Mais les images restent nettes ; dans cette folie, il n’y a ni vague ni désordre ; les objets imaginaires sont dessinés avec des contours aussi précis et des détails aussi nombreux que les objets réels, et le rêve vaut la vérité. […] Dickens est un poëte ; il se trouve aussi bien dans le monde imaginaire que dans le réel. […] Ses sensations sont perverties ; il n’ose s’en défier, il n’ose plus y croire, et dans ce cauchemar, où la raison engloutie ne laisse surnager qu’un chaos de formes hideuses, il ne trouve plus rien de réel que l’oppression incessante de son désespoir convulsif. […] Ceux de Dickens forment une classe réelle et représentent un vice national.
Tant il est vrai que la force et le temps dépensés en vain, pour l’agrément, pour l’art, font accomplir les plus réels travaux et empêchent la fatigue de se produire trop tôt. […] D’autre part, le style simple est fort souvent figuré, par la raison qu’il n’est pas abstrait ; plus une langue est populaire, plus elle est concrète et riche en images ; seulement ce ne sont pas des images cherchées, mais empruntées au réel. […] La science montre les rapports abstraits de toutes choses ; la poésie nous montre les sympathies réelles de toutes choses. […] Les exemples les plus frappants de ce genre de figures, tirées de l’invisible même, se rencontrent dans Shelley, qui souvent décrit les objets extérieurs en les comparant aux fantômes de sa pensée, et qui remplace les paysages réels par les perspectives de l’horizon intérieur.
C’est un réel examen de conscience qu’exige votre enquête ; seul, un casuiste, après mûre et réfléchie pesée du pour et du contre, pourrait peut-être se prononcer avec assurance. […] Puisqu’il faut donc qu’interviennent les raisons personnelles, c’est-à-dire sentimentales, disons que notre cœur va vers ceux de qui l’œuvre est comme la cristallisation suprême d’une âme héroïque : Hugo, avocat avec indifférence de toutes les causes sonores, sous quoi, dénué de pensée réelle et de passion authentique, l’artiste se fait voir impur et incomplet, et bénisseur et vindicatif, l’homme se fait voir petit ; à notre admiration pour ses dons féeriques nous ne parviendrons à joindre ni sympathie ni estime. […] S’il faut nommer celui de vous, mes blonds archanges, Avec lequel j’ai fait le plus d’essors étranges À travers la nuée opaque du réel Dans l’élargissement magnifique du ciel, Aspirant dans le gouffre où j’élançais ma tête L’ivresse dont l’azur avive les planètes Et de vierges désirs épandus dans les airs, Qui se glissaient comme une musique en ma chair ; S’il faut nommer celui des dieux dont la pensée S’est à bouillons de pourpre en mon âme versée Comme un vin exalté qui débordant d’ardeur Inonde toute la poitrine du buveur Et laisse dans la coupe une immortelle envie D’être soi-même à tous un vin qu’on sacrifie ; Ah ! […] — Risquer un choix entre les grands poètes serait commettre une réelle impertinence.
Et il démontre à son disciple étonné que, s’il faut toujours prendre le parti le plus vertueux, cela ne signifie pas que la vertu soit rien de réel, et qu’« elle est une gageure, une satisfaction personnelle, qu’on peut embrasser comme un généreux parti ; mais la conseiller à autrui, qui l’oserait » ? […] Renan revient le plus souvent, c’est une distinction très profonde et très réelle entre nos actes et leurs mobiles. […] Elle est donc beaucoup plus apparente que réelle : nous nous en convaincrons mieux encore en établissant le bilan doses idées morales. […] Ce ne sont pas des apôtres : ce sont des esprits moins rigoureux, plus pondérés, plus pratiques, ce sont de simples hommes de bonne volonté, dont l’œil est ouvert sur le monde réel plutôt que sur le monde idéal, et qui savent calculer te rapport possible entre celui-ci et celui-là. […] Qu’ils regardent le réel : ses surprises défient l’imagination la plus fantasque.
Quelle impression profonde, intime, toute chrétienne, d’un christianisme tout réel et spirituel ! […] Nous craignons que ces détails ne paraissent subtils ; cependant nous sommes sûrs de rendre une impression réelle. […] Bien des jours de la vie des saints, comme de celle des heureux, se ressemblent : ce sont des labeurs tout réels, arides, épineux, sans cesse recommençants sur cette terre, qui ont bien leur secrète joie, qui ont surtout leur lutte obscure. […] Elle survient donc, et par quelques raisonnements, surtout par ce mot puissant : « Le positif seul est réel », elle rend tout son fardeau à l’immortel vagabond. […] À un besoin réel il faut une satisfaction réelle.
Denne-Baron, distrait aux caprices, au laisser-aller d’une imagination réelle, mais vagabonde, n’eut point cette patience ardente qui donne au talent le droit de marcher à la suite des génies.
Soit qu’on lise, soit qu’on écrive, l’esprit fait un travail qui lui donne à chaque instant le sentiment de sa justesse ou de son étendue, et sans qu’aucune réflexion d’amour-propre, se mêle à cette jouissance, elle est réelle, comme le plaisir que trouve l’homme robuste dans l’exercice du corps proportionné à ses forces.
., etc… Beaucoup d’écrivains d’un réel talent commettent aujourd’hui des fautes de ce genre.
