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2694. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Après les conseils les plus sages et après l’histoire de la poésie française, il décrit, il étudie presque, chacun des genres, à commencer par l’idylle, l’églogue, l’élégie, l’ode, et à suivre par le sonnet, qu’il vante beaucoup trop, l’épigramme, le rondeau, le madrigal, et la satire. […] Nous voudrions savoir quel est, dans la Marseillaise, chant national des Français modernes, le plaisir de l’imitation.

2695. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Préface Ce court Essai sur la vie et les œuvres de Jonathan Swift a été traduit du français en latin pour répondre aux exigences du doctorat ès-lettres. […] En français bois.

2696. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Il nous est arrivé de voir de nobles étrangers, venus de loin mais vêtus comme nous, parlant français comme nous, se promener, affables et aimables, au milieu de nous. […] Tel professeur d’allemand était aussi bon patriote que n’importe quel autre Français, aussi prêt à donner sa vie, aussi « monté » même contre l’Allemagne, mais ce n’était pas la même chose.

2697. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Et puis Bernis conclut par quelques mots, ou du moins il rend justice au génie, si plein de ressort, de la race française : « Il faudrait changer nos mœurs, s’écrie-t-il, et cet ouvrage, qui demande des siècles dans un autre pays, serait fait en un an dans celui-ci, s’il y avait des faiseurs. » Cette remarque est profondément vraie, en l’appliquant je ne dis pas aux mœurs, mais aux sentiments et à l’esprit de notre nation, qu’on a vue plus d’une fois se retourner tout d’un coup et en un instant sous une main puissante.

2698. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Si l’on y regarde bien, il en est plus ou moins toujours ainsi : à chaque époque, quelles que soient les réputations régnantes et les vogues qui paraissent tout envahir, il y a toujours dans la diversité des esprits un nombre suffisant de contradicteurs, de critiques qui voient juste ; seulement, ils n’écrivent pas, on ne les imprime pas, ou quand ils écrivent, ils écrivent souvent mal, hors de portée et hors de saison, ils mêlent à leurs vérités des choses inutiles, ils sont à contretemps, comme l’est ici ce sieur de Girac qui s’en va dire la vérité sur Voiture, mais en latin, ou, quand il écrira ensuite en français, qui la dira dans un style chargé de latinismes et à la mode du xvie  siècle.

2699. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Il doit paraître dans quelques semaines, chez un libraire bien connu et estimé des bibliophiles, un petit volume fait pour attirer l’attention, et qui permettra de rétablir avec précision et fidélité une des physionomies les plus remarquables et les plus caractéristiques de la société française dans la seconde moitié du xviiie  siècle67.

2700. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Quoi de plus connu, de plus épuisé en apparence que l’histoire de la Révolution française ?

2701. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Un jour, à une fin de chronique littéraire2, parlant de la Dame aux Camélias et lui opposant la vertu des bourgeoises et des chastes Lucrèce, il a dit : domum mansit, lanam fecit ; d’où je conclus qu’au collège il était plus fort en discours français qu’en thème3.

2702. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Dès ce premier entretien le prince lui fit plusieurs questions sur les raisons qu’il pouvait avoir eues, lui Français, de renoncer à la France pour s’attacher à l’Angleterre comme à une patrie.

2703. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Les quatre premiers volumes contiennent les correspondances françaises, et le cinquième renferme tous les documents espagnols, particulièrement relatifs à Marie Stuart.

2704. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

C’est là, à El-Aghouat, dans cette ville conquise de la veille et tout récemment française, qu’il va passer plusieurs semaines à peindre, à regarder, à s’imbiber de lumière et de soleil ; c’est de là qu’il fera une pointe de quelques jours jusqu’à Aïn-Mahdy à l’Ouest, une ville sainte, célèbre par le siège qu’elle soutint contre Abdel-Kader et par une lutte fratricide qui n’est pas à l’honneur de ce dernier.

