrir, les autres à tout absoudre, comme si ces mêmes factions qui se l’arrachaient pendant sa vie devaient encore se l’arracher après sa mort ! […] La France, l’Italie, le pape, l’Espagne ; elle ne vivait que de ces patronages imposants ; là étaient ses parentés, ses vaisseaux, son or, sa diplomatie, ses armées auxiliaires.

2383. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

La poésie de Victor Hugo est parce qu’elle est, voilà tout ; tout y est réinventé et créé à nouveau ; le sens du mystère et le sens du lyrisme par elles ont été restitués à la poésie française ; c’est d’elle que nous tirons notre existence, tous ; elle est l’air que chacun de nous respire : nous ne le saurions décomposer et vivre. […] Paul Adam Victor Hugo, ce fut surtout le vulgarisateur d’un certain élan d’idées en honneur dans les milieux où il vivait… Il y eut dans son entourage des hommes comme Gérard de Nerval qui l’emportèrent sur lui en originalité et en intelligence… Notre-Dame de Paris, les Châtiments et tout le théâtre de Victor Hugo sont dignes de la portière.

2384. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

C’est Polyeucte renversant le sacrifice ; Cornélie bravant César ; Cléopâtre buvant le poison, pour qu’on ne suspecte pas la coupe qu’elle offre à Rodogune, et ne voulant que vivre assez pour voir mourir sa rivale. […] D’ailleurs, parmi ces héros, quelques-uns ont vécu ; leur grandeur est une tradition historique.

2385. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Il avait trente ans quand il écrivait ce livre ; il devait penser dès lors à l’art d’en vivre cent. […] Contredire en tout le témoignage des hommes, jeter du ridicule sur toutes les passions dont il n’était pas capable, goguenarder la morale qui gênait son projet de vivre entre les vertus et les vices, ne rien admirer pour ne pas s’engager, se mettre au-dessus de tout le monde et de toutes choses par le doute qui n’est que de la vanité déguisée : tel est l’esprit du Fontenelle d’alors.

2386. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est né en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] Selon la généalogie habituellement adoptée par les poètes et leurs commentateurs, le père — ou l’aïeul — de Titurel se serait nommé Périllus ; Titurel aurait vécu très vieux, après avoir eu un fils, Frimutelle, le premier roi indigne ; le fils de Frimutelle, Amfortas ou Anfortas, renouvelant le même péché, est guéri par son neveu Perceval ou Parsifal.

2387. (1870) La science et la conscience « Chapitre IV : La métaphysique »

S’unir à Dieu, vivre en Dieu, tout en conservant sa personnalité et sa liberté, voilà le dernier mot de toute théologie sensée. […] Elles oublient que la conscience n’est pas seulement la lumière, qu’elle est le principe, la substance même dont elles vivent, et que, si elles négligent ses révélations, elles restent aveugles en dépit de toutes les méthodes qu’elles peuvent emprunter aux sciences physiques.

2388. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’abbé Le Dieu, dans cet ouvrage, se soigne, et il écrit comme en vue du public ; son style a de la facilité, du développement, des parties heureuses : on sent l’homme qui a vécu avec Bossuet et qui en parle dignement, avec admiration, avec émotion.

2389. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Vécût-il cent années encore, il est dans l’impossibilité, dans l’impuissance de se teindre à aucun degré du style moderne, de s’initier aux procédés, aux motifs d’inspiration modernes, d’en connaître à fond, ou même de s’en informer.

2390. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

« Il y a plus : c’est que, faute d’un certain sens spirituel nécessaire pour discerner par nous-mêmes la vérité, nous étions réduits à nous citer les uns les autres, et à citer même des anciens de deux mille ans, nous qui, aidés de leurs lumières et des lumières de soixantes générations, devions avoir incomparablement plus de lumières et de connaissances que ces anciens qui vivaient dans l’enfance de la raison humaine… » Nous touchons ici à une idée essentielle de l’abbé de Saint-Pierre, c’est que le monde intellectuel ne date que d’hier, que les hommes sont dans l’enfance de l’esprit et de la raison, que l’humanité n’a guère que sept ans et demi, l’âge à peine de la raison commençante45.

2391. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Un tel poème, qui n’aurait pas eu d’inconvénient lu entre incrédules, aux derniers soupers du grand Frédéric, et qui aurait fait sourire de spirituels mécréants, prit un tout autre caractère en tombant dans le public : il fit du mal ; il alla blesser des consciences tendres, des croyances respectables, et desquelles la société avait encore à vivre.

2392. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Écœuré du contact de ses semblables, il décide de se blottir loin du monde, de se calfeutrer dans une retraite pour y vivre une existence factice.

2393. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Vous vivez dans un temps où l’on est indigné contre le malheur, irrité contre l’opprimé, où la colère s’enflamme à l’aspect du vaincu, où l’on s’attendrit, où l’on s’exalte pour le pouvoir, dès qu’on entre en partage avec lui.

2394. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Un homme d’un esprit infini disait, en parlant de ce qu’on pouvait appeler précisément un homme orgueilleux et vain, en le voyant j’éprouve un peu du plaisir que cause le spectacle d’un bon ménage, son amour-propre et lui vivent si bien ensemble.

2395. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Nous vivons au jour le jour : les événements passent sur nous, et les émotions s’effacent.

2396. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

La complaisance qu’on a pour ses idées, la peine qu’on éprouve à se retrancher, à repousser un trait d’esprit ou une pensée originale, font qu’on manque sans cesse aux lois de la proportion, qu’on développe les parties au gré de sa fantaisie et de son plaisir, non pas selon leur importance, et qu’on produit des œuvres boiteuses, bossues, des monstres difformes qui ne se tiennent pas debout et qui ne sauraient vivre.

2397. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Voici une cheville d’une autre espèce : C’est là que nous vivions  Pénètre, Mon cœur, dans ce passé charmant   Je l’entendais sous ma fenêtre Jouer le matin doucement.

2398. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse.

2399. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

La gloire elle-même vaut-elle le plaisir réel & sensible, de vous communiquer vos idées, d’aggrandir mutuellement vos connoissances, de mêler les trésors de vos ames, de vivre en freres, en amis, honorés & vertueux.

2400. (1842) Essai sur Adolphe

Il a dévoré dans ses ambitions solitaires plusieurs destinées dont une seule suffirait à remplir sa vie ; il a vécu des siècles dans sa mémoire, et il n’est encore qu’au seuil de ses années.

2401. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Les deux écoles paraissent avoir vécu longtemps en bonne intelligence 317, et après la mort de Jean, Jésus, comme confrère affidé, fut un des premiers averti de cet événement 318.

2402. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

« Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui bâtissez les tombeaux des prophètes, et ornez les monuments des justes, et qui dites : Si nous eussions vécu du temps de nos pères, nous n’eussions pas trempé avec eux dans le meurtre des prophètes !

2403. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Il vécut et mourut zélé protestant, sans que la conversion de Henri le détachât de ce prince.

2404. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre IV. Critique »

Apprendre est le premier pas, vivre n’est que le second.

2405. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Quelque mécontente que dût être la société, cela ne l’empêchoit point de voir souvent des jésuites de Tours, & de vivre avec eux.

2406. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

Que l’on enlève à un animal, une poule ou un pigeon par exemple, les deux hémisphères cérébraux, l’animal ne meurt pas pour cela : toutes les fonctions de la vie organique continuent à s’exercer ; mais il perd tous ses sens et tous ses instincts, il ne voit plus, il n’entend plus ; il ne sait plus ni se défendre, ni s’abriter, ni fuir, ni manger, et s’il continue de vivre, c’est à la condition que l’on introduise mécaniquement de la nourriture dans son bec.

2407. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre I : Philosophie religieuse de M. Guizot »

Il veut que le christianisme s’arrange pour vivre au sein de cette société, sache s’y faire sa place, qu’il en accepte les conditions décidément et de bon cœur.

2408. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

La pitié, qui n’est qu’un secret repli sur nous à la vue des maux d’autrui dont nous pouvons être également les victimes, a une liaison si étroite avec la crainte, que ces deux passions sont inséparables dans les hommes, que le besoin mutuel oblige de vivre dans la société civile.

