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1917. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Gibbon, il est déclamatoire, oratoire ; c’est le ton de nos beaux esprits ; il n’y a que des ornements, de la parure, du clinquant, et point de fond ; je n’en suis qu’à la moitié du premier volume (de la traduction), qui est le tiers de l’in-quarto, à la mort de Pertinax. […] [NdA] Il écrivait cela à lord Sheffield dans un temps où ce dernier avait manqué sa réélection (11 mai 1784) ; Gibbon essayait, sans trop l’espérer, de le tirer à lui, et il lui disait ce mot qui était le fond de son cœur : « Si cet échec pouvait vous apprendre à rompre une bonne fois avec rois et ministres, et patriotes et partis, et Parlements, toutes sortes de gens pour lesquels vous êtes de beaucoup trop honnête, c’est pour le coup que je m’écrierais avec T… de respectable mémoire : “Bravo, mon cher !

1918. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

dans le fond, la Massoure où se sont perdus et enfoncés à bride abattue ces brillants aventureux de l’avant-garde ; des groupes partout épars dans la plaine, la mêlée engagée sur plus d’un point ; d’un côté cette masure et muraille où s’appuient Joinville et ses amis harcelés d’un essaim de Turcs ; dans le fond opposé, le canal ou fleuve dans lequel Sarrasins et chrétiens et leurs chevaux sont précipités pêle-mêle, noyés ou à la nage ; et au premier plan saint Louis, apparaissant sur une levéev, dans ce glorieux appareil de combat.

1919. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Depuis que les Mémoires de Saint-Simon sont publiés en entier, je ne dirai pas que les pages de chronique qu’on doit à Madame ont pâli, mais elles ont cessé d’étonner ; on y a reconnu de bonnes peintures naïves, un peu hautes en couleur et un peu grosses de traits, chargées et grimaçantes parfois, mais au fond ressemblantes. […] Elle aurait volontiers emprunté de l’illustre philosophe son idée d’un rapprochement et d’une fusion, d’une réconciliation entre les principales communions chrétiennes ; elle traduisait cela un peu brusquement à sa manière lorsqu’elle disait : « Si l’on suivait mon avis, tous les souverains donneraient ordre que parmi tous les chrétiens, sans distinction de religion, on eût à s’abstenir d’expressions injurieuses, et que chacun croirait et pratiquerait selon sa volonté… » Au milieu de cette cour de Louis XIV, qui allait être si unanime sur la révocation de l’édit de Nantes, elle apportait et elle conserva d’inviolables idées de tolérance : « C’est ne se montrer nullement, chrétien, disait-elle, que de tourmenter les gens pour des motifs de religion, et je trouve cela affreux ; mais lorsqu’on examine la chose au fond, on trouve que la religion n’est là que comme un prétexte ; tout se fait par politique et par intérêt.

1920. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Cowper est le poète de la famille, quoiqu’il n’ait été ni époux, ni père ; il est le poète du chez soi, de l’intérieur régulier, pur, doucement animé, du bosquet qu’on voit au fond du jardin, ou du coin du feu. […] Quant à Cowper, il ne voyait pas l’abîme entrouvert, il se voyait lui-même et se sentait moralement tombé au fond de l’abîme, sans espérance, sans recours.

1921. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président Hénault pourtant allait peu à peu devenir un homme sérieux ; mais là encore, et lorsqu’il se trouvera mêlé aux choses plus importantes, il y entrera du jeu et de la représentation plus que du fond. […] du moins la religion des païens avait-elle des ressources : Pandore leur avait laissé une boîte au fond de laquelle était l’espérance ; elle était cachée sous tous les maux, comme si elle était réservée pour en être la réparation ; et nous autres, plus barbares mille fois, nous anéantissons tout ; nous n’avons conservé que les malheurs ; nous détruisons toute spiritualité… Adieu, mon cher confrère ; Dieu vous fasse la grâce de couronner tous les dons dont il vous a comblé, par une vérilable gloire qui n’aura point de fin !

1922. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Il y en avait, selon lui, de tout à fait frivoles où l’on ne trouvait que des mots et un vide complet de matière et de fond. […] Aux yeux des lecteurs qui examinent et vont au fond, Costar n’y avait point l’avantage.

1923. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Il croyait avoir au fond de sa conscience (ce sont là les sophismes de l’esprit de faction) de quoi se relever de l’engagement qu’il venait de prendre, et de quoi s’absoudre en dernier ressort. […] Richelieu tout le premier montra qu’au fond il jugeait mieux de Rohan lorsqu’il lui confia ensuite le corps d’armée destiné à entrer dans la Valteline, et que, dans une lettre de lui adressée à ce général victorieux, il lui dit « qu’il sera toujours très volontiers sa caution envers le roi que lui, Rohan, saura conserver les avantages acquis et ne perdra aucune occasion de les augmenter. » Mais, en ce moment de la guerre civile, ce sont deux génies, deux âmes rivales et antagonistes qui sont aux prises, et tous les défauts, toutes les complications et enchevêtrements de la conduite et du rôle de Rohan lui apparaissent : il les impute à son caractère, et il les exprime avec excès, avec injustice sans nul doute, mais avec discernement du point faible et en des termes qui ne s’oublient pas.

1924. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Cependant il avait contre lui au fond, même dans le parti de la philosophie dès lors triomphant, les disciples et les sectateurs de ce Rousseau qu’il avait méconnu et outragé. […] L’accident au fond venait de lui : il tenait à un défaut et à une qualité.

1925. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Les nouvelles recrues, arrivées du fond des campagnes et des provinces du centre, d’où la misère les chassait, furent une grande ressource, et ces natures patientes, habituées à peiner et à pâtir sans murmure, rendirent du nerf à l’armée. […] Ma conclusion est qu’il faut acheter l’armistice à quelque prix que ce puisse être, supposé qu’on ne puisse pas finir les conditions du fond avant le commencement de la campagne. » Or, l’honneur de Villars est précisément, par des moyens qui étaient en lui et qu’il puisait dans sa nature assez peu fénelonienne, d’avoir su remédier à ce découragement universel, et d’avoir tiré des étincelles d’héroïsme là ou les plus pénétrants ne voyaient plus qu’une entière prostration.

1926. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Le fond de ces écrits est le plus souvent raisonnable ; c’est la forme seule qui est étrange, sauvage, rocailleuse, et (sauf de rares et heureux endroits) des plus rebutantes. […] Mais, si l’on regarde au fond, ce Fénelon-Mirabeau tranche en plein abus et fait de grands abattis de broussailles ; il assainit le pays et ouvre de larges et salubres perspectives.

1927. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Ce n’est là qu’une note officielle et mesurée : pour avoir le fond du cœur de Chapelain sur Marolles, il faut lire ses lettres. […] Quand Chapelain eut été à son tour enterré par Boileau, on voit d’ici ce qu’il advint de celui que Chapelain avait sous ses pieds : il se trouva tombé plus bas d’un degré encore, descendu au fond d’un second puits.

1928. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Mais si je crois sentir en lui une première couche légère de provincialisme, ce n’est qu’au fond de certains de ses jugements et non dans l’élégance accomplie de sa diction. […] Ce furent les filles de Chamillart le ministre qui voulurent assister, elles et leurs amies, du fond d’une tribune qu’on leur ménagea, à la réception de l’évêque de Senlis, leur oncle (7 septembre 1702), et pour s’en moquer.

1929. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Quelques grands athlètes y viennent de temps en temps se mesurer dans des duels ingénieux : ils entrent dans la lice, ils brillent, on écoute, on applaudit, et bientôt chacun des habitués reprend, le fil de ses propres réflexions dans des à parte suivis et qui, après les airs de bravoure, composent un fond de bourdonnements plus doux. […] Au fond il y avait bien à l’Abbaye quelque légère ironie pour la science théologique de la rue Saint-Dominique et pour la connaissance approfondie qu’on y avait des Pères et des Conciles.

1930. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Au fond, si l’on est sincère, qui peut répondre de son courage physique, s’il n’a essuyé le feu des balles ? […] L’église, d’une architecture moderne, en occupait le fond, et deux ailes en formaient les côtés.

1931. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Cousin, il lui accorde toutes les prétentions et presque toutes les conclusions de ses brillants ouvrages, et, après avoir proclamé le chef-d’œuvre, il n’apporte dans le compte rendu aucun de ces correctifs de détail qui seraient nécessaires à chaque instant pour remettre le lecteur dans le vrai ; car selon la parole d’un des hommes qui connaissent le mieux l’illustre auteur, « c’est un des esprits qui ont le plus besoin de garde-fou ; et quand ce n’est pas dans le fond, c’est dans la forme, il excède toujours. » Mais M. de Pontmartin, une fois qu’il a pris parti pour quelqu’un, n’est pas homme à mettre des garde-fous d’aucun côté ; il les ôterait plutôt ; il lui suffit qu’un courant général de spiritualisme élevé le rapproche de M.  […] Pour mon compte, je dois cependant convenir, sans prétendre faire le généreux, que sa plaidoirie en faveur de Chateaubriand, à l’occasion et à l’encontre d’un livre que j’ai publié, m’a frappé comme très-spirituelle, très bien menée, très-soutenue d’haleine, fort juste en bien des points ; et il me coûte d’autant moins de le reconnaître, qu’au fond ses conclusions à lui (sauf le ton de la chanson) ne sont pas si différentes des miennes, et qu’un abîme, quoi qu’il en dise, ne nous sépare pas.

1932. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Son opposition dans le Parlement lui fit perdre de son ascendant et de sa faveur auprès du roi, et puis il est permis de soupçonner qu’il avait plus de brillant et plus de forme que de fond. […] Le château est au fond, de côté, et c’est sous ses fenêtres que le pauvre animal ira tomber et que l’hallali se fera.

1933. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Concevez tous les motifs que j’avais de croire l’histoire fabuleuse ; combien ma surprise et mon ignorance que j’exprimais naïvement dans mes lettres (elle était à Pougues) contribuaient à la faire regarder comme telle par les personnes qui concluaient, ainsi que moi, que le baron d’Holbach n’eût pas dû être votre premier confident ; enfin, le déplaisir que vous m’avez causé par une conduite qui déroge un peu, ce me semble, à l’amitié que vous m’avez promise. » Puis, en venant au fond, elle estime que son ami le philosophe s’est laissé bien vivement emporter au sujet d’une injustice cruelle dont il a été l’objet, et dont une pauvre tête égarée a pu seule se rendre coupable : « Mais vous, au lieu de vous irriter contre un malheureux qui ne peut vous nuire, et qui se ruine entièrement lui-même, que n’avez-vous laissé agir cette pitié généreuse, dont vous êtes si susceptible ? […] Mais, ne pouvant égaler le vainqueur de Darius, Diogène voulut au moins le braver du fond de son tonneau… » L’explication toute médicale, qu’on a eue depuis, des travers et de la manie de Rousseau, Mme Riccoboni ne l’avait pas encore ; mais, pour tout le reste, l’ensemble de ce jugement est parfait.

1934. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

On fait de ces magnifiques frontispices pour masquer les misères et les délabrements du fond. […] Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien.

1935. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Heureuse autant qu’on pouvait l’être après une première existence très éprouvée, elle savait au fond ce que vaut la plus idéale des félicités humaines. […] Elle y revenait aussi prudente que jamais et bien avertie de l’être, mais au fond du cœur, on le conçoit, médiocrement reconnaissante.

1936. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Dans cette suite de montagnes et de vallées qu’on traverse et qui ont leur grandeur, il rencontre dans la vallée du Chéliff un pays, un lieu extraordinairement aride et qui réalise bien l’idée d’une Afrique entièrement africaine (non pas Boghar plus connu, plus en vue, mais Boghari), qu’on découvre à main gauche en entrant dans la vallée, — un village perché sur un rocher, au fond d’un amphithéâtre désolé, mais flamboyant de lumière : « C’est bizarre, frappant ; je ne connaissais rien de pareil, et jusqu’à présent je n’avais rien imaginé d’aussi complètement fauve, — disons le mot qui me coûte à dire, — d’aussi jaune. […] Même dans ce pays de désolante ardeur où il n’y a plus lieu de dire avec Bernardin de Saint-Pierre « qu’un paysage est le fond du tableau de la vie humaine », même au sein de cette accablante nature, avec lui, l’homme ne fait jamais défaut ; la pensée et la vie du témoin, sa sympathie, ne sont jamais absentes.

1937. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Victor-Amédée allait avoir vingt ans ; Catinat le jugea d’abord un enfant indécis, encore incapable de se rendre compte au net d’une affaire et de se fixer à une résolution ferme ; il se trompait : c’était déjà un homme à double et triple fond, qui jouait plus d’un jeu à la fois. […] Un autre, à sa place, aurait frémi d’être ainsi tenu en laisse après un triomphe ; lui, il s’en accommode, il n’en est pas fâché au fond et s’en lave les mains.

1938. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Catinat, gêné d’abord par ses instructions, plus gêné encore par son allure naturelle et par le fond de son tempérament, se montre plus que jamais le général embarrassé qu’on a précédemment entrevu ; il tâtonne, il est incertain ; il ne connaît pas bien cet échiquier nouveau, étendu, qui n’est plus celui du Piémont et des frontières ; toujours en retard de coup d’œil sur l’ennemi, à force de prévision éparse et inquiète il n’a nulle invention, tandis que celui qu’il a en face de lui en est rempli et abonde en conceptions hardies et neuves. […] Cela ne m’a pas fait de peine, et je suis disposé de la meilleure foi du monde et du fond de mon cœur de joindre mes soins, mes peines et les connaissances que je puis avoir, pour contribuer au rétablissement de la gloire et de la réputation des armes du roi.

1939. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Le besoin de faire effet, d’être dramatique et de poser, pouvait mener aux plus funestes résultats, et l’enseignement de la rhétorique était au fond de tout cela. […] Cette causticité roulante n’empêchait pas la bonté du fond ; mais il fallait le savoir.

1940. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Jean-Jacques, M. de Chateaubriand, Benjamin Constant et Mme de Staël, essayant de s’exprimer en vers, m’ont toujours fait l’effet de Minerve, qui, voulant jouer de la flûte au bord d’une fontaine, s’y regarde et se voit si laide, qu’elle jette de dépit la flûte au fond des eaux. […] L’âme, rayon du ciel, prisonnière invisible, Souffre dans son cachot de sanglantes douleurs ; Du fond de son exil elle cherche ses sœurs ; Et les pleurs et les chants sont les voix éternelles De ces filles de Dieu qui s’appellent entre elles.

1941. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Il en est résulté un jour de fond qui a éclairé le devant, c’est-à-dire qui a fait mieux voir dans toute la vie ultérieure et dans les mobiles habituels de cet homme plus distingué qu’heureux et plus intéressant que sage. […] Il est doublement aimable au fond de l’Allemagne, où il est rare de rencontrer ce que nous sommes accoutumés à trouver à Paris en fait de gaieté et d’esprit, et Villiers, qui est distingué sous ce rapport à Paris même, l’est encore bien plus parmi les érudits de Gottingue.

1942. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

La théorie développée dans ce curieux opuscule a laissé des traces dans l’Esprit des Lois, mais des traces éparses et confuses, recouvertes sans cesse par un système différent, dont le fond est cette idée chère à Montesquieu que de la construction de la machine législative dépend la destinée des peuples, et qu’un rouage ôté ou placé à propos sauve ou perd tout : or qu’y a-t-il de plus contraire au fatalisme politique que la superstition sociologique, la foi aux artifices constitutionnels ? […] Il arrive enfin à ce qui est le fond, et la chimère, de l’Esprit des Lois.

1943. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Alors il y a équation constante du fond et de la forme, leur union est parfaite et n’apparaît pas artificielle : le poème ou le tableau doit être assimilé à une œuvre symbolique, bien qu’il ait été commencé selon le procédé ordinaire de l’allégorie. […] Le fond et la forme ne sont plus inséparables comme une rose et son parfum, mais rappellent ces fleurs sans âme dans lesquelles un marchand instilla une essence d’iris ou de violette qui les a bientôt fanées.

1944. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Elles y étaient condamnées à remplir éternellement un tonneau sans fond. […] Le tonneau sans fond qu’elles ne peuvent remplir est l’image de la plaine d’Argos qui, sous l’ardeur du soleil, absorbe incessamment l’eau que les pluies versent à son sol aride.

1945. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Profitant de la paix forcée de l’Europe, assuré de l’alliance de la Russie et certain d’acheter sa connivence à l’Occident moyennant un appât du côté de la Turquie, Napoléon conçoit à un moment l’idée de mettre la main sur le trône d’Espagne, d’en précipiter un roi imbécile, une reine dissolue, et de déshériter leur fils qui, au fond, ne valait guère mieux, mais à qui l’on n’avait à reprocher alors que de ne pouvoir vivre en intelligence avec ses tristes parents et avec leur scandaleux favori, le prince de la Paix. […] Moyennant ces mouvements de troupes, ces va-et-vient de régiments et de bataillons qu’il nous déduit par leurs numéros, on saisit, à n’en pouvoir douter, l’industrie toute spéciale avec laquelle Napoléon sait tirer de ses armées d’Allemagne et d’Italie, sans trop les affaiblir, des corps qu’il approprie à son échiquier nouveau ; on suit du fond de son fauteuil le grand artiste militaire dans ses habiletés et ses artifices d’organisateur.

1946. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

« Elle avait l’art de se pénétrer au degré qu’il fallait pour exprimer les grandes passions et les faire sentir dans toute leur force. » On a dit de Mlle Champmeslé qu’elle avait la voix des plus sonores, et que lorsqu’elle déclamait, si l’on avait ouvert la loge du fond de la salle, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. […] Elle veut qu’on se propose tout cela à l’avance, qu’on s’y accoutume en idée, et elle est la première à vous y convier avec franchise : « Allons rondement, dit-elle, vers l’amitié. » Un grand préservatif qu’elle a contre toute nouvelle faiblesse, c’est qu’au fond elle aime, c’est que son cœur est rempli, c’est qu’elle tremble pour un absent qui court des dangers, c’est qu’elle attend avec impatience un retour : Une personne attendue depuis très longtemps, écrivait-elle le 23 octobre 1728, arrive enfin ce soir, selon les apparences, en assez bonne santé.

1947. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui. […] Quand Saint-Simon s’acharne une fois à quelqu’un, il ne le lâche plus ; il vous le saccage de fond en comble.

1948. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Il avait gardé quelque chose de tranchant, même avec un fond de doute et de désabusement. […] Cette mise en action des ridicules de la société, c’était les proverbes, et le plus curieux, là comme en tout, était la coulisse même où le fond de chaque vanité se voyait à nu.

1949. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Ninon fut des premières à s’émanciper comme femme, à professer qu’il n’y a au fond qu’une seule morale pour les hommes et pour les femmes ; qu’en réduisant, comme on le fait dans le monde, toutes les vertus du sexe à une seule, on le déprécie, et qu’on lui fait tort et injure ; qu’on semble l’exclure en masse de l’exercice de la probité, cette vertu plus mâle et plus générale, et qui les comprend toutes ; que cette probité est compatible chez une femme avec l’infraction même de ce qu’on est convenu d’appeler uniquement la vertu. […] La joie était le fond de son âme et comme l’expression de la santé de son esprit ; c’est elle qui a écrit à Saint-Évremond : « La joie de l’esprit en marque la force. » On a dit d’elle qu’à table, tant elle s’y montrait animée et enjouée, « elle était ivre dès la soupe » ; ivre de belle humeur et de saillies, car elle ne buvait que de l’eau, et les ivrognes, qu’on les appelât Chapelle ou Vendôme, furent toujours mal venus près d’elle.

1950. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

On sent que la vanité, la fatuité est encore le fond de cette âme qui, par moments, semblait digne d’une direction meilleure. […] Quel assujettissement de caractère, au fond, et quel esclavage sous le faste de ces rois de la mode, qui en sont les premiers courtisans, et qui ont l’air de diriger les caprices de leur temps, quand ils en dépendent !

1951. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Pour nous, qui sommes incompétent sur le fond de ces doctes matières, nous nous bornerons ici à ce qui est de notre portée et de notre coup d’œil, et aussi à ce que nous demandent nos lecteurs, je veux dire à tâcher de saisir et de marquer la forme de l’esprit de M.  […] Les contradictions même qu’il provoque n’atteignent pas le fond de son mérite ; car nul n’a soulevé et versé dans la circulation un plus grand nombre de matériaux et d’instruments qu’il ne l’a fait durant vingt années.

1952. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

En 1809, elles firent merveille à leur arrivée à Wagram ; elles furent signalées comme des troupes d’élite ; tenues en réserve et ménagées le jour de la bataille, elles achevèrent la campagne dans la vigoureuse poursuite sur Znaïm, et couronnèrent par une victoire d’avant-garde cette marche « hardie et prudente », pendant laquelle leur chef les avait guidées, en moins de cinquante jours, du fond de la Dalmatie jusqu’au milieu de la Moravie. […] En plus d’une occasion, notamment à Rosnay (le 2 février) il eut à décider l’affaire de sa personne et à se jeter au fort du péril, comme il avait fait dix-huit ans auparavant à Lodi : Il y a un grand charme, remarque-t-il à ce sujet, et une grande puissance à obtenir un succès personnel, à sentir au fond de la conscience que le poids de sa personne, et pour ainsi dire de son bras, a fait pencher la balance et procuré la victoire.

1953. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Pour quelques-uns, ce n’est qu’une formule vaine et creuse qui se proclame dans les occasions et les cérémonies ; mais chez ceux en qui ce fond de croyance est réel, l’accent ne trompe pas, et cela se sent aisément. […] Du fond de sa retraite grondeuse et tournée vers le passé, il ne lui rendra jamais justice ; mais, dans ce premier moment, l’erreur peut-être était permise : le maréchal d’Ancre masquait encore Richelieu.

1954. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Quant au fond des idées, il se permet plus d’une fois d’élever des objections. […] On joint toujours à cette édition un volume de Supplément, qui fait le seizième, et qui contient des fragments et articles retranchés en 1812 et 1813 : ce ne sont pas les pièces les moins instructives pour qui veut connaître le fond de la pensée de Grimm.

1955. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Mais Arnault, qui n’était qu’un gouvernant et un diplomate de circonstance, et un homme de lettres au fond, n’avait pas jugé à propos d’interpréter ses instructions dans ce sens étendu. […] Pourtant le germe tant méprisé, Le germe, au fond du cœur Chêne dès sa naissance, demande grâce et indulgence pour sa jeunesse ; il demande du temps pour croître et grandir ; le temps lui vient en aide : Les Buissons, indignés qu’en une année ou deux         Un Chêne devînt grand comme eux,         Se récriaient contre l’audace De cet aventurieur qui, comme un champignon, Né d’hier, et de quoi ?

1956. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Dans une théorie littéraire qui partout fait prédominer le fond sur la forme et demande d’abord aux écrivains non comment ils ont écrit, mais comment ils ont pensé, dans cette théorie, la première place était due à celui qui nous a appris à penser, et à préférer la raison à toutes choses. […] C’est le doute, non pas ce doute mitigé qui, laissant subsister le fond de nos croyances, s’arrête seulement devant nos opinions, mais un doute absolu, qui embrasse tout, qui détruit tout pour tout reconstruire.

1957. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Les sciences qui étudient les choses diverses et particulières peuvent accepter tout ce qui est acquis sans renoncer à y ajouter ; mais la science qui prétend atteindre au fond des choses ne peut pas admettre qu’il y ait deux manières de concevoir le fond des choses.

1958. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Je retrouve le même sentiment, le même dédain du concret, au fond des objections qu’on élève contre telle ou telle de vos conclusions. […] Il se produira aussi bien chez un alpiniste qui glisse au fond d’un précipice, chez un soldat sur qui l’ennemi va tirer et qui se sent perdu.

1959. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Au fond, la proposition est identique. […] Jouffroy, que quatre-vingt-dix-neuf hommes sur cent se résignent, et qu’au fond, si belles qu’on fasse les vies futures, notre cœur serait insatiable, puisque c’est la perfection qu’il réclame, et qu’à moins d’être Dieu il ne serait pas satisfait !

1960. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cette opinion devait être celle de la critique française au dix-huitième siècle, époque où les lettres grecques, cette grande source du génie, de la philosophie sublime et de la belle poésie, n’étaient étudiées, pour le fond des choses et pour la pensée, que de Montesquieu et de Rousseau, qui s’en trouvèrent bien. […] M’entend-il du fond de l’abime ?

1961. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXIX » pp. 117-125

Louis Veuillot était un peu à l’origine de cette race des condottieri ; sans prétendre qu’il ne porte pas dans ses excès un fond de conviction sincère, il y garde du moins et y nourrit toutes les passions et les grossièretés humaines et inhumaines.

1962. (1874) Premiers lundis. Tome I « [Préface] »

Par malheur, il n’en est point absolument ainsi ; ce qu’on recueille dans de gros volumes n’est pas sauvé par là même, et ce qui reste dans des feuilles éparses n’est pas tellement perdu que cela ne pèse encore après vous pour surcharger au besoin votre démarche littéraire, et, plus tard, voire mémoire (si mémoire il y a), de mille réminiscences traînantes et confuses… Il convient donc de ne répondre littérairement que de ce qu’on a admis, et, sans avoir à désavouer le reste, de le rejeter au fond.

1963. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

à part le mérite du fond et cette opiniâtreté d’étude et de recherche dont, bien jeune encore, rien ne l’a jamais détourné, M. 

1964. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brissaud90, sont coupables de conserver et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement. » Et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français l’ont biffé pour écrire pneumochalicose.

1965. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Il y a toujours de l’intérêt d’argent au fond de tous les partis.

1966. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois !

1967. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Il n’est point une image, point une exclamation, une apostrophe, une prosopopée qu’on en puisse faire disparaître sans dommage : ce n’est pas la forme qui en souffrirait dans son élégance ou sa beauté, c’est surtout le fond, qui ne serait plus suffisamment exprimé, et quelque chose manquerait à la clarté lumineuse ou à l’énergie persuasive du discours.

1968. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Le fond de l’œuvre de Buffon n’est pas de notre ressort.

1969. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

C’était, au fond, excessivement brutal : des histoires de filles, de paysans rapaces, de lâches et grotesques bourgeois ; les « faits-divers » d’une humanité élémentaire et toute en instincts.

1970. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Ils mettent une si belle opiniâtreté à assurer qu’il y a quelque chose au fond de ces énigmes, qu’il faut bien, au moins, exposer leur système.

1971. (1890) L’avenir de la science « VII »

Pour moi, je le dis du fond de ma conscience, si je voyais une forme de vie plus belle que la science, j’y courrais.

1972. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Les charges qu’on impose au contribuable pour ces fins spiritualistes sont au fond un service qu’on lui rend.

1973. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Il n’entre pas dans mon sujet d’examiner si le fond de cette comédie est moral.

1974. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

, Gerdès, hanté par l’idée qu’on pouvait interpréter un chapitre politique du livre comme une allusion à l’événement du jour, tout plein, au fond, de méfiance pour ce titre bizarre, incompréhensible, cabalistique, et qui lui semblait cacher un rappel dissimulé du 18 Brumaire, Gerdès, qui manquait d’héroïsme, avait, de son propre mouvement, jeté le paquet d’affiches au feu.

1975. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Je sais que Broussais s’est beaucoup moqué de cette hypothèse d’un petit musicien caché au fond d’un cerveau ; mais n’est-il pas plus étrange et plus plaisant de supposer un instrument qui tout seul et spontanément exécuterait, bien plus, composerait des symphonies magnifiques ?

1976. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

En un mot, le siècle de Louis XIV est resté paisible, non parce qu’il n’a point aperçu telle ou telle chose, mais parce qu’en la voyant, il l’a pénétrée jusqu’au fond ; parce qu’il en a considéré toutes les faces et connu tous les périls.

1977. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Du fond de sa grotte de Bethléem, il voyait la chute de l’Empire romain : vaste sujet de réflexions pour un saint anachorète !

1978. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Je vais faire deux réponses à cette objection, qui dans le fond est plus ébloüissante que solide.

1979. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

De tout cela, c’est-à-dire de tout ce qui constitue le fond même de notre livre, M. 

1980. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

Il est, comme eux, protestant, — je ne dis pas de religion, mais de fond d’entrailles.

1981. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Tel est le fond de la pensée de Wallon sur Cousin, et la manière dont il la présente.

1982. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

» Hormis en quelques articles de journaux où l’on a touché de l’extrême bout de la plume et des doigts aux hors-d’œuvre de cette histoire de la Régence, et en évitant soigneusement le fond des choses, impossible à discuter, on n’a généralement rien dit de ce nouveau livre de Michelet, qui, de cette façon, a fait moins d’effet que les romans d’Octave Feuillet et de madame George Sand.

1983. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Du fond de ces douces cavernes, le regard venait, à la fois impatient et réservé, retardé par le savoir, semblait-il, et pressé par la curiosité.

1984. (1907) L’évolution créatrice « Introduction »

Elle avait commencé par nous montrer dans l’intelligence un effet local de l’évolution, une lueur, peut-être accidentelle, qui éclaire le va-et-vient des êtres vivants dans l’étroit passage ouvert à leur action : et voici que tout à coup, oubliant ce qu’elle vient de nous dire, elle fait de cette lanterne manœuvrée au fond d’un souterrain un Soleil qui illuminerait le monde.

1985. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

. — Je ne demanderai pas à mes adversaires, a dit ici le professeur, en insistant avec un accent particulier, ce qu’ils peuvent conclure et penser au fond de leur conscience, mais je demande qu’ils respectent la mienne : s’il y a quelque chose qui doive être muré, c’est la conscience. […] Quoi qu’il en soit, la doctrine dite éclectique (il est bon de le savoir et de le dire) est des plus compromises au fond, des plus entamées à l’heure qu’il est. […] Je n’examine point si cela est bon ou mauvais pour le résultat, pour le fond des choses, pour la force et l’intégrité des études ; mais enfin, en Belgique, l’ascendant que le clergé catholique possède en certaines provinces est contrebalancé par l’esprit d’autres provinces voisines.

1986. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

Quelque grande salle au fond de l’édifice, au rez-de-chaussée, renferme hermétiquement une vaste bibliothèque poudreuse, pleine dans les rayons d’en haut de volumes de toutes langues, presque pétrifiés dans leurs stalles, sous leur reliure à fermoir, et, sur les tablettes inférieures, des brochures nouvelles et en désordre attestent la continuité du maître à se tenir en rapport avec ce que l’espèce humaine produit de nouveau et son attention à ce qui se passe sur la terre. […] Parlant peu, mais répondant juste, il était alors très enclin à cette ironie douce de ceux qui ont bu de bonne heure les eaux de la Garonne ; il en conserva quelque chose toute sa vie, même quand les déceptions et les révolutions eurent altéré le fond de son âme. […] Il me semblait, en parcourant ces deux volumes, que je naviguais moi-même, comme dans ma jeunesse, sur ces flots classiques, et qu’au réveil des nuits pendant lesquelles le flot mouvant fait franchir les distances, le brouillard du matin, dissipé au souffle du vent d’été, tirait le rideau du ciel sur l’une ou l’autre de ces îles, et les faisait repasser sous mes yeux avec leur nom, leur histoire, leur poésie, leurs costumes, leur population : pittoresques étoiles de la mer bleue, resplendissantes au matin sur le fond clair de ce ciel d’eau.

1987. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Mme d’Albany, une fois séparée de son poète, ne prononce pas un mot, n’écrit pas une ligne qui puisse nous faire soupçonner le fond de son âme ; mais sa conduite nous révèle la vérité tout entière beaucoup plus clairement qu’on ne le voudrait. […] Les sonnets sont vides d’amour, le lyrisme ou l’inspiration manquent totalement à cet homme, on n’en retiendra pas un vers ; c’est du pédantisme glacé, l’éternel hiver du cœur dont l’imagination de l’Italie ne fond pas même les neiges. […] L’empereur, nous le savons par les lettres de Fabre, reçut la comtesse avec courtoisie, mais avec une courtoisie un peu ironique dans la forme, et au fond singulièrement impérieuse : « Je sais », lui dit-il, « quelle est votre influence sur la société florentine ; je sais aussi que vous vous en servez dans un sens opposé à ma politique ; vous êtes un obstacle à mes projets de fusion entre les Toscans et les Français.

1988. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Méphistophélès disparaît avec Faust ; on entend encore dans le fond du cachot la voix de Marguerite qui rappelle vainement son ami. […] Une seule voix sans parole, non pas sans harmonie, sans force, mais irrésistible, proclame un Dieu au fond de notre cœur : tout ce qui est vraiment beau dans l’homme naît de ce qu’il éprouve intérieurement et spontanément : toute action héroïque est inspirée par la liberté morale ; l’acte de se dévouer à la volonté divine, cet acte que toutes les sensations combattent et que l’enthousiasme seul inspire, est si noble et si pur, que les anges eux-mêmes, vertueux par nature et sans obstacle, pourraient l’envier à l’homme. […] Mais, quand on voit des hommes se réjouir en proclamant qu’ils sont en tout l’œuvre des circonstances, et que ces circonstances sont combinées par le hasard, on frémit au fond du cœur de leur satisfaction perverse.

1989. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Mais il faut sentir surtout que d’Aubigné a trouvé l’une des plus riches sources de lyrisme qu’il y ait, un des sentiments les plus hauts, les plus universels par son objet que l’homme puisse exprimer un de ceux aussi qui prennent l’individu tout entier, et jusqu’au fond. […] Le fond de l’esprit mondain, c’est de se séparer, avec tout ce qui le touche ou lui sert, de ce qui n’est pas le monde ; c’est d’établir, par-dessus la vulgaire distinction du vrai et du faux, du bien et du mal, un nouveau principe de distinction à l’aide duquel tout se jugera et se classera : ce principe est l’idée des convenances, qui crée un genre nouveau de beauté, la distinction ; une chose, un acte qui présentent une sorte de perfection supérieure dans la conformité aux convenances, sont distingues. […] Comme la société est très intelligente et très avide du plaisir littéraire, on voit éclore alors une prodigieuse abondance de sonnets, de rondeaux, d’élégies, de chansons, de stances, dont la galanterie en général fait le fond, puisqu’il était établi qu’il ne pouvait y avoir d’honnête homme sans amour, ni d’honnête livre.

1990. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

C’est qu’il y a au fond même de sa personnalité d’écrivain, une large tendresse de cœur, un sens d’apitoiement toujours éveillé, et prêt à comprendre toutes les douleurs et toutes les misères. […] Sans doute cherche-t-il à composer une synthèse impersonnelle et probe de la complexité des luttes qui — au milieu de la contradiction des théories — déchirent aujourd’hui la masse des producteurs et celle des travailleurs ; sans doute l’énigme des lois propres à l’organisation sociale existante et l’impossibilité d’échapper à leur force inexorable demeure-t-elle au fond de livres comme Un vainqueur ou comme l’Indocile ; mais, chez l’auteur, le résultat est moins une révolte, une thèse de rébellion ou d’anarchie, qu’un besoin de large et tendre sympathie. […] Elle devient infiniment douloureuse quand elle porte sur ces problèmes religieux qui ont fait de tout temps, et qui continuent de faire à travers les siècles, le fond dernier de la vie humaine.

1991. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Au fond, nous ne pouvons rien connaître en dehors des catégories de l’entendement humain. […] Elle ruse en nous et avec nous pour arriver à ses fins ; elle nous trompe nous-mêmes sur la sympathie, sur l’amour, qui au fond ne sont que l’égoïsme ; son art est de jeter sur ces instincts grossiers je ne sais quel voile d’idéal qui en cache la vulgarité. […] Tout ce qu’un être veut, son propre fond l’ordonne ; Mais l’ordre irrésistible à son insu lui donne Le sentiment flatteur qu’il est sollicité.

1992. (1890) Dramaturges et romanciers

Regardez bien au fond des écrits de M.  […] Si le gouffre a des attraits, ne pourrait-on se procurer le plaisir d’en éprouver les vertiges sans pour cela tomber au fond ? […] Qu’y a-t-il au fond de notre littérature romantique française, sinon une question de critique ? […] Bien des fois déjà nos auteurs à la mode ont plus ou moins exploité la donnée qui fait le fond du Roman d’une honnête femme. […] Pas de parole qui ne s’entende dans ce silence, pas d’incident qui ne se détache avec relief sur ce fond de solitude.

1993. (1929) La société des grands esprits

Au fond, c’est un calembour. […] Car les Portraits imaginaires de Pater ne sont pas au fond autre chose que de la critique. […] Au fond, nous ne souscrivons plus réellement qu’à la science positive. […] Au fond, il est bien probable que ces deux maîtres apportaient dans leurs doléances quelque exagération romantique. […] Au fond, il y a dans ces gémissements un peu de convention, disons le mot, un peu de pose.

1994. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

De loin en loin l’homme entrevoit cet au-delà et se relève du fond de son cloaque, comme s’il avait respiré soudainement un air fortifiant et pur. […] Son père, un brave yeoman, avait une ferme de quatre livres par an, où il employait une demi-douzaine d’hommes, avec trente vaches que trayait sa femme, lui-même bon soldat du roi, s’entretenant d’une armure pour lui et son cheval afin de paraître à l’armée selon les occurrences, enseignant à son fils à tirer de l’arc, lui donnant à boucler sa cuirasse, et trouvant au fond de sa bourse quelques vieux nobles pour l’envoyer à l’école et de là à l’Université. […] La cour a sa religion comme la campagne, religion sincère et qui gagne ; parmi les poésies païennes qui jusqu’à la Révolution occupent toujours la scène du monde, insensiblement on voit percer et monter le grave et grand sentiment qui a plongé ses racines jusqu’au fond de l’esprit public. […] C’est que le fond du protestantisme est la doctrine du salut opéré par la grâce, et que, pour rendre cette doctrine sensible, nul artiste n’a égalé Bunyan. […] Et, voyez, de l’autre côté il y avait une très-dangereuse fondrière dans laquelle celui qui tombe, fût-il homme de bien, ne trouve point de fond pour y poser le pied. —  Ce sentier-là était extrêmement étroit, et pour cela le pauvre Chrétien avait encore plus à se garer ; car lorsqu’il tâchait dans l’obscurité d’éviter la fosse de droite, il était près de rouler dans la fondrière de l’autre côté ; et aussi, quand il voulait s’écarter sans grande précaution de la fondrière, il était près de tomber dans la fosse.

1995. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Le doigt ne va pas trouver la rétine au fond de l’œil, ni la membrane pituitaire au fond du nez, ni le nerf acoustique dans le labyrinthe, ni en général aucune extrémité nerveuse. […] C’est donc là que nous devons situer la sensation, et tel est le cas pour les sensations de la vue comme pour les autres ; les aveugles-nés, qu’on vient d’opérer, situent leurs nouvelles sensations contre le globe de l’œil et non dans le fond de l’orbite. — En quatrième lieu, on voit qu’en plusieurs cas le jugement localisateur doit être vague ; car il y a des endroits où le toucher n’atteint pas, par exemple, l’intérieur des membres et du corps ; partant, nous ne situons que par approximation et vaguement les sensations dont le point de départ est dans le ventre, la poitrine, l’estomac, non plus que les sensations partielles dont se compose une sensation totale musculaire. — Quantité de bizarreries s’expliquent de même. […] Nous avons trouvé que les objets que nous nommons corps ne sont que des fantômes internes, c’est-à-dire des fragments du moi, détachés de lui en apparence et opposés à lui, quoique au fond ils soient lui-même sous un autre aspect ; qu’à proprement parler ce ciel, ces astres, ces arbres, tout cet univers sensible que perçoit chacun de nous, est son œuvre, mieux encore son émanation, mieux encore sa création, création involontaire et spontanément opérée sans qu’il en ait conscience, épandue à l’infini autour de lui, comme l’ombre d’un petit corps dont la silhouette, à mesure qu’elle s’éloigne, va s’élargissant et finit pour couvrir de son immensité tout l’horizon. — Nous avons trouvé ensuite que nulle de nos sensations n’est située à l’endroit du corps où nous la plaçons, que plusieurs d’entre elles, quoique étant nôtres, nous apparaissent comme étrangères à nous, que, parmi celles-ci, quelques-unes nous semblent les qualités permanentes d’un être autre que nous ; tandis qu’elles sont en effet des moments passagers de notre être. — Ainsi l’illusion s’est montrée dans tous nos jugements, à propos du monde extérieur comme à propos du monde interne, et nous ne sommes plus étonnés de voir le philosophe bouddhiste réduire le réel aux événements momentanés de son moi. […] L’opération ressemble à la digestion ou à la marche ; en apparence, rien de plus simple ; au fond, rien de plus compliqué. — Il y a devant moi, à trois pieds de distance, un livre relié en cuir brun, et j’ouvre les yeux.

