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1175. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Il a commencé, je pense, voilà une douzaine d’années, en haine des brutalités et des prétentions « naturalistes », par le culte, aujourd’hui peut-être un peu oublié, de Georges Eliot. […] Mais, comme je vous l’indiquais, Eliot, sans être oubliée chez nous, n’est pourtant plus, depuis quelques années, un de nos grands soucis. […] L’une en profite, et l’autre non, voilà toute la différence  Ibsénienne, Marcelle qui, dans le Meunier d’Angibault, renonce à tout, se fait sa religion, épouse un ouvrier après une année d’épreuve. […] S’il est vrai que la littérature septentrionale de ces derniers temps reproduise à la fois l’idéalisme sentimental et inquiet de nos romantiques et le réalisme minutieux et impassible, d’intention ou d’apparence, qui date de l’année 1855, tout ce qu’on peut dire, c’est donc que ces écrivains du Nord nous offrent intimement mêlé ce qui fut, chez nous, successif et séparé (ou à peu près) et qu’ainsi ils abordent la peinture des hommes et des choses avec une âme et un esprit entiers, non mutilés, non resserrés dans un point de vue ou restreints à une attitude. […] Car, non seulement l’Éducation sentimentale est l’histoire de deux jeunes gens, très particuliers comme individus et très généraux comme types, puisqu’ils représentent, l’un, le jeune homme romantique, et l’autre, le jeune homme positiviste, et cela juste à l’heure où la période du positivisme va succéder chez nous à celle du romantisme ; et non seulement cette histoire se combine avec une étude des idées et des mœurs dans les dernières années du règne de Louis-Philippe : l’Éducation sentimentale est quelque chose de plus : l’histoire pittoresque et morale, sociale et politique, de la Révolution de 1848 ; elle nous dit, et avec profondeur, les barricades et les clubs, la rue et les salons, et elle nous montre cette chose extraordinaire : la confrontation effarée des bourgeois avec la Révolution, cette Révolution que leurs pères ont faite soixante ans auparavant, mais qu’ils croient terminée, puisqu’elle les a enrichis, qu’ils s’indignent de voir recommencer ou plutôt qu’ils ne reconnaissent plus quand c’est eux à leur tour qu’elle menace, et qu’ils renient alors avec épouvante et colère.

1176. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

La lecture d’un beau livre dépasse en joie et en profit pour le cœur et l’esprit vingt années d’un tel gaspillage scénique : le dégoût du tréteau et le respect du livre sont des gages de santé et de loyauté intellectuelle. […] Que sont devenues, comment même s’appelaient, par exemple, toutes ces pièces à succès qui remplirent de leur triomphe la saison de 1857 — année de Mme Bovary et des Fleurs du mal — ou la saison 1881 — année de Sagesse — et ainsi de suite ? […] Ainsi, « que sont devenues, comment même s’appelaient toutes les pièces à succès qui remplirent de leur triomphe la saison de 1857 — année de Mme Bovary et des Fleurs du mal — ou la saison 1881 — année de Sagesse ? 

1177. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Je ne vous offre rien de ce pays-ci, car ma fortune ne me le permet pas encore ; mais à l’année prochaine. […] Je me suis amusé à écrire des mémoires sur l’île de France qui seront imprimés vers la fin de l’année. […] J’ai fait imprimer l’année passée un ouvrage en 3 volumes, intitulé : Études de la nature. […] Elle m’a produit dans l’année plus de 10 000 francs de bénéfice, les frais de la première édition montant à 7 000 livres défalquées ; les frais de la deuxième étant à peu près les mêmes, il me reste un millier d’écus dont je ne peux faire un emploi plus juste que de payer mes dettes. […] Je vous souhaite une bonne année ainsi qu’à votre chère famille, dont je ne connais que le respectable chef.