2705. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Toutes les fois qu’une vertu morale éclate dans les camps, un désintéressement parfait, une abnégation simple — et, par exemple, ce qu’on a vu de nos jours, un général en chef remplacé et servant avec dévouement, avec joie, sous son successeur ; — toutes les fois que le guerrier, heureux ou malheureux, pensera plus à son pays qu’à lui-même et qu’il s’oubliera en servant, on dit et l’on dira par une appellation bien méritée et toute française : C’est du Catinat 86.

2706. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Or, depuis 1819, ce qu’on pourrait appeler l’école poétique française n’a pas cessé de marcher et de produire : son développement non interrompu se partage assez bien en trois moments distincts ; on y compte déjà trois générations et comme trois rangées de poëtes.

2707. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Tandis que, sous la Restauration, on aimait surtout dans Talma finissant et grandissant un novateur, une espèce d’auteur et de poëte dramatique (et non, certes, le moindre), qui rendait ou prêtait aux rôles un peu conventionnels et refroidis de la scène française une vie historique, une réalité à demi shakspearienne, — il arrive que ce qu’on a surtout aimé dans notre jeune et grande actrice, ç’a été un retour à l’antique, à la pose majestueuse, à la diction pure, à la passion décente et à la nature ennoblie, à ce genre de beauté enfin qui rappelle les lignes de la statuaire.

2708. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Il n’y a pas ici ni même à Gottingue le plus petit bout d’une feuille française, à l’exclusion du Moniteur qu’on fait venir en ballots tous les six mois, ce qui ne rend pas les nouvelles qu’il contient très-fraîches.

2709. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

où tant d’officiers français périrent.

2710. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Sa vie déborde, elle se compare à un lion en cage : elle devait naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français ; osons citer son vœu réalisé depuis par des héroïnes célèbres : « Viens donc à Paris, écrit-elle à la douce et pieuse Sophie ; rien ne vaut ce séjour où les sciences, les arts, les grands hommes, les ressources de toute espèce pour l’esprit, se réunissent à l’envi.

2711. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Le drame mis à part, on peut considérer Malherbe et Boileau comme les auteurs officiels et en titre du mouvement poétique qui se produisit durant les deux derniers siècles, aux sommités et à la surface de la société française.

2712. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Eugène Burnouf, s’excusant auprès des savants de donner quelques aperçus généraux, proteste qu’il ne le fait que pour le lecteur français et qu’il n’attache qu’une importance secondaire à un travail qui devra se faire plus tard, et qui, tel qu’il pourrait être fait aujourd’hui, serait nécessairement dépassé et rendu par la suite inutile.

2713. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Tout ce que j’ai vu depuis que j’ai quitté mes pénates me fera remercier Dieu d’être née Française et particulière.

2714. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Tous les anciens amis de la reine sont revenus après une disgrâce plus ou moins longue : chacun d’eux compte sur la même faveur qu’autrefois, et ils ne s’aperçoivent pas d’abord que cette reine, qu’ils avaient laissée opprimée par Richelieu, sans enfants et encore Espagnole de cœur, est devenue mère, toute aux intérêts du jeune roi, et une reine toute française.

2715. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

IV, 18 [Hennequin se réfère ici aux recherches de deux psychologues connus en France par la médiation d’un des pères fondateurs de la psychologie scientifique française institutionnalisée, Théodule Ribot.

2716. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Il lui manque, — autant que l’on peut décider sur des traductions qui, révisées par l’auteur, doivent être tenues pour exactes, — le style coloré, la nervosité de notre français moderne, la manie du mot nouveau et des copulations significatives de vocables, nos recherches de sonorités et de cadences, tout l’art précis et défini de nos maîtres prosateurs modernes.

