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1659. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il n’y a qu’un écrivain catholique qui puisse parler avec autorité et compétence de Philippe II, et non pas seulement pour l’excuser et l’innocenter de ses fautes, — comme les ennemis du Catholicisme se l’imaginent, — mais même pour les lui reprocher !

1660. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

s’imaginent tout à l’heure pouvoir effacer… Nous sommes arrivés à cette dernière descente dans les mœurs où la femme vicieuse sophistique son vice.

1661. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Le poète déjà connu est toujours le Narcisse éternel qui a chanté ses cheveux noirs, qui va chanter les blancs, qui palpite pour lui et qui s’effraie pour lui, et s’imagine que tout l’intérêt des lecteurs va s’absorber dans cette incroyable contemplation de fakir !

1662. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Aujourd’hui, en ce moment encore, un journal, le Correspondant, qu’on pourrait appeler à plus juste titre « le Trembleur », et qui s’imagine que la vérité a, comme lui, peur de quelque chose, trouvait imprudent — et l’exprimait — de toucher à ce sujet fétide d’Alexandre VI, fût-ce pour l’assainir, fût-ce pour éponger la mémoire de ce pontife des souillures qu’on a fait ruisseler sur elle !

1663. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

La philosophie peut et doit se séparer de la foule pour l’explication des faits ; mais, on ne saurait trop le répéter, il faut que dans l’explication elle ne détruise pas ce qu’elle prétend expliquer ; sans quoi elle n’explique point, elle imagine. […] Le mysticisme brise en quelque sorte l’échelle qui nous élève jusqu’à la substance infinie : il considère cette substance toute seule, indépendamment des vérités qui la manifestent67, et il s’imagine posséder ainsi l’absolu pur, l’unité pure, l’être en soi. […] Faute d’avoir passé par une psychologie suffisante, le mysticisme alexandrin s’est imaginé que la diversité des attributs est incompatible avec la simplicité de l’essence, et de peur de corrompre la simple et pure essence, il en a fait une abstraction. […] Donnez-moi une belle action, j’en imaginerai une encore plus belle, L’Apollon lui-même admet plus d’une critique. […] Laissons là toutes ces hypothèses : pour connaître la réalité, étudions-la, ne l’imaginons pas.

1664. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

L’orgueil de la pensée, qui est le plus dangereux de tous les orgueils, s’attaque aux plus hautes intelligences ; la soif de tout comprendre et de tout expliquer amène les hommes à vouloir tout ramener au système qu’ils ont imaginé, pour se rendre raison de toute chose, trop heureux encore quand, leur cœur demeurant innocent des erreurs de leur esprit, ils restent soumis à la religion, cette loi des lois, même au prix d’une inconséquence philosophique.

1665. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

C’est un vieux renard, soit ; et c’est toujours un intérêt, véritable ou qu’il imagine, qu’il poursuit dans ses démarches machiavéliques. […] Il fallait qu’au second acte nous eussions vu Blanche se prêtant d’abord à la comédie imaginée par Mme La Pommeraye, puis s’éprenant tout de bon des Arcis et dès lors jouant la comédie pour les motifs exposés ci-dessus. […] Vous n’avez pas besoin d’y être pour imaginer comme elle est froide. […] Imaginez qu’il n’y a qu’un personnage relativement intéressant dans ce drame, et que sa destinée est accomplie au troisième acte, dans une pièce en cinq actes ! […] Une jeune fille, filleule d’un excellent vieux général, parce qu’elle aime son parrain de profonde affection, s’imagine l’aimer d’amour.

1666. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Sceptiques, résignés ou mystiques, ils l’ont tous entrevu ou imaginé, depuis Gœthe jusqu’à Beethoven, depuis Schiller jusqu’à Heine ; ils y sont montés pour remuer à pleines mains l’essaim de leurs grands rêves ; ils ne se sont point consolés d’en tomber, ils y ont pensé du plus profond de leurs chutes ; ils ont habité d’instinct, comme leurs devanciers alexandrins et chrétiens, ce magnifique monde invisible où dorment dans une paix idéale les essences et les puissances créatrices, et « la véhémente aspiration de leur cœur a attiré hors de leur sphère ces esprits élémentaires, créatures de flamme, qui, mêlés aux choses dans les flots de la vie, dans la tempête de l’action, travaillent sur le métier bruissant de la durée et tissent la robe vivante de la Divinité1137. » Ainsi s’élève l’homme moderne, agité de deux sentiments, l’un démocratique, l’autre philosophique. […] Même il a fait des vers orduriers, et lord Byron cite de lui un paquet de lettres, inédites bien entendu, et telles qu’on ne peut rien imaginer de pis ; c’est le trop-plein de la séve qui suintait chez lui et salissait l’écorce.

1667. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

  Il se dépassera cependant moins qu’il ne le voudrait, moins aussi qu’il ne s’imagine le faire. […] Or, il est difficile d’imaginer une société dont les membres ne communiquent pas entre eux par des signes.