1178. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

On serait presque tenté de croire que ce qui suit est un petit apologue de son invention, qu’il débite à l’usage du ministre : Vous ne serez pas fâché, écrivait-il de Vienne à Chamillart, de connaître quelque chose du caractère de messieurs les princes de Bade et de Savoie, et vous en jugerez sur ce que je leur ai ouï dire de celui des autres généraux : — Les uns, disent-ils, parvenus aux dignités à force d’années et de patience, se trouvant un commandement inespéré, et qu’ils doivent plutôt à leur bonne constitution qu’à leur génie ou à leurs actions, sont plus que contents de ne rien faire de mal. — D’autres, plus heureux par des succès qu’ils doivent uniquement à la valeur des troupes, aux fautes de leurs ennemis, enfin à leur seule fortune, ne veulent plus la commettre, quelque avantage qu’on leur fasse voir dans des mouvements qui pourraient détruire un ennemi déjà en désordre, sans les trop engager. — Mais une troisième espèce d’hommes, assez rare à la vérité, compte de n’avoir rien fait tant qu’il reste quelque chose à faire, profitant de la terreur qui aveugle presque toujours le vaincu, à tel point que les plus grosses rivières, les meilleurs bastions ne lui paraissent plus un rempart. […] Il fut employé la première année (1701) en Italie ; mais bientôt ce fut sur le Rhin qu’on l’envoya, à l’armée d’Allemagne, où Catinat commandait comme général. […] Ainsi, le 2 juin de cette année 1702, il écrivait à Chamillart : Ne voulez-vous point, Monseigneur, dans la guerre la plus difficile qu’on ait vue depuis trente ans, peser la différence qu’il y a d’un homme à un autre ? […] Sire, je vous demande, pour récompense de quarante-six années de service en qualité d’officier dans votre cavalerie, de vous faire informer, par M. de Villars, si ce jour-là je vous ai assez rendu de services pour mériter la grâce de me faire lieutenant-général.

1179. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Jamais a-t-on mieux parlé de cette ville heureuse, ou rien de chagrin, de jaloux, de rigide et d’austère s’affligeait le regard et ne mortifiait la joie du voisin ; où l’on jouissait rien qu’à y vivre, à y respirer, à s’y promener, et où la seule beauté des bâtiments et des constructions, la beauté du jour et certain air de fête secouaient loin de l’esprit la tristesse72 ; où l’on aimait le beau avec simplicité et la philosophie sans mollesse, où la richesse était à propos et sans faste, où le courage n’était pas aveugle (comme celui du Mars fougueux), mais éclairé et sachant ses raisons (comme il sied à la cité de Minerve) ; véritable Athènes selon l’idéal de Périclès, sa création et son œuvre à lui, l’école de la Grèce (Ελλάδος Ελλάς Αθήναι), telle qu’il l’avait faite durant les longues années de sa domination personnelle et puissamment persuasive : car on a dans Périclès le type le plus noble et le plus brillant du chef populaire, d’un dictateur de démocratie par raison éloquente, par talent et persuasion continue. […] La critique et l’érudition, guidés par l’esprit historique, se sont livrés depuis quelques années à un grand travail qui a son prix, et dont je me garderai bien de diminuer l’importance et l’utilité incontestable. […] J’estime fort, par exemple, ces thèses que l’on voit se produire chaque année sur des sujets spéciaux, et où l’auteur a souvent cherché à creuser plus avant qu’on ne l’avait fait, à ajouter quelque chose à ce qu’on savait déjà ; je m’y instruis ; vous en ferez vous-mêmes bientôt, messieurs, et de bonnes, et même de neuves, j’espère. […] [NdA] Je choisis, entre mes leçons à l’École normale où j’ai eu l’honneur d’être maître de conférences pendant quatre années (1857-1861), celle dont le sujet est le plus général, et qui est la plus propre, en effet, à montrer comment j’entendais mon devoir de professeur, très distinct du rôle de critique ; le critique s’inquiétant avant tout, comme je l’ai dit, de chercher le nouveau et de découvrir le talent, le professeur de maintenir la tradition et de conserver le goût.

1180. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Boissonade, dont la supériorité consistait dans la connaissance fine et profonde qu’il avait de la langue et de la littérature grecques, n’a été un critique littéraire que pendant une dizaine d’années, et encore ne l’a-t-il été qu’avec réserve et discrétion. […] La saveur s’en augmentant pour eux avec les années, ils se demandaient s’il ne serait pas intéressant de les recueillir et d’en faire un volume à l’usage des bons esprits qui savent goûter le sobre et le fin. […] Toutes ces premières années de sa jeunesse se dérobent ; après avoir essayé sans succès de rentrer dans l’administration, il se livra décidément à l’étude, et à celle du grec en particulier, pour lequel il se sentait une vocation. […] Il y eut un temps (et cela dura des années) où il cachait son logement ; il dépaysait les curieux et les dépistait ; il ne recevait chez lui à aucun prix, et ses meilleurs amis ne savaient où il demeurait.