C’est que, selon nous, toutes ces hallucinations sont attachées à quelque point réel dont elles sont comme une auréole imaginaire, tel point de la table où on croit voir l’oiseau, tel point de la fenêtre où on croit voir la Vierge : si vous dédoublez le point d’attache ou centre de localisation, si vous l’éloignez ou le rapprochez par des instruments d’optique, vous transférez le même effet à l’image hallucinatoire.
Cette ombre de faveur & la gloire réelle d’être nommé le père de la langue françoise, le maître & le modèle de l’éloquence, acharnèrent contre lui de petits écrivains avides d’un peu d’or & de fumée.
À travers leurs regards divins, brillent les attributs de leur glorieux Créateur : la vérité, la sagesse, la sainteté rigide et pure, vertu dont émane l’autorité réelle de l’homme.
Mais lorsque, sous les rapports chrétiens, on vient à penser que l’histoire des Israélites est non seulement l’histoire réelle des anciens jours, mais encore la figure des temps modernes ; que chaque fait est double, et contient en lui-même une vérité historique et un mystère ; que le peuple juif est un abrégé symbolique de la race humaine, représentant, dans ses aventures, tout ce qui est arrivé et tout ce qui doit arriver dans l’univers ; que Jérusalem doit être toujours prise pour une autre cité, Sion pour une autre montagne, la Terre Promise pour une autre terre, et la vocation d’Abraham pour une autre vocation ; lorsqu’on fait réflexion que l’homme moral est aussi caché sous l’homme physique dans cette histoire ; que la chute d’Adam, le sang d’Abel, la nudité violée de Noé, et la malédiction de ce père sur un fils, se manifestent encore aujourd’hui dans l’enfantement douloureux de la femme, dans la misère et l’orgueil de l’homme, dans les flots de sang qui inondent le globe depuis le fratricide de Caïn, dans les races maudites descendues de Cham, qui habitent une des plus belles parties de la terre91 ; enfin, quand on voit le Fils promis à David venir à point nommé rétablir la vraie morale et la vraie religion, réunir les peuples, substituer le sacrifice de l’homme intérieur aux holocaustes sanglants, alors on manque de paroles, ou l’on est prêt à s’écrier avec le prophète : « Dieu est notre roi avant tous les temps. » Deus autem rex noster ante sæcula.
Il faut ajouter, pour compléter cette liste de vingt-deux, Marchenna, Girey-Dupré et Riouffe, qui n’étaient pas députés, — et Fauchet, l’évèque intrus du Calvados, le seul homme de talent réel, une espèce de Diderot évêque qui aurait eu la foi, et à qui la foi et le sacrement de l’ordre sans doute valurent plus tard le repentir.
Mais la Critique ne pouvait-elle espérer sans outrecuidance que ces faits, contre lesquels l’historien se révolte, le frapperaient puissamment par ce qu’ils ont d’extraordinaire et même pour lui d’incompréhensible, et que de cette indignation aveugle, mais vraie et largement vibrante, contre le Moyen Âge, ses passions colossales, ses déchirements nécessaires, ses institutions, tout cet ensemble de servitudes chevaleresques dont Labutte n’a pas même la notion première et que Schiller, qui était un grand poète et un noble cœur, appuyait sur un fond céleste, il serait au moins sorti un cri énergique, une réprobation digne de ce temps immense, quelque chose, enfin, qui aurait eu son éloquence, son injuste, mais réelle beauté ?
Un des critiques de France, qui remue le plus de faits et d’idées, Philarète Chasles, avait déjà voulu percer l’obscurité qui couvre ce personnage littéraire, réel ou fictif, d’Avellaneda, et il a entassé une science énorme sur la pointe d’aiguille d’une sagacité par trop fine peut-être… Selon nous, c’était une peine de trop.
Tout autant que les individualistes, enfants trouvés ou perdus de Jean-Jacques Rousseau, auxquels il fait justement la guerre, Dupont-White n’a pas même l’air de se douter que l’État réel, dont il change les définitions aux pages viii, xiii xix, xx de sa préface, enfermé dans le cadre des mœurs, tient essentiellement dans cette double réserve de la famille et de l’ordre toujours retrouvée à la marée basse de toute révolution, et que peuvent toujours sortir de là, à la voix du législateur et du pouvoir, ramassé par le premier caporal venu, l’organisme social et la vie !
Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.
Pourtant cette connexion est réelle : elle est même intime ; et, si l’on en tient compte, un problème métaphysique capital se trouve transporté sur le terrain de l’observation, où il pourra être résolu progressivement, au lieu d’alimenter indéfiniment les disputes entre écoles dans le champ clos de la dialectique pure.
Tous deux également célèbres, et tous deux jouissant de la gloire l’un de l’autre, ils goûtaient ensemble dans le commerce de l’amitié et des lettres, ce bonheur si pur que ne donnent ni les dignités, ni la gloire, et qu’on trouve encore moins dans ce commerce d’amour-propre et de caresses, d’affection apparente et d’indifférence réelle, qu’on a nommé si faussement du nom de société, commerce trompeur qui peut satisfaire les âmes vaines, qui amuse les âmes indifférentes et légères, mais repousse les âmes sensibles, et qui sépare et isole les hommes, bien plus encore qu’il ne paraît les unir.