1996. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

À ce titre, quelles que soient les modifications secondaires que lui impose son passage d’un animal dans un animal différent, et, par suite, son adaptation à un usage nouveau, il reste au fond le même ; il n’est jamais transposé ; on le retrouve toujours à la même place, et il se fait reconnaître, à travers les élongations, les soudures, les appauvrissements, les changements de rôle et même les pertes d’emploi, que, déformé, transformé, atrophié, il a subis. […] D’où il suit que dans la nature visible il n’y a que des corps en mouvement, moteurs ou mobiles, tour à tour moteurs et mobiles, moteurs quand leur mouvement préalable est la condition du mouvement d’un autre, mobiles quand leur mouvement consécutif est l’effet du mouvement d’un autre ; ce qui réduit tout changement corporel au passage de telle quantité de mouvement transportée du moteur dans le mobile, opération qui, comme on s’en est assuré, a lieu sans gain ni perte, en sorte qu’à la fin du circuit la dépense est couverte exactement par la recette, et que la force finale se retrouve égale à la force initiale. — Que si cette admirable réduction était vraie, d’abord pour notre monde, et, en outre, partout au-delà de notre monde, non seulement tous nos problèmes physiques, chimiques et physiologiques, mais encore tous les problèmes qui concernent un corps effectif quelconque, seraient au fond de purs problèmes de mécanique122. […] Que ce dernier fond de la chose nous soit accessible ou non, peu importe ; c’est par lui que le caractère s’attache au groupe de ses conditions ; en lui réside l’influence inconnue, la raison intime, première et dernière qui explique la liaison de fait constatée entre le caractère et le groupe. — Ainsi se justifie le jugement demi-scientifique, demi-divinatoire par lequel nous affirmons que tout phénomène, changement, état, propriété, manière d’être, tout caractère transitoire ou permanent d’un objet quelconque, a sa raison d’être, et que cette raison se trouve incluse dans le groupe de ses conditions. […] En rapprochant de cette proposition la note de la page 117, tome II, on voit que la théorie pourrait s’étendre encore davantage, et qu’en ce cas tous les problèmes concernant un être quelconque, moral ou physique, seraient au fond des problèmes de mécanique. […] Au premier aspect, il semble qu’en certains cas le moment et l’emplacement aient de l’influence; par exemple, à la seconde minute, un corps pesant tombe plus vite qu’à la première; le même pendule oscille autrement au fond d’une mine et au sommet de la montagne adjacente.

1997. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Quant au fond, on se plaint qu’il n’est pas toujours exact & impartial. […] Il creuse avec une rare sagacité jusqu’au fond du cœur humain ; il saisit les moindres nuances des passions, les petits ressorts des grands desseins, le manége sourd des Cours, & le véritable objet de leurs démarches. […] D’ailleurs le fond est tout entier dans l’histoire générale, dans le Siécle de Louis XIV. […] Aussi Mr. de Fontette a-t’il pris pour base de son travail cet exemplaire posthume qu’il a heureusement recouvré ; les augmentations qu’il y a faites excédent deux ou trois fois le fond sur lequel il a travaillé. […] Elles ne servent jamais à faire connoître le fond des événemens ; elles sont inutiles aux militaires & aux politiques, & sont ennuyeuses pour le lecteur.

1998. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Son esprit ne doit pas plus se montrer dans ses peintures que le fond d’un miroir qui disparaît sous les justes images réfléchies par tous ses points rayonnants. […] Ouvre-t-il aux grands et aux rois les portes de la mort, il semble voir derrière le seuil un comble de hauteur, qui est l’éternité, un gouffre sans fond, qui est le néant : là, il envoie tout ce qui est spirituel ; là, il plonge tout ce qui est terrestre. […] Les plus importantes matières y sont traitées avec justesse, netteté, précision : le style bien châtié ne monte et ne descend jamais plus qu’il ne faut : l’élégance n’y sert à Louis Racine qu’à faire briller le fond du sujet. […] À travers les extravagances du plus étrange canevas, et malgré le style le plus trivial, un fond satirique très remarquable brille dans cette grande parade. […] La majesté des rôles resplendira de la majesté des choses, et la destinée de l’état romain sera le fond de cet auguste tableau, où se détacheront les portraits des héroïsmes opposés avec éclat sur le théâtre.

1999. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Au fond de chaque crevasse, déchirante et saignante, lui apparaît un immense point d’interrogation : « Que faire ?  […] Nous arrivons au point sensible de Henri Heine ; nous touchons la clef qui va nous l’ouvrir jusqu’au fond. […] Voici donc des drames dont le fond est un perpétuel problème métaphysique. […] Qu’il prenne un symbole, une idée, il descend jusqu’au fond de la grotte merveillouse. […] Plus au fond, tout au fond, dans la maison de l’âme, Où vont et viennent et s’assoient autour d’un feu Les passions, avec leurs visages de femme.

2000. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

A la moindre secousse cérébrale, leurs précaires architectures s’écroulent, comme le morceau de sucre qui se désagrège en ruines bizarres au fond d’un verre d’eau. […] Ces représentations confuses, incohérentes forment le fond obscur de la pensée, sur lequel se détachent de temps à autre quelques jugements nets. […] Le Corcova remplit le fond de l’horizon. […] Peut-être Schiller avait-il raison de dire qu’au point de vue de l’art le fond n’est rien, que la forme est tout. Au point de vue poétique c’est tout le contraire : le fond est tout, la forme verbale n’est rien.

2001. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

» — « Sa vie se fond à force de penser297. » Épuisé par l’extase, il s’arrête. […] On jette une branche humide au fond d’une mine, et on en retire une girandole de diamants. […] Le chevalier chevauche entre les arbres, et, au carrefour des allées, rencontre d’autres chevaliers qu’il combat ; tout d’un coup du fond d’une caverne paraît un monstre demi-femme et demi-serpent, entouré de sa progéniture hideuse ; plus loin un géant aux trois corps, puis un dragon grand comme une colline, aux griffes tranchantes, aux ailes gigantesques. […] Prometheus when first from heaven hye He brought downe fire, ere then on earth not seene,  Fond of delight, a satyre standing by Gave it a kisse, as it like sweete hat beene. […] Why so pale and wan, fond lover ? 

2002. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Un auteur essaye là son génie et ses ressources ; et s’il n’a pas la force de vaincre les obstacles de l’arrangement, il y a aparence qu’il manqueroit aussi d’invention pour le fond des choses. […] Je me suis apuyé pour cela des larmes qu’il répandit sur la mort d’Onias ; et c’est quelque chose d’avoir pû lui conserver un fond d’humanité, malgré toutes ses barbaries. […] Les uns exprimeront au fond la même chose que les autres, sans employer précisement les mêmes termes ; ainsi outre l’idée principale qu’un tour ou qu’un mot présente, il reveille encore l’idée accessoire de l’éducation et du rang de celui qui parle. […] Au reste, malgré tous les défauts que j’ai remarqués dans cette scene, elle demeure toujours très-belle par le fond des passions qui y regnent. […] Et n’est-ce pas même à la honte qu’il en a qu’il peut mesurer le fond de sa probité ?

2003. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Pendant toutes ses marches et démarches et tout ce qu’il mène et démène, l’orchestre d’orgueil joue au fond, au loin, en lui, à la sourdine : « Je suis le sauveur, je suis le sauveur !  […] c’est vrai, répliqua Lamartine, ils sont venus me trouver et j’ai promis d’appuyer l’abolition de l’impôt ; mais je suis convaincu qu’au fond il est moins onéreux qu’utile. » — Ainsi de tout ; à l’Académie il n’en fait pas d’autres. […] Cette violence de geste et de mouvement lui réussit toujours et couvre le néant du fond. […] Jamais la solution de continuité, qui est au fond du talent poétique de Musset, n’a été plus sensible ; il y a longtemps que cela existe pour qui sait réfléchir et veut se rendre compte ; ces lacunes ne sont pas nouvelles chez lui, mais les engoués n’y regardent pas de si près. — Dans son sonnet à Victor Hugo, lequel du moins est intelligible, quel salmigondis : Les bonbons, l’océan, le jeu, l’azur des cieux, Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses ! […] Je ne lui épargnais pas les objections quant au fond des idées et aussi pour les procédés de polémique qui lui sont familiers ; mais la part faite au talent y était assez large pour qu’il parût satisfait, ou du moins il me l’écrivit.

2004. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Il parle de l’enfer où habitent les diables, un large puits sans fond, sans bornes, tout rempli de soufre enflammé où la flamme furieuse, la chaleur dévorante fondraient la plus dure pierre à aiguiser ; les ouailles, demi-assoupies, sursautent avec effroi, croyant entendre l’abîme mugir, et découvrent que c’est quelque voisin qui ronfle1159. » Enfin on se sépare. […] Pour le fond des choses, on leur trouvait « les principes antisociaux et la sensibilité maladive de Rousseau, bref un mécontentement stérile et misanthropique contre les institutions présentes de la société. » En effet, Southey, un de leurs chefs, avait commencé par être socinien et jacobin, et l’un de ses premiers poëmes, Wat Tyler, apportait la glorification de la Jacquerie passée à l’appui de la Révolution présente. […] D’ailleurs il n’a ni le talent ni le loisir de pénétrer jusqu’au fond des personnages. […] Walter Scott n’est jamais aigre : au fond il aime les hommes, les excuse ou les tolère ; il ne flagelle point les vices, il les démasque ; encore les démasque-t-il sans rudesse. […] Représentez-vous un pareil homme en face de la vie et du monde ; il les regarde et il y prend part, en apparence comme un autre ; mais au fond qu’il est différent !

2005. (1925) Dissociations

Mais il a eu recours à une ruse hardie et singulière : il a placé le collier au fond de sa blague à tabac qu’il manipule avec désinvolture, et c’est de là qu’il extrait à son arrivée le joyau convoité. […] Qu’il se passe donc d’étranges choses au fond de la mer ! […] Douter de cela, ce serait douter qu’il y ait une vérité, et c’est peut-être au fond ce que signifie l’aphorisme de M.  […] Au fond, le genre admis, il ne signifie rien. […] Et alors nous serions ramenés, ou à peu près, aux conceptions, au fond très naturelles, qui mettaient sur le même plan l’animal et l’homme.

2006. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il se pose nettement au nom des spiritualistes contre les idéologues : « Les spiritualistes, dit-il, sont spécialement et invariablement opposés aux idéologues qui voudraient que nous fissions nos idées avec nos sensations, tandis qu’elles nous sont seulement transmises par nos sensations. » Il attaque l’idée matérialiste qui est le fond de la doctrine adverse, et la force à reculerg. […] Au fond, il est adversaire et rival du christianisme constitué et établi dans l’Église ; il a tout bas son ordre trouvé, sa religion à lui, son règne de Dieu qui doit en partie réparer le monde et réintégrer l’homme dans un état de presque divine félicité, lui rendre même des facultés tout à fait merveilleuses et des lumières présentement surnaturelles.

2007. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Au fond, il est avare et avide de biens ; il est porté aux excès : ainsi ses préceptes dépendent de la carrière qu’il envisage en enseignant. […] Le seul maître qu’il connaisse de cette science politique est l’abbé de Saint-Pierre, qu’il admire sans réserve, sauf la forme, et dont, selon lui, le seul malheur a été de ne pas être agréablement éloquent : « Quelques termes bizarrement placés, quelques idées de minuties qui l’occupent sur le chemin du grand, lui donnent du ridicule, et le ridicule dégoûte trop du bon en notre jolie patrie. » Mais au fond il lui accorde que « ses projets sont tous bons.

2008. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

M. de Serre, ce jour-là, semblait se jouer dans les tempêtes ; son argumentation n’en était pas un seul instant ébranlée et déconcertée ; et quand il arriva au fond même, au corps de la loi qu’il attaquait, il redoubla de vigueur et de puissance. […] Mais ces défauts mêmes sont des garanties, et, quand on a un peu de patience et du temps, on peut se confier aux impressions qui résulteront à la longue de la lecture d’un livre où l’estimable auteur a su apporter bien des qualités de fond, et les plus essentielles, les plus indispensables à ce témoin et rapporteur véridique qui s’appelle un historien. » 42.

2009. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

J’ai dit qu’elle savait l’italien ; elle faisait même des sonnets italiens, elle possédait cette belle littérature ; et je ne serais pas étonné que ce fut de là qu’elle eût tiré le fond et peut-être le développement de ce docte et ingénieux dialogue, le Débat de Folie et Amour. […] Y aurait-il eu un jour, une heure où, regardant au fond de ce cœur trop confiant en sa flamme, elle l’eut trouvé changé, refroidi, presque méconnaissable, et aurait-elle jamais consenti, condescendu par degrés au sentiment doucement attristé qui inspira à de plus humbles et à de plus résignées des vers comme ceux-ci : Serait-ce un autre cœur que la Nature donne A ceux qu’elle préfère et destine à vieillir ?

2010. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Que les jugements des hommes sont bien d’accord au fond avec leur organisation, et qu’ils ressortent vivement de leur personnalité même ! […] Jusqu’à présent, le marteau a été fort, mais petit à petit le manche s’use ; les esclaves s’enrichissent, la noblesse abuse, et déjà bien des seigneurs n’osent plus aller dans leurs terres ; et dans le fond il n’y a pas une très-grande différence entre l’état de la Russie et celui de Méhémet-Ali ; on est ici, comme en Égypte, sur une boursouflure qui tôt ou tard ne pourra plus soutenir la pesanteur du fardeau.

2011. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Votre âme se fond à son sourire. […] encore une fois, sans doute, il est certaines beautés naturelles, simples, éternelles, de ces grands peintres du cœur humain, qui ont été senties de tout temps ; mais, dans les intervalles et pour l’ensemble de l’œuvre, que de restrictions, que de méprises, que de blâmes ou d’admirations à côté, avant que la critique historique fût venue pour éclairer les époques, les mœurs, le procédé de composition et de formation, tout le fond et les alentours de la société au sein de laquelle se produisirent ces grands monuments littéraires !

2012. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Mes regards plongèrent pour le voir, et je découvris sur sa surface, comme au fond d’un précipice, un bac de forme triangulaire. […] Le respect qu’il inspirait autour de lui ne permettait pas d’aller au fond de ses pensées.

2013. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Je fus si frappé de ce qu’il dit, que je ne l’ai jamais oublié… » Les phrases de lui que cite Malouet ne ressemblent à celles que je vois citées ailleurs que par le fond de la pensée ; la sténographie, on le sait, était encore dans l’enfance. […] Il ne se dit point que l’autorité de Raynal (si autorité il y avait) ne pouvait se séparer du fond des doctrines qu’il avait si ostensiblement soutenues et proclamées ; que son changement d’idées graduel et sincère, remontant à quelques années et connu seulement de quelques amis, ne pouvait que lui nuire en éclatant comme une conversion subite et en s’étalant comme un exemple de plus de la versatilité humaine ; que les hommes célèbres et les personnages publics ne sont pas seulement ce qu’ils sont, mais ce qu’ils paraissent ; que l’auteur de l’Histoire philosophique était le dernier des hommes qui eût le droit de rappeler si solennellement à la modération ceux qu’il avait de longue main excités et échauffés ; que c’était tout au plus ce qu’aurait pu tenter un Mirabeau, se transformant de tribun séditieux en tribun conservateur : et encore aurait-il eu de terribles difficultés personnelles à vaincre : Quis tulerit Gracchos de seditione querentes ?

2014. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

« L’Indien se couche au fond de son canot quand il tourbillonne sur l’abîme. […] Quand on écrit la biographie de certains poètes, on peut dire que l’on montre l’envers de leur poésie ; il y a disparate de ton : ici, dans cette longue odyssée domestique, on a simplement vu le fond même et l’étoffe dont la poésie de Mme Valmore est faite, et à quel degré, dans cette vie d’oiseau perpétuellement sur la branche, — sur une branche sèche et dépouillée, — près de son nid en deuil, toute pareille à la Philomèle de Virgile, elle a été un chantre sincère.

2015. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Être poëte, créer, et avoir une forme dont votre création, grande ou petite, ne se sépare pas, tout cela se tient au fond, et les classifications reçues doivent, bon gré malgré, s’y ranger. […] Entre le roué spirituel, impudent, et la favorite, dont Mlle Mante représente parfaitement l’ambition assez robuste et peu ébranlable, le feu de riposte est vif, serré, nourri ; ils se rivent chacun leur clou, comme on dit, avec une prestesse et une justesse qui fait oublier l’ignoble du fond.

2016. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Maine de Biran, sont déjà des méditations ébauchées et mieux qu’ébauchées : O Biran, que ne puis-je en ce doux ermitage, Respirant près de toi la liberté, la paix, Cacher ma vie oisive au fond de tes bosquets ! […] Soit dans le fond, soit pour la forme, en quoi peut-il nous flatter, nous séduire, nous irriter si l’on veut, nous toucher enfin pour le moment, sauf à réunir ensuite les conditions immortelles ?

2017. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

et si quelque chose de véritablement essentiel ou de piquant, d’original en un mot, est en jeu ; c’est à ce fond qu’il faut venir pour classer les œuvres et surtout les hommes. […] Le Clerc a épuisé les pièces restantes du procès, en a tiré tout le parti possible ; si l’on doute encore après cela, c’est que le doute est dans le fond même et qu’il ne se peut éviter.

2018. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Ce que ne gardèrent pas moins, en général, les personnages de cette époque et de ce rang qui survécurent et dont la vieillesse honorée s’est prolongée jusqu’à nous, c’est une fidélité remarquable, sinon à tous les principes, du moins à l’esprit des doctrines et des mœurs dont s’était imbue leur jeunesse ; c’est le don de sociabilité, la pratique affable, tolérante, presque affectueuse, vraiment libérale, sans ombre de misanthropie et d’amertume, une sorte de confiance souriante et deux fois aimable après tant de déceptions, et ce trait qui, dans l’homme excellent dont nous parlons, formait plus qu’une qualité vague et était devenu le fond même du caractère et une vertu, la bienveillance. […] Son frère le vicomte, avec moins de fond, avait plus de trait et de pointe : M. de Ségur est plutôt un esprit uni, orné, nuancé ; il ne sort pas des tons adoucis.

2019. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Quant au fond, l’Art poétique préjuge une grande question : y a-t-il une beauté, partant un goût absolus ? […] Chez les anciens, les genres se distinguaient par la forme, par le mètre : chez nous, ils se distinguent surtout (du moins les principaux) par le fond, par l’impression, la forme restant libre dans une large mesure.

2020. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Ce plaisir, on le trouve un peu puéril et on a quelque peine à le goûter tout d’abord quand on s’est laissé corrompre par d’autres livres où le besoin de la vérité, même triste, surtout triste, s’étale avec quelque chose de maladif et d’outré ; mais, avec un peu d’effort, on s’affranchit de cette impression première ; on sent se réveiller au fond de son âme, sous les tristesses d’une expérience morose, sous le positivisme et le pessimisme acquis, cet amour des fables et des fictions, ce goût de l’irréel qu’apporte tout homme venant en ce monde. […] Pour peu qu’on soit de méchante humeur, quelques-unes des élégances artificielles qui recouvrent ce fond grossier étonnent comme un contresens, ou comme une naïveté, ou comme une hypocrisie.

2021. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

La guerre était évidemment, de tous les travaux humains, celui où ses facultés essentielles et le fond de fougue animale qu’il portait en lui trouvaient le mieux leur emploi. […] Leur œuvre même dépend au fond de celle du soldat.

2022. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Dans notre maniere d’être actuelle, notre ame goûte trois sortes de plaisirs ; il y en a qu’elle tire du fond de son existence même, d’autres qui résultent de son union avec le corps, d’autres enfin qui sont fondés sur les plis & les préjugés que de certaines institutions, de certains usages, de certaines habitudes lui ont fait prendre. […] Ainsi les Peintres grouppent leurs figures ; ainsi ceux qui peignent les batailles mettent-ils sur le devant de leurs tableaux les choses que l’oeil doit distinguer, & la confusion dans le fond & le lointain.

2023. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Au fond l’invention prime et commande le travail que seule elle rend possible. […] Au fond, il n’y a pas une si grande différence entre la Renaissance et notre temps au point de vue de la sociabilité.

2024. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Toutes les géométries que j’envisageais avaient ainsi un fond commun, ce continuum à trois dimensions qui était le même pour toutes et qui ne se différenciait que par les figures qu’on y traçait ou quand on prétendait le mesurer. […] L’espace euclidien n’est pas une forme imposée à notre sensibilité, puisque nous pouvons imaginer l’espace non-euclidien ; mais les deux espaces euclidien et non-euclidien ont un fond commun, c’est ce continuum amorphe dont je parlais au début ; de ce continuum nous pouvons tirer soit l’espace euclidien, soit l’espace lobatchewskien, de même que nous pouvons, en y traçant une graduation convenable, transformer un thermomètre non gradué soit en thermomètre Fahrenheit, soit en thermomètre Réaumur.

2025. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Quand Chateaubriand, au début de notre siècle, écrivit son Génie du Christianisme, qui n’est au fond et encore partiellement que le génie du catholicisme, il défendit sa religion en montrant qu’elle était artistique, aimable, qu’elle avait des fêtes charmantes, des cérémonies touchantes, des beautés extérieures de toute espèce. […] Il n’est pas difficile non plus de retrouver un fond de gravité et de sévérité protestantes chez des hommes, qui, vivant à Paris, dans un milieu sceptique, ont jonché leur route des débris de leur orthodoxie.

2026. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Au fond, la meute n’a qu’un gibier, et ce n’est ni Berlioz, ni même Wagner : c’est l’Art. […] Comment aurais-je l’enfantillage de m’exalter à froid pour ce qui me semblerait n’être, au fond, qu’une imposture ?

2027. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Un écrivain, qui était assez de l’école de Huet en philosophie, a dit : La vie humaine réduite à elle-même et à son dernier mot serait trop simple et trop nue ; il a fallu que la pensée civilisée se mît en quatre pour en déguiser et pour en décorer le fond. […] Que faut-il pourtant penser, au fond, de la religion de Huet ?

2028. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

C’est qu’au fond, en bien des parties, ce pamphlet n’est pas seulement fou, il est atroce. […] Je ne nie pas qu’il n’y ait au fond de ce dévergondage et de cette exaltation un sentiment d’inspiration patriotique, si l’on veut, et d’amour sincère de la liberté, de l’égalité moderne.

2029. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Les Mémoires de Mme de Staal (de Launay) nous font voir M. de Malezieu sous un jour moins favorable : cérémonieux, démonstratif et plat, sans beaucoup de discernement au fond, quand ce discernement lui était inutile, et que l’esprit avait besoin de s’y aider d’un peu de cœur. […] Au point de vue littéraire qui, de près ou de loin, est toujours le nôtre, l’inconvénient de ce train de vie tumultueux était au fond d’être incompatible avec le vrai goût.

2030. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mais les filles de sa suite découvrent une folle enfermée dans un cachot : vite elles appellent Mademoiselle pour la divertir du spectacle de ses extravagances : « Je pris ma course vers ce cachot, dit-elle, et n’en sortis que pour souper. » Le second jour, l’abbesse, voyant qu’elle y avait pris goût, la régala d’une seconde folle : « Comme il n’y en avait plus pour un autre jour, ajoute-t-elle plaisamment, l’ennui me prit ; je m’en allai malgré les instances de ma tantej. » C’est de ce ton que les misères humaines sont traitées, et de la part de quelqu’un qui avait de la bonté au fond, mais personne, encore une fois, pour l’éclairer et l’avertir. […] On dansa sur un grand théâtre éclairé ; au milieu et au fond il y avait un trône élevé de trois marches et surmonté d’un dais : Le roi (Louis XIV) ni le prince de Galles (depuis Charles II) ne se voulurent point mettre sur ce trône ; j’y demeurai seule, de sorte que je vis à mes pieds ces deux princes et ce qu’il y avait de princesses à la Cour.

2031. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

En agissant ainsi, il était sincère et tout à fait d’accord avec le fond de sa pensée politique. […] M. de La Marck, après s’être bien assuré du fond de la situation, et particulièrement que Mirabeau ne trempait en rien, comme ses ennemis l’en accusaient, dans le parti d’Orléans, ne trouvant en lui qu’un homme du plus haut talent et de la première capacité entravé par des « embarras subalternes », résolut de l’aider à en sortir et à reconquérir dignité, liberté d’action, indépendance : ce point gagné, le reste devait suivre immanquablement.

2032. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

La vie de Voltaire est une comédie : la correspondance avec d’Alembert nous en fait voir les coulisses et le fond ; le reste n’est plus ou moins que de l’avant-scène. […] Mais quant au fond et à l’exactitude du procédé, on ne saurait rien lui contester ; et, dans son insistance finale, il fut poussé lui-même à bout par les importunités incessantes et le jeu hypocrite de son adversaire. — J’ajouterai qu’après la mort de tous deux, Mme Denis, alors Mme Duvivier, héritière de Voltaire, dut payer au fils de M. de Brosses une somme de quarante mille francs environ, après estimation faite par les experts des diverses dégradations et détériorations qu’avait subies la propriété ; ce qui prouve que Voltaire n’avait pas ménagé l’usufruit.

2033. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Lorsque Shakespeare, par la bouche d’Othello, appelle Desdemona whore, indignation générale, révolte unanime, scandale de fond en comble, qu’est-ce que c’est donc que ce Shakespeare ? […] De là en Angleterre, pour Shakespeare, un fond de froideur irréductible.

2034. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Quand les Grecs et les Latins ont dit quelques mots d’un paysage, ce n’a jamais été que pour y placer des personnages et faire rapidement un fond de tableau ; mais ils n’ont jamais représenté nuement, comme nous, les fleuves, les montagnes et les forêts : c’est tout ce que nous prétendons dire ici. […] Un Faune joue de la flûte dans l’éloignement, et une femme ailée fait le fond de la figure d’Hercule.

2035. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Le fond de l’ouvrage est bon, mais il n’est pas bien fait. […] Le Dictionnaire de Furetiere fut le fond sur lequel on bâtit le grand Dictionnaire de Trévoux qu’on annonça comme un ouvrage universel fait sur un plan nouveau, contenant tous les mots françois, tant anciens que modernes, & les termes des arts & des sciences, 1704. , trois volumes in-fol., & porté ensuite jusqu’à sept volumes du même format.

2036. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

En un établissement abandonné où se baignèrent les belles d’il y a cinquante ans, au fond d’un vieux parc où les arbres montent tandis que s’affaissent les élégances humaines, je lis les Mémoires de Cora Pearlt. […] Ce sont des pages d’André Bretonx qui me le révèlent — lasses et extrêmes comme la voix qui au fond des grottes ne s’entend que par échos, avouant dans un expirant murmure le mystère qui ne sera jamais approché.

2037. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Nous autres Français, par cette sorte d’impatience qui fut toujours dans le fond de notre caractère, nous avons voulu faire notre langue, comme nous voulons à présent faire nos institutions. […] Le fond de notre langue était déjà la langue celtique.

2038. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Il a recueilli des affectations d’une heure, qui ont parfois rayé ce marbre pur, comme une pluie qui passe, mais le fond de cette âme qui, en générosité, valait celle d’Alexandre, il ne l’a pas vu ! […] Nisard : toutes ses héroïnes sont des sœurs par leurs sentiments bien plus que des maîtresses, et qui sait même si les amours de ce Lovelace faux qui cachait peut-être un Grandisson, mais poétique, au fond de son âme, ne furent pas plutôt des amours fraternels qu’autre chose ?

2039. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

À bien y regarder, il n’y avait, au fond, dans son histoire de Galilée, que l’éternelle histoire de la nature humaine, dont madame Pernelle disait ; Je vous l’ai dit, mon fils, quand vous étiez petit : Les envieux mourront, mais non jamais l’envie ! […] Il a eu cette bienfaisance, tant il se fond d’amour, tout à l’heure, pour l’humanité, ce diable de Chasles !

2040. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

. — Tant il est vrai que sous les couleurs diverses des politiques et des morales, un même fond d’idées sociales transparaît. […] Quant aux faits qu’on allègue, et qui se manifesteraient identiques dans les milieux précisément les plus différents, il suffit de les examiner un à un pour reconnaître que cette identité n’est que superficielle, ou même apparente : au fond, rien n’est plus différent du troc primitif que le clearing-house des banques d’Angleterre, du communisme archaïque, que le collectivisme à la moderne20.

2041. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Tour à tour populaire ou savant, moqueur ou mélancolique, sceptique ou religieux, ce fond de poésie, sous des mains diverses, occupa vivement la France. […] Si, depuis cet éclat du génie de l’Espagne égal à la grandeur même de sa politique, il y eut de longues stérilités, ce n’est pas à dire que le fond de la race ait changé et qu’elle n’ait pas pour les arts une puissance originale, dont les traits se retrouvent jusque dans le génie maniéré de Gongora.

2042. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Mais au fond il sait très bien que l’on n’a ni l’un ; ni l’autre. […] Et une parole remonte à l’homme du fond des temps : La lettre tue. […] Mais qu’est-ce à présent, tout-à-fait au fond, que le durcissement. […] Et au fond c’est ce que tout le monde veut. […] Au fond je ne sais que ce qu’il y avait dans mon catéchisme ; quand j’étais petit.

2043. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Si l’on veut comprendre par où cette pièce allait faire révolution, ce n’est pas au fond même de l’œuvre qu’il faut s’attacher. […] Que si vous vous étonnez que le scepticisme, ou pour mieux dire le « nihilisme » moral, qui est au fond du théâtre de M.  […] La poésie consiste à aller au fond de ce qui est. […] Et l’on voit l’éclair d’ironie, la pointe malicieuse qui luit au fond des yeux provençaux… Et moi aussi, je suis un galéjaïré. […] Daudet ce fond de mélancolie native, et par suite n’ait contribué à le rendre plus intelligent de la souffrance d’autrui.

2044. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

inextinguible flamme, Qui fond deux cœurs mortels, et n’en fait plus qu’une âme !

2045. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Reynaud, la lutte de ces deux intérêts, désormais en présence, qui va occuper la période où nous entrons ; c’est cette lutte sourde et inégale qu’on retrouve, depuis deux ans, au fond de toutes les questions politiques.

2046. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Eh bien, pour revenir à M. de Bernard, il pourra bien être, s’il le veut, l’Améric Vespuce de cette terre dont M. de Balzac est le Christophe Colomb ; oui, l’observation du monde des dix dernières années, il la possède ; ce fond nouveau de sensibilité, de coquetterie, d’art, de prétentions de toutes sortes, ce continent bizarre qui ressemble fort à une île flottante, il y a pied et n’en sort pas.

2047. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

On mesure dans cette déclaration la valeur des idées que lentement, sourdement, sur le regard indulgent des puissances séculière et religieuse, par les soins des plus inoffensifs régents, la culture classique fera couler pendant deux | siècles au fond des âmes, y préparant la forme que les circonstances historiques appelleront au jour.

2048. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Ainsi, telles maximes qui furent l’apanage d’une minorité, rayonneront jusqu’au fond des provinces.

2049. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Il ne faudrait pas en conclure que la science ne peut faire qu’un travail de Pénélope, qu’elle ne peut élever que des constructions éphémères qu’elle est bientôt forcée de démolir de fond en comble de ses propres mains.

2050. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Le fait répond d’ordinaire oui ou non aux questions de ce genre, et, au fond, il importe peu.

2051. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

— Or j’ai fait desceller pour toi la tombe ancienne Où dorment les aïeux, où ma place m’attend, Et descendre moi-même au fond, pieusement, Ton cercueil de bois blanc sur les bières de chêne, Et j’ai pleuré…………………………… Puis, un jour, par hasard j’ai connu ton histoire, Pastoure qui chantais dans les seigles d’été, J’ai compris ton amour maternel, ta bonté, L’énigme de tes yeux qui hantait ma mémoire, Servante dont les doigts noueux étaient câlins… Je me sens aujourd’hui, sacrilège, ô servante, Dors, l’orgueil d’un poème est indigne de toi… Ô pays, le printemps va fleurir tes sous-bois : Les tourdelles déjà grapillent dans le lierre ; Plateaux et vous, blés noir, qu’un aïeul cultiva Terre dont j’ai compris la pauvreté hautaine C’est peut-être, en mon cœur, elle, qui réveilla L’atavisme endormi de ma race lointaine, L’orgueil des champs, l’orgueil des fruits, l’orgueil du sol Et dans le dernier fils des aïeux cévenols !

2052. (1879) Balzac, sa méthode de travail

Il jugeait le fond sans importance ; il essaya de le recouvrir de spirituelles broderies.

2053. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

Le premier cours se distribuera en huit classes, celuici ne se distribue qu’en trois ; mais l’enseignement reçu dans ces trois classes, toujours le même pour le fond des matières, s’étendra de plus en plus, deviendra successivement plus détaillé et plus fort ; on n’en saurait trop approfondir les objets, les élèves n’en peuvent trop écouter les préceptes.

2054. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Cette urne est en argent comptant au fond du coffre-fort de ton père. " et où est l’enfant qui l’ignore ?

2055. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Le peintre s’est servi de cette image pour faire le fond d’un tableau dont la principale figure est le portrait d’une princesse sortie du sang de France ; mais qui est plus illustre aujourd’hui dans la societé des nations, et qui doit être encore plus célebre dans l’avenir par sa beauté que par son rang et par sa naissance.

2056. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

(Ils se retirent tous deux vers le fond du théâtre.

2057. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Notre rhétorique vous semble artificielle parce que vous n’allez pas au fond des choses.

2058. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Esprit essentiellement moderne, sensible, ouvert, trop ouvert, facile à tous les entraînements, depuis les dévergondages d’une générosité sans raison jusqu’à ce fait d’une défection qui n’a épouvanté ni son esprit ni sa conscience, le duc de Raguse a cru qu’en s’y prenant adroitement et de loin il ferait aisément illusion à un temps éclectique en toutes choses, qui aime à se payer de phrases, et pour qui le manque d’étendue est le fond de toute sévérité, fit que disons-nous ?

2059. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

Sans la prétention littéraire qui les distingue et qui est leur caractéristique, ils ne seraient que des pauvres, non pas de ceux-là que l’admirable Église catholique appelle « les membres de Jésus-Christ », titre sublime qui révolterait leur orgueil ; non pas de ces pauvres honteux qui sont si touchants ; mais des pauvres sans honte, faméliques, paresseux, envieux, impudents, enragés, comme il en existe partout, dans toutes les sociétés du monde, — le fond commun de l’humanité, qui se répète, hélas !

2060. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

car, sur le fond des choses, l’ouvrage d’Edmond About ne nous apprend absolument rien.

2061. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

il y a au fond un triste-à-pattes, tandis que dans Leopardi il n’y a que le triste-à-pattes.

2062. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Or, sans se préoccuper en ce moment du fond des choses, c’est-à-dire des jugements et des conclusions de l’auteur, nous affirmons qu’indépendamment de toute conclusion et de tout jugement il y avait là une grande et intéressante histoire à écrire, et que jamais moment n’aurait été mieux choisi pour la publier.

2063. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Il nous apprend qu’elle était bâtie sur les ruines mêmes de la maison de campagne de Pline ; de son temps, les fondements subsistaient encore, et quand l’eau était calme, on apercevait au fond du lac des marbres taillés, des tronçons de colonnes et des restes de pyramides qui avaient orné le séjour de l’ami de Trajan.

2064. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Je ne suis pas bien sûr que son crâne géant n’ait pas crevé le fond de son chapeau, si ce n’est pas cela, alors c’est autre chose. […] Ce trait au fond duquel on ne voit qu’une folle vanterie est un trait de l’homme. […] Il a pour domestique un mulâtre qu’il habille d’écarlate de fond en comble. […] Karr, qui avez un mulâtre habillé d’écarlate de fond en comble ! […] Hugo a une cour de jeunes poètes qui se sont enflammés pour lui du fond de leur province et dont il se sert avec l’adresse la plus réfléchie.

2065. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Elle est fixe ; nul être, homme ou Dieu, ne peut se soustraire aux événements compris dans son lot ; au fond, c’est là une vérité abstraite ; si les Moires d’Homère sont déesses, ce n’est guère que par fiction ; sous le mot poétique, comme sous une eau transparente, on voit apparaître l’enchaînement indissoluble des faits et les démarcations indestructibles des choses. […] Notre fond naturel est vicieux ; réprimons tous nos penchants naturels et mortifions notre corps. […] Dans ces hauteurs brûlantes où la raison se fond comme une cire, le symbole et l’apparition, entrelacés, effacés l’un par l’autre, aboutissent à l’éblouissement mystique, et le poëme tout entier, infernal ou divin, est un rêve qui commence par le cauchemar, pour finir par le ravissement. […] Au fond du polythéisme est le sentiment de la nature vivante, immortelle, créatrice, et ce sentiment durait toujours. […] Lorsqu’un peuple sent la vie divine des choses naturelles, il n’a pas de peine à démêler le fond naturel d’où sortent les personnes divines.

2066. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Molière, bien plus brutal encore dans le fond qu’à la surface, jouit de ce qu’on pourrait appeler la moralité acquise. […] Ecrire, chanter, sculpter, ce sont des actes ; penser, même dans le silence de la nuit et au fond d’un cachot, c’est un acte. […] n’est-elle pas aussi, et plus souvent encore, un sac de sel qui fond sur les épaules de l’âne aux premiers orages de la vie ? […] Au fond de ce caractère, on discerne un sens inné de l’élégance, de ce que d’Aurevilly et Baudelaire appelaient le dandysme. […] Les unes sont catholiques ; les autres, luthériennes ; mais d’un esprit au fond peu différent.

2067. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Le fond de la nation est de familles gauloises, & le caractere des anciens Gaulois a toûjours subsisté. […] Le gouvernement barbare des Turcs a énervé de même les Egyptiens & les Grecs, sans avoir pû détruire le fond du caractere, & la trempe de l’esprit de ces peuples. Le fond du François est tel aujourd’hui, que César a peint le Gaulois, prompt à se résoudre, ardent à combattre, impétueux dans l’attaque, se rébutant aisément. […] Chaque genre a ses nuances différentes ; on peut au fond les réduire à deux, le simple & le relevé. […] Ce seroit nier le fond de l’histoire pour en défendre une circonstance.

2068. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Il lisait sans doute aussi avec l’idée d’imiter les grands exemples qu’il voyait retracés, et de devenir quelque chose ; mais au fond son plus cher désir et son ambition étaient plutôt d’être de quelque chose afin de savoir le mieux qu’il pourrait les affaires de son temps et de les écrire. […] Si l’on va au fond et qu’on dégage le système des mille détails d’étiquette qui le compliquent et qui le compromettent à nos yeux par une teinte de ridicule, on y saisit une inspiration qui, dans Saint-Simon, fait honneur sinon au politique pratique, du moins au citoyen et à l’historien publiciste. […] Après chaque mécompte ou chagrin, Saint-Simon s’en allait droit à la Trappe chercher une consolation, comme on va dans une blessure au chirurgien ; mais il en revenait sans avoir modifié son fond et sans travailler à corriger son esprit.

2069. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Il n’en est rien, et c’est d’eux seuls que dépendra leur histoire : chacun sera l’ouvrier de sa fortune ; le hasard n’a point de prise sur des événements si vastes, et ce sont les inclinations et les facultés nationales qui, renversant ou suscitant les obstacles, les conduiront fatalement chacun à son terme, les uns jusqu’au fond de la décadence, les autres jusqu’au faîte de la prospérité. […] V Au fond du présent comme au fond du passé, reparaît toujours une cause intérieure et persistante, le caractère de la race ; l’hérédité et le climat l’ont entretenu ; une perturbation violente, la conquête normande, l’a infléchi ; à la fin, après des oscillations diverses, il s’est manifesté par la conception d’un modèle idéal propre, qui peu à peu a façonné ou produit la religion, la littérature et les institutions.

2070. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Dante incarne tout le surnaturalisme, Shakespeare incarne toute la nature ; et comme ces deux régions, nature et surnaturalisme, qui nous apparaissent si diverses, sont dans l’absolu la même unité, Dante et Shakespeare, si dissemblables pourtant, se mêlent par les bords et adhèrent par le fond ; il y a de l’homme dans Alighieri, et du fantôme dans Shakespeare. […] Vois, ils te rendent tous des remerciements du fond de leur cœur. — Le nombre des convives est égal des deux côtés. […] Ce mot était tellement sur toutes les lèvres qu’il est sorti à la fois et à l’unanimité du fond du pays ; de cette heure, il n’y a pas eu un moment de repos pour moi ; comme le bouc expiatoire d’Israël, j’ai été rejeté hors des murs et déclaré coupable du salut commun.

2071. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Ainsi se forment les diverses conceptions de la vie, plus ou moins logiques avec elles-mêmes, plus ou moins ajustables entre elles, qui donnent à la morale, pour chacune d’elles, une sorte de fond commun. […] Mais, au fond, les deux sont identiques. « Fais cela, je te l’ordonne… si tu désobéis, la prison… si tu es sage les emplois, la fortune, les honneurs, … si tu n’obéis pas, tu es un mauvais citoyen…, il faut obéir à la loi parce que c’est la loi. » Elle est dans son rôle et dans son droit. […] Il s’installe comme un aventurier à qui sa hardiesse tient lieu de droits et de force réelle, et dont le verbe est d’autant plus arrogant qu’il est, au fond, moins convaincu de sa puissance.

2072. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Au total donc il y aura dans la philosophie deux ordres de problèmes, identiques au fond : ceux d’où naissent les sciences, et ceux qui en résultent. […] Le cartésianisme réservé et peu subversif au fond, chez qui, suivant la remarque de Ritter (Histoire de la phil. moderne, t.  […] C’est à celle-ci en effet qu’il appartient de procéder in asbtracto ; de prendre l’esprit tout constitué, adulte, et d’en étudier le mécanisme : elle ne peut et ne doit s’attacher qu’au fond invariable11, tandis que la psychologie étudie les phénomènes et les facultés dans leur origine, leur développement, leurs transformations.

2073. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

La France des bataillons scolaires, des sociétés de gymnastique, des lycées de filles ne sera bientôt plus la France du second empire, qui était sûrement bien différente à Paris et au fond du Morbihan. […] Et, si on va au fond des choses, l’homme n’est pas seul à résister de la sorte. […] On pourra, il est vrai, dire à cela qu’à part les artistes et les écrivains, la plupart des gens n’aiment pas, à leurs moments de loisir, se plonger dans des préoccupations ou des souvenirs analogues à ceux qui constituent le fond de leur activité habituelle, que des commerçants, des politiciens, des médecins choisissent des livres, des tableaux, des musiques, opposés de ton et de tendance aux dispositions dont ils doivent user dans leur vie active.

