/ 2370
1038. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

Connaissez-vous un livre d’Hogarth, intitulé la ligne de beauté ?

1039. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Ou qu’il entrât en quelque ennui, Je serais ingrat envers lui ; Car alors que je m’en vais voir La beauté qui d’un doux pouvoir Le cœur si doucement me brûle. […] Olivier de Magny, qui a je ne sais quel motif qu’on ne s’explique pas de le narguer, et qui y est peut-être tout simplement poussé par une fatuité ou un libertinage de poète, signifie très nettement au bonhomme qu’il connaît mieux sa femme que lui, et qu’il n’est pas le seul ainsi favorisé : Et toujours, en toute saison, Puisses-tu voir en ta maison Maint et maint brave capitaine, Que sa beauté chez toi amène, Et toujours, Sire Aymon, y voir Maint et maint homme de savoir ! […] que Louise Labé ; il nous suffit de son talent, sa gloire est dans sa flamme ; et il n’y a pas lieu ici, comme avec d’autres beautés de nuance pudibonde, de venir briser chevaleresquement ou pédantesquement des lances pour une vertu qu’elle ne mettait pas si haut.

1040. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

D’autres seront épris de la beauté du monde Et du rayonnement de la lumière blonde ; Ils resteront des mois assis devant des fleurs, Tâchant de s’imprégner de leurs vives couleurs ; Un air de tête heureux, une forme de jambe, Un reflet qui miroite, une flamme qui flambe, Il ne leur faut pas plus pour les faire contents. […] — D’Albert aime la beauté et n’aime qu’elle ; mais il l’aime à un degré où il devient à peu près impossible de la rencontrer, et lorsqu’il aura l’air d’aimer quelque être qui lui en offre une certaine image, il sentira que ce n’est là qu’un prétexte et un fantôme, et que réellement il n’aime pas. […] Je pourrais noter, comme dans un opéra, nombre de ces beaux airs ou de ces hymnes : Si tu viens trop tard, ô mon Idéal, je n’aurai plus la force de t’aimer, etc. ; Ô Beauté, nous ne sommes créés que pour t’aimer et t’adorer à genoux, etc.

1041. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Viollet-Le-Duc : « Montrez-moi l’architecture d’un peuple, et je vous dirai ce qu’il est. » Ou encore : « Les édifices sont l’enveloppe de la société à une époque. » Le Parthénon d’Athènes, le Panthéon de Rome, Sainte-Sophie de Constantinople, et une nef, une façade gothique dans toute sa gloire, Notre-Dame de Paris : voilà les quatre points culminants de l’histoire de l’architecture, en tant que l’invention y préside, que la beauté s’y joint à la sincérité, et que le fond et la forme s’y marient. […] Celle qui voulut employer d’autres préparations (le fard) fit apporter les objets devant elle42 ; quelques-unes ne s’en soucient point, tant la nature leur a donné de beauté ! […] Dans un des articles de son grand Dictionnaire 43, il décrit la salle synodale de Sens, une de ces vastes salles destinées à des réunions nombreuses, où il fallait trouver de la lumière, de l’air, de grandes dispositions ; il nous la montre réunissant toutes les conditions d’utilité et de beauté.

1042. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

dites, vous qui l’avez vu, quelle est la pêche, quelle est la rose, quel est le fruit, quelle est la fleur qui ne lui cède pas en beauté ? […] À mesure qu’on s’est éloigné d’Homère, on l’a pris tout à faux ; on a vu chez lui un auteur, un homme qui a composé un poème d’après un plan régulier, et là-dessus on s’est mis à raisonner, à inventer des beautés qui n’en sont pas, des explications subtiles dont on a fait des lois. […] encore une fois, sans doute, il est certaines beautés naturelles, simples, éternelles, de ces grands peintres du cœur humain, qui ont été senties de tout temps ; mais, dans les intervalles et pour l’ensemble de l’œuvre, que de restrictions, que de méprises, que de blâmes ou d’admirations à côté, avant que la critique historique fût venue pour éclairer les époques, les mœurs, le procédé de composition et de formation, tout le fond et les alentours de la société au sein de laquelle se produisirent ces grands monuments littéraires !

1043. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Pensers mystérieux, espace, éternité, Ordre, beauté, vertu, justice, vérité, Héritage immortel dont j’ai perdu les titres, D’où m’êtes-vous venus ? […] Sans doute ; mais c’est peu aussi d’être amoureux en élégie, si l’on n’est poëte par les images et par de certains traits qui fixent la beauté pour tous les temps. […] C’est bien ; mais à un certain moment, le naturel trop simple s’oublie, un tour de tête imprévu a dénoué la chevelure, l’ambroisie se révèle, Ambrosiæque comæ divinum vertice odorem Spiravere ; pedes vestis defluxit ad imos, Et vera incessu patuit Dea…… Je veux voir, même au milieu des langueurs élégiaques, ce pedes vestis defluxit ad imos, cette beauté soudaine du vers qui s’enlève, et ces larges plis déroulés.

1044. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Cela me fait frémir, mais cela me fait un peu souffrir ; cela est grand comme le cœur humain, mais cela est de la beauté cherchée ; cela sent la grande décadence, les magnifiques débris d’une vieille langue. Ni Cicéron ni Bossuet n’auraient trouvé ces beautés. […] est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.

1045. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Le vers est pour lui une forme d’art, ayant sa beauté propre, et traduisant d’une certaine façon en sensations de l’oreille le caractère de l’idée. […] n’en revenait-il pas toujours, pour faire admirer un passage de la Genèse, à « la douceur majestueuse des paroles », et ne demandait-il pas seulement, pour que tous les esprits en reconnussent la beauté, « une bouche qui les sût prononcer », et « des oreilles qui les sussent entendre » ? […] Rien de ce qui eût inspiré la spirituelle polissonnerie de l’âge suivant, mais seulement les « quatre mouchoirs de sa beauté salis » qu’on envoie au blanchisseur.

1046. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Le doux esprit de cette princesse, ce parfum de délicatesse et de bonté dans des écrits plus aimables qu’éclatants, ces couleurs agréablement mélangées plutôt que vives, ces charmantes perfections dans un second rang, n’est-ce pas le genre de beauté de la marguerite ? […] Si la prison ne l’inspire pas mieux que ce rude et naïf génie des carrefours, elle lui inspire des beautés nouvelles. […] « Jugeant, dit-il39, ses inventions trop basses pour un prince de hault esprit, il les a laissées reposer, et a jeté l’oeil sur les livres latins, dont la gravité des sentences, ajoute-t-il, et le plaisir de la lecture (si peu que je y comprins) m’ont espris mes esprits, mené ma main, et amusé ma muse. » Marot, comme on le voit, n’est pas guéri du goût des pointes ; mais il indique du doigt le genre de beauté que notre littérature allait puiser au trésor des littératures anciennes ; à savoir, cette gravité des sentences que nous appelons les vérités générales.

1047. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Les barbares renversèrent l’Empire ; mais, au fond, quand ils essayèrent de reconstruire, ils revinrent au plan de la société romaine, qui les avait frappés dès le premier moment par sa beauté, et le seul d’ailleurs qu’ils connussent. […] La beauté est dans les choses ; la littérature est image et parabole. […] Dans ma chambre nue et froide, abstène et vêtu pauvrement, je comprends, ce me semble, la beauté d’une manière assez élevée.