On multiplia tout ce qui en impose au peuple, et trop d’empereurs se crurent dispensés d’avoir une grandeur réelle.
Du temps de Cicéron et de César, on avait vu fleurir l’éloquence républicaine animée par la liberté et de grands intérêts ; sous les premiers empereurs, une espèce d’éloquence monarchique, fondée sur la nécessité de flatter et de plaire ; vers les temps de Marc-Aurèle, l’éloquence des sophistes, qui, n’ayant aucun intérêt réel, était un jeu d’esprit pour l’orateur et un amusement de l’oisiveté pour les peuples.
Ensuite durent venir les fiefs roturiers réels, pour lesquels les vassaux durent être les premiers prædes ou mancipes obligés sur biens immeubles ; le nom de mancipes resta propre à ceux qui étaient ainsi obligés envers le trésor public.
Le rôle du poète est maintenant de discerner sous le flot du réel les archétypes paradisiaques qui s’y cachent désormais. […] De la fête des fous, laïcisée par force, il ne subsista que le principe, l’idée d’un monde renversé qui exprimerait en la grossissant la folie du monde réel…. » L’une des plus célèbres soties jouées en 1511, au mardi gras, et dont l’auteur était Gringoire, était dirigée contre le pape Jules II… Les Caves du Vatican sont donc un roman philosophique, satirique et parodique. […] Plus généralement, on peut discerner non seulement du talent, mais une réelle force de pensée, chez des auteurs que l’on n’approuve pas. […] Ou, s’il y en a un, c’est « la lutte entre les faits proposés par la réalité, et la réalité idéale », ou entre la matière brute et l’effort du romancier pour la « styliser », ou encore « entre ce que la réalité lui offre et ce que, lui, prétend en faire » ; ou enfin, le « sujet profond », c’est « la rivalité du monde réel et de la représentation que nous nous en faisons ». […] J’avoue que c’est pour moi une qualité, justement celle qui fait la valeur des meilleurs ouvrages de Louÿs et qui justifie son influence, très réelle sur d’autres carrières au moins aussi brillantes que celle de Gide.
Mais, si par défauts l’on doit entendre ce qui manque, les défauts de l’harmonie, pour être invisibles, n’en sont pas moins réels. […] Si les grands courants qui forment l’esprit d’un peuple ou d’un siècle, ne suffisent pas à nous expliquer l’existence et la nature d’une œuvre, à l’histoire nous ajouterons la biographie, et nous finirons bien par éprouver dans tous les cas réels et possibles l’éternelle vérité de cet axiome nouveau, parce qu’il est méconnu : que tout phénomène a sa cause. […] Montausier avait, comme elle, quelques vertus réelles et solides, et, surtout, une grande apparence de vertu qui imposait aux contemporains. […] Le dernier trait, l’acte suprême du pouvoir exercé par lui sous l’autorité du roi, fut l’exécution d’une coterie qui, par l’austérité réelle ou affectée de ses mœurs, était importune à la cour. […] L’aveuglement d’esprit de Glocester se change en un aveugle ment réel ou physique, à la suite duquel seulement il ouvre les yeux sur la vraie différence de l’amour de ses fils.
En les décomposant, il montre leur laideur réelle et leur ôte leur beauté fictive. En les mettant au niveau des objets vulgaires, il leur supprime leur beauté réelle et leur imprime une laideur fictive. […] Il ne parle pas à des raisonneurs, mais à un parti ; il ne s’agit pas pour lui d’enseigner une vérité, mais de faire une impression ; il n’a pas pour but d’éclairer cette partie isolée de l’homme qu’on appelle l’esprit, mais de remuer cette masse de sentiments et de préjugés qui est l’homme réel. […] Ceci pourra peut-être sembler un paradoxe trop fort, même à notre âge savant et paradoxal ; c’est pourquoi je l’exposerai avec toute la réserve possible et avec une extrême déférence pour cette grande et docte majorité qui est d’un autre sentiment. — Du reste, j’espère qu’aucun lecteur ne me suppose assez faible pour vouloir défendre le christianisme réel, qui, dans les temps primitifs, avait, dit-on, quelque influence sur la croyance et les actions des hommes ; ce serait-là en effet un projet insensé ; on détruirait ainsi d’un seul coup la moitié de la science et tout l’esprit du royaume. […] Toute poésie exalte, celle-ci déprime ; au lieu de cacher le réel, elle le dévoile ; au lieu de faire des illusions, elle en ôte.
Mais il y a l’admiration qui, fondée sur la beauté réelle, sur l’équité du choix entre les œuvres, entre les parties des œuvres, se manifeste et se perpétue orgueilleusement. […] Il siérait peu d’employer l’intensité lumineuse du Titien, ou les splendeurs grasses de Rubens, à de fins croquis réels de chambrettes ou de jardinets. […] Il interrogeait le réel, palpait le vrai, s’informait du pratique. […] Mais s’il lui fallait descendre, même un peu vite, du zénith rêvé, il serait encore, en bas, un poète terrien, de valeur réelle ; un Icare qui pourrait fort bien voleter, sous l’infini, avec les débris de ses ailes. […] J’aime mieux admettre que leurs beautés réelles, leurs beautés intimes m’échappent à cause d’une incompatibilité d’humeur poétique, causée par la différence d’éducation littéraire et par la distance d’âge, entre l’esprit de M.