1668. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

J’imagine qu’il s’est résigné à pas mal de dîners et de truffes, avant d’entendre une jeune esthète lui dire, après le potage, en tournant vers lui un visage pénétré d’idéalisme : « J’ai entrevu tantôt un violet passionné dont je suis encore angoissée ; les couleurs évoquent en moi d’antiques légendes, ou des souvenirs de parfums troublants. » La même voisine lui a dit ces mots, qu’il écrivit sur son carnet en les arrangeant un peu comme c’était son droit : « L’hiératisme silencieux et profond est la seule attitude d’âme seyante à notre lassitude. » Il n’ignore rien des boniments et des palabres chers aux snobs d’antan. […] J’imagine qu’à cette heure M. 

1669. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

L’histoire ancienne, qui nous entretient sans cesse de grands personnages, attache si rarement nos regards sur la multitude, que nous ne l’imaginons pas, dans les temps passés, aussi grossière, aussi perverse que de nos jours : peu s’en faut que nous ne croyions qu’on ne traversait pas une rue d’Athènes sans être coudoyé par un Démosthène ou par un Cimon. […] « On imagine à peine que l’homme soit capable de tant de grandeur et de fermeté… » Dites de stupidité féroce. […] Et qu’on n’imagine pas que j’allège la tâche du physicien ou du naturaliste : rien de plus difficile que de bien observer, rien de plus difficile que de bien faire une expérience, rien de plus difficile que de ne tirer de l’expérience ou de l’observation que des conséquences rigoureuses ; rien de plus difficile que de se garantir de la séduction systématique, du préjugé et de la précipitation. […] Les augures imaginèrent une foule de distinctions théologiques pour dérober aux peuples l’absurdité de leurs sciences.

1670. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

. — Et ne vous imaginez pas que ce soit pour le plaisir de me faire admirer aux heures d’épanchement ? […] Le Secret du précepteur est de ceux-là, et je me demande qui ne serait charmé au récit de la vie de ce pauvre diable de professeur, portant la plus belle âme du monde sous la plus laide enveloppe corporelle qu’on puisse imaginer, et aimant, dans toute l’honnêteté de son cœur, une de ses élèves. […] Cette singerie du passé est telle qu’on imagine une fête nationale dans laquelle doit passer un char qui rappelle les programmes du peintre David… avant, son tableau du sacre de l’Empereur. […] ; croyant pouvoir profiter du moment où les rapports entre la France et là Russie, quoique arrivés à un état de confiance complète, n’avaient pas encore abouti à une entente militaire et diplomatique, le chancelier imagina coup sur coup l’incident Schnæbelé et celui de Vexaincourt.

1671. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Saint-Simon, à qui ne le voyait qu’en passant et à la rencontre dans ce grand monde, devait faire l’effet, je me l’imagine aisément, d’un personnage remuant, pressé, mystérieux, échauffé, affairé, toujours dans les confidences et les tête-à-tête, quelquefois très amusant dans ses veines et charmant à de certaines heures, et à d’autres heures assez intempestif et incommode.

1672. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Ratin à tout propos contre le fou rire et contre les immoralités qu’il engendre. « Réfléchissant depuis à cette verrue, dit notre historien, je me suis imaginé que tous les gens susceptibles ont ainsi quelque infirmité physique ou morale, quelque verrue occulte ou visible, qui les prédispose à se croire moqués de leur prochain. » Chez quelques-uns, par une. variété de la maladie, au lieu de se croire moquée, la verrue se flatte d’être admirée, elle se rengorge.

1673. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Il avait surtout prouvé ce peu d’aptitude à chanter, comme dit Anacréon, Cadmus et les Atrides, par un certain dithyrambe sur le vaisseau le Vengeur (Almanach des Muses, année 1795) ; ce dithyrambe est certainement la chose la plus platement prosaïque qui se puisse imaginer.

1674. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Imaginez une chaîne de collines que sépare une ombreuse vallée.

1675. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Le colonel s’imagine qu’il leur doit la vie.

1676. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Qu’est-ce donc que penser, concevoir, imaginer et écrire ?

1677. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Le comte Alfred de Vigny758, d’une maison de Beauce qu’il imaginait plus ancienne et plus illustre qu’elle n’était, commença à écrire ses poèmes en 1815, étant lieutenant aux gardes.

1678. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Pour la langue, on ne l’imaginait pas, on la tirait du peuple même ; le plus habile était celui qui se servait le mieux de la langue de tous.

1679. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Et je l’imagine qui parle ainsi : « Votre société ne me convient pas.

1680. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Les affiliés de l’école traitaient Marc de biographe médiocre, et avaient imaginé un système pour expliquer ses lacunes 58.

1681. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Or, l’imagination est liée d’abord à la perception extérieure ; imaginer, c’est encore percevoir, observer des images venues du dehors, se représenter des objets.