1181. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Quant à ce qui touche le genre d’émotions auquel dut échapper difficilement une âme si ardente, et ceux qui la connaissent peuvent ajouter si tendre, je dirai seulement que, sous le voile épais de pudeur et de silence qui recouvre aux yeux même de ses plus proches ces années ensevelies, on entreverrait de loin, en le voulant bien, de grandes douleurs, comme quelque chose d’unique et de profond, puis un malheur décisif, qui du même coup brisa cette âme et la rejeta dans la vive pratique chrétienne d’où elle n’est plus sortie. […] Entre son retour complet à la religion et la tonsure, entre la tonsure et son entrée définitive dans les ordres, plusieurs années se passèrent pour M. de La Mennais ; il ne fut tonsuré en effet qu’en 1809, et ordonné prêtre qu’en 1816. […] Jusqu’à l’âge de vingt-sept ans, il n’avait jamais voyagé, sauf quelques semaines qu’il passa à Paris, vers l’âge de quinze ans ; il y avait fait de plus longs séjours dans les dernières années. […] Prêtre après des années d’épreuves et d’acheminement, son fameux Essai sur l’Indifférence, qui fit l’effet au monde d’une brusque explosion, ne fut pour lui qu’un épanchement nourri, retardé et nécessaire.

1182. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Ce petit chef-d’œuvre échappé en un jour de bonheur à l’abbé Prévost, et sans plus de peine assurément que les innombrables épisodes, à demi réels, à demi inventés, dont il a semé ses écrits, soutient à jamais son nom au-dessus du flux des années, et le classe de pair, en lieu sûr, à côté de l’élite des écrivains et des inventeurs. […] On n’a qu’une phrase de lui qui donne suffisamment à penser et qui révèle la teinte à la direction de ses sentiments durant les orages de sa première jeunesse : « Quelques années se passèrent, dit-il (à ce métier des armes) ; vif et sensible au plaisir, j’avouerai, dans les termes de M. de Cambrai, que la sagesse demandoit bien des précautions qui m’échappèrent. […] Sa fuite est de 1727 ou 1728 environ ; il avait trente et un ans, et demeura ainsi hors de France au moins six années, tant en Hollande qu’en Angleterre. […] Et quant à la ressemblance avec l’Arcadie et le pays de Céladon, que l’écrivain anglais signale avec quelque malice, lui, il ne s’en effarouche aucunement, car il est persuadé, dit-il, « que dans l’Arcadie et dans le pays de Forez, avec des principes de justice et de charité, tels que la fiction les y représente, et des mœurs aussi pures qu’on les suppose aux habitants, il ne leur manquoit que les idées de religion plus justes pour en faire des gens très-agréables au Ciel100. » Après six années d’exil environ, Prévost eut la permission de rentrer en France sous l’habit ecclésiastique séculier.

1183. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

On peut rire d’abord de cette Troie féodale avec son donjon et ses tours crénelées, toute pleine de chevaliers et de dames courtoises, et de cette non moins féodale année des Grecs qu’accompagne comme à la croisade l’évêque Calchas. […] Les poèmes sur Alexandre ne sont que des chansons de geste : les romans d’Eneas et de Troie ont l’esprit, le style, le mètre des romans bretons ; et si Benoît de Sainte-More a précédé Chrétien de Troyes de quelques années, il n’a rien mis dans son œuvre, qu’on ne retrouve plus expressif, mieux dégagé, plus complet dans les poèmes de son jeune contemporain. […] Voici les séparations qui n’abattent pas l’amour et ne lassent pas la fidélité : Guigemar et sa bien-aimée qui retrouvent intacts après des années les nœuds qu’ils se sont liés mutuellement autour de leurs corps ; Milon épousant en cheveux gris celle qu’il a choisie dès l’enfance. […] Mais le roi reprend sa femme, et Tristan s’en va errant aux pays lointains : les années passent, il aime encore, mais il doute, il se croit dupe et trahi, il se laisse persuader d’épouser une autre femme : le cœur tout navré de doux souvenirs, il prend comme une image de la bien-aimée une Yseult comme elle, et blonde comme elle.

1184. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

L’année 1660, où Louis XIV prend en main le gouvernement, marque aussi le point de partage de l’histoire littéraire du siècle. […] On peut partager le siècle en quatre ou cinq générations : la première, de Richelieu (1583) à Corneille (1606), a disparu, ou vieilli en 1660 ; la suivante, de La Rochefoucauld (1613) à Bossuet (1627), a sa pleine vigueur, alors que la troisième, celle de Boileau, de Louis XIV et de Racine (1636-1639), entre seulement dans la vie, dans l’activité indépendante et consciente ; la quatrième, de La Bruyère (1643) à Regnard (1633), ne s’avancera au premier plan que dans les dernières années du siècle, tandis que la suivante, avec La Motte (1672), formée avant 1713, inaugurera en sa maturité le xviiie  siècle intellectuel auquel les Montesquieu (1689) et les Voltaire ( 169 î) appartiendront tout entiers, gardant seulement en leurs esprits quelques reflets de ce xviie siècle, dont les dernières lueurs auront éclairé leur enfance. […] Prenant parfois les sujets que la conversation dans le salon de son amie lui fournissait, ou bien apportant sa matière dégrossie et taillée en formes encore imparfaites il creusa, polit, compléta, corrigea ses Maximes pendant cinq ou six années ; il soumettait tout au jugement de Mme de Sablé, à celui de leurs communs amis. […] Ses Mémoires sont une des occupations décentes de ses dernières années : ils suffiraient à montrer que le personnage n’a pas changé.