1048. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Pendant que la poésie s’amincit et se décolore à force de s’adresser à l’intelligence pure, la prose a toutes les qualités de beauté calme et méthodique que préfère le goût régnant. […] C’est à l’art de l’historien (et l’art comme le style est éminemment personnel) de savoir faire jaillir des documents entassés la lumière et la flamme ou, si l’on veut, de transmuer la vérité en beauté. […] J’appliquerais volontiers à cette époque ces vers de Fernand Gregh : Ô rêve ingénu de beauté, Qui par un étrange mystère Donnais aux choses de la terre Comme un aspect d’éternité.

1049. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Un rayon de beauté circule comme un sourire sur sa civilisation rajeunie, une ligne d’élégance la parcourt et l’assouplit en tous sens. […] Artémis, dégradée sous la forme d’une ourse, rôdait sauvagement par les forêts où elle devait reparaître dans sa beauté svelte, le croissant au front et l’arc à la main. […] Ses métaphores sont prodigieuses, elles ont moins de beauté que d’énormité.

1050. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Vous avez les mains fort blanches et la peau fort fine… Pour de l’esprit, vous en avez assurément autant qu’on en peut avoir, et votre esprit ressemble à votre visage ; il a plus de beauté que d’agrément. […] Ménage, qui était galant comme un pur érudit et sans véritable monde, lui envoyait des épigrammes en toute langue, des madrigaux grecs, latins, italiens, sur toutes sortes de beautés plus ou moins métaphoriques et allégoriques ; Huet lui répond, en lui rendant la monnaie de ses confidences : Je vous envoyai l’année passée ma première élégie, je vous enverrai bientôt mon premier sonnet, mais il est encore brut. […] Il continue d’être pour les Jésuites, de les priser et de les estimer, de croire à leur avenir, comme si Pascal n’avait pas tonné ; il continue d’être pour la philosophie des sages d’avant Descartes, pour la philosophie sceptique des Gabriel Naudé, des La Mothe Le Vayer, des Charron, comme si ce grand révolutionnaire et ce grand ennemi de la tradition, Descartes, n’avait point paru pour tout changer ; il continue enfin de goûter les fleurs un peu surannées de l’ancienne littérature, les beautés des d’Urfé, des Scudéry et autres, comme si Boileau n’était pas venu brusquement mettre le holà et réformer le goût.

1051. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Cette beauté à laquelle elle est la première à rendre une si haute justice était réelle, en effet, à cet âge de première jeunesse. De l’éclat, une fraîcheur Qui conservait des Lis la candide innocence disaient les poètes, de beaux yeux, des cheveux blonds et d’un beau cendré, une belle taille, tout cela couvrait ce qui lui manquait du côté de la délicatesse et de la grâce ; « elle avait tout à fait en elle l’air de la grande beauté », reconnaît Mme de Motteville. […] Un jour qu’elle était à Saint-Jean-de-Luz dans la chambre du cardinal Mazarin, et que d’une fenêtre, avec Mme de Motteville, elle considérait la beauté du paysage, Mademoiselle se mit à imaginer un projet de retraite et de solitude, et à moraliser sur la vie heureuse qu’on y pourrait mener.

1052. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

A moins qu’on ne se borne (c’est la méthode scientifique) à observer les mœurs littéraires avec le désintéressement de Swammerdam ou de Réaumur  ; à constater les dégâts que font les hommes dans l’idée de beauté et dans toutes les idées générales, comme l’entomologiste suit curieusement la trace d’une invasion de chenilles vertes sur les fleurs de son jardin. […] Il y a donc deux classes de clichés, ceux qui représentent des images dont l’évolution, entièrement achevée, les a menés à l’abstraction pure ; et ceux dont la marche vers l’état abstrait s’est arrêtée à moitié chemin, — parce qu’ils n’avaient reçu à l’origine qu’un organisme inférieur et une forme médiocre, parce qu’ils manquaient d’énergie et de beauté. […] Dès que le mot et l’image gardent dans le discours leur valeur concrète, il s’agit de littérature : la beauté n’est plus tout entière dans la raison, elle est aussi dans la musique.

1053. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Mais que d’autres beautés grandes et fortes naissaient de sa puissance d’impressions ! […] Un nuage de vapeurs qui remontent couvre l’abîme, s’arrondit en coupole, s’élève aux cieux en pyramide, et, planant sur les forêts d’alentour, épouvante le solitaire chasseur. » Dans l’original, cette peinture est pleine d’éclat ; mais elle n’a pas la beauté sévère que le grand lyrique de l’antiquité portait dans la description des phénomènes de la Sicile. […] Brillante d’une beauté qui semblait le voile transparent de son génie, parée pour les yeux espagnols d’une grâce à la fois nationale et demi-étrangère, respirant surtout dans son talent la grandeur et la force, mais y mêlant ce goût de pureté, cette correction sévère trop rare en Espagne pour ne pas sembler originale, elle étonna, elle charma tous ceux qui l’entendirent.

1054. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

. — J’irai jusqu’à ce que je sache le nom du mal étrange qui me ronge au milieu de ma gloire et de ma beauté. […] Citons quelques vers ; ne choisissons pas, prenons-les à la première page, sûr de rencontrer assez de beautés pour justifier nos éloges. […] Jeune et belle, elle était pauvre ; elle a hérité de cent mille écus, mais trop tard ; la jeunesse et la beauté s’étaient enfuies. […] Chateaubriand, qui ne péchait pas, que je sache, par excès de fadeur, a demandé pourquoi il n’y aurait pas une critique des beautés comme il y a une critique des défauts, ajoutant, non sans raison, que la première serait plus large et plus féconde que l’autre : cette critique des beautés, ce sera tout mon article sur le livre de M.  […] Caro nous le fait aimer ; en analysant ses ouvrages et avant d’en condamner l’ensemble, il en fait ressortir de charmantes beautés de détail.

1055. (1922) Gustave Flaubert

La beauté pour la femme est d’abord la beauté du décor, et, pour une bourgeoise fille de paysan, la substance et le poids de la vie seront faits naturellement d’une certaine argenterie vulgaire. […] On peut trouver aussi que c’est, comme on disait autrefois, une beauté. […] Le premier est une série d’analyses et de potins médiocres, sans grandeur ni beauté. […] L’argent c’est la seconde beauté du diable. […] Mme Arnoux unit la beauté physique et la beauté morale dans un accord parfait, assez froissée pour être pathétique et pas assez pour être tragique.

1056. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXII » pp. 91-93

Elle est descendue sur la route au château de Bizy, et comme on lui faisait remarquer la beauté du parc et de la forêt, elle a répondu : « Oui, mais il n’y a pas d’arbres. » Les nôtres ne lui paraissaient que des baliveaux auprès de ses forêts vierges et tropicales de là-bas.

1057. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Pour moi, l’année entière, Dans sa succession muable et régulière, Ne m’offre tour à tour que diverses beautés, Toutes en leur saison. — Au déclin des étés, Ce feuillage, là-bas, dont la frange étincelle, Et qui, plus jaunissant, rend la forêt plus belle Quand un soleil oblique y prolonge ses feux ; Tout ce voile enrichi ne présage à tes yeux Que l’hiver, — l’hiver morne, aride.

