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1077. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Pourquoi la vieille critique est-elle morte ? […] L’homme passe et meurt ; l’ouvrage, s’il est bon, reste et vit. […] le Manfred de boulevard oublie la morte et devient vaudevilliste. […] Que faire d’une tragédienne, si la tragédie était morte ? […] Il faut que Marat meure.

1078. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Mais il faut compter avec l’accident qui laisse ou fait mourir le feu. […] Il mourut fou, comme Nietzsche, qui l’admirait d’avoir osé réduire la matière à une pure conception de l’esprit. […] Voilà des idées si en dehors de notre mentalité française, européenne même, que je ne puis m’empêcher, malicieusement, peut-être, de songer à la fille de Jephté, qui mourut enragée de mourir vierge. […] Mais la rivière qui meurt est tout de même éternelle comme la mer qui la reçoit dans ses abîmes. […] La plupart des insectes meurent après leurs brèves amours, mais de leur belle mort.

1079. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XX » pp. 84-86

» Ceci est assez bien dit, sauf l’emphase ; mais que penser, lorsque venant à parler de l’art chrétien, de l’art gothique, de la cathédrale où Goëthe vit surtout une morte imitation de la nature, une cristallisation infinie, et où Hugo vit surtout le lai]d et le diable, Michelet ajoute : « L'un et l’autre regarda le dehors plus que le dedans, tel résultat plus que la cause.

1080. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Le gallicanisme est une chose tellement mourante et morte en France, que nos évêques et archevêques, qui étaient les gardiens et défenseurs perpétuels de cette Église gallicane, vont les premiers sollicitant le pape de les autoriser à introduire dans leurs diocèses le bréviaire romain et la liturgie romaine au lieu des vieilles coutumes et réformes un peu dissidentes et appropriées qui marquaient l’originalité traditionnelle et nationale (voir dans les Débats des 3 et 4 août la lettre du pape à l’archevêque de Reims, et la réflexion très-juste des Débats le lendemain).

1081. (1874) Premiers lundis. Tome II « De l’expédition d’Afrique en 1830. Par M. E. d’Ault-Dumesnil, ex-officier d’ordonnance de M. de Bourmont. »

M. d’Ault-Dumesnil, attaché au général en chef par sa position et aussi par les sentiments de confraternité qui l’unissaient à ses fils, à celui qui mourut en Afrique en particulier, indépendant d’ailleurs d’esprit et de caractère, a été, dès le premier jour, à même d’observer l’expédition par le centre et du côté intérieur et dirigeant.

1082. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Que ne laisse-t-il toujours son cœur souffrir simplement, sincèrement, comme il fit une fois sur la Jolie Morte ?

1083. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Samain, Albert (1858-1900) »

Un fort, parce que, pouvant acquérir de bonne heure, en publiant plusieurs milliers de très beaux vers qu’il cache, la réputation d’un bon poète, il a eu le courage de les rejeter de son œuvre et d’attendre qu’il se fût dégagé des influences directes… Âme extraordinairement vibrante, exquise voyageuse qui s’envole, frêle et rapide, vers les solitudes de l’éther, et, parvenue aux confins dont elle a l’éternelle nostalgie, défaillante à mourir devant l’atmosphère si rare, se grise et se pâme à ouïr des chants et des musiques que nul n’entendit.

1084. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 58-61

Cette monstrueuse Histoire ne peut être partie que du cerveau exalté de quelque Philosophe archimaniaque, obstiné à mourir au milieu des accès de sa phrénésie.

1085. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Jourdain à tourner en plusieurs manieres le compliment à la Marquise : Belle Marquise, vos beaux yeux me font mourir d'amour.

1086. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

Quitter les campagnes des mânes heureux pour revenir dans ce monde, c’était passer d’un état parfait à un état qui l’était moins ; c’était rentrer dans le cercle, renaître pour mourir, voir ce qu’on avait vu.

1087. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Il vécut vieux, et, après avoir passé sa jeunesse à Tyr, il mourut dans l’île de Cos. […] O amoureuse Abeille, tu peux t’en retourner : il y a longtemps que nous savons ton message. » Héliodora meurt, elle meurt jeune, et Méléagre exhale ses regrets dans une pièce toute pleine de sanglots, qui ne se peut reproduire ici que bien faiblement. […] Mais je te supplie à genoux, ô Terre, notre nourrice à tous, d’embrasser dans ton sein, ô mère, d’embrasser doucement cette morte tant pleurée. » Cette pièce, après la mort d’une amante, m’a involontairement rappelé les suprêmes sonnets de Pétrarque, de qui la pensée m’est encore revenue plus d’une fois en lisant Méléagre.

1088. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Je me disais qu’après une vie agitée et peut-être avant les orages et les mécomptes de cette vie, il serait doux d’avoir son tombeau sous ces orangers, d’y dormir ou d’y rêver, car l’homme est si essentiellement un être pensant qu’il ne peut croire au sommeil sans rêve, même de la tombe ; j’y écoutais mourir le sourd murmure de la grande ville qui s’assoupissait à mes pieds, semblable au bruit d’une mer qui diminue à mesure qu’on s’élève sur le promontoire ; j’y regardais les derniers rayons du soleil, dorant comme des phares les pans de murailles jaunies du Colisée. […] malheureux, je suivis comme Ascagne ou Camille, d’un pas chancelant, mon père errant sur la terre. » L’infortuné père, en recevant son fils Torquato à Rome et en achevant son éducation, ne put jamais obtenir que les portes du couvent s’ouvrissent, à Naples, pour sa chère Porcia ; elle mourut soudainement à Naples, soit de ses angoisses, soit du poison préparé par ses proches, qui craignaient qu’elle ne revendiquât un jour ses biens retenus par eux. […] « Assister un pauvre gentilhomme qui, sans aucun tort de sa part et pour demeurer, au contraire, fidèle à l’honneur, est tombé dans le malheur et dans l’indigence, est le privilège d’un esprit noble et magnanime tel que le vôtre ; et sans cette assistance, Madame, mon pauvre vieux père mourra bientôt de désespoir, et vous perdrez en lui un de vos admirateurs les plus affectionnés et les plus dévoués. […] « Je suis toujours très fâché de mourir sans vous avoir vu. » XIX Ce jugement du meilleur juge en imagination et en légèreté de main dans les rythmes atteste assez la prodigieuse difficulté que le Tasse abordait en s’exposant lui-même à la comparaison avec l’Arioste, son maître.