Cependant le lustre descendait lentement du plafond avec sa triple couronne de gaz et son scintillement prismatique ; la rampe montait, traçant entre le monde idéal et le monde réel sa démarcation lumineuse. […] C’était une surprise pareille à celle qu’on éprouverait en entendant donner à un lieu réel un nom des pièces de Shakespeare. […] Les triomphes, pourtant très réels, de Bouchardy leur semblent inexplicables, et d’ailleurs ils remontent à des époques fabuleuses, antéhistoriques, à l’âge de la pierre et des habitations lacustres ; qui peut se souvenir de telles choses ? […] Les nécessités de l’allégorie, car il n’est guère possible de placer des scènes de la vie réelle dans les plafonds, les coupoles, les pendentifs et les tympans, le forcèrent d’aborder le nu et la draperie, et il s’en tira à merveille. […] Elles sont entrées, quoique réelles, dans ce monde des types créés par les poètes où l’âge, le temps, les dates n’existent plus ; l’ombre de la retraite ne peut pas éteindre leur éclat.
N’ayant pu d’ailleurs autrement m’y prendre pour « exalter » l’une et pour « dénigrer » l’autre, je me serai à moi-même, si l’on me souffre cette impertinence, un supplément de preuves de cette réelle impossibilité. […] Peut-être est-il de ceux, comme il y en a plusieurs dans l’histoire, dont la réputation et l’influence ont passé de beaucoup le mérite intrinsèque et réel ; et, pour ma part, je le croirais assez volontiers. […] Hors du temps, comme il dit encore, et par-delà le réel, dans le domaine illimité du possible, « continuation occulte de la nature infinie », le poète se crée un nouveau monde. […] Je les appellerais volontiers idéalistes, si leur idéal ne me paraissait plutôt caractérisé par un manque de sens du réel que par une idée précise et définie de l’art ou de la vie, s’il ne relevait moins de l’observation que de la fantaisie, et si le souci de la vérité n’y tenait enfin trop peu de place. […] Sans avoir, en effet, rien produit, j’entends rien de considérable, rien qui vaille la peine d’être étudié pour soi-même, ils ont exercé, ils exercent encore, sur toute une portion de la jeunesse contemporaine, une réelle influence.
Y eut-il jamais un Père de l’Eglise capable de célébrer avec une éloquence plus attendrie « l’abnégation, le dévouement, le sacrifice du réel à l’idéal, essence de toute religion… » ? […] Il se comprend qu’une mélancolie singulière s’empare de ces nobles esprits sur lesquels pèse la conviction de leur puissance idéale et de leur impuissance réelle. […] De là ces tableaux d’une humanité à la fois très réelle et très mutilée. […] Nous ne jouissons et nous ne souffrons que de ce que nous sentons réel, et cela seul est réel pour nous qui reparaît devant notre solitude, quand, fermant les yeux et ramenant notre âme sur elle-même, nous évoquons notre mirage personnel de l’univers. […] Un tel esprit, lorsqu’il est soutenu par le souci minutieux de l’exactitude, constitue un des meilleurs outils qui soient pour construire des livres d’une réelle et solide unité.
Sans craindre le ridicule, et avec la roideur d’un spéculatif tout d’un coup heurté par la vie réelle, il écrivit des traités en faveur du divorce, les signa de son nom, les dédia au Parlement, se crut divorcé, de fait, puisque sa femme refusait de revenir, de droit, parce qu’il avait pour lui quatre passages de l’Écriture ; là-dessus il fit la cour à une jeune fille, et tout d’un coup, voyant sa femme à ses genoux et pleurante, il lui pardonna, la reprit, recommença son sec et triste mariage, sans se laisser rebuter par l’expérience, au contraire destiné à contracter deux autres unions encore, la dernière avec une femme plus jeune que lui de trente ans. […] Le spectateur est transporté hors du monde réel. […] Comme autrefois, il va chercher le sublime hors de ce bas monde, parce que ce qui est réel est petit et que ce qui est familier paraît plat. […] Libres d’enthousiasme, nous jugeons ses personnages ; nous exigeons qu’ils soient vivants, réels, complets, d’accord avec eux-mêmes, comme ceux d’un roman ou d’un drame. […] Les salutations sont un peu longues ; heureusement, les mets étant crus, « il n’y a point de danger que le dîner refroidisse. » L’ange, quoique éthéré, mange comme un fermier du Lincolnshire, « non pas en apparence, ni en fumée, selon la vulgaire glose des théologiens, mais avec la vive hâte d’une faim réelle et une chaleur concoctive pour assimiler la nourriture, le surplus transpirant aisément à travers sa substance spirituelle513. » À table, Ève écoute les histoires de l’ange, puis discrètement elle s’en va au dessert, quand on va parler politique.
Et c’est pour cela qu’elle aime son tuteur, dont elle comprend, dont elle apprécie, plus encore qu’elle ne la sent, la réelle supériorité. […] Il est certain que, dans la vie réelle, elle ne se serait jamais passée ainsi. […] Le premier point est que l’idée, exprimée par la scène, soit générale, et trouve, dans la vie réelle, de nombreuses applications. […] Supposez la situation de don Juan dans la vie réelle. […] Il ne me paraissait pas que l’on eût jusqu’ici accordé assez d’attention à ces deux rôles, qui ont leur importance réelle dans le drame.