1682. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

On peut imaginer qu’en un milieu guerrier et rude comme Sparte, il vienne à naître, par une de ces variations fortuites que la théorie de la sélection est forcée d’admettre, un enfant doué de sentiments pacifiques et délicats que l’éducation ne sera pas parvenue à étouffer.

1683. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Mais ce n’est pas de leur extinction même que nous pouvons être étonnés ; ce serait plutôt de notre présomption, lorsque nous nous imaginons un seul instant que nous savons quelque chose du concours complexe des circonstances accidentelles dont l’existence des formes vivantes dépend.

1684. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Une distraction systématique comme celle de Don Quichotte est ce qu’on peut imaginer au monde de plus comique : elle est le comique même, puisé aussi près que possible de sa source.

1685. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

L’homme sent, perçoit, se souvient, imagine, juge, veut par le cerveau proprement dit, comme il éprouve par les nerfs l’impression des objets, comme il se meut par les muscles et dirige ses mouvements parle cervelet.

1686. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Ce petit roman, qui n’offre rien qu’une jeune personne exaltée et innocente n’ait pu imaginer, et dont le fond ne diffère guère de Sophie, de Mirza, de Pauline, et autres productions du premier débat, est d’une inexpérience de style et de composition plus grande encore. […] Cette liaison ne fut pourtant pas ce qu’on imaginerait volontiers ; leurs camps, à tous deux, restèrent limités et distincts.

1687. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Comme Shakspeare, il imagine à tous propos, hors de propos même, et scandalise les classiques, et les Français. « Les corrupteurs de la foi, dit-il, ne pouvant se rendre eux-mêmes célestes et spirituels, ont rendu Dieu terrestre et charnel ; ils ont changé son essence sacrée et divine en une forme extérieure et corporelle ; ils l’ont consacrée, encensée, aspergée ; ils l’ont revêtue non des robes de la pure innocence, mais de surplis et d’autres habillements déformés et fantastiques, de palliums, de mitres, d’or, de clinquant, ramassés dans la vieille garde-robe d’Aaron ou dans le vestiaire des flamines. […] C’est une fête populaire ; je regrette de n’y point trouver les feux de joie, les cloches qui sonnent comme à Londres, et j’imagine qu’on y but à la santé du nouveau roi.

1688. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

« Parce qu’une demi-douzaine de sauterelles sous une fougère font retentir la prairie de leur importun bruissement, pendant que des milliers de grands troupeaux, reposant sous l’ombre des chênes britanniques, ruminent leur pâture et se tiennent silencieux, n’allez pas vous imaginer que ceux qui font du bruit soient les seuls habitants de la prairie, qu’ils doivent être en grand nombre, ou qu’après tout ils soient autre chose qu’une petite troupe maigre, desséchée, sautillante, quoique bruyante et incommode, d’insectes éphémères873. » La véritable Angleterre, « tous ceux874 qui ont sur leur tête un bon toit et sur leur dos un bon habit » n’a que de l’aversion et du dédain875 pour les maximes et les actes de la Révolution française […] Because half a dozen grasshoppers under a fern make the field ring with their importunate chink, while thousands of great cattle reposed beneath the shadow of the British oak, chew the cud and are silent, pray, do not imagine that those who make the noise are the only inhabitants of the field ; that of course they are many in number ; or that after all they are other that the little shrivelled, meagre, hopping, though loud and troublesome insects of the hour.

1689. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Sur ces entrefaites, la baruinia imagina de marier la blanchisseuse avec Klimof. […] Enfin, après de longs débats : on imagina un moyen de terminer l’affaire adroitement et pacifiquement.

1690. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

D’ailleurs il y a plusieurs dessins, comme plusieurs couleurs : — exacts ou bêtes, physionomiques et imaginés. […] Granet, il a imaginé d’employer la couleur propre aux tableaux de M. 

1691. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

De Maistre imagine le caractère providentiel du sang versé, et en fait toute une théorie rébarbative à l’appui de son système. […] L’homme a émancipé alors sa faculté d’imaginer. […] Il était obscur au-delà de tout ce qu’on peut imaginer. […] Imaginez l’effet qu’il eût produit au milieu du xviiie , et par là mesurez les distances. […] Ils se sont imaginé qu’une ancienne religion disparaît de la terre par l’indifférence, la désuétude, ou par la discussion.

1692. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

— Mais les moralistes donneurs de ce conseil pensent moins, j’imagine, à l’ensemble de nos contemporains qu’à la tourbe des petits qui languissent dans une ignorance dont nul n’a pitié et qui, peut-être, garderaient aux poëtes la surprise d’une naïve obéissance, d’une reconnaissance toute neuve. […] On a imaginé un nombre incalculable d’essentielles bagatelles qui obscurcissent le fond unique et réel de toutes choses. […] Une seule qualité persiste dans Walter Scott : il ne pense pas, il imagine lourdement et vulgairement, il fait de l’histoire une fable ridicule ; il n’a ni l’ingéniosité, ni la bonhomie, ni la terreur ; ses personnages ne sont ni des entités idéales, ni des hommes vivants, ni même des fantômes, il ignore l’amour comme toutes les autres passions31, — mais il a le pittoresque, et cela suffit à lui conquérir l’enthousiasme universel.