2074. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

L’inactivité surchauffait son tempérament ardent, « il lui semblait que la vie redoublait au fond de son cœur, qu’il aurait la puissance de créer des mondes ». […] Il y raconte que sa mère, grosse de cinq mois, part du fond de l’Allemagne pour Naples, où il lui prend fantaisie de gravir le Vésuve : à la bouche du volcan, elle fait un faux pas et une fausse couche et Kotzebue naît sur un volcan. […] Un farceur ne s’y trompa, il annonça qu’Atala ressuscitée, ramenée à Paris et examinée par des médecins, logeait dans un pavillon au fond du jardin du citoyen Chateaubriand.

2075. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

V Tel est ce drame : on y aperçoit déjà un raffinement de style qui touche de près à la corruption du goût chez les peuples vieux ; mais la candeur, la douceur, l’innocence des sentiments et des mœurs qui forment le fond de la religion et de la civilisation des Indes primitives, y édifient partout le lecteur ou le spectateur. […] Hanoumun, touché des gémissements de Valmiki, et oubliant généreusement toute jalousie de poète, permit à son rival de plonger au fond de la mer, et d’y copier les inscriptions et les vers que le demi-dieu y avait gravés. […] — « Voyez cet autre tableau », lui dit Sita ; « il représente l’instant où vous vous revêtez de l’habit de pénitence parmi les saints cénobites. » — « Oui », réplique le héros, « cet état de vie austère que les anciens rois de notre race adoptaient pour se sanctifier quand ils avaient abdiqué l’empire en faveur de leurs enfants, nous l’avons adopté à la fleur de notre âge, nous avons été heureux de languir dans ces ermitages au fond des forêts, pour nous former à la sagesse sous des maîtres inspirés des dieux.

2076. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

L’impression est donc le véritable corps simple, l’élément primordial plus ou moins latent qui est au fond de nos idées. […] Au fond, sa doctrine est le sentiment de bien des médecins de tous les temps et de tous les pays. […] Une jouissance vive et continue tend à épuiser le fond de l’activité nerveuse, de même qu’un affaiblissement de cette activité causé par un certain état pathologique amène une éclipse de la sensibilité.

2077. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

André Chénier, moins sévère, a dit : « Quoique le fond des choses soit détestable dans ce poème, il ne faut point le mépriser : la versification en est étonnante. […] Le bon sens du fond n’en souffre pas ; nous n’avons qu’à y puiser à pleines mains : « Il n’y a pas longtemps que nous avons eu des ministres qui avaient du nom dans le monde. […] Il est vrai que le roi, lui commettant ses affaires, lui fit expédier un brevet de vingt mille écus de pension ; mais il est vrai aussi qu’il ne l’accepta qu’avec protestation de ne s’en servir jamais, et ne le garder que pour un témoignage d’avoir eu quelque part en la bienveillance de Sa Majesté. » Malherbe, pour preuve de la générosité du Cardinal, rappelle en passant qu’il a entrepris de faire rebâtir à ses frais la Sorbonne de fond en comble, dépense qui n’ira guère à moins de cent mille écus : « Mais ce que je vous vais dire est bien autre chose. […] C’était l’année décisive dans laquelle Richelieu, après quelques semblants de dégoût et des offres de démission pour tâter le maître, s’était affermi dans sa confiance, s’était démontré nécessaire, avait pris l’offensive contre ses ennemis, et avait obtenu, comme malgré lui, une garde particulière ; mais encore, en obtenant ce qu’au fond il désirait, il avait voulu en faire les frais lui-même, et cette nouvelle marque de générosité avait séduit Malherbe : « Le roi qui le voit mal voulu de tous ceux qui aiment le désordre (et vous savez qu’ils ne sont pas en petit nombre) a désiré qu’il ait quelques soldats pour le garder.

2078. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Car admettre l’universalité de ce théorème, c’est supposer, au fond, que les points matériels dont l’univers se compose sont uniquement soumis à des forces attractives et répulsives, émanant de ces points eux-mêmes, et dont les intensités ne dépendent que des distances : d’où résulterait que la position relative de ces points matériels à un moment donné — quelle que soit leur nature — est rigoureusement déterminée par rapport à ce qu’elle était au moment précédent. […] Bref, le prétendu déterminisme physique se réduit, au fond, à un déterminisme psychologique, et c’est bien cette dernière doctrine, comme nous l’annoncions tout d’abord, qu’il s’agit d’examiner. […] C’est là, au fond, la question que vous posiez quand vous faisiez intervenir un philosophe Paul, prédécesseur de Pierre, et chargé de se représenter en imagination les conditions où Pierre agira. […] Cette argumentation consiste, au fond, à ne pas entrer dans le détail des faits psychologiques concrets, par la crainte instinctive de se trouver en face de phénomènes qui défient toute représentation symbolique, toute prévision par conséquent.

2079. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Mais quand il parle, il y a, au fond de la plupart des hommes, quelque chose qui lui fait imperceptiblement écho. […] Mais ceux qui se sont inclinés de loin devant la parole mystique, parce qu’ils en entendaient au fond d’eux-mêmes le faible écho, ne demeureront pas indifférents à ce qu’elle annonce. […] Ajoutons — et c’est peut-être, au fond, la même chose — qu’il n’a pas cru à l’efficacité de l’action humaine. […] Cette exigence, l’esprit où elle siège a pu ne la sentir pleinement qu’une fois dans sa vie, mais elle est toujours là, émotion unique, ébranlement ou élan reçu du fond même des choses.

2080. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Je laisse la fable agréable, mais un peu moins parfaite de l’amour de Flore pour Zéphyre ; le tout se termine par un vœu : Puisses-tu, beau Zéphyre, auprès de ton poète, Pour seul prix de mes vers, au fond de ma retraite,         Caresser un jour mes vieux ans !

2081. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Il en est pourtant dont la grâce vraiment enchanteresse ne saurait s’oublier : « En Amérique, dit l’auteur, quand la marée s’est retirée, surpris quelquefois de trouver une fleur dans le fond d’un rocher stérile sur lequel le flot vient de se briser, vous voulez cueillir cette aigrette flottante qui résiste si bien aux orages et qui méprise la rosée du ciel ; tout à coup la fleur se retire des doigts indiscrets qui viennent de la toucher.

2082. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Ce qui peut y être considéré comme le propre d’Eugène, c’est la forme qu’il leur a donnée et qui nous représente fidèlement la tournure particulière de son esprit ; quelque chose de complexe, d’un peu obscur à la surface, et qui rayonne par le fond ; une clarté profonde, sans beaucoup de transparence ; une pensée solidaire qui se manifeste sur plus d’un point à la fois, et se déroule avec une plénitude imposante dans sa qualité fondamentale ; un arbre d’une puissante végétation intérieure, qui n’a nul souci de l’écorce ; une allure simple, grave, un peu enveloppée, faisant beaucoup de chemin sans affecter beaucoup de mouvement ; souvent de ces mots brefs et compréhensifs, de ces formules d’apôtre qui gravent une pensée pour toute une religion.

2083. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Il est remarquable, par exemple, qu’aucun historien, que Tacite lui-même ne nous dise pas par quels moyens, par quelle opinion, par quel ressort social les plus atroces et les plus stupides empereurs gouvernaient Rome sans rencontrer aucun obstacle, même pendant leur absence : Tibère de l’île de Caprée, Caligula du fond de la Bretagne, etc.

2084. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Au fond, Boileau était dans une fausse position : il était très « moderne » lui-même, et la façon dont il a habillé son Longin à la française montre la puissance qu’a sur lui le moyen goût de son siècle.

2085. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

L’histoire de Camille, c’est celle d’un être presque inconscient, proche de la nature, point méchant au fond, transformé, par sa chute même et par l’affreux mensonge où cette chute l’a contraint, en une créature aimante et capable désormais de vivre d’une vie morale.

2086. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

… » Or, pas le cœur de me marier, Étant, moi, au fond trop méprisable !

2087. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Fatalement tu es voué à l’emprisonnement dans ces caves, en communion de misère avec une foule d’êtres dont les uns sont comme toi beaux efforts et gardent aux yeux une étincelle de la lumière perdue, dont les autres, nés dans le souterrain, du désir de deux misérables, sont rachitiques, lugubres, et ne roulent au fond de leurs yeux que la morne obscurité d’un désespoir séculaire.

2088. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

« Elle était située, dit-elle à sa fille, au fond du faubourg Saint-Germain, fort au-delà de madame de La Fayette, quasi auprès de Vaugirard, dans la campagne ; une belle et grande maison où l’on n’entre point ; il y a un grand jardin, de beaux et grands appartements.

2089. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

D’ailleurs, toutes ses Fables n’ont pas été tirées d’un fond étranger.

2090. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Un Homme d’esprit étudie l’Art ; ses réflexions le préservent des fautes où peut conduire un instinct aveugle ; il est riche de son propre fond, &, avec le secours de l’imitation, maître des richesses d’autrui.

2091. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Oui, ce qu’on appelle risiblement la gloire des lettres, et qui n’est au fond que la modeste popularité domestique d’un nom connu d’autres noms contemporains plus éclatants, serait pour moi ceci : laisser quelques pages de mes sentiments ou de mes pensées en un petit volume sur la tablette de la chaumière ou de la maison des ouvriers de la ville ou de la campagne.

2092. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Le rôle de Hunding en particulier se scande ainsi farouchement : on dirait d’un bûcheron énorme ahanant au fond d’une forêt sonore.

2093. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Un des derniers se vantait d’être…… Le fond de cette fable est un fait arrivé dans une petite ville d’Italie ; mais le charlatan n’avait fait cette promesse qu’à l’égard d’un sot, d’un stupide, et non pas d’un âne : cela était moins invraisemblable, mais n’était pas si plaisant.

2094. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Nonobstant ces beautés, qui appartiennent au fond du Paradis perdu, il y a une foule de beautés de détail dont il serait trop long de rendre compte.

2095. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Deux liqueurs sont mêlées dans la coupe de la vie, l’une douce et l’autre amère : mais outre l’amertume de la seconde, il y a encore la lie, que les deux liqueurs déposent également au fond du vase.

2096. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

Il n’y a de véritable contraste que celui qui naît du fond de l’action, ou de la diversité soit des organes soit de l’intérêt.

2097. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Si la figure étoit achevée, les jambes s’en iraient sur le fond.

2098. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Quel dommage, dit ce peintre, par une de ces saillies qui font avec un trait la peinture du fond du coeur, qu’un ultramontain nous ait prévenu dans cette invention.

2099. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Y a-t-il, au fond, idée plus commune et plus retour de Pontoise que cela ?

2100. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Ricaneur éveillé par la vieillesse, à qui les oreilles d’âne d’une raison trop positive poussent sur un front ingénu et ouvert comme celui d’Homère, c’est par la tristesse, la douce, la patiente, la sublime tristesse, que, poète et chrétien dépaysé, il se retrouve dans l’infini, du fond des réalités de la vie !

2101. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Et de fait, c’est la sensation transformée de Condillac qui est le fond du livre de Taine.

2102. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

On ne trouve pas, il est vrai, non plus, dans ces vers d’un enthousiasme austère et d’une tristesse ardente, le flot incessant de magnifiques images que roule le Livre Surnaturel, toujours allumé, comme le chandelier d’or à sept branches, devant la pensée du poète ; mais on y trouve l’âme, l’élancement,  le plus beau mouvement de la poésie lyrique, — le mouvement haletant vers Dieu, — la brièveté forte, la flamme courte, tout cela sur un fond de grande naïveté orientale très étonnante venant d’une plume moderne.

2103. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Au fond, cette injure en marbre n’était qu’une justice.

2104. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

S’il y a au fond de leurs doctrines de perdition, comme dans ce livre de Césara, malgré ses folies, un enthousiasme, une compassion, un je ne sais quoi qui puisse faire illusion encore aux âmes et aux esprits sur l’erreur radicale que respirent ces malheureuses doctrines, cet enthousiasme, cette compassion, ce je ne sais quoi qui fait illusion encore, c’est le Christianisme qui l’y a mis !

2105. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

En Talma tout-à-coup mon homme se dessine ; Et s’arrachant les vers du fond de la poitrine, Sa languissante voix, en accens douloureux, Psalmodie un poëme en l’honneur de nos preux.

2106. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Que le fond du poëme soit de date ancienne, comment pourrait-on en douter, après la magnifique invocation de Lucrèce à Vénus, mère des fils d’Énée, mère du peuple de Mars, et en songeant à ce temple qui lui était consacré dans Rome au-dessus de l’amphithéâtre, à cette statue de Vénus armée, à cet attribut si étranger au dogme mythologique des Grecs, et qui, pour ainsi dire, la personnifiait romaine ?

2107. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

En vain nous les déguisons en les groupant, en les cachant sous des mots abstraits, en les divisant, en les transformant de telle sorte que souvent nous avons peine à les reconnaître : toutes les fois que nous regardons au fond de nos mots et de nos idées, nous les y trouvons, et nous n’y trouvons pas autre chose […] Au fond l’expérience ne présuppose rien hors d’elle-même. […] Nous appelons cause l’antécédent invariable, effet le conséquent invariable 1489. » Au fond, nous ne mettons rien d’autre sous ces deux mots. […] Nous trouvons les sensations distinctes au fond de toutes nos connaissances, comme des éléments simples, indécomposables, absolument séparés les uns des autres, absolument incapables d’être ramenés les uns aux autres. […] Il y a dans votre idée de la connaissance une lacune qui, incessamment ajoutée à elle-même, finit par creuser ce gouffre de hasard du fond duquel, selon lui, les choses naissent, et ce gouffre d’ignorance au bord duquel, selon lui, notre science doit s’arrêter.

2108. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Au fond, les Normands n’apportaient pas avec eux une nouvelle civilisation ; ils n’apportaient qu’un degré supérieur de culture. […] Cet amour de la vérité est le fond du génie de beaucoup de leurs grands hommes. […] C’est un proverbe saxon qui se retrouve au fond de toute leur histoire, qu’un homme ne connaît jamais sa force véritable que lorsqu’il l’a essayée. […] Ainsi l’homme intérieur est, au fond, identique dans toutes les races et préexiste à toute action des forces auxquelles il est soumis. […] L’originalité véritable de sa nature apparaît, et l’on voit jusqu’au fond de son âme.

2109. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

« Le dessus sérieux et froid de Champfleury, dit-il, cache un fond espiègle et malicieux qui, parfois, crève la surface : il est loustic. […] Au fond, ils sont troublés, l’orgueil les agite ; c’est une passion malheureuse, parce que tout au monde la contrarie. […] Cette Tourangelle est adultère dans le fond de son cœur. […] J’entends bien qu’au fond M.  […] Ce roi mystérieux étend, du fond de son palais, sa puissance sur un empire sans nom, étrange et chaud comme un rêve d’opium.

2110. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Entre la vase du fond et l’écume de la surface roulait le grand fleuve national, qui, s’épurant par son mouvement propre, laissait déjà voir par intervalles sa couleur vraie, pour étaler bientôt la régularité puissante de sa course et la limpidité salubre de son eau. […] Il est difficile de jouer un rôle et de faire le comédien longtemps, car lorsque la vérité n’est pas au fond, le naturel s’efforcera toujours de revenir, percera et se trahira un jour ou l’autre. […] Au fond, les gens de ce pays ne se soucient pas de la métaphysique ; pour les intéresser, il faut qu’elle se réduise à la psychologie. […] Au fond, en dépit des bourgs pourris, c’est elle qui gouverne. […] In fine, the whole world stands in admiration of them : fools are fond of them, and wise men are afraid of them ; they are talked of, they are pointed out ; and, as they order the matter, they draw the eyes of all men after them, and generally something else.

2111. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Il est, au fond, demeuré tout païen. […] Mais je me suis persuadé qu’au fond M.  […] Ce ne sont que des lueurs passagères : le fond est trouble. […] Tu surgis alors dans le fond de mon âme, pure Image ! […] Ayant toujours la même nature, il eut, au fond, dans toutes les phases de sa carrière, la même esthétique.

2112. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

J’en connais de lui qui sont excellents pour la cadence et l’harmonie, sinon pour le fond et la fureur poétique. […] Cependant, si Sainte-Beuve avait eu tort quant à la lettre, il ne se trompait pas quant au fond. […] L’amoureux académicien l’a célébrée en vers de toute sorte où il n’est question que de plaines de lait, de collines d’albâtre, de neige qui fond et brûle… et cent autres folies. […] Son pinceau maigre, quoique étincelant, joue d’ordinaire sur un fond abstrait ; il ne prend guère de splendeur large que lorsque le poète songe à Buffon et retrace d’après lui la nature. […] Au fond, Hugo, et même Dumas père, sont bien les inventeurs de leur manière, qui ne fut pas toujours une bonne manière.

2113. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Autant que je puis me le figurer par l’extérieur du procédé dont le fond m’échappe, M.  […] A travers ce domaine infini de l’intelligence, dans la sphère de la raison et de la réflexion, comme dans une demeure à lui bien connue, il alla changeant, remuant, déplaçant sans cesse les objets ; les classifications psychologiques se succédaient à son regard et se renversaient l’une par l’autre ; et il est mort sans nous avoir suffisamment expliqué la dernière, nous laissant sur le fond de sa pensée dans une confusion qui n’était pas en lui. […] Outre cette vue supérieure par laquelle il saisissait le fond et le lien des sciences, M.

2114. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Il m’avait quitté, il était loin, lorsque du fond de la seconde cour, et du seuil même de l’illustre portique, un cri, un accent net et vibrant, le mot de Cerdon, qui lui était revenu, et qu’il me lançait avec une joie fière en se retournant, m’arriva comme un rappel sonore du pâtre matinal aux échos de la montagne : le Nodier jeune et puissant était retrouvé ! […] Remarquez pourtant comme le premier pli se garde toujours, comme le trait marquant qui s’est prononcé à nu dans la jeunesse se transforme, se déguise, s’arrange, mais se reproduit inévitable au fond et ne se corrige jamais. […] Les travaux même non voulus, les heures assujetties dont on se plaint, gardent au fond plus d’un correctif aimable, bien des enchantements secrets.

2115. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Il cherche dans le fond de son être quelque partie saine sans pouvoir la trouver ; le mal a tout souillé, et l’homme entier n’est qu’une maladie. […] C’était l’otium cum dignitate, le loisir honorifique du vieil âge ; rien ne convenait moins au fond à un esprit qui ne vieillissait pas et à une ambition de pouvoir que la piété même ne pouvait totalement amortir. […] On y sent une résignation mal résignée qui murmure au fond du cœur sous un sourire de convention.

2116. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Chaque fois que j’ai rencontré un homme, comme on en rencontre beaucoup, dont La Fontaine est le catéchisme et dont Horace est le manuel, je me suis défié et éloigné de cet homme ; je me suis dit : Ou cet homme n’a pas assez de sérieux dans l’esprit pour comprendre que l’agrément n’est pas le fond de la vie, ou cet homme n’a pas assez d’aversion pour ce qui est moralement dépravé dans l’art des lettres. […] L’ Aufide mugissant et perfide était un torrent qui écumait au fond de la vallée de Venouse ; Horace lui a donné la célébrité d’un fleuve : les grands hommes sont la bonne fortune des lieux où ils jouent dans leur berceau, les poètes surtout sont l’illustration de leur paysage. […] Voilà le bouquet de chênes verts sous le rocher protégeant la maison et le verger contre les vents du nord ; voilà les bœufs et les moutons paissant, sur les flancs du coteau, l’herbe saine et touffue comme du temps du maître ; voilà les oliviers, les vignes rampantes produisant la même huile parfumée et le même vin un peu âpre ; voilà la bourgade de Mandela au fond de la vallée, qui n’a changé que de nom ; voilà le temple de Vacuna écroulé, mais que les inscriptions de ses débris attestent ; voilà enfin la mosaïque du salon d’Horace, retrouvée intacte sous le sillon en 1834.

2117. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Mon arrivée interrompit la conversation entre ces deux femmes, conversation qui paraissait être animée, quoique à voix basse, car l’une d’elles (l’inconnue) avait sur les joues cette coloration fugitive du sang en mouvement sur un fond de pâleur qui prouve qu’on a poussé tête à tête un entretien jusqu’à la lassitude. […] Un frisson en courut sur ma peau ; j’étais encore jeune, et le souvenir d’une voix pareille, depuis peu à jamais éteinte, ajoutait à mon émotion ; cette voix faisait tinter les dents comme les touches d’ivoire d’un clavier mouillé par les lèvres ; on l’entendait au fond de la poitrine. […] Cette tête attirait et pétrifiait les yeux ; des cheveux soyeux et inspirés sous leur neige, un front plein et rebombé de sa plénitude, des yeux noirs comme deux charbons mal éteints par l’âge, un nez fin et presque féminin par la délicatesse du profil ; une bouche tantôt pincée par une contraction solennelle, tantôt déridée par un sourire de cour plus que de cœur ; des joues ridées comme les joues du Dante par des années qui avaient roulé dans ces ornières autant de passions ambitieuses que de jours ; un faux air de modestie qui ressemblait à la pudeur ou plutôt au fard de la gloire, tel était l’homme principal au fond du salon, entre la cheminée et le tableau ; il recevait et il rendait les saluts de tous les arrivants avec une politesse embarrassée qui sollicitait visiblement l’indulgence.

2118. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Car il y a premièrement, depuis les poumons jusqu’au fond de la bouche, une artère par où se transmet la voix dont le principe est dans notre esprit. […] Mais cependant lisez mes écrits, que vous ne trouverez pas trop en désaccord avec la doctrine des péripatéticiens, puisque je suis le disciple fidèle de Socrate et de Platon en même temps ; lisez-les, jugez du fond des choses avec la plus parfaite indépendance, je n’y mets point d’obstacle ; mais soyez certain que le style vous fera mieux connaître toutes les richesses de notre langue latine. […] s’il vivait aujourd’hui, quelles Catilinaires ne fulminerait-il pas du haut du Capitole ou du fond de ses jardins de Gaëte contre ces Catilinas étrangers qui imposent à sa république, sous le nom de liberté, le joug monarchique, et sous le nom d’unité l’annexion à la Gaule Cisalpine, au lieu de la belle confédération patriotique qui fut la nature, la gloire, et qui serait la résurrection durable et véritable de sa chère Italie !

2119. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Il passa grand homme avant quarante ans, et s’ensevelit dans une gloire morose, au fond d’une élégante maison, sur le quai de l’Arno, qu’habitait avec lui la comtesse d’Albany. […] « Souvent, le bras posé sur l’urne d’un grand homme, Soit aux bords dépeuplés des longs chemins de Rome, Soit sous la voûte auguste où, de ses noirs arceaux, L’ombre de Westminster consacre ses tombeaux, En contemplant ces arcs, ces bronzes, ces statues, Du long respect des temps par l’âge revêtues, En voyant l’étranger d’un pied silencieux, Ne toucher qu’en tremblant le pavé de ces lieux, Et des inscriptions sur la poudre tracées Chercher pieusement les lettres effacées J’ai senti qu’à l’abri d’un pareil monument Leur grande ombre devait dormir plus mollement ; Que le bruit de ces pas, ce culte, ces images, Ces regrets renaissants et ces larmes des âges, Flattaient sans doute encore, au fond de leur cercueil, De ces morts immortels l’impérissable orgueil ; Qu’un cercueil, dernier terme où tend la gloire humaine, De tant de vanités est encor la moins vaine ; Et que pour un mortel peut-être il était beau De conquérir du moins, ici-bas, un tombeau ? […] J’étais résolu de me laisser tuer, plutôt que d’ôter la vie à un brave soldat criblé de blessures, pour une cause qui n’était point personnelle, et qui, au fond, honorait son patriotisme.

2120. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Elle atteint à son plus haut degré dans l’inspiration musicale, où la volonté individuelle est réduite au silence, tandis que s’éveille en nous la Volonté universelle, expression de la suprême unité qui est au fond des choses. […] Tirésias avait vu se fermer devant lui, le monde de l’Apparence : et il avait pu, ainsi, contempler, avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. […] Le Voyageur — Eveille toi, — Wala, éveille toi : — du long sommeil — je t’appelle, ô Dormeuse, à l’éveil ; — je t’évoque ; — monte, monte ; — hors de la nuageuse fosse, — hors du nocturne fond, monte. — Erda, Erda. — Eternelle Femme, — hors du gouffre, où tu sièges, — glisse vers la hauteur : — je chante ton chant d’éveil, — pour que tu t’éveilles ; — hors du Pensant Sommeil, — je t’incante. — Tout-Sachante, — Première-Terrestre-Sage, — Erda, Erda, — Eternelle Femme, — éveille toi, Wala, éveille toi.

2121. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Mais, voilà que lui apparaissent les œuvres de Beethoven ; voilà qu’il entend les derniers quatuors, et qu’une signifiance merveilleuse à lui s’en transissue ; et voilà qu’il se plonge en ces poèmes, les Symphonies, les Sonates, les Ouvertures, et qu’un univers nouveau naît à lui ; « maintenant se révèle une vie toute faite d’esprit, une sensibilité douce tantôt, tantôt effrayante ; fiévreusement, le trouble, puis la paix, et les soupirs et l’angoisse, et la plainte et le transport ; tout cela semble avoir été pris au sol le plus profond de l’âme, et lui être rendu » ; et il comprend que la musique est, non plus l’élargissement d’autres modes de vie artistique, mais le spécial langage du monde spécial de l’âme… « Tirésias avait vu se fermer, devant lui, le monde de l’apparence ; et il avait pu aussi contempler avec ses yeux intérieurs le fond même de toutes les apparences. » Alors qu’importent les jeux des circonstances vaines, et que veut cette chimère, l’action d’un drame extérieur ? […] Dans les seules scènes se rapportant directement à Wotan, la parole apparaît de nouveau et évoque devant nous la vision du dieu… mais, pour le reste, Wagner sur le poème a construit la symphonie la plus grandiose — peut-être — que jamais il ait écrite… Au fond, il n’y a qu’une chose ici : la musique… On sait qu’à la fin du drame il y avait des vers résumant l’idée poétique du Ring, et que Wagner, lorsqu’il vint à parachever la musique, les supprima ; il les a supprimés, nous dit-il, « parce que c’eût été essayer de substituer à l’impression musicale une autre impression », et « parce que le sens de ces vers est exprimé par la musique avec la plus exquise précision… » Ainsi apparaît décisif ce couronnement du tétraptyque wagnérien par l’unique et glorieuse musique. […] Dans les temps de l’antiquité, pendant que les philosophies enquéraient vainement le problème du monde, au fond de la province la plus infime de la terre les prophètes disaient en des chants de déments les mots capaces de la révélation.

2122. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Roederer lui confessa sincèrement sa tactique de journaliste : J’ai voulu, lui disait-il, donner plus de poids à mon suffrage en montrant qu’il n’était pas l’effet de la séduction ni d’une aveugle prévention ; j’ai dit sans ménagement ce que je pensais des formes et des accessoires de votre ouvrage pour en sauver le fond ; j’ai fait bon marché et de votre talent littéraire et de votre humeur, pour concilier quelque bienveillance à votre talent politique. […] Le général en convint, mais il avait dit sur le fond de la question la chose essentielle.

2123. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Quant au prince en personne, avec le gros de ses forces, il se tenait au fond des vignes dans une position inexpugnable ; « tous armés, leurs chevaux assez près d’eux pour monter aussitôt, s’il étoit besoin : et ils étoient fortifiés et enclos, à l’endroit le plus foible, de leurs charrois et de tous leurs bagages : aussi ne les pouvoit-on approcher de ce côté ». […] Si je tenais à être tant soit peu complet, j’aurais encore beaucoup à dire sur Froissart, même au seul point de vue littéraire et sans entrer dans la discussion du fond.

2124. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Fontenelle se conduisit dans cette circonstance en homme d’esprit qu’il était : il laissa l’épigramme faire son chemin, et il en était peut-être chatouillé au fond. […] Il légua ses journaux manuscrits au président Bouhier pour aller dormir au fond de sa bibliothèque, en attendant l’heure de paraître, qui pouvait bien ne jamais venir.

2125. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Au lieu de cela, je verrai sa chambre déserte ; je ne vous embrasserai tous qu’avec de l’amertume au fond du cœur ! […] En matière de démocratie comme en matière de philosophie, s’il ne s’en tient pas à la surface, il n’ira point pourtant jusqu’au fond.

2126. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

— Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin. […] Vinet ; mais ce serait mal conclure de telles pages que d’y trop attacher l’éloge, même l’éloge du fond.

2127. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il est temps d’arriver à la question du fond, à la question capitale, à celle qu’une curiosité légitime n’a cessé de se faire durant tout ce débat, et qu’il est fâcheux sans doute d’avoir laissé s’enfler au gré de la curiosité frivole. […] Et qu’on ne dise pas que ce christianisme de Pascal était particulier, bizarre, excessif, en dehors des voies générales ; je ne nie pas qu’il n’ait eu quelques singularités de pratique ou d’expression ; mais dans le fond son christianisme ne diffère en rien du véritable et, j’oserai dire, de l’unique.

2128. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Défenseurs de l’ordre social, laissez-moi, laissez quelqu’un qui a vécu longtemps en dehors de voire sphère vous le dire en toute franchise : c’est une étrange erreur, c’est une faute que de partager ainsi le monde politique ou littéraire en bons et en méchants, de ranger et d’aligner ainsi tous ses ennemis, ceux qu’on qualifie tels et qui souvent ne le sont pas ; qui réclament l’un une réforme, l’autre une autre ; qui n’attaquent pas tout indistinctement ; qui demandent souvent des choses justes au fond et légitimes, et qui seront admises dans un temps plus ou moins prochain. […] J’ai répondu au fond quant à la prétention doctrinale, et aussi du ton le plus vif et avec l’accent de la dignité blessée.

2129. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Est-ce au milieu d’une crise dévorante qui atteint toutes les destinées, lorsque la foudre se précipite dans le fond des vallées, comme sur les lieux élevés ? […] Ces deux idées premières dans l’existence, s’appliquent également à toutes les situations, à tous les caractères, et ce que j’ai voulu montrer seulement, c’est le rapport des passions de l’homme avec les impressions agréables ou douloureuses qu’il ressent au fond de son cœur.

2130. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Il y a là un art d’individualiser par l’extérieur les caractères généraux, qui est au fond identique à l’art de La Bruyère. […] Tous les deux nés aux bords de Loire, fils du même pays, génies populaires, vulgaires et forts, il y a entre eux la différence des temps : mais c’est au fond la même œuvre, à laquelle ils ont travaillé, presque par les mêmes moyens.

2131. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Il se moque de nous, au fond : s’en moque-t-il toujours autant qu’on aimerait à le penser ? […] Je ne vais pas désirant qu’elle eût à dire la nécessité de boire et de manger… J’accepte de bon cœur et reconnaissant ce que la nature a fait pour moi, et m’en agrée et m’en loue… Nature est un doux guide ; mais non pas plus doux que prudent et juste : je quête partout sa piste… C’est une absolue perfection et comme divine, de savoir jouir loyalement de son être. » Cet optimisme épicurien, très décidé et très affirmatif, n’est pas moins le fond et l’âme des Essais que le scepticisme.

2132. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Mais pour peu qu’à ces maximes, déjà si condamnables, je joignisse une dose de fiel & d’emportement ; pour peu que, me tournant vers les Gardes & le reste de l’Assemblée, je leur adressasse ces graves paroles : Ce qu’il faut punir, ce sont les Princes mêmes, ces barbares sédentaires qui, du fond de leur cabinet, ordonnent, dans le temps de leur digestion, le massacre d’un million d’hommes, & qui, ensuite, en sont remercier Dieu solennellement Micro-mégas, tom.  […] Oui, je suis Abbé [je veux dire, tonsuré], & je lis les Pieces de Théatre : je les lis, non pas comme ces Esprits superficiels à qui une légere broderie fait oublier les défauts du fond ; non pas comme ces Lecteurs humoristes que quelques pensées aussi fausses que hardies transportent, & qui ne peuvent être émus que par la bizarrerie & la surcharge ; non pas comme ces Panégyristes aveugles qui transforment en beautés les défauts, & immolent à leur prévention le goût & le bon sens ; non pas comme ces Journalistes à gages, qui ravalent des Grands Maîtres de la Scene, pour célébrer les intrus qui y rampent loin d’eux ; non pas enfin comme tant de petits Abbés frivoles, dignes échos des fatuités du siecle, comme ils en sont les parfaites images.

2133. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Elle semblait l’avoir distingué ; mais sa mère rêve de mettre un blason quelconque sur le fond d’or qu’elle croit encore posséder ; elle a résolu que sa fille épouserait le jeune baron de Ratisboulois, fils du préfet, — l’état administratif dirait sous-préfet— de la ville du Havre. […] Mot de nature, trait de haut comique qui part du fond de l’observation.

2134. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Quant au fond, on vient d’en voir quelque chose. […] mon ami, que ne puis-je faire passer dans votre âme le sentiment de bonheur et de paix qui règne au fond de la mienne !

2135. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Cependant, malgré la bienveillance de son langage et l’indulgence de ses éloges, le spirituel critique est loin de partager notre avis sur le fond même de la question. […] Mais tout autre chose est le regard perçant qui du haut de la montagne découvre, au-dessus des orages, les vastes horizons de l’avenir, et la force d’un bras infatigable qui, au fond de la vallée, lutte contre les menus obstacles qu’enfante à chaque pas le présent.

2136. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Il y a de la modestie au fond de la vanité. […] Ils ont beau être au point culminant de l’évolution, ils sont le plus près des origines et rendent sensible à nos yeux l’impulsion qui vient du fond.

2137. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Elles peuvent disposer des personnes, des biens et du travail, elles peuvent imposer des taxes et des tributs, lorsqu’elles ont à exercer ce droit que j’appelle domaine du fond public (dominio de’ fundi), et que les écrivains qui traitent du droit public appellent domaine éminent. […] Ils attachaient cette action civile au domaine du fond qui dépend de la cité et dérive de la force pour ainsi dire centrale qui lui est propre.

2138. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Au fond, il paraîtrait ne le goûter qu’à demi, l’admirer surtout par respect humain, et peut-être ne l’avoir pas lu tout entier ; car, dans la suite de ses réponses à Perrault sur la controverse homérique, il n’emprunte rien, ni pour l’histoire conjecturale des premiers poëtes grecs, ni pour l’analyse du sentiment poétique, à bien des traits originaux, à bien des témoignages précieux de Pindare, qui partout, dans ses hymnes, se montre le premier croyant à l’authenticité d’Homère et comme le prêtre de son temple. […] Mais aussi, c’est toi qui, lorsque la rébellion intraitable est lancée dans les cœurs, terrible, à ton tour, fais face au pouvoir des méchants et refoules la violence au fond de sa sentine !

2139. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Au fond, voyez-vous, c’est là ma prédilection secrète, mon courant caché ; et quand toutes mes digressions dans les bouquins me fournissent jour à un sonnet neuf, à un mot à bien encadrer, à un trait heureux dont j’accompagne un sentiment intime, je m’estime assez payé de ma peine ; et, en refermant mon tiroir à élégies, je me dis que cela vaut mieux après tout que tous les gros livres d’érudition, lesquels je veux pourtant faire de plus en plus profession d’estimer. — Mais, il faut en venir, mon cher Béranger, à l’objet de cette lettre.

2140. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Cet homme s’appelle La Fayette, et il est le dernier des anciens hommes de l’Europe en qui vit encore l’esprit de sacrifice ; débris de l’esprit chrétien. » Dans le livre de M. de Carné, bien que le fond et le tissu en soient véritablement historiques et politiques, l’idée religieuse domine et rabat souvent les autres considérations à un ordre tout secondaire. « Plus les événements marcheront, dit-il, et mieux on comprendra que la question purement politique perd chaque jour de son importance, qu’elle s’amoindrit à vue d’œil, à mesure que se dessine et grandit la question de la régénération morale. » L’auteur s’est attaché surtout à démontrer que la réforme de 89 fut chrétienne dans son principe, bien qu’elle ne dût malheureusement s’accomplir qu’à travers une apostasie, au moins temporaire, du dogme religieux.

2141. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Et je me demandais (toujours dans mon songe), par un retour sur nos époques paisibles et sûres d’elles-mêmes, si de telles vicissitudes étaient à jamais loin de nous ; si, en accordant un laps suffisant d’années, les révolutions inévitables des mœurs et du goût, sans parler des autres chances plus funestes, n’infligeraient pas aux littératures modernes quelque chose au fond de plus semblable qu’on n’ose de près se l’imaginer.

2142. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Thiers autrement que par le fond du sujet.

2143. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

2144. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Le thème du roman, c’est, au fond, l’immense douleur de vieillir.

2145. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Oui, tous deux ont — dérivant d’un même esprit de catholicisme — l’Ironie féroce pour les tentatives d’affranchissements de ce temps-ci, l’éclat de rire homérique devant les agitations minuscules de la science et ses prétendues découvertes qui ne sont, au fond, que de laborieuses et pénibles reconstitutions.

2146. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Du reste, renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent, ils ôtent aux affligés la derniere consolation de leur misere, aux Puissans & aux Riches le frein de leurs passions ; ils arrachent du fond des cœurs le remords du crime, l’espoir de la vertu, & se vantent encore d’être les bienfaiteurs du genre humain.

2147. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Ce qui fait le fond de l’enseignement qu’il combat, le labeur, l’effort, la refonte, les corrections, la vie, le relief, la création, l’originalité, l’assimilation, la formation, les procédés, le mécanisme des phrases, la démonstration par les preuves irréfutables, tirées des manuscrits, tout cela M. 

2148. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

… Le sujet qu’il traitait n’était-il pas encore le Christianisme et Rome, le fond commun sur lequel il avait buriné ses Césars !

2149. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

comme Louis XV, qui, sinistre, du fond de sa bergère rose, au moins, y pensait.

2150. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Orgueilleux, mobile, fantasque et farouche, qui de bonne heure avait porté au pouvoir, pour lequel il n’était pas fait, une instabilité d’opinion qui était comme la nostalgie de son génie même, ce prieur de Florence qui ne devait être que le poète de Florence, ce Guelfe devenu Gibelin sans motif que puisse articuler l’Histoire, ce sombre déserteur qui passa à l’ennemi et mérita bien l’exil contre lequel il a rugi comme il aurait rugi contre toute autre chose, ce lion inévitable, s’il n’avait pas été exilé, enfin ce majestueux Dante, idéalisé par son poème, était au fond une assez insupportable réalité.

2151. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Mais au fond, on le voit très bien, c’est un faux indien, un faux mystique, qui ne croit pas du tout que « toute action soit un péché », même celle d’imprimer chez Malassis tout un gros volume de poésies.

2152. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Le poète des Verselets est au fond un artiste ingénieux, patient, assoupli, qui introduit toujours la plus ferme composition dans tout ce qu’il écrit, comme Béranger dans ses chansons.

2153. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Par le fond, c’est toujours la même ivresse égoïste ou matérielle de l’École Romantique, une poésie d’orgueil ou d’amour sensuel, la même immoralité naïve ou plutôt la même insouciance de toute moralité, et par la forme, c’est toujours la même fureur descriptive qui décrit tout.

2154. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

Mais il se glisse, au fond et le long de tout cela : L’histoire des amours que je n’aurai pas eus !

2155. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Ainsi, dans La Famille Percier il y a certainement de l’inattendu, de l’intelligence dramatique, une préoccupation assez brusque du fond sur la forme, ce qui n’est pas l’habitude des esprits du temps, et enfin, comme dans Le Mariage de Caroline, un dialogue plein de naturel.

2156. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

L’ouvrage n’a aucun mérite pour le fond ; et, à l’égard du style, il est quelquefois ingénieux, mais sans goût, sans harmonie et sans grâce.

2157. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Mais pour le fond des choses, Stendhal enseigne qu’on ne cristallise pas si l’on n’a quelque espoir. […] Au fond n’a-t-il pas fidèlement dégagé la pensée intime de Malherbe ? […] Au fond, je serai un peu de leur avis. […] Enfin, tout en m’accordant au fond avec M.  […] Au fond, seul le chef-d’œuvre importe.

2158. (1898) Essai sur Goethe

C’est ce fond, si souvent ignoré, qui constitue la source de son génie quand il en a, et qui nourrit son œuvre, quelle qu’en soit l’envergure : les larges fleuves font les grands lacs, comme les ruisseaux font des étangs. […] Elle respire dans son aimable sommeil, et son haleine m’enflamme jusqu’au fond du cœur. […] Au fond, elle est une confession, au même titre que Werther, mais en serrant de plus près l’intime vérité. […] La foule est devenue le propre tyran d’elle-même. — Tous les apôtres de la liberté me furent toujours odieux : chacun ne cherchait au fond que l’arbitraire pour vivre. […] Son bonheur de coq-en-pâte, au fond, l’ennuie.

2159. (1913) Poètes et critiques

Quelques sentiments très simples et très forts, le culte des aïeux, l’amour du sol natal, le courage, le dévouement, l’idée de la justice, la beauté du travail, la poésie de la mer, des champs, de la montagne, le sentiment de la tristesse et de la joie humaines, voilà le fond de ces petits poèmes. […] Oui, Michel Jouffret fut professeur, et métaphysicien, et orateur, et, à son heure, homme public ; mais, au fond de son cœur, depuis ses jeunes ans, jusqu’à sa dernière heure, il garda religieusement un asile pour la poésie. […] Son imagination s’est imprégnée de ces couleurs, et, cessant d’être un étranger, les sentiments dont avaient vécu, dont vivent encore les habitants de ce pays qu’il visitait, se sont, au fil de l’heure, insinués jusqu’au fond de lui-même. […] Giraud nous découvre le fond de cette nature morale, par l’interprétation de l’attitude « intérieure » de Taine à l’égard de la religion. […] Ce document est un cahier de poésies composées et transcrites par Paul Verlaine, pendant la période la plus secrète de son existence, au fond de ces cachots rébarbatifs de la Belgique d’où il sortit, le cœur redevenu chrétien, et avec un talent renouvelé ou accompli par le plus admirable effort vers la sincérité et la simplicité parfaites.