1089. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Un jeune Asturien de dix-neuf ans, le plus jeune des passagers, mourut, et sa mort impressionna péniblement Humboldt à cause des circonstances qui avaient motivé le voyage ; le jeune homme allait chercher fortune, pour soutenir une mère chérie qui attendait son retour. […] Je ne le revis plus ; il fut nommé ambassadeur à Londres, puis au congrès de Vienne, et mourut peu d’années après à Tégel, où il avait passé son enfance. […] Guillaume mourut, heureux de mourir pour rejoindre ce qu’il avait aimé.

1090. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

L’opinion publique, cette atmosphère, cette aura dont vivent et meurent les gouvernements, y naquit pour devenir peu à peu la véritable souveraineté nationale ; les fauteuils furent des tribunes, les causeurs des orateurs, les causeries des harangues. […] La séparation même ne dura pas jusqu’à la mort ; le baron de Staël revint, après la révolution française, mourir entre les soins de sa femme et les respects de ses enfants. […] Elle se convainquit enfin qu’on lui présentait les restes défigurés de celle qui mourut victime de son attachement pour elle. […] vous qui vîtes devant vous votre malheureuse reine prête à mourir de désespoir, saviez-vous alors tout ce qu’elle devait souffrir ?

1091. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Racine était fort jeune : après avoir failli mourir d’ennui chez son oncle le chanoine, il jetait sa gourme, il éclatait. […] Pour Hermione, Roxane, Ériphile, Phèdre, elles aiment, elles souffrent, elles s’expriment comme des anges, elles sont prêtes à mourir : comment ne les aimerait-on pas ? […] Sauf chez Camille (qui d’ailleurs est tout d’une pièce n’est point assez femme), nulle part avant Racine nous ne voyons l’amour-fureur, l’amour-possession, l’amour-maladie, qui pousse fatalement ses victimes au meurtre et au suicide, et cela au travers d’un flux et d’un reflux de pensées contraires, par des alternatives d’espoir, de crainte, de colère, et des raffinements douloureux de sensibilité, des ironies, des clairvoyances soudaines, puis des abandons furieux à la passion fatale, un art merveilleux à se faire souffrir, des sentiments de la dernière violence s’exprimant dans un langage d’une simplicité et d’une harmonie exquises — au point qu’on ne sait si l’on a peur de ces femmes ou si on les adore, et qu’on voudrait mourir avec elles et pour elles. […] Et il n’est pas non plus dans les coups de poignard. « Ce n’est pas une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie73. » Titus et Bérénice, qui ne meurent ni ne sont tués, souffrent autant que les autres héros tragiques.

1092. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

. — Amestris, la veuve de Xerxès, vieille et craignant de mourir, fait enterrer vifs quatorze enfants de race noble, « afin de racheter son salut du Dieu qui règne sous la terre ». […] Statira meurt dans des convulsions. […] Il y a de la cendre mêlée à ses paroles, l’amère poussière que recèlent, comme les fruits de la Mer Morte biblique, les grenades qui croissent dans les jardins de l’Hadès. […] » Et Xerxès répond, en se frappant la poitrine. — « Je les ai laissés morts, précipités de leurs vaisseaux tyriens, sur l’âpre plage de Salamine. » — La confession se poursuit, l’examen de la conscience royale se déroule ; l’armée morte défile devant le roi, survivant, et chaque chef rappelé semble lui jeter son sang au passage. — « Hélas !

1093. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Pollux le lexicographe affirme qu’en voyant ces faces à serpents et ces torches secouées, il y avait des enfants qui étaient pris d’épilepsie et qui mouraient. […] Enfin, il fut traduit devant l’aréopage, et, selon Suidas, parce que le théâtre s’était écroulé pendant une de ses pièces, selon Elien, parce qu’il avait blasphémé, ou, ce qui est la même chose, raconté les arcanes d’Eleusis, il fut exilé, il mourut en exil. […] Il avait eu raison, le grand homme insulté, d’écrire sur ses poëmes cette fière et sombre dédicace : Au temps De son blasphème, il n’en fut plus question ; ce blasphème l’avait fait mourir en exil, c’était bien, c’était assez ; il fut comme non avenu. […] Avant lui, oui, ceci était possible, un chef-d’œuvre mourait.

1094. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Dans un temps où la littérature indiscrète a raconté au public les mœurs de la vie de bohème, les aventures de la baronne d’Ange et celles de Marguerite Gautier, il est venu après les amusants conteurs dire à son tour l’idylle à travers champs, l’églogue à côté d’une bête morte, le boudoir de la courtisane assassinée, et personne ne viendra plus après lui Il a écrit la vérité dernière. […] Les amants meurent au milieu des fleurs, le sourire aux lèvres, l’éclair prophétique dans les yeux, bercés sur l’aile de l’ange des dernières amours. […] Baudelaire, cette poésie sinistre et violente, déchirante et meurtrière dont rien n’approche dans les plus noirs ouvrages de ce temps qui se sent mourir. […] Disons-le franchement, depuis Louis XIV la poésie française se meurt de correction 2.

1095. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

La chanson enflammait nos aïeux dans leurs combats, elle les servait dans leurs amours, les consolait dans leurs disgrâces, les égayait sous le chaume et même dans les palais… Ce ne seront jamais les amours ni les combats qui nous manqueront ; le frais laurier de la chanson ne peut pas vieillir ni mourir sur la terre de France. […] Honneur donc aux poètes dont les accents mâles et sévères ne provoquent point ces applaudissements efféminés, ces triomphes sans conséquence, qui s’éteignent et meurent avec les flambeaux d’une fête ! […] Songez que vous parlez à ce peuple français, le premier peuple du monde, parce qu’il est le plus chevaleresque et en même temps le plus philosophique ; à ce peuple changeant il est vrai, parce qu’il est étonnamment impressible, mais qui sait souffrir et mourir pour une doctrine, qui fait la guerre pour le triomphe d’une idée, et dont les fureurs même ont été commises au nom d’un principe. […] Certes, elle est tombée de bien haut : ne nous étonnons pas si elle en meurt.

1096. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Le siècle meurt et meurt, et tu renais toujours ! […] … Tempête où le jour brille et meurt avec l’éclair ! […] Il mourut le 17 septembre 1863, à Paris. […] Ils meurent sans plainte (La Mort du loup). […] La chouette morte, clouée à une porte, songe au Christ crucifié aussi par les hommes.

1097. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Très peu résignée à mourir une bonne fois, elle ne voulait pas du tout mourir en détail.