1693. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Avant de prendre part de façon capitale au reportage contemporain (c’est lui qui imagina d’interviewer l’épicier du coin sur les incendies et accidents de son quartier) Tomel jouait les Musset, d’après les Nuits. […] À quoi doit-on attribuer ces légères tares de l’Ève future, cette inutile démonstration de la machine de l’Andréide, et les quelques vains soliloques d’Edison, et même le superflu de quelques dialogues avec lord Ewald ; à côté des chapitres précités, à côté de cette définition de l’Andréide « dont le propre est d’annuler en quelques heures, dans le plus passionné des cœurs, ce qu’il peut contenir pour le modèle de désirs bas et dégradants, ceci par le seul fait de les saturer d’une solennité inconnue, et dont nul, je crois, ne peut imaginer l’irrésistible effet avant de l’avoir éprouvé ». […] Nous en avons une lueur si faible, au contraire, que nulle raison, bien que constatant cette inconditionnelle nécessité, ne saurait en imaginer l’idée autrement que par un pressentiment, un vertige, ou un désir. » (Ève future). […] Au moment du duel, Axel dit au commandeur : « Vous avez, j’imagine, entendu parler d’un jeune homme des jours de jadis qui, du fond de son château d’Alamont, bâti sur ce plateau syrien surnommé le Toit du monde, contraignait les rois lointains à lui payer tribut. […] Évidemment, d’avoir lu, on peut s’imaginer quelles idées ce seraient, sous ces trois titres, construites et expliquées, mais la certitude ne se pourrait établir que si des notes ou des fragments de ces livres sont un jour décelés à la curiosité.

1694. (1903) Propos de théâtre. Première série

Imaginez un théâtre unique, où l’on ne parle à peu près que de politique, et qui soit la propriété exclusive du faubourg Saint-Germain. […] Raoul Jeudy de l’avoir imaginé, et je ne crois pas, naguère, l’avoir dissuadé de le choisir, parce qu’il faut un peu de variété dans ce monde toujours le même, et un peu de renouvellement dans les noms, sinon dans les choses. […] Rien de plus juste ; seulement, au temps de Molière, plus encore qu’au nôtre, on jouait tout au trou du souffleur ; on n’aurait jamais imaginé de jouer une scène aussi considérable que la cinquième du iv en un coin du théâtre, et donc il fallait, ou que la table fût au trou du souffleur depuis le commencement du premier acte, ce qui eût été assez gênant, ou qu’elle y fût transportée à l’approche de la cinquième du iv ; et voilà pourquoi Molière a écrit : « Approchons cette table. » Mais comme exemple de scrupuleuse méditation de la mise en scène, la remarque de Régnier subsiste.

1695. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Des hommes éloquents, des orateurs, vous imaginez s’il en devait naître là où chaque jour, à toute heure, pour le salut de la république ou pour le triomphe de son parti, il fallait s’efforcer de convaincre ou d’entraîner le peuple ! […] Pas plus que vous je ne parviens à ranimer dans mon esprit cette triple orthodoxie théologique, métaphysique et scientifique que saint Thomas, Aristote et Ptolémée imposaient au moyen âge, et dont le génie de Dante lui-même était si bien pénétré, que, à part certaines opinions particulières et quelques idées empruntées aux Arabes et à Platon (au Platon d’Alexandrie s’entend), il ne pouvait rien imaginer en dehors d’elle. […] On suppose Virgile, comme on a imaginé Aristote, oubliant la sagesse aux pieds d’une courtisane, et celle-ci, en grande malice et dérision, le suspendant tout au haut d’une tour, dans un panier, où, un jour de procession publique, toute la ville de Rome le voit et le raille. […] Cette passion pour Dieu, qui pousse le petit Wolfgang à se faire prêtre d’un culte qu’il imagine, n’est ni plus précoce d’ailleurs ni plus improbable que sa passion pour sa sœur Cornélie, dont nous venons de voir les effets étranges ; loin de là.