2160. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Elle aime à jeter la sonde dans l’océan sans fond de l’inconnaissable, à prolonger dans l’infini les hypothèses que lui suggère la science, à s’élever sur les ailes du rêve dans le monde du mystère. […] Mais le fond de sa pensée n’a point varié. […] Ce don n’était point l’effet d’un artifice de courtoisie et de condescendance, mais tenait au fond même de sa nature et de ses sentiments. […] Je le veux bien ; mais c’est le panthéisme qui est au fond de toute conception vraiment religieuse de la divinité. […] Le verset tout entier du psaume me revenait : “Du fond de la tombe, Seigneur, j’ai crié vers toi.

2161. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Le fond du personnage est un amour parfait de soi-même. […] La mouche, parmi ses titres de gloire, annonce qu’elle se campe sur la tête des belles, et baise leur beau sein, quand elle veut. »70 Acaste, « qui est fort aimé du beau sexe », parle plus discrètement, mais au fond insinue qu’il a le même privilège. « Les coeurs de haut prix » ne lui manquent pas ; encore faut-il qu’ils fassent « la moitié des avances. » Le gentilhomme avec son caquetage et la mouche avec son bourdonnement ont la même légèreté, la même fatuité, le même brillant et la même fin. […] Mais au fond de toute gaieté il y a de la mélancolie. […] Au fond, l’artiste est un philosophe, et le génie, dans le poëte comme dans le savant, n’a qu’un objet et qu’un emploi.

2162. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Cependant toutes ses accusations ne peuvent éteindre l’enthousiasme qu’il inspire ; les femmes lisent, malgré lui, au fond de son âme: ce sont les reproches de l’amour et non de la haine ; il les décrie et les adore, il les blâme et les rend aimables, il les accable et les déifie, et, dans ses emportements les plus terribles, on reconnaît le langage d’un amant qui veut, mais en vain, rompre ses chaînes. […] J’aime naturellement le fond de la vallée, je m’y repose des maux de la vie ; mais, lorsqu’on vient m’y troubler, mon âme s’élève par degrés au-dessus de tout ce qui voudrait l’atteindre. […] Aimé Martin et sa charmante femme formaient le fond de cette société de philosophes. […] Ainsi l’eau bourbeuse d’un torrent qui ravage les campagnes, venant à se répandre dans quelque petit bassin écarté de son cours, dépose ses vases au fond de son lit, reprend sa première limpidité, et, redevenue transparente, réfléchit, avec ses propres rivages, la verdure de la terre et la lumière des cieux.

2163. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le fond du dôme est fait tout de même. […] On n’y allume jamais de feu, et même il n’y en peut tenir, ni aucune liqueur, parce qu’ils n’ont point de fond. […] Basra (Bassorah), que les Européens appellent aussi Balsura, est cette ville célèbre au fond du golfe de Perse, à l’endroit où le Tigre et l’Euphrate se rendent dans la mer. […] IX Après avoir décrit ainsi la puissance, la magnificence, la richesse territoriale et mobilière du roi de Perse, Chardin nous conduit dans le harem, dépôt des voluptés de ce prince, et dans le fond du harem, au centre de l’incomparable trésor en réserve de ce monarque.

2164. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

quoi, pensent-ils, l’hérédité, l’éducation et l’habitude avaient enraciné au fond de notre être des croyances prétendues vivaces, une foi que nous pensions immuable, des vérités que nous présumions absolues ! […] Et ils couchaient au petit bonheur de la route, au fond d’un trou de rocher, sur l’aire pavée, encore brûlante, où la paille du blé battu leur faisait une couche molle, dans quelque cabanon désert, dont ils couvraient le carreau d’un lit de thym et de lavande. C’étaient des fuites loin du monde, une absorption instinctive au sein de la bonne nature, une adoration irraisonnée de gamins pour les arbres, les eaux, les monts, pour cette joie sans limite d’êtres seuls et d’être libres… Ils avaient douze ans à peine qu’ils savaient nager, et c’était une rage de barboter au fond des trous, où l’eau s’amassait, de passer là des journées entières, tout nus à se sécher sur le sable brûlant pour replonger ensuite, à vivre dans la rivière sur le dos, sur le ventre, fouillant les herbes des berges, s’enfonçant jusqu’aux oreilles et guettant, pendant des heures, les cachettes des anguilles. […] Ceux-ci ne cessent jamais d’être des hommes, et ce sont tous, pour me servir d’une expression qui revient souvent sous la plume du Maître, ce sont tous, du plus grand jusqu’au plus petit, « de bons bougres », si semblables au fond, malgré leur différenciation apparente, charriés en foule par des forces inconnues, dans l’immense remous social, vers ces fins mystérieuses encore qui sont celles de l’espèce humaine !

2165. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Shakespeare, c’est le Drame ; et le drame, qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle. […] La chose même a été réglée souverainement : il y a des aphorismes pour cela. « Imaginer, dit La Harpe avec son assurance naïve, ce n’est au fond que se ressouvenir. » La nature donc ! […] Ce n’est point à la surface du drame que doit être la couleur locale, mais au fond, dans le cœur même de l’œuvre, d’où elle se répand au-dehors, d’elle-même, naturellement, également, et, pour ainsi parler, dans tous les coins du drame, comme la sève qui monte de la racine à la dernière feuille de l’arbre. […] Certes, si l’on veut autre chose que ces tragédies dans lesquelles un ou deux personnages, types abstraits d’une idée purement métaphysique, se promènent solennellement sur un fond sans profondeur, à peine occupé par quelques têtes de confidents, pâles contre-calques des héros, chargés de remplir les vides d’une action simple, uniforme et monocorde ; si l’on s’ennuie de cela, ce n’est pas trop d’une soirée entière pour dérouler un peu largement tout un homme d’élite, toute une époque de crise ; l’un avec son caractère, son génie qui s’accouple à son caractère, ses croyances qui les dominent tous deux, ses passions qui viennent déranger ses croyances, son caractère et son génie, ses goûts qui déteignent sur ses passions, ses habitudes qui disciplinent ses goûts, musclent ses passions, et ce cortège innombrable d’hommes de tout échantillon que ces divers agents font tourbillonner autour de lui ; l’autre, avec ses mœurs, ses lois, ses modes, son esprit, ses lumières, ses superstitions, ses événements, et son peuple que toutes ces causes premières pétrissent tour à tour comme une cire molle.

2166. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Ceux qui admettent des créations distinctes et innombrables diront qu’en ces divers cas il a plu au Créateur de faire prendre à un être appartenant à un type la place d’un être d’un autre type ; mais il me semble qu’au fond c’est répéter exactement la même chose, seulement en un langage plus métaphorique. […] D’autre part, les Balanides ou Cirripèdes sessiles n’ont point de freins ovigères, les œufs reposant libres au fond du sac dans la coquille entièrement close. […] Ces types et groupes de types, devant la concurrence de types ichthyomorphes supérieurs, se seraient peu à peu réfugiés, les uns dans les vases de fond ou les sables de rivages, où ils ont peut-être envoyé jusqu’à nous l’un de leurs descendants, l’Amphioxus, presque encore à demi mollusque et qui a été d’abord classé parmi les Gastéropodes ; tandis que les autres, au contraire, s’élevant dans les couches supérieures des eaux, préludaient par degrés successifs et par un nombre considérable de groupes transitoires de plus en plus élevés à l’organisation de l’être qui plus tard put devenir le rudiment de la classe des reptiles et de celle des oiseaux. […] De sorte qu’on ne saurait s’attendre à rencontrer de pareils êtres autre part que dans des dépôts formés au fond de vastes mers ; et comme ils ont dû n’avoir qu’un poids spécifique assez faible pour leur permettre de se soutenir aisément dans l’air ou sur l’eau avec des organes de vol ou de natation très imparfaits, leurs cadavres flottants ont dû nécessairement être rapidement dévorés ou décomposés et dispersés par suite du seul mouvement des vagues.

2167. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

C’était évidemment contre le présent qu’on évoquait l’histoire ; c’était pour le dominer d’un éclat lugubre et sombre, pour le placer sous un jour funeste, qu’on recomposait ce fond et ce lointain du passé.

2168. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Il nous le dit lui-même en de bien jolis vers : voyant qu’on ne voulait pas du vin qu’il offrait et qu’il tirait de sa vigne, il l’a mis et couché bien cacheté au fond du cellier : que si dans trente ans on le découvre, on accordera peut-être à la vieille bouteille ce qu’on a refusé à la neuve : de mon clairet, dit-il, on fera du mâcon.

2169. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol, ne séparez pas cette forme du fond ; ou, si vous l’oubliez un instant, si vous parvenez à écarter cette molle et suave mélodie pour ne vous attacher qu’à la pensée, vous serez frappé du défaut d’unité dans le lieu et dans le sujet, du vague de la scène, et du caractère bien plus littéraire que réel de ces bergeries.

2170. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Ce qui sauvera l’art et la critique, c’est le respect des beaux sentiments et des grandes idées qui composent le fond même de l’humanité.

2171. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Francis Vielé-Griffin, son compagnon de route et qu’il faut compter également parmi eux, fut aussi de « ces jeunes hommes qui, guidés par leur seule foi dans l’Art, s’en furent chercher Verlaine au fond de la cour Saint-François, blottie sous le chemin de fer de Vincennes, pour l’escorter de leurs acclamations vers la gloire haute que donne l’élite ; qui montèrent, chaque semaine, la rue de Rome, porter l’hommage de leur respect et de leur dévouement à Stéphane Mallarmé, hautainement isolé dans son rêve ; qui entourèrent Léon Dierx d’une déférence sans défaillance et firent à Villiers de l’Isle-Adam, courbe par la vie, une couronne de leurs enthousiasmes ».

2172. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il nous rapporte, du fond des derniers siècles, le vers de Scarron et de Regnard ; il le manie en homme qui s’est imprégné de Victor Hugo et de Banville ; mais il ne les imite point ; tout ce qu’il écrit jaillit de source et a le tour moderne.

2173. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Mais le Poète créateur se distingue de cet être en ce qu’il sait contenir ce qui tressaille au fond de lui et l’effuser ensuite en des rythmes et en des plastiques qui s’animeront de son frémissement.

2174. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Ces lazzi, quoique inutiles à la scène, parce que si Arlequin ne les faisait pas, l’action marcherait toujours ; quoique absolument inutiles, dis-je, ne s’éloignent point de l’intention de la scène, car, s’ils la coupent plusieurs fois, ils la renouent par la même badinerie qui est tirée du fond de l’intention de la scène. » Les lazzi auraient dû, en effet, être toujours suggérés par la situation ou tout au moins d’accord avec elle.

2175. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

., étaient le fond commun dont abusaient à l’envi les auteurs et les acteurs.

2176. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Il suffit de lire l’analyse que donnent de ce scénario les auteurs de l’Histoire de l’ancien théâtre italien, pour se convaincre que les traits de ressemblance qu’il présente avec la fameuse comédie sont d’abord tout à fait insignifiants, qu’en outre ils ne tiennent nullement, dans la farce italienne, au fond du sujet et y semblent au contraire introduits après coup ; d’où l’on peut conclure à peu près certainement que Il Basilico di Bernagasso s’est enrichi de ces traits aux dépens du Tartuffe.

2177. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Et du fond de l’enfer, pendant qu’il était dans les tourments, il leva les yeux, et vit de loin Abraham, et Lazare dans son sein.

2178. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Rien de plus sublime, pour le fond des pensées ; rien de plus séduisant, pour la versification ; rien de plus profond & de plus lumineux, pour la morale.

2179. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Le goût, qui n’est autre chose que l’autorité en littérature, leur a enseigné que leurs ouvrages, vrais pour le fond, devaient être également vrais dans la forme ; sous ce rapport, ils ont fait faire un pas à la poésie.

2180. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

Mais on sçait que le fond de l’ouvrage n’est pas de lui.

2181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Aussi y a-t-il bien du mal-entendu dans cette controverse, ou les tenans ne sont pas au fond si opposés qu’on le croiroit.

2182. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Nous ne sommes plus en France ; nous voilà dans le fond de l’Afrique.

2183. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Ils ont du moins quelque lueur de ce qu’ils peuvent valoir au juste, et ils s’apprétient eux-mêmes dans le fond de leur coeur, à peu près à la valeur qu’ils ont dans le monde.

2184. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

La dissonance étant cachée dans le fond même de l’art, on voulut la fondre et la disperser sur toute l’étendue du clavier.

2185. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Elle a recouvré sa grâce première ; elle a ôté ce vilain bas bleu qui n’allait pas à sa jambe de princesse et l’a jeté placidement au nez de la civilisation occidentale, du fond de cette simple ferme d’Asie qu’elle habite, porte fermée aux illusions.

2186. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

… Dans ce livre, où il n’est pas question une seule fois du moindre traité conclu ou à conclure, et où les deux diplomates qui s’y trouvent ne sont que des capitonneurs de situation, mis entre deux gouvernements pour les empêcher de se heurter, il n’y a guères, au fond, que deux correspondants, au fait, comme tout le monde, des choses de leur époque, et qui tâtonnent dans les événements pour y trouver des solutions dont ils n’ont jamais la certitude.

2187. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Léopold Ranke, un Français de Berlin pour le vif sentiment de la réalité historique, nous donnait dans une histoire, au fond protestante, une étude magnifique sur Ignace de Loyola, le fondateur de l’ordre le plus impopulaire, et qui contraignait les plus insolents à baisser les yeux devant la beauté morale de ce chevalier qui fut un saint.

2188. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Francis Wey » pp. 229-241

Lui, Français et même un peu Gaulois, il a essayé de s’établir dans le fond d’une nature anglaise pour, de là, jeter son regard d’observateur sur la France, nous juger, et même nous raconter à nous-mêmes, d’une façon un peu plus nouvelle que s’il partait uniquement de ses impressions, que nous partageons, de Français.

2189. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Sur ces points vitaux, le fond emporterait nécessairement la forme, et nous savons trop où il l’emporterait.

2190. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Et d’autant que Prescott est, au fond, un ennemi… S’il inclinait, je ne dis pas au Catholicisme, mais seulement aux choses religieuses ; s’il avait même seulement le respect de l’historien politique pour la politique catholique de l’Espagne, — une chose à compter, pourtant, dans l’Histoire ! 

2191. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Crétineau-Joly » pp. 367-380

Le plus souvent, un seul sentiment, une seule idée moule leur vie, et ce qu’un homme est au fond de son âme, il se retrouve l’être identiquement dans toutes les circonstances de sa destinée.

2192. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

Nul, dans l’histoire de la pensée de ces cent cinquante dernières années, ne saurait être comparé à ces deux hommes, de Maistre et Bonald, pas même Burke, le bouillonnant et vaste Burke, qui eut un jour quelque chose de leur esprit prophétique quand il jugea, seul de toute l’Angleterre, un instant affolée de la Révolution française, les délirants débuts de cette Révolution… Philosophes chez qui, heureusement pour elle, l’Histoire dominait la Philosophie, le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces observateurs qui avaient des griffes dans le regard et appréhendaient le fond des choses, quand ils en regardaient seulement la surface, de Maistre et Bonald, ces Dioscures du même ciel et du même religieux génie, sont d’une supériorité si haute et si éclatante qu’aucun esprit ne peut être placé à leur niveau, ni pour l’élévation, ni pour la lumière !

2193. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Quand, dans ses lettres à Madame d’Épinay qu’il embrase au feu de cette verve, il rencontre une idée, il la perce et va devant lui, d’aperçus en aperçus, qui ne sont souvent qu’une chaîne de paradoxes, mais qui descendent parfois jusqu’à ce fond de puits où se cache la vérité… IV J’ai dit plus haut que dans ces deux volumes de Correspondance on voyait plus l’abbé Galiani qui n’y était pas que l’abbé Galiani qui y était… J’y ai vu, moi, tout de suite, le prêtre qui n’y était pas, et j’ai regretté ce prêtre qui aurait pu y être.

2194. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Est-ce que ces grotesques dont on rit, qui sont les marionnettes des Occidentaux, ne sont pas au fond l’abjection, la trahison, l’abomination, l’infamie du globe ?

2195. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Barthélemy Saint-Hilaire »

Nature nerveuse et contemplative, si nerveuse, sous les placidités extérieures de la force, qu’il ne pouvait rester dans les ténèbres, et si contemplative, que jusqu’à plus de moitié de sa vie il porta à son insu la puissance de l’action dans le fond mystérieux de son être, comme il y portait aussi la puissance des passions charnelles qui éclatèrent si tard en lui et qui finirent par dégrader sa calme et grande physionomie.

2196. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Vte Maurice De Bonald »

En d’autres termes, il a voulu savoir si le comte de Chambord avait en lui l’esprit séculaire et chrétien de l’ancienne monarchie française, et si son éducation, ses idées et ses actes, qui ne sont encore que des paroles et des déclarations brillantes de loyauté, ne brillent pas trop aussi de cet esprit moderne inquiétant pour sa politique dans l’avenir, au cas où la France le reconnaîtrait un jour pour son roi moins pour une loyauté à laquelle elle ne se fierait peut-être pas, si elle était seule, que pour cet esprit moderne qui s’appelle, par duperie ou par trahison, « le libéralisme », mais qui n’est au fond que l’esprit même de la révolution… Recherche douloureuse, dans laquelle l’auteur du livre que voici a tenu le flambeau d’une main ferme !

2197. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Des jeunes gens, ainsi que lui sans renommée alors, ayant comme lui toute leur vie devant eux et sans autre existence que l’avenir, se réunirent, un jour, à l’allemande, au fond d’une vieille maison de la vieille rue du Doyenné, maintenant détruite, dans un but d’amusement, de rêverie, d’art facile et de libre littérature.

2198. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la Corrége sur des lignes à la Michel-Ange !

2199. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Malassis, un dauphin qui connaît le Pirée, et qui, quand il s’agira d’éditer, ne prendra point des singes pour des hommes comme le maladroit de la mer Égée, a eu l’heureuse idée de donner, du fond de sa province, à la librairie parisienne, un exemple qui est une leçon.

2200. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

soit dans la tristesse, voilà, par ce temps d’orgueil qui crie, l’accent profond et surmonté de cette poésie qui n’est pas ivre, même de douleur, quoique la douleur ait été véritablement sa grand’pinte ; tel est le fond de cette poésie qui a parfois peint, à la flamande, les murs du cabaret où la pauvre fille s’est assise et a bu un coup, pour se réconforter un peu et pour oublier cette misère de la vie.

2201. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

La vie de Corneille n’est guères pour nous qu’un clair-obscur, — une espèce de tableau de Rembrandt au fond duquel, comme l’alchimiste qui fait de l’or, Corneille travaille à ses chefs-d’œuvre.

2202. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Charles Didier a quelque chose de robuste et de vulgaire dans le talent qui conviendrait, je crois, très-bien au mélodrame, mais c’est cela précisément ce qui l’empêchera toujours de peindre ressemblant et même de bien comprendre cette délicate, subtile et molle Italie, qui n’est pas qu’ardente et que violente, comme on le croit, et qui, n’en déplaise à messieurs les égalitaires, est au fond la plus aristocratique des nations !

2203. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Car, au fond, c’est un livre.

2204. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

» C’est de cette déduction — ou plutôt de cette intuition, puisque la bio-sociologie était encore loin d’être fondée — que les premiers théoriciens du jus inter gentes ont tiré l’idée d’un droit international, qui n’est au fond qu’une extension du rôle de la justice dans le monde civilisé.‌

2205. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Les fables même qu’on en raconte attestent un fond de vérité dans le génie attribué dès lors à toutes les variétés du nom grec.

2206. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Le Franc, dont j’honore le talent, l’a tentée, et je lui ai prédit qu’il échouerait. »  —  « Cependant, continue Delille en son récit, le fils du grand Racine voulut bien me donner un rendez-vous dans une petite maison où il se mettait en retraite deux fois par semaine, pour offrir à Dieu les larmes qu’il versait sur la mort d’un fils unique… Je me rendis dans cette retraite (du côté du faubourg Saint-Denis) ; je le trouvai dans un cabinet au fond du jardin, seul avec son chien qu’il paraissait aimer extrêmement. […] Fontanes, bien qu’ami du poëte et défenseur du poëme, cacha sous beaucoup d’éloges des critiques moins détaillées, mais au fond à peu près les mêmes que celles de Ginguené, et qui acquièrent sous sa plume favorable une autorité nouvelle. […] Boileau, je n’en doute pas, revenant à la fin du xviiie  siècle, eût fait ainsi et eût été au fond un novateur en style poétique, comme il le fut de son temps.

2207. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Tout en admirant donc le début de l’idylle et bien des endroits sentis, j’ai regret d’y découvrir le spirituel, d’y voir poindre l’Ovide au fond, et, pour résumer la critique d’un seul mot : A mon gré le Cyclope est joli quelquefois. […] On ne peut disconvenir en effet que les différences de religion, de climat, d’habitudes sociales, si elles n’ont pas changé le fond de la nature humaine, ont du moins donné à l’amour chez les modernes une tout autre forme que chez les anciens ; et lorsque les peintures que ceux-ci en ont laissées nous apparaissent dans leur nudité énergique et naïve, il y a un certain travail à faire sur soi-même avant de s’y plaire et d’oser admirer. […] Oui, bien souvent, comme il le dit, ses Grâces, qu’il envoyait dès l’aurore tenter fortune le long des portiques, s’en revinrent à lui le soir nu-pieds, l’indignation dans le cœur, lui reprochant d’avoir fait une route inutile, et elles s’assirent sur le fond du coffre vide, laissant tomber leur tête entre leurs genoux glacés : « A quoi bon ces chanteurs ?

2208. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Le comte d’Artois, pour donner une fête à la reine, fait démolir, rebâtir, arranger et meubler Bagatelle de fond en comble par neuf cents ouvriers employés jour et nuit ; et, comme le temps manque pour aller chercher au loin la chaux, le plâtre et la pierre de taille, il envoie sur les grands chemins des patrouilles de la garde suisse qui saisissent, payent et amènent sur-le-champ les chariots ainsi chargés240. […] Trudaine, quatre évêques assistent à une pièce de Collé, intitulée les Accidents ou les Abbés, et dont le fond, dit Collé lui-même, est si libre qu’il n’a pas osé la faire imprimer avec les autres. […] La gaieté est une sorte d’ivresse qui puise jusqu’au dernier fond du tonneau, et, après le vin, boit la lie.

2209. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre premier. Nature et réducteurs de l’image » pp. 75-128

J’ai vu souvent alors, pendant un instant fugitif, l’image pâlir, se défaire, s’évaporer ; quelquefois, en ouvrant les yeux, un resté de paysage, un pan de vêtement semblait encore flotter sur les chenets ou sur le fond noir de l’âtre. — De même, dans la guérison de Nicolaï, les portions de mur ou de meubles couvertes par les fantômes réussissent peu à peu à faire leur effet normal. […] Ce que l’observation démêle au fond de l’être vivant en physiologie, ce sont des cellules de diverses sortes, capables de développement spontané, et modifiées dans la direction de leur développement par le concours ou l’antagonisme de leurs voisines. Ce que l’observation démêle au fond de l’être pensant en psychologie, ce sont, outre les sensations, des images de diverses sortes, primitives ou consécutives, douées de certaines tendances, et modifiées dans leur développement par le concours ou l’antagonisme d’autres images simultanées ou contiguës.

2210. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

XI Mozart, tout fervent de verve musicale qu’il fût en ce temps-là, avait un fond de mélancolie dans l’âme. […] Les Mémoires de d’Aponte en sont partout émus ; c’était un de ces cœurs viciés à la surface par les ballottements d’une vie aventureuse, mais en qui il reste le fond d’où toute vertu peut renaître, la nature. […] La joyeuse fanfare, placée à la septième mesure de l’allégro, résonna comme les cris de plaisir d’un criminel ; je crus voir des démons menaçants sortir de la nuit profonde ; puis des figures animées par la gaieté danser avec ivresse sur la mince surface d’un abîme sans fond.

2211. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Et cependant, au milieu de ce tourbillon nouveau et continuel, entièrement libre de ma personne, avec ma fortune, mes dix-huit ans et une figure avenante, je trouvais au fond de toutes ces choses la satiété, l’ennui, la douleur. […] Mais j’avais maintenant huit ans de plus, j’avais vu, bien ou mal, presque toute l’Europe, et l’amour de la gloire, qui était entré dans mon âme, cette passion pour l’étude, cette nécessité d’être ou de me faire libre pour devenir un intrépide et véridique auteur, étaient autant d’aiguillons qui me faisaient passer outre, autant de raisons qui me criaient dans le fond de mon cœur que sous la tyrannie c’est déjà bien assez, si ce n’est trop, de vivre seul, et que jamais, pour peu que l’on y songe, il ne faut y être ni mari ni père. […] Aussitôt qu’il aété descendu de carrosse pour entrer dans le cul-de-sac de l’Opéra, M. de Vaudreuil, major du régiment des gardes, lui a dit qu’il était chargé de l’ordre du roi pour l’arrêter, et, dans le moment même, six sergents aux gardes, qui étaient en habits bourgeois, l’ont saisi par les deux bras et par les deux jambes et l’ont enlevé de terre ; on lui a jeté et passé sur-le-champ un cordon de soie, qui lui a embrassé et serré les deux bras… Il s’est, dit-on, un peu trouvé mal ; on l’a passé ainsi par la porte du fond du cul-de-sac qui rend dans la cour des cuisines du Palais-Royal ; on l’a mis dans un carrosse de remise dans lequel M. de Vaudreuil l’a accompagné.”

2212. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Le fond et la forme des vers furent également bouleversés. […] Parfois même, il semble reproduire quelque vision sculpturale restée au fond de ses yeux  ; on a cité134 ces vers : L’empereur surhumain, Devant qui, gorge au vent, pieds nus, les Renommées Volaient clairons en main. […] Théophile Gautier dit de Delacroix : « Le fond de son talent est fait de littérature.  » Et ce n’est pas alors une exception.

2213. (1894) Textes critiques

Guillaumin a rajouté à ses œuvres connues une série de vues de la Creuse : arbres roux frisés, mamelons fermant le ciel de leur pelote ronde partout couverte de têtes d’épingle en pierres précieuses ; une des plus belles, le Moulin Brigand (Crozan), avec un arbre au fond qui miroite comme un lézard dans une grotte. […] L’assassin fond dans sa victime comme le cierge du poignard lui-même. […] Cela est un peu puéril, ladite teinte s’établissant seule (et plus exacte, car il faut tenir compte du daltonisme universel et de toute idiosyncrasie) sur un fond qui n’a pas de couleur.

2214. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Ils défendaient avec âpreté le fond des reptiles en même temps qu’ils l’attaquaient avec convoitise ; ainsi le Conservateur s’indignait contre Benjamin Constant, cet « ex-homme de lettres qui a fait refuser à la Chambre une somme de 40 000 francs destinée à donner des encouragements aux gens de lettres. […] Quand on étudiera le romantisme d’une manière critique, les études faites jusqu’ici n’ayant été que des exercices de rhétorique, où l’on s’occupait de louer ou de dénigrer, au lieu d’analyser, de comparer et d’expliquer, on verra combien exactement les écrivains romantiques satisfaisaient, par la forme et le fond, les exigences de la bourgeoisie : bien que beaucoup d’entre eux n’aient pas soupçonné le rôle qu’ils remplissaient avec tant de conscience. […] Au fond c’est le même homme.

2215. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mais, dans le fond, les formules ne sont point si variées, et on pourrait les ramener toutes au réalisme et à l’idéalisme. […] Rosny10 pour si personnels qu’en soient le fond et la forme, me plaît moins. […] Un peu bien divers de ton et de fond, ils ont je ne sais quelle commune et obscure tendance à l’apostolat, et cela leur peut faire une parenté. […] Moqueur et bon enfant, avec un fond de conception aimable et l’habitude de laisser faire, il n’a point l’indignation facile et tonnante. […] L’auteur confesse lui-même qu’il s’agit d’un fond de tiroir.

2216. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Vertueuse et sublime réponse où respire l’éternelle douleur de son veuvage, et qui ne laisse plus douter que la victime des liens de Pyrrhus ne soit, dans le fond de son âme, restée la fidèle épouse du seul Hector. […] On se souvient de la revue infernale que Satan fait de ses terribles légions : là sont peints tous les dieux du paganisme, sous la figure des princes des démons qui, rassemblés à la voix de leur chef, tirent au même signal leurs étincelantes épées dont la lueur perce tout à coup l’immensité des ténèbres qu’elle éclaire jusqu’au fond de l’abîme. […] Là c’est une main divine qui trace au fond d’un vestibule l’arrêt du coupable Balthazar ; là c’est Nabuchodonosor, abruti par l’ivresse du pouvoir, qui se transforme en bête immonde : ici ce sont les Machabées qui se sacrifient à la défense des lois divines et de la liberté de leurs frères. […] L’amour prend la figure du jeune Ascagne et s’assied sur les genoux de Didon qu’il enflamme : ici se développe l’appareil des exercices de Diane, et les coups du tonnerre sont au fond du bois le signal d’un hymen, source de toutes les larmes que fait couler la plus déchirante des passions. […] Malfilâtre, en racontant les symptômes menaçants de la mort de Jules César, rejette avec effet dans un second vers une épithète appartenant au sens du premier : « On entendit au loin retentir une voix « Lamentable, et des cris sortis du fond des bois.

2217. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Oui, l’aristocratie forme le fond de Pelham ; mais l’aristocratie prise par le côté qu’aurait pu choisir Juvénal ou Molière. […] Bulwer une vive et rude guerre ; car le plus souvent, chez nos voisins, au fond de la plupart des controverses littéraires, il y a un levain théologique ou politique. […] Chacun pour soi et Dieu pour tous, c’est là ce qui se lit au fond des amitiés les plus bruyantes. […] Dans les morceaux publiés sous le pseudonyme de Joseph Delorme, comme dans le tableau du seizième siècle, il semble plutôt préoccupé du mécanisme de la versification que du fond même des pensées. […] Il y a tant d’art et de poignante vérité dans le tableau de sa conscience, qu’on oublie, en lisant au fond de son cœur, tous les artifices de l’avant-scène.

2218. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Comment s’étonner, après tout, de cette prédominance, de cet exclusivisme de la sensation, devenue à tel point absorbante qu’elle constitue le fond, l’âme même des personnages de Mme de Noailles ? […] Lorsque nous nous trouvons en face d’un spectacle qui, pour une raison quelconque, suscite notre attention, le détail des objets qui le composent se fond presque toujours en une harmonieuse unité. […] Son inconsciente rivale meurt prématurément, et comme elle n’a pas prononcé de vœux éternels, comme d’ailleurs les relations d’autrefois autorisent ses visites, il lui est enfin permis, par sa seule attitude, de faire l’aveu d’un secret enfoui au fond du cœur depuis tant d’années. […] Du fond de la demeure solitaire où sa fantaisie sut grouper quelques témoignages de son culte, son regard intérieur pousse au-delà des objets qui lui rappellent un temps trop rapproché de nous. […] Comme si elle voulait nous montrer que, sous sa plume d’or, la prose française peut avoir des caresses et des douceurs d’accent égales à celles de la plus suave poésie, l’élève de Sapho décrit en prose rythmée le berceau de son héroïne, — « La terre d’où jaillit une fleur sans pareille est en vérité la patrie de la volupté et du Désir, une île amoureuse que berce une mer sans reflux, au fond de laquelle s’empourprent les algues. » — Que de tendresse et de regrets dans ces quelques lignes !

2219. (1932) Le clavecin de Diderot

Mais le courant lamartinien, de ses ondes aristocratiques et bourgeoises, ne saurait noyer le remous issu des profondeurs, les colères sismiques, l’émoi des lames de fond par-dessus quoi, il passait sans sourciller. […] Ses propres faits et gestes et œuvres ne l’ont pas arrêté en chemin, ou plutôt, ceux d’entre les surréalistes que l’ambition, la sottise, le narcissisme ramenèrent aux bords des marais complaisants, de ce fait, redevinrent des littérateurs, à l’image de tous les littérateurs, c’est-à-dire occupés à chercher, dans les premières flaques venues, les reflets morts de leurs piètres personnes, au lieu d’accepter de laisser jouer, à la surface et au fond d’eux-mêmes le monde, ses lumières, sa vie. […] Mais, parce que, depuis Pascal, les petits analytiques, dans leurs tortures, toujours invoquent l’esprit de finesse, tu te réjouis des impasses, au fond desquelles, les intelligences courbées en deux, en quatre, en douze, en mille (mais à quoi bon des chiffres, leurs contorsions sont infinies) se crachotent morceau par morceau. […] Mais pour un Lafcadio promis sinon à la guillotine, du moins à la mort violente, comme pour un Barrès qui s’achemine vers le conformisme, même fond d’exaspération sexuelle. […] Qu’on gratte certaines crasses, qu’on se refuse à la tradition ignorantine, qu’on ne laisse plus tourner à l’endive, au fond d’artichaut filandreux la matière érectile, la matière sensible, et de se condenser, se concentrer la tartuferie éparse dans l’atmosphère d’un monde petit-bourgeois.

2220. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Nous les suivons de l’œil, pendant quelque temps, sur cette mer où nous les avons embarqués dans le meilleur vaisseau possible : ce vaisseau disparaît à nos yeux, et nous les accompagnons de nos vœux, du fond de nos tristes retraites qu’ils oublient aisément. […] Je n’aimerai jamais personne sans lui souhaiter du fond de mon cœur une mort aussi douce et aussi sainte75. » II.

2221. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Au milieu des inexactitudes et des lacunes inévitables d’un tel mode de reconstruction, surtout avec une édition si fautive et si incohérente que celle qu’avait donnée Manuel du manuscrit de Vincennes, il n’en résultait pas moins pour l’ensemble de la jeunesse et de la première vie de Mirabeau une impression assez juste, sentimentale plutôt qu’irrécusablement motivée ; on voyait un homme dont les malheurs étaient plus grands que les torts, et les torts plus méchants que le fond. Quant à sa vie publique, beaucoup de révélations successives avaient été faites, et avec un résultat assez inverse du précédent, c’est-à-dire que si, en y regardant bien, on l’avait trouvé meilleur au fond que ses divorces, ses rapts et ses adultères, on le trouvait au rebours, dans la vie politique, plus léger et plus vain, moins scrupuleux en opinion, plus à la merci d’une belle inspiration du moment ou d’un mauvais discours qu’un de ses faiseurs lui avait apporté le matin, et finalement, pour tout dire, plus vénal que son génie, son influence et le développement majestueux de son âge mûr ne le donnaient à penser.

2222. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

S’il en était des lois comme des ouvrages d’esprit au temps de Boileau, celle-ci devrait être bien parfaite, car ce n’est pas vingt fois, c’est trente fois, c’est cent que les faiseurs ont remis sur le métier leur ouvrage ; et pourtant la loi n’est pas devenue pour cela meilleure quant au fond ; et, en ce qui est de la forme, le bienveillant rapport que vous avez entendu n’a pu lui-même dissimuler qu’elle laisse à désirer pour la bonne rédaction. […] Je parlerai donc de l’article il comme j’en ai pensé le jour où il a inopinément surgi et où il a été si subitement accepté : Cet article (à l’attaquer au fond, et sinon dans l’esprit particulier qui l’a dicté, du moins dans les conséquences qu’il recèle) me paraît une garantie assurée sans doute contre l’indiscrétion des écrits, mais une garantie qui sera tout à l’appui et en faveur du dérèglement des actions.

2223. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

. — Quant à la théorie, le roturier en sait autant que les nobles, et il croit en savoir davantage ; car, ayant lu les mêmes livres et pénétré des mêmes principes, il ne s’arrête pas comme eux à mi-chemin sur la pente des conséquences, mais plonge en avant, tête baissée, jusqu’au fond de la doctrine, persuadé que sa logique est de la clairvoyance et qu’il a d’autant plus de lumières qu’il a moins de préjugés. — Considérez les jeunes gens qui ont vingt ans aux environs de 1780, nés dans une maison laborieuse, accoutumés à l’effort, capables de travailler douze heures par jour, un Barnave, un Carnot, un Roederer, un Merlin de Thionville, un Robespierre, race énergique qui sent sa force, qui juge ses rivaux, qui sait leur faiblesse, qui compare son application et son instruction à leur légèreté et à leur insuffisance, et qui, au moment où gronde en elle l’ambition de la jeunesse, se voit d’avance exclue de toutes les hautes places, reléguée à perpétuité dans les emplois subalternes, primée en toute carrière par des supérieurs en qui elle reconnaît à peine des égaux. […] À Nangis602, Arthur Young trouve qu’elle est le fond de la conversation politique.

2224. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Nos nerfs trop susceptibles, nos émotions trop raffinées, la richesse excessive de nos impressions, contrarient cet effort vers le style, qui persiste cependant au fond de nous-mêmes. […] Certes, le Græcia capta ferum… est au fond de tout : c’est le point de départ.

2225. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Quand Racine parle de son fond, sa langue est de diamant ; quand il parle selon l’étiquette contemporaine, il est terne, effacé ; il manque de fermeté et de précision. […] La Fontaine n’a pas seulement connu notre fond, il a su de quelle manière et dans quelle mesure nous sommes attentifs.

2226. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

« L’illusion », comme il nous le dit, était détruite de fond en comble. […] Il faut une certaine préparation pour goûter le charme de ces accords étranges composés d’après des formules que ne donnent pas les livres, de ces enchaînements imprévus et curieux qui sont le fond de l’harmonie Wagnérienne.

2227. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Puis, de ce silence encore interrompu çà et là par le bruit des étuis de lorgnette que referment quelques rares visiteurs indélicats et par les petites toux que provoque irrésistiblement le silence ou l’obscurité dans toute assemblée et qui sont comme autant de protestations partielles contre l’envahissement trop général de toutes ces vitalités neutralisées, de ce silence, disons-nous, monte rapidement comme un besoin de plus en plus sensible d’entendre (plus encore que voir), et dès que du fond de l’« abîme mystique » s’étirent peu à peu les premiers sons du prélude, on sent dans tout le public une appréhension, une tension directe de toutes les facultés esthétiques, et le silence semble plus absorbant encore autour de ces sonorités surprenantes et si avidement attendues. […] La raison en est simple et nous renvoyons à tous les traités de physiologie pour l’explication du phénomène dans lequel un carré lumineux détaché sur fond noir paraît plus grand qu’il ne devrait : ajoutons que, les dimensions du tableau grandissant, l’intensité de la lumière qui y est répartie devrait diminuer proportionnellement ; mais l’obscurité presque absolue qui entoure la scène fait encore paraître la lumière assez vive, bien que toujours douce et fondue.

2228. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Cependant au fond elle cache une erreur parce qu’elle s’efforce d’isoler les éléments d’un acte indissoluble. […] Elle a ajouté analyse verbale à analyse verbale, explication métaphysique à explication métaphysique ; tandis que les physiologistes et quelques psychologistes allaient au fond des choses.

2229. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Mais peut-on se dissimuler qu’en séparant le coloris, du fond des tableaux, on ne distingue, à travers les prestiges du pinceau qui les enlumine, tous les genres altérés ; l’illusion, substituée à la vérité ; les idées reçues, sacrifiées à l’envie de plaire ; & le ton qui convient aux matieres qu’il traite, défiguré par sa maniere, indépendante de toutes les regles ? […] La maniere de raconter, quoique piquante, ne sauroit suppléer au fond des choses, ou justifier la malignité des réflexions.

2230. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Ce qu’il faisait ressemblait plutôt à du Delille rajeuni, à du Chênedollé plus vif, plus coquet ; il avait de très jolis vers descriptifs : Quand la fleur de Noël, au fond de nos vallées, Frémira sous le dard des premières gelées, Nous irons de l’automne entendre encor la voix. […] Il n’était au fond qu’un girondin, mais qui, à l’exemple de tout girondin, mesurait peu la portée de ses attaques.

2231. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

On voit, du reste, que ces deux ordres de faits ne diffèrent qu’en degrés et sont au fond de même nature ; les frontières entre eux sont très indécises, car la maladie n’est pas incapable de toute fixité, ni la monstruosité de tout devenir. […] Mais, au fond, cette méthode n’est qu’un cas particulier de la précédente.

2232. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, le psychologue, n’en a pas éclairé le fond, comme l’eût fait un grand moraliste, doué de ce genre de regard qui s’enfonce dans les cœurs. […] Cousin a entrepris de nous donner et qui étonnent et détonnent et sont bouffonnes, sous la plume du traducteur de Platon, il y a, si on regarde au fond, plus de philosophie, — au moins de la sienne, — qu’on ne le croirait au premier abord.

2233. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Voici un duc et pair de la Cour de Louis XIV, peint par un ennemi que vous devinerez sans peine : « La plus vaste et la plus insatiable ambition, l’orgueil le plus suprême, l’opinion de soi la plus confiante et le mépris de tout ce qui n’est point soi le plus complet ; la soif des richesses, la parade de tout savoir, la passion d’entrer dans tout, surtout de tout gouverner ; l’envie la plus générale, en même temps la plus attachée aux objets particuliers et la plus brillante, la plus poignante ; la rapine hardie jusqu’à essayer de faire sien tout le bon, l’utile, l’illustrant d’autrui ; une vie ténébreuse, enfermée, ennemie de la lumière… une profondeur sans fond : c’est le dedans. […] Vous avez tous présente à l’esprit cette fable très simple qui fait le fond du roman.