2717. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Qu’il mette un peu de plomb dans sa tête ; que ses compositions deviennent plus sages, plus décidées ; que les figures en soient mieux assises ; qu’il n’entasse plus tête sur tête ; qu’il étudie plus les grands maîtres ; qu’il s’éprenne davantage de la simplicité ; qu’il soit plus harmonieux, plus sévère, moins fougueux, moins éclatant, et vous verrez le coin qu’il tiendra dans l’école française.

2718. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Puis elle se tut pour reprendre avec son importance et son essoufflement ordinaires, l’examen de l’actrice en voyage et du vaudeville en vogue, la grande affaire pour le public français !

2719. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Colomb, Magellan, El Cano avaient constaté, les premiers, l’unité matérielle de la terre, mais la future unité normale que désiraient les philosophes n’eut un commencement de réalisation qu’au jour où des travailleurs anglais, français, allemands, oubliant la différence d’origine et se comprenant les uns les autres malgré la diversité du langage, se réunirent pour ne former qu’une seule et même nation, au mépris de tous les gouvernements respectifs. »48‌ C’est dans le même but que furent instituées tant d’autres associations permanentes ou temporaires dont le principe se résume toujours en ceci : constituer un groupe autour d’une idée par-delà les groupements nationaux.

2720. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Jouffroy étudia les œuvres de l’illustre prédicateur français ; il le jugea moins observateur que logicien, moins logicien qu’orateur, moins orateur que politique.

2721. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cette opinion devait être celle de la critique française au dix-huitième siècle, époque où les lettres grecques, cette grande source du génie, de la philosophie sublime et de la belle poésie, n’étaient étudiées, pour le fond des choses et pour la pensée, que de Montesquieu et de Rousseau, qui s’en trouvèrent bien.

2722. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Si notre Montaigne croyait la reconnaître dans la chanson du cannibale Iroquois célébrant une couleuvre, dont il voudrait dérober les vives couleurs pour en parer le collier de sa maîtresse, si ce chant barbare semble au philosophe français tout anacréontique, même passion, même fantaisie ne dut-elle pas cent fois se produire dans les épreuves de la vie du moyen âge ?

2723. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Esprit de lignée purement française, s’il se trouvait ainsi privé parfois de quelques rapprochements curieux et utiles, il se préserva mieux encore des fausses ressemblances et des confusions dangereuses.

2724. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Puisqu’elle est toujours belle était inutile à dire à des Grecs ; mais c’est une raison charmante à donner à des Français.

2725. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Je conçois le sentiment de discrétion et de délicatesse qui fait qu’on hésite à toucher à de vieilles blessures et à remuer les cicatrices d’un cœur ; mais ce mot humilier en pareil cas n’est pas français : tant que la dernière source, la dernière goutte du vieux sang de nos pères n’aura pas tari dans nos veines, tant que notre triste pays n’aura pas été totalement régénéré comme l’entendent les constituants et les sectaires, il ne sera jamais humiliant pour un homme, même vieux, d’avoir aimé, d’avoir été aimé, fût-ce dans un moment d’erreur.

2726. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

XIII Il avait employé son temps à la fréquentation de quelques émigrés comme lui et à la rédaction d’une œuvre sérieuse inspirée par la Révolution française et intitulée Essai sur les Révolutions ; c’était un tâtonnement de son génie.

2727. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

De là il avait pu voir ce qui se passait à la gauche française.

2728. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Préface de son discours de réception à l’Académie française.

2729. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Les habitudes de la société française, si sévères pour toute originalité, sont à ce point de vue tout à fait regrettables. « Ce qui fait l’existence individuelle, dit Mme de Staël, étant toujours une singularité quelconque, cette singularité prête à la plaisanterie : aussi l’homme qui la craint avant tout cherche-t-il, autant que possible, à faire disparaître en lui ce qui pourrait le signaler de quelque manière, soit en bien, soit en mal. » Les natures vraiment belles et riches ne sont pas celles où des éléments opposés se neutralisent et s’anéantissent ; ce sont celles où les extrêmes se réunissent, non pas simultanément, mais successivement, et selon la face des choses qu’il s’agit d’esquisser.