1185. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Quelques années auparavant, un homme de beaucoup d’esprit, Beckford, avait commis la même erreur. […] Son frère m’en parlait encore avec amertume, il y a quelques années. […] Onéguine doit quitter la Russie pour plusieurs années. […] J’ai remarqué l’imitation du Don Juan dans la première partie de l’ouvrage, publiée plusieurs années avant la seconde ; elle cesse complètement dans la suite du poème.

1186. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Il vécut encore six années retranchant tous les jours quelque chose à la vie physique, ne dormant point, ne mangeant qu’une fois en trente-six heures, d’un pain fabriqué tout exprès, que ses adversaires appelaient le pain de M.  […] La dernière édition est datée de l’année même de la destruction des libertins. […] Pendant les vingt années qui s’écoulèrent entre la première édition et la dernière, il l’augmenta de toutes les réponses qu’il eut à faire aux objections que suscitait incessamment sa doctrine, et qui s’autorisaient du nom de quelque contradicteur éclatant. […] Mais je m’étonne encore moins qu’après plus de soixante années d’agitations, favorisées par de mauvais gouvernements, malgré l’avantage du talent du côté des calvinistes, malgré la popularité même des persécutions et la sainteté d’une sorte de martyre, dans l’effroyable extermination de la Saint-Barthélémy, malgré de grands caractères, Coligny, Sully et un grand homme dans la guerre et dans la politique, un moment chef de leur parti, Henri IV, la France ne soit pas devenue calviniste, que les qualités de Calvin n’aient pas fait accepter ses défauts, et que le philosophe chrétien n’ait pu rendre populaire le tyran de Genève.

1187. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Elle en avait au nom de la liberté de conscience, fruit, chèrement payé, des querelles religieuses ; elle en avait au nom de la science économique, née des souffrances du commerce et de l’industrie dans les dernières années, et qui se plaignait avec le double crédit de critiques fondées et d’espérances sans limites. […] Dans ses deux années de séjour en Angleterre, il avait formé et laissé d’illustres amitiés ; il y avait joui en pleine liberté de tout ce qu’on lui disputait dans son pays. […] On a critiqué dans ces dernières années, et l’on critique encore le plan, ou plutôt ce qu’on appelle le manque de plan du Siècle de Louis XIV. […] Ainsi, dans ces dernières années, Boileau s’est presque vu chasser du Parnasse, pour n’avoir pas réuni en lui l’invention d’Homère et de Shakspeare, le génie comique de Molière et la sensibilité de Virgile.

1188. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ses défauts ont profité d’une certaine morale qui a eu cours en ces dernières années, sur l’incompatibilité du génie avec la sagesse commune. […] Ce que Diderot avait cru jeter aux vents est venu, dans ces dernières années, par un retour des choses, témoigner en faveur de l’homme contre ses écrits publics, et montrer, ce qui n’est pas le seul exemple au dix-huitième siècle, un auteur qui vaut mieux que ses ouvrages. […] On n’est pas si persévérant pour un mauvais dessein, et une bonne intention qui persiste pendant trente années, à travers la persécution et la gêne, peut être réputée dévouement. […] Cependant les années ont fait presque autant de ruines dans les Études de la nature que dans l’Encyclopédie.

1189. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

après une révolution qui nous a fait parcourir en quelques années les événements de plusieurs siècles, on interdira à l’écrivain toute considération morale élevée ! […] Ce qui caractérise le poète, c’est d’avoir un idéal, et M. de Chateaubriand, dès les dernières années de l’Empire, s’en était formé un en politique. […] Il est difficile d’imaginer ce que Napoléon a pu trouver de juste dans une brochure où on lit à chaque page des phrases comme celle-ci : Il a plus corrompu les hommes, plus fait de mal au genre humain dans le court espace de dix années que tous les tyrans de Rome ensemble depuis Néron jusqu’au dernier persécuteur des chrétiens… Encore quelque temps d’un pareil règne, et la France n’eût plus été qu’une caverne de brigands. […] Il commença par demander la suspension de l’inamovibilité des juges pour une année, afin de voir qui était royaliste en jugeant, et qui ne l’était pas.