1058. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Samain, Albert (1858-1900) »

Pierre Quillard Parmi les arbres d’un parc automnal que l’imminence de la mort pare d’une beauté touchante et solennelle, sur des eaux lentes parfumées au crépuscule de pâles roses et de violettes pales, près d’une seigneuriale demeure qui s’écroule au milieu des hautes herbes et atteste une existence dix fois séculaire par l’effondrement des majestueuses salles romanes et des étroits boudoirs, encore tendus de molles étoffes en lambeaux, là et point ailleurs, il faut se réciter d’une voix mêlait colique et fière les vers de M. 

1059. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 179-182

Corneille n’ignoroit pas combien les discussions analytiques sont propres à faire évanouir les plus grandes beautés : on peut les comparer à des sucs corrosifs qui détruisent les substances, sous prétexte de les épurer : c’est pourquoi il prit le parti de se taire, & de se venger en faisant mieux.

1060. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 90-93

Versificateurs même, & les Orateurs de l'Académie Oratoire (c'est ainsi que Richesource appeloit sa maison), comme aussi de ceux qui chérissent la pureté de la Langue Françoise, sa justesse, sa propreté, sa délicatesse, sa netteté, son élégance, sa politesse, sa beauté, sa pompe, sa magnificence, & sa majesté ; dédiée à Messieurs de l'Académie Françoise, par J.

1061. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre VI. Architecture. — Hôtel des Invalides. »

quelle beauté dans cette cour, qui n’est pourtant qu’un cloître militaire où l’art a mêlé les idées guerrières aux idées religieuses, et marié l’image d’un camp de vieux soldats, aux souvenirs attendrissants d’un hospice !

1062. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Réponse à une lettre de M. Grimm » pp. 205-206

Malgré ces observations qui peuvent être très justes, je persiste à croire que les tableaux que ce peintre nous a montrés cette année sont d’une grande beauté et méritent mon éloge.

1063. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier, dans ce portrait flatteur et qui a du ton de L’Astrée, insiste comme il doit sur la pudeur et la modestie qui fait le trait principal de la beauté célébréeag : Cette chaste couleur, cette divine flamme, Au travers de ses yeux découvre sa belle âme, Et l’on voit cet éclat qui reluit au dehors, Comme un rayon d’esprit qui s’épand sur le corps. […] Parmi les choses rares de la ville, il se laisse montrer une dame qu’on y estime, tant en esprit qu’en beauté, l’une des merveilles du monde. Il entre dans le détail de cette beauté qui, sans être achevée, lui paraît avoir de l’agrément : Ceux qui la connaissent particulièrement, dit-il, trouvent en elle quelque chose de plus charmant que cet extérieur, et disent que c’est l’esprit le plus doux, le plus enjoué, le plus insinuant et le plus adroit du monde, qui pense très justement, donne un tour très galant à ce qu'elle pense…. […] [1re éd.] comme il le doit sur la pudeur et la modestie qui fait le trait principal de la beauté célébrée

1064. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Il en sort un souffle parfois puissant, il y court une source d’âpre fraîcheur, et aussi elles renferment bien des traits saillants de vérité pittoresque, pris sur nature, des beautés éparses, franches, et dont un grand poète s’attachant à peindre et à ressusciter le moyen âge eût fait son profit. […] Au lieu de se créer un moyen âge de fantaisie et presque tout d’imagination, on aurait pu, par une érudition précise combinée avec une vue d’imagination ferme et nette, sauver, ressaisir, reproduire et remettre en circulation bien des beautés caractéristiques, sobres et mâles. […] Il a trouvé pour quelques-uns de ces regrets naturels qui reviennent sans cesse, sur la beauté évanouie, sur la fuite des ans, l’expressionla meilleure et définitive, une expression vraie, charmante, légère, et qui chante à jamais au cœur et à l’oreille de celui qui l'a une fois entendue. […] Ceux pourtant à qui la grâce est surtout chère et paraît plus belle encore que la beauté, ne sauraient se plaindre du trop de grandeur et de pompe de ce règne auguste, quand ils ont La Fontaine pour faire toute la semaine, s’ils le veulent, l’école buissonnière, et Racine pour maître de chant, aux jours solennels, avec les chœurs d’Esther et d’Athalie.

1065. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Si vous voulez observer cette opération, regardez le promoteur et le modèle de toute la grande culture contemporaine, Gœthe, qui, avant d’écrire son Iphigénie, emploie des journées à dessiner les plus parfaites statues, et qui, enfin, les yeux remplis par les nobles formes du paysage antique, et l’esprit pénétré des beautés harmonieuses de la vie antique, parvient à reproduire si exactement en lui-même les habitudes et les penchants de l’imagination grecque, qu’il donne une sœur presque jumelle à l’Antigone de Sophocle et aux déesses de Phidias. […] Quoique nous ne puissions suivre qu’obscurément l’histoire des peuples aryens depuis leur patrie commune jusqu’à leurs patries définitives, nous pouvons affirmer cependant que la profonde différence qui se montre entre les races germaniques d’une part et les races helléniques et latines de l’autre, provient en grande partie de la différence des contrées où elles se sont établies, les unes dans les pays froids et humides, au fond d’âpres forêts marécageuses ou sur les bords d’un océan sauvage, enfermées dans les sensations mélancoliques ou violentes, inclinées vers l’ivrognerie et la grosse nourriture, tournées vers la vie militante et carnassière ; les autres au contraire au milieu des plus beaux paysages, au bord d’une mer éclatante et riante, invitées à la navigation et au commerce, exemptes des besoins grossiers de l’estomac, dirigées dès l’abord vers les habitudes sociales, vers l’organisation politique, vers les sentiments et les facultés qui développent l’art de parler, le talent de jouir, l’invention des sciences, des lettres et des arts. —  Tantôt les circonstances politiques ont travaillé, comme dans les deux civilisations italiennes : la première tournée tout entière vers l’action, la conquête, le gouvernement et la législation, par la situation primitive d’une cité de refuge, d’un emporium de frontière, et d’une aristocratie armée qui, important et enrégimentant sous elle les étrangers et les vaincus, mettait debout deux corps hostiles l’un en face de l’autre, et ne trouvait de débouché à ses embarras intérieurs et à ses instincts rapaces que dans la guerre systématique ; la seconde exclue de l’unité et de la grande ambition politique par la permanence de sa forme municipale, par la situation cosmopolite de son pape et par l’intervention militaire des nations voisines, reportée tout entière, sur la pente de son magnifique et harmonieux génie, vers le culte de la volupté et de la beauté. —  Tantôt enfin les conditions sociales ont imprimé leur marque, comme il y a dix-huit siècles par le christianisme, et vingt-cinq siècles par le bouddhisme, lorsque autour de la Méditerranée comme dans l’Hindoustan, les suites extrêmes de la conquête et de l’organisation aryenne amenèrent l’oppression intolérable, l’écrasement de l’individu, le désespoir complet, la malédiction jetée sur le monde, avec le développement de la métaphysique et du rêve, et que l’homme dans ce cachot de misères, sentant son cœur se fondre, conçut l’abnégation, la charité, l’amour tendre, la douceur, l’humilité, la fraternité humaine, là-bas dans l’idée du néant universel, ici sous la paternité de Dieu. —  Que l’on regarde autour de soi les instincts régulateurs et les facultés implantées dans une race, bref le tour d’esprit d’après lequel aujourd’hui elle pense et elle agit ; on y découvrira le plus souvent l’œuvre de quelqu’une de ces situations prolongées, de ces circonstances enveloppantes, de ces persistantes et gigantesques pressions exercées sur un amas d’hommes qui, un à un, et tous ensemble, de génération en génération, n’ont pas cessé d’être ployés et façonnés par leur effort : en Espagne, une croisade de huit siècles contre les Musulmans, prolongée encore au-delà et jusqu’à l’épuisement de la nation par l’expulsion des Maures, par la spoliation des juifs, par l’établissement de l’inquisition, par les guerres catholiques ; en Angleterre, un établissement politique de huit siècles qui maintient l’homme debout et respectueux, dans l’indépendance et l’obéissance, et l’accoutume à lutter en corps sous l’autorité de la loi ; en France, une organisation latine qui, imposée d’abord à des barbares dociles, puis brisée dans la démolition universelle, se reforme d’elle-même sous la conspiration latente de l’instinct national, se développe sous des rois héréditaires, et finit par une sorte de république égalitaire, centralisée, administrative, sous des dynasties exposées à des révolutions. […] C’est cette contrariété secrète des forces créatrices qui a produit la littérature incomplète, la comédie scandaleuse, le théâtre avorté sous Dryden et Wycherley, les mauvaises importations grecques, les tâtonnements, les fabrications, les petites beautés partielles sous Ronsard et la Pléiade. […] Si, au contraire, l’homme naturellement sain et équilibré limite volontiers l’étendue de ses conceptions pour en mieux préciser la forme, on verra, comme en Grèce, une théologie d’artistes et de conteurs, des dieux distincts promptement séparés des choses et transformés presque dès l’abord en personnes solides, le sentiment de l’unité universelle presque effacé et à peine conservé dans la notion vague du Destin, une philosophie plutôt fine et serrée que grandiose et systématique, bornée dans la haute métaphysique5, mais incomparable dans la logique, la sophistique et la morale, une poésie et des arts supérieurs pour leur clarté, leur naturel, leur mesure, leur vérité et leur beauté à tout ce que l’on a jamais vu.