2730. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Quoi qu’il en soit, je ne me figure guère un Krupp, même français, la tête ceinte d’une auréole allumée au feu de sa forge, et tendant des mains, noires de poudre fulminante, vers le Dieu de miséricorde.

2731. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

La duchesse de Bourgogne, venue de Savoie, et bien que si Française à tant d’égards, ne pouvait s’y faire, et elle disait quelquefois à Mme de Maintenon : « Ma tante, on se moque de tout ici ! 

2732. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Cette correspondance assez agréable marque très bien un moment dans la littérature française ; elle représente et caractérise la nuance espagnole pastorale qui y régna depuis le roman de d’Urfé jusqu’à ceux de Mlle de Scudéry, et à laquelle le bon sens de Louis XIV, aidé de Boileau, allait mettre bon ordre.

2733. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Lebrun, toujours à l’occasion du même volume de vers (Les Deux Anges, 1844), le proposa et le fit agréer à l’Académie française pour le prix fondé par M. de Maillé-La Tour-Landry.

2734. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Le président de Brosses, pour n’avoir pas voulu faire cadeau à Voltaire des quatorze moules de bois livrés par Charlot Baudy, ne put jamais être de l’Académie française ; et (ce qui est plus grave) sa mémoire, a l’heure qu’il est, resterait encore entachée de ces odieuses imputations de dol, insinuées avec tant d’impudeur par Voltaire, si la correspondance mise au jour ne montrait nettement de quel côté est l’honnête homme, de quel côté le calomniateur et le menteur.

2735. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Il vit le voyageur célèbre, le questionna, comme il savait faire, sur l’Orient, sur l’Égypte, sur les chances d’une expédition française que Volney avait déjà discutées dans ses Considérations politiques de 1788.

2736. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

— Pourquoi… Madame, c’est que rien n’est plus rare, qu’un derrière chez une Française.

2737. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

L’idée philosophique de l’évolution universelle « est voisine de cette autre idée qui fait le fond de la poésie : vie universelle9. » Si le mystère du monde ne peut être complètement éclairci, il nous est pourtant impossible de ne pas nous faire une représentation du fond des choses, de ne pas nous répondre à nous-mêmes dans le silence morne de la nature : « Sous sa forme abstraite, cette représentation est la métaphysique ; sous sa forme imaginative, cette représentation est la poésie, qui, jointe à la métaphysique, remplacera de plus en plus la religion. » Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. « Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux où on ne trouvera même pas à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et l’ombre, le corps sans l’âme : elle sera morte. » Notre poésie française, heureusement, a été dans notre siècle tout animée d’idées philosophiques, morales, sociales.

2738. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

On n’y lit pas un mot du droit français ; pas plus du droit des gens que s’il n’y en avait point ; rien de notre code ni civil ni criminel ; rien de notre procédure, rien de nos lois, rien de nos coutumes, rien des constitutions de l’État ; rien du droit des souverains, rien de celui des sujets ; rien de la liberté, rien de la propriété, pas davantage des offices et des contrats.

2739. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

II Le premier de ces livres, non le premier en date, mais le premier dans l’ordre que je veux donner à leur examen, a un titre italien et minaudier : Galileo Galilei, ce qui signifie Galilée, comme on dit dans la langue de la gloire, qui a toujours aimé à parler français.

2740. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Levasseur, La population française, I, p. 318.

2741. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

Il a l’âme ardemment française. […] N’est-ce pas Veuillot qui a dit que la Chanson des Rues et des Bois est « le plus bel animal de la langue française » ?