1098. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Géographie sacrée des Hébreux, géographie maritime des Phéniciens, géographie d’Alexandre qui efface les limites sous les pas de ses Grecs et de ses phalanges, de ses Ptolémée ; géographie des Romains, qui font l’Europe et qui refont une Afrique et une Asie Mineure avec Strabon ; géographie de Charlemagne, qui refait la moitié du globe chrétien avec les décombres du paganisme ; géographie de l’Angleterre, qui fait une monarchie navale et commerciale avec les pavillons de ses vaisseaux ; géographie de Napoléon, qui promène ses bataillons de Memphis à Madrid et à Moscou, conquérant tout sans rien retenir, et qui, de cette géographie napoléonienne de la conquête sans but, ne conserve pas même une île (Sainte-Hélène) pour mourir chez lui, après tant d’empires parcourus, en ne laissant partout que des traces de sang français versé pour la gloire ; géographie actuelle, qui se limite par l’équilibre des droits et des intérêts, qui élève contre l’ambition d’un seul la résistance pacifique de tous, et qui ne se dérange un moment par une ou deux batailles que pour se rétablir bien vite par la réaction naturelle de la liberté et de la paix. […] Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été !

1099. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Il lui apporte et lui remet une cassette et une lettre que Flavio lui a confiées avant de mourir. […] Flaminia, que le récit de Flavio a plongée dans le désespoir, veut tuer le traître ; après quoi, elle ira mourir sur le tombeau de son époux.

1100. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Le noir vit et dans le gaulis erre, Si rempli de douleurs que nul ne le rêva, Un inouï soupir ; et d’une voix qu’on n’a Que lorsqu’on va mourir, quelqu’un se désespère : « Un de plus, un de plus, un de plus qui s’en va ! […] Le Cardonnel ne se fit pas prier et nous régala de plusieurs poèmes où s’affirmait déjà sa maîtrise ; celui-ci, entre autres, d’une impression intense et neuve, d’une langue délayée, sans arêtes, aux contours imprécis comme un brouillard de rêve : VILLE MORTE Lentement, sourdement, des vêpres sonnent Dans la grand’paix de cette vague ville ; Des arbres gris sur la place frissonnent, Comme inquiets de ces vêpres qui sonnent.

1101. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais ceux-là meurent tout entiers ; ils n’ont pas leur place dans cette grande tapisserie historique que l’humanité tisse et laisse se défiler derrière elle : ce sont les flots bruyants qui murmurent sous les roues du pyroscaphe dans sa course, mais se taisent derrière lui. […] L’état de l’humanité ne sera jamais si désespéré que nous ne puissions dire : « Bien des fois déjà on l’a crue morte ; la pierre du tombeau semblait à jamais scellée, et, le troisième jour, elle est ressuscitée ! 

1102. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

L’animal ne fut plus qu’un édifice aux formes diverses construit en grande partie avec de la substance morte pour abriter la vie multiple des cellules. […] Ayant procuré le bénéfice qu’elles étaient aptes à procurer, elles s’affaiblissent et meurent parmi les groupes sociaux où elles ont accompli leur office.

1103. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Laide d’abord, belle ensuite, elle est l’attirante… Et c’est ainsi que Magnus, l’homme — la Beauté, la Perfection, la Vie — tombe à ses pieds, tranché par son coup de faulx, après avoir donné tous les baisers d’amour à sa vierge aimée, à Divine, pâle fleur de lis qui meurt, elle aussi, peut-être parce qu’elle ressemblait trop à l’Aurore ! […] Je me ferai ton ange ou me ferai ta chienne,                          Et, tienne, Je consens à souffrir et consens à mourir Dans l’holocauste heureux de mon être asservi, Si la souffrance de mon âme doit t’orner de joie, Si la mort de ma chair doit te garder la vie !

1104. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

— ou que la Portinari ne fût pas morte à douze ans, mais qu’elle eût vécu sur le cœur du Dante, — et supposez qu’on vînt vous dire, tout à coup, ce matin, que toutes les deux ont écrit, — l’une sur Pétrarque, l’autre sur Dante, — avec quelle violence d’intérêt ne vous jetteriez-vous pas sur le livre qu’elles auraient laissé ! […] Elles y étaient encore à l’heure de mourir, quand mêlant l’enfantillage à l’héroïsme, il se fit faire, avant de partir pour la Grèce, ce beau casque d’or, de forme homérique, dont il aimait à parer son front devant le miroir de la Guiccioli, avec des coquetteries et des fatuités de Sardanapale… Ce fut peut-être la conscience obscure de ce qu’il était, qui lui inspira d’intituler Childe-Harold le poëme qui commença sa gloire.

1105. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

L’autorité paternelle, en laquelle nous avons cru pendant des siècles, parce que nous acceptions, comme un fait qui vivait, la lettre morte d’une législation dépassée par les progressistes chinois, l’autorité paternelle, que Huc nous montre, comme le reste de cet empire, qui s’évapore en formules, ne reprendra pas le sceptre domestique échappé de ses mains. […] Il a celui-là qui, luxe inutile pour les individus comme pour les peuples, orne la vie, mais n’est pas la vie, et qui n’empêche pas de mourir !

1106. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

Il faut bien qu’on le sache, le catholicisme était alors la société même, une société armée, vivante et qui, comme toute société vigoureuse, comme tout être vivant et normal ne voulait pas être blessée, et se sentait une vie trop puissante pour se résigner à mourir. […] À la mort de la duchesse de Beaufort, qu’il allait épouser quand elle mourut, le duc de Retz lui dit en riant qu’il était bien heureux, et que Dieu lui avait fait une fière grâce par cette mort, en lui épargnant une grande sottise, il en convint et se consola si bien qu’en trois semaines Mlle d’Entragues, une gaîté de femme !

1107. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Ouvrez au hasard ce charmant petit livre, à l’encre rouge, et voyez si à toute page vous ne trouvez pas cet amour sensuel de la forme, cette exagération violente du pittoresque, ce mépris du bourgeois qui appartient à Gautier comme le mépris du philistin appartient à Heine, ce mutisme religieux, cette sombre et voluptueuse étreinte des choses finies, cette conception brute et blême de l’amour sans idéal et de la mort sans immortalité, et enfin, pour parachever le tout, l’éternelle assomption des Clorindes du bal Mabille et de la Maison-d’Or, qui meurent, dit le poète (dans Les Vignes du Seigneur) : L’estomac ruiné de champagne Et le cœur abîmé d’amour ! […] Dans une introduction d’un ton leste et incisif, l’auteur de Monsieur de Cupidon nous fait la biographie assez mystérieuse d’un sien oncle fort original, qui avait connu toutes les célébrités de son époque, et qui mourut en lui laissant pour héritage tout un vaste système de métempsycose appliquée.