1696. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

La première lui plaisoit par sa bonté et par une certaine ingénuité à conter tout ce qu’elle avoit dans le cœur, qui ressentoit la simplicité des premiers siècles ; l’autre lui avoit été agréable par son bonheur ; car, bien qu’on lui trouvât du mérite, c’étoit une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu’il ne sembloit pas qu’il dût plaire à une princesse aussi jeune que Madame. » A l’âge d’environ trente ans, Mme de La Fayette se trouvait donc au centre de cette politesse et de cette galanterie des plus florissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les parties de Madame à Fontainebleau ou à Saint-Cloud ; spectatrice plutôt qu’agissante ; n’ayant aucune part, comme elle nous dit, à sa confidence sur de certaines affaires, mais, quand elles étaient passées et un peu ébruitées, les entendant de sa bouche, les écrivant pour lui complaire : « Vous écrivez bien, lui disait Madame ; écrivez, je vous fournirai de bons mémoires. » — « C’était un ouvrage assez difficile, avoue Mme de La Fayette, que de tourner la vérité en de certains endroits d’une manière qui la fit connaître et qui ne fût pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse. » Un de ces endroits, entre autres, qui aiguisaient toute la délicatesse de Mme de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame pour la peine que l’aimable écrivain s’y donnait, devait être, j’imagine, celui-ci : « Elle (Madame) se lia avec la comtesse de Soissons… et ne pensa plus qu’à plaire au roi comme belle-sœur ; je crois qu’elle lui plut d’une autre manière, je crois aussi qu’elle pensa qu’il ne lui plaisoit que comme un beau-frère, quoiqu’il lui plût peut-être davantage ; mais enfin, comme ils étoient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec des dispositions galantes, qu’ils se voyoient tous les jours au milieu des plaisirs et des divertissements, il parut aux yeux de tout le monde qu’ils avoient l’un pour l’autre cet agrément qui précède d’ordinaire les grandes passions. » Madame mourut dans les bras de Mme de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers moments.

1697. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Mérimée, successeur de Nodier à l’Académie, et qui, ayant à prononcer son Éloge, s’en est acquitté un peu ironiquement, a dit en parlant de cette époque de sa vie où il était peut-être moins persécuté qu’il ne se l’imaginait : « Il croyait fuir les gendarmes et poursuivait les papillons. » 179.

1698. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Voyez cependant ce qu’on a imaginé ; il y a sur tous ces noms assez de vraisemblance pour croire, assez d’invraisemblance pour douter.

1699. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Il s’imagina, dans sa douleur, et inspiré d’étranges imaginations, de se rapprocher au moins par le regard de la place où elle s’était évanouie de la terre.

1700. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Volontiers, composant ces pages, il s’est imaginé qu’il lisait un grand Discours de Fête, devant un Auditoire idéal.

1701. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Prud’homme, on ne se l’imagine pas, n’est-ce pas, arrivant en lunettes d’or devant Dieu, auquel elle dirait : Architecte des mondes… » Gautier reprend tranquillement : « Nous admettons parfaitement l’inconscience avant la vie, ce n’est pas difficile de la concevoir après.

1702. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Dans cette originale pose, elle conte au petit Jacques, assis à côté d’elle, dans un fauteuil de paille, elle conte une de ces histoires merveilleuses, qu’elle imagine si joliment.

1703. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

L’idéal enfin qu’imaginait Ce furieux, soudain redevenu benêt C’était de ployer tout, cités, hameaux campagne, Hommes, femmes, enfants, sous le niveau du bagne.

1704. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

V Il s’ensuit enfin que tous les peuples, depuis l’origine des peuples, ont imaginé un monde invisible, surnaturel et éternel, faisant suite et complément au monde passager où nous agissons.

1705. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Mais ces cantilènes n’ont absolument rien de lyrique et, pour peu qu’on essaie d’en imaginer la nature, elles ne sont à proprement parler que de l’épopée, diffuse, de l’épopée qui n’est pas encore, qui devient, mais déjà de l’épopée.

1706. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

La physique doit l’heureux changement de sa méthode à cette idée : que la raison cherche, je ne dis pas imagine, dans la nature, conformément à ses propres principes, ce qu’elle doit apprendre de la nature, et ce dont elle ne peut rien savoir par elle-même.

1707. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

La personne qui a choisi la première un Pigeon orné d’une queue un peu plus large que les autres, ne s’est jamais imaginé ce que les descendants de ce Pigeon deviendraient par suite de cette sélection continuée, en partie inconsciemment, et en partie méthodiquement.

1708. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Ce que j’attribue au petit nombre d’idées qui les absorbent et bornent l’esprit au lieu de l’étendre, comme on l’imagine. » LA METTRIE, Histoire naturelle de l’âme.

1709. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Cette destination nouvelle, cet emploi public et privé de la poésie et du chant, donnait un intérêt de plus à l’antique tradition du génie grec ; et lorsque Julien, dans sa haine de sophiste comme de fanatique contre les chrétiens, imagina de leur interdire l’enseignement des lettres et l’étude publique des monuments de l’antique poésie, cette jalouse prohibition ne fil que précipiter dans les canaux de la foi nouvelle les flots harmonieux de l’idiome hellénique.

1710. (1739) Vie de Molière

Plaute avait imaginé le premier, de faire en même temps voler la cassette de l’Avare et séduire sa fille ; c’est de lui qu’est toute l’invention de la scène du jeune homme qui vient avouer le rapt, et que l’Avare prend pour le voleur.