2742. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Il y a dans la patrie française, et quoique fondus en elle pour tout le principal, des groupes qui demeurent quand même un peu susceptibles et ombrageux. […] De retour à Saint-Étienne, elle laisse échapper, dans une conversation avec son amant, le secret de son voyage à Paris ; comprend, à la colère de Dufresne, que c’est, au fond, sa femme qu’il aime ; éclate en imprécations forcenées, et le chasse. — Cinq ou six ans après, Zaza est devenue une étoile de café-concert de la plus haute distinction, de celles qui portent l’esprit français à travers le monde, qui ont les appointements de vingt généraux de division, qui envoient des lettres aux journaux et qui ont des opinions sur la littérature.

2743. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

ce romancier du grand monde français ou italien qui ne quitte jamais ses gants, surtout quand il touche la main de certains personnages suspects ; Stendhal est un pur psychologue, et il y a bien autre chose que de la psychologie dans le roman contemporain. — Ces raisons sont bonnes assurément, et pourtant nos naturalistes n’ont pas tort : le détail psychologique, qui abonde chez Stendhal, y est en effet toujours lié à la vue nette de la réalité, de chacun de ses personnages, de ses mouvements, de son attitude, d’une fenêtre qu’il ouvre ou d’une taille qu’il enveloppe discrètement de son bras58. […] Le héros de Germinal, après sept jours d’ensevelissement et de diète, songe encore à satisfaire cet instinct, et son idée fixe, en tombant dans un évanouissement qui est peut-être la mort, c’est Catherine que pourrait bien être enceinte… Si les ouvriers et paysans étaient ainsi, on serait vraiment en droit de s’étonner de l’infécondité de la race française.

2744. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Je m’applique à tailler dans le vif, à disséquer des principes, afin de mettre à nu le cerveau contemporain et le nœud vital de notre poésie française si tendrement aimée. […] Plus tard, en 1657, dans sa Pratique du théâtre, l’abbé d’Aubignac, d’accord avec le goût français de l’époque, écrira : « Je dis que les règles du théâtre ne sont pas fondées en autorité, mais en raison. » C’est avouer que l’emploi de ces fameuses règles n’est nullement arbitraire, mais s’impose despotique par une prescription des lois de la nature.

2745. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Arrivez-vous de Chicago dans l’intention de réformer la poésie française ? […] Il faut retourner votre âme, la vider comme un seau d’ordures, taper sur le fond pour en faire couler la lie… Mais j’oubliais : vous êtes Français, et s’il est une chose certaine, c’est la répugnance que montre le tempérament français pour les plus magnifiques élans des mystiques étrangers. […] Heureusement pour le tempérament français.

2746. (1887) George Sand

Soit ; mais, ne fût-ce que pour l’honneur de la langue française, on reviendra, nous le croyons, sinon à toute l’œuvre, du moins à une partie de cette œuvre épurée par le temps, triée avec soin par le goût public, supérieure aux vicissitudes et aux caprices de l’opinion. […] À travers ses plus grandes œuvres, à toutes les époques de sa vie, mais surtout dans la première période, se joue par intervalles un courant vif et bondissant d’esprit tout français, l’esprit renaissant du xviiie  siècle, de fantaisie élégante et de curiosité aventureuse qui trouve à se répandre en liberté dans des fictions dont l’amour est le thème perpétuellement varié. […] « Ce qu’il exécrait le plus violemment dans les romans de Thackeray, c’est que l’amour y est représenté (à la façon française) comme s’étendant sur toute notre existence et en formant le grand intérêt ; tandis que l’amour, au contraire (la chose qu’on appelle l’amour), est confiné à un très petit nombre d’années de la vie de l’homme, et que, même dans cette fraction insignifiante du temps, il n’est qu’un des objets dont l’homme a à s’occuper, parmi une foule d’autres objets infiniment plus importants… À vrai dire, toute l’affaire de l’amour est une si misérable futilité qu’à une époque héroïque personne ne se donnerait la peine d’y penser, encore bien moins d’en ouvrir la bouche6 ?  […] Elle n’a absolument rien de l’esprit pétillant des Françaises ses compatriotes, mais rien non plus de leur babil intarissable. […] « Roman, veut dire, au moyen âge, composition en langue romane, c’est-à-dire en français, et spécialement, comme les compositions le plus en honneur sont les chansons de geste, il prend le sens de chanson de geste.