2409. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre II. Des livres de géographie. » pp. 5-31

Un homme du monde, un homme qui veut approfondir les hommes de tous les pays, doit vivre avec eux ; & pour cela, il ne suffit pas de visiter des cabinets de curiosité ou de lorguet des antiquailles.

2410. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Que sait-on de la vie de Juvénal, si ce n’est qu’il vécut pauvre et paya de dix ans d’exil le mépris qu’il exprima pour les débordements honteux de Domitien ?

2411. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

En Italie où il a vécu, où il s’est énervé en lisant Métastase et en écoutant de la musique, il a pu contracter bien des morbidesses, mais il n’a pu venir à bout de sa vigueur première.

2412. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

En Italie, où il a vécu, où il s’est énervé en lisant Métastase et écoutant de la musique, il a pu contracter bien des morbidesses, mais il n’a pu venir à bout de sa vigueur première.

2413. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

II Elle l’a appelé l’Orpheline 55, — et elle aurait pu l’appeler d’un autre nom, et même de plusieurs autres noms ; car toutes les femmes qui apparaissent et qui vivent dans son roman valent en intérêt celle qui est l’héroïne du livre indiquée par son titre.

2414. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Il est indispensable de consacrer à ce soin plusieurs années de notre vie, si nous la voulons consciente et digne d’être vécue.‌

2415. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Le symbolisme a vécu sur une matière de sentiment et de pensée qui est presque toute dans Baudelaire.

2416. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

L’amitié lui sera sacrée, parce qu’il jouira de vivre dans une autre moitié de soi-même, et de penser qu’une âme entend la sienne et lui répond. […] Cette dernière réflexion nous porte à nous féliciter des lumières nouvelles que le temps où nous vivons prête aux vrais philosophes pour étendre leurs connaissances. […] Cet homme simple a l’air de s’être consacré à ne vivre qu’avec les hommes de l’antiquité, pour mieux élever les enfants de nos jours : il les étudie, comme il étudie ces enfants eux-mêmes, pour mieux diriger leurs études. […] Le troisième, plus sérieux, accroît sa sévérité naturelle par la lecture des historiens de Rome, et donne, en majestueux modèle à la monarchie sous laquelle il vécut, le spectacle politique de l’empire le plus savamment gouverné qui régna jamais dans l’univers. […] Nous avons si peu de commerce avec les princes et les autres personnes qui vivent dans le sérail, que nous les considérons, pour ainsi dire, comme des gens qui vivent dans un autre siècle que le nôtre.

2417. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Il ne restait qu’à les regarder et à les peindre du dehors, tels qu’ils se montraient en public, et c’est à quoi se bornaient les poètes qui vivaient de leurs dons, et qui les avaient à la fois pour protecteurs et pour lecteurs. […] Les esprits médiocres, qui ne sont que les esclaves de la mode, s’y jetaient sans réserve, et vivaient de cette fumée ; les hommes de génie, tant le succès leur est nécessaire, l’auraient cherché dans le galant plutôt que de s’en passer. […] Le vrai qui fait vivre ses satires littéraires, le plus original peut-être de ses ouvrages, c’est le vrai d’un excellent plaidoyer en faveur de l’esprit français contre le tour d’imagination qui, au dix-septième siècle, en avait pris la place et usurpé le nom. […] Non que le poète y trouve le secret des vers faits de génie, ni le statuaire et le peintre l’art de créer des figures qui vivent, ni le musicien ce don de la mélodie par lequel il remue au fond de nos cœurs nos sentiments et nos souvenirs ; mais tous se rappellent l’idéal commun, le vrai par la raison, et ils se tournent vers celui qui a proclamé le premier ce principe suprême, qui les règle sans les gêner ni les borner.

2418. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Mais, revenant sur son sujet, il fait une description détaillée d’Ispahan, capitale de la Perse, qu’il habita cinq ans ; il donne pour cela la parole à tous les quartiers et à tous les monuments de cette grande ville, racontant leur histoire anecdotique comme s’ils vivaient et parlaient encore. […] Il leur dit « qu’il ne doutait pas qu’ils ne l’eussent tous appris d’eux de la même sorte, et qu’ainsi ils auraient connu comment leur défunt monarque avait rendu l’esprit, sans avoir déclaré par écrit ni de vive voix auquel de ses deux fils il laissait le sceptre, et que, par cela, il était de leur devoir de procéder à cette élection au plus tôt, tant pour ne laisser davantage dans une condition privée celui des princes à qui la Providence avait destiné la couronne, que pour mettre l’État en sûreté, qui courait toujours fortune tandis qu’il n’aurait point de maître, vu qu’il en était des monarchies comme des corps animés, qu’un corps cesse de vivre au moment qu’il demeure sans tête, un royaume tombait dans le désordre au moment qu’il n’avait plus de roi ; que, pour éviter ce malheur, il fallait, avant de se séparer, élire de la sacrée race imamique un rejeton glorieux qui s’assît au trône qu’Abas II venait de quitter pour aller prendre place dans le ciel ; que ce monarque, de triomphante mémoire, avait laissé deux fils, comme il s’assurait que personne de ceux devant qui il parlait ne le révoquait en doute, l’un, Sefie-Mirza, qui était venu au monde il y avait environ vingt ans, et avait été laissé dans le palais de la Grandeur en la garde d’Aga-Nazir ; l’autre, Hamzeh-Mirza, âgé de quelque sept ans, qui se trouvait ici près d’eux à la cour, sous la garde d’Aga-Mubarik, présent en leur assemblée ; que, de ces deux, après avoir invoqué le nom très-haut, ils choisissent celui que le vrai roi avait préparé pour le lieutenant du successeur à attendre. » Par ce successeur à attendre, les Perses veulent dire le dernier des imaans (îmâm), qui est dans leur opinion comme leur Messie, dont ils attendent à tout moment le retour. […] La Providence nous a mis entre les mains Hamzeh-Mirza ; que nous reste-t-il plus, que suivre ses ordres, et d’aller dès ce moment élever ce favori du ciel au trône sacré du prince du monde. » Après que le premier ministre eut prononcé ces paroles, il ne laissa pas peu à penser aux autres seigneurs d’où lui pouvait être venu ce sentiment ; néanmoins, comme c’était une personne qui avait toujours vécu dans une haute estime de probité, et que son âge déjà avancé et sa longue expérience dans les affaires le rendaient très-considérable, on ne soupçonna point que l’avis qu’il donnait fût intéressé, ni qu’il y fût porté par d’autres motifs que ceux qui regardaient le bien de l’État, vu principalement qu’il n’avait rien avancé que toute la compagnie n’estimât très-véritable.

2419. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Depuis lors, il vécut tout aux soins de ses enfants et à Dieu, qu’il aima, dit Mme de Sévigné, comme il avait aimé ses maîtresses. […] Au temps où nous vivons, dans une société qui, entre autres dépendances, a peut-être secoué la déférence et le respect, il nous est aisé de railler cet excès de sensibilité dans un si grand homme. Mais prenons garde qu’il vivait à une époque où les plus grands voyaient au-dessus de leurs têtes un plus grand qu’eux, et où l’idée qu’on avait de la royauté mettait hors de toute mesure la personne royale.

2420. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Et, sans doute, d’un darwinisme à peine assuré de la solidité de ses principes, ou d’une physiologie rudimentaire encore, on en peut bien appeler dans l’avenir à une physiologie plus savante ou à un darwinisme mieux entendu ; mais, en attendant, il faut vivre d’une vie qui ne soit pas purement animale, et la science, aucune science aujourd’hui ne saurait nous en donner les moyens. […] Il faut vivre d’abord, et la vie n’est pas contemplation ni spéculation, mais action. […] Mais il en est des « peuples » comme des hommes : ils meurent… parce qu’ils sont « mortels », quand ils ont fait leur temps, et parce que, fort heureusement, on ne peut pas vivre toujours.