Barrès ne conseillait pas à la jeunesse de manquer par des actes réels au respect qui était dû à Renan. […] Il est presque plus moral que la vie réelle. […] Pour n’avoir pas exactement le caractère du nôtre, son patriotisme n’en était pas moins réel. […] Émile Faguet rend justice à son talent de poète, qui n’est pas de haute envergure, mais très réel et parfois délicieux. […] L’objet réel contient utilement son imagination.
Et que le miracle ait pu s’accomplir, qu’il ait été réel, M. […] C’est le signe d’une force réelle. […] Et nous y croyons, parce que nous croyons à cet homme et à cette femme, comme à des êtres réels. […] On connaît aussi les lignes générales de l’histoire réelle dont ces lettres sont le débris. […] L’habitude de confondre l’imaginaire et le réel le poursuit dans ce réveil d’ivresse.
Il semble qu’on les ait rencontrés dans l’existence comme des personnages réels, que vous leur avez parlé et qu’ils vous ont répondu. […] Selon lui, la chasteté réelle développait au plus haut degré les puissances de l’esprit, et donnait à ceux qui la pratiquaient des facultés inconnues. […] Les portraits peu flattés qu’il a tracés d’Étienne Lousteau, de Nathan, de Vernisset, d’Andoche Finot, représentent assez bien son opinion réelle à l’endroit de la presse. […] Quelquefois ils ne sont pas plantés dans leur pays réel ; ces aspirations singulières qui font un Grec ou un Arabe d’un individu né à Paris ou dans l’Auvergne, ont leur raison d’être. […] Pourtant, dès qu’il met le pied sur le rivage d’Alexandrie, on sent qu’il aborde à sa terre natale, à la patrie réelle de son talent ; il s’étonne, il se récrie et ne procède que par exclamations.
Figurez-vous une petite ville de province, qui souvent n’est pas même une mince sous-préfecture de notre temps, Couserans, Mirepoix, Lavaur, Rieux, Lombez, Saint-Papoul, Comminges, Luçon, Sarlat, Mende, Fréjus, Lescar, Belley, Saint-Malo, Tréguier, Embrun, Saint-Claude, alentour moins de deux cents, moins de cent, parfois moins de cinquante paroisses, et, pour exercer cette petite surveillance ecclésiastique, un prélat qui touche de 25 000 à 70 000 livres en chiffres officiels, de 37 000 à 105 000 livres en chiffres réels, de 74 000 à 210 000 livres en argent d’aujourd’hui. Quant aux abbayes, j’en compte trente-trois qui rapportent de 25 000 à 120 000 livres à l’abbé, vingt-sept qui rapportent de 20 000 à 100 000 livres à l’abbesse ; pesez ces chiffres de l’Almanach, et songez qu’il faut les doubler et au-delà pour avoir le revenu réel, les quadrupler et au-delà pour avoir le revenu actuel. […] Ceci est prouvé par les registres de la capitation, qu’on payait au domicile réel.
Ils peuvent s’amuser ou plutôt s’étourdir ; jamais ils n’ont de jouissances réelles. […] Aujourd’hui que nous venons de le relire refroidi par trente ans, nous y trouvons plus de talent que de philosophie réelle ; la pensée y est plus hardie que forte, plus subtile que profonde, plus brillante que solide. […] Il y a trop de sophiste dans le comte de Maistre : dans sa politique il y a trop de passion d’esprit ; dans sa religion il y a trop d’exagération d’idées ; dans ses prophéties il y a trop de jactance ; dans son style même, le plus réel de ses titres, il y a encore trop de facétie.
X Telle m’apparut dans ce coup d’œil la femme qui causait en se retirant avec la duchesse de Devonshire ; à peine eus-je le temps de voir, comme on voit des groupes d’étoiles dans un ciel de nuit, un front mat, des cheveux bais, un nez grec, des yeux trempés de la rosée bleuâtre de l’âme, une bouche dont les coins mobiles se retiraient légèrement pour le sourire ou se repliaient gravement pour la sensibilité ; des joues ni fraîches ni pâles, mais émues comme un velours où court le perpétuel frisson d’un air d’automne ; une expression qui appelait à soi non le regard, mais l’âme tout entière ; enfin une bonté qui est l’achèvement de toute beauté réelle, car la beauté qui n’est pas par-dessus tout bonté est un éclat, mais elle n’est pas un attrait. […] La cheminée haute et large, autour de laquelle se groupaient les familiers ou les discoureurs, était l’Œil-de-bœuf de cette abbaye royale ; le mur à côté de la cheminée étalait le beau tableau glacé de Corinne improvisant au cap Misène devant son amant Oswald ; scène romanesque de madame de Staël, plus académique que réelle, car une femme aimante et aimée, seule avec la nature et son cœur, a autre chose à faire que des déclamations politiques sur la décadence des Romains. […] On se retira avec une émotion factice, mais avec un respect réel ; on laissa M. de Chateaubriand, peu satisfait, se consoler avec madame Récamier et avec ses familiers les plus intimes des petits déboires de la soirée.