2747. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Redemandant cette même faveur d’être aide de camp du roi pour la campagne qui suivit celle de Namur, et qui fut la dernière que fit Louis XIV, Lassay savait bien qu’il allait au cœur de Mme de Maintenon lorsqu’il insistait sur la prudence et qu’il disait bien plus en courtisan qu’en soldat : Si je ne regardais que mon intérêt particulier, par toutes sortes de raisons je souhaiterais ardemment qu’il (le roi) allât commander ses armées, mais je crois qu’il n’y a pas de bon Français qui doive souhaiter qu’il y aille : quand je songe à Namur, je tremble encore ; sans compter les autres périls, le roi passait tous les jours au milieu des bois qui pouvaient être pleins de petits partis ennemis ; on n’oserait seulement porter sa pensée à ce qui pouvait arriver : que serait devenu l’État, et que serions-nous devenus ?

2748. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Je m’inclinerai devant la grande, la puissante et sublime parole de Bossuet, la plus impétueuse certainement et la plus pleine qui ait éclaté dans la langue française ; mais s’il s’agit d’agrément et de grâces, je les réserverai pour Fénelon.

2749. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

À Rome, on avait appelé cette fuite une furie française.

2750. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Sans s’abuser un seul instant sur les Bourbons qu’il avait eu de bonne heure occasion de connaître d’après des circonstances fort particulières  ; sans donner jamais en plein dans la Charte, comme Courier, Béranger attendit les excès de 1815 et 1816 pour se prononcer hautement contre la dynastie restaurée, et en cela il fit preuve de plus de sens que ceux qui lui ont reproché sa chanson du Bon Français, de mai 1814.

2751. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

N…9 était préfet en 1812 d’une grande ville d’Allemagne qui s’insurgea contre l’arrière-garde de l’armée française en retraite. » Son esprit en fut bouleversé ; il se croit accusé de haute trahison, déshonoré ; bref, il se coupe la gorge avec un rasoir.

2752. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Rabindranath Tagore : L’Offrande lyrique, traduction et préface d’André Gide (Nouvelle Revue française).

2753. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Telle est la manière française ; on reprend trois ou quatre mots d’un système, suffisants pour indiquer un esprit ; on devine le reste, et cela va son chemin.

2754. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

La morale de Kant est bien supérieure à toute sa logique ou philosophie intellectuelle, et nos Français n’en ont pas dit un mot.

2755. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Madame Merson, dont le nom se prête à une double consonance française et britannique, passe pour l’épouse divorcée d’un gentleman anglais, remariée à M. 

2756. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Et l’on ne peut guère espérer faire taire ces cris en leur donnant satisfaction sur quelques points, puisque la plus grande satisfaction qui ait jamais été donnée en ce monde à l’esprit d’égalité, je veux dire la révolution française, a eu précisément pour effet de produire cette race de niveleurs insatiables et effrénés.

2757. (1913) La Fontaine « IV. Les contes »

C’est ainsi que nous arrivons à La Fontaine, qui s’est inspiré, pour ses contes, et de l’antiquité, et des fableaux, et des conteurs du seizième siècle français, et enfin des conteurs italiens comme Machiavel, l’Arioste et Boccace.

2758. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Le reste du courant païen, germain et barbare, a été arrêté ou recouvert, d’abord par l’entrée de la religion chrétienne, ensuite par la conquête des Français de Normandie. […] Voici le latin de Boëce, si étudié, si joli, et qu’on ne saurait rendre en français.