1190. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Divisez ce chiffre par le chiffre des hommes tués, à raison de deux mille par jour pendant vingt-trois années, vous arrivez à ce résultat que chaque cadavre étendu sur le champ de bataille a coûté à l’Angleterre seule douze cent cinquante francs. […] L’homme de nos jours qui a le mieux exécuté cette gamme surprenante de Héros de l’Europe à Ogre de Corse, c’est Fontanes, choisi pendant tant d’années pour cultiver, développer et diriger le sens moral de la jeunesse. […] Voltaire lui-même, aux environs de cette année-là, célèbre éperdument on ne sait quel exploit de Trajan (lisez : Louis XV). […] L’écrivain chez lequel était en ce moment Jérôme Bonaparte, avait rapporté d’une promenade aux Alpes, faite quelques années auparavant en compagnie de Charles Nodier, un morceau de serpentine stéatiteuse sculpté et creusé en encrier, acheté aux chasseurs de chamois de la Mer de Glace.

1191. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Remarquez ce joli mot désœuvrées de la part d’une amante blessée au cœur, et qui, même en se ressouvenant après des années, devrait sentir se rouvrir sa plaie vive. […] Quelques années après (1751), lisant dans une séance publique de l’Académie des Réflexions sur les hommes et sur les Romains, il parut trop viser au sérieux et eut peu de succès auprès du public ; c’est peut-être ce jour-là que, voyant qu’il n’était pas écouté à son gré, il termina brusquement sa lecture avec un mécontentement visible, dont nous sommes informés par d’Alembert. […] Le souffle vigoureux de la philosophie a renversé, depuis une quinzaine d’années, toutes ces réputations étayées sur des roseaux.

1192. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Malgré les découvertes et les exhumations qu’on n’a cessé de faire dans cette étude de notre Moyen Âge, malgré les publications nombreuses dont il a été l’objet depuis quelques années, on peut dire encore avec l’ancien bénédictin don Brial et avec Daunou qu’à part quelques écrits de petite dimension, quelques textes de lois, quelques sermons, et sans parler des traductions de livres sacrés, la relation de Villehardouin est le premier ouvrage original étendu qu’on ait en prose française. […] On ignore les actions de sa jeunesse et de ses premières années ; on le voit déjà mûr, attaché au comte Thibaut III, qui parvint à la principauté en 1197, à l’âge de vingt-deux ans, et obtenant toute sa confiance. […] Qu’il y eût, dès le siècle de ce dernier, des politiques habiles et consommés, cela est hors de doute ; et l’Église, particulièrement, en eut alors qui en remontrèrent au monde : que, de plus, l’État de Venise fût déjà et dès longtemps habile avec suite et très avisé à ses intérêts, même à travers les acclamations et les pleurs de l’enthousiasme, nous en avons la preuve également ; mais la disposition moyenne des esprits, l’atmosphère morale, à Venise et ailleurs, était autre aux premières années du xiiie  siècle qu’à la fin du xve .

1193. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Floquet, s’y est livré depuis plusieurs années, et l’Histoire de Bossuet qui en résultera n’est pas éloignée de paraître. […] C’est Fénelon (et non Bossuet) qui lisait et goûtait entre tous Horace, qui le savait par cœur, qui le citait sans cesse, qui, dans sa correspondance des dernières années avec M.  […] La langue de ce sermon, comme de tous les discours de ces années, est un peu plus ancienne que celle de Bossuet devenu l’orateur de Louis XIV ; on y remarque des locutions d’un âge antérieur : « Or encore que nous fassions semblant d’être chrétiens, si est-ce néanmoins que nous n’épargnons rien, etc. » Il est dit que l’exemple de la ruine de Jérusalem et de cette vengeance divine, si publique, si indubitable, « doit servir de mémorial ès siècles des siècles ».