1066. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les partis, les factions, les journaux ameutés par ses opinions, ne respecteront plus en elle ni la pudeur, ni le génie, ni la beauté, ni le sexe ; les injures, les calomnies, les sarcasmes, les invectives, armes ordinaires des opinions dans ces guerres civiles de l’esprit, souilleront son caractère comme son talent ; elle sera traînée dans l’arène des partis jusqu’à l’ignominie, peut-être jusqu’à l’échafaud, comme madame Roland, et, pour comble d’infortune, elle y entraînera jusqu’à son mari, jusqu’à ses enfants. […] Toute sa beauté était dans les yeux, foyer de l’intelligence, qui doivent avoir dans la femme moins d’éclat que de douceur. […] Ses bras étaient d’une éclatante beauté ; sa taille, grande, mais un peu forte, à la manière des statues grecques, caractérisait énergiquement la jeunesse et le bonheur ; son regard avait quelque chose d’inspiré. […] non pour être désarmés par sa beauté ; mais, si les pleurs l’ont flétrie, regardez-la pour contempler les traces d’une année de désespoir !

1067. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

La femme tient dans le poème la place qu’elle peut tenir : la beauté de Blanchefleur, que Garin, Fromont et le roi veulent épouser, compte moins que son héritage. […] Ne leur demandez pas l’intimité de l’émotion, ni l’expansive ardeur de la sympathie, ni la composition harmonieuse, ni le style pittoresque : richesse intérieure ou beauté formelle, cela fait défaut à leurs œuvres. […] Leur expression, telle quelle, diffuse ou sèche, plate éminemment, est un chiffre qui n’a pas de beauté par lui-même. […] Jamais on n’a besoin et presque toujours on aurait tort de retenir ce qu’on appelle aujourd’hui « l’écriture » du poète ; quiconque voit les scènes dramatiques par lesquelles s’ouvrent Girart de Viane ou le Charroi de Nîmes 30 refaisant en langage quelconque les dialogues nécessaires, peut être assuré d’avoir extrait des ouvrages originaux toute la beauté qu’ils contenaient.

1068. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Enfin, après quelques postes, je me laissai aller à la beauté du jour5. […] Son rang est fort au-dessus du mien, sa beauté n’est point extraordinaire ; mais ses grâces et son esprit méritent des hommages que je ne n’ai pu leur refuser. […] laissons là les Sarmates et leurs inconstantes beautés. […] Aimé Martin a exagéré et faussé les couleurs : « Dès le premier jour, s’écrie le biographe, M. de Saint-Pierre éprouva le double ascendant de son génie et de sa beauté ; elle devint aussitôt l’unique pensée de sa vie… » et autres phrases de roman.

1069. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

La précise harmonie de leur port flatte le regard que déconcerte leur beauté rigide et leur charme inanimé. […] Des âmes se détraquent, difformes et faussées par de rares coups de folie ; puis c’est le spectacle même de l’effroi, la cruelle analyse des plus angoissantes peurs, qui fait pâlir et craindre, — jusqu’à ce que cette terreur ascendante, sublimée enfin et spiritualisée, enclose dans des vers cristallins, teintée d’un étrange reflet de beauté, devienne le charme tragique et céleste du Corbeau, d’Ulalume, de Lénore. […] Le noble poème du Corbeau embaume encore, sous de lourdes bandelettes, l’amour d’une morte, dont le souvenir illumine la chambre nocturne aux rideaux de soie bruissants, donne à la réponse fatidique et monotone de l’oiseau toutes ses successives gradations de désespoir, jusqu’à ce finale épandu où s’associent la terreur, la passion, le mystère et la suprême beauté : Prophète, dis-je, être de malheur, prophète, oui, oiseau ou démon ! […] Poe se marie ; et les circonstances lui ayant ainsi permis d’augmenter le rayon de ses souffrances, voici les désastres qui reviennent et se suivent, que chassé de ville en ville et de rédaction en rédaction, restant besoigneux, lent à travailler, querelleur, aigri, affolé par le spectacle de la maladie qui minait sa femme, semblait l’abandonner et la ressaisissait, il se jeta dans le vice qui consomma sa ruine, se mit à boire les redoutables liqueurs que l’on débite en Amérique, ces délabrants mélanges d’alcool, d’aromates et de glace ; et toujours luttant contre sa tentation et toujours succombant, reportant l’amour enfantin qui purifiait sa pauvre âme, de sa femme morte à sa belle-mère, quêtant un peu de sympathie auprès de toutes les femmes qu’il trouvait sur un chemin et ne recevant qu’une sorte de pitié timide, ayant tenté de se suicider pour une déconvenue de cette espèce, atteint enfin de la peur de la bête pourchassée, du délire des persécutions, multipliant ses dernières ivresses qui le menaient de chute en chute à la mort, — il en vint, l’homme en qui se résumaient la beauté, la pensée, la force masculine, à avoir cette face de vieille femme hagarde et blanche que nous montre un dernier portrait, cette face creusée, tuméfiée, striée de toutes les rides de la douleur et de la raison chancelante, où sur des yeux caves, meurtris, tristes et lointains, trône, seul trait indéformé, le front magnifique, haut et dur, derrière lequel son âme s’éteignait.