1108. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Terrassée par la lâcheté de l’homme qu’elle aime, madame Bovary est sur le point de mourir d’une fièvre cérébrale, causée par l’abandon, le chagrin, la déception, la honte. […] Elle emprunte, en effet, elle dépense, elle prend à usure, elle abuse de la procuration que la confiance de Bovary a mise entre ses mains, et lorsque tout est mangé, dévoré, englouti, qu’il n’y a plus de ressources, que les meubles de l’officier de santé sont saisis, elle se glisse furtivement chez le pharmacien, y avale de l’arsenic à poignées et meurt ; heureusement, faut-il dire, car si elle ne s’empoisonnait pas ce jour-là, un autre jour elle aurait peut-être empoisonné son mari, comme madame Lafarge.

1109. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Afin de mieux fuir cette démocratie dévorante qui s’étend sur le monde comme le cancer dont il doit mourir, on se réfugie et on se calfeutre dans l’aristocratie des exceptions humaines. […] Qu’il nous donne donc de l’histoire, mais de l’histoire vivante, et non plus de l’histoire morte, de l’histoire cadavre, que toutes les académies du monde qui se croient des thaumaturges ne sont pas capables de ressusciter ; qu’il nous peigne les figures historiques qu’il rencontre et qu’il juge à travers sa diplomatie.

1110. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXIII » pp. 244-246

— L'auteur du recueil des Chants populaires de la Grèce moderne et de l’histoire de la Gaule méridionale, Fauriel, vient de mourir.

1111. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

Les poésies célèbres de Baudelaire ne sont que l’expression des sens révoltés qui se tordent dans l’épuisement et la fureur de leur impuissance, serpents de Laocoon qui n’ont plus à étreindre que le fumier sur lequel ils meurent.

1112. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villeroy, Auguste »

Et tandis que tous, peuple, Sénat, armée, se précipitent avec joie vers les vainqueurs, l’empereur et sa fille se frappent et meurent, libres encore, et léguant aux Barbares l’exemple d’êtres qui, jusqu’au bout, ont eu foi en une idée, et qui n’ont voulu se soumettre à aucun esclavage.

1113. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Mourons donc, puisqu’enfin, dans l’état où je suis, La mort est l’espoir seul qui reste à mes ennuis.

1114. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

FAYETTE, [Marie-Madelaine Pioche de La Vergne, Comtesse de la] née en 1633, morte en 1693.

1115. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 507-511

Il fut toujours aussi fidele à ses devoirs, que zélé pour la gloire de la Réligion, & mourut dans des sentimens dignes des Ouvrages qu’il avoit publiés pour la défendre.

1116. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

— « Le marabout, reprit Yamadou, a dit que, par la vertu du talisman, je mourrai demain pour le salut de ma race.

1117. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré (sans parler d’une sœur morte en bas âge) avait un frère plus jeune, employé, homme instruit, distingué, qui mourut en 1838 ; mais, par une variété ordinaire dans cet ordre physiologique si complexe et si mobile, il ne portait point, je l’ai dit, l’empreinte des mœurs domestiques comme son aîné. […] Mais en 1827, son père meurt ; il reste avec sa mère et son frère sans fortune, sans ressources. […] Ilperdit son frère, homme d’esprit et de goût, et qui périt pour s’être livré avec trop d’imprudence à des études d’anatomie : comme Bichat, il mourut des suites de cette sorte d’empoisonnement cadavérique. […] Par-delà ce ruban dont la blanche lumière, À peine descendant jusque sur notre terre, Vient mourir à nos yeux, Sont encor des soleils, étoiles inconnues, Qui, voilés à jamais, de leurs clartés perdues, N’atteignent pas nos cieux !

1118. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Son père mourut avant l’âge ; le jeune homme se hâta de revenir à la maison pour aider sa mère et son frère à gouverner les étables, à faire les huiles et à cultiver les champs. […] — Elle est morte ! […] je vais mourir ! […] Nous en étions, s’il m’en souvient, à l’endroit où elle dit que dans le cloître elle va se jeter, et où l’ardent chasseur répond qu’il y entrera comme confesseur… Mais de nouveau voyez l’obstacle qu’elle oppose. » — « Si du couvent tu passes les portes, tu trouveras toutes les nonnes autour de moi errantes, car en suaire tu me verras. » « Ô Magali, si tu te fais la pauvre morte, adoncques je me ferai la terre ; là je t’aurai. » — « Maintenant je commence enfin à croire que tu ne me parles pas en riant. […] On sait que l’aloès ne fleurit que tous les vingt-cinq ans et qu’il meurt après avoir répandu dans un effort suprême son âme embaumée dans les airs ; il y en avait un dans ce petit jardin dont on attendait la floraison d’un moment à l’autre.

1119. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

L’auteur de ces oracles meurt sans avoir atteint la grande célébrité européenne ; un silence de quelques années se fait sur sa tombe ; mais tout à coup un des deux partis d’idées en lutte dans le monde intellectuel, religieux, politique, éprouve le besoin de confondre, d’éblouir, de foudroyer le parti contraire par l’éclat d’un génie solidaire qui lui prête un style, des armes, des idées et de l’audace contre ses adversaires. […] Il mourut le plus honnête et le plus éloquent des hommes de parti, au lieu de vivre et de mourir le plus honnête et le plus éloquent des philosophes chrétiens. […] que de petits hommes et de petites choses, je me disais : “Suis-je donc condamné à vivre et à mourir ici comme une huître attachée à son rocher ? […] Un seul ami présent mourait de peur que l’un des deux interlocuteurs ne jetât l’autre hors des gonds ; mais je m’étais promis à moi-même de ne pas gâter l’affaire, et, pourvu que l’un des deux ait fait ce vœu, c’est assez.