2234. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Ses chefs choisis ont couvert de leurs débris l’abime de la mer ; ils sont, comme la pierre, descendus jusqu’au fond. […] Au fond, c’était déjà l’antipathie de la civilisation contre la barbarie, de l’Europe éclairée contre l’Orient féroce et dissolu, l’impatience d’un contact odieux et d’une dégradante usurpation des plus belles contrées qui nous environnent.

2235. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

La scène du cabinet, au fond du jardin, et celle de la chambre à coucher, dans la nuit des noces, ont été indiquées comme fort belles et le sont en effet, quoique je préfère pour ma part les courses moins arrangées et moins dramatisées du premier volume.

2236. (1875) Premiers lundis. Tome III « Instructions sur les recherches littéraires concernant le Moyen Âge »

Des chroniques romanesques, sermons ou autres écrits en prose latine ne sont pas du tout étrangers à l’histoire de notre littérature française, et peuvent servir à l’éclaircissement de questions intéressantes relatives au fond ou à la forme de certaines compositions, à la langue dans laquelle elles parurent d’abord, etc.

2237. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre II. Le Rire » pp. 28-42

Les critiques étrangers ont remarqué qu’il y a toujours un fond de méchanceté dans les plaisanteries les plus gaies de Candide et de Zadig.

2238. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Qu’est-ce au fond que l’expérience, que la connaissance du cœur humain, sinon avoir établi un rapport de cause à effet entre les phénomènes observés ?

2239. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Cependant ce sont là des exemples pris de la littérature classique, et l’on ne trouvera point extraordinaire que, jusque dans leurs écarts apparents, les poètes du xviie  siècle aient, au fond, respecté les règles universellement admises en France de leur temps.

2240. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Perrault a gagné sa cause, sur le fond.

2241. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

Au fond, cette innocente critique de la foi des anciens à leurs oracles est la première attaque que dirige l’esprit scientifique contre le fondement du christianisme466.

2242. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Il s’en tint à des inventions extérieures qui ne modifiaient pas le fond traditionnel et la banale disposition de la tragédie.

2243. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Le seul élément haïssable, inacceptable, c’est celui qui fait le fond des expositions, chez les conservateurs et chez les révolutionnaires : c’est le quelconque de dessin, de couleur, et d’inspiration.

2244. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie…………………………… Au fond du temple on eût vu son image, Avec ses traits, son souris, ses appas, Son art de plaire et de n’y penser pas… J’aurais fait voir à ses pieds, des mortels, Et des héros, des demi-dieux encore, Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels.

2245. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Saisie dans le jour blanc d’un musée ou fixée aux panneaux futilement ornés d’un salon, la toile dont les pigments réfléchissent les diaprures incluses du rayonnement solaire, refleurira par les mots, dans l’accord heurté ou doux à l’œil de ses nuances stridentes ou tragiquement mortes ; et il y aura des cadences de phrase pour la langueur innocente d’un beau corps nu, et des aurores verbales pour l’éveil religieux d’un blond rayon de lumière entre les ténèbres d’un fond où s’effacent de torturés ou humbles visages, et de pénétrantes périodes pour la sagace analyse de quelque froide et mince tète de roi ou de moine surgie du passé, avec ses yeux pleins de pensées mortes et ses traits sillonnés par des passions définitivement réprimées.

2246. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

Cela peut être utile, à sa place ; mais cela est inférieur ; et, quand on exécute ce travail comme Valfrey a exécuté le sien, ce n’est plus guères qu’une relation assez plate, qui n’a pour tout relief que le pédantisme gourmé du renseignement… Sous prétexte de faire de l’histoire diplomatique, on ne fait plus alors que de l’histoire sans visage, et rien, au fond, n’est plus ennuyeux, quand rien, au contraire, ne devrait être plus intéressant, pour la curiosité et la réflexion, que l’étude des moyens ignorés jusqu’ici pour obtenir, en diplomatie, ces résultats qu’on admire et dont on se demande ce qu’ils ont coûté.

2247. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

J’ai dit déjà que nulle métaphysique, nulle théorie, aucun principe vaillant et ferme, ne gisait au fond de ces phrases transparentes où le moi de l’auteur se voit seul.

2248. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Il est le premier, que je sache, qui se soit donné la peine de rechercher les sources morales de l’inspiration dans cet immoral, ce ribaud, ce braguard qui s’appelait Villon, et qui, comme tant d’autres, valait mieux au fond que ce qu’il paraissait être.

2249. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Fréron eut pour lui le Roi Stanislas de Pologne et sa fille Marie Lecsinska, cette chaste et noble Reine de France qui, du fond de son abandon et de son oratoire, ne pouvait pas grand-chose pour les amis qu’elle protégeait.

2250. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

les pénétrer et les faire voir, dans le fond comme à la surface.

2251. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Doudan, qui pouvait rester X, et qui a été X toute sa vie, car il avait le goût exquis de l’obscurité, est un esprit de la race de Joubert, de ce délicieux Joubert découvert après sa mort comme un diamant au fond d’un vieux bonheur du jour (c’en était un ce jour-là !)

2252. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Elle ne vient point de cette terre d’un panthéisme idolâtre, béant, pantelant, noyé dans sa rêverie sans fond.

2253. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Que si, du reste, par hasard ou par inconséquence, c’était là le fond vrai de sa pensée, nous aurions la preuve une fois de plus que l’étude de l’Histoire est quelquefois stérile, et que savoir correctement les faits et les reproduire avec éloquence n’est pas tout.

2254. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Au fond, cela pourrait bien n’être qu’un pamphlet, — un pamphlet à la portée de Rémusat, homme peu véhément de sa nature ; mais enfin l’Histoire y est, sous les arrangements et les ruses de la pensée, l’Histoire, avec l’intérêt poignant de ses événements, et malgré tous les efforts de l’historien pour en faire une impertinence.

2255. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

C’est à faire croire que toute cette poésie de Hugo n’est pas si géniale qu’on le dit, ni si spontanée d’inspiration qu’elle se donne, et qu’elle pourrait bien n’être, au fond, que de la poésie à procédé, une clef difficile peut-être à faire jouer dans la serrure, une manivelle ou un ressort dont il faut connaître le sens.

2256. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Quand il est naïf, la naïveté du fond est compromise par la forme.

2257. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Ronsardistes de la queue et de la dernière heure, qui n’ont gardé de l’influence première et créatrice qu’un matérialisme puéril ou morbide dans la forme, et dans le fond qu’un misérable paganisme sans sincérité.

2258. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Et il y répondra, ce livre solide, très intéressant et qui n’est que vrai, non pas seulement par la simplicité de sa conception et ses développements naturels, mais par le fond même du sujet qu’il traite : car s’il fut jamais un homme d’une originalité assez profonde pour résister à toutes les influences extérieures que le Matérialisme, la Bête de ce temps, voudrait faire tout à l’heure si puissantes, ce fut Milton.

2259. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt.

2260. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Les Mémoires d’une femme de chambre » pp. 309-321

Mais la grande dame, ou du moins la femme comme il faut, était au fond de ces caméristes de princesses et même de marquises par la grâce de l’amour du Roi !

2261. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. Des oraisons funèbres de Bourdaloue, de La Rue et de Massillon. »

Tel est le fond du tableau que nous présente l’orateur ; il peint en même temps la jeune duchesse de Bourgogne, adorée de la cour, et dont les vertus aimables mêlaient quelque chose de plus tendre aux vertus austères et fortes de son époux ; il la peint frappée comme lui, expirante avec lui, sentant et le trône et la vie, et le monde qui lui échappaient, et répondant à ceux qui l’appelaient princesse : Oui, princesse aujourd’hui, demain rien, et dans deux jours oubliée.

2262. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Lorsque, pour prélude de son entreprise sur l’Asie, en souvenir de l’ancienne défection de Thèbes et contre sa résistance nouvelle, il vint, avant de passer l’Hellespont, écraser cette malheureuse ville comme une victime expiatoire, et que, dans sa fureur, semblable aux Thraces demi-barbares qui remplissaient son armée, il fit tuer la garnison et rasa de fond en comble les murailles et les maisons, il ne se borna pas à épargner, comme on l’a vulgairement répété, cette maison de Pindare dont Pausanias, quatre siècles plus tard, notait les ruines saintes encore.

2263. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Et elle les connaît bien, et elle les pénètre jusqu’au fond, ses vicaires et ses curés. […] *** Rachilde a cette éloquence passionnée, abondante, quoique faite de cris rapides et sans suite, qui est le fond de beaucoup de talents féminins. […] Et Louise Ducot pleurniche aussi sur notre pauvre esprit qui fait le pendule au milieu du puits, également incapable de remonter jusqu’à la solide margelle de la foi ancienne et d’atteindre la blanche vérité, naïade endormie tout au fond […] Sans quoi, l’invraisemblance n’est plus seulement à la surface, dans la méthode d’exposition, mais au fond même de la pièce et la tue net. […] Je ne puis que sourire avec mépris, quand ces pauvres féministes réclament comme une baguette magique le bulletin de vote que les hommes sages oublient depuis longtemps de déposer dans nos urnes à double fond.

2264. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Boucher de Perthes, du fond, contemple son œuvre. […] La constance est au fond de tout, dans les lois physiques comme dans les lois intellectuelles. […] Il est resté, au fond de la cornue du merveilleux chimiste, je ne sais quoi de réfractaire à toute analyse et par conséquent à toute synthèse. […] Parfois on en voit le fond, où il y a des cailloux et des herbes et parfois c’est un abîme sombre qui donne le frisson. […] Il y a un fond stable et ce qui évolue, ce sont les moyens destinés à assurer la stabilité originelle.

2265. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Nous avons au fond du cœur un singulier sentiment en France, et dont je ne soupçonnais pas l’existence, aveuglé que j’étais par les théories politiques de l’Amérique. […] Voilà, monsieur, le fond de ma doctrine ou de mes préjugés. […] Vous voyez, monsieur, que nous nous entendons beaucoup mieux qu’on ne le dirait d’abord, et qu’au fond nous combattons presque sous le même drapeau. […] Il n’y a au fond ni genre classique, ni genre romantique… Disons-le, cette division que l’on cherche à introduire dans la littérature est l’ouvrage de la médiocrité.

2266. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

Quant à elle-même, portant et cachant son mal, ce mal, dit-elle, dont on n’ose souffrir, dont on n’ose ni vivre ni mourir, elle découvre tout au fond de son cœur, un jour, qu’il n’y a qu’un remède, un consolateur ; et comme elle a en elle de cette flamme et de cette tendresse qui transportait les Thérèse et les Madeleine, comme elle a sucé la croyance avec le lait, elle regarde enfin là où il faut regarder, et elle s’écriera dans des stances qui se peuvent lire, ce me semble, après certain sermon de Massillon : La couronne effeuillée J’irai, j’irai porter ma couronne effeuillée Au jardin de mon père où revit toute fleur ; J’y répandrai longtemps mon âme agenouillée : Mon père a des secrets pour vaincre la douleur.

2267. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

Et pourtant… Mais avec Lamartine il ne faut jamais analyser. » « — Ces mêmes gens qui, hier encore, auraient voulu lapider Lamartine à cause de ses Girondins et de ses discours de Mâcon, lui élèveraient aujourd’hui des autels : mais sur cet autel il faudrait inscrire : Élevé par la Reconnaissance et par la Peur. »|75}} « — Lamartine est au fond un roué, mais un roué de la race de Fenelon. 

2268. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Non-seulement pour le fond et pour les faits, mais pour la forme, il s’inquiétait, il était prêt sans cesse à retoucher, à rendre plus solide et plus vrai ce qui, dans une première version, n’était qu’éblouissant.

2269. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Il annuité ce qui est, donne l’être et l’empire à ce qui n’est pas, précipite au fond de son creuset tout ce qui a le moindre semblant d’apparence, et pulvérise la grandeur à l’infini.

2270. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Au fond il n’y a guère que l’expression propre et directe qui lui plaise.

2271. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Ainsi, notre précieux confrère, avec au fond une spirituelle connaissance du cœur humain, à la forme un souci récompensé du parfait, et les plus louables ruses, améliore grandement, par ses petites cultures intensives, le champ des lettres françaises.

2272. (1890) L’avenir de la science « VI »

Comparez sa Rhétorique aux rhétoriques modernes qui n’en sont pourtant au fond que la reproduction affaiblie, vous aurez, d’une part, un ouvrage original, quoique d’une forme bizarre, une analyse vraie, quoique un peu vaine, d’une des faces de l’esprit humain ; de l’autre, des livres profondément insignifiants, et parfaitement inutiles en dehors du collège.

2273. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Dans les lettres publiées on voit un peu trop peut-être la mère de madame de Grignan ; et malgré le charme des narrations, la justesse des observations, la finesse naïve des expressions, la grâce des tours, et enfin la solidité des pensées que répand en courant sa plume légère, on ne peut se dissimuler qu’il y règne au fond un peu de monotonie.

2274. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

On est scrupuleux pour n’employer que des rimes riches, & on ne l’est ni sur le fond des pensées & des sentimens, ni sur la clarté des termes, ni sur les tours naturels, ni sur la noblesse des expressions.

2275. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Le seul défaut du livre de Renée, comme expression littéraire, tient à un fond de choses que nous croyons en lui expirant.

2276. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Prenez, par exemple, la lettre d’Henri IV à Crillon, la lettre qui dit : « Pends-toi, brave Crillon, nous avons combattu à Arques, etc. » ; et lisez « Pendez-vous, brave Crillon, de n’avoir pas été ici près de moi, lundi dernier, à la plus belle occasion qui se soit jamais vue, etc. » ; puis un délayage de six lignes qui ne change rien au fond des choses, mais qui emporte cette adorable forme du laconisme et du tutoiement !

2277. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire de la Révolution »

Ces oublis de son unité, ces inconséquences de langage avec le fond de sa pensée et de sa philosophie, sont les protestations du tempérament, toujours plus fort que les partis pris ou que les partis qui vous prennent.

2278. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Ils ne regardent pas si profondément dans le fond des cœurs.

2279. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Voilà le fond de ces Mémoires !

2280. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Sa personnalité se fond dans son histoire.

2281. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine !

2282. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Balzac, en effet, Balzac est tout entier, de pied en cap, de fond et de surface, dans cette Correspondance, publiée, avec raison, comme le dernier volume de ses Œuvres, — les éclairant par sa personne, — les closant par l’homme, — et démontrant la chose la plus oubliée dans ce temps où le talent voile si souvent la personne de son rayon et lui fait malheureusement tout pardonner, c’est que l’homme égalant l’artiste le rend plus grand et en explique mieux la grandeur.

2283. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Malgré son fond de piété sincère, — la piété des femmes de l’ancien monde qui ne s’étaient pas enversaillées, comme disait le vieux marquis de Mirabeau, — elle a les haines et les mépris un peu altiers des femmes comme elle, à qui la Révolution a cassé sur la tête le dais sous lequel elles rendaient la justice féodale autrefois.

2284. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

Que dirait-il, quand il apprendrait qu’au fond il était, voyez-vous cela !

2285. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Matter, qui, du reste, multiplie dans son livre les preuves à l’appui d’une affirmation qui doit changer l’opinion commune et superficielle, Swedenborg n’est pas, au fond, ce qu’on croit : — un visionnaire tombé du ciel comme un aérolithe, le polem sine matre creatam des grandes natures phénoménales et solitaires.

2286. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

IV C’est le cercle, en effet, la tautologie, le paralogisme, la bêtise redondante, — car il faut bien dire les gros mots, puisqu’on a osé prononcer les grands, — ce sont enfin tous les sophismes badauds qui font le fond de ce petit livre, auquel une critique trop hospitalière veut faire les honneurs de chez nous.

2287. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

En effet, pour l’observateur qui étudie cette étrange figure du Curé d’Ars, avisé, futé, très fin au fond, malgré la sublimité des vertus que son âme avait contractée ; pour qui lit ces réparties spirituellement vengeresses de son humilité, qu’il adressait à ceux qui le persécutaient de leurs compliments et de leurs hommages, et dont l’abbé Monnin, qui n’oublie rien, a égayé doucement son récit, il est hors de doute qu’elle ne mentait pas, cette physionomie de Voltaire, et que, sans Jésus-Christ, le Curé d’Ars aurait été un de ces esprits charmants et mordants comme les aime le monde, au lieu d’être une âme angélique devant Dieu.

2288. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il s’y justifie à chaque instant de ce reproche de panthéisme, qui fait trembler au fond de sa conscience incertaine de psychologue un déisme dont il n’est pas sûr.

2289. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Heredia est, dans son fond intime (qu’il me permette de le lui dire !)

2290. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Joséphin Soulary bien supérieur à tous les autres poètes d’une École qui ne se soucie que de l’expression, c’est le fond humain qui palpite en lui, c’est cette profonde sensibilité qui est toujours exquise, — quand elle cesse d’être cruelle.

2291. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

à ce rutilant et truculent Gautier, obligé à vanter des tragédies jetées dans le vieux moule classique et écrites comme si le moule était si usé qu’il ne marque plus… Pour la Cléopâtre, il s’en tire habilement en nous donnant un médaillon de Cléopâtre, un Émail et Camée de sa façon : mais pour la Judith, il y reste, sentant bien, au fond de sa conscience, — poids fâcheux !

2292. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Le métier, en effet, est le fond de tout Art.

2293. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

C’est par le classique traditionnel de son fond et par l’accent et le tour particuliers à la race des esprits dont il descend, autant que par l’audace romantique de sa forme, aussi travaillée que celle des plus rudes ouvriers en rythme de 1830, qu’il frappa d’abord l’attention et obtint des succès divers, qui étonneraient par leur diversité si l’on ne se rendait pas compte de la double tendance qui vivait en lui.

2294. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

C’est le sentimental, en effet, qui a parachevé, qui a léché ce type de madame André, qui renverse la hiérarchie humaine, transpose les sexes et fond la mère dans l’amante au profit de l’amant, qui n’est plus même alors le polichinelle de l’amour, mais qui en devient la poupée.

2295. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

— Ou bien nous nous contentons de les affirmer sans essayer de les déduire ; elles se suffisent, nous semble-t-il, à elles-mêmes, et, quelles que soient d’ailleurs nos théories sur l’ensemble et le fond des choses, s’imposent à nous : c’est dire que notre morale est « indépendante ».

2296. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Enfin, le temps arriva, et la lumière partit du fond de l’Italie ; mais elle ne se répandit que peu à peu sur le reste de l’Europe.

2297. (1802) Études sur Molière pp. -355

Bret est à peu près de mon sentiment ; il traduit même la dernière scène italienne, qu’il donne comme un modèle de naïveté ; mais je n’y trouve que de la niaiserie, et je doute que Molière, en s’emparant du fond, eût conservé la nuance. […] Nous savons, le lecteur et moi, d’où Molière a tiré le fond de sa comédie, nous avons indiqué ses diverses imitations, nous avons jugé la plus essentielle, il nous reste à dire, en peu de mots, ce que nous pensons sur la pièce ; et voilà désormais la marche que nous suivrons. […] Apprenons d’abord à nos lecteurs d’où Molière a tiré le fond de son sujet ; il paraît imité d’un fabliau intitulé Le Médecin de Brai ; mais je le crois plutôt pris dans un conte, Le Vilain Mire, titre que l’on donnait, en vieux langage, aux médecins de campagne. […] Les personnages. — Pas un seul qui n’ait un caractère particulier ; pas un seul qui ne fasse ressortir merveilleusement le fond du tableau. […] Cette pièce donnée pour la première fois sur le théâtre du Palais-Royal, le 24 mai, a une origine des plus illustres ; elle est imitée du Phormion de Térence, on y reconnaît la manière de dialoguer du poète latin, ses détails les plus piquants, surtout le fond de sa fable ; et c’est d’abord avec le fond de cette fable qu’il nous importe de familiariser le lecteur ; le reste des imitations, ne venant pas toujours d’une source aussi pure, n’exige pas une analyse aussi scrupuleuse.

2298. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Lisez et relisez son œuvre, examinez, considérez d’un peu près le fond et la fin de sa méthode, vous ne trouverez rien de plus, dans l’éclectisme, que l’affirmation du droit de Victor Cousin à reprendre dans tous les systèmes le bien de Victor Cousin ; et son « observation de soi-même par soi-même » n’est qu’une application de l’individualisme aux choses de la philosophie. […] Les véritables savants en sont encore à demander vainement qu’on leur cite une seule découverte réelle qui soit due à cette méthode si vantée. » Et en conséquence, la méthode qu’il a voulu substituer à celle de Cousin, comme étant non seulement la meilleure, mais à vrai dire la seule bonne, c’est celle qui consiste, si vraiment nous voulons nous connaître, à commencer par sortir de nous-mêmes ; et, quand ensuite nous essayons de systématiser nos observations, à n’y rien mêler de notre fond. […] Cependant, du fond de sa solitude, où il peine sur le plus laborieux des chefs-d’œuvre, un autre encore passe en revue les gloires du romantisme ; n’en reconnaît aucune, sauf Hugo ; se plaint que Lamartine écrit mal ; reproche à Musset de n’avoir cru « ni à lui, ni à son art, mais à ses passions », le raille de son « dandysme », s’irrite de l’« emphase avec laquelle il a célébré le sentiment, le cœur, l’amour » [Cf.  […] Rêverie d’un passant à propos d’un Roi, ou Dicté en présence du glacier du Rhône] ; — et des aveux ou des confessions du poète, qui, sans descendre encore Jusqu’au fond désolé du gouffre intérieur, — nous prend cependant pour confidents de ses amours, de ses souvenirs, et de ses regrets [Cf.  […] Lions et Renards] ; — et parmi lesquels il y en a deux ou trois d’assez énergiquement caractérisés. — Il a donné, comme Balzac encore et sur ses traces, — une importance nouvelle à la question d’argent, — en en faisant le fond de la pièce, — au lieu d’un simple moyen de théâtre, qu’elle était dans le théâtre de Scribe. — Pour achever la ressemblance, il a généralement emprunté son décor à la vie ambiante ; — affaires industrielles [Cf. 

2299. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Tous ces détails de coquetterie innocente, d’émotion naïve, de prudence maternelle et de franchise presque de sœur, sont portés sur un fond de paysage brillant et de légère peinture du monde vaudois. […] On eut beau la rassurer, l’auteur du roman eut beau lui écrire pour prendre les choses sur le compte de son imagination, pour l’informer avec serment qu’il n’avait en rien songé à elle, elle imprima tout cela ; et, en dépit ou à l’aide de tant d’attestations, il resta prouvé pour le public de ce temps-là que l’anecdote du roman était bien au fond l’histoire de la réclamante. […] Sur toutes ces choses, elle allait au fond et au fait avec un esprit libre, avec beaucoup moins de talent, comme on l’entend vulgairement, mais aussi avec bien moins d’emphase et de déclamation qu’on ne l’a fait alors et depuis232.

2300. (1813) Réflexions sur le suicide

Un philosophe allemand, en disputant avec ses amis, disait une fois : je donnerais pour obtenir telle chose deux millions d’années de ma félicité éternelle , et il était singulièrement modéré dans le sacrifice qu’il offrait : car les jouissances temporelles ont d’ordinaire bien plus d’activité que les espérances religieuses, et la vie spirituelle ou le christianisme, ce qui est une et même chose, n’existerait pas, s’il n’y avait pas de la douleur dans le fond du cœur de l’homme. […] On peut le demander à ces êtres vertueux, que les afflictions ont visités, que de fois ne leur est-il pas arrivé d’éprouver au fond du cœur un calme inattendu ? […] Curtius se précipitant au fond de l’abîme pour le combler, Caton se poignardant pour apprendre au monde qu’il existait encore une âme libre sous l’empire de César, de tels hommes ne se sont pas tués pour échapper à la douleur : mais l’un a voulu sauver sa patrie, et l’autre offrir à l’univers un exemple dont l’ascendant subsiste encore : Caton passa la nuit qui précéda sa mort à lire le Phédon de Socrate, et le Phédon condamne formellement le Suicide, mais ce grand citoyen savait qu’il s’immolait non à lui-même, mais à la cause de la liberté ; et selon les circonstances cette cause peut exiger d’attendre la mort comme Socrate ou de se la donner comme Caton.

2301. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

La maison civile de Monsieur en comprend 420 et sa maison militaire 179 ; celle du comte d’Artois 237 et sa maison civile 456  Les trois quarts sont pour la montre ; avec leurs broderies et leurs galons, avec leur contenance dégagée et polie, leur air attentif et discret, leur belle façon de saluer, de marcher, de sourire, ils font bien, alignés dans une antichambre ou espacés par groupes dans une galerie ; j’aurais même voulu contempler les escouades des écuries et des cuisines ; ce sont les figurants qui remplissent le fond du tableau  Par cet éclat des astres secondaires, jugez de la splendeur du soleil royal. […] Le plus rustre, auprès d’une femme, retrouve au fond de sa mémoire quelques débris de la galanterie chevaleresque. […] Mais le caractère mondain a recouvert l’ancien fond militaire ; à la fin du dix-huitième siècle, leur grand talent est le savoir-vivre, et leur véritable emploi consiste à recevoir ou à être reçus.

2302. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

« Ce fut la première fois de ma vie que je lus au fond d’un vrai cœur de soldat. […] qui n’a senti ici jusqu’au fond des entrailles l’horrible obéissance de ce soldat qui a remis sa volonté dans celle de son chef, à qui son chef commande un véritable crime qui tue deux êtres en un, et qui se voit obligé d’obéir en mer, et quand l’ordre ne peut plus être discuté ? […] Ses opinions politiques étaient au fond monarchiques, mais ses mœurs, aristocratiques avant tout.

2303. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Acceptez de ma main, par amitié, cet or très-pur et passez à l’autre bord nos mille chevaux et autant d’hommes. » Le farouche nautonier reprit: « Non, jamais je ne le ferai. » À ces mots il leva une forte rame large et pesante et frappa sur Hagene, qui, du coup, tomba sur ses genoux au fond de la barque: il en éprouva grande douleur. […] » Le prêtre nageait bien ; il se fût sauvé, si quelqu’un lui était venu en aide ; mais il n’en put être ainsi, car le fort Hagene (grande était sa colère) le repoussa au fond de l’eau: ce qui ne parut bon à personne. […] Comme on ne pouvait autrement provoquer le combat, Kriemhilt — son ancienne douleur était toujours là au fond de son âme — fit porter à table le fils d’Etzel.

2304. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

L’esprit, le génie, la bonne grâce et l’éclat de l’esprit, la verve, et la passion, l’inspiration et l’amour, quoi d’étonnant, quand vous êtes jeune, quand tout chanteau fond de votre âme, quand tout sourit autour de vous, quand vous nagez, de toutes les forces de votre passion, dans le courant joyeux des belles années ? […] Auprès de vous se tient, souriante et charmée de vous voir, la belle et consolante déesse de la jeunesse ; elle est votre consolation, elle est votre force, et si parfois quelque découragement pénètre au fond de votre âme enivrée et chancelante sous les parfums du laurier poétique, eh bien ! […] Peut-être on devrait reconnaître au fond de cette obstination à toucher cette faible somme, qu’elle devait trouver si chèrement payée, maintenant qu’elle était riche et âgée, une certaine reconnaissance envers ce roi et cette reine, si misérablement traînés à l’échafaud !

2305. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

J’en demeure bien marqué assez profondément au fond de mon âme, et il me reste toujours une part qu’on ne peut ni corrompre ni m’enlever. […] Je ne sais, oui, c’est le seul mot que je puisse dire ; et, en vérité, je l’ai souvent cherché de bonne foi et de sang-froid ; d’où je conclus qu’il n’y a pas au fond tant de mal dans cette démarche que beaucoup le disent, puisqu’il n’est pas clair comme le jour qu’elle est criminelle, comme de tuer par trahison, de voler, de calomnier, et même d’être adultère (quoique la chose soit aussi quelque peu difficile à débrouiller en certains cas).

2306. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Vous voyez bien que c’est un rêve plus aisé à déclamer qu’à reconstruire ; vous voyez bien que, pour reconstruire ce rêve de l’empire maritime, territorial et aristocratique de Venise, Il faudrait d’abord que l’Angleterre ne fût pas née, et n’eût pas succédé à Venise dans la monarchie navale et commerciale du monde ; Il faudrait que la route des Indes par le cap de Bonne-Espérance n’eût pas été découverte ; Il faudrait que l’Amérique elle-même ne fût pas sortie des flots à la voix de Colomb, et que ce continent n’eût pas créé un échange nouveau et immense entre les deux mondes, un déplacement de la Méditerranée à l’Océan ; Il faudrait que l’Angleterre ne possédât ni Corfou, ni Malte, ni Gibraltar ; que la France ne possédât ni Toulon ni Marseille ; que Constantinople ne possédât ni les Dardanelles ni le Bosphore ; il faudrait enfin que l’Allemagne, devenue puissance navale et commerciale à son tour, n’eût pas créé Trieste, ou qu’elle y renonçât pour complaire à l’ombre de Venise ; il faudrait que l’Allemagne ne possédât pas dans Trieste le débouché nécessaire à l’écoulement des produits de soixante millions d’hommes germains, en rapports de plus en plus étroits avec tout l’Orient ; Il faudrait que l’Allemagne consentît à se laisser murer dans ses terres au fond du golfe Adriatique, par une nouvelle Venise qui lui en fermerait les flots. […] Mais encore les grandes républiques, telles que Gênes, Venise, Rome, continuent-elles à subsister sous les doges comme sous les papes, car la papauté au fond n’est qu’une république, puisque le pouvoir temporel y est électif comme le pouvoir spirituel, et que le gouvernement y est représentatif par le sénat des cardinaux.

2307. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Le roi lui-même, du fond de sa tombe, dans ses révélations posthumes, démentira, plus pertinemment que moi, son ministre. […] Car, au fond, c’était là leur pensée.

2308. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Rousseau et de Volney avait déteint sur ses pensées, mais son âme n’avait pas été altérée jusqu’au fond par ces doctrines décolorées et froides qui désenchantent l’esprit sans attendrir le cœur ; et, quand il rentra dans sa patrie, au milieu des ruines faites par l’incrédulité, et des efforts d’un gouvernement hardi et réparateur pour rattacher la France à ses anciens dogmes par des repentirs avoués et par des réconciliations politiques entre les armées et les autels, il ne lui fut pas difficile de renier le culte nouveau, qui n’était encore que doute, et de se rattacher aux douces habitudes de son imagination comme à d’anciens amis éprouvés avec lesquels on vient prier dans les mêmes temples et dans la même langue, après être rentrés sous les mêmes cieux. […] Le culte de la renommée avait été au fond son vrai culte, il n’avait adoré que lui.

2309. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Je les trouve nuisibles autant aux écrivains, — même à ceux qui en bénéficient — qu’au public, car ils faussent les vocations et déplacent les valeurs… mais au fond, tout cela n’a qu’une importance secondaire, et la littérature reconnaîtra toujours les siens ! […] Si on connaissait, comme moi (qui entend les cris et les réclamations des jeunes gens dupés) le fond vaseux que remue la trombe des prix littéraires, on serait absolument épouvanté du résultat obtenu.

2310. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Sauf dans un petit nombre de pièces qui ont tiré de ces idées mêmes la force et le naturel qui les a fait durer, le fond et les détails sont fournis par le moment, par les mœurs, par le tour d’esprit particulier de l’époque. […] De là dans Montaigne, malgré un fond de goût qui se marque par d’excellents jugements sur les bons auteurs de la latinité, sa prédilection pour ceux de l’époque de la décadence, pour Sénèque en particulier, dont il avoue qu’il imitait volontiers le parler149.

2311. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Comme toutes les natures spontanées et vigoureuses, il avait le fond joyeux. […] La fin de ses études sur la Nouvelle Allemagne musicale (Ménestrel) est belle pourtant : « Un mot rayonne au frontispice de tous les ouvrages de Richard Wagner ; ce mot est le verbe indéfectible, celui qui ramène les égarés, retrempe les faibles, recrée les sociétés, refait les civilisations, révolutionne l’art de fond en comble ; ce mot est : vérité. » Où fut l’admiration sans réserves, spontanée, enthousiaste ?

2312. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

» Et du fond du vaisseau spectral, aux voiles rouges, les matelots, damnés comme leur capitaine, répètent sa funèbre invocation. […] L’important répertoire des anciennes chansons populaires est le fond dans lequel les musiciens peuvent puiser leur inspiration comme l’a fait Beethoven avant eux.

2313. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Admirez chez lui la propriété et l’intensité de l’expression : « L’accession continue du peuple à la bourgeoisie, de la bourgeoisie à la noblesse et de la noblesse à la grande noblesse est le fond perpétuel de l’ancien régime. » Souvent des mots sottement inutiles s’introduisent dans la phrase, plats et presque invisibles au passant presse, mais qui, si on regarde, écœurent comme sur un drap une punaise ou comme dans la littérature un professeur. […] Pierre Brun, voilà pour le fond de l’œuvre la note dominante. » Quant à la langue, « c’est un gros et lourd assemblage de phrases boursouflées et engorgées de superlatifs ».

2314. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Ce bravo du canif dédaigne, au fond, ce chevalier de l’épée. […] Il y a longtemps qu’un grand poète l’a dit : « Votre drame est né boiteux ; croyez-moi, ne lui mettez pas de jambe de bois. » Et puis quelle foi l’auteur dramatique veut-il que le public garde dans son œuvre, si, d’un mois à l’autre, il en modifie le fond ou la forme ?

2315. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Le fond, l’idée, la fable, non, l’histoire parfaitement authentique, est celle-ci : Malc est un homme qui, après avoir vu tous les pays du monde, se réfugie dans la solitude. […] Passons donc sur ces exclamations qui sont agréables, mais un peu fades, et lisons ce qui suit : Echo, qui ne tait rien, vous conta ces amours ; Vous les vîtes gravés au fond des antres sourds : Faites que j’en retrouve au temple de Mémoire Les monuments sacrés, sources de votre gloire, Et que, m’étant formé sous vos savantes mains, Ces vers puissent passer aux derniers des humains !

2316. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

A midi, le 1er octobre 1915, en Artois, trois jours après la prise de Souche, comme il examinait d’un trou de marmite, en avant de ses hommes, le terrain où il allait mener l’attaque des hauteurs (la cote 119) qui remontent du fond de Souche vers Givenchy-en-Gohelle, il fut foudroyé par un obus. […] Ces vainqueurs de la Marne avaient premièrement, au fond de leur conscience, vaincu la Germanie, dégagé les vertus et les vérités de chez nous, bref assuré en eux le triomphe de la France.

2317. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre VI. L’espace-temps à quatre dimensions »

Au fond, nous ne faisons que nous replacer dans les conditions où nous nous mettions tout à l’heure (p. 141). […] La pensée ne saurait y loger un événement, si court fût-il, pas plus qu’on ne pousserait un meuble dans le salon aperçu au fond d’une glace.

2318. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Attribuer aux deux systèmes des vitesses de sens opposés consisterait, au fond, à se placer par la pensée dans un troisième système de référence, alors qu’on ne s’est donné que S et S′. […] C’est ce qu’il fait, au fond, quand il parle de « systèmes de référence en mouvement ».

2319. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

En général, la métaphore fait le fond des langues. […] D’après ces considérations, nous avons médité un vocabulaire mental, dont le but serait d’expliquer toutes les langues, en ramenant la multiplicité de leurs expressions à certaines unités d’idées, dont les peuples ont conservé le fond en leur donnant des formes variées, et les modifiant diversement.

2320. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

Elle a senti tout le prix et toute l’intention de ce sympathique accueil, et elle en a rapporté l’hommage à qui de droit, à celui qui, du fond de sa prudence, ne perd pas un seul instant de vue la consommation et la confirmation d’un si bel ouvrage.

2321. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il s’établit au fond de nous une sorte d’intelligence et de connivence presque forcée entre notre talent et notre jugement, surtout quand ce jugement porte sur l’objet même auquel se rapporte notre talent habituel.

2322. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Cette histoire, où l’on ne sent pas seulement la fidèle observation des lieux, mais où perce aussi une vérité de fond et de récit, cette histoire commencée et finie au son du merveilleux carillon de Bruges, et où se déroule toute la vie d’enfance et de jeunesse de Catherine, de cette pauvre enfant « si cruellement meurtrie et de si bonne heure », intéressera.

2323. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Je fuis la rhétorique directe qui s’étale et qui s’affiche ; je ne fuis pas moins la rhétorique retournée, qui est tellement occupée à faire pièce à la rhétorique solennelle, qu’elle en oublie le fond des choses, qu’elle se prend elle-même à des mots, leur donne une importance qu’ils n’ont pas, et devient une manière de rhétorique à son tour.

2324. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

La poésie alors, orale, vivante, forme naturelle et souveraine, support et enveloppe de tout, de la science, de l’histoire, de la morale, du culte, tenait au fond même de l’existence d’une race, et enserrait, comme en un tissu merveilleux, mœurs, exploits, souvenirs, les dieux et les héros d’une nation.

2325. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Nous avons entendu prononcer le mot de nouvelle manière ; mais, selon nous, dans les Feuilles d’Automne, c’est le fond qui est nouveau chez le poëte plutôt que la manière.

2326. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Par contre, il faut toujours aller au fond de ses peines ; le temps qu’on emploie à les peindre est autant de pris sur nos larmes. » J’ai noté un endroit où l’auteur se juge lui-même avec une parfaite sévérité dans la personne de son héros ; il s’agit des lettres de celui-ci dont le style est lourd et contourné, trop souvent bariolé d’ornements parasites.

2327. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Quel que fût le fond de cette brochure, quelle que fût la défaveur du moment, l’illustre écrivain représentait la liberté de la presse mise en cause dans sa personne.

2328. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Quelle que soit la religion du genre humain pour Tacite, il n’est pas interdit de l’examiner et de percer sur de certains points au fond des choses à travers le talent : « La littérature latine, disait M. 

2329. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

En sera-t-il moins sublime au fond ?

2330. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Notre style si exact et si net ne dit rien _au-delà_ de lui-même ; il n’a pas de perspective ; il est trop artificiel et trop correct pour ouvrir des percées jusqu’au fond du monde intérieur, comme fait la langue des artistes ou des simples, telle qu’on la trouve dans l’_Imitation_ ou dans Shakspeare.

2331. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Un air humide et lourd enveloppe le monde ; Au bord de l’horizon, comme des caps dans l’onde, Les nuages rayés s’allongent lentement ; Et le soleil, immense au fond du firmament, Heurtant au brouillard gris sa lueur inégale, Sur le globe muet penche son disque pâle.

2332. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

C’est du fond de son cœur qu’il nous dit et répété : La chose qui soit plus certaine, C’est que la mort nous courra sus : La plus incertaine, c’est l’heure.

2333. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Baudelaire, Œuvres posthumes et Correspondances inédites, précédées d’une étude biographique, par Eugène Crépet. »

On arrive ainsi à quelque chose de merveilleusement artificiel… Oui, je crois que c’est bien là l’effort essentiel du baudelairisme : unir toujours deux ordres de sentiments contraires et, au premier abord, incompatibles, et, au fond, deux conceptions divergentes du monde et de la vie, la chrétienne et l’autre, ou, si vous voulez, le passé et le présent.

2334. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Sans rien oublier des conquêtes naturalistes et romantiques, ceux qui viendront, pour mettre une âme dans un corps agissant, retourneront aux traditions spirituelles et classiques, avec cette importante nuance ; qu’ils sauront que le temps des idées générales est passé  Mais ici deux questions se dressent, une question de fond et une question de forme (comme on disait très jadis).

2335. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La Plume » pp. 129-149

Tout au bout, une scène minuscule, encadrée de rideaux de bois peint ; quelques coups de pinceau sur le mur de fond offrent la plus simple expression d’une marine casquée d’une lune symbolique.

2336. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

C’était au fond le culte de l’Acropole personnifiée.

2337. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Les religions de la Babylonie et de la Syrie ne se dégagèrent jamais d’un fond de sensualité étrange ; ces religions restèrent, jusqu’à leur extinction au IVe et au Ve siècle de notre ère, des écoles d’immoralité, où quelquefois se faisaient jour, par une sorte d’intuition poétique, de pénétrantes échappées sur le monde divin.

2338. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

« Cependant je demeure ferme dans le dessein de la quitter à la fin de l’année. » Ce peut être à cette époque que le roi dit à madame de Montespan : Si elle vous déplaît, renvoyez-la ce qui, sous l’air d’une déférence ou d’une concession, était au fond un défi.

2339. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

Une pauvre petite bourgeoise anémique et geignarde, voilà, au fond, ce qu’est la femme à la démarche d’un rythme souple, aux boucles d’oreilles trop riches.

2340. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Ces spectres hagards, errants sous les portiques du palais d’Argos, embusqués sous le tombeau du père égorgé, s’agitent obscurément au fond de la scène.

2341. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Il avait l’air d’abord de ne vouloir donner que des textes plus corrects, quelques lettres ou papiers retrouvés au fond des bibliothèques, et voilà qu’il a fait apparaître, dans toute leur hauteur, de grandes figures, ou qu’il a ranimé avec feu des physionomies charmantes.

2342. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre premier. L’ubiquité de la conscience et l’apparente inconscience »

Binet, le nom de cette personne ou de l’objet, ou le chiffre. » Le sujet, quand ses yeux sont fermés ou que son attention est portée ailleurs, ne s’aperçoit pas du mouvement de sa main, qui révèle à l’expérimentateur le fond intime de sa pensée.