1070. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Et c’est son émotion presque religieuse, quand elle est intense, qui fait, du même coup, la beauté de son talent et de son histoire. […] Elle se croit la grandeur et la beauté. […] C’est une vérité si resplendissante, si étonnamment multipliée, détaillée, épuisée, que le livre n’avait pas besoin d’une autre beauté que celle-là, et, heureusement, il n’en a pas ! Le vrai y est dans de si colossales proportions que la beauté y devient inutile, et l’auteur l’a compris.

1071. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Mais c’est là l’erreur du Réalisme, de cette vile école, que de prendre perpétuellement l’exactitude dans le rendu pour le but de l’art, qui ne doit en avoir qu’un : la Beauté, avec tous ses genres de beauté. […] Elle lui répondait par de petites tapes sur l’épaule… Il lui découvrait une beauté toute nouvelle, qui n’était peut-être que le reflet des choses ambiantes, à moins que leurs virtualités secrètes ne l’eussent fait s’épanouir. » Les virtualités secrètes ! […] Il parle quelque part de vases noirs sur lesquels il y a des peintures rouges, et ce sont ses livres que ces vases-là, en supposant pourtant qu’ils ne soient que des pots ; car le vase implique la beauté de la forme et du dessin, et il n’y a pas plus de forme et de dessin que d’idées dans le livre de Flaubert.

1072. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Elle peut, de ses rayons vainqueurs, dessiller bien des yeux et les ouvrir à des beautés inaperçues. […] Pour qui connaît les Contes de Balzac, il n’existe pas le moindre rapport entre la sénéchale d’Armignac, le Succube, « la preude et chaste femme, la dame d’Hocquetouville », la Blanche « du bonhomme Bruyn » et « Berthe-la-Repentie », et pourtant, à cela près de quelques détails de costume, d’un profil plus net, d’un menton plus ou moins empâté, c’est toujours le visage mat (la beauté de la chair sans intelligence) de la courtisane Impéria qui passe sous tous ces hennins comme une domination, comme une fatalité de la pensée de l’artiste, et qui nous fait nous demander si cette hantise obstinée du même type est une obsession dont le peintre est trop homme pour pouvoir se débarrasser. […] Toutes les scènes qu’il a empruntées aux intarissables beautés de ces Contes, qui regorgent de situations, ne sont pas également venues avec la même vigueur d’invention ou la même compréhension profonde. […] Un jeune homme va se mettre à genoux, les mains jointes, aux pieds de sa dame de beauté, pour la requérir d’amour, quand une foudre de fer, l’épée du mari, vu à mi-corps dans l’ombre, s’abat sur le damoiseau et le fend, du haut en bas, comme le couteau d’un enfant partage une pomme.

1073. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

C’est par une sorte d’abus, mais qui avait sa raison, que l’on a compris encore sous le nom de romantiques les poètes, comme André Chénier, qui sont amateurs de la beauté grecque et qui, par là même, sembleraient plutôt classiques ; mais les soi-disant classiques modernes étant alors, la plupart, fort peu instruits des vraies sources et se tenant à des imitations de seconde ou de troisième main, ç’a été se séparer d’eux d’une manière tranchée que de revenir aux sources mêmes, au sentiment des premiers maîtres, et d’y retremper son style ou son goût. […] M. de Chateaubriand, qui aimait peu ses enfants les romantiques plus jeunes, était lui-même (malgré son apprêt de rhétorique renchérie) un grand romantique, et en ce sens qu’il avait remonté à l’inspiration directe de la beauté grecque, et aussi en cet autre sens qu’il avait ouvert, par René, une veine toute neuve de rêve et d’émotion poétique.

1074. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

De ce nombre, la belle pièce xiii sur les suicides multipliés, plusieurs pièces d’amour qui sont de véritables élégies, xxi, xxiv, xxv, xxvii, surtout la vingt-neuvième, qui commence par ces vers : Puisque nos heures sont remplies De trouble et de calamités ; Puisque les choses que tu lies Se détachent de tous côtés… Cette dernière est, selon nous, d’une beauté de mélancolie, d’une profondeur rêveuse et d’une tendresse de cœur à laquelle n’avait pas atteint jusqu’ici le poëte. […] Mais c’est qu’il y a un genre de beautés que M.

1075. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

J’insiste sur cet article de la contexture, parce que les trois quarts des gens jugent un livre d’après une page, sur une beauté ou un défaut, sur une impression isolée, et non par une idée recueillie de l’ensemble. […] L’auteur en commençant, et n’étant pas encore sûr de son effet, a voulu faire, on le sent, un déploiement inaccoutumé ; plus tard, à mesure qu’il avançait, sentant que les vraies beautés ne lui manquaient pas, il a osé être simple.

1076. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Vers ce même temps, Casanova fut présenté chez une courtisane et actrice à la mode, J…, qu’il trouva singulière, et aux impertinences de laquelle il résista : « Chaque fois qu’elle me regardait, elle se servait d’un lorgnon, ou bien elle rétrécissait ses paupières comme si elle eût voulu me priver de l’honneur de voir entièrement ses yeux, dont la beauté était incontestable : ils étaient bleus, merveilleusement bien fendus, à fleur de tête et enluminés d’un iris inconcevable que la nature ne donne quelquefois qu’à la jeunesse, et qui disparaît d’ordinaire vers les quarante ans, après avoir fait des miracles. […] De toutes les beautés dont Casanova nous entretient dans ces premiers volumes, celle qui est reine évidemment, celle qui lui a laissé la plus profonde empreinte, et pour laquelle il démentirait le plus volontiers sa définition un peu outrageuse de l’amour que, ce n’est qu’une curiosité plus ou moins vive, jointe au penchant que la nature a mis en nous de veiller à la conservation de l’espèce ; cette femme mystérieuse, appelée Henriette, qu’il rencontre la première fois en habit d’officier, et qui se trouve être une noble personne française, ne diffère pas notablement, par le caractère, de dona Lucrezia, ni de tous ces cœurs d’amantes voluptueux, passionnés, non jaloux et capables de séparation.

1077. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Les constructions hérodiennes le disputent aux plus achevées de l’antiquité par leur caractère grandiose la perfection de l’exécution, la beauté des matériaux 596. […] Le temple, du reste, formait un ensemble merveilleusement imposant, dont le haram actuel 602, malgré sa beauté, peut à peine donner une idée.

1078. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

Si les enfants tombaient quelque jour dans les idées ridiculement irréligieuses que j’ai eues quelquefois moi-même, fais-leur lire cette lettre et dis-leur que l’oncle Gaston qui, plein de vie, de force et de raison, est mort entre les mains d’un prêtre, était cependant un homme intrépide… » Comparez en beauté morale, et même en beauté dramatique, la mort de Raousset à celle de Lara, et vous verrez si la vérité historique n’est pas plus grande que l’invention du grand poète !

1079. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

C’était un esprit et une âme d’un charme robuste, dans un corps qui, bien loin d’être rachitique et malingre, avait le défaut opposé, — l’embonpoint un peu trop développé des Bourbons de ces derniers âges… Dans un portrait où elle s’est sabrée plus qu’elle ne s’y est peinte, elle s’est comparée « à une boule », avec l’insouciance de la force qui fait bon marché de la beauté, et ce feu de gaieté gauloise — car c’est une gauloise, Madame Louise !  […] Elle a dit, dans leur pure beauté, les faits, qui furent, pour Madame Louise de France, l’accomplissement de ses devoirs, et que le tordeur de textes au compte de la Revue des Deux Mondes, ce travailleur en difformités, a hideusement déformés, — comme un de ces sinistres bateleurs qui font avec de beaux enfants des monstres, et qui vivent de ces monstruosités !