1120. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

La fille de notre roi, lui racontent-ils, accusée justement ou injustement d’un commerce clandestin avec un étranger, est condamnée par la loi sévère du pays à mourir, à moins que, dans l’espace d’un mois entre le crime et le supplice, un chevalier secourable et vainqueur ne vienne, les armes à la main, prendre sa défense et faire mentir son accusateur. […] Renaud descend de son cheval, délace la cuirasse et le casque de Polinesso, qui confesse son subterfuge et son mensonge devant le roi et devant le peuple ; le scélérat meurt en rendant l’innocence et la vie à Ginevra. […] On prie le chevalier inconnu qui n’a pas eu la gloire, mais le mérite de prendre la cause de Ginevra, de se découvrir : son casque, qui tombe, laisse reconnaître Ariodant, l’amant de Ginevra ; tout en la croyant coupable, il avait voulu vaincre pour elle ou mourir pour elle. Il s’était, en effet, précipité de désespoir du haut d’un rocher dans la mer, et le pèlerin auteur de cette rumeur n’avait pas menti ; mais il s’était repenti de mourir sans que sa mort fût au moins utile à sa maîtresse, quoique infidèle, et il avait regagné la rive à la nage. […] Une fille de roi, aimée d’un paladin de la cour de son père ; une amitié tendre entre cette princesse et sa suivante, devenue en grandissant avec elle son amie ; la séduction de cette Olinde par un débauché qui abuse de son innocence, cette ruse infernale de l’échange des vêtements sur le balcon, qui donne l’apparence du crime à l’innocence endormie ; le désespoir de ce fidèle amant, témoin de la fausse infidélité de celle qu’il respecte et qu’il adore, le silence qu’il s’impose, et la mort qu’il essaye de se donner pour ne pas flétrir celle qui lui perce le cœur ; ce Renaud, étranger à tous ces intérêts d’innocence, d’amour ou de crime, qui vient, par le pieux culte de la femme et de la justice, se jeter l’épée à la main dans cette mêlée comme la Providence ; ce vieux roi, qui pleure sa fille et qui la livre à sa condamnation à mort par respect pour les mœurs féroces de son peuple ; cet Ariodant, qui se revêt chez l’ermite de son armure de deuil, et qui va combattre masqué contre son propre frère pour le salut de celle dont le crime apparent le fait mourir deux fois ; ce repentir et cette confidence de la suivante Olinde dans la forêt, retrouvée comme la vérité au fond du sépulcre ; ce Renaud, qui interrompt heureusement le combat fratricide entre Ariodant et Lurcin, qui tue Polinesso et qui lui arrache la confession de l’amour de Ginevra ; ces deux amants qui se retrouvent, l’une dans son innocence, l’autre dans son dévouement, et qui s’unissent dans les bras du vieux roi aux acclamations du peuple !

1121. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

On sait avec quelle ivresse Alfieri parle de cette période dans l’histoire de sa vie ; on se rappelle sa douleur quand la comtesse, encore soigneuse de sa renommée, revient passer l’hiver dans les États du pape, s’établit à Bologne, et oblige son compagnon à choisir une autre résidence ; on se rappelle aussi ses transports au moment où le mois d’août, trois ans de suite, le ramène à Colmar ; on se rappelle ces explosions d’enthousiasme, ce réveil d’activité poétique, cette soif de gloire qui le tourmente, sa joie de faire imprimer ses œuvres à Kehl dans l’admirable imprimerie de Beaumarchais ; puis ses deux voyages à Paris, son installation avec la comtesse dans une maison solitaire, tout près de la campagne, à l’extrémité de la rue du Montparnasse, et tous les soucis que lui donne la publication de ses œuvres complètes chez Didot l’aîné, « artiste passionné pour son art. » Tous ces détails sont racontés dans l’autobiographie du poète, nous n’avons pas à y revenir ici ; mais ce qu’Alfieri ne pouvait pas dire, et ce qui est pourtant un épisode essentiel de cette histoire, ce sont les dernières années de Charles-Édouard, ces années d’abandon et de malheur pendant lesquelles le triste vieillard, si longtemps dégradé, se relève enfin, et retrouve à sa dernière heure une certaine dignité vraiment noble et touchante. » III L’infortuné Charles-Édouard éprouva avant de mourir une consolation inattendue. […] Revenu à Rome, dans le palais de son enfance, il y mourut en 1788, et fut enseveli à Frascati, dans la cathédrale du cardinal d’York, son frère. […] Ma petite vanité eut alors de quoi se trouver satisfaite, car on distingua surtout mes beaux chevaux anglais qui l’emportaient en force, en beauté, sur tous ceux qu’on avait pu voir en pareille rencontre ; mais, au milieu d’une jouissance si puérile et si trompeuse, je vis, à mon grand désespoir, que dans cette Italie morte et corrompue il était plus facile de se faire remarquer par des chevaux que par des tragédies. […] « Avec tout cela, écrit-il, inébranlable dans ma conviction du beau et du vrai, j’aime mieux (et je saisis toutes les occasions de renouveler à cet égard ma profession de foi), j’aime beaucoup mieux encore écrire dans une langue presque morte et pour un peuple mort, et me voir enseveli moi-même de mon vivant, que d’écrire dans ces langues sourdes et muettes, le français ou l’anglais, quoique leurs armées et leurs canons les mettent à la mode ; plutôt mille fois des vers italiens, pour peu qu’ils soient bien tournés, même à la condition de les voir pour un temps ignorés, méprisés, non compris, que des vers français ou anglais, ou dans tout autre jargon en crédit, lors même que, lus aussitôt par tout le monde, ils pourraient m’attirer les applaudissements et l’admiration de tous. […] « Je pris donc toutes mes mesures pour vivre sans tache, libre et respecté, ou, s’il le fallait, pour mourir, mais en me vengeant.

1122. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Depuis l’ami de l’homme, le chien, avec lequel nous avons passé une partie essentielle de l’espace de temps qui nous a été assigné dans la vie, et dont aucune pensée ne nous est mystère, jusqu’au chat mélancolique qui s’attache à la femme et qui meurt quand elle meurt, jusqu’à la cigogne dont le père, la mère et les petits semblent descendre du ciel pour nous donner l’idée et le modèle des trois amours de la vie de famille, jusqu’à l’innocente brebis, ce champ ambulant et fertile qui nous livre avec son lait la tiède toison qui nous abrite l’hiver, jusqu’à l’éléphant, militaire et politique, qui combat pour nous et qui se soumet aux lois volontaires de la discipline pour honorer les rois ou les chefs armés des nations, nous aurions passé en revue ce monde animé et inférieur créé pour nous aimer et nous aider ; nous aurions cherché et trouvé dans leurs instincts les plus secrets les mystères de leurs mœurs, et, disons le mot, de leurs vertus. […] Pouvons-nous douter, quand le chien de l’infirme, du blessé, du noyé, du misérable, meurt volontairement pour son maître, qu’un pressentiment ne lui donne la foi dans la récompense que la nature prépare à son dévouement ? […] À cette stupidité il reconnut les successeurs d’Anytus, et il sentit qu’il fallait mourir. — Il mourut, les uns disent de sa propre main, les autres par la violence de ses ennemis.