1194. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Ramond devait être avant tout un prosateur : il le devint dès les années suivantes dans son voyage de Suisse, en se souvenant de Rousseau et de Buffon, et en présence des grands spectacles naturels. […] Dix années pourtant devaient s’écouler encore avant que Saussure, après Balmat et Paccard, parvînt à atteindre la cime du Mont-Blanc (3 août 1787) ; mais de tous côtés le signal était donné, et il n’y avait plus de trêve dans cette conquête entreprise sur tous les points et ouverte désormais à la science comme aux pinceaux. […] [NdA] Coxe et lui furent les premiers guides des voyageurs en Suisse en ces années : Ceux-ci parcouraient à l’envi, nous dit Ramond, les routes que nous avions frayées, mais n’en frayaient guère d’autres ; et les lieux ignorés dont j’avais révélé le secret devenaient peu à peu une promenade publique où les Anglais rencontraient des Anglais, les Français des Français, et personne les Suisses.

1195. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Esprit sagace, libre de préventions, adonné pendant des années aux investigations les plus actives et aux recherches silencieuses, particulièrement doué du génie des origines, il comprenait les choses par leur esprit même et les exprimait ensuite sans y rien ajouter d’étranger. […] Ces recherches de Fauriel, connues bien des années avant qu’il les écrivît et même avant qu’il les professât, transpirant hors du cercle intime où il vivait, communiquées par lui à tous ceux qui l’interrogeaient avec la libéralité du savant généreux et du galant homme, viennent seulement d’être réunies en volumes et de paraître dans leur ensemble30 : on peut dire quelles étaient depuis longtemps dans la circulation, et que le niveau du goût en France (je ne parle que de la classe instruite) s’en est ressenti. […] Ayant chanté ses premières amours d’enfant dans des poésies délicates et subtiles, il se dit que ce n’était point assez et qu’il fallait élever à la beauté et à la reine de son cœur un monument dont il fût à jamais parlé : La Divine Comédie naquit dans sa pensée, et il mit des années à la construire, à la creuser, à l’exhausser dans tous les sens, à y faire entrer tout ce qui pouvait la vivifier ou l’orner aux yeux de ses contemporains, afin de faire plus visible et plus brillant le trône d’où il voulait présenter Béatrix au monde.

1196. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

J’étais un peu en arrière avec cette Histoire, et avant le tome xiie dont j’ai à rendre compte, j’ai dû lire le xie , qui contient les événements de la guerre d’Espagne et de Portugal pendant la première moitié de l’année 1809, l’expédition des Anglais sur Walcheren, et, après la paix de Vienne, le divorce avec Joséphine et le mariage avec une archiduchesse, — le tout formant deux livres seulement. […] Une publication récente, celle des Mémoires du roi Joseph a mis le public dans le secret des pièces politiques qui se rapportent au gouvernement de l’Espagne et à ses plaies intestines en ces années malheureuses. […] Mais aussi il y a un historien des plus heureusement doués dont le procédé est autre : il lit, il étudie, il se pénètre pendant des mois et quelquefois des années d’un sujet, il en parcourt avec étendue et curiosité toutes les parties même les plus techniques, il le traverse en tous sens, s’attachant aux moindres endroits, aux plus minutieuses circonstances ; il en parle pendant ce temps avec enthousiasme, il en est plein et vous en entretient constamment, il se le répète à lui-même et aux autres ; ce trop de couleur dont il ne veut pas, il le dissipe de la sorte, il le prodigue en paroles, en saillies et en images mêmes qui vaudraient souvent la peine d’être recueillies, car, plume en main, il ne les retrouvera plus : et ce premier feu jeté, quand le moment d’écrire ou de dicter est venu, il épanche une dernière fois et tout d’une haleine son récit facile, naturel, explicatif, développé, imposant de masse et d’ensemble, où il y a bien des négligences sans doute, bien des longueurs, mais des grâces ; où rien ne saurait précisément se citer comme bien écrit, mais où il y a des choses merveilleusement dites, et où, si la brièveté et la haute concision du moraliste font défaut par moments, si l’expression surtout prend un certain air de lieu commun là où elle cesse d’être simple et où elle veut s’élever, les grandes parties positives d’administration, de guerre, sont si amplement et si largement traitées, si lumineusement rapportées et déduites, et la marche générale des choses de l’État si bien suivie, que cela suffit pour lui constituer entre les historiens modernes un mérite unique, et pour faire de son livre un monument.

1197. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Par Saint-Amant, ce guide de joyeuse humeur, il se mit à entamer la lecture des autres poètes et écrivains de l’époque de Louis XIII, et depuis quelques années il n’a cessé de s’en occuper et de travailler à les faire connaître. […] Son coup d’essai, qui remonte par la date aux années de Malherbe et aux débuts de Théophile, fut l’ode intitulée La Solitude ; elle est de 1649 environ. […] On dit qu’il eut dans les dernières années un retour de cœur à des sentiments élevés et religieux, et l’on cite de lui des stances à Corneille, au « noble et cher Corneille », sur sa traduction en vers de L’Imitation.

