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791. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Saint-Simon et Mme de Caylus nous apprennent tout cela, et ne nous laissent pas ignorer non plus les variations d’humeur et de caractère qui faisaient d’elle une personne encore plus agréable qu’aimable. […] De plus, même dans la vie la plus envahie, il y a des instants d’intervalle toujours : « Divers petits temps, ramassés dans la journée, ne laisseront pas de faire tous ensemble quelque chose de considérable. » C’est dans ces instants qu’on se renouvelle, dit-il, devant Dieu et qu’on répare à la hâte les brèches que le monde a faites. […] Imaginez la sœur d’Hamilton, digne en tout de lui pour l’esprit, pour les grâces moqueuses, pour l’ironie fine, imperceptible, élégante, impitoyable et vengeresse : il faut retrancher tout cela, laisser aux autres les honneurs de la conversation : « Vous ne pouvez dompter votre esprit dédaigneux, moqueur et hautain, qu’en le tenant comme enchaîné par le silence… Vous ne sauriez trop rudement jeûner des plaisirs d’une conversation mondaine. […] Elle lui vient pourtant, discrète, courante, familière, et quelquefois trop familière : « Vous pouvez faire de moi, écrit-il au duc de Chaulnes, comme d’un mouchoir qu’on prend, qu’on laisse, qu’on chiffonne : je ne veux que votre cœur, et je ne veux le trouver qu’en Dieu. » J’aime mieux qu’il dise à Mme de Grammont : « Vous êtes une bonne montre, mais dont la corde est courte et qu’il faut remonter souvent. […] Il insiste sur ce point un peu subtil, que, dans la prière, il faut tâcher de se taire soi-même pour ne laisser parler que l’esprit de Dieu en nous : « Il n’y a plus de vrai silence, dit-il, dès qu’on s’écoute.

792. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

La crainte de Henri IV, en apprenant ces ouvertures faites sans lui et sans son conseil, c’était que les Hollandais ne se laissassent leurrer par l’Espagne, qu’une fois amorcés à cette idée de paix, ils ne la voulussent à tout prix et ne s’y précipitassent sans conditions suffisantes ; il y aurait perdu un allié utile qui occupait puissamment les forces de l’Espagne, en même temps que sa réputation politique en Europe eût grandement souffert d’un traité d’où il aurait été exclu. […] Comme la province de Zélande, sous l’influence du prince Maurice, s’opiniâtrait à agir en contradiction des autres provinces et à rejeter la trêve, il l’exhorte à se ranger à l’avis commun (18 novembre 1608 ; il établit que l’honneur est sauf, que la liberté des Provinces-Unies est suffisamment reconnue et proclamée, et dès à présent, et pour toujours ; il conjure messieurs de Zélande de se laisser vaincre dans leur opinion pour le salut de tous. […] Et ce même panégyriste ajoute avec assez de délicatesse que le sage vieillard, en recevant modestement ces marques publiques d’affection, ne laissait pas de témoigner par quelques signes de joie « qu’il était devenu sensible à cette seule vanité, de se voir aimé des hommes ». […] Le roi lui demanda à titre de service de se charger d’écrire l’histoire de son règne, l’assurant « qu’il entendait laisser la vérité en sa franchise, et à l’auteur la liberté entière de l’écrire sans fard ni artifice, et sans lui attribuer, à lui, ce qui était dû à la seule providence de Dieu ou à la vertu d’autrui ». […] Je laisse ce point, ainsi que beaucoup d’autres, à fixer aux futurs biographes du président, car il mérite d’en avoir, et les nombreux documents qu’on possède sur son compte ne sont pas tous publiés et recueillis40.

793. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le charmant portrait que Voltaire a tracé du héros de Denain dans Le Siècle de Louis XIV est bien plus celui qui nous semble juste, sauf l’indispensable teinte de flatterie, laquelle encore est si transparente qu'elle laisse bien apercevoir les défauts. […] Le maréchal, bien qu’il eût de l’amitié pour Villars et qu’un jour, qu’il le voyait en habit brodé d’or s’exposant sur une brèche, il s’échappa jusqu’à lui dire : « Jeune homme, si Dieu te laisse vivre, tu auras ma place plutôt que personne », ne fit point dans le cas présent ce qu’il désirait : « Et cela fut heureux pour le marquis de Villars, ajoutent les Mémoires ; car d’être demeuré dans cette brigade lui valut d’avoir la meilleure part à quatre actions considérables qui se passèrent dans le reste de cette campagne. » Ce petit désagrément, qui tourna si bien, servit dans la suite à le persuader tout à fait de sa bonne chance et le guérit pour toujours de demander ni même, à ce qu’il assure, de désirer d’être plutôt dans un corps que dans un autre. […] Tantôt ils se flattent de ne rien devoir qu’à leur mérite, à leur vertu, sans rien laisser au hasard ; tantôt ils sont plus fiers de paraître tout devoir au hasard qu’à leurs qualités propres : c’est qu’il semble alors qu’un génie suprême, l’âme même des astres et de l’univers s’occupe d’eux, — change et incline l’ordre général pour eux. […] Réduit à la nécessité de se faire un mérite qui forcât la Fortune en sa faveur, et d’être pour ainsi dire lui-même sa créature, son cœur lui suggéra le seul parti que la raison elle-même lui laissait à prendre, de servir et de surmonter les obstacles, ou de périr. […] À la frontière de Suisse, aux portes de Bâle, il tomba par une nuit sombre dans le fossé, et faillit y laisser sa vie.

794. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Enfin, au nombre des ouvrages de toutes sortes qu’il laissait couler chaque année de sa plume facile, il eut la bonne idée, un jour, d’écrire ses mémoires, et s’il les écrivit de ce style médiocre et, pour tout dire, un peu plat, qui était le sien, il y mit tout son naturel aussi, sa naïveté d’impressions, sa curiosité, la variété de ses goûts et de ses humeurs. […] Si chaque homme sensé, et qui a senti ou qui a vu, laissait ainsi son petit livre à son image, la science morale en serait plus avancée. […] Marolles, qui lui fait à l’avance toutes les objections, et qui établit qu’en telle matière « le peuple ne voit pas même ce qu’il regarde », ne laisse pas d’y aller pour lui obéir, et il s’assure que tout est fabuleux, hors le coup de pistolet que quelqu’un avait lâché sans intention : « Toutefois, ajoute-t-il, on ne laissa pas d’en faire une image en taille-douce, que j’ai eue entre les miennes ». […] laissons ce grand mot.

795. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Le propre des doctrinaires est d’estimer assez peu le commun du monde et la moyenne des esprits ; leur inhabileté dans la pratique est de le laisser voir : leur inconséquence (je parle des doctrinaires de seconde venue, non pas de M.  […] Je laisse la suite du parallèle à ceux qui les ont également connus tous deux. […] Molé devait tôt ou tard laisser voir sa faiblesse au sein des Chambres, pourquoi devancer l’heure, brusquer l’opinion et former contre lui cette entreprise générale où l’on apporta pour l’abattre le feu et la hache, comme s’il s’agissait d’un grand chêne, et comme si la nouvelle monarchie elle-même, tout à côté, était assez enracinée déjà pour n’en pas ressentir le contrecoup ? […] Guizot, dans son récit animé ; ne dissimule rien de tout cela, et il nous aide vivement à nous en ressouvenir ; il réitère même, à un endroit (tome IV, page 292), un mea culpa qui ne laisserait rien à désirer, si, par un singulier retour, il ne le rétractait formellement dans les toutes dernières lignes du chapitre ; car, faisant remarquer que c’était en vue d’obtenir un gouvernement pleinement d’accord avec la majorité de la Chambre des députés qu’il s’était mis si fort en avant, dans une ligne d’opposition inaccoutumée, au risque de déplaire à plusieurs de ses amis conservateurs, il ajoute : « Dans mon élan vers ce but, ma faute fut de ne pas tenir assez de compte du sentiment qui dominait dans mon camp politique, et de ne consulter que mon propre sentiment et l’ambition de mon esprit plutôt que le soin de ma situation (que de ma et que de mon !)  […] Il n’en sortira, certes, pas grand bien encore ; mais c’est déjà beaucoup que cette émeute parlementaire, dont les chefs ne me paraissent pas avoir pressenti toutes les conséquences. » Le bonhomme se frotte les mains ; et prévoyant que la nouvelle monarchie pourrait bien, comme l’autre, prendre un jour la route de Cherbourg : « La Coalition, répète-t-il, vient de lui porter un coup qui laissera des cicatrices, et je vous avoue que je n’aurais rien conçu à ces attaques dirigées par des hommes qui se prétendent monarchiques, si les ambitions personnelles n’expliquaient bien des choses.

796. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

L’abbé de Polignac eut même, à l’occasion et à la suite de son livre, des conférences de philosophie avec le jeune prince, et Fénelon se plut à laisser faire cet auxiliaire brillant dont la métaphysique, toute vouée aux causes finales, était proche parente de la sienne. […] Au nom de Dieu, qu’il ne se laisse gouverner ni par vous (le duc de Chevreuse), ni par moi, ni par aucune personne du monde. » Jusqu’à la fin, il est en crainte que ce naturel d’une dévotion inquiète et timide ne se laisse prendre à l’attrait subtil du Jansénisme ; et c’est même ainsi qu’on peut s’expliquer le redoublement de conseils et de précautions à cet égard. […] » — « Bien des gens, répondit le prince, prétendent que, s’il n’y en avait point, il y aurait encore de plus grands désordres à Paris : j’examinerais, je pèserais mûrement le pour et le contre, et je m’en tiendrais au parti qui aurait le moins d’inconvénients. » Et son biographe ajoute que ce parti eût été sans douté celui de laisser subsister le théâtre, en le réformant sur le modèle des pièces composées pour Saint-Cyr. […] je leur dis honneur à tous et à chacun, et je ne laisse en dehors que les faux prometteurs à la Brienne et les charlatans.

797. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il n’est rien de tel pour fortifier son jugement et accroître son expérience que d’écouter les esprits supérieurs et de recueillir leurs témoignages quand ils ne s’expriment pas en vue de la foule et pour amuser la galerie, mais quand ils parlent avec netteté et simplicité pour se laisser voir tels qu’ils sont à ceux qui sont dignes de les bien voir. […] Elle apportait tant de zèle à cette étude du russe qu’elle se levait la nuit sur son séant, et, tandis que tout le monde dormait, elle apprenait par cœur les cahiers que son maître lui laissait. […] J’avais au fond de mon cœur un je ne sais quoi qui ne m’a jamais laissé douter un seul moment que tôt ou tard je parviendrais à devenir Impératrice souveraine de Russie, de mon chef. » Elle aimait plus tard à le répéter, et son orgueil se vengeait et, pour ainsi dire, se justifiait ainsi de tant de longues humiliations subies et dévorées en silence : « En entrant en Russie, je m’étais dit : Je régnerai seule ici. […] On la soupçonne alors et un peu tôt de ce qui n’est pas encore ; elle est questionnée sévèrement par l’évêque Simon Théodorsky sur ce qui s’est passé : « Mais comme il ne s’était passé rien du tout, il fut un peu penaud quand il vit qu’avec l’ingénuité de l’innocence on lui dit qu’il n’y avait pas même l’ombre de ce que l’on avait osé supposer. » Cette innocence injustement soupçonnée ne s’y laissera pas prendre à deux fois, et la revanche sera de la bonne sorte. […] Elle lisait beaucoup dès lors et s’instruisait dans les longues heures solitaires que lui laissait la représentation.

798. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Delécluze se soit laissé aller à risquer la lecture de cette scène un jour dans le salon de Mme Récamier. […] Puis, lorsqu’en avançant dans sa lecture il en fut à l’autre passage sur Mme de Noailles et son joli cou qu’il supposait soumis à la guillotine, je laisse à penser si cela ne répandit pas un nuage sur le front de gens dont les proches y avaient en effet passé et avaient eu le cou coupé tout de bon. […] Un jour donc, un élève, racontant une histoire bouffonne, y mêla à diverses reprises le nom de Jésus-Christ ; je laisse M.  […] Jésus-Christ disant : « Laissez venir à moi les petits enfants !  […] Leurs figures paraissaient émues, et d’un air timide, mais où perçait un sourire plein de joie, ces deux jeunes artistes remercièrent leur généreux camarade de manière à laisser entendre à tous les assistants qu’ils attachaient plus d’importance encore qu’eux à ce qui venait de se passer.

799. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Je laisserai ce mot pour vous être envoyé jeudi ; car je ne serai revenu que le soir de Port-Royal, où la famille a souhaité que j’accompagnasse le fils ainé de mon cher ami. Il ne faut pas omettre qu’il laisse 800 livres à Port-Royal. […] Vuillart donne à sa manière le récit de faits assez connus d’ailleurs, mais il y met une précision qui ne laisse rien à désirer : « Et disons, pour finir cet ordinaire (car j’ai affaire à sortir demain dès le matin), que M.  […] Laissons parler notre fidèle chroniqueur, M.  […] Le plus grand poëte n’est pas celui qui a le mieux fait : c’est celui qui suggère le plus, celui dont on ne sait pas bien d’abord tout ce qu’il a voulu dire et exprimer, et qui vous laisse beaucoup à désirer, à expliquer, à étudier, beaucoup à achever à votre tour.

800. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

En définitive, il laissa la meilleure impression après lui. […] Après des fatigues et des retardements sans nombre, il gagne cette bataille d’Hastenbeck, où Gisors et le régiment de Champagne se distinguent à la prise d’une principale redoute ; victoire qui, incomplète au point de vue militaire, ne laisse pas d’être décisive par ses résultats (26 juillet 1757). […] Il fit mine d’en vouloir sortir, il est vrai, mais il se laissa persuader assez aisément d’y rester sous couleur de patriotisme, et il y était encore quand il mourut en janvier 1761, à la veille, dit-on, d’être remercié par le roi. […] C’est qu’on ne va le plus souvent aux enterrements que pour ceux qui vous y voient, et il ne laissait personne après lui. […] Cette parfaite culture à laquelle rien n’avait manqué et qui avait si bien réussi, ce respect absolu pour son père, cette soumission, cette juste égalité de sentiments en tout, ou cette réserve qui était une vertu à son âge, ne laissent pas deviner quelle nature de génie particulière pouvait être en lui, et s’il avait du génie ou seulement un parfait mérite ; car, quand on a tant de bon sens à vingt-cinq ans, aura-t-on du génie à cinquante ?

801. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Nefftzer et Scherer n’étaient pas pour lui des amis d’hier seulement5, et s’il m’était permis de citer un vieux proverbe qui me revient, dans ces souvenirs d’une vie qui, comme celle de tout grand travailleur, ne laissait pas d’avoir ses éclaircies de gaieté, je dirais qu’ils se connaissaient bien, ayant mangé plus d’un grain de sel ensemble6. […] En vain invoquait-on des raisons matérielles en faveur du Journal officiel : il allait s’organiser mieux, disait-on, dans la suite, et peu à peu ; il fallait lui laisser le temps ; il paraîtrait au moins mieux imprimé. — M.  […] Sainte-Beuve eût-il trouvé la même tolérance s’il se fût agi de discuter un acte du Pouvoir dans la feuille même officielle, dans le nouveau journal qui a eu le bon goût, au lendemain de sa mort, de justifier sa répugnance à s’y laisser enrôler ? […] Sainte-Beuve l’a laissée, pour ne rien distraire de ce qui y amène une dernière ligne sur M.  […] … Au Temps, je suis comme quand nous causions à la table de Magny ; j’y retrouve Nefftzer, Scherer ; nous sommes là toujours entre amis ; on ne craint pas d’y exprimer tout haut ce que l’on pense, quand même ce ne serai pas l’opinion du voisin, et on laisse la parole au voisin qui réplique… » 7.

802. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

On s’étouffe au Salon autour de l’Accordée de village, de la Cruche cassée, du Retour de nourrice, et autres idylles rustiques et domestiques de Greuze ; la pointe de volupté, l’arrière-fond de sensualité provocante qu’il laisse percer dans la naïveté fragile de ses ingénues est une friandise pour les goûts libertins qui durent sous les aspirations morales305. […] Néanmoins la mousse de l’enthousiasme et des grands mots laisse au fond des cœurs un résidu de bonté active, de bienveillance confiante, et même de bonheur, à tout le moins d’expansion et de facilité. […] L’étiquette tombe par lambeaux, comme un fard qui s’écaille, et laisse reparaître la vive couleur des émotions naturelles. […] Ils finissent par s’imaginer que le mieux est de laisser l’écroulement s’achever, que l’édifice se reconstruira pour eux de lui-même, qu’ils vont rentrer dans leur salon rebâti exprès et redoré à neuf, pour y recommencer l’aimable causerie qu’un accident, un tumulte de rue vient d’interrompre319. […] Ils se laisseront prendre, ils iront docilement en prison ; faire du tapage serait une marque de mauvais goût, et, avant tout, il s’agit pour eux de rester ce qu’ils sont, gens de bonne compagnie.

803. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Il doit d’abord exprimer ou laisser transparaître une conclusion saine. […] Il y en a très peu qui se soient proposé, délibérément, de laisser à ceux qui les lisent une impression finale contraire à la morale. […] Il doit prendre garde que la peinture, trop complaisamment poussée, d’un sentiment mauvais, d’un vice, d’une faute, ne fasse oublier au lecteur la perversité du sentiment ou de l’acte ; il faut qu’il mesure le danger de l’exemple qu’il crée lui-même, et que, par une habileté dont le public ne s’apercevra peut-être pas, sans le dire le plus souvent, il laisse aux manifestations de la volonté humaine leur caractère de liberté, de mérite ou de démérite. […] Elle laissera périr la pensée d’autrui ou bien elle s’épuisera en essayant de la porter. […] Que les autres, ceux qui sont jeunes, attendent la leçon commune ; qu’ils vivent d’abord, qu’ils laissent de côté le roman comme une œuvre pour eux vide de sens, écrite dans une langue étrangère.

804. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Malherbe et Racan ont laissé un nom et quelques beaux vers, ils auraient tort de se plaindre, et tel qui aura vécu et travaillé plus longtemps, s’estimerait heureux de laisser une stance, un quatrain, un distique. […] Et cette Rosine qui se laisse traiter ainsi et qui s’écrie : — Ah ! […] Rousseau n’a fait la guerre qu’aux vices de l’homme, il a laissé de côté ses ridicules, comme indignes de sa colère. […] lui, Philinte, venir au secours d’un inconnu, d’un imbécile qui s’est laissé voler six cent mille francs ! […] Duviquet, laissez dire les envieux ; ceux-là ne courent pas après l’esprit, ils savent très bien que l’esprit a sur eux de grandes avances, et qu’il ne se laisse guère attraper par le premier venu.

805. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

On voudrait quelle répondit aussi complètement que possible aux habitudes de sévérité pour ses propres ouvrages par lesquelles l’auteur s’était attiré le respect ; et d’autre part ce respect même leur interdit de toucher ou de laisser toucher, si légèrement que ce soit, au travail qu’il a laissé. […] Observe ces trois recommandations et tu t’en trouveras bien. » Le chasseur laissa donc l’oiseau s’envoler, comme il le lui avait promis. […] Mais si tu me laisses aller, tu y auras un grand profit. — Lequel ? […] C’est un œuf impayable, mais laisse-moi, pour que je te le ponde, et après mange-moi : je te jure que je viendrai à ta volonté. » Comme le renard le laissa, il s’envola et se plaça sur une branche d’arbre très élevée. […] C’est-à-dire, sans doute : « Ponds la perle. » Le texte ou la traduction laisse ici à désirer.

806. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Maintenant, nous la voyons disposer de tout ce que laisse d’achevé ou d’inachevé le penseur ou l’artiste qui disparaît. […] Mais laissons les choses en l’état et constatons que cet état de choses n’a jamais été sérieusement regretté par personne. […] Peut-on laisser des particuliers maîtres de séquestrer ou même de détruire des papiers si importants, par négligence ou fanatisme ? […] Scherer laissait entendre l’existence d’un autre cahier de souvenirs. […] Mort en 1925 de fièvre typhoïde, Jacques Rivière ne laissa qu’un seul roman : Aimé.

807. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Ils laissèrent subsister la langue que parlait cette religion. […] Mais laissons cela. […] De tels récits, sans doute, laissent à désirer. […] Je laisse donc de côté cette étude intéressante. […] La littérature romane n’a laissé ni drames ni poëmes épiques.

808. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Tant qu’il dure, il le laisse sans désir et sans regret, il le satisfait pleinement. […] Le vulgaire laisse le temps user la douleur. […] L’ensemble de ses œuvres, mieux étudié, ne nous laisserait pas douter davantage de la moralité de son génie. […] On comprend difficilement qu’avec ses goûts aristocratiques il se laisse entraîner par des sociétés crapuleuses. […] Ce terme vague d’Orient laisse beaucoup à supposer.

809. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Laissez donc les savants faire de la science et les philosophes philosopher. […] Le poète se laisse aller au cyclone. […] Je laisse à plus habile que moi le soin et le souci de le déterminer. […] Il ne se laisse pas griser par le verbe comme Michelet, emporter par une fougue amplifiante à la Carlyle, mais sa verve nourrie n’omet rien, ne laisse rien dans l’ombre. […] Le premier laisse parler très haut l’instinct sexuel.

810. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Après cela, quand on a fait tout ce qu’on pouvait, qu’on ne poursuive pas une perfection impossible ; qu’on laisse les vaines inquiétudes ; qu’on ne s’abîme pas dans la vague appréhension de fautes possibles qu’on ne voit pas. Qu’on laisse l’ouvrage sortir de ses mains, sans angoisse ainsi que sans orgueil, et que, dominant les craintes comme les espérances de l’amour-propre, on se résigne à la pensée de n’avoir pas fait un chef-d’œuvre, malgré tant de soins et de peines, et de ne forcer l’admiration de personne : faire de son mieux, sans défaillance, quand on ne se flatte pas de faire mieux que personne, n’est pas un mérite mince ; du moins ce n’est pas banal.

811. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Le Goffic, Charles (1863-1932) »

Charles Maurras Si Le Goffic a profité de la divine aventure, je ne veux pas laisser aux seuls amis d’amour breton la peine d’en décider, et ce n’est pas moi non plus qui irai l’assumer. […] Et l’idiome de Le Goffic est d’une perfection égale à celui que parle Vicaire : rien de hâtif, rien de laissé au hasard, de banalement « inspiré », n’y traîne, bien que tout y soit le retentissement élargi d’une voix de l’âme.

812. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 419-421

On sait qu'il n'a laissé que huit volumes, & que son travail ne s'étend guere au delà des deux premieres Races de nos Rois. […] Peut-être a-t-on eu raison de lui reprocher trop de penchant à la critique, trop d'affectation à combattre certaines traditions accréditées par la multitude & le poids des témoignages, trop de facilité à tourner les textes à l'appui de ses idées, trop de complaisance dans les tableaux qu'il trace des abus qui lui déplaisent, trop d'amertume dans les censures ; mais en convenant de quelques-uns de ces défauts, il n'en est pas moins vrai, que si une plus longue carriere lui eût permis d'exécuter l'Ouvrage en entier, il auroit eu la gloire de nous avoir laissé une Histoire aussi estimable par la recherche des faits, leur ordonnance & leur variété, que par le mérite du style, qui est simple, aisé, naturel, & piquant, sans jamais s'éloigner de l'élégance & de la pureté, qui sont le partage d'un excellent Ecrivain.

813. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre I. Des Livres qui traitent de la Chronologie & de la maniere d’écrire l’Histoire. » pp. 2-4

Nous avons eu ensuite les Tablettes de Marcel, qui sont inexactes & mal digérées, & celles de l’Abbé du Fresney, qui, quoiqu’elles laissent désirer quelque chose quant à la méthode sont d’un grand secours pour tous les gens de Lettres. […] Il n’y a rien parmi les anciens que l’on puisse comparer à Lucien qui nous a laissé sur ce sujet intéressant un petit traité, qu’on trouve dans ses œuvres, de la traduction d’Ablancourt.

814. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Elle est à prendre ou à laisser. […] Ne nous laissons pas duper par une apparente analogie entre les choses de la nature et les choses humaines. […] Laissons-nous aller, au contraire ; au lieu d’agir, rêvons. […] Tant qu’elle roule dans l’espace ou dans le temps spatialisé elle n’a qu’à se laisser aller. […] Surtout, elle se laissa tromper par l’analogie tout extérieure de la durée avec l’extension.

815. (1881) Le naturalisme au théatre

Il s’agit d’abord de laisser là le drame romantique. […] Le don me laisse assez froid. […] Malgré ses audaces, Lekain laissa beaucoup à faire à Talma. […] Il faut laisser faire le temps. […] Seules les méchantes langues laissent entendre que M. 

816. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Un officier de la 18e, le capitaine Motte, commandant un fort au débouché du Tyrol, se laisse intimider par les sommations de l’ennemi, lors des premiers succès de Wurmser ; il livre le passage et se rend prisonnier de guerre : Sans cette malheureuse circonstance, le mouvement des Autrichiens eût été retardé de quelques heures. […] Je laisse aux physiologistes à expliquer cette espèce de projection et de réflexion visible de la pensée interne à l’état de mirage : une seule remarque à faire quand on est simple académicien, c’est que la dame ou la fée parlait cette nuit-là un français un peu risqué. […] Jusque-là il n’y avait pas de mal, et nos relations se passaient sur le pied de la plus grande politesse, lorsqu’un jour il aborda carrément l’affaire en question, et m’offrit une somme énorme pour laisser pénétrer quelques petits ballots de marchandises en Hollande. […] si vous me répétez encore la proposition que vous faisiez il n’y a qu’un instant, je vous fais arrêter, et vous savez quel est le sort réservé aux personnes qui se laissent traduire pour ce fait devant le conseil de guerre. » Je n’avais pas terminé, que mon homme était déjà loin. […] Ici laissons-le parler comme nous avons fait si volontiers jusqu’à présent ; il n’est point d’analyse qui puisse équivaloir aux propres paroles, à la fois si contenues et si dignes de réflexion, d’un si brave et si loyal témoin : Le général Compans se retirait sur la butte de Chaumont après avoir vaillamment défendu le pré Saint-Gervais, et la cavalerie et l’artillerie des deux corps d’armée se surpassaient par la vivacité de leurs charges et de leur feu.

817. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Mais on les a abrégés bien moins que chez nous ; on a laissé subsister le cadre, on a respecté la suite et la liaison, on n’a supprimé que des hors-d’œuvre ; on a resserré la trame, mais avec discrétion et insensiblement. […] Je ne craindrai pas de présenter à l’avance le jugement filial que portait Eckermann de ces conversations si vivantes, après que la mort du maître l’eut laissé dans un vide profond et dans un deuil inconsolable. […] Il cueillait ses émotions à mesure qu’elles levaient en lui et ne les laissait pas s’étendre au-dedans et envahir toute l’âme qu’il eût fallu arracher ensuite pour les mettre dehors. […] Il laissait reparaître en cela le fond de goût ovidien ou du moins olympien dont nous avons parlé. […] Une préface excellente est en tête de cette traduction et, je dois le dire, elle laisse de bien loin en arrière nos préface et avertissement pour l’intelligence élevée au sujet et pour la justesse des appréciations.

818. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Mais je laisse pour cette fois la littérature : en art, quel ton hautain que le sien ! […] S’il prétend l’enfermer dans son passé, ce n’est pas qu’il lui laisse, là du moins, la place qui lui est due : bien au contraire, il l’y rapetisse à plaisir. […] Une des conditions sans l’autre laisse quelque chose à désirer. […] Les lions, les hyènes et les chacals se chargeaient de la musique et se disputaient dans l’ombre les mules et les chevaux que nous laissions derrière nous sur la route ; car, ma chère amie, tu ne peux te faire une idée de la quantité de ces pauvres animaux qu’on abandonne, faute de pouvoir les nourrir. […] Or, il arriva qu’en voulant préluder au concerto de Weber, je me laissai entraîner, sans m’en apercevoir, à la fantaisie ; tout à coup je songeai que je ferai plaisir à Vernet en prenant ces deux thèmes, et je me mis à les travailler pendant un moment avec fougue.

819. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Un ancien prêtre marié, bon homme, M. de La Rivière, lui avait débrouillé, à lui et à ses frères, les premiers éléments, et la méthode libre du maître s’était laissée aller à l’esprit rapide des élèves. […] À côté de ce souvenir sanglant et fatal, les Feuillantines lui en laissèrent d’autres plus doux. […] Le parti dit royaliste arrivait aux affaires dès cette époque ; Hugo jeune, non envié encore, caressé de tous, eût pu aisément se laisser porter et parvenir vite et haut. […] Le public, la foule n’y avait que faire, comme bien l’on pense ; en proie aux irritations de parti, aux engouements grossiers, aux fureurs stupides, on laissait cet éléphant blessé bondir dans l’arène, et l’on était là tout entre soi dans la loge grillée. […] Nulles poésies ne caractérisent plus brillamment le clair intervalle où elles sont nées, précisément par cet oubli où elles le laissent, par le désintéressement du fond, la fantaisie libre et courante, la curiosité du style, et ce trône merveilleux dressé à l’art pur.

820. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Nous l’avions laissé offrant son bouquet à Racine, à Despréaux, et, un an après, il était l’un des plus actifs à l’avant-garde des novateurs. […] Je vais me hâter de définir cette espèce d’indifférence qui n’exclut pas du tout la curiosité et la conscience, ces deux vertus du critique, et qui même leur laisse un plus libre jeu. […] Je laisse de côté le fond politique et aussi le résultat matériel. […] Marmontel n’est compromis aujourd’hui, dans sa renommée littéraire, que par ses ouvrages de poésie, de théâtre, par ses contes et ses romans ; s’il n’avait laissé que sa critique, il serait un nom des plus respectés. […] Et puis la place faite, le passage ouvert, les critiques mis en avant ont été laissés là.

821. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Raoul-Rochette, pour quelques bons mots de Courier qui sont piqués comme des étiquettes à quelques noms, et que la politique, dans le temps, a fait retenir, on laisse en paix les estimables travailleurs et les rares inventeurs, les gens d’esprit et les manœuvres ; la méthode apparente est la même ; on les confond ensemble et l’on passe. […] Elles étaient fort sommaires, je le crois ; mais elles ne laissaient pas de devoir occuper à la longue une étendue fort respectable, si elles tenaient tout ce qu’on a depuis raconté des premiers siècles. […] En face des érudits et des philosophes également ardents de nos jours et emportés à toutes sortes d’espérances, il est bon de ne pas laisser tout à fait tomber ce droit de rappel à l’homme qui semble relégué chez les défunts moralistes. […] Camusat lui-même n’a laissé qu’un ramas de notes. […] L’incomplet est le propre de l’homme ; il laisse tout monument voisin de la ruine.

822. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Sa liaison avec Coppet, ses visites à Mme de Staël durant le séjour, ou, comme on disait, l’exil d’Auxerre, tout cet attrait prononcé pour une noble disgrâce, ne laissaient pas d’introduire des chances périlleuses dans sa carrière, dans celle même de son père vénéré10. […] Expression fidèle de la pensée de l’auteur, ils étaient seulement redevables à M. de Barante de ces soins de révision et de correction, dont le plus vrai succès consiste à ne laisser aucune trace d’eux-mêmes. […] Cependant la pratique historique laissait de ce côté à désirer ; malgré l’élévation de l’enseignement, malgré ce talent de narrateur dont il devait faire preuve à son tour dans son Histoire de la Révolution d’Angleterre, M. […] On n’attend pas que nous nous engagions dans une analyse, que nous allions resserrer ce que l’auteur, au contraire, a voulu étendre, que nous décolorions ce qu’il a laissé dans sa fleur de récit. […] Dans les derniers volumes, on l’a remarqué, les tableaux se resserrent ; il est conduit à laisser moins aisément courir sa plume à la suite des vieux chroniqueurs.

823. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Charlotte, qui est devenue veuve, pourrait alors épouser d’Eblis, mais elle veut sauver au moins la mémoire de sa petite amie, et, bien que Cécile l’ait priée de remettre au commandant un billet où elle confesse sa faute, elle lui laisse croire que sa jeune femme est morte digne de lui, morte de n’être pas assez aimée. […] Or l’impression que laisse le livre est toute différente. […] Il a laissé rouler un louis dans la boue. « Ah ! […] Je me suis même laissé prendre d’abord aux yeux « énigmatiques » (naturellement) de Mlle Sabine. On est touché, quoi qu’on fasse, de la mort d’Aliette, qui sait que Sabine lui verse du poison et qui se laisse mourir (un peu trop docilement), croyant son mari complice de l’empoisonneuse, et du désespoir de Vaudricourt quand il sait que sa femme l’a cru capable d’un crime et qu’il se dit qu’elle ne sera jamais désabusée, puisqu’il ne croit pas à une autre vie.

824. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il hasarde tranquillement un sens détourné, au risque de laisser sur le papier une énigme. […] Le Discours sur la liberté nous laisse libres de croire qu’elle n’existe pas. […] Il m’en coûte par moments d’avoir à accabler de la sévérité de mes doctrines des poètes qui ont laissé un souvenir, et de n’en faire mention que pour expliquer pourquoi je les omets. […] Faire la différence dès ce temps-là, dans l’ivresse des espérances et la fumée des illusions ; prévoir et prédire que la politique des girondins, qui menait au 10 août, mènerait, par le 10 août, au 21 janvier, était d’un grand esprit ; laisser la lyre pour prendre la plume à la fois vengeresse et prophétique, était d’un grand cœur. […] Par le peu qu’il a laissé d’ébauches imposantes ou charmantes, on peut deviner quelle eût été la beauté de l’œuvre achevée.

825. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Le père Bouhours, un agréable jésuite qui a laissé un traité sur le Je ne sais quoi, fut un des apôtres les plus fanatiques de ce purisme mondain. […] La perfection du style épistolaire correspond à l’apogée de la vie mondaine, et ce sont souvent des femmes du monde qui excellent à laisser courir leur plume la bride sur le cou, comme elles sont passées maîtresses dans l’art de diriger et d’animer la causerie vagabonde d’un salon. […] Elles n’ont pas toujours été heureuses ; et la revue rapide que nous venons d’en faire laisse déjà pressentir le mal qu’elles ont pu causer. […] Encore une fois, laisse-là ton amour ! […] Il ne reste qu’à le laisser dire et c’est à quoi se résignent sans trop de peine celles qu’il accable de ses déclarations.

826. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Quand la balle me vient bien naturellement, et que je me sens instruit à fond de la chose dont il s’agit, alors je me laisse forcer et je parle à demi-bas ; modeste dans le ton de la voix aussi bien que dans les paroles. […] Ses in-quarto historiques sur saint Louis, Philippe de Valois, Charles V, etc., etc., réussissaient fort bien à leur moment ; on les voyait sur les toilettes des dames, auxquelles ils étaient plus particulièrement destinés : c’étaient de ces livres qui se laissent fort bien lire, comme disait Mme de Sévigné. […] L’abbé de Choisy écrit comme il cause, comme il entend causer ; il aime à ouvrir des parenthèses, et quand un nouveau sujet l’intéresse, il interrompt et laisse le précédent. […] Roze sur le temps du cardinal Mazarin ; j’entretiens M. de Brienne… Je laisse jaser la bonne femme du Plessis-Bellière, qui ne radote point… Je tire quelquefois une parole du bonhomme Bontemps ; j’en tire douze de Joyeuse, et vingt de Chamarante, qui est ravi qu’on lui aille tenir compagnie : il n’y a rien qui délie si bien la langue que la goutte aux pieds et aux mains. […] Il en a fait un délicieux de Mme de La Vallière, qu’il est juste de mettre en regard de celui de Colbert, où l’on vient de voir les plis du front : Elle avait le teint beau, les cheveux blonds, le sourire agréable, les yeux bleus, et le regard si tendre et en même temps si modeste, qu’il gagnait le cœur et l’estime au même moment : au reste, assez peu d’esprit, qu’elle ne laissait pas d’orner tous les jours par une lecture continuelle.

827. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Il me semble pourtant que, généralement, on ne se fait pas de l’abbé Maury, comme écrivain et comme littérateur, une idée très nette, et que son caractère politique également laisse dans l’esprit quelque chose de louche. […] Mais les circonstances le commandèrent et ne lui laissèrent pas le choix. […] Mais son organisation, même dans sa fougue, ne se laissa jamais détourner du travail opiniâtre qui devait le conduire au but : Cet auteur est une preuve, a dit La Harpe (son rival), de ce que peut le travail obstiné et la force des organes… Il était né avec de l’esprit, et, se levant tous les jours à cinq heures du matin, étudiant jusqu’au soir, il avait acquis des connaissances littéraires. […] On lui laissait la liberté de défendre le clergé. […] Je me suis mis en tête une fois d’apprendre l’anglais ; en trois mois j’entendis les prosateurs ; ensuite, ayant fait l’expérience que, dans une demi-heure, je ne lisais que douze pages anglaises de l’Histoire de Hume in-4º, tandis que, dans le même espace de temps, j’en lisais quarante en français, j’ai laissé là l’anglais.

828. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Voltaire ne se laisse point tranquilliser, et il n’est point d’humeur à laisser les autres tranquilles : Je lis et je relis votre contrat, et plus je le relis, plus je vois que vous m’avez dicté la loi en vainqueur ; mais j’en suis fort aise ; j’aime à embellir les lieux que j’habite, et je fais à la fois votre bien et mon plaisir. […] J’ai de quoi vivre sans Tourney, et j’aime mieux y laisser croître des ronces que d’y être persécuté. […] » À quoi il avait répondu : Et à cause de cela faut-il donc le laisser être méchant impunément ? […] Lorsqu’il avait publié son mémoire sur le culte idolâtrique des Fétiches, Voltaire, se hâtant d’y voir plus que le président n’avait prétendu y laisser paraître, lui avait écrit : « Je trouve que les anti-fétichiers devraient être unis comme l’étaient autrefois les initiés ; mais ils se mangent les uns les autres. » Le mot était jeté à propos d’une affaire très secondaire et comme en courant ; on n’a l’air que de plaisanter, et, en attendant, l’on tâte son monde. […] Cet archi-fou, qui aurait pu être quelque chose s’il s’était laissé conduire par vous, s’avise de faire bande à part. » 22.

829. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

De même qu’il diminue tant qu’il peut les probabilités de l’histoire, si on le laissait faire et s’il l’osait il en nierait l’utilité, ou du moins il soutiendrait que, telle qu’elle a été transmise jusqu’ici, elle a été plutôt nuisible qu’utile. […] Il voulait obtenir de lui de laisser arriver des journaux de France dont on était privé depuis longtemps. […] À l’époque du Concordat, Volney sentit le vieil homme, l’homme des Ruines, se soulever en lui, et il le laissa voir avec aigreur. […] Au lieu de laisser ces langues ce qu’elles sont, de les prendre historiquement et par groupes, et de respecter leur génie, leur physionomie distincte, il veut les traiter un peu comme il a fait les religions, et les faire passer sous le joug d’une unité artificielle qui les dépouille et les dénature. […] Mais laissons-le poursuivre et nous raconter avec plus d’abandon que nous ne lui en avons jamais vu, qu’il n’est plus comme autrefois l’homme exact, esclave de ses projets une fois arrêtés : Ceci me rappelle encore un singulier Hollandais, jadis ambassadeur au Japon, et que j’ai connu à Paris, Titsing ; il me disait en février : « Je partirai le 6 septembre prochain, à sept heures du matin, pour aller voir ma sœur à Amsterdam ; j’arriverai le 12, à quatre heures. » Si cela manquait de demi-heure, il était malheureux.

830. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

Déjà, dans l’antiquité, Galien avait fait beaucoup d’expériences sur les animaux, et il nous en a laissé d’assez exactes descriptions. […] Il faut tenir compte de ces difficultés et les bien connaître pour ne pas se laisser tromper par de fausses apparences ; mais au fond il n’y a qu’une seule méthode pour les sciences naturelles comme pour les sciences physiques, et les premières ne feront de vrais progrès que lorsqu’elles seront largement et décidément entrées dans cette voie. […] La force vitale elle-même, fût-elle distincte des autres forces naturelles, devrait se manifester par une série de phénomènes rigoureusement liés, s’enchaînant les uns aux autres dans un ordre fixe et précis, de telle sorte que, l’un étant donné, l’autre s’ensuit nécessairement ; de telle sorte encore que, telle condition venant à manquer, le phénomène ou se modifie ou disparaît, et qu’à telle autre condition correspond tel autre phénomène ; en un mot, rien n’est arbitraire, rien n’est laissé au hasard, à l’inconnu, à la fantaisie. […] Tout en traitant les philosophes avec beaucoup d’égards et même de sympathie, il leur fait en réalité une part assez médiocre, car il ne leur laisse que l’inconnu, et revendique pour la science positive tout le domaine du connu ou de ce qui peut l’être. […] Ces vues de Kant, renouvelées du stoïcisme, seront éternellement admirées, et représentent sans doute un des progrès les plus réels de la philosophie morale ; mais, tout en éclaircissant certains points, elles laissent planer sur beaucoup d’autres une très-grande obscurité.

831. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Vien vous enchaîne et vous laisse tout le tems de l’examiner. […] Je les vois debout, attentifs, les sourcils laissés, leur tête et leur menton appuiés sur leurs mains. […] Mais laissons cela, et venons au Caesar de Vien. […] Avant de laisser cela, monsieur le philosophe, il faut répondre à votre compliment. […] Si son morceau avoit ce mérite, ce seroit un chef-d’œuvre… " Mr l’artiste, laissons là Doyen.

832. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

On n’a pas laissé de temps à nos pères. […] Aussi, l’effet du mode d’expression mystique sur les gens qui se laissent ahurir est-il très fort. […] Une icône russe émeut le moujik et laisse froid le connaisseur occidental. […] La cause de ce changement de destinée, le poète la laisse à dessein dans l’obscurité. […] Je laisse naturellement à M. 

833. (1900) Molière pp. -283

Dimanche qui se laisse mettre à la porte, et non pas ce sot Pierrot qui se laisse enlever sa fiancée sans mot dire ! Et Mathurine, et Charlotte qui se laissent tourner la cervelle par les beaux discours de Dom Juan ! […] Faut-il perdre à se laisser séduire par lui un temps qui serait mieux consacré à des choses plus innocentes et plus solides ? […] Laissons là César, grand général par accident, et rhéteur par nature. […] Il s’y rencontre des engagements où le plaisir laisse des remords et la sagesse des regrets.

834. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Laissons là les réponses toutes faites. […] Ne vaut-il pas mieux nous laisser avec la nature en tête à tête ? […] Laissez là ces rêveries. […] Il la laisse chez elle et reste chez lui. […] Se laisse-t-il aller à sa fantaisie ?

835. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

Je me rappelle qu’à l’Académie où nous entendions M. de Vigny plus souvent et plus longuement que nous ne l’aurions désiré (car il s’obstinait la plupart du temps à des choses ou impossibles ou inutiles ou déjà résolues,), il m’arriva plus d’une fois de laisser voir mon impatience ; sur quoi notre doux et indulgent confrère, M.  […] Je voyageais en amateur (on me laissait faire à peu près ce que je voulais dans ce régiment)79 avec les fourriers qui partaient tous les jours, de 2 à 3 heures du matin, pour aller préparer les logements de la nouvelle étape. […] C’était la seule connue. » Je laisse à la charge de mon savant ami le fait, pour moi très-douteux, de ces documents historiques tout à fait inconnus et inédits : c’est d’ailleurs chose facile à vérifier.

836. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Tous les tons de la prière sont essayés auprès d’elle, depuis la bouderie jusqu’à l’enjouement, témoin ce début de lettre, d’une insinuation charmante : « Il ne tient qu’à vous, madame, de m’apaiser et de m’empêcher de gronder ; que le roi ait la bonté de laisser en Espagne les vingt bataillons que sa majesté espagnole lui demande, nous serons contents. […] Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre. […] Elle arriva, ainsi en France, sans avoir laissé échapper ni une larme, ni un reproche, ni un regret.

837. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

L’oratorien Dotteville refit l’œuvre de la Bletterie, et la diction de ce doux vieillard, pure, châtiée, coulante et tout à fait dans le goût de Rollin, a du moins l’avantage de se laisser lire avec un plaisir continu. […] L’historien vous parle une langue si rapide, si forte, si poignante, qu’il vous enlève, vous tire à lui, vous force de penser avec lui en cette langue qui lui est propre, et, fût-on un latiniste assez vulgaire, pourvu qu’on comprenne, se fait comprendre face à face, sans trucheman, sans aucune de ces traductions sous-entendues que Cicéron en ses longs développements laisse à son lecteur tout le temps de faire. […] Distraits en effet à chaque pas par des difficultés de détail, forcés de reprendre souvent haleine, et de cheminer péniblement phrase à phrase ; de plus, dénués de verve personnelle, et revenant puiser sans cesse à celle de l’original, ils courent risque, s’ils n’y prennent garde, de laisser trace en leur ouvrage de ces allées et venues perpétuelles, et de fatiguer le lecteur par leur marche inégale et heurtée.

838. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

C’est alors que ma paupière Vous vit pâlir et mourir, Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissé mûrir ! […] Il faudrait, pour la caractériser dignement, emprunter les images qui lui sont le plus familières ; il faudrait dire que le lac de Némi, qu’aucun souffle ne ride, a moins de transparence et de limpidité ; que tour à tour cette poésie s’en fie comme une voile, flotte comme un nuage, s’épand comme une eau ; qu’elle est ce qui ri a point de rame et qui pourtant arrive ; qu’elle ne laisse ni trouble ni limon derrière elle, et que les cœurs après sont aussi purs que vague où le cygne a passé. […] De là aussi plusieurs défauts qui sautent aux yeux des moins habiles et qui découlent immédiatement des précédentes qualités : trop de lumières, des ombres vagues, des contours quelquefois indécis ; du débordement et de l’exubérance ; une expansion en tous sens, qui laisse se glisser, dans les intervalles des choses sublimes, quelques idées, trop faciles, trop promptes, écloses avant terme.

839. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Les premiers qui écrivent et parlent une belle langue, se laissent charmer par l’harmonie des phrases ; et Cicéron ni ses auditeurs ne sentaient pas encore le besoin d’un style plus fort d’idées. […] Les tyrans étaient donc beaucoup plus indifférents que de nos jours à la liberté d’écrire ; la postérité n’étant pas de leur domaine, ils laissaient assez volontiers les philosophes s’y réfugier. […] Peut-être que les dangers qui menaçaient alors tous les hommes distingués étaient trop imminents pour leur laisser le loisir nécessaire à de tels travaux ; peut-être aussi les Romains avaient-ils conservé trop d’indignation républicaine pour pouvoir distraire entièrement leur attention de la destinée de leur pays.

840. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les affections morales, unies, dès la jeunesse, aux passions brûlantes, peuvent se prolonger par de nobles traces jusqu’à la fin de l’existence, et laisser voir encore le même tableau sous le crêpe funèbre du temps. […] Les philosophes anciens, exerçant pour ainsi dire une magistrature d’instruction parmi les hommes, avaient toujours pour but l’enseignement universel ; ils découvraient les éléments, ils posaient les bases, ils ne laissaient rien en arrière ; ils n’avaient point encore à se préserver de cette foule d’idées communes, qu’il faut indiquer dans sa route, sans néanmoins fatiguer en les retraçant. […] Les anciens ne demandaient aux autres que de s’abstenir de leur nuire ; ils désiraient uniquement qu’on s’écartât de leur soleil pour les laisser à eux-mêmes et à la nature.

841. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Je n’ai pas à décider si les ingénieuses expériences qu’il a instituées sont aussi décisives qu’il le dit, et je laisse volontiers les savants se prononcer sur ce point ; mais on ne peut contester qu’il ne soit entré dans la vraie voie, et même qu’il n’ait établi certains faits importants avec beaucoup de solidité ; en un mot, il est impossible de traiter du cerveau et de la pensée sans tenir compte de ses recherches. […] Gratiolet, au contraire, non moins positif, non moins versé dans la connaissance des faits, ayant même apporté à la science des observations nouvelles, est le premier à signaler les lacunes de ces faits et les inconnues qu’ils laissent subsister, et n’hésite pas à l’aire la part de l’âme dans le problème de la pensée. […] Brierre de Boismont, mine inépuisable de faits curieux, œuvre d’une psychologie ingénieuse, mais qui laisse quelquefois désirer une critique historique plus sévère ; la Folie lucide du docteur Trélat, l’un des livres qui, sans aucune théorie, donne le plus à réfléchir par la triste singularité des faits qui y sont révélés ; la Psychologie morbide de M. 

842. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science On peut regarder le traité sur la musique, écrit en grec par Aristides Quintilianus et traduit en latin par Monsieur Meibomius, comme l’ouvrage le plus instructif que l’antiquité nous ait laissé sur cette science. […] Porphyre qui vivoit environ deux cens ans après Aristides Quintilianus et qui nous a laissé un commentaire sur les harmoniques de Ptolomée, ne partage les arts musicaux, qu’en cinq arts differens, sçavoir, l’art metrique, l’art rithmique, l’art organique, l’art poetique, pris dans toute son étendue et l’art hypocritique. […] Si nonobstant la suppression de ces deux arts, Porphyre ne laisse pas de compter cinq arts musicaux, au lieu qu’il ne devroit plus après ce retranchement n’en compter que quatre ; c’est qu’il met au nombre de ces arts, l’art metrique dont il n’est pas fait mention dans Aristides.

843. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Laissez, au contraire, le Pape, qui est le souverain pontife de la parole, saisir dans toute son étendue le gouvernement spirituel de la chrétienté ; que le prêtre soit en même temps citoyen de l’état et sujet du chef de l’Église ; et que le chrétien exerce ses droits politiques ou remplisse ses devoirs religieux, sans que ces deux sortes d’actes aient aucune liaison entre eux. […] Laissez donc à la guerre ou de nobles causes ; ou du moins de généreux prétextes. […] Toutefois le vénérable prisonnier ne fut-il pas sur le point de se laisser éblouir aussi par cette terrible fascination à qui il fut donné d’exercer jusqu’au dernier moment une si grande et si funeste influence ?

844. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Il fourmilla d’observations sur elles, et il apporta même un jour, dans ses deux mains, sa fourmilière à L’Opinion nationale, où Guéroult le laissa faire ses expériences sur les âmes, qui ne sont point viles (animas viles), des fourmis. […] … Je laisserai donc là le naturaliste, s’il vous plaît, le naturaliste d’attraction, d’observation, de science devinée, puis cultivée, qui deviendra peut-être profonde si Μ.  […] Ils sont ermites, ceux-là, comme l’ermite de Béranger, qui laissait, le drôle, fourrer aux Grâces des fleurs sous son capuchon, et qui n’était que Μ. de Jouy, l’Ermite de la Chaussée d’Antin !

845. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

On ne devait pas lui en laisser le temps. […] … Pourtant il pleurait tant, quand il me laissa seulette, qu’il me donna la croix de sa mère et l’anneau… mais que dis-je ? […] Là s’arrêtaient les renseignements assez confus que nous laissaient nos lectures d’antan. […] C’est ce que le romancier nous laisse entrevoir dès le premier chapitre de la première partie. […] — Laissez-moi, tonnerre de Dieu, jure le possédé, repoussant Mian et Beaumont.

846. (1898) Essai sur Goethe

Au bivouac, où l’on entend hennir les chevaux des avant-postes ennemis, je me serais laissé entraîner. […] Une fois pour toutes, il a pris la résolution « de laisser agir selon ses tendances particulières sa nature, et de laisser la nature extérieure agir sur lui selon ses qualités ». […] mais laisse-moi la vie. […] Laisse-moi vivre ! […] Je suis maintenant seul, et peux pleurer, je vous laisse heureuse, et ne sors pas de vos cœurs.

847. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Ils se vantent à tout propos, ou, plus avertis, laissent seulement voir qu’ils se tiennent en haute estime. […] Les vieillards mêmes ne détestent pas laisser planer sur eux une petite légende de libertinage. […] Mais l’Italie ne voulait entrer dans cette triple alliance que si on lui laissait Rome. […] Pour la première fois, il laissa entrevoir la séparation comme pouvant entrer dans les prévisions des hommes politiques. […] Buisson avec une netteté qui ne laisse rien à souhaiter, c’est l’incompatibilité du sentiment religieux et du droit d’enseigner.

848. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

L’échauffement, l’ennui, et l’affaiblissement que mon séjour à Paris a laissé dans toute ma machine, après m’avoir tourmenté de temps en temps, se sont fixés dans ma tête et dans ma gorge. […] Mais j’ai des moments d’humeur et d’indignation qui ne me laissent pas le choix de les contenir. […] Les confidences qui suivent ne lui laisseraient guère d’illusion, si elle était femme à en garder172. […] Les autres ne passent pas les yeux ni les oreilles, et ils laissent un vide que je n’éprouve pas lorsque j’ai été avec vous. […] Benjamin Constant s’était laissé marier à Brunswick, en 1789, avec une jeune personne attachée à la duchesse régnante.

849. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Laissez-les dire ; ce n’est pas pour eux que vous écrivez. […] Il lâche son démon dans le monde épouvanté, et son démon lâché il lui laisse la bride sur le cou. […] dit l’enrichi… on lui a laissé l’abîme18 !  […] La morale de tout ceci, c’est qu’il faut laisser Molière comme il est ! […] je laisserai ma pension chez mon banquier.

850. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

M. de Chateaubriand avait déjà parlé dans des notes, dans des préfaces, çà et là, de cette époque antérieure ; mais les détails épars ne se liaient pas et laissaient champ aux incertitudes. […] Cependant ne vous laissez point abattre ; on trouve encore quelques douceurs parmi beaucoup de calamités. […] Le chevalier déclare qu’il renonce à la marine : on décide qu’il achèvera ses études à Dinan et qu’il embrassera l’état ecclésiastique ; mais Dinan est à quatre lieues de Combourg, et il revient perpétuellement à ce gîte austère et chéri jusqu’à ce qu’on s’accoutume à l’y laisser à demeure. […] Cette langue du moyen âge, qui se trouve condensée, refrappée en cet endroit avec un art et une autorité dont on ne peut se faire idée, laisse çà et là des traces énergiques dans tout le courant du récit de M. de Chateaubriand. […] Après avoir piloté assez péniblement le lecteur en vue de nos côtes inégales, nous arrivons avec lui à la haute mer, et nous l’y laissons

851. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Je ne sais que croire à cet égard ; la description qu’il fait du fleuve et de son lit est si peu exacte, qu’elle peut laisser quelques doutes à ceux qui, comme moi, l’ont suivi de l’œil, du pied du Liban jusqu’à la mer Morte. […] Si j’avais voulu être nommé dictateur par soixante départements ou par la France entière, je n’avais qu’à laisser partir cinq ou six amis dévoués, chargés de dire : « Nommez Lamartine, il accepte. » Je fis le contraire et je fus nommé dans treize départements à la presque unanimité. […] Mais peut-être, au-delà des bornes de sa sphère, Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux, Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre, Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux. […] J’ai dit que M. de Chateaubriand, dans le partage de l’Italie, occupait plutôt Rome, et qu’il laissait Naples à Lamartine ; mais ici les voilà rivaux, et Lamartine a eu besoin encore de toute la mélodie de son vers pour n’être point effacé par le prosateur qui le devance. […] Pendant qu’elle s’avançait près du chœur, je m’assis contre un large pilier du temple, et je laissai errer mes regards au bruit d’une psalmodie plaintive ; sur les murs de l’édifice, un tableau, signé de Lécluse, était suspendu au-dessus de ma tête contre le pilier qui était à ma gauche.

852. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Il y a là-dedans des choses que je ne pense plus qu’à demi ; des affirmations qui ne laissent que de m’inquiéter. […] Nous aurions donc laissé trop probablement les décadents tranquilles dans leur petite église transformée en mauvais lieu si nous n’avions eu à considérer que leurs opinions. […] L’Idée, à son tour, ne doit point se laisser voir privée des somptueuses simarres des analogies extérieures ; car le caractère essentiel de l’art symbolique consiste à ne jamais aller jusqu’à la conception de l’Idée en soi. […] Ne serait-il pas meilleur, Monsieur, de laisser en repos ce gentilhomme qui aimait les beaux discours, et de tourner ensemble notre colère contre Noël et Chapsal, vos ennemis et les miens ? […] Laissez-moi voir encore entre les feuillets jaunis glisser leurs ombres aimables.

853. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

De ces deux moines, l’un, Pierre Amy, n’a pas laissé de nom dans les lettres. C’était un de ces bons esprits, en très-grand nombre, qui furent comme les ouvriers chargés des taches secondaires dans le grand travail de la Renaissance, Il correspondait en grec avec le savant Budé, l’ami d’Érasme, le protecteur des lettrés auprès des rois Louis XII et François Ier, un des hommes qui ont rendu le plus de services aux lettres, sans pourtant laisser aucun écrit durable. […] « C’est chose trop vile, dit Thaumaste, et je le laisse à ces moraulx sophistes, lesquels en leurs disputations ne cherchent vérité mais contradiction et desbat. » A quels sophistes Rabelais fait-il allusion ? […] Il ne tut rien de ce qui pouvait être utile à dire à cette époque et rester vrai après la querelle ; il laissa aux hommes passionnés ces affirmations hardies qui allaient être soutenues et repoussées par le fer et le feu. […] Laissons-lui du moins l’honneur du doute, lequel ne serait qu’un malheur dans une profession où l’incrédulité serait coupable.

854. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

L’écroulement de ma vie elle-même me laissait un sentiment de vide comme celui qui suit un accès de fièvre ou un amour brisé. […] Celui d’entre nous qui mourra le premier laissera à l’autre un grand vide. […] Mon rêve serait d’être logé, nourri, vêtu, chauffé, sans que j’eusse à y penser, par quelqu’un qui me prendrait à l’entreprise et me laisserait toute ma liberté. […] Quand je me laisse aller à de périlleux abandons, où ma conscience littéraire hésite et où ma main tremble, des milliers me demandent de continuer. […] La civilité extrême de mes vieux maîtres m’avait laissé un si vif souvenir, que je n’ai jamais pu m’en détacher.

855. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Beaucoup demeurent invisibles, même à des yeux pénétrants ; d’autres se laissent découvrir, offrant volontiers leur image à qui la veut contempler. […] Il y a là une sorte de nécessité psychologique parfois inexplicable ou même que l’on voudrait ne pas expliquer pour lui laisser son caractère même de nécessité, c’est-à-dire de mystère. […] La formation de métaphores, durables ou passagères, est dominée par un ensemble de lois psychologiques que nous ne pouvons connaître que par la trace qu’elles laissent dans les combinaisons verbales. […] On ne devrait pas laisser les cuistres toucher à des organismes aussi délicats que le langage : du moins pourra-t-on désormais leur enseigner que les « tropes » sont une branche de la psychologie générale et qu’il faut réfléchir très longtemps avant que d’oser couper en deux morceaux et tailler à arêtes vives un bloc verbal que l’esprit humain laisse volontairement informe. […] Je laisse ceci pour pouvoir dire en note qu’il ne faut jamais affirmer l’inexistence d’une métaphore de ce genre.

856. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Il n’a pas laissé de le dire bien souvent et de faire, comme à la volupté, de véritables invocations à la paresse. […] Vous me direz qu’il n’en est pas moins vrai qu’il a laissé la valeur de six volumes, environ, de six volumes assez forts ! […] Laissons le monde et sa croyance … Voilà le ton, voilà celui qu’il a toujours. […] Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ? […] Fouquet ne put jamais jouir… On avait bouché toutes les fenêtres de sa chambre et on n’y avait laissé qu’un trou par le haut.

857. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

C’est tout simplement le petit jeune homme qui se laisse aller aux proies faciles du plaisir, quand il est lancé trop tôt dans le monde, avec son étourderie naturelle. […] va-t’en ; suis ta route, et me laisse. […] Mais vous allez voir qu’il laisse échapper ce que je crois être la vérité sur ce point. Il laisse échapper l’aveu que précisément les animaux sont capables de progrès. […] Je laisse déborder un peu cette conférence sur la suivante.

858. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Mme de Longueville n’avait laissé d’elle qu’une médaille, burinée par la main de ce fin et profond ciseleur, le cardinal de Retz, et cela suffisait à l’exigence des imaginations et à la justice même de la Gloire. […] Cousin ne voudrait pas laisser pour souvenir à la jeune École, dont il est le chef, le spectacle de l’homme de l’avenir, devenu le galant des femmes du passé. […] Le complot fut éventé, Mme de Chevreuse, personnage de Mémoires, et qui pouvait entrer dans l’Histoire par un crime, n’y entre pas, car l’Histoire exige des faits et gestes et laisse à l’examen de la conscience et au jugement de Dieu les perversités de l’intention ! […] Laissons pour un moment le philosophe : les philosophes sont sujets à caution… de sagesse. […] Le temps qu’avait vécu Louis XIII, — l’histoire le dira en termes sévères — Anne d’Autriche s’était laissé imposer par ses familiers et par ses domestiques une politique qui n’était pas celle de l’État.

859. (1886) Le roman russe pp. -351

On se laisse volontiers abattre par ce mot fatidique : une fin de siècle. […] Cela devait arriver, il faut leur laisser jeter cette gourme. […] Je laisse ces querelles obscures. […] Laissons-le donc en Russie. […] — On laissait au lecteur le soin de répondre.

860. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Nous pourrions, posant au début deux ou trois causes essentielles, former ensuite un tissu serré de causes et d’effets qui ne laisserait rien en dehors de ses mailles. […] Elles se prêtent à deux nécessités également impérieuses pour l’historien : elles lui permettent de construire l’histoire en constituant des groupes naturels parmi le monceau des faits ; elles lui permettent aussi de faire une place au mystère, à l’inexpliqué, de laisser dans sa construction des lacunes que pourra combler l’avenir, sans qu’il ait à détruire des explications problématiques ou erronées.

861. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 440-443

Malgré sa médiocrité, elle n’a pas laissé de fournir, au Marquis de Maffei & à M. […] Il a laissé un fils, qui a cultivé aussi la Poésie.

862. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Boucher » pp. 196-197

De grâce, laissez quelque chose à suppléer par mon imagination. Mais dites cela à un homme corrompu par la louange et entêté de son talent, et il hochera dédaigneusement de la tête ; il vous laissera dire et nous le quitterons Jussum se suaque solum amare.

863. (1901) Figures et caractères

Parfois l’action s’interrompt, stagne et laisse place aux digressions. […] Il laissera faire. […] Ils ne laissent pas d’autre histoire que leurs états de service. […] Ce qui ne se passe pas chez eux et par feux les laisse assez indifférents. […] Vous savez celles que nous a laissées Villiers.

864. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Les regrets qu’il y laisse ne s’effaceront jamais. […] Enfin, il a un talent si puissant, une telle sûreté de main, une si belle audace ; qu’il faut bien le laisser dire et le laisser faire. […] Le Romain riait et laissait dire. […] En ce cas pourtant, il avait été laissé à son inspiration. […] Mais laissons les manichéens qui n’ont guère affaire ici.

865. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

laisse-moi jouir D’un bonheur que je crains de voir s’évanouir. Laisse mes libres pas errer à l’aventure : Je voudrais m’emparer de toute la nature. […] laisse-moi du moins, Soulevant un moment ma chaîne douloureuse, Rêver que je suis libre et que je suis heureuse. […] interjection inouïe en tragédie, contrariait fort Becquet et les puristes. — Mlle Duchesnois, en énergie, en pathétique, prêtait la main à Talma et ne laissait rien à désirer. […] M. de Chateaubriand lui donna audience aussitôt : — « On dit qu’un roi joue un vilain rôle dans votre pièce ; cependant, monsieur, il serait bien temps, ce me semble, de laisser les rois tranquilles. » M.

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