1123. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Beaucoup de gens croyant qu’il s’était tué, Bouilly avait fait tout exprès une pièce où il mourait chez lui, sa croisée ouverte, en s’écriant : « Que la nature est belle ! […] Je meurs dans ses bras. » Dans une scène, on le voyait rentrant de la promenade, des plantes dans une main, et, dans l’autre, un nid de fauvettes, « qu’il confiait aux soins de sa femme, pour les rendre à la liberté sitôt qu’elles auraient des ailes. » Une autre scène le montrait causant avec le menuisier du village de quelques réparations à faire « dans sa modeste demeure. » Dans une troisième, un créancier auquel il devait cent écus le menaçait de saisir ses meubles ; le libraire Rey lui envoyait cent écus avec lesquels il payait le créancier. […] Confessions : « La vie m’était en horreur ; je ne voulais pas vivre, réduit à la moitié de moi-même ; et peut-être craignais-je de mourir, de peur qu’avec moi ne mourût tout entier celui que j’avais tant aimé108. » Plus tard, dans ses Rétractations, revenant sur ce passage : « C’est plutôt une légère déclamation, dit-il, qu’une confession sérieuse109. » La phrase sent en effet la subtilité. […] Il passe dix heures de la nuit devant son bureau, pendant les hivers les plus rudes, alors que les marins sont glacés à en mourir. » D’autres l’avaient remarqué avant Hume.

1124. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Or, la loi leur commande de ne reculer devant aucune multitude et de vaincre ou de mourir dans les rangs. » Xerxès rit de cette idée folle : au compte de Démarate, un Grec pourrait tenir tête à dix mille Perses et deux à vingt mille ! […] » dirent-ils, prosternés sur le pavé de la crypte, « fais-nous une réponse meilleure, sinon nous ne quitterons plus ton sanctuaire, mais nous y resterons et nous y mourrons. » Cette fois, la Pythie s’adoucit sans se rétracter ; elle commua son arrêt de mort en énigme, un vague regard de pitié passa sur les yeux funestes du « Loucheur », comme on appelait l’Apollon delphique — « Athéné ne peut fléchir Zeus Olympien, — qu’elle supplie par de nombreux discours, de prudents conseils. — Mais je te donnerai cette assurance solide comme le diamant. — Quand tout sera subjugué dans la terre de Cécrops, — y compris les cavernes du divin Cithéron, — Zeus accorde à Athéné que des murs de bois — seront seuls imprenables. […] Le jour même du combat d’Artémision, Léonidas mourait aux Thermopyles avec les Trois-Cents. […] Quelques Thespiens furent seuls jugés dignes de rester et de mourir dans leurs rangs. […] Mors ils tirèrent leurs glaives et se remirent à tuer en continuant à mourir, avec la rage froide du désespoir accepté.

1125. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Année 1874 1er janvier 1874 Je jette dans le feu l’almanach de l’année passée, et les pieds sur les chenets, je vois noircir, puis mourir dans le voltigement de petites langues de feu, toute cette longue série de jours gris, dépossédés de bonheur, de rêves d’ambition, — de jours amusés de petites choses bêtes. […] Malheureusement, au bout de quelques années de ce régime, l’estomac et les entrailles de ce mangeur spiritualiste, se resserrèrent de telle sorte, qu’il manqua mourir. […] C’est, comme si j’allais en un rêve, conduit par mon frère sur une eau morte, dans un paysage de l’autre monde. […] Ces impressions, je les éprouve au milieu d’un grand vent d’automne, et des grondements d’une meute, qui digère, colère, les quatre membres d’une pauvre vache, morte d’une péritonite. […] Puis sa parole meurt, et sa figure s’assombrit dans une moue mélancolique, dont il est très difficile au partant de n’être pas touché.

1126. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Je la vois encore quelques heures avant sa mort, à l’hospice Dubois, sachant qu’elle allait mourir, et préoccupée seulement de l’idée, que la visite que ma mère lui faisait, allait la faire dîner une demi-heure plus tard. […] Tant pis, je l’aime cette vérité, et j’aime à la dire, ainsi que c’est permis de son vivant, à la dose d’un granule homéopathique… et oui, pour cette vérité telle quelle, s’il le faut, je saurais mourir, comme d’autres meurent pour une patrie… Puis vraiment, est-ce que nos illustres, nos académiciens, nos membres de l’Institut se figurent passer à la postérité, comme de petits bons dieux en chambre, sans alliage d’humanité aucune… Allons donc, ces hypocrisies de la convention, tous ces mensonges seront percés un jour, un peu plus tôt, un peu plus tard. […] Il aimait beaucoup sa mère, et quand sa mère vint à mourir, il eut l’idée de forger, pour mettre sur sa tombe, un petit saule pleureur. […] Or, un jour qu’ils faisaient une grande course aux environs de Meudon, Bataille se laissait aller à lui dire, que son père était un alcoolique, qui s’était noyé dans une mare de purin, et lui demandait qu’il l’empêchât de boire, parce qu’il sentait qu’il mourrait dans de la m… Et pendant qu’il lui faisait ses confidences sur ses commencements de déraison, avec sur la tête un des trois chapeaux verts, l’oiseau du chapeau était si comiquement placé, et le faisait si macabrement drolatique, que Daudet partait d’un éclat de rire nerveux, qu’il ne pouvait arrêter.

1127. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Celui de Job s’aggrave ; il tombe malade et languit sur sa litière comme un animal immonde, objet de dégoût même pour sa femme. « Mourez donc !  […] « Vous êtes des insensés », dit-il ; « pourquoi mourir ? […] Maintenant dans l’oubli je dormirais encore,         Et j’achèverais mon sommeil Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore, Avec ces conquérants que la terre dévore, Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore,         Et qui n’a pas vu le soleil. […] Parmi les hommes, les uns meurent pleins de jours, riches et heureux, les autres dans l’amertume de leur âme, sans avoir goûté aucun bien ; et cependant tous dorment ensuite également dans la poussière, et les vers rampent également sur leurs cadavres !  […] « Et je me disais : Je mourrai dans mon petit nid comme le passereau, et mes jours seront, avant ma mort, aussi nombreux et aussi féconds que les rameaux du palmier.

1128. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Béatrice mourut dans la fleur de sa beauté, à vingt-cinq ans. […] On trouve la peine trop faible pour ses prétendus crimes ; un second jugement populaire le condamne à mourir par le feu ! […] Enfin, l’empereur étant mort avant d’avoir vengé le poète, Dante vient à Paris, retourne en Italie, et se fixe enfin pour mourir à Ravenne. […] Le poète qui allait venir avait donc sa place marquée dans le temps. » « Être conçu dans l’exil et y mourir », ajoute Ozanam, « remplir de hautes magistratures et subir les dernières infortunes, ce destin a été celui de beaucoup d’autres ; mais d’autres circonstances avaient ménagé à Dante une autre vie que la vie publique, une vie de cœur dont il faut, pour le comprendre, pénétrer les mystères. […] Vous avez donné quarante ans de vie à une créature qui est arrivée sur la terre maladive, frêle, destinée à mourir dix fois sans les tendresses d’un père et d’une mère qui l’avaient seuls sauvée.