1711. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ils ne sont pas si différents de leurs confrères ou de leurs rivaux que, peut-être, ils se l’imaginent. […] Et cela n’est donné ‘qu’aux penseurs qui sont en même temps des artistes, qu’aux artistes qui pensent en artistes, et qu’aux penseurs qui imaginent en même temps qu’ils pensent. […] Je me garderai d’avoir cette discrétion : Seigneur, s’il faut que ma langue et ma plume vous confessent tout ce que vous m’avez appris sur le sujet de cette matière première, j’avoue qu’en entendant autrefois nommer ce nom par ceux qui m’en parlaient sans y rien comprendre en n’y comprenant rien non plus qu’eux, je me l’imaginais avec un nombre infini de formes, et ainsi l’imagination que j’en avais était très fausse… Mais [plus tard] je portai mon attention vers les corps eux-mêmes et considérai de plus près cette mutabilité qui les fait cesser d’être ce qu’ils étaient et commencer d’être ce qu’ils n’étaient pas. […] Les uns soutinrent qu’une montre ne peut avoir été créée en un instant parce que ses parties ont dû s’adapter successivement l’une à l’autre dans un progrès incessant par l’action combinée de causes inconnues ; que la montre est le produit, non d’une création, mais d’une évolution, et que l’idée d’une grande montre créatrice de toutes les autres est une pure superstition, bonne pour les montres inférieures qui ne sont pas capables d’imaginer un être divin sans roues, ressorts boîtier et cadran.

1712. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Imaginez, par exemple, que l’aveu d’Angèle à sa mère mette Alfred dans la nécessité d’épouser une femme inutile à ses projets, mais lui laisse l’espérance d’assurer, par cette résolution, l’avenir qu’il ambitionnait, et qu’au moment où il signe le contrat, madame de Rieux apporte et déchire en sa présence ce brevet d’ambassade pour lequel il a sacrifié trois femmes ; qu’il demeure seul, abandonné, sans fortune, sans puissance, flétri par la haine et le mépris des trois maîtresses qu’il a trompées ; qu’une fois assurée que sa petite-fille portera le nom de son père, madame de Gaston emmène sa fille, et livre son gendre à ses remords et à sa honte ; n’est-ce pas là un dénouement plus logique et plus simple ? […] Quoi qu’il fasse, le plus hardi génie a toujours besoin du souvenir personnel ou de la lecture attentive, pour imaginer dans les conditions de la vraisemblance ou de la vérité. […] Mais j’imagine que Schiller et Shakespeare, résolus à dramatiser Chatterton, se seraient proposé pour tâche unique de le mener de l’orgueil au suicide, en épuisant successivement les joies de la famille et les intrigues du pamphlétaire. […] Si j’étais capable d’affirmer, je prendrais un parti décisif, j’imaginerais.

1713. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Pareillement, dans son Horace, dans son Cinna, dans sa Rodogune, lorsqu’il mêle ensemble les choses de la politique et de la galanterie, ne vous imaginez pas que ce soit Justin qu’il imite, ni Sénèque, ni Tite-Live, mais ce sont bien les mœurs de son temps, et des « modèles » qui posent devant lui. […] On ne saurait guère imaginer de génie plus différent de celui de Molière que le génie de Racine, à moins peut-être que les rapports ne soient plus difficiles encore à préciser entre la nonchalance épicurienne de La Fontaine et la sévérité bourgeoise de Boileau. […] Épouse ou maîtresse, la vieille demoiselle n’imagine qu’un moyen d’assurer à la fois et de se faire pardonner sa fortune, qui est d’affecter la dévotion et la pruderie. […] Qu’il n’y a pas lieu de parler des émules de Desmarets et de Chapelain dans l’épopée. — Rien de plus mort que le Saint Louys du Père Le Moyne, — et quoi que l’on ait fait pour le ressusciter. — Le siècle était déjà trop raisonnable, — et surtout trop réglé pour qu’il y pût naître des épopées. — Mais l’amour-propre français ne va pas moins s’obstiner à en imaginer de génération en génération ; — et l’on parle de la continuité de la production dramatique ; — mais celle de la production pseudo-épique ne sera pas moins régulière chez nous.

1714. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Tout ce qu’on saurait imaginer de ressources, de grâces, de facilité, de hors-d’œuvre et de main-d’œuvre (non pas d’art véritable) dans ce genre, il le déploya ; et le prestige, malgré des protestations nombreuses, dura jusqu’à sa mort.

1715. (1929) Dialogues critiques

Il y a des moralistes, très immoraux, qui se plaisent à imaginer le mal pour l’agrément de le flétrir.

1716. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Il m’avait demandé mille et mille fois des particularités sur elle ; je lui avais répondu toujours par des généralités, sans lui laisser ni soupçonner ni espérer que ma Nancy était celle que j’avais épousée ; comment imaginer et surtout comment peindre sa surprise, en la reconnaissant sous le voile qui venait de l’autre ?