2421. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

La nature, et rien que la nature, peut en effet réussir à démêler la grande destinée du monde… La nature, la nature humaine dicte la loi aux deux sœurs, culture et civilisation : Dans la mesure où je suis contenue en vous, leur dit-elle, vous vivrez et fleurirez ; dans la mesure où je ne suis pas en vous, vous périrez et vous dessécherez. […] Les poèmes dramatiques de Wagner ne sont pas des drames au sens absolu du mot : il y a beaucoup trop de lyrisme en eux pour qu’ils vivent à la scène par eux-mêmes. […] À l’audition des drames de Wagner dans cet admirable cadre, nous ne sommes plus nous-mêmes ; il semble pendant quelques heures que tous les liens soient rompus entre nous et les réalités de l’existence, que nous vivions, en dehors du temps et de l’espace, d’une vie autre, dans une atmosphère plus légère ; nous n’avons plus de corps ; nous sommes de purs esprits ; c’est le ravissement absolu de l’intuition. […] « Le héros, énergique affirmation de la Volonté de vivre, dit-il, meurt sans que nous en éprouvions une douleur, parce que nous sentons qu’il n’est qu’une apparence et que la vie éternelle de la Volonté n’est pas détruite par sa disparition. […] Non, car c’est seulement en leur donnant notre âme qu’elles acquièrent le pouvoir de continuer à vivre : c’est notre sang qui les fait parler à nous.

2422. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Je ne peux pas vivre sans l’avoir593. » Et lorsque Fidelia revient lui disant qu’Olivia l’a embrassée, de force, avec un emportement d’amour : « Son amour ! […] Entre ces poëtes, au premier rang, est Edmund Waller, qui vécut et écrivit ainsi jusqu’à quatre-vingt-deux ans : homme d’esprit et à la mode, bien élevé, familier dès l’abord avec les grands, ayant du tact et de la prévoyance, prompt aux reparties, difficile à décontenancer, du reste personnel, de sensibilité médiocre, ayant changé plusieurs fois de parti, et portant fort bien le souvenir de ses volte-faces ; bref, le véritable modèle du mondain et du courtisan. […] VI Quatre écrivains principaux établissent cette comédie ; Wycherley, Congrève, Vanbrugh, Farquhar628, le premier grossier et dans la première irruption du vice, les autres plus rassis, ayant le goût de l’urbanité plutôt que du libertinage, tous du reste hommes du monde et se piquant de savoir vivre, de passer leur temps à la cour ou dans les belles compagnies, d’avoir les goûts et la carrière des gentilshommes. « Je ne suis pas un écrivain, disait Congreve à Voltaire, je suis un gentleman. » En effet, dit Pope, « il vécut plus comme un homme de qualité que comme un homme de lettres, fut célèbre pour ses bonnes fortunes, et passa ses dernières années dans la maison de la duchesse de Marlborough. » J’ai dit que Wycherley, sous Charles II, était un des courtisans les plus à la mode. […] Après tout, si la vraie comédie ne peut vivre qu’en certains siècles, la comédie ordinaire peut vivre dans tous les siècles.

2423. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Homme de logique, il s’imaginait en avoir fini avec les hérétiques pour avoir acculé l’hérésie à une contradiction : il ne pensait pas que, pour vivre, l’hérésie s’adapterait à cette contradiction, et se transformerait en la supprimant. […] Au travers de la controverse, l’histoire ressuscite le passé ; les hommes apparaissent : Calvin, Luther, Bucer vivent dans des portraits où l’on reconnaît la main d’un ennemi, mais d’un ennemi singulièrement clairvoyant ; il y a surtout un admirable livre où les angoisses, les incertitudes de Mélanchthon sont exposées, et qui est d’un bout à l’aulte une des plus belles études d’âmes qu’on ait faites.

2424. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Il commence à comprendre qu’il a vécu jusqu’à ce jour comme un fou sans mémoire et sans conscience. […] Non plus, car celle-ci se meut sur un terrain diamétralement opposé, celui de l’affirmation de la Volonté de vivre.

2425. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Or des êtres qui n’auraient pas éprouvé des effets d’aversion ou d’inclination en présence des choses « inattendues » n’auraient pu vivre : il faut avant tout que leur volonté réagisse à l’égard des objets, soit pour s’en approcher, soit pour s’en écarter. […] Ceux qui vivent de la même vie, ceux dont les cœurs ont toujours battu du même battement, finissent souvent par acquérir un type commun de physionomie.

2426. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent.

2427. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Le voyageur qui se sent entraîné par son instinct vers des lieux inconnus, se dit que ce sont certainement d’anciennes patries qu’il va revoir : J’habitai, je le sais, dans d’autres existences Ces pays radieux, et je suis convaincu Que je sais retrouver, à travers les distances, Tous les endroits certains où j’ai déjà vécu.

2428. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Il continue et prolonge cette conversation par lettres avec Saint-Vincens, sur les sentiments de différente sorte et les troubles qui agitent une âme à la vue des derniers moments : On ne saurait tracer d’image plus sensible que celle que tu fais d’un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, persuadé de leur innocence par la liberté, la durée, ou la douceur de leur usage, et qui est rappelé tout d’un coup aux préjugés de son éducation, et ramené à la foi, par le sentiment de sa fin, par la terreur de l’avenir, par le danger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui.

2429. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Peut-on s’étonner que les nations s’identifient avec les figures de héros qui ont ainsi vécu et lutté jusqu’à l’extrémité pour leur grandeur, et qu’elles disent dans leur enthousiasme d’instinct et par une de ces raisons du cœur, supérieures à la raison même : Eux, c’est moi !

2430. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Vivre et mourir comme ces hommes du devoir et de la patrie, cela ne vaudrait-il pas mieux que de se livrer, comme de nouveaux Byzantins, à des luttes académiques acharnées, à des douzième et treizième tours de scrutin sans résultat, qui obligent à la nuit tombante les deux armées à dormir en quelque sorte épuisées sur le champ de bataille ?

2431. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Madeleine se célèbre elle-même et sa manière de vivre : « Gracieuse aux uns, aux autres rieuse, jamais je ne me tiens à un seul », dit-elle ; et ses suivantes de l’approuver et de l’applaudir : Vous ne devez point avoir honte De recevoir en votre hôtel Tout homme, pourvu qu’il soit tel Que par lui vous n’ayez diffame pourvu que vous n’en soyez pas compromise. — C’est déjà la maxime relâchée du joli conte de Gertrude, par Voltaire : Les plus honnêtes gens y passèrent leur vie ; Il n’est jamais de mal en bonne compagnie.

2432. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Ce fils de Foucault brouillon, fou, fripon, qui se fit chasser de partout, ne laissa pas de vivre jusqu’à quatre-vingt-seize ans, l’âge du plus sage des Nestors.

2433. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Duveyrier78 S’il y a une chose évidente et certaine, c’est que l’homme en ce siècle est de plus en plus occupé de cette terre, du globe qu’il habite et de la manière d’y vivre le mieux possible, de l’exploiter le plus largement, de le maîtriser, de le posséder, de l’embellir aussi et de l’illustrer par des prodiges de créations civiles, scientifiques, industrielles.

2434. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Il était fort bien avec Benjamin Constant ; venus de bords différents et marchant sous des drapeaux en apparence opposés, ayant eu l’un et l’autre leurs faux pas et leurs volte-face (l’un son 31 mars, l’autre son 20 mars), ils se dédommageaient en se faisant mutuellement les honneurs chacun de son parti ; ils excellaient tous deux à passer au fil de leur esprit les choses et les hommes au milieu desquels ils avaient vécu et dont ils n’avaient eu qu’à se louer médiocrement.

2435. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

On finit par apprendre qu’ayant reçu des menaces de mort réitérées, M. de Talleyrand avait craint que le Clergé ne le fît assassiner ce jour-là, et qu’il avait écrit cette lettre, mais en donnant des ordres pour qu’elle ne fût remise que dans la soirée, ayant l’intention de la reprendre s’il vivait encore avant la fin du jour, ce que son trouble lui aura fait oublier. » (Mémorial de Gouverneur-Morris, tome I, p. 308.)