1129. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Aujourd’hui même, indépendamment de toute intervention humaine, plusieurs sont en train de mourir. […] Elles tomberont d’elles-mêmes, comme une feuille morte ou mourante qui ne tire plus rien du tronc qui l’a nourrie. » Ce que M.  […] Ainsi toute nation, eût-elle échappé aux causes extérieures de destruction, est condamnée à mourir tôt ou tard de sa belle mort. […] Flint, on peut toujours leur jeter cet appel : pourquoi voulez-vous mourir ?  […] La mort change ainsi l’état de ce qui vit, et c’est une mort qui n’est ni simple si naturelle, mais qui se promène et se déplace avec les artifices mêmes de l’opération. » Sprengel, qui cite ce passage de Tertullien, suppose qu’Hérophile faisait mourir auparavant les criminels, comme le firent les rénovateurs de l’anatomie au XVIe siècle.

1130. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Lorsque sa mère faisait sur lui ce signe de croix que la Philosophie n’a jamais pu effacer, Lyon, la cité des martyrs, la ville de saint Pothin, de saint Attale et de sainte Blandine, se mourait sous le fer et le feu. […] On sortait de l’Empire, de cette époque de silence sous les armes où le canon parlait seul et disait si tristement le mot imputé aux pères de la Trappe : « Frères, il faut mourir. » La vieille alouette des Franks, échappée à son terrible rétiaire, se prit à babiller et à chanter, comme un seau délivré. […] En effet, il est maintenant démontré que la libre industrie protestante rompait les catégories de la corporation catholique, — de cette corporation — toute la France industrielle d’alors — qui avait transfiguré l’esclavage antique et constitué cette immense fortune sur le pillage de laquelle le Protestantisme, père du Paupérisme moderne, — car tous les pillards sont réservés à mourir de faim, — trouve à peine de quoi vivre depuis trois cents ans ! […] Depuis quelques années, il portait le germe de cette maladie des hommes vaillants qui meurent par l’organe dont ils ont le plus vécu, et chez qui l’intelligence émue a envoyé tant de sang au cœur que le cœur périt sous cette masse de forces généreuses. […] On a dit que dans sa jeunesse Audin s’essaya aux comédies ; mais il se détourna bien vite de ces amusettes, la grande affaire des peuples qui meurent dans un ennui affreux.

1131. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Non, il ne m’a point fait vivre, il m’a fait languir et mourir dans le plus infâme esclavage. […] Beethoven mourut à Vienne, le 26 mars 1827. […] Il mourut phthisique. […] « Femmes, par qui je meurs !  […] C’est à vingt-huit ans qu’il mourut.

1132. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Nicolas Châtelain mourut en effet en 1856 à l’âge de 87 ans. […] Il mourut fou. […] s’il pouvait mourir ! […] Aujourd’hui ou demain, Rachel va mourir. […] Dépouillé de foi et d’amour, le monde doit mourir.

1133. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Un Parisien égaré ne verrait là que des pensions bourgeoises ou des Institutions, de la misère ou de l’ennui, de la vieillesse qui meurt, de la joyeuse jeunesse contrainte à travailler. […] C’est le roman de la canaille, depuis le forçat Vautrin, qui professe en paroles et en actions le cynisme du crime, et qui tue de sang-froid pour enrichir Eugène de Rastignac, jusqu’au père Goriot qui meurt pour favoriser le désordre de ses deux filles, et qui les étend lui-même, comme des victimes, sur le bûcher des prostitutions. […] Son beau-père, le seul homme pour lequel il avait eu du penchant, prétendait savoir pertinemment que Goriot avait juré de ne pas faire d’infidélité à sa femme, quoique morte. […] Un duvet follet se mourait le long de ses joues, dans les méplats du col, en y retenant la lumière qui s’y faisait soyeuse. […] Il mourut, comme lui, entre cinquante et soixante ans, heureux à la fin de sa carrière, retiré du monde dans son repos, soigné par une femme aimée, et ne regrettant rien que ses rêves.

1134. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Mais vous ne pouvez tout faire et vous êtes bien obligés de vous en remettre, pour empêcher ceux-là de mourir de faim, à des œuvres plus anciennes et plus riches que la vôtre. […] Le petit, encouragé, demande des nouvelles de sa mère, comprend qu’elle est morte, sanglote et se pâme. […] dit-il, pour un enfant qu’on lui vole, la Nation n’en mourra pas !  […] Sa fille est toujours aussi follement amoureuse du sec Henri Tasselin et dit qu’elle mourra si on ne le lui donne. […] — Plaignons-les, je le veux bien, mais les soldats sont faits pour mourir !

1135. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Et cette pauvre petite Lalie, qui meurt sans une plainte sous le fouet d’un père fou d’alcool, n’en est-ce pas un aussi, et du plus pur idéal ? […] Leurs œuvres procurent quelques heures d’un sale plaisir, mais ne passionnent pas et meurent bientôt dans la solitude. […] Quatre mois après que les auteurs eurent commencé leur œuvre, Gastineau mourut, et M.  […] (Il tombe comme une masse sur le matelas où il meurt). […] Elle tombe d’inanition, littéralement morte de faim.

1136. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Son fils dénaturé mourut de la peste à quarante-quatre ans, après un règne fort agité. Frédéric Ier mourut à trente-huit ans dans le Cydnus. […] Ducis achève sa longue carrière ; Fontanes, dont les engagements avec l’empire ont été trop étroits pour qu’il puisse recommencer avec éclat un nouveau rôle, va bientôt mourir. […] Nous ne croyons que ce qui se prouve, nous ne sentons que ce qui se touche ; la poésie est morte avec le spiritualisme dont elle était née. Et ils disaient vrai, elle était morte dans leurs âmes, morte en eux et autour d’eux.

1137. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — France, Anatole (1844-1924) »

Maurice Barrès Dans les Noces corinthiennes « il n’y a plus qu’une vierge sensible qui meurt de son amour froissé ».

1138. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Pourquoi le xixe  siècle a-t-il vu mourir la tragédie, et le roman prendre une importance si considérable ?