2343. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

Et au fond qu’est-ce ?

2344. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Brissaud, sont coupables de conserver — et surtout d’inventer des formes bâtardes, métissées de grec et de latin, dans les cas où le fond de notre langue suffirait amplement » ; et il cite le mot excellent de cailloute, nom d’une phtisie particulière aux casseurs de cailloux, ou provoquée par des poussières minérales ; les nosographes, le trouvant trop clair et trop français, l’ont biffé pour écrire pneumochalicose.

2345. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Ainsi, — pourvu néanmoins qu’on ne cherche pas dans des pays et dans des faits qui appartiennent à l’histoire, ces impressions surnaturelles, ces grossissements chimériques que l’œil des visionnaires prête aux faits purement mythologiques ; en admettant le conte et la légende, mais en conservant le fond de réalité humaine qui manque aux gigantesques machines de la fable antique, — il y a aujourd’hui en Europe un lieu qui, toute proportion gardée, est pour nous, au point de vue poétique, ce qu’était la Thessalie pour Eschyle, c’est-à-dire un champ de bataille mémorable et prodigieux.

2346. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ils avaient au fond de leur conscience un soulèvement d’idées mystérieuses ; l’ébranlement intime des fausses certitudes leur troublait l’âme ; ils sentaient trembler, tressaillir, et peu à peu se lézarder leur sombre surface de monarchisme, de catholicisme et d’aristocratie.

2347. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Persuadée que les romans ne sont au fond que des poëmes épiques en prose, elle imagina d’en composer qui contînssent des histoires véritables sous des noms déguisés.

2348. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Outre le mérite de l’exécution, qui dans son genre est aussi parfaite que celle du chêne et du roseau, cette fable a l’avantage d’un fond beaucoup plus riche et plus étendu ; et les applications morales en sont bien autrement importantes.

2349. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Quand l’instrument du second sera aussi sûr que celui du premier, nous pourrons espérer de connaître le fond des choses : jusque-là il faut compter sur des erreurs.

2350. (1760) Réflexions sur la poésie

Mais je ne m’attendais pas, je l’avoue, à celui qu’ils prennent au latin des Psaumes : ils m’accusent d’impiété, pour avoir osé dire que ce latin est à demi barbare ; je croyais la chose incontestable, et même généralement reconnue par ceux qui avec raison respectent le plus dans ces poésies sacrées le fond des choses.

2351. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

La Psychologie, qui devrait être le fond de ce roman, y tient fort peu de place.

2352. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Ses romans, au fond, ne sont guère que des Almanachs du Bonhomme Richard, sous forme romanesque… Mme Sand, je l’ai dit, descend de Rousseau et Mme Colet, de Diderot.

2353. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Qualités véritablement historiques, qui pouvaient être fécondes, mais qui, sous cette plume de femme, n’ont rien donné de neuf ni par le fond ni par la forme, et ont, — il faut bien le dire, — avorté.

2354. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Au fond, Odysse Barot se soucie bien de la littérature !

2355. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

je ne crois pas, pour ma part, qu’au fond de son âme et de sa robuste pensée ce grand spiritualiste de la guerre puisse accepter sans trouble que la guerre, qui sort de l’âme de l’homme et qui se fait avec l’âme de l’homme, ne soit pas éternelle comme l’homme et sa race, et qu’un jour elle doive disparaître, comme un fétu dans les airs, sous le souffle omnipotent des démocraties.

2356. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Louis Vian » pp. 373-387

Boswell, au fond, n’est qu’un laquais, d’une espèce très rare, qui adore et admire son maître.

2357. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Aujourd’hui, c’est une autre face de cet esprit multiface, sur un fond identique, que je vais montrer.

2358. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Malgré la contradiction, qui n’est jamais à la surface des mots que quand elle est au fond des choses, ils l’ont toujours appelée et ils l’appellent encore « une révolution conservatrice ».

2359. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

À part le fond des choses, qui, selon nos ridicules et chers préjugés, déshonore une nation dont on ose les dire, nous ne voudrions pas, même pour la forme, du panégyrique de Bellegarrigue, fût-il une flatterie !

2360. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Sévigné » pp. 243-257

Elle est Elmire par le fond, et Célimène par la forme ; Elmire au centre, Célimène par les extrémités.

2361. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Revenu en France après Juillet, il y respira le journalisme, comme, quand on est fait pour la guerre, on respire la poudre, et il se trouva tout à coup ce qu’il était, sans le savoir, dans le fin fond de sa soutane et de sa nature : c’est-à-dire un chouan, qui toute sa vie chouannerait !

2362. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

De bonne foi sur le fond des choses, mais par cela seul qu’il veut les exprimer de manière à plaire à l’esprit ou à le convaincre davantage, l’écrivain calcule ses effets pour ses livres comme le comédien pour la scène, — et ceux-là, parmi les écrivains, qui passent pour les plus inspirés, sont ceux dont le calcul est le plus rapide mais n’en est pas moins du calcul.

2363. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Car quoi de plus intéressant et de plus instructif que le double fond de cette boîte humaine à surprise, qui, lorsqu’on n’y croit qu’un seul homme, tout à coup en fait partir deux ?

2364. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Au fond, cependant, peut-être ne valait-il pas mieux.

2365. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Car, quoi de plus intéressant et de plus instructif que le double fond de cette boîte humaine à surprise qui, lorsqu’on n’y croit qu’un seul homme, tout à coup en fait partir deux !

2366. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Sans cela, il nous serait facile de montrer, les faits en main, qu’il n’a pas plus creusé dans l’esprit des différentes époques du monde qu’il n’a fouillé, au début, dans les origines et les facultés de l’homme ; et qu’en cela, trop souvent, son livre, empreint de ce fatalisme géographique qui explique les fonctions des peuples par le milieu dans lequel ils se meuvent (fatalisme ressuscité de tous les matérialistes de fait, d’intention ou d’aveuglement), a donné, en preuve de ses dires, l’apparence pour la réalité, et la superficie pour le fond.

2367. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXX. Saint Anselme de Cantorbéry »

Au fond l’intelligence profonde de la double grandeur du temps et de l’homme lui échappe.

2368. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

C’est un optimiste, au fond, que l’abbé Christophe, qui cherche à dégager du bien, même du mal absolu.

2369. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Elles en diffèrent essentiellement, et par leur forme extérieure, — brillante et solide, — et même par leur fond littéraire très exceptionnel ; car Lemerre est peut-être le seul éditeur de Paris qui publie spécialement des poètes.

2370. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée.

2371. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Au fond, Saint-Maur est, de tempérament, assez poète pour se passer de littérature, pour ne pas avoir besoin de cette impalpable et brillante poussière de la fleur des autres qui colore quelquefois ses ailes et que j’aurais voulu n’y pas retrouver· III Et, en effet, c’est un poète, Saint-Maur, et un poète involontaire.

2372. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Seulement, après les chefs-d’œuvre, il faut compter pour les seconds ces livres spirituels dont le cœur humain fait le fond, qui s’appellent René ou Werther, Ourika, Édouard, Frère Ange ou Adolphe, et qui furent écrits avec cette goutte d’encre dont parle Joubert, qui peut bien mettre du temps à tomber, mais qui, en tombant, devient une goutte de lumière.

2373. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

Mais, quand on est petit, on est à la portée de ceux qui ne sont pas plus grands que vous, et qui, en vous trouvant, se retrouvent… C’est l’histoire du petit Le Sage… Au fond, il n’était qu’un artiste médiocre, de piètre conception et de plus piètre exécution encore.

2374. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Dans l’espèce de roman dont il est victime, dans ce roman à tiroirs et à double fond, dans lequel il renferme des facultés assez vives pour faire sauter tout cela (le feront-elles un jour ?)

2375. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Une tragédie de Voltaire, qu’un paysan du Midi veut faire jouer à la fête votive de son village, parce qu’il a au fond de sa poitrine ce souffle immortel du paganisme qu’on appelle l’amour des spectacles et qu’ils ont tous, ces Romains et ces Grecs d’Avignon, de Marseille ou d’Arles, voilà la frêle bobine sur laquelle l’auteur du Marquis des Saffras dévidera la plus belle étoffe d’écarlate dans laquelle on ait jamais taillé un récit.

2376. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

L’orateur, le philosophe et le poète devaient donc avoir l’âme bien plus exercée à Rome, et être bien plus réveillés par le mouvement et le choc des idées, qu’au fond de la Grèce et de l’Asie, où les impressions arrivaient affaiblies par la distance.

2377. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Voyez, dans l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, comme il annonce avec hauteur qu’il va instruire les rois ; comme il se jette ensuite à travers les divisions et les orages de cette île ; comme il peint le débordement des sectes, le fanatisme des indépendants, au milieu d’eux Cromwell, actif et impénétrable, hypocrite et hardi, dogmatisant et combattant, montrant l’étendard de la liberté et précipitant les peuples dans la servitude ; la reine luttant contre le malheur et la révolte, cherchant partout des vengeurs, traversant neuf fois les mers, battue par les tempêtes, voyant son époux dans les fers, ses amis sur l’échafaud, ses troupes vaincues, elle-même obligée de céder, mais, dans la chute de l’État, restant ferme parmi ses ruines, telle qu’une colonne qui, après avoir longtemps soutenu un temple ruineux, reçoit, sans être courbée, ce grand édifice qui tombe et fond sur elle sans l’abattre.

2378. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Ce n’est pas au fond d’une bouteille qu’on trouve de pareilles inspirations ; les flacons les plus généreux ne dicteraient pas une strophe de cette ode amoureuse. […] L’attention la plus vigilante ne suffit pas toujours pour deviner le sens caché au fond de ses paroles. […] Quelle armée assez téméraire, assez folle, pour s’aventurer dans ces gorges dont l’œil n’aperçoit pas le fond ? […] Pour comprendre toute la valeur des Méditations, il faut prendre conseil de ses émotions personnelles et chercher au fond de sa conscience le type des sentiments que l’auteur a développés. […] Il était ému ; une rencontre inattendue, une circonstance fortuite venait de lui rappeler des jours heureux dont le souvenir sommeillait au fond de son âme, et, pour soulager sa douleur, il la laissait déborder en strophes gémissantes.

2379. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

On concluera sans doute que nous pouvions mieux employer nôtre temps, Me D et moi, je passe condamnation, pourvû qu’on n’en induise rien contre le fond de nos sentimens. […] On croit que j’imite en détail les tours et les expressions d’Homere, au lieu que j’imite seulement le fond des choses que les traductions litterales m’ont suffisamment appris : la témérité de l’entreprise s’évanoüit, dès qu’on la réduit ainsi à ses véritables termes. […] Voilà un zêle fort loüable, s’il étoit bien placé ; mais qu’est-ce au fond que ce secret que je révele ? […] Il n’y a point de matiere qui ne soit sujette à la plus éxacte discussion : l’art poëtique même a ses axiomes, ses théoremes, ses corrollaires, ses démonstrations ; et quoique la forme et les noms en soient déguisez, c’est toûjours au fond, la même marche du raisonnement, c’est toûjours de la même méthode, quoiqu’ornée, que résultent les véritables preuves. […] Nos expressions françoises par elles-mêmes ne jettent point de faux sur une pensée vraye, elles n’en avilissent pas une grande, elles n’en ternissent pas une gracieuse ; mais aussi elles ne sçauroient mettre ni vérité, ni grandeur, ni grace, où il n’y en a pas, qu’en substituant des circonstances qui changent absolument le fond des choses.

2380. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Mais si jamais la définition de la misanthropie donnée par Béranger a été juste, assurément c’est pour ce misanthrope-là : « La misanthropie, disait le chansonnier, n’est qu’un amour rentré. » Toute la haine de Molière venait, en effet, de son trop-plein d’amour qu’il lui fallait refouler au profond de son cœur et laisser s’aigrir, comme une liqueur au fond d’un vase. […] Ce misérable Kotzebue, par exemple, qui écrivit Misanthropie et repentir, était un chantre de l’humanité heureuse, parfaite, morale ; il se disait plein de mansuétude pour toute chose, et au fond, on sait trop ce qu’il aimait : l’argent et l’intrigue. […] Les infortunes conjugales de Molière forment d’ailleurs le fond ordinaire des pièces dirigées contre l’auteur de L’École des maris. […] Il avait les yeux collés sur trois ou quatre personnes de qualité qui marchandaient des dentelles ; il paraissait attentif à leurs discours et il semblait, par le mouvement de ses yeux, qu’il regardait jusqu’au fond de leurs âmes pour y voir ce qu’elles ne disaient pas ; je crois même qu’il avait des tablettes et qu’à la faveur de son manteau, il a écrit, sans être aperçu, ce qu’elles ont dit de plus remarquable. » Est-il possible d’oublier ces yeux collés, ce regard qui va jusqu’au fond des âmes ? […] L’horloge qui orne le fond du tableau a peut-être marqué l’heure où Molière acheva quelqu’un de ses chefs-d’œuvre.

2381. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Et le chantre d’Éloa, de Moïse, inclinant son vaste front moite et douloureux, souriait à l’éloge avec une gracieuse amertume ; sa lèvre polie contractait dès lors cette raillerie indélébile qui dit que le fond du breuvage a passé. […] Aussi, tandis que M. de Lamartine, avec sa noble négligence, demeure, en public et sous le soleil, le prince aisé des poëtes, l’auteur de Chatterton, dans son cercle à part et du fond de ce sanctuaire à demi voilé, en est devenu le patron réel, le discret consolateur par son élégante et riche parole, attentif qu’on l’a vu, et dévoué et compatissant à toute poésie.

2382. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

qu’en allant au fond de l’art et de la poésie grecque, on arrive à je ne sais quel mélange de laideur et de beauté, et qu’on rejoigne le caractère sauvage, souvent rude et, en tous cas, plus compliqué, de la poésie du Nord, de la poésie shakspearienne ! […] Quelques critiques insistent avant tout et préférablement sur l’aspect idéal et pur de l’art grec, sur la beauté dont il donne le suprême exemple ; il est permis de ne pas moins insister sur la simplicité inséparable et la vérité qui en sont le fond et l’accompagnement, sur cette naïveté dans le sentiment et dans l’expression, qui se joint si bien à la grâce et qui ajoute aussi au pathétique et à la grandeur.

2383. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Au fond, toutes les bêtes sont nobles. […] Il a parlé comme un ancien de la saison « où les tièdes zéphirs ont l’herbe rajeunie », quand tout aime et quand tout pullule dans le monde, « monstres marins au fond de l’onde, tigres dans les forêts, alouettes aux champs. »112 Il a retrouvé à l’occasion la grandeur et la magnificence de Lucrèce.

2384. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Il se passa un long intervalle de temps entre le tintement de la sonnette et la moindre rumeur dans le couvent : j’allais me retirer croyant n’avoir éveillé que ses échos, quand le bruit lointain d’un pas de vieillard, lent et alourdi par des sandales à semelles de bois, retentit du fond du monastère. […] Le lit du malade ou du prisonnier était au fond, en face de la porte.

2385. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Nul respect, nulle pitié ne consola leur misère ; mais rassemblant tous leurs sentiments au fond de leur cœur, elles surent y nourrir la douleur et la fierté. […] L’ambition d’être un chef de parti dans la république, la soif de la gloire, l’enivrement des applaudissements publics, et le besoin plus impérieux d’aimer et d’être aimée, troublaient trop son âme pour la laisser voir au fond d’elle-même.

2386. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Quand on promène ses regards autour de cette salle du Jugement dernier, de la base aux murailles, des corniches à la voûte, on éprouve un vertige des yeux tout à fait semblable à ce vertige de l’âme éprouvé par la pensée, quand, dans une nuit sereine et profonde, on se plonge dans l’infini du firmament, dont les avenues d’étoiles illuminent la voie en reculant sans cesse le fond. […] L’amour qu’il ne veut pas avouer ni aux autres, ni à lui-même, ni à celle même qui l’inspire, se transforme en un sentiment exalté et mystique qui tient plus de la piété que de l’amour, piété humaine dont une femme adorée est l’idole, et qui se fond en une sorte de piété divine pour avoir le droit d’être éternelle ; sentiment très-commun à cette époque et encore aujourd’hui, en Italie, où l’amour est saint ; il a été donné à l’homme de sensibilité ou de génie, avancé en âge, pour le consoler de la jeunesse perdue et pour joindre la vie actuelle à la vie future dans un amour terrestre et dans un amour céleste devenus pour lui un seul amour.

2387. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Il se faisait parallèlement, pour le fond, toute sorte d’étranges manipulations. […] Le début du Charroi de Nîmes est peut-être très ancien dans son fond ; mais tel que nous l’avons, c’est une très belle amplification littéraire ; le procédé appliqué au développement de l’idée est sensiblement analogue à celui de la fameuse scène des portraits d’Hernani ; c’est la traduction grandiose d’une idée grande.

2388. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Mais il est entier dans le beau prélude du troisième acte : Sachs aussi a autre chose à penser, et, comme une solution à ses réflexions, ce motif qui avait d’abord peu à peu pris le rhythme du motif 2, se fond même dans celui-ci, avec une décision psychologique que la musique pouvait seule exprimer. […] — De même (p. 146) l’impression que Sachs traduit par « wie Vogelsang un süssen Mai » se retrouve dans Parsifal, modifiée par les circonstances, mais identique au fond, quand Parsifal chante, pendant le motif si voluptueusement printanier de la prairie en fleurs : « Wohl traf ich Wunderblumen… » Et enfin ne trouve-t-on pas, aux pages 272, où Sachs recommande à Walther de briller au milieu de la fête, et 371-372, où il va chanter, entouré de l’admiration et des faveurs de la foule, la même griserie de lumière, de bonheur et d’enivrante suavité dont bercent les Filles-fleurs le jeune Parsifal, « holder Knabe » en dansant mollement autour de lui ?

2389. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

La gloire d’Athènes a retenti au fond des Enfers, elle agite le peuple des morts. […] Mon coeur crie du fond de ma poitrine ! 

2390. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

J’ai mis du lait dans une bouteille, je l’ai bien fermée et je l’ai fait mettre dans le fond de la voiture, enveloppée de paille. […] On le voit en définitive bon homme, honnête homme, ressemblant au fond à ses écrits, mais atteint de quelque manie et marqué de mesquinerie et de petitesse.

2391. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(4) Dans l’état métaphysique, qui n’est au fond qu’une simple modification générale du premier, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites, véritables entités (abstractions personnifiées) inhérentes aux divers êtres du monde, et conçues comme capables d’engendrer par elles-mêmes tous les phénomènes observés, dont l’explication consiste alors à assigner pour chacun l’entité correspondante. […] (3) je n’ai pas besoin de plus grands détails pour achever de convaincre que le but de ce cours n’est nullement de présenter tous les phénomènes naturels comme étant au fond identiques, sauf la variété des circonstances.

2392. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

« Puisque, dit-il, le phénomène social, conçu en totalité, n’est, au fond, qu’un simple développement de l’humanité, sans aucune création de facultés quelconques, ainsi que je l’ai établi ci-dessus, toutes les dispositions effectives que l’observation sociologique pourra successivement dévoiler devront donc se retrouver au moins en germe dans ce type primordial que la biologie a construit par avance pour la sociologie65. » C’est que, suivant lui, le fait dominateur de la vie sociale est le progrès et que, d’autre part, le progrès dépend d’un facteur exclusivement psychique, à savoir la tendance qui pousse l’homme à développer de plus en plus sa nature. […] Puisque, d’autre part, la constitution du milieu social résulte du mode de composition des agrégats sociaux, que même ces deux expressions sont, au fond, synonymes, nous avons maintenant la preuve qu’il n’y a pas de caractères plus essentiels que ceux que nous avons assignés comme base à la classification sociologique.

2393. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

On sent l’anecdote au fond de laquelle il y a quelque vérité, mais qui a été, puisqu’elle est si drôle, infiniment arrangée, infiniment adornée par les amis de La Fontaine et de Racine, qui l’a racontée à son fils, à Louis Racine. […] Quant à moi, il me semble bien, au fond, que La Fontaine a été tout au moins prié d’accompagner son oncle, lequel était exilé.

2394. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Pareille faveur fut accordée à la Restauration : elle aura, en effet, sa seconde édition, — revue, augmentée et développée, très illustrée à coup sûr et très embellie, ornée de toutes sortes d’images et de figures brillantes, — mais, au fond et en définitive, une édition nullement corrigée74.

2395. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Nous sommes abandonnés au fond de l’Italie… Joubert, en tête de cette élite dont chaque nom est celui d’un héros, quel plus bel éloge !

2396. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Ce qui est bon à rappeler, c’est qu’on n’en sort jamais, après tout, qu’avec le fond d’enjeu qu’on y a apporté, je veux dire avec le talent propre et personnel : le reste était déclamation, appareil d’école, attirail facile, à prendre, et que le dernier venu, eût-il moins de talent, portera plus haut en renchérissant sur tous les autres.

2397. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nos enfants l’apprennent par coeur, comme jadis ceux d’Athènes récitaient Homère ; ils n’entendent pas tout, ni jusqu’au fond, non plus que ceux d’Athènes, mais ils saisissent l’ensemble et surtout l’intérêt ; ce sont de petits contes d’enfants, comme l’Iliade et l’Odyssée, qui sont de grands contes de nourrice.

2398. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

L’expérience de Chénier se fond dans son érudition ; et dans ses « vers antiques », ce qu’il met, ce sont, non pas toujours « des pensers nouveaux », du moins des sensations personnelles et de la nature observée.

2399. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

La rue s’ouvrait sous les voûtes du chemin de fer de Vincennes ; maussade maçonnerie de briques, dont l’ombre sinistre se déroule interminablement sur toute la région ; L’hôtel moisissait au fond d’une cour humide où les trains dégorgeaient » au passage, un ouragan de suie, d’escarbilles et de fumées.

2400. (1890) L’avenir de la science « Préface »

Ainsi je débitai en détail le gros volume que de bonnes inspirations et de sages conseils m’avaient fait reléguer au fond de mes tiroirs.

2401. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

La plaisanterie devient âcre, mordante, la passion convulsive ; l’outrance fait partout irruption ; et, au milieu de rires éclatants et saccadés, on voit grimacer la mort qui obsède les imaginations, on entend un long gémissement qui monte du fond des âmes et qui révèle la fatigue, la souffrance d’une société anémique et hystérique.

2402. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre III : Sentiments et Volonté »

La méthode reste donc la même, et c’est la doctrine de l’association qui fait encore le fond de l’étude sur les sentiments.

2403. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces diverses — Préface du « Rhin » (1842) »

L’essentiel, pour que l’auteur puisse dire, lui aussi : Ceci est un livre de bonne foi, c’est que la forme et le fond des lettres soient restés ce qu’ils étaient.

2404. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

vous avez vu le fond de l’insondable, vous !

2405. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Et qu’on nous entende, ce n’est pas le fond de ces pièces que nous condamnons, c’est le procédé, le style, la composition, leur caractère de faits divers qui les situe en dehors même des productions françaises.

2406. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

L’impression en a trop multiplié les exemplaires, et quand l’Europe seroit bouleversée au point qu’il n’y en restât plus, les biblioteques qui sont dans les colonies des europeans établies en Amerique et dans le fond de l’Asie, conserveroient à la posterité ces monumens précieux.

2407. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Cousin fait une critique des philosophes de l’antiquité et des temps modernes, car on peut dire, sans le blesser, que c’est là le fond de sa philosophie ; M. 

2408. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

D’ailleurs ce n’est point ici le lieu d’entrer dans le fond même de la question, puisque je dois admettre, quant à présent, les deux hypothèses.

2409. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Même leur vanité n’est plus celle de la femme… Du fond de la vanité, très souvent jolie de la femme, il leur en a poussé une autre qui a dévoré la première et qui est affreuse comme l’orgueil impuissant.

2410. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Quoique la main sévère et positive de Huc aime à toucher le fond des choses, à sonder l’artère, il a su la promener aussi sur les superficies, sur l’épiderme, et, s’il nous a cassé un peu notre vieille Chine de porcelaine, il nous en a, du moins, rapporté un bon morceau.

2411. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Mais le caractère et l’unité dans la vie n’en sont pas moins les qualités principales de Léon XIII, l’étoffe et le fond de sa personnalité, et qui s’en dégagent comme deux rayons, — les deux rayons du front de Moïse !

2412. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Et la seconde fut l’idée du Moyen Âge tout entier, de l’époque chrétienne par excellence, la délivrance du Saint-Sépulcre, cette idée qui n’habitait plus alors qu’au fond de quelques grandes âmes isolées.

2413. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Les piailleurs contre le despotisme n’ont pas su voir combien, au fond, elle était despote, et bien moins encore dans ses hommes d’État que dans ses Institutions.

2414. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Ensuite, elles sont l’autobiographie d’un grand esprit peu enclin — toute sa vie en fait foi — à montrer le fond d’une âme qu’il a toujours beaucoup drapée, comme les femmes couvrent les épaules qu’elles n’ont pas.

2415. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

… Regardez ce qui se trouve au fond de toutes les poésies contemporaines, et ôtez-le des poésies de Banville, et vous allez voir ce qui va rester !

2416. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Il avait la grâce de savoir écouter longtemps, jusqu’au moment où, du fond de son silence attentif, partait le mot, l’éclair électrique, la balle d’argent de Robin des Bois !

2417. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Le coup d’œil d’un homme expérimenté et habile peut seul sonder le fond de l’ambition et les réticences de l’habileté. […] Ils se jalousaient les uns les autres ; ils avaient la prétention de faire la guerre autrement, et de la faire mieux, et, bien que cette rivalité fût contenue par la présence du général Bonaparte, elle était au fond la cause principale de la diversité de leurs jugements. […] Elle s’appliquait même à faire naître chez eux un genre d’illusion auquel ils se prêtaient volontiers : c’est qu’au fond le général Bonaparte n’attendait qu’une occasion favorable pour rappeler les Bourbons et leur rendre un héritage qui leur appartenait.

2418. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Pour plus de commodité, j’avais choisi principalement des graines de petites dimensions, dépouillées de leur capsule ou de leur fruit ; mais, comme toutes allaient au fond en quelques jours, elles n’auraient pu traverser en flottant de larges bras de mer, qu’elles eussent été ou non endommagées par l’eau salée. […] Par exemple, des noisettes mûres allèrent immédiatement au fond, mais une fois sèches elles flottèrent durant 90 jours, et, plus tard, ayant été plantées elles germèrent. […] D’ailleurs, il faut bien admettre que ces îlots volcaniques ont une base quelconque, et les analogies ne permettent guère de supposer qu’ils s’élèvent isolément au milieu de vastes plaines sous-marines, mais plutôt sur un fond montagneux et accidenté.

2419. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Est-ce au fond d’un antre sauvage Qu’est placé l’autel du bonheur ? […] Le fond de leurs discours intéressa peu le tribunal. C’était ou des questions puériles, ou des maximes rebattues, & la forme répondait communément au fond. […] Il est comique par les situations & le fond des choses, plutôt que par l’expression. […] La Fontaine a tiré ses meilleures Fables de son propre fond.

2420. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ce sont là les hommes qui, en ce moment, débarquaient en Angleterre pour y importer de nouvelles mœurs et y importer un nouvel esprit, Français de fond, d’esprit et de langue, quoique avec des traits propres et provinciaux ; entre tous, les plus positifs, attentifs au gain, calculateurs, ayant les nerfs et l’élan de nos soldats, mais avec des ruses et des précautions de procureurs ; coureurs héroïques d’aventures profitables ; ayant voyagé en Sicile, à Naples, et prêts à voyager à Constantinople, à Antioche, mais pour prendre le pays ou rapporter de l’argent ; politiques déliés, habitués, en Sicile, à louer leur valeur au plus offrant, et capables, au plus fort de la croisade, de faire des affaires, à l’exemple de leur Bohémond qui, devant Antioche, spéculait sur la disette de ses alliés chrétiens et ne leur ouvrait la ville qu’à condition de la garder pour lui ; conquérants méthodiques et persévérants, experts dans l’administration et féconds en paperasses, comme ce Guillaume qui avait su organiser une telle expédition et une telle armée, qui en tenait le rôle écrit, et qui allait cadastrer sur son Domesdaybook toute l’Angleterre : seize jours après le débarquement on vit à Hastings, par des effets sensibles, le contraste des deux nations. […] C’est sur ce fond que les yeux s’attachent ; ils percent la décoration mondaine et négligent la jouissance sensuelle, pour aller jusque-là. […] Comme une énorme et longue roche qui fait le fond du sol et pourtant n’affleure que de loin en loin, elles ne se montrent qu’à peine. […] A fayr feld ful of folke fond I ther betwene, Of al maner of men, the mene and the ryche, Werkynge and wanderyng, as the werld askyth.

2421. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Les caractères chez lui sont, tout ensemble, datés avec une extrême précision et creusés jusqu’au ; fond le plus secret de la commune humanité. […] Ces deux lettrés si intelligents étaient les dupes, tout au fond, nous nous en rendons bien compte à distance, de cette illusion qui fut celle de toute la seconde moitié du dix-neuvième siècle, et que l’on a appelée le Scientisme. […] Le plus pieux des hommages que l’on puisse rendre à un si grand homme, n’est-ce pas d’essayer de l’imiter, sinon dans son génie, — ce n’est pas possible, — mais dans ce qui fut le fond même de son être, le cœur de son cœur : l’amour du travail, de la pensée, de la famille et de la patrie. […] Exclusivement, si l’on allait au fond de leurs théories, la biologie. […] Cette correction disciplinée de la forme, unie à la nouveauté hardie du fond, le met dans la ligne de Flaubert et de Baudelaire qui, l’un et l’autre, furent également de très hardis novateurs dans le choix de la matière traitée par eux, et les élèves des maîtres du passé dans leur facture.

2422. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Sale Lloyd est subordonné à un de ces malentendus qui composent le fond de magasins des romanciers de second ordre. […] Ahto, le dieu de la vague, habite « avec son épouse au cœur froid et cruel » Wellamo, au fond de la mer dans l’abîme des Rochers aux Saumons, et possède le trésor sans prix du Sampo, le talisman du succès. […] Avec la charpente que fournit le chêne, il en fait la quille et les flancs et le fond. […] C’est le fond de commerce du patriote. […] Les figures centrales sont exagérées, mais le fond est admirable.

2423. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Il le forge et le rend solide, âpre et rude comme le fer ; il le trempe comme l’acier, le fond comme le bronze, le cisèle comme l’argent ou le marbre. […] Or maintenant, au fond du Palais ineffable, Qui pour tapis a les espaces constellés, Innombrables autour de la Divine Table Les Poètes des temps futurs sont assemblés.

2424. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Richard Wagner pour un Gluck et pour un Eschyle que de ne connaître ni Eschyle ni Gluck, ce qui parfois s’est vu, même chez de puissants monarques … Au fond, tout ce rabâchage d’une personnalité ivre d’elle-même nous touche médiocrement, n’était pourtant une phrase trop bouffonne pour ne pas être relevée. […] Mais voici une des mises en œuvre les plus profondes de la Réminiscence en général : vers la fin du sublime cycle de Schumann, Amour et vie de femme (1840), au moment où le chant cesse, le piano reprend le premier morceau, qu’il chante dans son entier, la jeune veuve écoute au fond de son cœur la phrase à laquelle elle confiait naguère son premier secret d’amour78, illustration musicale bien éloquente, bien touchante et intime à coup sûr, du fameux cri de désespoir de Francesca : Nessun maggior dolore Che ricordansi del tempo felice Nella miseria !

2425. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Toute la foule a reflué vers le fond de la scène, tandis qu’Elsa demeure immobile, dans une inexprimable attente… L’harmonie du double chœur monte formidablement : c’est un cri, un cri éperdu, immense : « Miracle ! […] Tant de gens ont écrit tant de choses à ce sujet, tant de littérateurs se sont mis à nous expliquer la musique, tant d’élégants mondains à nous dévoiler les profondeurs de la psychologie, qu’il reste peu à dire et que, pour devenir intéressant, il faudrait peut-être avouer, sans pudeur, ce qui se passe là-bas, là-bas, au fond du « moi ».

2426. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

Les disciples contemporains de Descartes ou de Leibniz, et ceux mêmes de Kant, sont tous au fond platoniciens, car ils s’accordent avec Platon pour opposer absolument le monde de la sensation à celui de la pensée. […] Il n’y a pas lieu de séparer une pensée théorique et une pensée pratique : il n’y a au fond qu’une manière de penser, qui, dans son origine, est essentiellement pratique, c’est-à-dire issue d’appétitions et tendant à des appétitions ; elle s’élève peu à peu vers des objets d’un intérêt plus général, mais sans perdre jamais, même à l’apogée de son développement, la marque de son caractère primitivement sensible et volitif.

2427. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Elle s’en attribue tacitement la forme avec le fond, s’étonne d’avoir tant d’esprit, et sait un gré infini aux écrivains qui le lui prouvent. […] Je remarque seulement que, s’ils viennent par hasard dans le petit coin d’étude que j’ai défriché toute ma vie, alors, tout en gardant leurs grands airs d’assurance, ils sont au fond assez incompétents.

2428. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

L’origine du mouvement littéraire remonte à l’apparition des Poètes maudits de Paul Verlaine (fév. 84) où il est dit dans la préface : À bien y regarder pourtant, de même que les vers de ces chers Maudits sont très posément écrits, de même leurs traits sont calmes, comme de bronze un peu de décadence, mais qu’est-ce que décadence veut bien dire au fond ? […] — État de ce qui se fond.

2429. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Et, en effet, quelques conversations en style de rapin, une affectation d’indépendance qui ressemble à la casquette que les jeunes filles se plantent sur l’oreille pour monter à cheval, la gaminerie d’allures que la bêtise et la lâcheté des hommes adorent, tout cela, dans le personnage de Renée, reste à la surface de la vie, et cela devait aller jusqu’au fond, la déformer et la débrailler. […] XV Car la question poignante d’un livre qui pouvait être si dramatique et si terrible est de savoir si l’âme et le génie peuvent vivre, dans leur double intensité, au fond de ce système nerveux endiablé, comme disait Voltaire, d’une comédienne qui aime son art comme tout être de génie aime le sien, et qui lui demande ses émotions, son bonheur et sa gloire.

2430. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

La déclaration de l’infante comme reine propriétaire du royaume de France fut encore mise en avant par ces derniers, et le président Jeannin, sans refus formel, sans élever d’objections sur le fond, y opposa le même genre de difficultés et de délais, insistant toujours sur le subside avant tout, et s’en remettant pour la suite à la future assemblée des États, qui voteraient ce qu’on aurait résolu.

2431. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

. — Et cependant (car je suis l’homme des doutes et des repentirs), tout en reconnaissant, surtout quand je considère certains disciples, que cette conception théocratique, telle que l’a présentée de Maistre, est en effet comme une armure du Moyen Âge qu’on va prendre à volonté, dans un vestiaire ou dans un musée et qu’on revêt extérieurement sans que cela modifie en rien le fond, je me demande, quand je considère d’autres disciples, s’il n’y avait pas un côté mystique en lui, plus intérieur, et répondant aux sources secrètes de l’intelligence et de l’âme.

2432. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Le Gouvernement ne doit jamais perdre de vue un citoyen de ce mérite. » Avec Frochot on peut s’en tenir aux apparences directes et aux témoignages publics : homme sincère, il n’y a pas de double fond en lui.

2433. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Elle s’est revêtue, sans qu’au fond la sincérité en souffre, de toute sa moralité brillante et d’une teinte de clarté plus continue ; le service envers le genre humain, ce bienfait perpétuel qui émane d’une noble lecture, a été plus complet.

2434. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Il sortait de ces rêveries anéanti, brisé, presque moribond. » Cauchemars, insomnie : « Il craignit de s’endormir… il resta étendu sur son lit des heures entières, tantôt dans de persistantes insomnies et de fiévreuses agitations, tantôt dans d’abominables rêves que rompaient des sursauts d’homme perdant pied, dégringolant du haut en bas d’un escalier, dévalant sans pouvoir se retenir au fond d’un gouffre. » « Les couvertures le gênaient, il étouffait sous les draps et il avait des fourmillements par tout le corps, des cuissons de sang, des piqûres de puces le long des jambes. » Troubles de la sensibilité. — Hallucinations de l’odorat : « Sa chambre embauma la frangipane ; il vérifia si un flacon ne traînait pas débouché, il n’y avait pas de flacon dans la pièce ; il passa dans son cabinet de travail, dans sa salle à manger, l’odeur persista. » Puis, à la suite de la symphonie olfactive, « à nouveau la frangipane dont son odorat avait perçu les éléments… assaillit ses narines excédées, ébranlant encore ses nerfs rompus… » Perversions du goût : Il a le désir d’une « immonde tartine » mâchée par un « sordide gamin ».

2435. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Si ces considérations générales suffisent pour éclairer sur la juste influence de l’ambition sur le bonheur, les auteurs, les témoins, les contemporains de la révolution de France, doivent trouver au fond de leur cœur de nouveaux motifs d’éloignement pour toutes les passions politiques ?

2436. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

En effet, ce n’est point ce cercle tracé que nous considérons ; il n’est point notre objet, il n’est que notre aide ; nous concevons à propos de lui quelque chose qui diffère de lui, qui n’est ni blanc, ni tracé sur fond noir, ni de tel rayon, ni d’une rondeur inexacte

2437. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Ce n’est pas qu’il n’y ait des répétitions qu’on n’a pas le droit de blâmer : mais pour être tolérables, il faut qu’elles soient indispensables ; et cette nécessité ne doit pas être le produit de la maladresse, qui ne peut sortir autrement d’embarras, elle doit venir du fond des choses et de la constitution naturelle du sujet.

2438. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

On devient capable de sentir qu’on ne comprend pas, ou qu’on ne comprend pas tout ; on devient incapable de se contenter des fausses clartés et des à peu près ; on devient habile à distinguer la voix intérieure qui part du fond de nous, de la parole que nous transmettent l’EIzévir et le Didot.

2439. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Et même ce rutilant paradoxe n’est, au fond, qu’un truisme.

2440. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

Oui, je sais que la vieille humanité est abominable et que, dans le fond, elle aime le sang et la souffrance d’autrui.

2441. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Sa phrase ondoyante se fond en douceurs câlines ou s’amortit en plaintes sourdes.

2442. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

L’impression, c’est le fond de la critique, on la fait vibrer à chaque mot, mais on ne saurait la dire, car on ne dit pas une sensation, on la transpose.

2443. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

« La ronde, la danse, le rythme sont l’œuvre de la foule ; mais sur le fond du thème ainsi donné les individus apportent des variations personnelles. » Quoi qu’il en soit, et en dépit de cette légère part faite par l’auteur à l’inspiration individuelle, on peut admettre qu’en poésie comme ailleurs l’individu compte pour peu de chose dans les sociétés primitives.

2444. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Et je vous demande pourtant si cet homme n’est pas plus près de Dieu qu’un petit bourgeois bien positif, tout racorni au fond de sa boutique.

2445. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Ce qu’il y a de certain, c’est que la détention se prolongea et que Jean conserva du fond de sa prison une action étendue.

2446. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Les eaux, d’un azur céleste, profondément encaissées entre des roches brûlantes, semblent, quand on les regarde du haut des montagnes de Safed, occuper le fond d’une coupe d’or.

2447. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Les Sadducéens avaient à ce sujet un argument grossier en apparence, mais dans le fond assez conforme à la vieille théologie.

2448. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

En apparence, vous êtes justes ; mais au fond vous êtes remplis de feinte et de péché.

2449. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

La théorie newtonienne de la gravitation explique d’une manière complète et scientifique les phénomènes naturels ; mais à l’idée de gravité substituez une autre idée. celle d’une polarité, par exemple, telle qu’elle existe dans un aimant ; faites en le type et le fond de toutes les forces de la nature, et voyez comme tout se brouille, comme vous substituez à une explication simple un mystère inintelligible.

2450. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Qu’avait-elle donc au fond de sa boîte, cette fée absente qui, seule, a fait défaut à M. de Lamartine ?

2451. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il se firent des protestations d’estime & d’attachement : mais leur fond de jalousie mutuelle restoit.

2452. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Mais je veux qu’ils n’aient pas eu dans l’esprit ces réflexions aussi analysées qu’elles l’ont été depuis : on ne peut au moins nier raisonnablement qu’ils n’en aient eu le fond et la substance, et qu’ils les ont développés peu à peu, à mesure qu’ils voyaient le succès bon ou mauvais de leurs spectacles.

2453. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Seules, les additions qui se surajoutent à ce fond primitif et le transforment peuvent être traitées de cette manière.

2454. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre V. Les figures de lumière »

Répétons-nous bien que nos figures de lumière sont en nombre indéfini et qu’elles n’en font pourtant qu’une seule : leur multiplicité exprime simplement les visions éventuelles qu’en auraient des observateurs par rapport auxquelles elles seraient animées de vitesses différentes, — c’est-à-dire, au fond, les visions qu’en auraient des observateurs en mouvement par rapport à elles ; et toutes ces visions virtuelles se télescopent, pour ainsi dire, dans la vision réelle de la figure primitive AOB.

2455. (1915) La philosophie française « I »

Enfin, au fond de la théorie cartésienne de la pensée, il y a un nouvel effort pour ramener la pensée, au moins partiellement, à la volonté.

2456. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Lorsque, il y a cent ans, la Russie était à peine connue, que les descendants des anciens Scythes étaient encore à demi sauvages, et que le lieu où est aujourd’hui située leur capitale, n’était qu’un désert, on ne s’attendait pas alors qu’avant la fin du siècle, l’éloquence dût y être cultivée, et qu’un Scythe, au fond du golfe de Finlande, et à quinze degrés au-delà du Pont-Euxin, prononcerait un tel panégyrique dans une académie de Pétersbourg.