Toute argutie d’école, toute controverse religieuse écartée, il n’y a au fond que deux philosophies dans le monde : la philosophie du plaisir, ou la philosophie de la douleur ; la philosophie des rêves, ou la philosophie réelle. […] Quelle que soit notre pensée sur les dogmes, si diversement interprétés, du christianisme, il nous est impossible de ne pas reconnaître que, comme corps de philosophie pratique et de philosophie morale, le christianisme a franchement, énergiquement et saintement promulgué ou adopté la philosophie réelle, c’est-à-dire la philosophie de la douleur méritoire ou expiatoire ; et ajoutons ici la plus belle, car le sacrifice est plus beau que la jouissance, excepté aux yeux d’un épicurien. […] La philosophie réelle ne défie pas la douleur, elle ne la nie pas : elle s’y plonge comme dans un feu d’expiation, de régénération ou d’épreuve.
Les types éternels des formes éphémères, Qu’avait dans l’absolu vus resplendir Platon, Sont-ils réels ? […] C’est moi-même ébloui que j’ai nommé le ciel, Et je ne sens pas bien ce que j’ai de réel. […] C’est charmant, pas bien réel ; les vraies couleurs, les vraies nuances ont des dégradations infinies que le pinceau de Coppée, quoique délicat et menu, ne semble pas bien fait pour rendre ; mais, par contre, ce pinceau est léger autant qu’habile, et fin comme l’esprit même du poète244.
Quand l’émotion, au contraire, est extrême, exaltée, infinie ; quand l’imagination de l’homme se tend, et vibre en lui jusqu’à l’enthousiasme ; quand la passion réelle ou imaginaire l’exalte ; quand l’image du beau dans la nature ou dans la pensée le fascine ; quand l’amour, la plus mélodieuse des passions en nous, parce qu’elle est la plus rêveuse, lui fait imaginer, peindre, invoquer, adorer, regretter, pleurer ce qu’il aime ; quand la piété l’enlève à ses sens et lui fait entrevoir, à travers le lointain des cieux, la beauté suprême, l’amour infini, la source et la fin de son âme, Dieu ! et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] La division par genres, bien qu’elle puisse être employée dans une certaine mesure et comme subdivision dans nos études, a l’inconvénient d’être plus spécieuse que vraie et plus convenue que réelle ; car les genres ne sont jamais ni si distincts, ni si séparés, ni même si démarqués que le disent les auteurs de ces classifications artificielles.
Des changement secrets s’accomplissent en eux, au sein de leur génie, et quelquefois le transforment ; ils subissent ces changements comme des lois, sans s’y mêler, sans y aider artificiellement, pas plus que l’homme ne hâte le temps où ses cheveux blanchissent, l’oiseau la mue de son plumage, ou l’arbre les changements de couleur de ses feuilles aux diverses saisons ; et, procédant ainsi d’après de grandes lois intérieures et une puissante donnée originelle, ils arrivent à laisser trace de leur force en des œuvres sublimes, monumentales, d’un ordre réel et stable sous une irrégularité apparente comme dans la nature, d’ailleurs entrecoupées d’accidents, hérissées de cimes, creusées de profondeurs : voilà pour les uns. […] C’est elle que je me suis surtout efforcé de bien exprimer, et ma tragédie n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de Britannicus. » Et malgré ce dessein formel de l’auteur, le caractère d’Agrippine n’est exprimé qu’imparfaitement : comme il fallait intéresser à sa disgrâce, ses plus odieux vices sont rejetés dans l’ombre ; elle devient un personnage peu réel, vague, inexpliqué, une manière de mère tendre et jalouse ; il n’est plus guère question de ses adultères et de ses meurtres qu’en allusion, à l’usage de ceux qui ont lu l’histoire dans Tacite.
IV Parlons d’abord de sa harpe, symbole sans doute, mais instrument réel aussi de son inspiration. […] Une seconde fois Saül, saisi d’une fureur réelle ou simulée, pendant que son poète l’endort aux sons de ses vers et de sa harpe, cherche à le percer de sa lance.
L’Église ajouta sous ces deux papes sa puissance réelle et respective à l’influence des Médicis ; les cours de France et d’Espagne y ajoutèrent leurs armes ; estime, vénération, politique se réunirent aussi pour les consacrer, mais ce furent les lettres qui leur donnèrent l’empire. […] Cependant, les Médicis ramenaient quelque chose de réel en Italie, une langue, des marbres, des manuscrits, des savants, des traductions, des modèles, mais nous ne rapportions rien que des songes.
Avant tout, ce qui lui plaît, c’est la vie, et sa vie : dans ces drames merveilleux, rien ne le touche tant que le réel, et parmi ces acteurs surhumains, sa sympathie va à la simple, même à la basse humanité, au peuple vulgaire comme lui, comme lui bruyant, gausseur et jouisseur. […] De la fête des fous laïcisée par force, il ne subsista que le principe, l’idée d’un monde renversé qui exprimerait en la grossissant la folie du monde réel : c’est ce que développèrent au gré de leur libre fantaisie nombre de sociétés joyeuses, comme Mère folle à Dijon, et les Sots de Paris.
Mme de Maure demandait seulement qu’on mît des quasi aux affirmations universelles, en faveur des exceptions possibles et réelles. […] Les noms sont réels, non romanesques : Javotte, Vollichon, Jean Bedout.