1080. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

Alors, encore, ce qui était facile à la Critique quand il s’agissait des combinaisons d’un roman, devient extrêmement difficile lorsqu’il faut rendre compte de cette adorable chose qu’on appelle des lettres d’amour, pour en faire apprécier intégralement la délicate et opulente beauté… Il n’y a plus là, en effet, ni plan qu’on puisse saisir, ni mise en œuvre, ni drame, ni visée d’art quelconque, mais seulement les tendresses et les transports d’une âme exceptionnelle, dépaysée par sa supériorité dans un temps de civilisation excessive, où l’amour, tel qu’il est dans ces lettres, a presque cessé d’exister. […] — je ne connais que dans ce roman des lettres d’une beauté d’éloquence et de couleur comparables à celles de ces lettres de Réa Delcroix.

1081. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

Les poètes parcourent dans la nature tout ce qui donne des impressions ou agréables, ou fortes, et transportent ensuite ces beautés ou ces impressions dans le langage ; ils attachent par une sensation un corps à chaque idée, donnent aux signes immobiles et lents la légèreté, la vitesse ; aux signes abstraits et sans couleur, l’éclat des images ; aux êtres qui ne sont vus et sentis que par la pensée, des rapports avec tous les sens. […] C’est ce concours des poètes et des philosophes qui donna à la langue des Grecs sa perfection et sa beauté.

1082. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

J’ai d’abord été éblouie par sa beauté et par la magnificence de ses habits. […] Ce fut sa force et sa faiblesse, ce fut sa beauté. […] Ainsi seulement se transfigure, en une beauté intérieure, la plastique, tout le mouvement ondulant, éthéré, dit univers ». […] Bien que la beauté relève de la géométrie, c’est par le sentiment seul qu’il est possible d’en saisir les formes délicates. […] Elle dote de certaines beautés les êtres.

1083. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Et cette beauté, cette jeunesse, cette conquête, ce riant visage aux pas légers. […] Éternelles beautés. […] Il avait été pris de compagnie avec cette beauté blonde qu’il accompagnait de si loin. […] Beauté facile et complaisante, et qui ne regarde pas, quand elle rit, si son tour de gorge est dérangé quelque peu. […] Ici le bourgeois, et plus loin les Misanthropes qui vivent de leur esprit, et les Célimènes qui vivent de leur beauté.

1084. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Elle croit à la vertu des hommes, à la joie de la lumière, à l’éternelle beauté du ciel, des eaux et des fleurs. […] C’est en eux qu’une époque puise son idéal de morale et de beauté. » Or, voici quels sont, selon lui, les principaux caractères de la littérature actuelle. […] C’est ce qui fait l’unité et la beauté de son œuvre, malgré l’aspect disparate de ses écrits. […] Plusieurs artistes, dont quelques-uns sont très grands, nous ont enseigné que tout est indifférent, sauf l’expression magnifique de la Beauté. […] Il professait une espèce de culte pour Néron et pour Héliogabale, à cause de la « beauté » de leurs crimes et apparemment de leurs gestes.

1085. (1898) Essai sur Goethe

Mais le « sentiment » était à la mode : les jeunes disciples de Rousseau, fanatiques de Shakespeare et d’Ossian, le célébraient sur des modes lyriques comme étant à la fois le but, la noblesse et la beauté de la vie. […] Goethe ne parlait de Werther que pour en faire ressortir la beauté, que pour en défendre la portée, que pour en revendiquer l’honneur. […] La vérité et la beauté vivantes seront dans ses chants, au lieu de l’idéal en bulles de savon multicolores qu’on trouve en abondance dans les poèmes allemands. […] Ces petits poèmes, dont la forme est parfaite, sont en effet la glorification de l’amour charnel, de l’inconscience qui entraîne les amants robustes, jeunes et heureux, de l’harmonie qui existe entre la beauté du corps et la beauté des pensées : Ne te repens pas, ma bien-aimée, de t’être sitôt donnée à moi ! […] La beauté plastique, qui n’existe que dans la sérénité, était devenue à ses yeux l’essentielle beauté.

1086. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Victor Hugo offre du vague et un ton mystiquement exagéré dans la partie des reproches ; la fin a de l’onction et de la beauté.

1087. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Ackermann, Louise (1813-1890) »

— mais ce qui fait la beauté exceptionnelle des poésies de Madame Ackermann, c’est la largeur d’une aile qu’on ne peut guères enfermer dans le tour d’un chapitre.

1088. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

Van Bever Outre de nombreuses études qui le désignèrent comme l’historien des tendances nouvelles, apportant à l’art une compréhension très complète de la Beauté (lire ses travaux sur quelques maîtres contemporains, tels Rodin, Monet, etc.), on lui doit une œuvre personnelle offrant dans le domaine du rythme et de la fiction une surprenante originalité.

1089. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Houssaye, Arsène (1815-1896) »

Il quitte le salon de lumière pour s’enfoncer sous la verte obscurité des bois, et quand, au détour d’une allée ombreuse, il rencontre la Muse, il oublie de retourner à la ville, où l’attend quelque rendez-vous donné à une beauté d’Opéra.

1090. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Payen, Louis (1875-1927) »

Tout coup vaille ; et la beauté de la forme vaut par elle-même.

1091. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 2-5

Qui ne sentira la beauté de ce morceau, où le Poëte, d’après un des tableaux de l’antichambre du Cardinal de Richelieu, peint la Vérité que le Temps découvre !

1092. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

L’esprit n’est plus qu’un faux brillant, La beauté qu’un faux étalage, Les caresses qu’un faux semblant, Les promesses qu’un faux langage.

1093. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Là, même beauté, même élasticité, même finesse de détails.

1094. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Les tableaux de l’école lombarde sont admirez, bien que les peintres s’y soïent bornez souvent à flater les yeux par la richesse et par la verité de leurs couleurs, sans penser peut-être que leur art fût capable de nous attendrir : mais leurs partisans les plus zelez tombent d’accord qu’il manque une grande beauté aux tableaux de cette école, et que ceux du Titien, par exemple, seroient encore bien plus précieux s’il avoit traité toujours des sujets touchans, et s’il eut joint plus souvent les talens de son école aux talens de l’école romaine.

1095. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Il me semble admirable, ce Platon : mais je lui trouve une singulière idée, c’est de placer la santé avant la beauté dans la nomenclature des biens que Dieu nous fait. […] Quand j’étais enfant, j’aurais voulu être belle : je ne rêvais que beauté, parce que, me disais-je, maman m’aurait aimée davantage. Grâce à Dieu, cet enfantillage a passé, et je n’envie d’autre beauté que celle de l’âme. […] Dieu répandit partout la grâce et la beauté. […] et quelle beauté dans la simplicité des événements, toujours les mêmes !

