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750. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les deux hommes modernes qui ont remué le plus d’idées par l’éloquence et le plus d’hommes par la guerre, Mirabeau et Napoléon, sont des Toscans transportés sur la scène de la France. […] Cet homme était saint Thomas d’Aquin. […] Nous définissons le Dante : Un homme plus grand que son poème. […] Il y avait autour de lui comme une atmosphère de tendresse pour les hommes. […] On pouvait différer, on ne pouvait pas disputer avec cet homme sans fiel.

751. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Les hommes qui, en Allemagne, attaquèrent d’abord dans les Schlegel le mysticisme des théories sur le moyen âge, et dans Goethe l’impartialité égoïste et suprême de l’art, ces hommes sont en partie les mêmes qui essaient de populariser maintenant les idées pratiques de liberté, et d’amener leurs compatriotes à la vie publique. […] Il l’avait vu dans les luttes convulsives de tribune ; sa corde poétique avait vibré, et il s’exagère cet homme, comme cela était tout simple sous l’impression du moment. […] Casimir Perier n’était rien moins qu’un grand homme. […] Il fallait donc un homme qui voulût pendant quelque temps faire le métier de verrou. […] Il parle de nos peintres en homme qui a manié, sinon le pinceau, du moins la clef de l’art, et qui a pénétré par une autre porte dans le même sanctuaire.

752. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Quand il s’agit d’être subjugué, c’est pour les nations comme pour les hommes ! […] Ces esprits bien intentionnés, mais assez inférieurs, avaient cependant avec eux un homme de la plus nette supériorité. […] Mais, sur toutes ces questions épuisées, il y a l’homme qui les remua, il y a la force du critique, la personnalité d’un esprit comme celui de Lessing et sa juste mesure. […] Et cependant, disons-le à son honneur, s’il ne l’a pas vu d’une pleine vue comme l’homme supérieur voit… il l’avait entrevu. […] Il devinait César, Marc-Antoine, Coriolan, parce qu’avant d’être des Romains, c’était surtout des hommes.

753. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Des idées de ce grand homme d’idées, qui s’en occupe en effet depuis deux siècles ? […] Le silence, gardé deux siècles durant, sur l’un des plus fiers livres qu’ait produits non le génie d’un homme, mais le génie des hommes, était en vérité par trop honteux, et c’est être délivré de la honte que d’être autorisé à en parler aujourd’hui, sans qu’on vous jette une soutane sur la tête pour mieux enterrer vos admirations arriérées ! […] Croirait-on, si ses œuvres ne l’attestaient, qu’il n’a jamais versé dans le mysticisme de Malebranche au dix-septième siècle, lui, l’homme du treizième et le saint ? […] Il a tourné, en homme qui comprend ces questions et ces langages, dans ce rond d’idées qui ne s’est pas élargi d’Aristote à saint Thomas d’Aquin et de saint Thomas d’Aquin à Kant lui-même. […] Même saint Thomas dans le problème humain, dans l’ordre des connaissances naturelles, ne peut rien quand il s’agit d’ajouter une certitude à celles que l’esprit de l’homme craint de ne pas avoir.

754. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Othon passa presque pour un grand homme pour avoir su mourir, et Pétrone, l’homme le plus voluptueux de son siècle, se donna la mort avec plus de tranquillité que Caton. […] La religion chrétienne changea ces idées ; elle enchaîna l’homme, qui rentra tout entier dans la dépendance des lois. […] est-ce le même homme, qui, pour punir quelques séditieux, fit égorger une ville entière ? […] Mais, depuis longtemps on est accoutumé à pardonner aux hommes leurs crimes, en faveur de leurs vertus. […] On est intéressé, en tout pays, à chercher les hommes célèbres pour l’éducation des princes.

755. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

—  Sa conception de l’homme. […] Ce qu’on appelle nature dans l’homme, c’est l’homme tel qu’il est avant que la culture et la civilisation l’aient déformé et réformé. […] Ils manifestent mieux que les autres hommes l’esprit public, parce que l’esprit public est plus fort chez eux que chez les autres hommes. […] Voilà les hommes du moyen âge. […] Par une rencontre singulière, les femmes sont plus femmes et les hommes plus hommes ici qu’ailleurs.

756. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Il était cité avec considération par quelques hommes célèbres ; d’autres l’estimaient d’assez mince étoffe. […] C’est une belle chose qu’un homme de bien et sévère, qui pleure !  […] Tout homme doué de grandes facultés, et venu en des temps où elles peuvent se faire jour, est comptable, par-devant son siècle et l’humanité, d’une œuvre en rapport avec les besoins généraux de l’époque et qui aide à la marche du progrès. […] — Tantôt, comme dans une lettre à mademoiselle Voland, c’est un moine, galant homme et point du tout enfroqué, avec qui son ami Damilaville l’a fait dîner. […] Cette sorte de conjuration instinctive et intéressée de tous les hommes de bon sens et d’esprit contre l’homme d’un génie supérieur n’apparaît peut-être dans aucun cas particulier avec plus d’évidence que dans les relations de Diderot avec ses contemporains.

757. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Cet homme devait avoir de vingt-trois à vingt-cinq ans. […] Dans l’ouvrage se peint l’homme qui l’a fait. […] Cependant la figure la plus remarquable est celle d’un homme attaqué de la peste. […] Personne ne s’informe si les portraits des grands hommes sont ressemblants. […] dit David, vous ne connaissez pas encore Girodet ; c’est l’homme aux précautions.

758. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier Un sujet peut être interessant en deux manieres. En premier lieu il est interessant de lui-même, et parce que ses circonstances sont telles qu’elles doivent toucher les hommes en general. En second lieu il est interessant par rapport à certaines personnes seulement, c’est-à-dire que tel sujet qui n’est capable que de s’attirer une attention mediocre du commun des hommes, s’attire cependant une attention très-serieuse de la part de certaines personnes. […] Je ne parlerai pas plus au long de cet interêt de rapport et particulier à certains hommes comme à certains tems, d’autant qu’il est facile aux peintres et aux poëtes de connoître si les sujets qu’ils entreprennent de traiter interessent beaucoup les personnes devant lesquelles ils doivent produire leurs ouvrages. […] Ceux qui disent qu’après avoir lû cette oraison, ils cherchent encore l’endroit qui fut capable de frapper si vivement un homme tel que Cesar, parlent en grammairiens qui n’ont jamais étudié que la langue des hommes, et qui n’ont point acquis la connoissance des mouvemens de leur coeur.

759. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

Platon définit la sagesse la faculté qui perfectionne l’homme . Or l’homme, en tant qu’homme, a deux parties constituantes, l’esprit et le cœur, ou si l’on veut, l’intelligence et la volonté. […] Les Latins tirèrent de là l’usage d’appeler professeurs de sagesse ceux qui professaient l’astrologie judiciaire. — Ensuite la sagesse fut attribuée aux hommes célèbres pour avoir donné des avis utiles au genre humain ; tels furent les sept sages de la Grèce. — Plus tard la sagesse passa dans l’opinion aux hommes qui ordonnent et gouvernent sagement les états, dans l’intérêt des nations. — Plus tard encore le mot sagesse vint à signifier la science naturelle des choses divines, c’est-à-dire la métaphysique, qui cherchant à connaître l’intelligence de l’homme par la contemplation de Dieu, doit tenir Dieu pour le régulateur de tout bien, puisqu’elle le reconnaît pour la source de toute vérité41. — Enfin la sagesse parmi les Hébreux et ensuite parmi les Chrétiens a désigné la science des vérités éternelles révélées par Dieu ; science qui, considérée chez les Toscans comme science du vrai bien et du vrai mal, reçut peut-être pour cette cause son premier nom, science de la divinité. […] Toutes se réunissent dans la contemplation de la Providence divine ; cette Providence qui conduit la marche de l’humanité, voulut qu’elle partît de la théologie poétique qui réglait les actions des hommes d’après certains signes sensibles, pris pour des avertissements du ciel ; et que la théologie naturelle, qui démontre la Providence par des raisons d’une nature immuable et au-dessus des sens, préparât les hommes à recevoir la théologie révélée, par l’effet d’une foi surnaturelle et supérieure aux sens et à tous les raisonnements. […] En conséquence la métaphysique doit essentiellement travailler au bonheur du genre humain dont la conservation tient au sentiment universel qu’ont tous les hommes d’une divinité douce de providence.

760. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Cet homme est détestable, j’en conviens. […] La pensée, c’est tout l’homme. […] Mais l’homme ne serait pas l’homme s’il ne pensait librement. […] Il fut un habile homme. […] Et pourtant c’étaient des hommes subtils.

761. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Le xviie  siècle, intellectuel, raisonneur, oratoire, s’intéresse surtout à l’homme, et, dans l’homme, à l’âme. […] La cour enfonce dans les esprits l’idée qu’un dévot est un habile homme : sinon, il ne serait qu’un niais. […] La science s’est substituée à la religion, pour expliquer à l’homme ce qu’il est, d’où il vient, où il va, ce qu’il doit être. […] Il ne regarde que l’homme idéal, la définition de l’homme : mais cet homme en soi n’est pas Français plutôt qu’Allemand : il est Européen, il est partout où il y a des hommes ; et toutes les vérités que conçoit la raison d’un homme sont faites pour cet homme universel. […] Des réalités, des morceaux de nature entrent dans l’esprit de l’homme ; des images, des sensations s’infiltrent dans la littérature.

762. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

L’homme est bien plus un qu’on ne pense, et il s’agit toujours d’Abailard. […] Or, cet homme, l’Histoire nous l’apprend, c’était Abailard. […] Mais il n’y a que la Philosophie qui, après y avoir regardé avec attention, puisse se passionner d’enthousiasme pour un homme comme Abailard et pour une femme comme Héloïse. […] Car l’homme est ainsi fait que la Passion l’attire avec son idéal funeste, et qu’il lui garde toujours un lambeau de son être, chair ou esprit, à dévorer ! […] Abailard craint le mépris du monde, non dans ce qu’il aurait de mérité et de légitime ; il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus.

763. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

L’homme est bien plus un qu’on ne pense, et il s’agit toujours d’Abailard. […] Or, cet homme, l’histoire nous l’apprend, c’était Abailard. […] Car l’homme est ainsi fait que la Passion l’attire avec son idéal funeste et qu’il lui garde toujours un lambeau de son être, chair ou esprit, à dévorer ! […] Il le craint, non pas pour l’homme moral, si coupable en lui, mais pour l’homme physique qui n’est plus. […] Oddoul est l’homme de bonne volonté de son propre enthousiasme pour les deux célèbres amants.

764. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

C’est un homme d’esprit, mais de peu de couleur, de peu de flamme. […] Il s’y est pris avec l’ingéniosité d’un homme qui sent de quel légume il est construit. […] Comment Rémusat a-t-il jugé les hommes qu’il a essayé vainement de peindre ? […] Or, ce que je dis là n’est pas particulier à ces hommes célèbres que Rémusat croyait nous ressusciter. […] L’intérêt qu’on y rencontre, car il y a un intérêt, vient uniquement des hommes et des choses de ce fier pays.

765. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

C’est un médecin de décision rapide et hardie, un homme d’une pratique expérimentée, un de ces esprits qui ne vont pas, comme on dit, par quatre chemins, mais par un seul, droit comme une flèche. […] d’empêcher les hommes d’oublier, c’est au talent, c’est au cri du talent, à ce cri qui résonne et qui dure toujours quand il a été poussé une fois, qu’il est réservé de faire ce miracle. […] Pas plus dans le livre du docteur Favrot que dans la discussion du Sénat, rien de concluant n’a été posé sur cette question terrifiante, à laquelle tout homme de sens devrait éternellement et infatigablement revenir, jusqu’à sa solution complète, si les hommes de sens eux-mêmes n’étaient, quand il s’agit de la mort, les plus inconséquents des étourdis ! […] Ils ont prescrit les vingt-quatre heures à attendre, pour qu’on fût sûr que la vie, ce mystère qui se joue des hommes, eût dit, à point nommé, sans une minute de plus, son dernier mot ! […] je m’attendais à autre chose, et j’ai été ce qu’un homme ne doit jamais être, disait Boling-broke : j’ai été étonné.

766. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

par aucun libraire, avait-il donc fait quelque découverte qui montre, dans le Milton que l’on connaît, un Milton qu’on ne connaissait pas, comme lorsque Thomas Carlyle découvrit les fameuses lettres inédites de Cromwell, qui éclairèrent d’un jour si profond l’individualité complexe de l’homme (… un homme s’est rencontré…) que n’avait pas compris Bossuet, ce Maître en Histoire ? […] Edmond de Guerle déclare avoir peu de goût pour les théories avec lesquelles on explique présentement les grands hommes, en les diminuant ; car tout est jaloux dans un temps envieux, même les théories. Avec la largeur et l’élévation de son bon sens, M. de Guerle ne doit évidemment se fier ni à la théorie représentative, qui fait des grands hommes la représentation des petits, — de sorte qu’on peut se demander, dans cette théorie, combien de sots il faut pour faire un homme de génie, comme on se l’est déjà demandé pour faire un public, — ni non plus à cette théorie des milieux, ramassée partout, car elle triomphe partout, et que M.  […] Tous les hommes de génie, par cela seul qu’ils ont du génie, ont le don d’originalité. […] — et son père, homme soucieux de culture intellectuelle, le fit aussi bien élever à sa façon que le père de Montaigne éleva son fils à la sienne.

767. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

L’ambition, en effet, cette passion essentiellement virile, a une plus riche encadrure dans un prêtre que dans tout autre homme. […] C’est le prêtre bien autrement difficile à peindre, parce qu’il est double comme un centaure, mêlé d’homme et presque de bête, tant cet homme invaincu est fougueux ! […] Il n’y a pas, selon moi, le moindre rapport entre ces deux hommes. […] Grand dommage, pour la beauté d’une œuvre, qu’un homme d’invention ait peur du surnaturel et n’y touche que comme à du feu quand on a peur de se brûler !!! […] Hildebrand, — mais j’ai tort d’en parler, — ce n’est ni un homme, ni un grand homme, ni un saint, ni un pape.

768. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

… Les Hommes de lettres, voilà le titre de leur roman ! […] Les hommes de lettres, c’est là tout un monde, — le monde de l’esprit, le plus difficile à manier et le plus dangereux. Les Hommes de lettres de MM. de Goncourt ne sont ni vous, — ni moi, j’espère, — ni certainement eux, MM. de Goncourt. […] Comparez, en effet, Les Hommes de Lettres de MM. de Goncourt au Grand Homme de province à Paris, qui est le même sujet, avec des idées de plus et une distribution différente. […] Les Hommes de lettres.

769. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Il sévit seulement contre quelques hommes abandonnés par tous les partis, à cause de l’énormité de leurs forfaits ; il épargna les délateurs. […] L’homme est donné en spectacle, en scandale, en dérision à l’homme. […] Mais que ce naufrage eût été fortuit, quel homme eût été assez crédule pour le croire ? […] Voyez cette honte de deux hommes soi-disant vertueux, contraints de délibérer sur la nécessité d’un parricide. […] Deux hommes remarquables sont morts avant le temps dans ces derniers mois.

770. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Alors coexistent en beaucoup d’hommes des préoccupations scientifiques et des visées littéraires. […] Non, les hommes de science se font hommes de lettres pour répandre leurs idées, pour les rendre accessibles, aimables, attrayantes ; et les hommes de lettres, à leur tour, se laissant tenter par la gloire du physicien ou du naturaliste, poussent des pointes dans un domaine qui trop souvent leur est étranger. […] Il y a même des téméraires, qui, à l’exemple de Franklin, cette incarnation du bon sens pourtant, prédisent aux hommes des âges futurs la longévité de Mathusalem. […] Au lieu de se cantonner, comme elle l’a fait à certains moments, dans l’étude de l’homme et de ses destinées, elle s’est assigné un domaine plus large. Elle a fait rentrer l’homme dans la nature et elle s’est donné pour tâche d’expliquer, sans les séparer, la partie et le tout.

771. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Ô homme, qui que vous soyez, vous est-il donc permis de vous souvenir des injures qu’on vous a faites ? […] Partout ailleurs, c’est un homme qui parle à des hommes : ici, c’est un être d’une autre espèce : élevé entre le ciel et la terre, c’est un médiateur que Dieu place entre la créature et lui. […] C’est le comble de l’insolence de faire une tragédie après ce grand homme. […] Il chargea de l’éducation de son fils et de son petit-fils les plus éloquents et les plus savants hommes de l’Europe. […] Il choisit Lulli pour son musicien, et ôta le privilège à Lambert, parce que Lambert était un homme médiocre, et Lulli un homme supérieur.

772. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Ceux qui l’ont davantage approché et entendu ont connu un autre homme. […] La Fayette s’attache à lui, et devient le disciple du grand homme. […] Homme unique dans l’histoire jusqu’à ce jour, homme de gouvernement, de pouvoir, de direction nationale et sociale, et en même temps homme de liberté, d’une intégrité morale inaltérable. […] Il n’a jamais vu ou voulu voir que l’homme en général, et non pas l’homme des moralistes, celui de La Rochefoucauld et de La Bruyère, mais l’homme des droits, l’homme abstrait. […] Mais en 91, pour revenir au point en question, où était l’homme de la circonstance, et y avait-il un homme dirigeant ?

773. (1901) Figures et caractères

Elle est presque autant l’homme qui la fait que les hommes dont elle est faite. […] La femme y risque plus que l’homme, parce que le prêtre est un homme. […] Ce grand homme fut un homme. […] Ce sont les lettres d’un homme à des hommes. […] C’était un homme heureux.

774. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Mais cette franchise elle-même a des bornes, et l’homme qui s’est immortalisé par vingt chefs-d’œuvre ne perd jamais ses prérogatives. […] Tant pis après tout pour l’homme de génie qui ne respecte ni le public, ni la vérité, ni lui-même : il délie les autres du devoir de le respecter. […] aux hommes de lettres ; et les personnages titrés, en les admettant à leur intimité, n’en demeuraient pas moins persuadés que ces hommes n’étaient point formés comme eux des éléments choisis de la terre (from porcelain clay of earth). […] Le tour de force n’était pas facile, et l’homme de génie n’a pas réussi à s’en tirer même en homme d’esprit. […] Mais ni Cabanis ni Lamettre n’appréciaient dans l’homme cette force souveraine et profonde qui lui donne la vie et l’âme.

775. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Il y a eu toujours et il y a partout ici deux ordres d’hommes et de choses, selon que la nature gauloise ou la culture latine a prévalu. […] Toute grande oeuvre littéraire contient un traité de la nature et des hommes, et il y en a un dans ces petites fables. […] Vous voyez qu’il a tiré de ce siècle toutes les idées qu’il en pouvait prendre, et qu’il y a tout feuilleté, les livres et les hommes. […] A ce titre un paysan l’intéresse comme un prince, et un âne autant qu’un homme. […] « On dit que les cigales étaient des hommes avant que les Muses fussent nées.

776. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Qu’est-ce donc à dire, sinon que les prêtres, qui sont hommes comme nous, se sont montrés plus ou moins éclairés, selon le cours naturel des siècles ? […] Selon ce grand homme, il est prouvé « qu’une légère teinture de philosophie peut conduire à méconnaître l’essence première ; mais qu’un savoir plus plein mène l’homme à Dieu152. » Si cette idée est véritable, qu’elle est terrible ! […] Celui qui voudrait porter la rigidité géométrique dans les rapports sociaux, deviendrait le plus stupide ou le plus méchant des hommes. […] Ingrat malgré lui, il ne peut rien pour le grand homme, pour le héros qui l’aura protégé. […] Mais on ne peut se dissimuler que cette géométrie des grands hommes ne soit fort rare.

777. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Il n’aurait plus été l’homme de goût, l’homme de tradition, le professeur d’humanités et de belles-lettres, l’écrivain des Débats ! […] Byron, l’homme des longues galeries solitaires et qui a salé sa poésie de tout le sel de l’Océan. […] Horace n’est pas plus un homme de génie que le vermeil n’est de l’or ; c’est de l’argent doré. […] Vraiment, on cherche ce qu’il avait, cet homme dont on fait un tel poète. […] C’était un bon homme.

778. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

… Les hommes qui pensent, dans une œuvre coordonnée ne peuvent pas tout dire. […] il n’a pas manqué d’hommes de génie et de talent pour la soutenir. […] Aristote, il est vrai, est un Grec ; mais si cet homme incomparable se montre encore plus fort que les hommes d’aujourd’hui dans son livre sur la politique, ce livre, par contre, fait ressortir combien ses contemporains étaient inférieurs aux hommes d’aujourd’hui. […] Contrairement à la mer qui se gonfle pour atteindre tout son niveau, la force, en montant dans l’homme, l’apaise et détend sa pensée. […] Hommes de progrès, disent-ils d’eux-mêmes nonobstant, hommes de progrès que j’appellerais plutôt, moi, des hommes de recul !

779. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ce prince, plus changeant que les femmes ses maîtresses, et plus envieux que les hommes ses favoris, s’était-il donc pris de quelque jalousie ignoble contre l’héroïne de son règne et contre le grand homme que son habileté avait fait plus riche qu’un roi ? […] qu’importe qu’il manque quelque chose aux petites procédures des hommes, quand la Gloire a prononcé son arrêt ! […] — du génie individuel d’un homme qu’elle n’est autre chose. […] Qu’est-ce à dire, sinon que l’homme y est souvent de trop et y empiète ? […] Dans tous les temps, les hommes qui l’ont le mieux servie sont les chroniqueurs, les hommes voués au fait, à la recherche laborieuse, tous ceux qui, comme Pierre Clément, plongent dans une époque et ne rapportent dans leurs mains sincères rien de plus ni rien de moins que ce qu’au fond ils ont trouvé.

780. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

En France, quand il y a un homme et une femme sur la même ligne, c’est toujours, quelque soit l’homme, la femme qu’on voit. […] Toutes deux étaient des esprits fermes, pénétrants, lucides, connaisseuses en hommes comme de vieux ministres d’État, et en femmes comme de vieilles douairières, ne s’y trompant point, en hommes, à part un seul sur lequel l’aveugle clairvoyante, aveugle, ce jour-là, comme l’amour son maître, se trompa net, alors que Madame Geoffrin, qui avait ses deux yeux, ne se trompa pas comme elle sur la valeur de l’homme qu’elle aimait. […] Elle fut le conseil de ce Roi qui n’eut que le cœur de royal et ne put jamais être Roi comme Numa et donner des lois à son peuple ; et elle le poussa, mais en vain, à être un grand homme, cet homme pour qui la gloire fut la seule femme qu’il ne pût séduire. […] Les femmes ne doivent nous faire que comme nous font nos mères ; autrement, c’est pour les hommes— les fissent-elles Rois ! […] Le visage est si correctement beau qu’on en dirait une au lieu d’un homme, sans la coiffure, qui est celle des hommes de ce temps.

781. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il enchanta en effet, il ne convertit que l’imagination des hommes. […] Il ne se trouvera plus, l’homme devant qui la terre se taisait ! […] Inconnu, je me mêlais à la foule : vaste désert d’hommes ! […] J’hésitais à franchir le seuil ; cet homme s’écria : « Hé bien ! […] On ne hait les hommes et la vie que faute de voir assez loin.

782. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

— Lequel, selon vous, est supérieur : de l’homme qui a « l’amour de la lecture » ou de l’homme qui a « la passion du théâtre » ? […] L’homme vient une fois, la femme lui agrée ; il revient et mendie l’entretien solitaire. […] … Étant romancier, je préfère l’homme qui a la passion de la lecture à l’homme qui a la passion du spectacle, mais ne me laisserai-je pas séduire, comme tant de nos camarades, par les grandes batailles de la scène ? […] Ces deux hommes peuvent d’ailleurs ne faire qu’un ; Stendhal nous en offre un excellent exemple. […] Mais il n’en résulte pas forcément que l’homme qui a l’amour de la lecture soit supérieur à l’homme qui a la passion du théâtre.

783. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

C’est être un grand homme d’État que de perdre une grande monarchie. On mesure l’homme à ce qu’il entraîne avec lui. […] Cette herbe paît l’homme. […] Et quels hommes, même de second ordre : Rivarol, Chamfort. […] L’homme de lettres, cela loge généralement haut, au cinquième.

784. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Nous jugeons des époques passées par leurs grands hommes. […] Au bout il y a la connaissance de l’homme, la connaissance scientifique, dans son action individuelle et sociale. […] Bien autrement difficile serait d’accorder à nombre de héros réalistes la valeur de types de l’homme réel. […] La science n’a d’autre but qu’elle-même ; rien n’existe pour elle en dehors du résultat obtenu, l’homme ne compte qu’entant que moyen, mis de côté dès qu’il cesse d’être utile : il ne ferait que retarder, embarrasser sa marche ; le roman au contraire, tout entier tourné vers l’homme, ne verra l’œuvre de l’homme qu’à travers ses efforts. […] Nous n’avons jamais chassé de l’homme ce que vous appelez l’idéal, et il est inutile de l’y faire rentrer.

785. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Les hommes ne sçauroient bien juger d’un objet dès qu’ils n’en sçauroient juger par le rapport du sens destiné pour le connoître. […] Ce sont les idées que l’homme qui n’auroit jamais été malade, peut s’être faites de la fiévre ou de la colique. […] Il en est des mots comme des hommes. […] Ils auroient peint le plaisir vif que sent un homme pénetré du froid en s’approchant du feu, ou bien le plaisir plus lent, mais plus doux qu’il éprouve en se couvrant d’une fourure. […] Les hommes le sçavent bien, et l’on n’ébranlera jamais la foi humaine, ou l’opinion prise sur le rapport uniforme des sens des autres.

786. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Dans ce livre écrit par une femme qui doit tout savoir de l’homme dont elle parle, puisqu’elle l’aima et en fut aimée, il n’y a pas même une vue, une pensée, une observation sur cet homme qui puisse ajouter à ce que nous en savons. […] Comme la plupart des grands hommes — et des grands hommes dans l’ordre de l’imagination qui, semblables à l’univers, ont été livrés aux disputes des sages, — lord Byron attend toujours son historien complet, définitif, irrévocable, qui ferait finir la discussion. […] … Et, si ce ne fut pas sa manière, à lui, sa plus claire manière d’être un grand homme ? […] Les enfants sont plus beaux que les hommes. Jamais un homme, si beau qu’il puisse être, n’est beau comme un enfant est beau.

787. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Elles sont curieuses, il est vrai, comme tout ce qui se rapporte à un homme de l’importance de Goethe ; mais elles ne nous ont inspiré aucun des enthousiasmes qu’elles excitèrent. […] Pour les autres, elles ont démontré — mais pour la première fois — qu’il y avait en Goethe un unisson sublime, et que le talent de l’homme n’était pas plus grand que son âme. […] « On est toujours homme par quelque côté », dit Pascal ; Goethe était donc un homme, mais il l’était aussi peu que possible. […] C’était la beauté de la souffrance, cette ombre qui accomplit la physionomie des hommes en y versant sa fière tristesse ! […] Ainsi, après la mort, le bonheur de cet homme ne cesse pas.

788. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

Ne croyons pas que l’homme soit reconnaissant à faux et donne sans motif valable ; il est trop égoïste et trop envieux pour cela. […] À cet instant, le bienfaiteur, le sauveur est l’homme qui sait se battre et défendre les autres, et tel est effectivement le caractère de la nouvelle classe qui s’établit. Dans la langue du temps, le noble est l’homme de guerre, le soldat (miles), et c’est lui qui pose la seconde assise de la société moderne. […] Des hommes dans les rangs pour combler les vides, des hommes dans les postes pour monter la garde, voilà le cri qui sort à ce moment de toutes les institutions, comme l’appel d’une voix d’airain. […] S’il est intelligent et bon fermier d’hommes, s’il veut tirer meilleur profit de sa terre, il relâche ou laisse se relâcher par degrés les mailles du rets où ses vilains et ses serfs travaillent mal parce qu’ils sont trop serrés.

789. (1890) L’avenir de la science « XXI »

Aucune révolution ne la détruira, car aucune révolution ne changera les instincts profonds de l’homme. […] Il se peut qu’un jour il apparaisse encore de ces natures étranges, placées sur la limite de l’homme et ouvertes à d’autres combinaisons. […] Et je vous demande pourtant si cet homme n’est pas plus près de Dieu qu’un petit bourgeois bien positif, tout racorni au fond de sa boutique. […] La souffrance a été pour l’homme la maîtresse et la révélatrice des grandes choses. […] La prétention du règlement est de suppléer à l’âme, de faire avec des hommes sans dévouement et sans morale ce qu’on ferait avec des hommes dévoués et religieux : tentative impossible ; on ne simule pas la vie ; des rouages si bien combinés qu’ils soient ne feront jamais qu’un automate.

790. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

La baleine et plusieurs autres cétacés ont également un cerveau supérieur à celui de l’homme. […] Par exemple, est-il bien étonnant que l’éléphant, qui est un animal bien plus considérable que l’homme, ait un cerveau beaucoup plus gros ? […] L’homme, selon cette méthode, serait à peine supérieur au canard, à la corneille, au sanglier, au cheval et au chien. […] Gratiolet adoptait ce principe, et pour lui l’unité de mesure en quelque sorte était le cerveau d’un homme adulte de la race caucasique. […] Lyell, Ancienneté de l’homme, chapitre dernier.

791. (1902) Propos littéraires. Première série

Respect, en attendant, à tous les hommes de foi et de bonne volonté, et Manning fut assurément un de ces hommes-là. […] Il s’est senti en présence d’un homme. […] On est forcé de ne rien accorder au pauvre homme. […] Zola dans l’estime des hommes. […] Tolstoï aime beaucoup cet homme-là.

792. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le pauvre homme est mort à la peine. […] Aurons-nous jamais des hommes ?  […] mais c’est un homme de lettres. — C’est vrai ! […] Gagnez à la loterie, vous voilà un habile homme. […] Pertes d’hommes et d’âmes chemin faisant !

793. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Un des hommes envers qui M.  […] On l’envoya rédiger des journaux en province, à Rouen, à Périgueux ; il s’y fit la main, il s’y forma l’esprit, il y connut les hommes, et conçut d’emblée fort peu d’estime pour l’espèce en général, sauf un petit nombre d’exceptions. […] Ou bien encore : — C’est un autre homme, un philosophe, cette fois, plutôt qu’un naturaliste, c’est un homme qui a médité plus abstraitement sur les causes et les effets, sur les lois de l’esprit humain. […] — Cet autre homme, lui, est chrétien ; il admet la divinité, une émanation plus ou moins directe de la divinité, une inspiration d’en haut dans la vie, dans les actes et les paroles du Christ : mais il se permet de rechercher quels ont été au vrai ces actes et ces paroles ; il étudie les témoignages écrits, les textes ; il les compare, il les critique, et il arrive par là à une foi chrétienne, mais non catholique comme la vôtre : homme pur d’ailleurs, de mœurs sévères, de paroles exemplaires : et cet homme-là, parce qu’il ne peut en conscience arriver à penser comme vous sur un certain arrangement, une certaine ordonnance, magnifique d’ailleurs et grandiose, qui s’est dessinée surtout depuis le ve siècle, vous l’insulterez, vous l’appellerez à première vue blafard en redingote marron ! […] Je recommande de préférence aux curieux la première édition non corrigée, plus complète que les suivantes, plus salée de gros sel et plus voisine du vieil homme.

794. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Un tel homme d’État, s’inspirant de considérations de cet ordre, ne pouvait sympathiser, on le conçoit, avec M.  […] Les hommes bien élevés, les grands propriétaires, les généraux mémo, n’étaient pas exempts de cette disposition. […] C’était, d’ailleurs, un homme d’un caractère doux, de formes très aimables. […] L’abbé de Pradt s’y vante presque d’avoir fait échouer toute l’entreprise de Napoléon ; il se plaît, dès les premières lignes, à répéter un mot qu’il prête à l’Empereur : « Un homme de moins, et j’étais le maître du monde. » Et il ajoute : « Cet homme, c’était moi. […] Jamais vanité d’homme d’esprit fut-elle plus risible ?

795. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Il est homme de bonne compagnie dans ses portraits et dans les scènes légèrement comiques qu’il nous rend présentes. Ceux mêmes qui lui déplairont et qui le heurteront dans sa politesse, les hommes à écorce un peu rude (les Rœderer, les d’Argout), il ne les touchera qu’en passant. […] J’ordonnai une distribution de vin aux troupes françaises, à raison d’une bouteille par homme. […] Beugnot s’entend à draper les hommes de sa connaissance aussi finement qu’Hamilton médisait des femmes. […] Beugnot n’eut guère à se louer après ce commun exil, et qui, de retour en France, sacrifia sans beaucoup de cérémonie l’homme utile et distingué dont il s’était servi d’abord.

796. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Voltaire est jugé à trois moments : d’abord comme « un très grand homme, et aussi un homme très aimable » ; puis, pendant la brouille, comme un diseur de sottises qu’on doit éviter de lire, un atrabilaire qui vise à tort et à travers à l’universalité. […] Il aimait la gloire, mais pas si naïvement que l’ont bien voulu dire ceux qui ne peuvent marquer un trait saillant d’un grand homme sans pousser aussitôt à la caricature. […] Voltaire, cet homme de goût, s’est trompé du tout au tout sur Saint-Lambert : Buffon a mis le doigt, — que dis-je ? […] Buffon, grand écrivain et homme de génie, a son genre, sa manière, ses disciples. […] Il aura du moins réussi à faire valoir en Buffon et à mettre de plus en plus en lumière l’honnête homme, l’homme de cœur, de sagesse et de sens.

797. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Mais la gloire des hommes célèbres est, comme leur vie, exposée à des fortunes diverses. […] Voyez-vous pas d’ici le pauvre homme ! […] La masse des hommes est faible, mobile parce qu’elle est faible, cherche fortune où elle peut, fait son bien sans vouloir faire le mal d’autrui, et mérite plus de compassion que de haine. […] Il était tout à fait sorti de l’action, ai-je dit, et il jugeait avec impartialité, avec philosophie, les hommes et les choses ; mais quelle philosophie ? […] Par de telles pages claires et irréfragables, une nouvelle science est constituée qu’il n’est plus permis à l’historien ni à l’homme d’étude de négliger et de méconnaître.

798. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Quand je dis qu’il est irrévérent, il ne l’est qu’à l’égard des hommes, des fonctionnaires et des institutions. […] Ce qu’on rapporte de l’ancien philosophe Cléanthe, homme de peine la nuit pour être homme d’étude le jour, n’a plus rien que de naturel, et on en a le commentaire vivant sous les yeux. […] Il a très bien fait voir que les hommes d’État véritables ont trop manqué à la régénération de ce pays. […] Il faudrait aujourd’hui à la Grèce, indépendamment d’un roi, un autre Coletti, un Cavour, un grand homme approprié. […] En un mot, pour faire un État il faut un homme d’État, comme pour faire un poème il faut un poète.

799. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Lainé, ces trois hommes d’État les plus véritables patriotes du gouvernement de la Restauration. […] Les institutions sont aussi imparfaites que les hommes ; gouvernement parlementaire, république, monarchie tempérée, pouvoir absolu, tout a besoin de l’honnêteté des hommes d’État, ou tout s’écroule sous leurs passions. […] Le déshabillé du grand homme n’avait pas d’abandon chez lui, même en route. […] Mahmoud est un grand homme qui a devancé sa nation, etc. […] On y sent le poète qui ne vieillit pas sous les vieillesses du caractère de l’homme.

800. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Massillon les raille, eux qui rejettent toute autorité pour croire, d’avoir eu besoin de l’autorité et du témoignage d’un homme obscur pour oser douter. […] car cette idée de mort, que les hommes oublient sans cesse et qu’ils essayent de tourner, les domine, quoi qu’ils fassent. […] Il semblait que, Louis XIV ayant abusé de sa méthode de régner, une nouvelle et plus douce manière devait être plus efficace et d’une application désormais certaine : Les rois ne peuvent être grands qu’en se rendant utiles aux peuples… Ce n’est pas le souverain, c’est la loi, Sire, qui doit régner sur les peuples… Les hommes croient être libres quand ils ne sont gouvernés que par les lois… Oui, Sire, il faut être utile aux hommes pour être grand dans l’opinion des hommes… Il faut mettre les hommes dans les intérêts de notre gloire si nous voulons qu’elle soit immortelle ; et nous ne pouvons les y mettre que par nos bienfaits. […] Pour l’homme de goût qui le lit, il y manque, je le crois, un peu plus de fermeté dans les peintures et une variété de ton qui les grave plus distinctement. […] Mais qu’eût pu faire un homme aussi mince selon le siècle, vis-à-vis d’un Régent, de son ministre et du cardinal de Rohan ?

801. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Jamais homme ne fut moins dupe de l’apparence militaire, et ne se laissa moins prendre à la montre. […] Pour gagner un homme, la première chose à savoir est : Qu’aime-t-il ? « Les passions des hommes, a dit Vauvenargues, sont autant de chemins ouverts pour aller à eux. » Louis XI savait ce principe, que tout homme qui aspire à gouverner doit savoir, et il le mettait doucement en usage. […] Il entre à ce propos dans des détails de budget, dans des chiffres ; l’habile homme sait au fond que tout en politique dépend de là. […] On voit bien que l’habile homme n’était pas là partout d’aussi près qu’ailleurs.

802. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Si l’on se reporte pour la comprendre pleinement à l’étude sur le beau caractéristique qui se trouve à la tête du catalogue déjà cité, on verra qu’en somme M.Raffaëlli, à travers d’ailleurs bien des obscurités et des longueurs, écartant les désignations de classicisme, de réalisme, de romantisme et de naturalisme, posant en principe » qu’esthétiquement toute époque a une notion particulière du beau, que socialement notre époque est caractérisée par un épanouissement, complet de l’individualisme et de l’égalité, qu’ainsi l’unité humaine autonome et libre est le facteur principal de notre vie sociale, on arrive à cette page d’un grand souffle sur la nécessité où est la peinture de travailler à représenter l’homme et toutes sortes d’hommes. […] Raffaëlli, est dans le caractère individuel de ses hommes, de ses hommes qui ont su conquérir lentement leur raison, au milieu des affolements de la peur ; de ses hommes qui ont su conquérir leur liberté, après des centaines de siècles de misère, de vexations et d’abus misérables où le plus fort a toujours asservi le plus faible. […] « Que ceux qui ont une idée médiocre ou pauvre et qui ont besoin d’être en face de grands hommes pour s’apercevoir de la grandeur de l’homme, s’adressent à nos de Lesseps, à nos Edison, à nos Pasteur ou bien à nos politiques, aux généraux, aux écrivains, aux artistes, aux grands commerçants, aux industriels fameux, aux philosophes ; mais que ceux qui se sentent l’âme élevée et le cœur vibrant pour la suprême beauté de leur race prennent les plus humbles, les va-nu-pieds et les derniers pauvres gens. […] Je ne vois qu’une chose debout : l’Homme grand, droit et dégagé. » et M. Raffaëlli poursuit en exhortant à l’étude passionnée et universelle de l’homme dans toute l’étendue de la société et dans toute la série de ses conditions, de ses manières d’être, de ses mœurs et de ses types.

803. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lundberg » pp. 169-170

Homme singulier, mais bon homme, mais galant homme, La Tour ne ferait pas cela aujourd’hui ; et puis il faut avoir quelque indulgence pour un artiste piqué de se voir rabaissé sur la ligne d’un homme qui ne lui allait pas à la cheville du pied. […] Le portrait ressemblant du barbouilleur meurt avec la personne, celui de l’habile homme reste à jamais. C’est d’après ce dernier que nos neveux se forment les images des grands hommes qui les ont précédés. […] Il a tort pour le pédant, il a raison pour l’homme de goût. Tort ou raison, c’est la figure qu’il a peinte qui restera dans la mémoire des hommes à venir.

804. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Ce sont ceux où des hommes d’ailleurs très-polis et même lettrez se portent aux actions les plus dénaturées avec une facilité affreuse. […] Les coups leur furent portez par des hommes qui les reconnoissoient, et qui en vouloient à eux. […] Comme il ne s’en est pas trouvé de tels durant les dernieres guerres civiles, il faudra tomber d’accord qu’il est des temps où des hommes de ce caractere qui rencontrent toujours assez d’occasions d’extravaguer, sont plus communs que dans d’autres. […] Les hommes avoient alors un si grand besoin d’être excitez à l’étude, qu’en quelques états on étendit une partie des privileges des clercs à ceux qui sçauroient lire. […] Depuis un siecle les hommes se portent volontiers à l’étude comme à l’exercice des arts liberaux, quoique les encouragemens ne soient plus les mêmes qu’autrefois.

805. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Un homme ou un million d’hommes, il n’importe ; c’est l’esprit de liberté qu’il faut répandre. […] C’était plus qu’un auteur qui parlait, c’était un homme. […] Non, cet homme n’est point un arrangeur d’effets ou un faiseur de phrases. […] À côté de lui, quel homme que Manfred ! C’est un homme ; il n’y a pas de mot plus beau, ni qui le peigne mieux.

806. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Parsifal se rachète, et rachète les hommes par le renoncement. […] Il nous dit fils de l’Homme — membres de l’Homme, plutôt — éléments de l’Organisme total. […] L’homme doit renoncer les apparences extérieures. […] Aimer les hommes, c’est nous séparer des hommes, dans la conscience orgueilleuse de notre Amour. […] … Très bien heureux homme !

807. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Pourtant, pour qui sait lire, il y a de jolies choses comme partout avec lui, et des aperçus d’homme d’esprit qui font penser. […] Le reste n’est que l’ouvrage d’un homme d’esprit qui se fatigue à combiner et à lier des paradoxes d’analyse piquants et imprévus, auxquels il donne des noms d’hommes ; mais les personnages n’ont point pris véritablement naissance dans son imagination ou dans son cœur, et ils ne vivent pas. […] Peu d’hommes ont plus méprisé les critiques. […] Entre toutes ces pistes qui s’entrecroisent, peut-être l’homme de talent dans le genre trouvera la sienne. […] Cependant il vit Balzac et ne lui sut pas mauvais gré d’avoir été ainsi bombardé grand homme.

808. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

» C’était, on le voit, un aimable homme que M. de Harlay. […] N’oublions pas que c’est ce même homme qui eut l’art de détacher, sur la fin, Nicole du Jansénisme et de le rallier en partie. […] Cette disgrâce dut être pénible à un homme de Cour aussi ambitieux : il n’en répara que mieux ensuite le temps perdu. […] On sentait, même sous le personnage d’apparat, l’homme d’esprit à l’aise et qui jouait de ses talents. […] Ariste, bien nommé, homme de mérite, qui avait longtemps servi sous l’ancien secrétaire d’État Brienne.

809. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

On n’en dira pas autant de Richelieu : il n’est pas un capitaine, il n’a pas débuté par l’action ; il est homme d’Église avant d’être homme d’État ; il a commencé par prêcher, par être orateur dans ses sermons, dans ses harangues ; il a soutenu des thèses en Sorbonne ; la gloire de Du Perron, le grand controversiste et l’habile négociateur, l’a tenté. […] Mais, chez Richelieu, quand on a bien assisté aux développements substantiels qu’il aime, on sort tout d’un coup de ces lenteurs par quelque trait hardi, qui accuse l’homme d’action et de grand caractère. […] Il nous fait assister aux tracasseries de cette petite cour ; il y devient vite l’homme nécessaire, et conclut le traité qui réconcilie la mère avec le fils (30 avril). […] Ce rôle de l’homme d’État, qui, à chaque moment social, est le principal et le plus actuel, n’est pas le seul, et deux forces en lutte gouvernent le monde. […] Qui sait ce qu’on aurait fait de la politique de Henri s’il ne se fût pas trouvé là un homme capable d’en recueillir et d’en transmettre l’héritage ?

810. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Mais, après tout, l’art de l’homme se mesure à son âme, et cette âme s’agite dans des organes qui sont des bornes et qui l’étreignent comme dans un triangle de fer. […] Intellectuellement, l’homme est au piquet comme la chèvre. Seulement, la chèvre et la plupart des hommes tirent sur leur corde, y mettent une ou deux fois leur dent, d’impatience, puis prennent leur parti, broutent et se couchent, tandis que les hommes de génie font des bonds magnifiques dans le rayon de leur corde, comme des lions exaspérés, et voilà l’art ! […] En France, pays de l’action, où les idées sont toujours des hommes, qui n’est pas personnel n’est pas Français. […] Ne ferions-nous pas bien de descendre de cet azur pour châtier ces erreurs sur la personne morale de l’homme même qui ose la systématiser ?

811. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Royer-Collard est celui d’un législateur des hommes et des événements. […] L’homme l’ignore. […] Que l’homme se soumette à la croyance et se résigne à l’ignorance. […] Je laisse cet homme à la porte. […] Quand j’entre dans la philosophie, je suis cet homme.

812. (1923) Nouvelles études et autres figures

Les hommes l’ont déboisé. […] Les hommes se le transmettent infatigablement. […] » Cet homme, c’est lui. […] Le système vaut ce que vaut l’homme. […] Les hommes se laissaient moins charmer.

813. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Où sera le monument de l’existence de cet homme si célèbre pour douze de ses confrères ? […] Non ; l’homme, sans cesse agité par de nouveaux besoins, de nouvelles crises, oubliant celles qui l’ont autrefois le plus mis à la gêne, oublie avec elles les remèdes et le médecin. […] Être utile aux hommes dans ce qui leur est le plus utile, voilà la loi que j’écoutai : une seule idée d’un philosophe, l’expression heureuse d’un sentiment avantageux a peut-être plus fait pour l’avancement de la raison et du bonheur des hommes que les travaux réunis de cent mille citoyens obscurs qui se sont vainement agités. […] Il le fit avec un talent que les hommes spéciaux sont seuls autorisés à bien louer, et avec un plaisir évident qui est déjà un signe d’heureuse application et de succès aux yeux de tous. […] L’abbé Sieyès est un homme de génie que je révère et que j’aime tendrement.

814. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Une phrase malheureuse qui lui échappa, et sur laquelle nous reviendrons, le fit plus homme de parti qu’il n’aurait fallu. […] Il naquit à Grenoble, le 22 octobre 1761, d’un père homme de loi respecté, d’une mère noble et belle. […] ta belle physionomie est un guide plus sûr que la morale des hommes. […] Ce groupe d’hommes honorables, mais obstinés, rencontra vite des obstacles insurmontables, et ils abdiquèrent. […] Cet homme de caractère, c’est lui-même, et c’est lui aussi qui, à un certain moment, fut cet homme faible.

815. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Image grossière, mais forte, de l’impuissance de l’homme qui veut s’isoler de la terre ! […] Jusqu’à Fénelon le christianisme n’avait mis de prix à la vie des hommes qu’au regard de la religion. […] Fénelon a voulu intéresser toutes les facultés de l’homme à une connaissance si capitale. […] Ce n’est pas dommage que de tels hommes nous donnent leur goût particulier pour la règle du beau. […] Si la première théorie sent le désir de plaire, et vient d’un homme qui avait tout conquis par l’influence sur les personnes et par la conversation, la seconde sied bien à un homme qui avait fait sa fortune par la chaire, en parlant au nom de quelque chose de plus grand que lui.

816. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

La chronique de Villehardouin n’est pas une histoire, ce sont des Mémoires : l’homme s’y peint, mais aussi, en regardant l’homme, on connaît le livre. […] Mais Joinville est homme ; la nature est forte en lui, et se fait jour sans contrainte. […] L’article essentiel de sa foi, c’est que Dieu peut prolonger la vie des hommes qui le prient. […] Mais surtout l’homme, et l’homme féodal ne sont pas morts en lui : la religion n’a étouffé en lui ni l’intérêt ni l’orgueil. A la croisade, en homme avisé, il se fait bien payer du roi : il ne veut pas renoncer, ni servir gratis.

817. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Les hommes de ce temps-là essaient de donner aux formes du moment une éternelle fixité. […] Conception de l’univers qui est au moins aussi incomplète que sa conception de l’homme ! […] Son système théâtral est une abstraction hardie qui supprime résolument une moitié de l’homme et de la vie. […] d’œil sur la série des siècles dans lequel les hommes et les faits particuliers s’effacent et disparaissent. […] Le pauvre homme en était tout désorienté.

818. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Le dernier chapitre de l’Esquisse des progrès de l’esprit humain, par Condorcet, est l’exemple le plus frappant, chez un homme éclairé, des illusions et des chimères possibles en ce genre de raisonnement aride et sombre. […] Jusqu’en 89, Condorcet n’avait donc rien fait qui démentît positivement ce titre de l’homme de l’ancienne chevalerie et de l’ancienne vertu dont l’avait un jour qualifié Voltaire, en osant le mettre au-dessus de Pascal. Voltaire lui avait dit encore, en lui pronostiquant le plus bel avenir pour la philosophie : « Laissez faire, il est impossible d’empêcher de penser ; et plus on pensera, moins les hommes seront malheureux. […] Cet homme était si parfaitement sûr du résultat de ses idées et du bienfait qui allait en rejaillir sur l’humanité entière, qu’il croyait qu’on pouvait bien l’acheter par quelques capitulations du moment. […] Daunou ne parlait jamais de Condorcet que comme du type de l’homme éclairé (style du xviiie  siècle).

819. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

C’est à ce moment qu’un homme simple, un saint homme, tout de bien et de pratique, un confesseur à la Vincent de Paul, se rencontre sur son chemin. […] Cet homme (Louis XVIII) désormais ne peut plus être vu de la nation que comme l’instrument ou le prétexte de sa honte et de ses malheurs. […] Il n’est pas sans se le demander et, en homme qui se connaît, sans se faire la réponse : « Si je me chargeais d’une semblable tâche, je ne pourrais guère m’occuper d’autre chose, et demeurerais par conséquent exposé à tous les dangers qui accompagnent l’état d’homme de lettres, et que M.  […] Comment et par quel secret revirement l’enfant docile et soumis d’hier est-il redevenu subitement l’esprit amer et mâle, le Breton farouche et indompté, l’homme entier et naturel ? […] C’est pourtant l’occupation des trois quarts des hommes.

820. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Combien d’hommes se sont modelés sur Saint-Preux ou sur don Juan ! […] que toute femme à son gré puisse être la rose et tout homme le papillon, voilà, selon beaucoup d’hommes et de femmes de cette époque, le vœu même de la nature. […] Elles mènent tout, à commencer par les hommes. […] Quel est, dans son Cinna, l’homme de la pièce ? […] Avant lui, on ne se souciait guère d’observer et de peindre les petits hommes et les petites femmes.

821. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

C’était le bréviaire des hommes du dix-septième siècle. […] Voilà les hommes, voilà les philosophes qu’il ne peut pas souffrir. […] La morale, c’est ce qui désintéresse un homme de lui. […] C’est le ton d’un homme qui constate parce qu’il a observé. […] Et la bonté initiale de la nature, et l’homme qui est né bon, et l’homme qui est né avec toutes les vertus mais que la société a dépravé, qu’en faites-vous de cette grande théorie qui est la vôtre ?

822. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Tous les hommes ont un secret attrait pour les ruines. […] Et pourquoi les ouvrages des hommes ne passeraient-ils pas, quand le soleil qui les éclaire doit lui-même tomber de sa voûte ? […] Il y a deux sortes de ruines : l’une, ouvrage du temps ; l’autre, ouvrage des hommes. […] Les destructions des hommes sont d’ailleurs plus violentes et plus complètes que celles des âges ; les seconds minent, les premiers renversent. […] Crois-tu donc que je change mes desseins comme les hommes ; que j’abandonne, parce que je punis ?

823. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Si Euclide est l’homme des lignes, celui-ci demeure bien l’homme des sonorités intellectuelles. […] Sur ces allures extérieures, n’allez pas classer les hommes. […] Les hommes ont déserté cette contrée agonisante. […] Voilà un homme qui s’est affranchi de vains soucis littéraires. […] Un homme est le produit du passé et de sa race.

824. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Par là elles sont plus proches des poètes que le reste des hommes. […] Rien n’est plus humain et rien n’est plus au-dessus de l’homme. […] … La plus noble conquête que l’homme ait jamais faite est le Dâdâ !  […] Ce sont toujours des hommes au passé chargé de luttes ou de regrets. […] Le malheur indiffère presque l’homme jusqu’à l’inconscience.

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