2436. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Mais c’est sur eux, la plupart, que nous vivons dans cette série dès longtemps entreprise ; ce sont eux qui formeront en définitive le corps de réserve et d’élite de la poésie du dix-neuvième siècle contre le choc du formidable avenir, et qui montreront que les gloires de quelques-uns n’ont pas été des exceptions ni des accidents.

2437. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur !

2438. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

Le bonheur ne court pas le monde ; Il faut vivre où l’on est heureux.

2439. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Il faut avoir vécu contemporain d’une révolution religieuse ou politique, pour savoir quelle est la force de cette passion.

2440. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Aujourd’hui, entre le régime de la communauté et celui de la franche séparation, nous vivons nécessairement une phase transitoire, où les articles commerciaux affectent encore des prétentions à l’art, où les clients affichent encore des attentions à la littérature.

2441. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

La société ne peut vivre que s’il existe entre ses membres une suffisante homogénéité.

2442. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Elle consiste dans la persistance des impressions mentales, après la disparition de l’agent externe ; nous pouvons vivre une vie en idées qui s’ajoute à la vie actuelle.

2443. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Nous ne vivons plus pour la joie de l’instant, mais pour nous « surmonter », pour désirer et causer notre propre « déclin », pour nous donner à l’avenir et à la création du surhomme.

2444. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Et quand on y songe qui ne frémirait, en effet, à cette idée de vivre peut-être au milieu d’une race de dieux implacables parmi des êtres qui lisent peut-être couramment dans notre pensée, quand la leur se cache pour nous sous une triple armure de diamant !

2445. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Crozat, celui-ci lui dit un jour : Mon père, votre morale m’effraye, mais votre façon de vivre me rassure.

2446. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

Je n’apporte pas ici l’ambition de faire vivre et respirer sous vos regards le grandiose tableau qu’André Chénier a laissé dans l’ombre.

2447. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Le solitaire de la vallée aura-t-il été doué d’intelligence pour saisir les traits principaux du siècle où nous vivons ?

2448. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Et à commencer par son roman intitulé Lui, ce scandale, imité d’un autre scandale, dont les personnages, aux noms seulement défigurés pour qu’on les reconnaisse tous, ne vivent plus maintenant, à l’exception d’un seul… Ce qui prouve la radicale nullité des femmes, en fait d’invention, c’est qu’elles n’ont dans la tête qu’un roman et c’est le leur, celui de leur vie : Mme Golet n’a pas fait exception à cette loi.

2449. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Ce qui persiste et ce qui tend à persister, ce ne sont pas les individus, c’est l’espèce, c’est-à-dire la forme abstraite ou idéale commune à tous les individus, et les individus ne vivent, ne naissent et ne se remplacent que parce que cette forme tend à subsister.

2450. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

« Auguste, dit Suétone, monté sur une galère, traversant le golfe de Naples et longeant la ville de Pouzzoles, fut salué de tous les points du rivage par les passagers et les matelots d’un navire venu d’Alexandrie, qui, tous couronnés de fleurs, s’écriaient, au milieu de l’encens des sacrifices : Par toi, César, nous vivons ; par toi, César, nous naviguons ; par toi, César, nous sommes libres et riches.

2451. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Vous pouvez vivre trois jours sans pain ; — sans poésie, jamais ; et ceux d’entre vous qui disent le contraire se trompent : ils ne se connaissent pas. […] À mesure que l’astre du jour se dérange, les tons changent de valeur, mais, respectant toujours leurs sympathies et leurs haines naturelles, continuent à vivre en harmonie par des concessions réciproques. […] J’ai entendu dire à un poëte ordinaire de la Comédie-Française que les romans de Balzac lui serraient le cœur et lui inspiraient du dégoût ; que, pour son compte, il ne concevait pas que des amoureux vécussent d’autre chose que du parfum des fleurs et des pleurs de l’aurore. […] Horace Vernet : Vous n’avez qu’un temps à vivre, Ami, passez-le gaiement.

2452. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Il faut avoir été élevé et avoir vécu dans les laboratoires pour bien sentir toute l’importance de tous ces détails de procédés d’investigation, qui sont si souvent ignorés et méprisés par les faux savants qui s’intitulent généralisateurs. […] Ces parties vivent et se nourrissent, et la nutrition engendre et conserve leurs propriétés, ce qui fait qu’elles ne peuvent être séparées de l’organisme sans perdre plus ou moins rapidement leur vitalité. […] Les poissons dans la profondeur des mers vivent quelquefois sous une pression considérable. […] De même que l’organisme ne peut vivre que par le concours ou par la manifestation normale des propriétés d’un ou de plusieurs de ses éléments vitaux, de même l’organisme ne peut devenir malade que par la manifestation anormale des propriétés d’un ou de plusieurs de ses éléments vitaux. […] J’ai donc fait des théories plus ou moins hypothétiques sur la glycogénie ; depuis moi, on en a fait d’autres : mes théories, ainsi que celles des autres, vivront ce que doivent vivre des théories nécessairement très partielles et provisoires quand on est au début d’une nouvelle série de recherches.

2453. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Des animaux ainsi préparés peuvent vivre longtemps, et, quand la circulation subsiste, « l’excitabilité réflexe, d’une partie séparée de la moelle peut persister presque indéfiniment » ; on l’a vu durer trois mois et même plus d’un an. Chaque segment est donc une sorte d’animal complet, capable d’être excité et de réagir par lui-même, capable même de vivre isolément, si, comme chez les animaux inférieurs et notamment chez les annelés, la dépendance mutuelle des segments n’est pas trop grande149. — On ne finirait pas si l’on voulait énumérer tous les cas de l’action réflexe. […] Cas analogue d’un enfant de quatre ans et demi dont une balle avait traversé les deux tempes, et qui vécut encore vingt-six jours, jouissant de tout l’ensemble de ses facultés intellectuelles, mémoire entière, jugement sain, caractère semblable à celui qu’il avait avant l’accident.

2454. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il y a des répétitions sans nombre ; une morale longue & souvent puérile, & un défaut de philosophie qui n’est pas excusable dans le siécle où nous vivons. […] L’écrivain a eu l’avantage de vivre avec tous les gens dont il parle, & il avoit trop de pénétration, pour ne les pas bien connoître. […] Car il est plus intéressant de connoître ceux qui vivent de notre tems, que ceux qui ont vêcu deux mille ans avant nous.

2455. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Hors de ces deux cas, la parole intérieure est constante ; nous ne pensons pas, et, par suite, nous ne vivons pas sans elle. […] Egger parle de « sonnet bouddhiste » et d’aspiration au « nirvana » : voir en effet le premier quatrain (« Dans la sphère du nombre et de la différence,/ Enchaînés à la vie, il faut que nous montions,/Par l’échelle sans fin des transmigrations, / Tous les degrés de l’être et de l’intelligence »), puis les deux tercets qui commencent par le vers cité (« Le silence, l’oubli, le néant qui délivre,/ Voilà ce qu’il me faut ; je voudrais m’affranchir /Du mouvement, du lieu, du temps, du devenir ; // Je suis las, rien ne vaut la fatigue de vivre, / Et pas un paradis n’a de bonheur pareil, / Nuit calme, nuit bénie, à ton divin sommeil »). […] Disciple de Rousseau, qu’il n’a pas lu, Laurent L… vivait seul, en 1865, en pleine forêt, poursuivant l’idéal de la vie de nature, étrangère à toute industrie.

2456. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il peut vivre au milieu de ces diversités, de ces trente rayons d’une petite bibliothèque choisie, sans faire un choix lui-même et en touchant à tout : voilà ses délices. […] Mais ce qui sauva surtout Nodier et le lira hors de pair d’entre tous ces faux modèles secondaires auxquels il faisait trop d’honneur en s’y attachant, et qui ne devaient bientôt plus vivre que par lui, c’est tout simplement le talent, le don, le jeu d’écrire, la faculté et le bonheur d’exprimer et de peindre, une plume riche, facile, gracieuse et vraiment charmante, et le plaisir qu’il y a, quand on en est maître, à laisser courir tout cela.