1096. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Il n’entend pourtant pas rivaliser avec les peintres ; il critique même les images qu’ils hasardent de la Vierge, « lesquelles ressemblent, dit-il, à leurs idées, et non à elle. » Il n’eût pas dit cela des vierges de Raphaël ; car c’est d’après le même modèle, gravé au fond de leur cœur par la foi et le génie, que le prédicateur par la beauté de ses paroles, l’artiste par les grâces de son pinceau, ont su représenter l’idéal de la plus touchante des croyances catholiques. […] On n’en a pas fini avec les beautés de ces sermons, quand on a admiré la doctrine et la morale dont Bossuet élève les maximes à la hauteur des dogmes. […] Le fini donnera autre chose, mais ne remplacera pas la naïve beauté de ce premier travail. […] Le sentiment est un excellent juge des beautés littéraires ; c’est même le meilleur, je le veux bien. […] Il y a des beautés qui se sentent et d’autres qui se voient, et il se trouve beaucoup plus de gens pour les secondes que pour les premières.

1097. (1909) De la poésie scientifique

Tout en perdant peut-être de sa pantelante horreur, elle s’élargira immensément d’Emotion et de Beauté à mesure que, retrouvant, par la méthode scientifique, le plus possible des rapports qui unissent l’Etre-total du monde, elle devient la déterminante d’une plus ou moins nombreuse Synthèse et, encore, d’une Hypothèse plus ou moins suggestive  où se connaisse un peu de l’harmonie universelle… Oui, selon les données scientifiques  nous allons considérer l’Instinct comme l’émotion rudimentaire (et pourtant, de quelle énormité, d’être la prime sensation perçue de l’énergie à travers son éternité!) […] Nous avons dispersé cela, vers le Savoir et vers la Beauté consciente par lui, qui tous deux révèlent ou suggèrent l’harmonie totale. […] C’est que la « Poésie scientifique » a été apportée nécessairement, dans le sens de l’évolution des choses  lorsque nous avons pris ainsi la responsabilité de sortir la poésie de ses voies d’égotisme sans renouveau, et de relier ce que nous tenons pour la Beauté consciente de demain à la Beauté intuitive recélée, oui, aux grands livres légendaires qui contenaient à la fois le dogme et l’éthique, et l’émotion et le savoir essentiel. […] René Ghil qui exalte optimistement la science, Verhaeren a dû d’éprouver — à travers son tempérament farouche et son imagination héroïque et tragique — tout ce qu’il pouvait y avoir de beauté à célébrer l’orgueil humain, en départ de conquête, au-devant des inconnus menaçants, et à le célébrer en rythmes indépendants et souples.

1098. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

De là ce qu’ont de séduisant pour l’imagination les pays exotiques, les temps antiques et disparus que l’on voit si mal et si beaux ; dans l’ordre moral, les passions mystérieuses et fatales, les conception bizarres, tout ce qui dans l’âme est extrême, contradictoire, illimité ; de là, la beauté éternelle des lieux communs idéaux de la poésie, le couchant, le printemps, l’amour, dont la description peut être écourtée à plaisir, et dont le contenu émotionnel demeure dans l’ordre physique ; l’attrait des paysages nocturnes, brumeux, des physionomies à demi voilées, du clair-obscur, la grandeur des arts du nord ; de là, malgré tant de tentatives, l’impossibilité d’une vraie poésie scientifique, didactique, réaliste qui constituerait, si elle existait, la contradiction d’une description précise et d’une idéalisation indéfinie ; de là le fait que la musique est le plus poétique des arts parce qu’il en est le plus vague ; de là encore là demi-synonymie des termes « poétique » et « idéal » ; de là enfin l’impossibilité constante de traduire la poésie d’une langue dans une autre, soit parce qu’il faut commencer par la comprendre exactement avant de l’interpréter, soit parce qu’il est malaisé de trouver des mots qui soient vagues tout à fait de même que dans l’original, sans le déflorer ou le laisser inintelligible. […] Les poètes, après avoir ébauché dans l’antiquité la découverte de la nature, l’ont reprise à la Renaissance anglaise, poussée à la fin du siècle précédent, étendue jusqu’à nos jours, où la foule obtuse a appris d’eux qu’il existe de sublimes beautés dans le murmure des grands bois, l’ondulation des moissons, la rigidité des pics et le bondissement des flots. […] Divers écrivains parmi les plus grands, ont reproduit dans leurs œuvres certains traits de son génie ; il n’a pas été sans influence directe sur Baudelaire, qui est comme Poe, artificieux et tout volontaire dans son esthétique, qui tend également à rehausser la beauté de ses poèmes d’images d’horreur et de nouveauté, qui, plus psychologue et moins déductif que le grand Américain, tâche comme lui d’analyser cruellement sa propre âme et chez qui dominaient également de liants et impassibles dons de pure intellectualité. […] Villiers de l’Isle-Adam, a reproduit, à côté d’œuvres merveilleuses, de beauté décorative et religieuse, les ironies parfois que le conteur américain adressait à tout progrès moderne, et parfois aussi les complications sinistres dont il assombrissait ses histoires. […] Dans un volume de contes16 étincelant de quelques-unes des noires beautés d’Edgar Poe, M. 

1099. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

La seule différence, c’est que le sentiment est beaucoup plus pénible, le cri de la douleur plus pénétrant et l’harmonie de la beauté brisée davantage par la dissonance du désespoir. […] Somme toute, Phèdre, selon Sainte-Beuve, est manquée complètement, malgré quelques réelles beautés de détail et de style. […] Sainte-Beuve, se retournant, pour ainsi dire, s’applique à montrer maintenant, que la beauté d’Athalie est une beauté spiritualiste et que, par conséquent, ce lui est un mérite de ne pas viser à l’étalage des beautés matérielles. […] ces beautés du corps de la femme, où vont-elles ? […] La beauté régénère et rachète le monde.

1100. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Il lui impose la beauté. […] La beauté d’abord ! […] Il s’établit prêtre de ce néant qu’il ornait de beauté. […] Et il est vrai qu’on fait de la beauté avec de la laideur. […] Les écrivains d’alors se montrèrent moins curieux de la beauté que de l’activité politique.

1101. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Ainsi, dans une lettre à son frère Adolphe Gandar : « (Corfou, 2 août 1848)… J’ai pris une sotte habitude, celle de vous raconter mes voyages ; cela n’a pas le sens commun : la nature a mille manières d’être belle, et nous n’en avons qu’une de dire qu’elle l’est… Après vous avoir tant parlé des montagnes de l’Attique, du Géranien, du Cyllène, de Sicyone, de Lépante, vous parler encore des montagnes de Patras et de Missolonghi, vous dire qu’elles sont belles quand je ne puis vous faire comprendre que leur beauté n’est pas uniforme, qu’elles ne se ressemblent pas plus que les couleurs de l’arc-en-ciel, que la nature ne se copie pas, n’est-ce pas abuser ? […] … » Comme si, par une association naturelle avec les touchantes beautés de l’Odyssée, il avait eu à cœur de dater d’Ithaque tous les souvenirs les plus chers de la patrie, Gandar écrivait de là aussi à une personne dont le nom ne m’est pas indiqué, qui pourrait bien être celle à laquelle il était déjà fiancé de cœur et qui devint plus tard, et non sans d’assez longues épreuves, la digne et dévouée compagne de sa vie ; ou si ce n’est elle, il s’adressait à elle par une amie commune, et en parlant à l’une, il pensait certainement à l’autre. […] Ce que nous demandons à la Grèce, c’est une idée plus exacte de l’Antiquité, un sentiment plus vif des beautés que nous aurions commentées peut-être sans les bien comprendre, et chaque voyage fait faire à chacun de nous un pas de plus dans cette voie. […] Il ne s’agit plus de venir faire une simple lecture d’un auteur en l’accompagnant de remarques vives, de commentaires rapides et justes, de rapprochements heureux, et en y apportant un vif sentiment des beautés et aussi des défauts, comme ce serait le compte d’un disciple de Voltaire, de Pope et d’Horace. […] Ce n’est pas un héros, non : ce n’est qu’un homme, mais qui unit à la beauté du visage la bonté du cœur, à la santé du corps la vigueur de l’esprit, la prudence d’un sage au génie d’un poète. » Gandar en chaire ne s’aventurait d’abord qu’avec précaution, bride en main, parcourant de l’œil des notes qui lui servaient de point d’appui : ce ne fut qu’à la troisième année qu’il fit le grand pas, laissa de côté tous les papiers et se lança en pleine mer sur la foi de sa seule parole.