Il évite le singulier, le monstrueux ; il s’applique à saisir et à manifester les caractères généraux, les lois communes et constantes de la vie, à découvrir par conséquent et à peindre des types, mais ces types ne sont pas pour lui des formes abstraites, ce sont des individus réels et vivants, dont la généralité consiste dans leur aptitude à représenter des groupes. […] Dans les chapitres de la tragédie et de la comédie, il parle du théâtre très librement, avec une réelle largeur d’esprit pour un archevêque : je le juge un peu sévère dans sa critique de nos tragédies où il trouve trop de pompe, des sentiments faux, de la fade galanterie, et un abus monotone des peintures de l’amour ; mais il est à noter qu’il admet Phèdre, et ne blâme qu’Aricie et Hippolyte ; au fond, il a raison dans son goût pour la vérité humaine et la pure passion des tragédies antiques.
On sent dans la curiosité de son observation une très réelle sympathie. […] Une autre particularité, c’est l’imprudence et l’imprévoyance, on dirait presque l’ignorance de la vie réelle et de ses conditions, assez commune en effet chez les prêtres très saints.
L’époque est-elle guerrière ; ce qui domine dans la vie réelle, ce sont naturellement les vertus militaires, le courage, la force, le mépris du danger et de la mort. […] Qu’arrive-t-il, le jour où d’autres vertus prennent dans la vie réelle la place des vertus militaires ?
Les Loix civiles ont le pouvoir d'arrêter les injustices, ou du moins de remédier à celles qui sont sensibles & connues : la Religion fait non seulement des Hommes justes, elle veut encore que la justice, la modération, la bienfaisance, soient aussi réelles qu'apparentes ; elle exige que les vertus ne se bornent pas à paroître, mais qu'elles aient leur racine dans le cœur, qu'elles existent dans toute leur perfection. […] On sacrifie un bien présent, il est vrai ; mais c’est par l’espoir d’un meilleur, & cet espoir est un bien réel, même lorsque l’objet en est imaginaire.
Le sentiment du réel devient plus vif et plus précis ; les pensées sont plus sérieuses, les mots se remplissent, la déclamation s’évapore. […] C’est l’association tacite, mais fort réelle des esprits éclairés, la communion sainte des lumières de la raison, communion offerte à tous, et à laquelle tous participent plus ou moins, selon leurs forces ; en un mot, c’est la civilisation.
Philosophie épicurienne, c’est bien le premier trait qu’il fallait mettre en lumière, et ceci est à mon avis très réel. […] Et comme il faut toujours que La Fontaine sourie : Choses réelles, quoique étranges… Il redevient sérieux immédiatement : Tant que l’enfance durerait, Cette fille du Ciel en nous ne paraîtrait Qu’une tendre et faible lumière ; L’organe étant plus fort, la raison percerait Les ténèbres de la matière, Qui toujours envelopperait L’autre âme imparfaite et grossière.
Mais c’est vrai que le travail et le labeur normal font les mœurs et les courages, sans lesquels rien n’est possible et d’où naissent les supériorités, et je reconnais, je salue tout ce qu’il y a de réel et de bienfaisant dans cet orgueil de classe, dans cette piété du travail manuel qui rattachent l’enfant à la stabilité et l’empêchent de se jeter aux courants rapides. […] Je voudrais distinguer ce qu’il y a chez Thierry de propre et de réel, et puis de livresque et d’oiseux.
Il a été reconnu qu’ici la nature humaine réelle se retrouve prise sur le fait, et que ce qui tenait de lieu commun dans la donnée principale est heureusement racheté et rajeuni.
» Il est une chose à laquelle je tiens beaucoup, même dans l’éloignement entre amis et dans le relâchement des liens, c’est qu’il y ait et qu’il reste bienveillance réelle et souvenir affectueux, et sans amertume.
Si les solutions générales du problème religieux faisaient naître, comme corollaires, des solutions politiques opposées à celles qui ressortent du fait social réel et de l’observation immédiate et sensée, il faudrait s’élever contre, en montrer le faux et les ruiner ; mais, du moment qu’il y a concordance sur les résultats pratiques, le champ des motifs est libre et indéfini.
Soit effroi réel, soit calcul d’ambition, l’ancien parti thermidorien, avec Tallien son chef, revint presque à la Montagne, proposa de suspendre la Constitution, et d’exclure le tiers, librement choisi, qui l’avait été dans le sens des réactionnaires.
L’intelligence des grands hommes d’action est subordonnée à leur vouloir : dès qu’il y a urgence sur un point, elle s’y porte et y fond comme l’éclair : elle se garde d’ailleurs de distraire l’énergie par des perspectives de côté, réelles peut-être, mais intempestives.
Loève-Veimars annoncent une nature mobile, impressive, mordante, se piquant d’être légère, d’une ironie souvent factice, d’un enthousiasme parfois réel, quelque chose de M. de Stendhal, mais avec plus de pittoresque, et, malgré tout, de spiritualisme.
Au fond, et sous nos formes de polémique démocratique, nous étions évidemment préoccupés d’une économie politique plus réelle que l’ancienne, d’une constitution plus équitable de la propriété, d’un art nouveau, d’une religion inconnue.
Il y a là, continuellement, un choix de circonstances extérieures, toutes des plus naturelles et toutes singulièrement expressives, par lesquelles on se sent si bien enveloppé que l’on a, aussi intense que possible, l’impression de la vie réelle et cela, je le répète, sur une donnée exceptionnelle jusqu’à l’invraisemblance.