1717. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

C’était la plus belle et la plus pittoresque population de tout âge et de tout sexe qu’il fût possible d’imaginer pour un poète et de reproduire pour un peintre : la taille élevée, les membres dispos, les fières attitudes, les costumes sauvages des hommes ; les profils purs, les yeux d’un bleu noir, les cheveux dorés, les épingles d’argent semblables à des poignards, les corsets pourpres, les tuniques lourdes, les sandales nouées sur les jambes nues des femmes ; les groupes formés naturellement, çà et là, le long des murs, par les captifs, les épouses ou les fiancées demi libres, s’entretenant, les joues rouges de passion ou pâles de pitié, avec leurs maris ou leurs amants, à travers les gros grillages de fer des lucarnes des cachots, ouvrant sur les cours ; les hommes assis et pensifs sur la poussière, le coude sur leurs genoux, la tête dans leur main ; les jeunes filles se tressant mutuellement leurs cheveux de bronze avec quelques tiges de fleurs de leurs montagnes, apportées par leurs aïeules la veille du dimanche, les regards chargés des images de la patrie, des arrière-pensées de la vengeance, des invocations ardentes à la liberté de la montagne ; les enfants à la mamelle allaités en plein soleil de lait amer mêlé de larmes ; toute cette scène, que nous avons contemplée souvent nous-même alors, laissait dans le souvenir, dans l’œil et dans l’imagination un pittoresque de nature humaine qui ne s’efface plus.

1718. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

C’est ce pays qui a fait le poème : on peint mal ce qu’on imagine, on ne chante bien que ce que l’on respire.

1719. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Je n’aurais jamais imaginé que la jeune France pût vouloir la paix à tout prix, et qu’elle ne jetât par la fenêtre les ministres qui lui mettent un commissaire anglais à Bruxelles et un caporal autrichien à Bologne.

1720. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

On voit que la science médicale moderne ne dépasse pas les éléments qu’Hippocrate avait laissés à ses descendants ; c’est une folie d’imaginer que la science anatomique de l’homme ait attendu des milliers d’années pour éclairer la pratique des médecins ; la vie a toujours cherché dans la mort son secret : le progrès n’est ni aussi lent ni aussi ignorant qu’on le dit.

1721. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Que cet homme était à la fois assez grand poëte pour imaginer toute une poésie originale, et assez maniaque pour s’obstiner, pendant quarante ans, au plus stérile et au plus ingrat des travaux d’esprit ?

1722. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

On peut même très bien imaginer une traduction à ce point de vue seul : une traduction excessivement littérale et littéraire.

1723. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Mais pour faire ces romans tout unis, ces romans de science humaine, sans plus de gros drame, qu’il n’y en a dans la vie, il ne faut pas en pondre un, tous les ans… Savez-vous qu’il faut des années, des années de vie commune avec les gens qu’on veut peindre, pour que rien ne soit imaginé, qui ne corresponde à leur originalité propre… Oui, des romans comme cela, un romancier ne peut en fabriquer qu’une douzaine, dans sa longue vie, tandis qu’un de ces romans, qu’on fait avec le récit d’une aventure, amplifiée augmentée, chargée, dramatisée, on peut l’écrire en trois mois, ainsi que le fait Feuillet et beaucoup d’autres.

1724. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il faudrait énumérer le combat de Schœngraben, suivi de la sinistre chevauchée du prince André au milieu de la débâcle des caissons et des voitures chargées de blessés, la bataille d’Austerlitz, l’entrevue de Tilsitt, le passage du Niémen, la description mémorable de la bataille de Borodino, où tandis que pleuvent les boulets, dans le va-et-vient des servants, sur le crépitement de la fusillade et le choc horrible des corps à corps, rayonne paisiblement le beau soleil d’une journée d’automne illuminant l’herbe mouillée de givre et de gouttelettes de sang, quand, tout auprès, au milieu des rangs pressés d’un régiment misérablement décimé à distance par les obus, succombe le prince André déchiré au ventre par un biscaïen et emporté à l’affreux et fade charnier qui est devenu l’ambulance ; d’autres tableaux apparaissent et le récit de cette grandiose rencontre de deux peuples se déroule en aspects tracés avec une si évidente véracité qu’on s’imagine posséder enfin l’exacte représentation de la guerre.

1725. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Ceux qui s’imaginent — il y en a, témoin ce Forbes, — qu’un poëme comme le Médecin de son honneur ou le Roi Lear peut être dicté par un trépied ou par une table, errent étrangement.

1726. (1894) Textes critiques

Naïfs, ils s’imaginent que ce personnage, fauteur de rhapsodies romantico-hébraïques, adore la jeune littérature.

1727. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Sans nul doute, les honorables Michelin, Ruel et Lyon Allemand de Londres s’imaginèrent que l’écrivain, qui venait de trépasser, était un de ces prolétaires de la plume, qui louent à la semaine et à l’année leurs cervelles aux Hachette de l’éditorat et aux Villemessant de la presse.

1728. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Ces livres tant de fois feuilletés par une main magistrale, cette table sur laquelle quelques volumes grecs et quelques pages de la même langue non achevées attestaient que la mort l’avait surpris dans ces fortes études, le lit où il avait rêvé, la plume avec laquelle il avait écrit, tous ces meubles qui semblaient attendre leur maître, cette ombre de la chambre sur les murs, dans laquelle on pouvait s’imaginer voir encore l’ombre colossale du poète (Alfieri était un géant), enfin ce tapis usé par ses pas pendant ses longues insomnies poétiques, me remplissaient de stupeur et de silence.