2457. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Mêlant ses combats, ses naufrages, ses factions, ses amours, il avait composé plusieurs livres de courtes poésies, satiriques par le fond, lyriques par la passion et la forme.

2458. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

Il faut que tu apprennes à connaître toutes choses et le fond réel de la vérité persuasive, et les opinions des mortels qui reposent non sur une foi véridique, mais sur l’erreur ; et tu connaîtras ainsi, comment il faut marcher prudemment à travers le tout, en faisant l’épreuve de toute chose. » En tête de cette philosophie poétique dont la Grèce allait recueillir les leçons, il reste à placer le personnage demi-fabuleux de Pythagore.

2459. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Panurge qui court, en lui tendant l’oreille, « La cherche sous la terre au fond d’une bouteille : « La bouteille divine, oracle du caveau, « Épanouit les sens, dilate le cerveau, « Purge le cœur de fiel, désopile la rate, « Aiguillonne les flancs, nous chatouille, nous gratte, « Nous redresse l’esprit… ; c’est assez ! […] Plaisanterie qui ne signifie autre chose que l’excès d’un courroux capable de l’aveugler sur son devoir, et de lui faire haïr par un soupçon chimérique l’époux qu’elle chérit au fond du cœur. […] Il est aisé de juger, d’après un tel examen, pourquoi cette pièce déplut d’abord à la haute société des grands de Versailles, et ne dût plaire qu’au roi et qu’au public, qui connaissaient le fond des choses. […] Les principaux sont ceux dont les qualités ne participent d’aucune autre, qui tiennent d’eux seuls leurs travers et leurs manies, et dont le vice ou le ridicule prend ses racines au fond du cœur humain. […] On remarquera que lorsqu’il traita l’Imposteur il se garda de faire abus de l’aspect du Tartuffe, dont les mœurs comprimées auraient glacé la scène, s’il ne l’eût fréquemment reculé dans le fond du tableau.

2460. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Rien dans ses manières ne témoigne qu’il ait au fond du cœur une préoccupation jalouse ; il parlait tout à l’heure de son amour, il en parlait avec l’accent de la vérité ; et à voir comme il attaque de front les images boiteuses et les grâces guindées du sonnet à Philis, personne ne croirait qu’il ait fait autre chose de sa vie. […] Il y a au fond de cette comédie, très ennuyeuse d’ailleurs, une leçon sévère pour les ambitieux. […] Hugo n’a pas de rival ; il fait de notre idiome ce qu’il veut ; il le forge et le rend solide, âpre et rude comme le fer ; il le trempe comme l’acier, le fond comme bronze, le ciselle comme l’argent ou le marbre. […] Qu’y a-t-il au fond de son âme ? […] Fouiller au fond de sa conscience pour y remuer les cendres des passions, feuilleter la mémoire de ses amis pour y lire le secret de leurs rides prématurées, c’est une tâche superflue ; essayer dans le commerce familier des penseurs et des hommes d’état de pénétrer le mécanisme des révolutions, c’est une tentative sans profit pour la poésie.

2461. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Rappelez-vous votre adolescence ; pour mon compte, les plus grandes émotions que j’ai eues au théâtre m’ont été données par une troupe ambulante de quatre demoiselles qui jouaient le vaudeville et le drame, sur une estrade au fond d’un café ; il est vrai que j’avais onze ans. […] Le fond de l’homme naturel, ce sont des impulsions irrésistibles, colères, appétits, convoitises, toutes aveugles. […] Elles ne sont point tentées par la suavité voluptueuse qui, dans les pays du Midi, s’exhale du climat, du ciel et du spectacle de toutes choses, qui fond les résistances, qui fait considérer la privation comme une duperie et la vertu comme une théorie. […] Au fond du cœur, elle se juge mariée avec celui à qui elle a engagé son âme ; c’est le mariage du cœur qui, à ses yeux, est le seul véritable ; l’autre n’est qu’un adultère déguisé.

2462. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Mais nous essayerons encore de pénétrer jusqu’au fond des âmes d’élite (il en existe encore), d’en montrer toute la passion héroïque, toutes les angoisses sentimentales, et vous connaîtrez les causes secrètes de cette fièvre intellectuelle, qui brûle le sang de certains poètes et qui se révèle si sombrement dans le timbre altéré de leur parole, dans l’âcreté de leurs écrits. […] Et ce n’est peut-être qu’au son glorieux des lyres que la croyance générale dans le panthéisme et le socialisme s’établira définitivement au fond des consciences françaises. […] Il nous suffit que le vrai Dieu, le Dieu Soleil Répande sur la terre rude en tous les âges La lumière des faulx parmi les champs vermeils, Dicte aux hommes futurs la loi des labourages, Sous les vignes tordues accroche des raisins, Mette des cris d’agneaux au fond des bergeries, Fasse monter les blés et tourner les moulins, Et luire les pains clairs dans les boulangeries… Je pense que de pareils poèmes méritent la plus belle fortune. […] Au fond de nous-mêmes, nous rêvons d’être des Ancêtres, nous voudrions que quelque chose datât de notre présence sur la terre.

2463. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Dans cette espèce de liste des mots originaux et primitifs, il y a deux vices à éviter : trop courte, elle tomberait souvent dans l’inconvénient d’expliquer ce qui n’a pas besoin de l’être, et aurait le défaut d’une grammaire dans laquelle des racines grammaticales seraient mises au nombre des vérités : trop longue, elle pourrait faire prendre pour deux mots de signification très différente, ceux qui dans le fond renferment la même idée. […] Il paraît même avoir regardé cet objet comme très essentiel dans des morceaux très frappans par le fond des choses, et où la beauté de la pensée semblait dispenser du soin d’arranger les mots. […] La réunion de la justesse et de l’harmonie, portées l’une et l’autre au suprême degré, était peut-être le talent supérieur de Démosthène : ce sont vraisemblablement ces deux qualités qui, dans les ouvrages de ce grand orateur, ont produit tant d’effet sur les Grecs, et même sur les Romains, tant que le grec a été une langue vivante et cultivée ; mais aujourd’hui, quelque satisfaction que ses harangues nous procurent encore par le fond des choses, il faut avouer, si on est de bonne foi, que la réputation de Démosthène est encore au-dessus du plaisir que nous fait sa lecture. […] Les préfaces de Racine sont faiblement écrites ; celles de Corneille sont aussi excellentes pour le fond des choses, que défectueuses du côté du style ; la prose de Rousseau est dure, celle de Despréaux pesante, celle de La Fontaine insipide ; celle de La Motte est à la vérité facile et agréable, mais aussi La Motte ne tient pas le premier rang parmi les versificateurs.

2464. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

En montant au-dessus de la montagne, à l’endroit de cette grande ouverture, on voit, par un soupirail qu’a formé la nature, l’eau dans le sein de la montagne, semblable à un lac dormant, qui n’a point de fond: car en jetant des pierres dedans, on entend le retentissement du son répercuté dans les concavités avec un fort grand bruit. […] Les logements, qui sont séparés l’un de l’autre par un mur de deux à trois pieds d’épaisseur, consistent en une antichambre de quelque huit pieds de profondeur, toute ouverte par devant, avec une cheminée à côté, pratiquée dans le mur de séparation, et en une chambre qui est de moitié, ou d’une fois plus profonde que l’antichambre, dont la cheminée est au fond ou à côté. […] Il attendit néanmoins que tout le monde eût parlé, tant parce qu’il devait cette déférence aux seigneurs qui tenaient un rang au-dessus de lui, que parce qu’il espérait toujours que quelqu’un d’eux, plus éclairé ou mieux intentionné que les autres, proposerait des sentiments plus légitimes, et le délivrerait de l’embarras où une rencontre si fâcheuse l’allait engager ; mais, lorsqu’il vit que, tout d’une voix, ils avaient conclu à l’élection du cadet, au préjudice de l’aîné, sur des prétextes qui, quelque spécieux qu’ils fussent, paraissaient affectés, et sur des conjectures trop faibles au fond pour être assez considérables dans une si grande affaire ; d’un ton de voix qui, sans perdre le respect, avait beaucoup de vigueur, il leur parla en ces termes: « Cette proposition que vous venez de faire, princes, seigneurs des seigneurs, d’exclure de la couronne Sefie, fils aîné d’Abas II, à qui elle appartient légitimement, et de mettre en sa place le cadet Hamzeh-Mirza, choque trop visiblement la justice et les lois de l’envoyé élu, pour croire que vous vous y soyez portés par quelque éblouissement qui vous ait surpris.

2465. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

S’il y en a de sincères, j’en sais qui le sont moins, et qui ne croient au fond qu’à eux-mêmes. […] Je ne parle pas ici, ni pour le moment, du fond de l’article : je n’en retiens que la conclusion : « Nous voyons chaque jour comment l’application des doctrines scientifiques à l’industrie accroît continuellement la richesse et la prospérité des nations… L’application des mêmes doctrines diminue sans cesse les douleurs… et augmente la durée moyenne de la vie. […] Le caractère général de son enseignement ou de sa prédication en est-il changé dans son fond ou modifié dans sa teneur essentielle ?

2466. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Un des plus bizarres, parmi tous ces phénomènes, est la découverte faite tout récemment par un poëte lyrique, qui a trouvé des pépites d’or au fond de son encrier. […] Les comètes mêmes, particulièrement soupçonnées d’avoir de méchants desseins et de vouloir s’approcher souvent un peu trop près de la terre, ont prouvé jusqu’à la dernière évidence que le ciel n’est pas plus pur que le fond de leur cœur. […] bien oui. — La neige fond en la voyant passer. […] L’œuvre achevée, chose ordinairement sans forme et sans fond, — mannequin d’idée, grotesquement vêtu de loques de style ramassé sous les piliers des halles littéraires, il s’étonnera que le fœtus ne marche pas tout seul, et il commencera à s’alarmer à propos, de l’indifférence coupable du siècle en matière de chef-d’œuvre— inédit ? […] Avant peu, ces deux interjections finiront par former à elles seules le fond de la langue.

2467. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Il est possible en effet que le fond de Manon Lescaut soit vrai, et que Prévost se soit borné à changer les noms, à transposer quelques détails, dans l’unique dessein de dérouter la malignité. […] Les premiers jours que des Grieux passe près de Manon, sa confiance, sa sécurité, préparent très habilement les épreuves qu’il doit traverser avant de toucher le fond de l’abîme. […] Les sentiments naïfs et vrais qui respirent dans le cinquième livre des Odes, étouffés sous le branchage touffu d’une langue ambitieuse, n’avaient pu ni se développer, ni se transformer ; l’amant, devenu père, cherchait en vain au fond de son âme les joies et les espérances qu’il avait chantées. […] Le lit qu’elle se creuse est indéfini, sans fond et sans limite. […] Ce jeune musicien, réservé peut-être aux plus hautes destinées, dont le nom semblait promis à la gloire, et qui, pour soutenir sa famille, va s’ensevelir vivant au fond de la province, dans une étude d’avoué, excite un attendrissement involontaire.

2468. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

« C’est, nous dit-il, un envoi de ma mère, sœur de Xavier dont vous m’avez entendu parler ; il lui a adressé du fond de la Russie un petit ouvrage pour amuser ses soirées solitaires, intitulé le Lépreux de la cité d’Aoste. […] Tantôt il me semble qu’une force irrésistible m’entraîne dans un gouffre sans fond ; tantôt je vois des taches noires devant mes yeux ; mais, pendant que je les examine, elles se croisent avec la rapidité de l’éclair, elles grossissent en s’approchant de moi, et bientôt ce sont des montagnes qui m’accablent de leur poids.

2469. (1914) Boulevard et coulisses

Ce fut comme une grande lame de fond qui balaya tout, ou comme un énorme festin interrompu soudain par un tremblement de terre. […] Le Paris de l’Empire et des premières années de la République fut remué de fond en comble, de larges brèches y apparurent, à travers lesquelles l’envahissement commença.

2470. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

C’est un Drame mixte qui tient à la Comédie par le fond, & qui s’approche de l’opéra pour la forme. […] Mais si le fond est presque toujours le même, la forme est bien différente.

2471. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Les formations successives sont le plus souvent séparées l’une de l’autre par des périodes d’inactivité d’une durée énorme, car des couches fossilifères assez épaisses pour résister à des dégradations subséquentes ne peuvent généralement s’accumuler que dans les lieux où une grande quantité de sédiment se dépose sur le fond d’une aire marine d’affaissement. […] Il ne s’agissait guère alors pour les différents êtres que de s’accoutumer à vivre au fond des eaux, dans les eaux ou à la surface des eaux.

2472. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Pour offrir un verre d’eau à quelqu’un, ils diraient volontiers : Le suc délicieux exprimé du roseau Qui fond, en un instant, dans le cristal de l’eau, Et qu’on mêle au parfum du fruit des Hespérides, Peut-il porter le baume à vos lèvres arides ? […] Cette forme, il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu’elle recouvrait.

2473. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Les hommes de cette famille venant, après sa mort, se réunir successivement sur cette échelle, à la longue, par une loi inévitable, ils allaient tous, l’un après l’autre, au fond de l’abîme. […] Ainsi, dans cette Grèce sur laquelle ont passé un si grand nombre de populations barbares et cruelles, le fond de la langue antique a été conservé par la religion, malgré l’ignorance où est tombé le peuple indigène. […] Aujourd’hui notre civilisation courante est devenue le fond de nos pensées les plus intimes. […] Il me plaît jusqu’au fond du cœur de voir rangés dans la campagne, cavaliers avec les chevaux armés. […] Comme elles tiennent au fond même de notre nature, elles reparaissent sitôt que notre esprit s’exerce par l’étude.

2474. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Ou a vu Voltaire très vif en compliments à la première lecture du Louis XI de Duclos : mais, au fond, il eût été très peu flatté d’être comparé à lui comme historien.

2475. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

On lit même dans l’historien littéraire de la Bourgogne, Papillon, une anecdote presque gaillarde que je donne pour ce qu’elle vaut, mais qui concorde pour le fond avec le témoignage de Saumaise : Jeannin (selon un recueil manuscrit cité par Papillon) étant revenu à Bourges pour la seconde fois et étant allé avec ses anciens camarades voir le sieur Cujas incognito, Cujas ne laissa pas de le reconnaître, quelque soin qu’il prît de se déguiser, et, s’étant jeté à son cou, il commença à lui dire : « Est-ce toi, Romorantin ? 

2476. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Pour lui, laissant là en arrière ses compagnons et son guide, et retrouvant son sentiment allègre des hautes Alpes, il se met à gravir seul et en droite ligne vers la cime : « Je l’atteignis en peu de temps, et, du bord d’un précipice effroyable, je vis un monde à mes pieds. » C’est ici qu’il entre dans une description parfaite et de ce que la vue embrasse du côté des plaines, et des rangées de monts qui s’étagent en amphithéâtre au midi, et des collines et pâturages plus rapprochés qui s’élèvent du fond du précipice vers la pente escarpée du Pic et forment un repos entre sa cime et sa base : Là, dit-il, j’apercevais la hutte du berger dans la douce verdure de sa prairie ; le serpentement des eaux me traçait le contour des éminences ; la rapidité de leur cours m’était rendue sensible par le scintillement de leurs flots.

2477. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

En revanche, il s’élève contre les écrivains de nos jours, semblables, dit-il, « à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d’état d’inventer une mélodie, une ariette, une note. » Il s’élève contre les adorateurs idolâtres de la forme : « Cette forme il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu'elle recouvrait… Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante ; nous en sommes arrivés à la littérature flamboyante… » Mais prenez garde !

2478. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Mais à quel âge et par quels procédés apprend-on jamais à corriger ce qui tient au fond même de la nature humaine ?

2479. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Toute son énergie est dans la paume de sa main dont il frappe la tribune, afin de s’animer au monologue ; toute sa mémoire est au fond du verre d’eau sucrée. » Mais je crois que nous avons changé de tribune : nous sommes à la Chambre des Pairs ; une voix sourde se fait entendre (M. 

2480. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Ce duel, où elle a tous les avantages du fond et de la forme, de la raison et de la grâce, menace de temps en temps de se renouveler entre eux.

2481. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot donna cours, dans l’examen qu’il en fit au Journal des Savants (mai 1833), à un sentiment qui, sous sa forme discrète et son expression modérée, ne peut être qualifié au fond que de dénigrant et de malveillant : « Les éditeurs de semblables recueils, disait-il en commençant, lorsqu’ils n’ont que des intentions honorables, ce qui est certainement le cas actuel, doivent bien examiner, avant de les émettre, si la gloire des hommes célèbres qu’ils ramènent ainsi sur la scène s’accroîtra par ces publications qu’eux-mêmes n’avaient point prévues ; ou si l’expression, pour ainsi dire surprise, des idées qu’ils n’avaient pas exposées au grand jour, aura une utilité générale, soit en ajoutant de nouvelles et réelles richesses à la masse des connaissances déjà acquises, soit en détruisant des erreurs que des hommes célèbres auraient accréditées ; soit, enfin, en redressant des injustices qui se seraient propagées sous l’influence de leur nom : car, si aucun de ces résultats ne doit être obtenu, la gloire de ce nom risque d’en être affaiblie plutôt qu’augmentée, ne fût-ce que par l’évanouissement du prestige de perfection qui s’y attachait. » C’est donc au nom d’un prestige que M. 

2482. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Il s’y rencontre des linéaments essentiels qui sont souvent masqués, pour être trop condensés ou trop joints ensemble, dans le grand individu ; le fond se retrouve, chez les autres de son sang plus à nu et à l’état simple : la nature toute seule a fait les frais de l’analyse.

2483. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Nous sommes ici dans des portraits de magistrature un peu noirs et tristes, qui ne se discernent bien qu’au bout de quelques minutes, au fond de ces hauts appartements donnant sur des rues étroites, où le soleil ne pénétrait que rarement.

2484. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Il fallait donc, comme on l’a dit, « lui conserver quelque chose de noble jusque dans le ridicule ; car Don Quichotte, c’est le Cid des petites maisons. » Ajoutez-y le cadre et le fond du tableau, cette Espagne que M. 

2485. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

M. de Senfft veut bien convenir que dans l’entretien mémorable tel qu’il fut publié, si l’on s’écarta plus d’une fois des paroles originales qu’il avait transmises, on resta assez en accord avec la vérité pour le fond.

2486. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Son idéal au fond, son rêve de bonheur, si elle était libre, si elle n’avait pas son père qu’elle ne peut quitter, ce serait la vie religieuse, celle du cloître ; son vœu secret d’âme recluse lui échappe toutes les fois qu’elle a occasion d’assister à quelque cérémonie de couvent : « Je n’aime rien tant que ces figures voilées, ces âmes toutes mystiques, toutes pétries de dévotion et d’amour de Dieu… Ces robes noires ont quelque chose d’aimanté qui vous attire. » Les plaisirs célestes, les joies mystiques la ravissent quand elle peut en goûter sa part, surtout à Noël, « la plus douce fête de l’année. » Les idées de vocation reviennent la tenter toutes les fois qu’elle va à Albi, au couvent du Bon-Sauveur, ou qu’elle assiste aux offices dans cette belle cathédrale : « Quel bonheur si cela devait durer toujours, si, une fois entrée dans une église, on pouvait n’en plus sortir !

2487. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Mille écluses maîtriseraient et distribueraient l’inondation sur toutes les parties du territoire ; les huit ou dix milliards de toises cubes d’eau qui se perdent chaque année dans la mer, seraient réparties dans toutes les parties basses du désert, dans le lac Mœris, le lac Maréotis et le Fleuve sans eau, jusqu’aux Oasis et beaucoup plus loin du côté de l’ouest, — du côté de l’est, dans les Lacs Amers et toutes les parties basses de l’Isthme de Suez et des déserts entre la mer Rouge et le Nil ; un grand nombre de pompes à feu, de moulins à vent, élèveraient les eaux dans des châteaux d’eau, d’où elles seraient tirées pour l’arrosage ; de nombreuses émigrations, arrivées du fond de l’Afrique, de l’Arabie, de la Syrie, de la Grèce, de la France, de l’Italie, de la Pologne, de l’Allemagne, quadrupleraient sa population ; le commerce des Indes aurait repris son ancienne route par la force irrésistible du niveau… » Le mot de civilisation ne s’est pas rencontré encore ; il n’échappe qu’à la fin et aux dernières lignes, comme le résumé de tout le tableau ; il introduit avec lui et implique l’idée morale, qui a pu paraître jusque-là assez absente : « Après cinquante ans de possession, la civilisation se serait répandue dans l’intérieur de l’Afrique par le Sennaar, l’Abyssinie, le Darfour, le Fezzan ; plusieurs grandes nations seraient appelées à jouir des bienfaits des arts, des sciences, de la religion du vrai Dieu ; car c’est par l’Égypte que les peuples du centre de l’Afrique doivent recevoir la lumière et le bonheur ! 

2488. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

En admettant que ce récit a dû être quelque peu dramatisé, on y reconnaît un fond et un premier canevas de vérité.

2489. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Mon fils est dans un état qui ne me plaît point à moi, et pour d’autres raisons, mais qui peut lui convenir, et dans lequel, au fond, l’on n’a que les misères pour lesquelles les hommes sont faits.

2490. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

Il faut pour jamais renoncer à voir celui dont la présence renouvellerait vos souvenirs, et dont les discours les rendraient plus amers ; il faut errer dans les lieux où il vous a aimé, dans ces lieux dont l’immobilité est là, pour attester le changement de tout le reste ; le désespoir est au fond du cœur, tandis que mille devoirs, que la fierté même commande de le cacher, on n’attire la pitié par aucun malheur apparent ; seule en secret, tout votre être a passé de la vie à la mort.

2491. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Ces canevas nous paraissent appartenir, au moins pour le fond, à la période où les rôles des deux zanni acquirent une importance exceptionnelle sur le théâtre italien de Paris, grâce au talent supérieur du Trivelin Locatelli et de l’Arlequin Dominique, qui y régnèrent l’un à côté de l’autre de 1662 à 1671, époque où le premier mourut et Dominique resta seul maître de l’emploi.

2492. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Il a dit, comme il a pensé : Sagesse d’un Louis Racine, je t’envie ; il a vécu les épisodes d’Amour : Âme, te souvient-il au fond du Paradis… ……………………………………………………… Oh !

2493. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Berthelot, est fondée sur l’hypothèse de l’unité de la matière ; elle est aussi plausible, au fond, que les théories modernes les plus réputées.

2494. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Dans les premiers temps de l’exercice de sa charge, il avait eu avec ses administrés des difficultés qu’il avait tranchées d’une manière très brutale, mais où il semble que, pour le fond des choses, il avait raison.

2495. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Ci gît qui vit le fond de la réalité.

2496. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Dans ces deux époques si tranchées de couleur, elle fut la même au fond, mais elle dut paraître bien différente.

2497. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Celui qui avait flétri dans des stances brûlantes cet odieux et personnel Lovelace, celui-là avait pu afficher des prétentions au roué ; mais au fond il avait le cœur d’un poète honnête homme.

2498. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Son idéal de bonheur évidemment (chacun a le sien) était, au sortir des scènes de cérémonie qui l’ennuyaient, de trouver un monde aimable, riant, dévoué, choisi, au sein duquel elle parût oublier qu’elle était reine, tout en s’en ressouvenant bien au fond.

2499. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Il fut recherché, fêté partout par les agrémens de son esprit, l’enjouement de son caractère, & par un fond de galanterie qu’il conserva toujours.

2500. (1759) Observations sur l’art de traduire en général, et sur cet essai de traduction en particulier

Les Anglais ont assez bien traduit quelques tragédies de Racine ; je doute qu’ils traduisissent avec le même succès les fables de La Fontaine, l’ouvrage peut-être le plus original que la langue française ait produit ; l’Aminte, pastorale pleine de ces détails de galanterie, et de ces riens agréables que la langue italienne est si propre à rendre, et qu’il faut lui laisser ; enfin les Lettres de madame de Sévigné, si frivoles pour le fond, et si séduisantes par la négligence même du style.

2501. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Les titres des ouvrages de piété portèrent la même marque que les hymnes chantées au lutrin et les traités de théologie élaborés au fond des cloîtres.

2502. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Nous devons renoncer désormais à cette critique verbale qui n’entre point dans le fond des choses, qui s’attache surtout aux formes du style, à l’économie d’une composition, à l’observance de certaines règles, à la comparaison superstitieuse avec les modèles, sorte de critique secondaire dont M. de La Harpe est souvent un modèle si parfait.

2503. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Analysez l’esprit de la Révolution : vous trouvez au fond de votre creuset l’esprit cartésien, l’esprit classique, l’esprit chrétien44, c’est-à-dire des systèmes de pensées découverts ou des façons de penser instituées par des hommes supérieurs.

2504. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

D’abord elle joue un rôle moins important qu’en France dans la vie intellectuelle, qui s’exprime tout aussi aisément dans les arts plastiques et dans la musique ; elle est concurrencée aussi par une autre littérature, en langue latine, et fortement soumise aux formes, aux traditions des littératures classiques ; la forme l’emporte souvent sur le fond, d’autant plus que la liberté de l’expression est souvent limitée.

2505. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

La seule statue de Sully qui existe, est dans un château au fond d’une province ; et l’on a dédaigné, il y a trois ans, la générosité qui en faisait un présent à la patrie.

2506. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Il a touché le fond du cœur de l’homme, non par les plus grands côtés, il est vrai, mais par des points sensibles qui ne peuvent s’effacer.

2507. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

[I] Le romantisme a été, sans contredit, dans la littérature de notre pays et de notre époque, une grande révolution ; mais ce que je tiens à établir au début de cet article, c’est que cette révolution a porté moins sur le fond que sur la forme, et a moins jeté d’idées dans la circulation littéraire qu’elle n’a introduit, créé, ressuscité ou naturalisé dans la langue poétique d’images nouvelles et de rythmes originaux. […] Celui-ci se sent descendu au fond d’un abîme où la nuit l’enveloppe de toutes parts, mais il lutte, il se débat, il aspire à remonter, il appelle le soleil. — Le dix-neuvième siècle est-il autre chose qu’un grand combat ? […] Au fond, la pensée capitale de son œuvre est la même qui a inspiré le théâtre antique. […] Aussi que d’inspirations touchantes ou gracieuses clairsèment ce volume, dont la note dominante est d’une tristesse un peu sombre et d’une âpreté parfois sauvage. — Au fond, le souffle de l’amour circule dans toutes ces pages et les parfume. […] Il ne manque pas d’esprit, assurément ; mais il a l’habitude de verser tant de pleurs sur les hommes et sur les choses du passé, dans le courant de son récit, que tout soit sel fond en eau : son arme, chargée de poudre éventée, fait invariablement long feu ou éclate entre ses doigts ; il vise un présent qui l’importune et ne tue que ses héros !

2508. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

En étudiant la cause de sa douleur, en se rappelant jusqu’aux moindres circonstances qui avaient accompagné les premiers développements de sa passion, en recherchant avec un soin patient les épisodes les plus obscurs de ce récit enfoui au fond de son cœur, il a donné le change à sa pensée. […] La canzone sur la gloire rappelle par le ton et par le fond des pensées les Trois Sœurs, et en particulier la seconde. […] Combien de fois me suis-je dit : Il aime, il brûle ; il faut maintenant que je pourvoie au danger ; qu’il voie mon visage et qu’il ne voie pas le fond de mon cœur ! […] Malgré l’indécision qui se trouve au fond de presque toutes ses pensées, il sait prendre au besoin un air convaincu. […] Je ne crois pas qu’il soit possible d’apercevoir, au fond de cette comédie, une thèse différente de celle que j’énonce.

2509. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Certes M. de Maistre, par le fond habituel de sa pensée, restera toujours un écrivain profondément sérieux ; mais pourtant on n’a pas fait en lui la part de ce qui très-souvent dans le détail n’est que gai. […] Mais, au fond, M. de Bonald ne s’était pas trompé sur la portée de l’ouvrage, qu’il avait pris au bond. […] En effet, à travers ce qu’il appelle un pur interrègne, un chaos, quelque chose en dessous s’est péniblement formé, ou du moins trituré, pétri, préparé ; c’est ce quelque chose de nouveau et de mixte qui doit faire le fond du prochain régime et qui doit vivre. […] Jadis les chevaliers errants protégeaient les dames ; aujourd’hui c’est aux dames à protéger les chevaliers errants : ainsi, trouvez bon que je me place sous votre suzeraineté. » « … Je gémis comme vous de cette folle obstination de notre ami — , qui aime mieux manquer de tout à Paris que d’être ici à sa place, au sein d’une grande et honorable aisance ; mais regardez-y bien, vous y verrez la démonstration de ce que j’ai eu l’honneur de vous dire mille fois : je suis moins sûr de la règle de trois, et même de mon estime pour vous, que je ne le suis d’un profond ulcère dans le fond de ce cœur plié et replié, où personne ne voit goutte.

2510. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Ses yeux sereins et calmes, teintés de bleu, s’ouvrent à fleur de tête sous une vaste arcade frontale pour laisser entrer et sortir la pensée haute, fière et douce, sans obstacle ; la bienveillance en tempère la clarté ; ils regardent franchement et se laissent regarder jusqu’au fond, comme des yeux de jeunes filles qui n’ont rien à cacher. […] La tendresse triste forme le fond de leur génie. […] demandait de nouveau Pierre en regardant attentivement les grains de tabac qui s’allumaient et pétillaient sous la cendre au fond de sa pipe. […] » En ce moment, Pierre puisait du tabac au fond de sa blague en velours ornée de paillettes, et d’ordinaire il effectuait très gravement cette opération.

2511. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Michelet a merveilleusement analysé tout cela, en l’exagérant un peu, comme les critiques philosophes, mais le fond est vrai et les couleurs authentiques. […] Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre Le fond de notre cœur dans nos discours se montre, Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments Ne se masquent jamais sous de vains compliments. […] Non que j’y croie, au fond, l’honnêteté blessée : Me préserve le ciel d’en avoir la pensée !

2512. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. — Au fond de tous les événements corporels, on découvre un événement infinitésimal, imperceptible aux sens, le mouvement, dont les degrés et les complications constituent le reste, phénomènes physiques, chimiques et physiologiques. Au fond de tous les événements moraux, on devine un événement infinitésimal, imperceptible à la conscience, dont les degrés et les complications constituent le reste, sensations, images et idées.

2513. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — On l’a déjà vu, ce qu’il y a au fond de l’idée du moi, c’est l’idée d’un dedans par opposition au dehors, tous nos événements ayant ce caractère commun de nous apparaître comme internes par opposition aux autres qui nous apparaissent comme externes. Pareillement, ce qu’il y a au fond de l’idée de tel corps, c’est l’idée de telles sensations toujours les mêmes, qui, à telles conditions, peuvent à tout moment être obtenues. — En somme, pour peu que l’on pousse l’analyse, on s’aperçoit que l’existence est, de sa nature, fragmentaire, perpétuellement répétée, composée d’un nombre indéfini de portions successives, semblable à la flamme d’une bougie, qui est une suite de vibrations éthérées, ou au cours d’un fleuve, qui est un écoulement d’eaux toujours nouvelles.

2514. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ce sont quatre comédies d’intrigue, même les Précieuses ridicules, quoique le fond en soit un portrait des mœurs du temps. […] Molière ne nous donne pas seulement le fond de son cœur ; il y fait un choix dans ses illusions et dans ses souffrances, et il n’en laisse voir que ce qui importe à la vérité et ce qui est compatible avec la dignité de l’art.

2515. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Augustin Thierry, dont on ne récusera pas le témoignage, écrit à ce propos67 : « Ce sont les événements, jusque-là inouïs, des cinquante dernières années, qui nous ont appris à comprendre les révolutions du moyen âge, à voir le fond des choses sous la lettre des chroniques, à tirer des écrits des bénédictins ce que ces savants hommes n’avaient point vu, ce qu’ils avaient vu d’une façon partielle et incomplète, sans en rien conclure, sans en mesurer la portée. […] La forme et le fond en sont également modifiés.

2516. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVI. La littérature et l’éducation publique. Les académies, les cénacles. » pp. 407-442

Mais ce n’est pas seulement le fond, c’est aussi et surtout la forme des écrits qui, pendant deux siècles, portent l’empreinte du système alors constitué. […] En même temps que ce dédain du passé le plus voisin d’eux, les cénacles ont une confiance extrême en l’avenir, en leur avenir ; ce n’est au fond qu’une autre face du même sentiment.

2517. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Les guerres de religion, atroces mais saintes, dans les deux partis, avaient remué et exercé jusqu’au fond des âmes le plus fort, le plus noble, le plus divin des héroïsmes humains, l’héroïsme de la conscience, non pas celui qui fait les héros, mais celui qui fait les martyrs. […] C’est ainsi que le futur poète d’Athalie fut imbibé dès sa tendre enfance de ces émanations de foi et de piété chrétienne qui s’évaporèrent un moment au vent du siècle, mais qui se retrouvèrent comme un premier parfum au fond de son cœur quand il repassait les jours de sa jeunesse dans la maturité de ses années.

2518. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Les sens usés au service d’une intelligence immortelle, qui tombent comme l’écorce vermoulue de l’arbre, pour laisser cette intelligence, dégagée de la matière, prendre plus librement les larges proportions de son immatérialité ; les cheveux blancs, ce symbole d’hiver après tant d’étés traversés sans regret sous les cheveux bruns ; les rides, sillons des années, pleines de mystères, de souvenirs, d’expérience, sentiers creusés sur le front par les innombrables impressions qui ont labouré le visage humain ; le front élargi qui contient en science tout ce que les fronts plus jeunes contiennent en illusions ; les tempes creusées par la tension forte de l’organe de la pensée sous les doigts du temps ; les yeux caves, les paupières lourdes qui se referment sur un monde de souvenirs ; les lèvres plissées par la longue habitude de dédaigner ce qui passionne le monde, ou de plaindre avec indulgence ce qui le trompe ; le rire à jamais envolé avec les légèretés et les malignités de la vie qui l’excitent sur les bouches neuves ; les sourires de mélancolie, de bonté ou de tendre pitié qui le remplacent ; le fond de tristesse sereine, mais inconsolée, que les hommes qui ont perdu beaucoup de compagnons sur la longue route rapportent de tant de sépultures et de tant de deuils ; la résignation, cette prière désintéressée qui ne porte au ciel ni espérance, ni désirs, ni vœux, mais qui glorifie dans la douleur une volonté supérieure à notre volonté subalterne, sang de la victime qui monte en fumée et qui plaît au ciel ; la mort prochaine qui jette déjà la gravité et la sainteté de son ombre sur l’espérance immortelle, cette seconde espérance qui se lève déjà derrière les sommets ténébreux de la vie sur tant de jours éteints, comme une pleine lune sur la montagne au commencement d’une claire nuit ; enfin, la seconde vie dont cette première existence accomplie est le gage et qu’on croit voir déjà transpercer à travers la pâleur morbide d’un visage qui n’est plus éclairé que par en haut : voilà la beauté de vieillir, voilà les beautés des trois âges de l’homme ! […] Au fond d’une chapelle il nous reste une croix ! 

2519. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Le fond de nos Chansons de geste continue bien de subsister en France, — et aussi celui de nos Romans de la Table-Ronde, qui défraiera les compilations de la Bibliothèque bleue, — mais on dirait que l’esprit en émigre d’une part en Allemagne, et de l’autre en Espagne. […] 2º Caractères des Fabliaux. — Si nous avons perdu beaucoup de fabliaux ; — et si l’on ne doit pas regretter au contraire qu’il nous en soit parvenu plus d’une centaine. — De l’origine des fabliaux ; — et s’il y a lieu de l’aller chercher jusqu’au fond de l’Orient [Cf. 

2520. (1739) Vie de Molière

Il est vraisemblable, naturel, tiré du fond de l’intrigue ; et, ce qui vaut bien autant, il est extrêmement comique. […] Les autres petites pièces que Molière ne donnait que comme des farces, ont d’ordinaire un fond plus bouffon et moins agréable.

2521. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Mais, du milieu des bornes que certaines doctrines imposaient à sa vue, et du fond de sa solitude, cet homme de labeur et de vérité fut saisi d’une noble ardeur, du désir de faire quelque chose « pour l’utilité de l’Église et de l’État », et d’unir le devoir d’un chrétien et celui d’un bon citoyen : Nous nous proposons, disait-il, de ménager aux Français l’agrément d’avoir un recueil complet des écrivains qu’eux et les Gaulois leurs prédécesseurs, avec qui ils n’ont fait dans la suite qu’un même peuple, ont donnés à la république des lettres.

2522. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Comme Térence, avec qui il a plus d’une ressemblance pour le fond des sujets, il a de ces grâces de diction et de ces finesses rapides qui enchantent.

2523. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Cependant, au fond, et quand on suit l’enchaînement des faits chez Villehardouin, on voit assez clairement que la plupart de ceux qui affichent ces beaux motifs, et qui se rangeaient derrière les rigoristes scrupuleux, ne désiraient que rompre la promesse jurée et se dégager de leur vœu en faisant avorter toute grande action et conquête trop périlleuse.

2524. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Il n’y a rien dans ces lettres de Fénelon à Mme de Grammont qui paraisse excéder pour le fond ce que le bon sens délicat du directeur chrétien le plus éclairé peut conseiller et prescrire.

2525. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Poujoulat a échappé assez heureusement à ce danger par une grande bonne foi de développement, par une sincérité de croyance qui lui a permis d’entrer dans la discussion du fond.

2526. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Dans le fond du puits qui était transparent, on apercevait le Bouc de la fable, dont les cornes très prolongées formaient une échelle, au haut de laquelle était une Fortune que le Renard poursuivait : chaque échelon portait une légende.

2527. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

On peut dire que pendant l’été il n’y a point de nuit pour ces sommets ; du fond de la plaine, on les voit teints de pourpre longtemps après le coucher du soleil, quand les vallées sont déjà ensevelies dans les ténèbres ; et longtemps avant l’aurore, ils en annoncent le retour, par une belle couleur rose admirablement nuancée sur les glaces d’argent et d’azur qui couronnent leurs cimes.

2528. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Le style, le ton, la manière de Voltaire lui paraissent choses aimables et charmantes ; souvent elle blâmera le fond, mais il lui semble difficile de critiquer le tour, et encore plus difficile de l’imiter.

2529. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Saint-Évremond au fond est un épicurien, et il est cela avant tout ; les circonstances tournant autrement, il aurait pu paraître un tout autre personnage sans doute, mais il avait en lui essentiellement l’étoffe d’un philosophe d’indifférence et de plaisir, d’un observateur souriant et ferme qui compare, qui apprécie la valeur des choses et s’en détache autant qu’il lui sied.

2530. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Rousseau n’a jamais écrit, en parlant des amours-propres empressés à se mettre en avant : « Il est vrai qu’on a grand soin de couvrir le motif de cet empressement du fond des belles paroles » (page 287) ; mais il a sans doute écrit : du fard des belles paroles.  

2531. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je suis là-dessus respectueux, mais positif : je ne nie pas la sincérité et la chaleur des convictions, mais j’ai besoin de me les expliquer, et je dis que le fond de ces convictions mêmes se met toujours d’accord en nous à la longue avec nos talents, nos vocations et nos désirs.

2532. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Ce charmant homme, au fond, est de la famille de Montaigne et même de Rabelais éducateur, en cela du moins.

2533. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Quand il la prendra par le fond, sans scrupule sur les minuties, elle le comblera de consolation et de gloire.

2534. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Hurtault a fait, mais ce qu’il aurait su faire, il nous faudrait ouvrir ici les nombreux et vastes portefeuilles qu’il a remplis des plus beaux projets… » ; à l’instant des cris, des murmures, des exclamations éclataient du fond des tribunes, comme si l’on avait craint qu’il ne sortît jamais en effet de ces vastes portefeuilles, s’il venait une fois à s’y enfoncer.

2535. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

L’inexactitude chez les poètes de l’école descriptive n’est donc pas seulement dans les mots ; elle est plus au fond, et dans l’observation même.

2536. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Et la preuve qu’au fond vous tenez peu à cette innocence, et que depuis longtemps elle avait commencé à vous peser, c’est qu’après le premier bruit de la bombe qui vous a fait un peu reculer, vous voilà aux anges ; vous pétillez d’aise, vous avez réussi à faire éclat, à obtenir ce que votre cœur d’homme de lettres désirait le plus, une célébrité d’une heure. « C’est égal, le tour est joué », devez-vous dire.

2537. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Il n’a ni élévation de style, ni gravité de ton, ni noblesse ou élégance de formes, ni rien de ce dont il parle sans cesse en des termes qui jurent souvent avec le fond ; mais il a dans quelques parties une vérité naïve, un peu gauche, un peu distraite ou inexpérimentée, la sincérité non pas du pinceau (il n’a pas de pinceau), mais du crayon, de la plume ; il a le croquis véridique pour les choses, qu’il sait et qu’il a vues en son bon temps et de ses bons yeux ; il copie honnêtement, simplement, et un sentiment moral, touchant ou élevé, comme on le verra, peut sortir quelquefois de cette suite de détails minutieux dont pas un ne tranche ni ne brille.

2538. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Autre chose, d’ailleurs, sont les doctrines auxquelles on n’arrive et l’on n’atteint à grand effort et à grand’peine que par quelques intelligences d’élite, et celles d’où l’on part et où l’on plonge habituellement par le milieu même et le fond d’une société tout entière.