Dans son livre de la Taille réelle, un de ses meilleurs ouvrages, il tâcha de réduire en pratique son nouveau systême sur l’orthographe ; mais plus d’une personne se trouva fort embarrassée à la lecture.
On se contenta de l’envoyer au fort de Sainte-Marguerite, d’où il s’échappa, succès de plus, pour courir l’Europe et ajouter, il faut bien le dire, au train bruyant de sa renommée, la dignité de dangers réels et fréquents.
… Il fallait sa présence réelle, comme celle de Dieu !
C’est dans ces conseils à un jeune poète que Swift pose, toujours sans rire, la nécessité des bouts rimés pour que la poésie soit florissante, et demande une banque pour la poésie, la poésie étant, dit-il, d’autant de valeur et chose aussi réelle que nos fonds, puis une corporation de poètes, et enfin l’entretien d’un poète par famille, indépendamment du fou et du chapelain, qui ordinairement ne font qu’un.
Aussi sa gloire, sa gloire réelle, est bien moins de s’être élevé que de n’être jamais tombé.
… À quel fond de choses réelles vont ces vieilles rubriques usées comme pantoufles par les sophistes du temps, et qui sont chez M.
… Tu peux sans sortir du réel Dépasser ces sommets du globe et de l’histoire.
Que n’ai-je les vertus de l’ancienne magie Pour connaître où tu vis quand tu me fais mourir Mais, après tout, et malgré la mélancolie de la touche du poète, ces deux poèmes ne donnent pas la valeur réelle, et que la Critique doive mettre le plus en relief, du livre et du talent de M.
Ce qu’il y a de vrai et de réel dans cette conspiration de Rochereuil et de l’abbé Goujet, deux hommes qui ne sont pas sortis de cette injuste obscurité qui est souvent, hélas !
Nous avons prouvé que l’idée de l’égalité résulte logiquement des transformations réelles de nos sociétés ; ce n’est pas prouver du même coup qu’elle doit moralement les commander.
Nous retrouvons en Occident ce que l’Orient nous offrait, la transformation chrétienne s’appliquant à tout, à la poésie comme à la vie réelle.
Zola, qui vécut en Provence assez longtemps pour en connaître le grand soleil, admire cette reconstruction du vrai où la scène réelle se joue toute vibrante de l’originalité du romancier, ce don du style qui est Le sang même de l’œuvre et se confond avec le don de vie. […] Chez tous, se livre la même bataille entre les débris de ce qui fut la théorie romantique et les ardentes aspirations, sans ordre ni méthode, des générations jeunes, sincères dans leur passion pour le réel et le vrai et appelées à dégager un jour, après quelques luttes encore peut-être, la formule de la littérature de l’avenir. […] L’École appelle la Seine débordante pour balayer ces ordures, ces morceaux de vrai et de réel qui donnent des nausées. […] Pauvre Manet qui n’a tenu en main que la bannière du vrai et du réel, sans défaillir jamais que devant la mort, — cette Impitoyable, que ni talent ni génie n’arrêtent dans sa marche ! […] Cette persistance à faire du localisme envers et contre tous, cette opiniâtreté à s’attacher au réel, n’étaient pas, d’ailleurs, les seules maladresses par lesquelles ce contempteur de la gloire repoussait les douceurs de la popularité.
On ne sait si son œuvre nous intéresse plus par elle-même ou par les souvenirs qu’elle suscite ; mais le charme est réel. […] Qu’est-ce donc que le mystère du réel ? […] L’art, même naturaliste, est nécessairement une transformation du réel : de quel droit fixez-vous la limite qu’elle ne doit point dépasser ? […] Constance, je suppose, ne serait plus la créature gracieuse et seulement à demi réelle du conte italien : ce serait une « fille » et qui aurait quelque signe particulier. […] Presque tous les personnages s’enlaidissent ou s’assombrissent rien qu’en passant de l’atmosphère artificielle des vieux contes gaulois à la lumière crue du monde réel.
Sans doute, j’ai dû négliger quelques livres d’un réel intérêt : il est impossible de tout dire en une fois. […] La variété du réel fournit les points de comparaison et le recul qui font mieux apprécier la perfection. […] Ils ne s’adaptent peut-être si sagement au réel que faute d’un idéal un peu fier. […] Bergson sur « l’antinomie du réel et de la pensée logique ». […] De vives critiques et de mordantes railleries ne sont pas incompatibles avec une réelle admiration.
Si nous sommes encore quelques-uns qui louions à l’occasion l’ingéniosité, la fertilité de moyens, la très réelle habileté d’Eugène Scribe, combien sommes-nous ? […] Si la douleur est réelle, le plaisir ne l’est-il pas aussi ? […] La Béatrice de Dante est une personne réelle, que l’Alighieri a réellement aimée ; elle est aussi son inspiratrice ou sa Muse ; elle est encore la Science et la Philosophie. […] Mais non, si l’on peut lui montrer l’intérêt très réel qu’il a dans ces sortes de questions, et que cet intérêt même est moral ou social autant que littéraire. […] ou plutôt n’est-ce pas un drame qu’il a prétendu faire, un drame de la vie réelle, une vengeance de femme à laquelle il a cru nous intéresser ?