1198. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Elle ne croit plus, depuis des années, à de futurs printemps, et Bernardin de Saint-Pierre, avec ses harmonies et ses verdures, lui paraissait hors de saison. […] La première de ces médisances fut à peine fondée ; la seconde devint respectable, car il s’ensuivit une amitié dévouée qui dura jusqu’à la mort de ma tante devenue fort pieuse plusieurs années avant sa fin. […] En parlant de ce monde-là, de la haute société dans les premières années du règne de Louis XVI, la vicomtesse de Noailles lui donne plus de vie qu’on ne lui en voit et qu’on ne lui en supposerait en lisant les lettres de Mme de Créqui ; elle lui prête peut-être un peu de ce rajeunissement qui était en elle, personne du xvie  siècle et qu’avaient caressée les souffles nouveaux.

1199. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

On ne sait précisément à quelle époque il vint à Rome ; il est probable qu’il y vint après la victoire d’Actium, âgé d’environ trente ans ; il commença son histoire dans ces belles années d’Auguste, et quand le temple de Janus était fermé pour la troisième fois depuis la fondation de la ville. […] Cicéron avait dit, — s’était fait dire par Atticus dans son dialogue Des lois —, que l’histoire était un genre d’écrit éminemment oratoire (« opus hoc oratorium maxime ») ; Atticus lui conseille de s’y appliquer : « Depuis longtemps, dit-il à son éloquent ami, on vous demande une histoire, on la sollicite de vous ; car on est persuadé que, si vous traitiez ce genre, là aussi nous ne le céderions en rien à la Grèce. » Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas, pour Cicéron, de remonter jusqu’aux origines, aux contes de vieille sur Rémus et Romulus, mais bien de retracer les grandes choses de l’histoire contemporaine et les spectacles dont on a été témoin en ce siècle d’orages, y compris cette mémorable année de son consulat. […] Il écrivait dans son journal intime à la date de janvier de cette année 1817, et confessait ingénument de la sorte son peu de capacité à se produire au dehors : 15 janvier. — J’ai eu, ces deux jours, de ces moments heureux d’expansion interne et de lucidité d’idées qui ne m’arrivent que quand je suis seul, en présence de mes idées.

1200. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Je le lis depuis des années déjà, je remarque de lui, surtout dans le Journal des Débats, des articles de littérature, de philosophie, d’histoire, de politique toujours, mais enfin des articles très variés et sur toutes sortes de sujets, et je ne les trouve réunis nulle part. […] Ceux qui ont parcouru ces époques et qui croient les juger sans amour et sans haine ne laissent pas d’être étonnés de cet enthousiasme un peu vague, de cette admiration un peu confuse et indistincte de la part d’un esprit aussi juste : car enfin toutes ces années, déjà anciennes, ne se ressemblaient pas ; ces régimes, à les prendre dans le détail et à les vivre jour par jour, étaient fort différents entre eux, et il y a eu bien des moments. […] Prevost-Paradol est au premier rang des jeunes écrivains distingués qui se sont produits dans ces cinq ou six dernières années ; une fonction spéciale lui est dévolue : il est ce qu’on peut justement appeler le Secrétaire général des anciens partis, adopté et chéri d’eux en cette qualité.

1201. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Je le prendrai surtout par ses côtés accessoires et où il aurait pu exceller très-vite, pour peu qu’il s’y fût adonné : il y avait en lui l’étoffe d’un savant littérateur autant peut-être que d’un grand musicien ; et il le montra bien lorsque, dans ses dernières années, il eut si peu d’efforts à faire pour être aussitôt un secrétaire perpétuel tout formé, un orateur académique des plus spirituels et des plus avenants Ce n’est pas de lui, certes, qu’on aurait dit, comme d’un autre compositeur célèbre en son temps : « C’est une bête, il n’a que du génie. » Il était un beau talent servi par un habile esprit. […] N’est-ce pas lui qui, dans son Éloge de l’architecte Abel Blouët, dira avec une sorte d’enthousiasme, à propos des cinq grands prix de Rome : « Chaque année, l’Académie des Beaux-Arts distribue ses couronnes. […] Interrogez en effet : l’auditeur, même bienveillant, croyait et croit encore avoir, après une heure de lecture, entendu au milieu du tumulte quelque chose comme ces mots : « Il nous reste maintenant à parcourir les trente dernières années de la vie de M. 