1729. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

Plus un homme est doué par la nature d’une puissante faculté d’imaginer, de sentir, de penser, d’aimer, plus il est froissé, dans son intelligence et dans sa sensibilité, par ce milieu humain où rien n’est de ce qui devrait être, avant d’arriver par la mort à ce milieu divin où tout ce qui doit être sera.

1730. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Imaginez une poule (et encore ! […] Quant aux symbolistes, j’imagine aisément qu’ils cherchent du nouveau, mais qu’ils ne savent pas exactement comment ils espèrent y atteindre. […] Si vous voulez vous offrir, par surcroît, le luxe d’une esthétique particulière, je le verrai parbleu bien, car les livres sont écrits, j’imagine, pour en recevoir l’endosse. […] Malheureusement ils sont tous d’une infatuation telle qu’ils s’imaginent être arrivés, comme ils le disent, à la forme définitive ; ils se cantonnent dans une formule de plus en plus étroite et ne progressent plus. […] Travailler, surtout, et que chacun apporte sa pierre sans s’imaginer qu’il apporte l’édifice.

1731. (1885) L’Art romantique

La scène est au gué de Jacob ; les lueurs riantes et dorées du matin traversent la plus riche et la plus robuste végétation qui se puisse imaginer, une végétation qu’on pourrait appeler patriarcale. […] J’imagine qu’il aurait complaisamment, et non sans attendrissement, examiné les faits et gestes de ses soldats, tous exprimés minutieusement, au jour le jour, depuis les actions les plus éclatantes jusqu’aux occupations les plus triviales de la vie, par cette main de soldat artiste, si ferme et si intelligente. […] Pierre Lebrun imagina de faire souscrire beaucoup de personnes à l’impression du livre ; les bénéfices furent consacrés à payer un remplaçant. […] Comme Wagner n’avait jamais cessé de répéter que la musique (dramatique) devait parler le sentiment, s’adapter au sentiment avec la même exactitude que la parole, mais évidemment d’une autre manière, c’est-à-dire exprimer la partie indéfinie du sentiment que la parole, trop positive, ne peut pas rendre (en quoi il ne disait rien qui ne fût accepté par tous les esprits sensés), une foule de gens, persuadés par les plaisants du feuilleton, s’imaginèrent que le maître attribuait à la musique la puissance d’exprimer la forme positive des choses, c’est-à-dire qu’il intervertissait les rôles et les fonctions. […] Quand on se figure ce qu’était la poésie française avant qu’il apparût, et quel rajeunissement elle a subi depuis qu’il est venu ; quand on imagine ce peu qu’elle eût été s’il n’était pas venu ; combien de sentiments mystérieux et profonds, qui ont été exprimés, seraient restés muets ; combien d’intelligences il a accouchées, combien d’hommes qui ont rayonné par lui seraient restés obscurs, il est impossible de ne pas le considérer comme un de ces esprits rares et providentiels qui opèrent, dans l’ordre littéraire, le salut de tous, comme d’autres dans l’ordre moral et d’autres dans l’ordre politique.

1732. (1903) Le problème de l’avenir latin

Je dis « tout simplement » — quitte à m’entendre traiter de naïf — parce que je crois l’opération beaucoup plus simple qu’on ne se l’imagine ordinairement, pourvu qu’elle soit conduite par une main habile. […] Vous n’imaginez pas, nous dira-t-on, que la foule, privée d’églises, irait au temple, à la synagogue ou à la mosquée ? […] Toute souveraineté, dit-il, ayant pour condition fondamentale le plus grand bien général, « l’indépendance nationale ne peut pas se maintenir comme un droit absolu envers et contre tout… L’autonomie n’est pas un droit aussi absolu qu’on l’imagine, n’est pas un fait qui puisse se maintenir aussi absolument qu’on le suppose… Le laisser-faire qu’accorde le genre humain — (inconsciemment, pourrait ajouter l’auteur) — aux pouvoirs publics se fonde sur le bien qu’en tire la communauté des habitants et sur le retentissement que ce bien d’une partie de l’espèce a sur le reste de l’espèce.

1733. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Écoutons-le : « quand tous mes rêves se seraient tournés en réalité, ils ne m’auraient pas suffi ; j’aurais imaginé, rêvé, désiré encore. […] Non, jamais rien de semblable ne s’était vu, n’aurait pu même s’imaginer. […] J’imagine que plus d’un de leurs semblables moins connus a suivi la même marche, et n’a pas tardé à dépouiller sa première forme. […] Je ne pense pas qu’on puisse imaginer une union de sentiments plus parfaite ; mais aussi, rarement a-t-on vu plus d’affinités morales qu’entre ce frère et cette sœur.

/ 1798