2457. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Il y a en ce moment un certain nombre d’hommes, d’animaux, de plantes qui vivent sur la terre. […] Nous construisons l’utile, le beau et le bien, et nous agissons de manière à rapprocher les choses, autant que possible, de nos constructions. — Par exemple, étant données des pierres éparses et brutes, nous les supposons équarries, transportées, empilées à l’endroit où nous voulons habiter, et, conformément à l’idée du mur ainsi construit, nous construisons le mur réel qui nous préservera du vent. — Étant donnés les hommes qui vivent autour de nous, nous sommes frappés d’une certaine forme générale qui leur est propre ; nous remarquons à un plus haut degré, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, les signes extérieurs de telle qualité ou disposition bienfaisante pour l’individu ou pour l’espèce, agilité, vigueur, santé, finesse ou énergie93 ; nous recueillons par degrés tous ces signes ; nous souhaitons contempler un corps humain en qui les caractères que nous jugeons les plus importants et les plus précieux se manifestent par une empreinte plus universelle et plus forte, et, s’il se trouve un artiste chez qui ce groupe de conditions conçues aboutisse à une image expresse, à une représentation sensible, à une demi-vision intérieure, il prend un bloc de marbre et y taille la forme idéale que la nature n’a pas su nous montrer. — Enfin, étant donnés les divers motifs qui poussent les hommes à vouloir, nous constatons que l’individu agit le plus souvent en vue de son bien personnel, c’est-à-dire par intérêt, souvent en vue du bien d’un autre individu qu’il aime, c’est-à-dire par sympathie, très rarement en vue du bien général, abstraction faite de son intérêt ou de ses sympathies, sans plus d’égard pour lui-même ou pour ses amis que pour tout autre homme, sans autre intention que d’être utile à la communauté présente ou future de tous les êtres sensibles et intelligents.

2458. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

… Je vivais heureuse de mon sort, aimée, jeune, riche, honnête et belle ; je suis maintenant avilie, misérable, malheureuse… Mon père allait assister à quelque tournoi dans la ville de Bayonne ; parmi les chevaliers qui venaient pour y figurer, soit qu’Amour me le fît ainsi apparaître, soit que sa valeur éclatât d’elle-même en lui, le seul Zerbin me sembla digne de louange ; c’était le fils du grand roi d’Écosse, « Pour lequel, après qu’il eut donné dans la lice des preuves merveilleuses de sa chevalerie, je me sentis prise d’amour, et je ne m’aperçus que trop tard que je n’étais plus à moi-même ; et, malgré tout ce que je souffre pour lui, je ne puis m’arracher de l’esprit que je n’avais pas mal placé mon cœur, mais que je l’avais donné au plus digne et au plus beau des paladins qui soit sur la terre. » Elle raconte comment ils s’aimèrent. […] Ce tourbillon de beauté, de grâce, de bonté, de familiarité charmante dans lequel j’avais vécu quelques semaines à la villa, m’enlevait sans résistance de ma part, sans effort de la part de Léna, comme une feuille de ses jardins enlevée sous ses pas par le vent de mer.

2459. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

On le trouvait clément quand il laissait vivre ; on avait si bien vu comme il lui était facile de faire mourir !  […] Ce fut là qu’elle vécut pendant ces deux dernières années où la fortune de Napoléon, s’écroulant pièce à pièce aussi rapidement qu’il l’avait construite, coalisa l’Europe soulevée contre lui et vengea, par l’invasion de Paris, l’invasion de tant de capitales.

2460. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

» La causerie se promène sur les uns et les autres de notre monde, sur la difficulté de trouver des gens avec lesquels on puisse vivre, et qui ne soient ni tarés, ni insupportables, ni bourgeois, ni mal élevés. […] Ce soir, il nous reste de tout cela une lointaine vision, la réminiscence d’une matinée qu’il nous semble plutôt avoir rêvée que vécue.

2461. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Ma mère, qui est de Paris et qui a été élevée à la cour, nous a transmis les goûts et les sentiments délicats du monde où elle a vécu dans son premier âge. […] Pendant ce massacre, une sœur d’Ochosias, qui vivait dans l’intérieur du temple, était parvenue à sauver un de ses neveux, le petit Joas, encore à la mamelle.

2462. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Je ne te demande pas des vivres, j’en ai pour aller plus loin, et quand j’en manquerais, mon arc et mes flèches m’en fourniraient plus qu’il ne m’en faut. […] Que j’ai peu vécu !

2463. (1739) Vie de Molière

Le maréchal de Vivonne, connu par son esprit et par son amitié pour Despréaux, allait souvent chez Molière, et vivait avec lui comme Lélius avec Térence. […] Le feu duc de Sully, le dernier prince de Vendôme, l’abbé de Chaulieu, qui avaient beaucoup vécu avec Chapelle, m’ont assuré que toutes ces historiettes ne méritaient aucune créance.

2464. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Ses personnages, au lieu de vivre, de marcher et de se développer par leurs actions mêmes, s’arrêtent, se regardent, et se font regarder en nous ouvrant des jours secrets sur la préparation anatomique de leur cœur.

2465. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

« Vivent les malingres ! 

2466. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Là on trouve les noms, les dates, les événements, tout ce qui circonstancie et qui fait vivre.

2467. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Celui des trois qui serait le plus capable de vivre à Morfontaine, c’est moi.

2468. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Saint-Amant était dominé par son humeur, par son tempérament : homme de plaisir et de table, il vivait avec des grands seigneurs qu’il égayait, dont il animait les festins et bombances, et l’improvisation devint bientôt sa seule muse.

2469. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Elle en voulait au ciel de Paris, « ce gris de fer que vous voyez, qui vous déplaît et vous fait tant de mal à l’âme, écrivait-elle à un ami de son frère… Peut-être il aurait vécu davantage, se serait guéri dans cette douce chaleur, car l’air fait la vie.

2470. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le maréchal, bien qu’il eût de l’amitié pour Villars et qu’un jour, qu’il le voyait en habit brodé d’or s’exposant sur une brèche, il s’échappa jusqu’à lui dire : « Jeune homme, si Dieu te laisse vivre, tu auras ma place plutôt que personne », ne fit point dans le cas présent ce qu’il désirait : « Et cela fut heureux pour le marquis de Villars, ajoutent les Mémoires ; car d’être demeuré dans cette brigade lui valut d’avoir la meilleure part à quatre actions considérables qui se passèrent dans le reste de cette campagne. » Ce petit désagrément, qui tourna si bien, servit dans la suite à le persuader tout à fait de sa bonne chance et le guérit pour toujours de demander ni même, à ce qu’il assure, de désirer d’être plutôt dans un corps que dans un autre.

2471. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Comment vivait en ce temps-là un gentilhomme qui était au service ?

2472. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

En 1833, Guérin, ce Breton d’adoption et qui était alors bien plus Breton de génie et d’âme que Brizeux, vivait donc en plein de cette vie rurale, reposée, poétique et chrétienne, dont la sève montait à flots dans son talent et s’épanchait avec fraîcheur dans ses pages secrètes.

2473. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

sans doute, vivre est une belle chose, puisqu’une vie aussi peu fortunée me laisse pourtant des regrets.

2474. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

 » Si Casimir Perier avait vécu, on se figure bien M. 

2475. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Quelque chose de l’esprit sinon républicain, du moins philosophique de ces ardentes années, vivait pourtant en lui.

2476. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Nos propriétaires ruraux ont fort amélioré et réhabilité depuis quelques années la race porcine : j’ai entendu là-dessus, de la part de gens d’esprit qui vivent dans leurs terres, plus d’une dissertation piquante.

2477. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Quelles sont les branches mortes, quelles sont celles qui ne demandent qu’à être délivrées et à vivre ?

2478. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante,    Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle.

2479. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Il se regardait, selon sa magnanime expression, « comme une des nombreuses vagues avant-courrières qui doivent se briser et mourir sur le rivage avant que la marée soit haute. » Dans son ambition modeste et mâle, il n’ambitionnait que « la fosse du soldat », Le premier et le plus glorieux des philhellènes, il se montra, dans le court espace de temps qu’il lui fut donné de vivre encore et d’être à l’œuvre, homme d’action et homme pratique, d’une générosité judicieuse, propre à l’organisation et au commandement.