2539. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Le paysage est tout à fait dans le style du Poussin, et quelques traits ont suffi pour dessiner dans la perfection le fond sur lequel se détachent les personnages. » Ils en reparlèrent encore les jours suivants ; mais ce fut dans la conversation du 20 mars 1831, pendant le dîner, que les idées échangées entre Gœthe et son disciple épuisèrent le sujet ; on y trouve le jugement en quelque sorte définitif sur cette production charmante,    Goethe venait de relire l’ouvrage dans le texte de Courrier-Amyot, et il en était plein ; son imagination tout hellénique s’en était sentie consolée et rajeunie : « Le poème est si beau, disait-il, que l’on ne peut garder, dans le temps misérable où nous vivons, l’impression intérieure qu’il nous donne, et chaque fois qu’on le relit, on éprouve toujours une surprise nouvelle.

2540. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Il n’est pas donné à tous d’aller au fond de cet océan et d’en sonder toutes les profondeurs ; mais il n’est permis à personne de ne pas tenir compte des grands courants.

2541. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Saint-René Taillandier, qui, malgré mes légères chicanes, est un excellent guide, de pénétrer dans les relations et la noble intimité de cette femme douce, sensible, gracieuse, et au fond très-raisonnable.

2542. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Créateur pur, il est infiniment supérieur au Dieu des philosophes, premier moteur et simple ordonnateur du monde, et qui avait trouvé une matière toute faite : le Dieu de nos pères et celui de Bossuet a tout fait, la matière et la forme, l’ordre et le fond : il ne lui en a coûté qu’un mot.

2543. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Une étrange vigueur en leurs veines circule : On les dirait piqués par une tarentule ; Sous leurs talons nerveux, rouges et ruisselants, Dans la mare de bois les grappes s’éparpillent ; Les raisins égorgés éclatent et pétillent ; Ils courent éperdus, noyés, demi-saignants ; Toujours monte et descend la brutale cheville, Le danseur infernal les brise sans les voir, La grappe aux longs bras nus comme un serpent sautille ; La boisson turbulente écume, — tourne, — brille, Et s’égoutte en chantant au fond du réservoir.

2544. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Millevoye, lui, rencontre et introduit un soupir de l’âme que n’avait pas l’élégie sensuelle de Parny ; il est au fond tout païen encore, mais déjà mélancolique et d’une veine de sensibilité qui mène et achemine de loin à la première manière de Lamartine.

2545. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve à un ami peu de jours après (le 28 avril 1868), d’avoir à se justifier d’avoir reçu dans la plus étroite intimité, au fond d’un faubourg, sans bruit et sans éclat, six amis auxquels le jour était indifférent, et dont l’un, le plus considérable, devant quitter Paris, avait choisi d’abord à tout hasard ce vendredi-là (eh !

2546. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Ce qui fait, selon moi, la différence entre l’excellent artiste et l’artiste qui manque son coup, est souvent peu de chose au fond, quoique ce soit capital pour le résultat et pour l’effet.

2547. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

La pitié pour la souffrance devait exister de tous les temps au fond du cœur : cependant une grande différence caractérise la morale des anciens, et la distingue de celle du christianisme ; l’une est fondée sur la force, et l’autre sur la sympathie.

2548. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Leurs opinions sont, dans le fond, assez opposées à tous les genres d’autorité auxquels ils sont soumis ; mais cet esprit d’opposition n’a de force que ce qu’il faut pour pouvoir mépriser ceux qui les commandent.

2549. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

Jusqu’ici, les plus fidèles sectateurs de l’expérience ont admis, au fond de tous les événements corporels, une substance primitive, la matière douée de force.

2550. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A peine trois ou quatre points brillants sur un fond uniforme et terne ; le reste n’est que monotonie et confusion.

2551. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Au fond, l’avocat général Omer de Fleury ne se trompait pas tant quand il dénonçait au Parlement les Encyclopédistes comme « une société formée pour soutenir le matérialisme, pour détruire la religion, pour inspirer l’indépendance, et nourrir la corruption des mœurs ».

2552. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Pour n’avoir fait que traverser la Russie en calèche, elle a pourtant démêlé très finement les traits originaux du peuple russe, elle a saisi la complexité de l’esprit des classes supérieures, le fond national jeune, vierge, riche sous le vernis d’une civilisation raffinée : par un flair plus singulier encore chez une femme qui ne savait pas la langue, elle a deviné le moujik, au moins quelques parties essentielles de sa nature.

2553. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Pour traduire l’angoisse, la douleur, le désespoir, l’amour, la fureur, elle a trouvé des cris qui nous ont remués jusqu’à l’âme, parce qu’ils partaient du fond et du tréfond de la sienne.

2554. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Au fond, il n’aime d’Augier que ses comédies en vers.

2555. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Quant au cas désespérant d’un génie totalement anéanti par la seule obscurité, il doit nous apparaître aussi exceptionnel que celui d’un artiste réalisant cette merveille du pur cristal, forme et fond, et imposant son rayonnement officiellement, avant décès, même aux adversaires.

2556. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Il suppose aussi, d’après les anciens, que les ombres parlent la bouche béante, parce que la parole leur sort toute formée du fond de la poitrine ; et il est reconnu lui-même pour un homme encore vivant, aux mouvements de ses lèvres.

2557. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il porta son malheur jusqu’à la fin avec un mélange de dignité, de fierté même, de philosophie et de tristesse, de tristesse au fond, de distraction et de facilité à la surface, et toujours avec honneur.

2558. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Pour ce je ne sais quoi tant rebattu, donné si souvent en pur don à tant de personnes indignes, ce je ne sais quoi qui descendait d’abord jusqu’au fond des cœurs, les délicats convenaient que chez les autres il était copie, qu’il n’était original qu’en Madame.

2559. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Ducis se trompait sur un point : il était beaucoup plus de son siècle et du goût d’alentour qu’il ne le croyait.

2560. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Franklin, en parlant ainsi, sourit un peu, mais il est bien certain qu’il en croit au fond quelque chose.

2561. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Les génies français formés par eux appellent du fond de l’Europe les étrangers, qui viennent s’instruire chez nous et qui contribuent à l’abondance de Paris.

2562. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Le Poussin a montré dans un même tableau, sur le devant, Jupiter qui séduit Calisto, et dans le fond, la nymphe séduite, traînée par Junon.

2563. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Où la secrète indulgence qui flatte le fond perverti de l’homme ?

2564. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Sur le fond de réalité cachée, où tout est nécessairement impliqué dans tout, le réalisme déroule les représentations explicites qui sont pour l’idéaliste la réalité même.

2565. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

On se croit au fond d’un trou, (en effet on y est).

2566. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

La philologie est un souterrain obscur, étroit, sans fond, où l’on rampe au lieu de marcher, si éloigné de l’air et de la lumière, qu’on y oublie l’air et la lumière, et qu’on finit par trouver belle et naturelle la clarté fumeuse de la triste lampe qu’on traîne accrochée après soi.

2567. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Mais ce ne sont jamais au fond que des faits différents, produits dans des conditions diverses incomplétement analysées par les observateurs qui les rapportent. […] a, a, a, cloisons incomplètes séparant les vacuoles salivaires les unes des autres ; — b, b, b, fond des vacuoles salivaires ; — c, cellules épithéliales détachées. […] Au fond, les mêmes éléments anatomiques existent, seulement ils sont autrement disposés. […] Le liquide était clair ; le tissu glandulaire s’était déposé au fond du liquide et à sa surface il existait une légère couche blanchâtre et comme crémeuse. […] La vésicule biliaire était distendue par de la bile très noire ; le fond de cette poche faisait saillie en avant quand on enleva les parois abdominales.

2568. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Les empereurs et les savants l’ont appelé la source de la doctrine, la manifestation des enseignements du sage, la révélation de la loi du Ciel, la mer sans fond de justice et de vérité, le livre des souverains, l’art de gouverner les peuples, la voix des ancêtres, la règle de tous les siècles. […] Le bruit de sa mort avait couru ; les peuples s’étaient troublés de l’idée de perdre le chef de l’empire avant qu’il eût, suivant l’usage, désigné son successeur parmi ses enfants ; car l’empire, au fond, est une république lettrée dont le régulateur, moitié héréditaire, moitié électif, est désigné par le père grand-électeur de l’empire.

2569. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Triste chose que le monde, continue-t-il ailleurs ; on y apprend bien des choses, mais qui au fond ne nous apprennent rien ; mais quant à ce qui nous importe davantage, à la seule chose même qui nous importe véritablement, l’inspiration intérieure, le monde, au lieu de nous la donner, nous la prend. » — « Je lis madame de Staël, répond Schiller ; elle oublie son sexe sans s’élever au-dessus de lui ; c’est une nature raisonneuse, mais très peu poétique (c’est-à-dire créatrice). » Dans les lettres suivantes, la tragédie de Schiller, Wallenstein, est enfin terminée. […] C’est alors aussi qu’il écrivit ces odes et ces ballades germaniques, enthousiastes par la forme, populaires par le fond, qui rivalisèrent avec les œuvres lyriques de Goethe.

2570. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Allons, c’est comme si c’était fait ; vous avez beau prendre votre air sévère, on sait que vous êtes bonne au fond, et l’on ne vous craint qu’à demi ! […] C’était une gaieté triste au fond, un désespoir de verve qui lui donnait la conscience de son prodigieux talent, mais le repentir de l’usage qu’il en faisait.

2571. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Comme je persistais à déclarer que l’exemplaire contenait tout autre chose que le concordat arrêté, il ne sut que répondre qu’il arrivait de la campagne, où il traitait des affaires d’Autriche avec le comte de Cobenzel ; qu’étant appelé précisément pour la cérémonie de la signature du traité, dont il ne savait rien pour le fond, il était tout neuf, et ne se croyait choisi que pour légaliser des conventions admises de part et d’autre. […] « Tandis qu’il parlait, se trouvant proche du comte de Cobenzel, ministre d’Autriche, il se retourna vers lui avec une extrême vivacité, et lui répéta à peu près les mêmes choses qu’à moi, affirmant plusieurs fois qu’il ferait changer de manière de penser et de religion dans tous les États de l’Europe ; que personne n’aurait la force de lui résister, et qu’il ne voulait pas assurément être seul à se passer de l’Église romaine (c’est sa phrase), qu’il mettrait plutôt l’Europe en feu de fond en comble, et que le Pape en aurait la faute et la peine encore.

2572. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Méphistophélès, portrait de Goethe au fond, fut l’indifférence railleuse entre le bien et le mal, l’éternel blasphème de l’humanité, représentée par la jeune et infortunée Marguerite. […] « On m’a toujours vanté comme un favori de la fortune ; je ne veux pas me plaindre et je ne dirai rien contre le cours de mon existence ; mais au fond elle n’a été que peine et travail, et je peux affirmer que, pendant mes soixante et quinze ans, je n’ai pas eu quatre semaines de vrai bien-être.

2573. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Au fond, il n’y a peut-être là qu’une de ces manifestations d’outrance verbale qui rendent les polémiques politiques si divertissantes, de loin. […] Voilà ce que l’on ne pardonne pas au xixe  siècle, au fond si généreux et si novateur, dans ses frémissements, ses hésitations, ses inquiétudes, ses soubresauts et même ses contrastes.

2574. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Au fond, ces deux choses ne sont qu’une ; car, pour Wagner, la conception du poème et la langue ne font qu’un, de même que pour lui le style de la phrase musicale et le style de la phrase parlée ne sont que deux aspects d’une même pensée. […] Au fond il y a un manque uniforme de toute espèce de style.

2575. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

au fond d’une solitude de Libye dans laquelle il avait été relégué pour expier un vers contre le pantomime Pâris, favori de l’empereur ! […] La beauté est absolue en elle-même ; elle résulte de quelques rapports mystérieux entre la forme et le fond dans toutes les choses morales ou matérielles, rapports qui ont été établis par Dieu lui-même, suprême type, suprême règle, suprême proportion, suprême mesure, suprême convenance de tout ce qui émane de lui.

2576. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Mais la conception d’un milieu vide homogène est chose autrement extraordinaire, et paraît exiger une espèce de réaction contre cette hétérogénéité qui constitue le fond même de notre expérience. […] Quand nous comptons explicitement des unités en les alignant dans l’espace, n’est-il pas vrai qu’a côté de cette addition dont les termes identiques se dessinent sur un fond homogène, il se poursuit, dans les profondeurs de l’âme, une organisation de ces unités les unes avec les autres, processus tout dynamique, assez analogue à la représentation purement qualitative qu’une enclume sensible aurait du nombre croissant des coups de marteau ?

2577. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Mézeray sait assez au fond à quoi s’en tenir ; il sait très bien que l’existence de Pharamond est contestée ; il le dira très nettement dans son Abrégé chronologique.

2578. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Quelques-uns toutefois se hasardèrent à lui faire entendre qu’au fond de cette perte il y avait une énorme difficulté politique de moins ; lui-même il sentait qu’il échappait à une faute.

2579. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

s’écrie-t-il, vous qui vîtes dans leur naissance les dérèglements des pécheurs qui m’écoutent et qui, depuis, en avez remarqué tous les progrès, vous savez que la honte de cette fille chrétienne n’a commencé que par de légères complaisances et de vains projets d’une honnête amitié : que les infidélités de cette personne engagée dans un lien honorable n’étaient d’abord que de petits empressements pour plaire, et une secrète joie d’y avoir réussi : vous savez qu’une vaine démangeaison de tout savoir et de décider sur tout, des lectures pernicieuses à la foi, pas assez redoutées, et une secrète envie de se distinguer du côté de l’esprit, ont conduit peu à peu cet incrédule au libertinage et à l’irréligion : vous savez que cet homme n’est dans le fond de la débauche et de l’endurcissement que pour avoir étouffé d’abord mille remords sur certaines actions douteuses, et s’être fait de fausses maximes pour se calmer : vous savez enfin que cette âme infidèle, après une conversion d’éclat, etc.

2580. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Mais ce n’étaient là que des éclairs de joie, et le fond des pensées de Madame en ces années était le découragement et un soulèvement de cœur perpétuel contre la grande orgie dont elle était témoin.

2581. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

C’est, en effet, ce qu’il semble avoir surtout fait sans trop de peine ; il a versé tout d’abord sur ce canevas un peu sec son mouvement de narration, son abondance aisée et naturelle, et il est à croire que, pour les dernières parties où la comparaison manque, par exemple pour le célèbre siège de Calais, il avait entièrement recouvert et renouvelé par sa propre richesse le texte primitif sur lequel il ne s’appuyait plus que de loin et par le fond.

2582. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

On l’y voit l’un des derniers Gaulois, mais un Gaulois poli, offrant en lui un composé naturel de Régnier, de Racan et d’Horace, tout cela à petites doses ; tenant trop sans doute de Tallemant et de La Monnoye pour certaines gaietés de propos ; s’arrêtant du moins pour le fond avant Chaulieu, avant l’intention d’être hardi ; rachetant le trop de nature et d’abandon par une bonhomie sincère ; en un mot, une figure à part qui n’a rien de trop disparate, mais qui n’est pas la moins souriante parmi les chanoines d’autrefois.

2583. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Au fond, d’Aubigné dans sa jeunesse avait été un académicien à la mode de son temps.

2584. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Une altercation assez vive cependant s’étant élevée à l’occasion de l’éligibilité de l’abbé Sieyès, qui était de l’ordre du clergé, et que les Communes voulaient élire, le président Camus, apostrophé personnellement, se retira avec mauvaise humeur ; la désunion allait s’introduire : la cause ou le prétexte venait d’une lacune du procès-verbal dont Bailly était l’auteur involontaire ; il s’empressa d’intervenir avec chaleur et pathétique, en prenant sur lui la faute : « Il n’y avait dans tout cela, dit-il, que vivacité mutuelle, l’esprit de tous était au fond excellent.

2585. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Je sais ce qu’on doit à Pline et à ce dieu révéré du Clitumme, avec ce petit temple de marbre blanc et ces chapelles d’alentour que l’on voyait étinceler à travers les bouquets de verdure, — fond de paysage du Poussin ; — mais y a-t-il rien d’aussi doux et d’aussi pénétrant au cœur que ce pays tout naturel, cette petite Hollande et cette Venise sans nom, cette humble marine bocagère, où il fait si bon chanter, où l’on se peut réjouir avec ce qu’on aime, et plaindre une absence ?

2586. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Mais ce sentiment d’homme et de roi pasteur de peuples n’ôtait rien à sa clairvoyance sur le fond de la nature humaine.

2587. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Il y avait au premier abord chez Santeul un air de poète rabelaisien, de poète de carnaval ; mais quand on allait au fond, on voyait que, dans ce cœur d’enfant, la croyance et même une certaine innocence n’en étaient pas atteintes.

2588. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

La peste, la famine sévissent parmi les troupes ; les colonels et capitaines Grisons s’irritent faute de paye et quittent leurs postes, le conseil des ligues pense à de nouvelles alliances : point d’argent, point de Grisons. « Il ne se passe semaine, écrivait Rohan à M. des Noyers dès le mois de juillet, que je ne vous écrive l’état de ce pays, et je n’apprends pas seulement que vous receviez mes lettres, ce qui me fait croire que vous ne prenez pas la peine de les lire. » Les amères doléances de Rohan du fond de sa Valteline arrivaient pendant que les Espagnols prenaient Corbie et menaçaient la capitale ; on conçoit qu’elles aient été médiocrement écoutées.

2589. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Homme d’Église et à la fois de sentiment démocratique (si l’on va au fond), il avait pensé naturellement d’abord à opérer cette régénération par l’Église, l’élite du monde selon lui, et par le chef de l’Église, dirigeant et inspirant sa sainte milice.

2590. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

il les jette au feu ou les met au fond du tiroir.

2591. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

 » Je ne m’inquiète pas du fond de la pensée ni de savoir s’il est exact de supposer à ce vieux cœur breton de telles tendresses, mais on a peine à comprendre, quand on a vu M. de Lamennais, que l’idée de Clorinde ait pu venir à personne à son sujet. — D’autres fois, c’est la parfaite justesse qui manque aux idées de Mme Swetchine.

2592. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

La mise en lumière de la Relation du marquis de Villars vient rendre de l’à-propos et donner comme un fond historique solide aux récits de la marquise, à ces jolies Lettres qui, dans leur agréable légèreté, nous initient au seul moment un peu intéressant de ce règne imbécile et maussade.

2593. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Que Mme de Staël, au fond et dans son for intérieur, ait cru ou non alors à cette possibilité, elle pouvait honorablement affecter devant l’étranger plus d’espérance même qu’elle n’en nourrissait au dedans..

2594. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Renan ; ses instruments sont analytiques, sa forme et son fond sont pour l’idéal et pour l’infini ; c’est un brahme affilé jusqu’aux dents de la science moderne et qui en use, mais qui a gardé sur son front et dans son processus quelque chose de l’empreinte originelle.

2595. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Ce rat qu’Hamlet, dans sa folie feinte, poursuivait derrière la tapisserie, et au nom duquel, espérant atteindre le roi, il perçait Polonius, Racine au fond n’en voulait pas, et vous n’en trouvez aucune trace dans son œuvre.

2596. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Le voyage de Satan dans l’espace, hors du chaos, à la découverte, son arrivée aux limites du monde nouvellement créé, son déguisement, son entrée furtive dans le Paradis, le spectacle de bonheur et de délices conjugales dont il est témoin et qui le navre d’envie, ce premier tableau divin et unique du bonheur dans le mariage, tout cela prépare, inquiète, intéresse, ouvre des horizons immenses, crée un fond, une perspective antérieure, donne à la scène tout son sens et toute sa portée, fait de la place à l’action qui va suivre.

2597. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Je ne tiens pas à prendre en défaut mes savants confrères qui ont tant à me renseigner sur ces sujets un peu ingrats, où notre légèreté se rebute aisément ; mais eux-mêmes, je le leur demande, n’ont-ils pas commencé à me faire querelle tout les premiers, en me reprochant d’anciens jugements un peu trop absolus peut-être, que je crois vrais pourtant dans le fond, et que je suis prêt d’ailleurs à modifier, à amender, autant que mon goût mieux informé pourra y consentir ?

2598. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Je jugeai donc à propos de descendre de cheval, et je n’eus pas plutôt mis pied à terre que le cheval, sans hésiter, se jeta dans le penchant du précipice et descendit jusques au fond, en sorte que je fus obligé de faire à pied une lieue de chemin dans la neige.

2599. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Cette Salammbô, dont la personne et la passion devaient faire le mobile du livre et de l’action, est piquante, curieuse, habilement composée et concertée, je n’en disconviens nullement, mais elle n’anime rien et, au fond, n’intéresse pas.

2600. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Développons, autant qu’il est en nous, l’intelligence, la moralité, les habitudes de travail dans toutes les classes de la société française ; cela fait, nous pourrons mourir tranquilles ; la France sera libre, non de cette liberté absolue qui n’est point de ce monde, mais de cette liberté relative qui seule répond aux conditions imparfaites, mais perfectibles, de notre nature. » C’est fort sensé, et du moins, on l’avouera, très spécieux ; mais cela ne satisfait point peut-être ceux qui sont restés entièrement fidèles à la notion première et indivisible de liberté, et je ne serai que vrai en reconnaissant qu’il subsiste, toutes concessions faites, une ligne de séparation marquée entre deux classes d’esprits et d’intelligences : Les uns tenant ferme pour le souffle de flamme généreux et puissant qui se comporte différemment selon les temps et les peuples divers, mais qui émane d’un même foyer moral ; estimant et pensant que tous ces grands hommes, même aristocrates, et durs et hautains, que nous avons ci-devant nommés, étaient au fond d’une même religion politique ; occupés avant tout et soigneux de la noblesse et de la dignité humaines ; accordant beaucoup sinon à l’humanité en masse, du moins aux classes politiques avancées et suffisamment éclairées qui représentent cette humanité à leurs yeux.

2601. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

. — « Le fond de l’amour, dit-il encore, ce n’est qu’injures, soupçons, colère, trêve et guerre, et puis l’on signe de nouveau la paix.

2602. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

On ne saurait mieux voir ni mieux dire : « Entouré de bois et élevé au sommet d’une falaise, sur le bord de la Seine, à l’endroit où elle commence à devenir la mer, ce château domine de ses tours quelques maisons de pêcheurs et une petite vallée étroite et boisée, au fond de laquelle naît un ruisseau qui la partage, et qui vient se jeter à la Seine après avoir fait tourner un moulin.

2603. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Mais, malgré tout, le fond des cœurs et des esprits allemands n’a jamais pu être gagné à cette forme de tragédie symétrique, antithétique.

2604. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Nul exemple ne me paraît plus propre à montrer à quel point des hommes, même énergiques de trempe et de volonté, sont assujettis et soumis au milieu où ils vivent, dépendant des circonstances, changeant de face sans changer de caractère ; combien il est juste, même après des excès et des torts, de ne pas désespérer de ceux qui ont une valeur réelle et un vertueux principe d’énergie ; comment le malheur éprouve et épure, même à leur insu, certaines natures restées saines au fond ; et ce que peuvent devenir d’honorable et d’utile pour la société et pour la patrie ceux qui, hors des cadres réguliers et durant l’orage des interrègnes, dans la convulsion des mouvements révolutionnaires, cherchaient vainement leur niveau et leur emploi.

2605. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Ses émotions rapides, qui toutes sont diverses, et toutes furent vraies un moment, rident tour à tour la surface de son âme, mais sans la bouleverser, sans lancer les vagues au ciel et montrer à nu le sable du fond.

2606. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Au fond, n’est-elle pas, cette théorie, la descendante actuelle du Fatum antique et du Péché Originel ?

2607. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Comparez à cette situation Périclès défendant, devant l’aréopage, Aspasie accusée ; l’éclat de la puissance, le charme de la beauté, l’amour même tel que la séduction peut l’exciter, vous trouverez tous ces moyens d’effet réunis dans le récit de ce plaidoyer ; mais ils ne pénétreront point jusqu’au fond de votre âme.

2608. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Les dévots portent le scrupule au fond de leurs pensées les plus intimes ; ils finissent par se faire un crime de ces incertitudes passagères qui traversent quelquefois leur esprit.

2609. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

L’action s’engage ici entre Rosine, le comte et Figaro, auxquels s’ajoutent Suzanne et Chérubin : le comte, un mari décent d’ancien régime, détaché de sa femme, et jaloux pourtant, parce que, l’amour n’étant qu’un accident, l’amour-propre est le fond de sa nature, libertin blasé qui répète avec toutes les femmes la comédie du sentiment, par habitude et par curiosité : la comtesse, une charmante femme qui a tenu toutes les promesses de Rosine, encore amoureuse de son mari, mais en train de devenir amoureuse de l’amour, parce qu’elle approche de la trentaine, parce qu’elle est délaissée, parce qu’elle s’ennuie, toute disposée déjà par de troublantes rêveries aux expériences dangereuses, et glissant langoureusement du marrainage à l’adultère.

2610. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Mais l’œuvre qu’il faut tirer hors de pair, c’est l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard927 : œuvre de science pure qui est définitivement établie comme une œuvre maîtresse de la philosophie contemporaine, et qui joint au large intérêt du fond la solide simplicité de la forme.

2611. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Il y a ainsi toute une partie de la Chanson des Gueux où nous entrons sans effort et même avec un singulier plaisir, tout simplement à cause de l’instinct de rébellion qui est en nous, tout au fond — depuis le péché originel, dirait un théologien.

2612. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

C’est le caractère que présageait à ses débuts Gustave Kahn, lorsqu’il parlait : Des mardis soirs de Mallarmé suivis avec tant de recueillement qu’on eût dit vraiment, dans le bon sens du mot, une chapelle à son quatrième de la rue de Rome… Oui, on eût cru, à certains soirs, être dans une de ces églises, au cinquième ou au fond d’une cour, où la manne d’une religion nouvelle était communiquée à des adeptes.

2613. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Quand on examine le caractère d’un peuple, le départ est souvent presque impossible à faire entre le fond primitif, apporté par les ancêtres lors de leur établissement dans le pays, et les couches successives qui, de génération en génération, y ont été surajoutées par l’action des choses environnantes.

2614. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Mais voilà que, du fond de la scène, sort une chèvre qui, après avoir regardé avec étonnement l’assistance, va en bêlant vers les amants.

2615. (1886) De la littérature comparée

Aussi, ces œuvres que nous relisons sans cesse ne sont-elles pas seulement des documents historiques auxquels nous pouvons demander les secrets des siècles éteints : elles ont, pour ainsi dire, passé dans notre sang, elles ont servi chacune à nous former tels que nous sommes, nous les retrouvons en descendant au fond de nous-mêmes comme des levains auxquels nous devons peut-être nos meilleures aspirations.

2616. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Tout est changé au cœur désolé du propriétaire et pourtant « les deux grandes tapisseries de Filippino Lippi dressaient leurs personnages au fond de la paisible salle, alors comme aujourd’hui ».

2617. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Il entre à ce propos dans des détails de budget, dans des chiffres ; l’habile homme sait au fond que tout en politique dépend de là.

2618. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Ce xviiie  siècle des anciens a commencé de très bonne heure et a duré fort longtemps, et Pline, si l’on va au fond, en était.

2619. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

La félicité suprême de ses dernières années montra le fond de son cœur, et ce cœur n’était rien moins que haut et désintéressé.

2620. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

C’est ainsi encore que Patru plaisante, car, au fond, sa première harangue nous a prouvé qu’il n’était ni frondeur ni républicain jusque-là.

2621. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Ne demandez pas à Mme de Sévigné, une fois engagée dans ce récit, de l’impartialité, ni un jugement sur le fond ; elle est amie, elle est dévouée, elle est déterminée à trouver tout bien et admirable de la part de l’accusé.

2622. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Elle semblait dire de l’amour : Le fond en est si peu de chose, ou du moins c’est chose si rapide !

2623. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

J’ai peur que ce brillant écervelé n’ait au fond raison contre tout le monde.

2624. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Le fond de ses Fables est emprunté de toutes parts ; la vieille littérature française en fournissait en abondance et plus même que La Fontaine de son temps n’en connaissait.

2625. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Céleste était déjà assise, les mains enfoncées au fond de son manchon, l’œil dur, et raidie dans une pose de pierre.

2626. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Au fond du trou il y avait de la chaux vive.

2627. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Les lois sont faites par ceux-là mêmes qui doivent en profiter ; les fonctionnaires n’ont qu’accidentellement des intérêts contraires à ceux du public ; au fond, leurs passions et leurs besoins sont identiques.

2628. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Il a pris les Lois de Fiesole pour les règles éternelles de l’art, et celui qui a décrit l’atmosphère en des pages si merveilleuses, n’a pas senti que son introduction dans la vieille et lourde peinture l’avait bouleversée de fond en comble.

2629. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Mais cela n’empêche pas, observa judicieusement un membre de notre petit comité, que chaque nation ne conserve le fond de son caractere & de ses mœurs. […] Il est bon qu’il reste en Europe un fond de cette grosse franchise qui plaisoit tant autrefois, & que les manieres ne touchent point à l’essence des diverses nations. […] On laissa errer l’imagination dans ce vague où il n’y a ni fond, ni point d’appui, & bientôt l’on eût juré que nous étions devenus dans un clin-d’œil, habitans des Petites-Maisons. […] Elle a mangé le fond de douze cents mille livres à plaider, de sorte que ses enfans même qu’elle poursuit en justice, n’auront absolument rien. […] Il avoit de bonnes vues, mais mille préjugés qui partoient néanmoins d’un fond d’humanité.

2630. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Au fond, les jurisconsultes sont bien forcés de reconnaître, avec une espèce de mauvaise humeur, que le contenu d’une correspondance est, au moins en partie, la propriété de celui qui l’a écrite, que la pensée d’un homme lui appartient en propre, que la lettre n’est, somme toute, qu’une espèce de dépôt. […] Et ce sont les tribunaux qui décident librement et qui jugent le fond de cette question. […] Qui ne les souhaiterait, au fond de son cœur, serait entre nos confrères, un confrère de rare vertu.

2631. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

On fait son portrait et il réclame comme fond de tableau des montagnes bleues, les montagnes qu’il a vues en Ecosse, à Perth. […] Elle fuit, elle fond dans l’air. […] Mais il est peu agréable de respirer au fond d’un trou, d’avaler de médiocres nourritures ou de dormir sur un banc. […] C’est singulier : en littérature, quand la forme n’est pas nouvelle, le fond ne l’est pas non plus. […] La pitié n’est peut-être, au fond, que de la lâcheté.

2632. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Cela dit pour ceux qui excellent au jeu des « émendations »76, qui l’aiment par conséquent, et qui seraient, au fond, fâchés de n’avoir pas à le pratiquer. […] Il en est que le fond des choses, et, pour tout dire, l’histoire, laissent indifférents. […] Les règles rigides imposées pour la rédaction de tout document authentique semblent une garantie de sincérité ; elles sont au contraire une incitation au mensonge, non sur le fond des faits, mais sur les circonstances accessoires. […] Elle est aussi au fond de la théorie de l’âme sociale exposée par Lamprecht. […] Il est clair que, pour bien des gens la forme, en histoire, emporte le fond, et que l’œuvre historique est toujours, non exclusivement, mais surtout, une œuvre d’art223.

2633. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Vers ce temps du colloque de Poissy, quand le cardinal-légat envoyé de Rome n’est reçu qu’avec des risées et des railleries, et se voit exposé en cour aux insultes des pages et laquais, à cette heure où le cardinal de Lorraine lui-même ne serait pas fâché qu’on fît un pas et une pause à mi-chemin du côté de la communion d’Augsbourg, le fond de la population résiste et se porterait à des voies de fait contre les ministres protestants, si on ne les protégeait.

2634. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru était resté au fond l’homme de ses débuts, de ses études premières et de ses goûts littéraires variés.

2635. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

La phrase y peut paraître longue, traînante, et c’est là une lettre persane qui ne ressemble en rien assurément pour la forme à celles de Montesquieu ; mais le fond est d’un grand sens, et consulté par Chapelle, il lui répond en le mettant de son mieux en garde contre les principaux défauts auxquels il le sait bien sujet, et aussi contre les conclusions où va trop volontiers la philosophie de Gassendi, leur maître commun.

2636. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Personne ne connaissait mieux que moi le fond de son âme (elle était jolie son âme !

2637. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Il est naturiste au fond, naturiste par principes, et accorde tout à cette grande puissance universelle qui renferme en elle une infinie variété d’êtres et d’accidents.

2638. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Il était bien entendu, d’ailleurs, qu’on n’y devait discuter en rien ni aborder le fond des doctrines : c’était de simples questions de faits à éclaircir, une expertise et une vérification solennelle des textes, par une espèce de jury composé d’hommes notables de l’une et de l’autre communion.

2639. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

S’il fait de temps en temps et par exception acte de maître, il sait pourtant trop bien au fond qu’il ne l’est plus : aussi se montre-t-il des plus sensibles à la déférence qu’on a à l’étranger pour ses désirs ; et le roi de Portugal ayant paru céder, dans une négociation de famille où il s’était montré jusqu’alors inébranlable, aux instances particulières de Charles-Quint, celui-ci en éprouva une joie telle qu’il n’en avait pas eu une semblable au temps de sa puissance pour ses succès les plus éclatants.

2640. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Aussi il a fallu, en ce qui est du célèbre dominicain, qu’on le tirât de son cadre, qu’on l’amenât, bon gré, mal gré, dans l’arène académique (c’est trop souvent une arène aujourd’hui), pour que je me permisse de mêler quelques restrictions de forme et de fond aux hommages que je me suis plu toujours à rendre à ses talents92.

2641. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Animation du fond, tout un camp qui s’éveille. — Qui vive ?

2642. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il est curieux, en le lisant, de voir à quel point la pensée de s’enquérir du fond, l’idée de critique et d’examen est loin de son esprit ; il ne se pose pas un seul instant cette question philosophique et morale de la vérité, de la certitude, la question de Pascal ; Louis Legendre est un rhétoricien ecclésiastique ; il veut faire son chemin par son talent, et il le fera : « Quand je vins à Paris, dit-il, j’avais beaucoup de pièces faites, néanmoins j’étais résolu non seulement d’y retoucher, mais de les refaire entièrement quand j’aurais entendu ceux des prédicateurs qui avaient le plus de réputation.

2643. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

La forme était conçue et indiquée, mais la forme seule, indépendamment du fond.

2644. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Sa complexité morale, son unité, les contradictions qu’il assemble et qu’il coordonne en lui, sa stabilité d’âme et de génie, tout cela est peint, analysé, reproduit en plus de cent pages qui sont des plus belles par la pensée comme par le ton, et tout à fait à la hauteur de leur objet ; j’en détache quelques traits décisifs : « La science immense, la logique serrée et la passion grandiose, voilà son fond.

2645. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Une tapisserie jaune, suspendue dans le fond, laisse un vaste jour ouvert sur un parc dont on entrevoit de hauts ombrages.

2646. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

C’est odieux et révoltant ; plaignez-moi, ma bonne sœur, je ne méritais pas cette injure, moi qui ai cherché à faire tant de bien à tout ce qui m’entoure, et qui ne me suis souvenue que j’étais fille de Marie-Thérèse que pour me montrer toujours ce qu’elle m’avait recommandé en m’embrassant à mon départ, Française jusqu’au fond du cœur !

2647. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Les Mémoires et Correspondances qu’on a donnés de lui, excellents par le fond, ne sont que des matériaux75.

2648. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Au fond, il n’est pas interdit de penser que, tout en s’élevant si fort contre l’idée d’un premier ministre, le maréchal de Noailles n’était pas fâché de se frayer la voie à devenir ministre lui-même, et le ministre le plus influent ; c’est ce qu’il fut, en effet, à un moment où il réunissait sans titre spécial et tenait presque entièrement dans ses mains les Affaires extérieures et la Guerre.

2649. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Cette renaissance, qui n’a plus à s’appliquer à la lettre de l’antiquité, va au fond, à l’esprit des temps, remonte plus haut que la Grèce, ne s’arrête plus à la décadence de Rome : en particulier, elle a pour objet le moyen âge, toute cette époque dont l’oubli et le rejet avaient été une condition de la renaissance aux xve et xvie  siècles.

2650. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Il avait gravé au fond du cœur l’antique programme d’Horace : « Quem tu, Melpomene, semel… Celui, ô Melpomène, que tu as regardé d’un œil d’amour au berceau, celui-là, il ne sera ni lutteur aux jeux de Corinthe, ni vainqueur aux courses d’Élide, ni général triomphateur au Capitole ; mais il aimera les belles eaux de Tibur, et il trouvera la gloire par des vers nés à l’ombre des bois. » Et dans le cas présent d’ailleurs, il y avait mieux, il y avait de quoi tenter et retenir toute l’ambition d’une âme de poëte.

2651. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

On a vérifié que les princes du sang, pour leurs deux vingtièmes, payaient 188 000 livres, au lieu de 2 400 000  Au fond, dans ce régime, l’exemption d’impôt est un dernier lambeau de souveraineté ou tout au moins d’indépendance.

2652. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Suspectant l’inimitié de Claude contre lui, il se confina dans le fond de l’Asie, aussi près de l’exil qu’il le fut plus tard de l’empire ; mélange de luxure, d’intrigue, de popularité, d’insolence, de bonnes et de mauvaises habiletés ; excessif de plaisirs dans le loisir, d’activité dans l’action, sa vie publique méritait des éloges, sa vie privée de la honte.

2653. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Et la messe était une belle chose ; mais surtout c’était déjà un drame : drame dans sa forme, par les chants alternés avec la récitation, par le dialogue de l’officiant et des clercs ou des fidèles : drame aussi dans son fond, par la commémoration symbolique du sacrifice, de l’acte essentiel qui fonda le dogme.

2654. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Au fond, pour lui comme pour Régnier, comme pour D’Aubigné, Ronsard, par une illusion dont l’histoire littéraire offre plus d’un exemple, Ronsard était devenu le représentant de la liberté de l’art, du facile et fécond naturel, contre Malherbe et contre les puristes tyrans du vers et de la langue.

2655. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

Cependant il y a dans ces poèmes d’admirables choses ; surtout dans le Bonheur, l’idée se fond dans le sentiment, s’enveloppe dans le symbole ; une poésie subtile, vaporeuse sans être nuageuse, précise sans être abstraite, saisit à la fois l’imagination et l’intelligence.

2656. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

…         Quelle Jérusalem nouvelle Sort du fond du désert brillante de clartés !

2657. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Il lui fallut un renouvellement complet, une révolution prenant le globe à ses racines et l’ébranlant de fond en comble, pour satisfaire l’énorme besoin de vengeance qu’excitaient chez lui le sentiment de sa supériorité et la vue de ses humiliations 153.

2658. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Je ne dirai point les causes de cette catastrophe ; outre qu’elles ne sont pas de mon sujet, il répugne au fils de la patrie de creuser trop avant dans les douleurs nationales, et il laisse volontiers au temps tout seul le soin d’éclaircir les leçons renfermées par Dieu même au fond des revers.

2659. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Aucun esprit ferme, au nom de l’école de Hume et de Voltaire, au nom de celle de l’expérience et du bon sens, au nom de l’humilité humaine, n’est venu lui dérouler les objections qui n’auraient rien diminué de ses mérites vigoureux de penseur et d’ordonnateur, qui auraient laissé subsister bien des portions positives de son œuvre, mais qui auraient fait naître quelques doutes sur le fond de sa prétention exorbitante.

2660. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière, sous une enveloppe un peu épaisse et un peu forte, était un homme fin, adroit, circonspect et mesuré, néanmoins beaucoup plus homme de lettres au fond qu’il ne voulait le paraître, cherchant partout autour de lui des sujets d’épigrammes, de comédie, d’histoire, et s’y appliquant ensuite sous main, à loisir, avec lenteur, sans s’exposer au public, en se bornant à captiver la société de son temps, et en se ménageant une perspective lointaine vers la postérité.

2661. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Cette date est d’ordinaire celle de notre jeunesse, de notre première ivresse et de nos premiers succès : il se fait là au fond de nous-mêmes un mélange chéri, que rien plus tard n’égalera.

2662. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

L’expression de sa physionomie, c’est la finesse sur un fond de bonté.

2663. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Si un livre de vers libres ne parut point avant les Palais Nomades, ce n’est point tant la forme que j’en jugeais insuffisante pour être présentée au public que le fond.

2664. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

C’étaient, au fond, deux hommes d’un suprême bon sens : seulement Gautier, méprisant les foules, gardait son bon sens pour lui, ou ne le divulguait qu’enveloppé de malicieuses réticences ; tandis qu’Angier allait droit à ces foules : il se révoltait au spectacle des bassesses humaines et des décadences, et les cinglait alors avec des œuvres maîtresses, comme le Mariage d’Olympe, les Effrontés, la Contagion.

2665. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Rien de plus simple : prenez le petit Cupidon de cire aux pieds délicats et rosés, chaussez-le de sabots ferrés et lourds, plongez-le, la tête la première, au fond d’un baquet rempli d’eau de vaisselle ; maintenez-le quelque temps dans cette mare gluante ; vous le retirez avec de la chassie aux yeux, des détritus infects pris à sa chevelure blonde, et de la crotte aux ailes.

2666. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Les physiciens et les naturalistes, dit M. de Biran, ne font qu’effleurer la superficie des choses ; le fond leur échappe.

2667. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Mais que de qualités il sut tirer de son propre fond ! […] si tu veux me quitter, cela me fera de la peine jusqu’au fond du cœur. » « Il saisit dans ses bras la femme riche en vertus et couvrit son beau corps de tendres baisers. […] Une profonde douleur était fixée au fond de leur cœur.

2668. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Tous les systèmes, bien que justes au fond, sont donc tous radicalement faux dans la pratique. […] On peut être d’accord sur le fond même du droit, et différer sur la proportion dans laquelle il doit être donné.

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