1139. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 234-238

On se rappelle alors ce Lacédémonien qui poursuivoit une ombre, pour la faire mourir une seconde fois.

1140. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 104-107

Ce digne Ouvrage mourut à sa troisieme apparition, malgré les efforts de plusieurs Philosophes subalternes, & même, dit-on, de quelques Philosophes du premier ordre.

1141. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

À l’instant on aurait vu la même pensée sur tant de visages d’ailleurs si différents ; tous auraient dit : De quel supplice assez cruel pourrons-nous le faire mourir ? […] Vous imprimeriez vos épîtres dialoguées à Paris, qu’au lieu d’être pour vous une route sûre pour Sainte-Pélagie, elles seraient seulement pour votre libraire une route assurée pour l’Hôpital, ou bien il mourrait de douleur comme celui qui paya 12 000 francs l’histoire de Cromwell. […] Bien loin de tuer les autres, l’Académie aura assez à faire de ne pas mourir. […] Je lui conseille d’être polie à l’avenir, et le public, sectaire ou non, la laissera mourir en paix. […] Il y a un beau contraste entre le jeune Dumoulin qui, à Grenoble, au premier acte, se dévoue à Napoléon, et le général impassible qui, à Sainte-Hélène, dans l’espoir d’un cordon de seconde classe, entreprend de le faire mourir à petit feu, et sans qu’on puisse accuser son maître d’empoisonnement.

1142. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

      Tout va, tout vient, tout meurt, tout fuit. […] sais-tu pourquoi tu meurs ? […] Il admet comme certaine au fond de l’univers une sorte de paternité, de bonté épandue, et s’écrierait volontiers, avec la foi absolue et naïve de l’évêque Myriel parlant à celui qui va mourir sur l’échafaud : — Entrez dans la vie, le Père est là163 ! […] toi monade en naissant engloutie, Qui jettes sur le gouffre un regard insensé, Et qui meurs quand le cri de ta vie est poussé ! […] . . . . . . . . . . tout germe et rien ne meurt… Dans les chutes du droit rien n’est désespéré217.

1143. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Les lois ne font que consacrer une étape dans l’évolution des mœurs ; jamais un arrêt du Parlement n’aurait mis fin aux mistères, si ceux-ci avaient encore répondu à un besoin de l’esprit général (on l’a bien vu au xviiie  siècle dans la guerre des théâtres) ; de fait, les mistères végéteront, malgré la loi, pendant une cinquantaine d’années, et s’ils meurent, c’est d’épuisement, de mort naturelle. […] Le « qu’il mourût » ? […] Malherbe n’a pas tué la poésie lyrique, elle mourait d’elle-même ; la poésie de salon, qu’elle soit pompeuse ou légère, est sans valeur pour nous. […] Cette période troublée, où une civilisation meurt en enfantant un monde nouveau, est nécessairement dramatique. […] Cette France, qu’on dit inconstante, obéit héroïquement à la logique des idées ; quand elle souffre, c’est pour l’humanité entière qu’elle souffre ; et si elle devait mourir, elle mourrait d’un idéal surhumain.

1144. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Voulez-vous ouvrir le plus ancien, le plus original, le plus éloquent, à l’endroit le plus émouvant, la chanson de Roland au moment où Roland meurt ? […] Prenez un fabliau, même dramatique ; lorsque le chevalier pénitent, qui s’est imposé de remplir un baril de ses larmes, meurt auprès de l’ermite, il ne lui demande qu’un don suprême : Que vous mettiez vos bras sur mi, Si mourrai aux bras mon ami. […] C’est Jean sans Terre qui fait mourir de faim vingt-trois otages dans une prison. […] Gower meurt en 1408 ; ses ballades françaises appartiennent à la fin du quatorzième siècle. […] Il écrit en 1356, et meurt en 1372.

1145. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Elle a beaucoup lu, beaucoup retenu, beaucoup médité et, de plus, elle a vu mourir près d’elle sa sœur aînée, consumée lentement par des chagrins d’amour. […] Qu’une école meure, c’est un malheur sans doute : qu’elle meure jeune, comme a fait la dernière, c’est pire encore ; une fin si prompte démontre trop bien que ses défenseurs avaient le bras faible ; mais il ne s’ensuit pas que dans ses dépouilles on ne puisse trouver des reliques précieuses ; pour être mal façonné, un écrin n’en contient pas moins des diamants et des perles et il est bon de les ramasser. […] Si Lorenzo de Médicis voulait ressusciter la liberté morte, ou simplement se défaire du duc de Florence, il n’avait nul besoin de se charger de tant d’iniquités. […] Tout autre m’eût peut-être fait mourir de faim ; celui-là me donne même à boire, je ne le quitterai jamais. » L’effet du vin et surtout du vin du Rhin, est, assez communément, de disposer l’esprit et le cœur aux sentiments tendres ; le poète se trouva donc bientôt dans une disposition d’esprit tellement sentimentale qu’il quitta la table et la taverne pour aller rêver au clair de lune. […] Janin, en sceptique qu’il est, s’est-il consolé par la pensée que les arrêts d’un critique ne faisaient, en fin de compte, mourir personne… Je suis bien tenté d’être de cet avis-là.

1146. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [« Pages extraites d’un cahier de notes et anecdotes »] » pp. 439-440

Il passa une nuit près d’elle morte : mais pour cela la regretta-t-il profondément ?

1147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

Ce modeste recueil de chansons d’une petite morte est une œuvre.

1148. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

Elle monte les Champs-Élysées dans son coupé, à l’heure du lac : sait-elle que le poète l’a reconnue et, à cette minute, dans la lumière d’or du jour qui meurt, sincèrement et mélancoliquement aimée ?

1149. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 127-131

Il pensoit avec Séneque, qu’il est malheureux de mourir trop connu des autres, sans s’être connu soi-même *.

1150. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

Prométhée, évanoui dans les nuages du Caucase, remonte sur son rocher et rouvre sa plaie cicatrisée au vautour : Agamemnon sort de son tombeau d’Argos pour se rejeter sous la hache de Clytemnestre : Œdipe remonte de sa sépulture ignorée au soleil des vivants qu’il revoit encore ; il revient remplir de ses lamentations le palais de Thèbes, et mourir, une seconde fois, sur le Cythéron.

1151. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

de princesse révoltée est sublime, car elle allait en mourir ; mais nous, ne sommes-nous pas tenus à être moins sobres dans l’expression de nos sentiments lorsque nous retraçons l’histoire de ces exécrables jours qui ne nous menacent plus, et qui ne nous font pas un héroïsme de la légèreté de nos mépris ?

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