2480. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Reinhard : « Il m’a été très-agréable de causer avec un homme qui a vécu si longtemps avec vous, et qui par vous a tant gagné. » Mais, de son côté, M. 

2481. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

On partait chaque printemps ; chaque fleur de génération, chaque élite nouvelle s’envolait à son tour à travers le monde et par les vastes espaces de la terre habitable, comme disait Homère : on allait tout droit devant soi, au hasard, à la découverte, selon les versants et les pentes, à la rencontre d’un meilleur climat, d’un plus beau soleil, en quête des terres fécondes, des moissons et des vignes là où il y en avait ; on avait pour droit sa passion, sa jeunesse, l’impossibilité de vivre où l’on était, — le droit du plus jeune, du plus fort, du plus sobre, sur les races voluptueuses et amollies.

2482. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

On se retrouvait, on vivait.

2483. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Soudain Ariel ou Puck, Scapin ou Dorine, Chérubin ou Fenella, merveilleux lutins, messagers malicieux et empressés, s’agiteront autour du maître, le tirailleront de mille côtés pour qu’il prenne garde à leurs êtres chéris, à leurs amants séparés, à leurs princesses malheureuses ; ils les évoqueront devant lui, comme dans l’Élysée antique le devin Tirésias, ou plutôt le vieil Anchise, évoquait les âmes des héros qui n’avaient pas vécu ; ils les feront passer par groupes, ombres fugitives, rieuses ou éplorées, demandant la vie, et, dans les limbes inexplicables de la pensée, attendant la lumière du jour.

2484. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Quand il eut quitté la France en 1712, et durant les trente années dignes de pitié qui succédèrent aux trente années dignes d’envie, Rousseau, successivement protégé du comte du Luc, du prince Eugène, du duc d’Aremberg, dut travailler sur lui-même pour mériter ces faveurs dont il vivait et rétablir sa réputation compromise.

2485. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Nous marcherons plus vite que nos ancêtres, parce qu’à la tête des hommes sans éducation il se trouve quelquefois des esprits remarquablement éclairés, parce que le siècle où nous vivons, la découverte de l’imprimerie, les lumières du reste de l’Europe doivent hâter les progrès de la classe nouvellement admise à la direction des affaires politiques ; mais l’on ne saurait prévoir encore par quel moyen la guerre des anciens possesseurs et des nouveaux conquérants sera terminée.

2486. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience.

2487. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

18° Droit de bordelage (le seigneur est héritier, sauf lorsque les enfants du mort vivaient avec le mort au moment du décès).

2488. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Qu’on en détache encore la tête, et ce segment isolé vivra pendant près d’une heure avec son seul ganglion ; il agitera ses longs bras et saura très bien les tourner contre les doigts de l’expérimentateur qui tient le tronçon, et y imprimer douloureusement leur crochet. » Descendons encore d’un pas, la pluralité foncière de l’animal deviendra manifeste173.

2489. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

Nous ne vivons que par parcelles, et la moitié de nous-mêmes est toujours écoulée, tandis que l’autre est à venir.

2490. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Et déjà la technique assure à ces œuvres une perfection qui les fasse durer ; je n’ai pas besoin de citer ce que tout le monde connaît : Mignonne, allons voir si la rose, ou Nous vivons, ma Panias, ou Quand vous serez bien vieille ou l’Elégie contre les bûcherons de la forêt de Gâtine et mainte autre pièce.

2491. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

L’honnête Université, offrant Plutarque et Tite-Live à l’admiration des jeunes gens destinés à vivre dans une monarchie absolue, a cultivé en toute simplicité de cœur les ferments révolutionnaires dont la puissance apparaîtra après 1789.

2492. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Une forte, fine psychologie, vécue et sentie, non livresque et scénique, d’où l’émotion sortait d’elle-même sans violences et sans ficelles, voilà le mérite éminent des trois œuvres principales976 qu’il a écrites, où par surcroît il a mis toutes les grâces de son esprit et sa forme exquise de style : Révoltée, d’abord, où des parties supérieures semblaient réaliser soudain le théâtre qu’on cherchait, expression intense et simple de la vie intérieure : le Député Leveau (1891), étude vraie encore, peut-être plus facile et plus grosse ; le Mariage blanc (1891), hypothèse psychologique d’une infinie délicatesse et d’une profondeur morale qui ont été méconnues.

2493. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

.) — Alphonse Daudet a conçu et fait vivre vingt personnages d’une vérité plus rare que Tartarin, d’une observation plus difficile, plus aiguë, plus curieuse ; et peut-être est-ce du seul Tartarin que les siècles se souviendront.

2494. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Ils ne le deviennent que s’ils vivent assez longtemps pour voir ce qu’ils ont apporté de révolutionnaire fonder une nouvelle tradition.

2495. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Il est temps d’en venir aux conclusions que nous avons eues principalement en vue en traçant cet aperçu historique, et de préciser ce que cet art exotique, après avoir si longtemps habité et vécu parmi nous, a transmis et pour ainsi dire infusé à la comédie de Molière et par conséquent à notre comédie française.

2496. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Le peintre Gauguin, surnommé « le peau rouge », Vrai sauvage égaré dans la ville de pierre, incapable de s’adapter à notre civilisation, aspirait à retourner vivre dans les îles du Pacifique et papouanisait avec la négresse qu’il avait ramenée de Tahiti.

2497. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Forcé dans la suite d’implorer la protection des princes d’Italie, il vécut dans différentes cours et mourut en 1321, âgé de cinquante-six ans, chez Gui de Polente, prince de Ravenne.

2498. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Ce jour-là, La Fare raconte qu’il ramena de Saint-Cloud M. de Tréville, un des amis particuliers de Madame, un de ceux dont elle appréciait le plus l’esprit fin, un peu subtil et extrêmement orné : « Tréville, que je ramenai ce jour-là de Saint-Cloud, et que je retins à coucher avec moi, pour ne le pas laisser en proie à sa douleur, en quitta le monde et prit le parti de la dévotion, qu’il a toujours soutenu depuis. » Mme de La Fayette elle-même, depuis qu’elle eut perdu Madame, se retira de la Cour et vécut avec M. de La Rochefoucauld de cette vie plus particulière qu’elle ne quitta plus.

2499. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

S’interposant entre l’Assemblée peu belliqueuse en principes (car elle était en majorité composée de quakers) et le général anglais, il avait procuré des chariots, des vivres, avait contracté des marchés, et s’était constitué le fournisseur de l’armée sans autre motif que de sauver au pays des exactions militaires et de faire son devoir de sujet fidèle.

2500. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

L’abbé Barthélemy, dans les dernières années de Louis XVI, privé du salon de Mme de Choiseul et ne pouvant vivre sans habitude, passait sa vie chez Mme de La Reynière.

2501. (1903) Zola pp. 3-31

Les romantiques vivent dans l’imagination comme le poisson dans l’eau et ont la crainte de la vérité comme le poisson de la paille.

2502. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

D’excellents poètes ont vécu de mon temps, il y en a eu de meilleurs encore avant moi, et il n’en manquera pas de plus grands parmi ceux qui nous succéderont ; mais que, dans la difficile question de la lumière, je sois le seul de mon siècle qui sache la vérité, voilà ce qui cause ma joie et me donne la conscience de ma supériorité sur un grand nombre de mes semblables. » Ce n’est pas à dire pourtant que Gœthe lut sans valeur au point de vue scientifique.

2503. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Malade de la névrose épileptique, ayant passé en sa jeunesse par le choc effroyable d’une condamnai ion à mort, et gracié les pieds sur l’échafaud, pour aller traîner des années dans un bagne en Sibérie avec toute la vermine d’une société primitive, il vécut ensuite sous le ciel, « saturé d’encre », de Saint-Pétersbourg, et promena dans cette sombre ville, dure aux pauvres, sa silhouette râpée.