1102. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

À ces trois vertus s’en joint une quatrième, qui a la même beauté et qui conspire avec elles pour la grandeur de l’homme : c’est l’amour de l’ordre. « La beauté essentielle de l’ordre avait d’abord frappé l’esprit dans l’univers visible, et c’est de là que nous l’avons transporté dans nos actions et dans nos paroles, monde moral dont l’ordre est l’ornement ; puis vient la modération, ou la mesure qui nous fait éviter en tout l’excès ou la témérité, qui nous détourne d’offenser nos semblables par nos actions ou par nos discours, et de rien faire, en un mot, a qui soit indigne de la nature humaine. […] Vous reconnaissez un Dieu à ses œuvres et à la beauté du monde, quoique vous ne sachiez pas où est Dieu ni ce qu’il est : reconnaissez de même votre âme à son action continuelle et à la beauté de son œuvre, qui est la vertu. » XXVII Et celui-ci, sur la divisibilité des sens et de l’âme, autrement appelée la mort : « Que faisons-nous quand nous séparons notre âme des objets terrestres, des soins du corps et des plaisirs sensibles, pour la livrer à la méditation ? […] Voilà bien des trésors assemblés, Caton, et il faudra que notre jeune Lucullus les connaisse parfaitement un jour ; car j’aimerais mieux qu’il prît plaisir à ces livres qu’à toutes les autres beautés de ce séjour, et j’ai son éducation fort à cœur, quoiqu’elle vous appartienne plus qu’à personne, et que ce soit à vous de le rendre digne de son père, de notre Cépion et de vous-même, qui le touchez de si près. […] Je veux de même, sans oublier mon ancien caractère d’orateur, m’attacher aux matières de philosophie : je les trouve infiniment plus grandes, plus abondantes, plus fécondes que celles de la tribune ; mon opinion a toujours été que ces questions élevées, pour ne rien dire de leur intérêt et de leur beauté, doivent être traitées avec étendue et avec toutes les perfections de style qui dépendent du langage.

1103. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

On y trouve une espèce d’éloge ou plutôt de glorification de Maurice et de la jeune femme d’un des sectaires, qui, en effet, par la pureté de son âme et la beauté de sa personne, était devenue la Béatrice, l’ange gardien des penseurs. […] À cette beauté, qui avait je ne sais quoi d’immuable et d’éternel comme celle des dieux, à ce grand caractère qui le faisait participer du Tout-Puissant, de Raphaël et du Jupiter de Myron, il semblait qu’on allait voir briller autour de sa tête les éclairs de l’Olympe et du Sinaï. […] Lullin n’était rien moins qu’insensible aux beautés du tragique anglaise et s’il s’abstenait d’en parler à Étienne, c’était, dans ses idées, pour préserver son ami du danger de la séduction que pourraient exercer sur lui les ouvrages pleins de beautés, mais dans le goût moderne, de Shakspeare ; toutefois, l’insatiable curiosité d’Étienne déjoua les précautions de son ami, et dès ce moment il s’éleva entre eux une interminable discussion sur la possibilité et l’opportunité de l’emploi du système d’art des anciens, par les modernes, plaidoyers où toutes les idées, toutes les questions renouvelées depuis 1817 jusqu’en 1838, furent agitées alors par Lullin et Étienne. […] « C’est à un incendie que la ville de Londres doit la largeur, la beauté et la régularité des rues dont elle est percée. […] On était si entêté de tout ce qui se rapportait à l’antiquité, que la complaisance des jeunes beautés grecques qui s’étaient présentées à Apelles pour l’aider à peindre sa Vénus paraissait une action louable, par cela seul qu’il s’agissait de l’intérêt des arts.

1104. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dorchain, Auguste (1857-1930) »

Cette pensée, il voulait la revêtir de grâce et de charme, sachant bien que le but de la poésie c’est, avant tout, de satisfaire le besoin de la beauté ; mais il pensait, sans le dire, que le travail de la forme pour elle, même, permis aux arts plastiques, risque de réduire la poésie au rôle de simple amusement… Vers la lumière respire le bonheur partagé, mérité et permis.

1105. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — France, Anatole (1844-1924) »

Hugues Rebell Anatole France, l’auteur de Thaïs et des Noces corinthiennes, qui, dans sa prose et ses vers lumineux, nous conduisit vers une souriante et noble beauté.

1106. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gourmont, Remy de (1858-1915) »

Louis Payen De même que dans la vie ordinaire nous nous plaisons à agrémenter d’un peu de beauté nos actes et nos pensées pour plaire à notre correspondant lointain, ainsi, dans Le Songe d’une femme, les personnages prennent des attitudes et cherchent à embellir mutuellement leur vie.

1107. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Expressions parfaites d’un idéal où la raison, la vertu et la beauté sont inséparables, les littératures antiques, soit sous leur forme profane, soit sous leur forme chrétienne, étaient pour lui une révélation lumineuse, où il trouvait à toute heure ce qui nourrit l’esprit et réchauffe le cœur.

1108. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Le jour où l’on aura su, ne fût-ce que dans la vie littéraire d’une nation, expliquer l’apparition et la disparition de tant de goûts divers, enchaîner l’une à l’autre les transformations subies par l’idée de beauté et les répercussions exercées par la littérature sur les autres branches de l’activité humaine, on aura certes accompli une œuvre dont la critique et la sociologie pourront tirer une grande utilité.

1109. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 121-125

Ceux qui se sont fait un nom dans la Traduction, ne l’ont dû qu’à leur attention à se pénétrer de l’esprit de leur original, à en saisir les beautés, & à les faire passer dans une Langue étrangere, sans s’attacher à l’exactitude des mots.

1110. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Ces derniers sont les plus foibles : en charmes féconde, à nulle autre pareille, chef-d’œuvre des Cieux, Beauté sans seconde, &c. voilà tout ce que Ménage savoit faire, & ce que Boileau lui a plaisamment reproché.

1111. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Pierre » pp. 200-201

Quand on cite un seul vers d’un poème épique, il faut qu’il soit de la plus rare beauté.

1112. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Que serait-elle sans la beauté sinistre ? […] Les poètes avaient toujours associé l’amour à la jeunesse, à la force et à la beauté. […] Aussi celui qui entend la beauté comme plastique et sensible — et comment l’entendre autrement ? peut-il reconnaître au christianisme la grandeur morale, mais non la beauté. […] La « beauté » chrétienne se crée, nous allions dire se fabrique, à force d’ingrédients païens et profanes.

/ 2370