2759. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Quant à la tragédie grecque, c’est quelque chose d’intermédiaire entre ce que sera la tragédie française et ce que sera le grand opéra. […] Il a parfaitement connu l’âme du fonctionnaire français et y est entré, ce me semble, plus avant que Labiche (le Chef de division, le Panache). […] Il se pourrait bien, après cela, que la déclaration de Tartuffe ne fût pas seulement un des plus beaux morceaux de notre théâtre, mais que, prise en elle-même, elle fût une des plus rares et des plus singulières pages de poésie pure, de poésie lyrique, de toute la littérature française. […] C’est qu’en 1853, après la Dame aux camélias, la bourgeoisie française, c’est-à-dire la classe qui contribue le plus à l’entretien des Marguerite Gautier de tout ordre, éprouvait le besoin impérieux, absolu, d’entendre quelque part, dans un endroit public, la phrase suivante : « … Sapristi ! […] C’est plutôt un « exercice » dialogué sur la Révolution française, exercice très ingénieux, soigneusement et savamment écrit par des gens qui ont la curiosité et l’intelligence du passé ; mais quelque peu artificiel, je dirais presque scolaire.

2760. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

La Révolution française a changé plus d’une fois d’aspect pour ceux qui se disent ses fils et qui sont sortis d’elle.

2761. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

C’était la vraie civilité française, je veux dire celle qui s’exerce, non seulement envers les personnes que l’on connaît, mais envers tout le monde sans exception 25.

2762. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Cette Histoire de la société française pendant le Directoire, où nous avons mis tous les moxas, vendue à 500… Après la douce existence de Gisors, une vie de tracas, de courses vaines et déçues, de pensées de découragement.

2763. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Il n’existe plus, à proprement parler, de littérature française, et la littérature anglaise elle-même commence à se diversifier33.

2764. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

Saint Théophile d’Antioche considère comme conséquence du péché la férocité des animaux sauvages, Tatien le poison des plantes vénéneuses, saint Augustin les naissances monstrueuses, saint Isidore l’affaiblissement de la lumière du soleil et de la lune (Manuel de l’histoire des dogmes chrétiens, par Henri Klée, traduction française de l’abbé Mabire, t. 

2765. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ainsi moquons-nous de cette chicane, où ils veulent assujettir le goût du public ; ne consultons dans une comédie que l’effet qu’elle fait sur nous, laissons-nous aller, de bonne foi, aux choses qui nous prennent par les entrailles, et ne cherchons point de raisonnement pour nous empêcher d’avoir du plaisir. » Pendant tout cet acte de La Critique de l’École des femmes, Molière se raille à plaisir de ces raffinements mystérieux, comparant ces critiques, huches sur l’art poétique, à ces gourmets qui trouvant une sauce excellente, voudraient examiner si elle est bonne d’après les préceptes du Cuisinier français.

2766. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Ailleurs il nous le dira encore, et avec la même grâce, et avec plus de grâce encore, car ce que je vais vous lire, c’est le passage le plus charmant de ce discours à Mme de La Sablière que La Fontaine a prononcé dans sa séance de réception à l’Académie française.

2767. (1913) La Fontaine « VII. Ses fables. »

D’abord, le genre était inexploité jusqu’à lui, ou très peu exploité ; il l’avait été, et encore assez peu, par les anciens ; il l’avait été infiniment peu par les auteurs qui avaient précédé La Fontaine dans la littérature française, car n’oublions pas que le fabliau, ou fableau, comme vous voudrez, n’est pas une fable, c’est en général, presque toujours, un conte proprement dit, c’est l’origine de nos contes.

2768. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Imagination forte, sensibilité exaltée, mais raison débile, Michelet, ce pauvre moraliste-législateur, était aussi goulu de spectacles pour le compte du peuple français que le peuple romain tout entier, dont ce fut la dépravation… Et cependant, chrétien encore, Michelet, l’homme du Cours de 1847, s’est souvenu — n’en doutez pas ! 

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