2504. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

La nature a diversifié les êtres en froids, immobiles, non vivants, non sentants, non pensants, et en êtres qui vivent, sentent et pensent.

2505. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Tu vivrais honoré au centre de ta famille, si tu avais été jugé par les règles, et tu as péri et tu étais innocent, bien que tu fusses et que tu étais réputé coupable et par tes juges, et par la multitude de tes compatriotes. ô juges !

2506. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Ce ne sont pas les particules non-vivantes de la cellule qui se nourrissent, se reproduisent, en un mot, qui vivent ; c’est la cellule elle-même et elle seule.

2507. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Encore que ce soit l’essentielle qualité du dramatiste de se transformer en les personnages les plus différents et de vivre en eux ; encore que le dramatiste ne soit rien s’il n’est pas objectif, cependant le subjectif reste et c’est à l’accent que le subjectif se reconnaît.

2508. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

« Dieu, comme dit Moïse, a fait le soleil, la lune, les astres, pour le service de toutes les nations qui vivent sous le ciel. » Mais n’oublions pas que si chaque chose produit une révélation, les sociétés humaines sont les dépositaires naturelles et impérissables de ces révélations successives et continues.

2509. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

VII Dieu qui a voulu que les hommes vécussent en société, et qui a voulu, en même temps, que le genre humain fit un seul tout, a employé divers moyens pour remplir et voiler ce but.

2510. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Rien enfin de tous ces affreux lieux communs qui traînent leurs haillons dans tous les livres de ces derniers vingt ans du xixe  siècle, rien de tout cela, mais une femme vraie et vivante, une femme prise au tas de la société dans laquelle nous avons le bonheur de vivre !

2511. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

De ces idées les unes ont été engendrées par la thèse du parallélisme elle-même ; d’autres au contraire, antérieures à elle, ont poussé à l’union illégitime d’où nous l’avons vue naître ; d’autres enfin, sans relations de famille avec elle, ont pris modèle sur elle à force de vivre à ses côtés.

2512. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Cousin s’enfonce dans ces noires galeries, il songe au retour, et d’un élan, sans qu’on s’y attende, le voilà remonté dans la philosophie, dans la haute histoire, dans le grand style, dans le monde supérieur où il eût dû toujours vivre, et qui est le seul digne de sa science et de son talent.

2513. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Il a beaucoup vécu à Rome, il est vrai, et il y est mort ; mais il a aussi travaillé en France, et presque toujours pour la France. […] Le temps a terni leur couleur, qui n’a jamais été bien éclatante ; mais il n’a rien pu sur ce qui les fera vivre à jamais, le dessin, la composition et l’expression. […] Le plus âgé, un genou en terre, lit ces mots gravés sur la pierre : Et in Arcadia ego, et moi aussi j’ai vécu en Arcadie. […] Il a consacré son talent à la France, il y a vécu, il y est mort, et, ce qui est décisif, sa manière est toute française. […] Les portraits de Champagne sont autant de monuments où vivront à jamais ses plus illustres contemporains.

2514. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Théocrite n’était plus sans doute dans cet état d’innocence et de naïveté dont il nous a reproduit plus d’un tableau ; il venait à la fin d’une littérature très-cultivée ; il vivait, dit-on, à la cour des rois. […] C’est ainsi du moins que trouvait moyen de vivre le Cyclope notre compatriote, l’antique Polyphème, lorsqu’il était amoureux de Galatée, à l’âge où le premier duvet lui couvrait à peine la lèvre et les tempes.

2515. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

La mort de son père avait profondément attristé Mozart ; il ne savait à qui offrir la joie de ses triomphes ; il reportait sur sa femme, Constance, et sur ses quatre petits enfants toute sa tendresse ; il vivait d’amour conjugal et d’amour paternel comme il avait vécu, plus jeune, d’amour filial et d’amour fraternel ; il n’avait encore que trente et un ans, et déjà il ne tenait plus à la vie que par ses rejetons.

2516. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Le pewee ou gobe-mouche brun Les détails dont se compose la biographie de ce gobe-mouche sont, pour la plupart, si intimement unis avec les particularités de ma propre histoire, que, s’il m’était permis de m’écarter de mon sujet, ce volume serait consacré bien moins à la description et aux mœurs des oiseaux qu’aux impressions de jeunesse d’un homme qui a vécu, longues années, de la vie des bois, en Amérique. […] Partout où j’ai rencontré de ces vénérables patriarches des forêts, que la décadence et l’âge avaient ainsi rendus habitables, j’ai toujours trouvé des nids d’hirondelles qui elles-mêmes continuaient d’y vivre jusqu’au moment de leur départ.

2517. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Nous voulons qu’ils étudient les écrits de Wagner ; qu’ils apprennent à voir en lui plus qu’un simple musicien, un profond penseur ; qu’ils subissent ainsi l’influence de cet homme dont l’effort principal (quoique peu connu) a été de montrer que l’art est la chose la plus sainte, et le théâtre un lieu où peuvent vivre de la vie intense de l’art les plus profondes passions et les émotions les plus cachées, Y a-t-il au monde quoi que ce soit qui puisse influencer plus salutairement un artiste que le spectacle de cette vie virile tout entière vouée à un idéal, et de ce prodigieux effort vers la réalisation de cet idéal ? […] La musique dramatique a pour rôle ce seconder, de multiplier, de développer en la fécondant, de faire vivre en un mot l’expression partout où elle se trouve, qu’elle provienne du geste ou de la plastique, du décor ou du mot.

2518. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

. — « Je pleure, leur dit-il, parce que mon cœur s’est ému de pitié, en pensant combien est brève toute vie humaine, puisque de tous ceux qui sont là, si nombreux qu’ils sont innombrables, nul ne vivra encore dans cent ans. » C’est ce qu’aurait pu dire le Bouddha indien, s’il avait vu défiler l’armée d’Alexandre, assis au pied du figuier sauvage sous lequel il méditait le Néant divin. […] J’ai voulu vous faire voir la folie du Mède qui, habitué à un tel régime, est venu pour nous conquérir, nous qui vivons et mangeons ainsi. » — Un Athénien aurait dit de même.

2519. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Le soir, nous espérions, pour nous remettre, nous rasséréner, nous fortifier dans le découragement de la santé et la lassitude de l’effort à vivre, quelques paroles aimables, quelques banalités complimenteuses qui pansent les hommes de lettres. […] 6 mars Jours de tristesse et de découragement, où l’on se couche dans la journée, pour la vivre moins longue.

2520. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et dans la réverbération brûlante des deux fleuves, ivre de lecture et d’alcool sucré, — et myope comme il l’était — l’enfant arrivait à vivre, ainsi que dans un rêve, une hallucination, où, pour ainsi dire, rien de la réalité des choses ne lui arrivait. […] Lundi 17 août Le caractère des heures de découragement, c’est de vivre rencogné dans l’heure présente, la pensée comme ramenée sur elle-même, et retirée du champ de l’avenir, où elle est toujours à prendre le galop.

2521. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Au fond on n’a pas assez remarqué, qu’avant l’impressionnisme, la peinture du dix-huitième siècle a été une réaction contre le bitume, réaction amenée par les milieux clairs, dans lesquels vivait cette société. […] Mais je me suis complu dans ce sentiment, au charme indescriptible, d’une femme honnête menée au bord de la faute, et qu’on y laisse vivre avec la tentation et la peur de cette faute.

2522. (1894) Textes critiques

Filiger La banalité de la mode étant à qui parle d’art de répondre qu’il vaut mieux vivre (ce qui serait peut-être admirable si compris, mais tel quel, sans plus de conscience, gratté de la table de Faust, se redit depuis bien longtemps), il est permis, nos serfs pouvant suffisamment cette chose, d’exister dès maintenant en l’éternité, d’en faire de notre mieux provision, et de la regarder chez ceux qui l’ont su mettre en cage surtout discolore de la nôtre. […] Le temps est nécessaire parce que ceux qui sont plus âgés que nous — et que nous respectons à ce titre — ont vécu parmi certaines œuvres qui ont pour eux le charme des objets usuels, et ils sont nés avec une âme qui était assortie à ces œuvres, et garantie devant aller jusqu’en l’an mil huit cent quatre-vingt … et tant.

2523. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.

2524. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Le siècle dans lequel tous deux vivaient eut le mérite de faire cette distinction, et d’apprécier chacun sans les opposer l’un à l’autre : et aujourd’hui ceux qui triomphent de cette opposition et qui écrasent si aisément Bourdaloue avec Bossuet, l’homme de talent avec l’homme de génie, parce qu’ils croient se sentir eux-mêmes de la famille des génies, oublient trop que cette éloquence chrétienne était faite pour édifier et pour nourrir encore plus que pour plaire ou pour subjuguer.

2525. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

La pensée de d’Aubigné, c’est que dans le beau temps du calvinisme militaire en France, tout le monde combattait avec le même feu, avec un égal intérêt ; quand le chef manquait de vivres ou d’argent, il n’avait, pour retenir son monde, qu’à leur promettre un prochain combat de plus.

2526. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Nous vivions alors dans l’union et dans les sentiments les plus fraternels.

2527. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ce rêve qu’il décrit en détail et dont il nous donne toute la sensation et l’image, ce serait de passer tout un hiver seul cantonné sur ce haut mont, d’y avoir, sous un rocher capable de résister aux avalanches, une hutte assez solide et assez bien approvisionnée pour y vivre, et, là, spectateur curieux, observateur attentif, d’assister à des phénomènes qui n’ont jamais eu de témoin, de soumettre à des calculs, d’assujettir à des mesures le combat des éléments, la vitesse des vents, la puissance des neiges déplacées, les convulsions de l’air et de la terre : Non, s’écrie-t-il en se voyant à la place de l’observateur favorisé, non, ses jours ne seraient point livrés à l’ennui.

2528. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Il leur donna toutes les instructions essentielles pour pourvoir sur l’heure à la garde des portes, à la rentrée des blés, farines et vivres du dehors, et aux autres soins de la défense : pour lui, dévoré de la fièvre, il dut se retirer en son logis après cette harangue, et, son mal empirant, il fut quelques jours en danger de mort.

2529. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Ce dernier, comme Machiavel, autre philosophe profond et plein de réalité, a trop donné à son observation si pénétrante et si durable la marque particulière des temps où il a vécu et qu’il a traversés.

2530. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Au reste, sans être Santeul, on comprend la joie, l’enivrement presque légitime qui devait inonder son cœur lorsque lui, fragile, mais croyant et fidèle, perdu dans la foule, il entendait le chœur entier des lévites et de l’assistance entonner quelqu’une de ces hymnes aux nobles accents, dont l’une au moins, le Stupete gentes, a été comme touchée du souffle sacré et mérite, ce me semble, de vivre. — Dans ce vent soudain sorti du sanctuaire, et qui tend aujourd’hui à tout balayer de Santeul et à n’y rien laisser de sa mémoire, s’il était permis de faire entendre un humble vœu littéraire, je demanderais grâce pour une seule hymne de lui, et pour celle-là.

2531. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Les supérieurs en référèrent à l’archevêque de Paris, M. de Harlay, qui partagea leurs craintes et crut devoir proposer le cas à la Sorbonne : il fallut un avis en règle des docteurs pour que le père Gourdan obtint la permission de vivre à Saint-Victor d’une manière conforme aux constitutions primitives.

2532. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Soit disposition naturelle, soit effet des conjonctures où il avait vécu ae.

2533. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Le grand Condé vivait encore, mais bien affaibli de tête.

2534. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Le souvenir de Rigault mérite de vivre, et par ses écrits, et parce qu’il est le représentant d’une forme d’esprits, le dernier rejeton brillant d’une race qui, je l’espère, n’est pas près de finir, qui est un peu compromise pourtant dans son intégrité et sa rectitude, celle du parfait normalien, de l’universitaire pur.

2535. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Mais, pour être juste envers lui et envers Coppet, ajoutons bien vite que c’est le même homme qui, lorsqu’en juillet 1817 on rapportait les dépouilles de celle qui avait tout animé dans cette noble demeure, et qui, selon le mot de Byron, « l’avait rendue aussi agréable que lieu sur terre puisse le devenir par la société et par le talent », c’est le même Sismondi qui s’écriait dans sa douleur : « C’en est donc fait de ce séjour où j’ai tant vécu, où je me croyais si bien chez moi !

2536. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

. — Je t’ai formé ; maintenant, je te donnerai tels dons : — toujours tu peux vivre, si tu tiens mon sermon, — et tu seras sain et ne sentiras pas le frisson (la fièvre) ; — tu n’auras faim, par besoin ne boiras ; — tu n’auras froid, ni chaud ne sentiras. — Tu seras en joie, et jamais ne te lasseras, — et en déduit, ni douleur ne sauras. — Je te le dis à toi, et je veux qu’Ève l’entende ; — si elle ne l’écoute, elle s’afoloie (elle fait folie). — De toute terre avez la seigneurie, — d’oiseaux, de bêtes et de toute la maisnie. — Peu vous souciez de qui vous porte envie, — car tout le monde vous sera enclin et soumis. — En votre corps (votre personne) je mets le bien et le mal ; — qui a tel don n’est pas lié à un pal (à un pieu, — c’est-à-dire est libre), etc., etc… » On le voit, Dieu parle d’une manière bien enfantine : nous voilà tombés dans la rue et dans le populaire ; adieu la belle liturgie !

2537. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Walter Scott, le maître et le vrai fondateur du roman historique, vivait dans son Écosse, à peu de siècles, à peu de générations de distance des événements et des personnages qu’il nous a retracés avec tant de vie et de vraisemblance.

2538. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Tout le temps qu’en exil vivra mon Clinias, Je veux tirer de moi quelque bonne vengeance, Amasser, travailler sans la moindre dépense, Épargner pour lui seul. » Aussitôt fait que dit : Je jette tout dehors, jusqu’à mon dernier lit ; Je ressemble en un tas meubles, outils, vaisselle ; Servantes et valets, je vends tout pêle-mêle, Y compris la maison, sauf, toutefois, les gens Dont le travail pouvait m’indemniser aux champs ; Et, des quinze talents que j’en obtins à peine, Pour bien m’y tourmenter, j’achète ce domaine, Pensant que, plus j’endure et vis en me privant, Moins j’aggrave mes torts envers mon pauvre enfant.

2539. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

oui, il suffit de vivre et de continuer d’aller pour que peu à peu ces premières tristesses s’abattent, pour que tôt ou tard ces grands orages s’apaisent.

2540. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Ceux qui se flattent de vivre dans l’histoire sont la plupart le jouet d’une sorte d’illusion subtile : à quelques siècles de distance, et quelquefois dès le lendemain, les noms mêmes, les grands noms réputés le plus immortels, ne signifient plus l’être d’autrefois, tel qu’il a réellement été, mais bien ce que le font à leur gré les fantaisies ou les intérêts bruyants des générations successives.

2541. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Nous vivons dans une époque parlementaire ou approchant, dans une époque oratoire : on discute le budget ; il y a des discussions de chiffres ; eh bien !

2542. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Il vivait depuis quarante ans dans ce désert.

2543. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Dans de semblables occasions, il devait être défrayé par la république ; mais, comme la plupart des magistrats romains, il vivait partout aux dépens de ses hôtes.

2544. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Pour la partie historique de la Fortune des Rougon écrit-il à la suite de la déclaration précitée75, je me suis adressé au livre de Ténot sur les événements tragiques qui se passèrent dans le Var, en décembre 1851 ; et je me souviens que ce fut Jules Ferry qui me fournit les notes dont j’avais besoin pour faire vivre dans la Curée, les transformations de Paris du baron Haussmann.

2545. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Sans doute Salluste et Cicéron même n’étaient pas les plus grands caractères de l’époque où ils ont vécu : mais des écrivains d’un tel talent se pénétraient de l’esprit d’un si beau siècle ; et Rome vit tout entière dans leurs écrits.

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