1202. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] Nos propriétaires ruraux ont fort amélioré et réhabilité depuis quelques années la race porcine : j’ai entendu là-dessus, de la part de gens d’esprit qui vivent dans leurs terres, plus d’une dissertation piquante. […] Quelques années consacrées à cette seconde et véritable édition seraient bien employées : l’ouvrage le mérite ; ce n’est pas simplement un livre, c’est toute une existence.

1203. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il n’existe pas de circonstances atténuantes, et l’on n’est pas admis à dire d’un pareil être : « Il fera mieux une autre fois. » C’est sur les pensées, sur les occupations historiques et morales du grand captif qu’il faut se rejeter pour n’avoir pas le cœur trop serré par ce supplice et cette lente agonie de près de six années à Sainte-Hélène. […] La Fronde en a offert bien d’autres, et, certes, la France qui, quelques années après, gagnait les batailles de Rocroy31 et ces Dunes, qui produisait Polyeucte, Athalie, les Oraisons funèbres de Bossuet, n’était point avilie. […] Qu’on veuille songer à ce qu’on doit de reconnaissance à celui qui, dans une publication continue de vingt années, nous a initiés à ce degré, tous tant que nous sommes, à l’esprit et au détail politique, administratif, militaire, de la plus grande époque et la plus invoquée dans les entretiens de chaque jour ; qui, sans que nous soyons hommes d’État ni politiques de métier, nous a fait assister, par le dépouillement des pièces les plus secrètes et les plus sûres, aux conseils et aux débats diplomatiques d’où sont sorties les destinées de l’Europe et de la France pendant l’ère la plus mémorable ; qui, sans que nous soyons financiers, nous permet, avec un peu d’attention, de nous rendre compte des belles et simples créations modernes en ce genre ; sans que nous soyons administrateurs, nous montre par le dedans ce que c’est que le mécanisme et les rouages de tout cet ordre civil et social où nous vivons ; sans que nous soyons militaires, nous fait comprendre la série des mouvements les mieux combinés, et par où ils ont réussi, et par où ils ont échoué en venant se briser à des causes morales et générales plus fortes.

1204. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Petetin est un digne héritier des mêmes traditions ; homme de bien et homme de cœur, défenseur ancien et courageux de la démocratie durant des années bien difficiles, il n’oublie jamais que la tâche essentielle aujourd’hui est de l’organiser et qu’on n’y parvient en effet que par l’alliance de la cordialité et de la justice. […] N’était-ce pas là véritablement une révélation au sein de la morale humaine, et si l’on y joint ce qui ne saurait se séparer, l’ensemble d’une telle vie passée à bien faire et de cette prédication de trois années environ, couronnée par le supplice, n’est-il pas exact de dire que ç’a été un « nouvel idéal d’une âme parfaitement héroïque » qui, sous cette première forme à demi juive encore et galiléenne, a été proposé à tous les hommes à venir ? […] Puis, quand la doctrine fut sortie de dessous terre et eut levé en mille endroits à la fois, comment devint-elle en peu d’années un ferment et une matière politique, un danger ou une ressource, une force avec laquelle il fallut compter et qui, non sans se modifier elle-même quelque peu dans le sens social, s’imposa enfin aux Empereurs eux-mêmes ?

1205. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

faut-il que celles que l’on a le plus admirées et plaintes, le plus exaltées et célébrées, nous fassent faute à quelques années de là, nous donnent le regret, la confusion et presque le remords de nos espérances, et que cette misérable vie qui, passé une certaine heure, se compose pour nous d’une suite d’affronts secrets et d’échecs individuels, ne puisse s’achever sans que nous ayons vu coucher l’un après l’autre tous nos soleils, s’abîmer dans l’Océan toutes nos constellations, pâlir au fond du cœur toutes nos lumières ? […] Grenier, qui débrouille aussi nettement que possible l’état présent, qui l’analyse et l’expose en pleine connaissance de cause, comme il sied à quelqu’un qui aime les Grecs, qui les a vus chez eux, qui leur a du une hospitalité amicale et savante ; et qui n’en désespère nullement, ce volume, toutefois, a surtout contribué à réveiller en moi tous les souvenirs contraires, et à me rendre, avec une certaine amertume qui ne déplaît pas à l’expérience, le sentiment de ces belles années où la Grèce n’était pas comme un malade atteint de maladie chronique, exposé à l’indifférence de tous, mais une héroïne saignante et une victime, une Andromède enchaînée et palpitante pour laquelle on s’enflammait. […] Il était de cette première génération, de ce premier essaim de l’École d’Athènes, qui inaugura l’institution en 1847, et il s’est formé ses idées sur le peuple et sur le pays pendant un séjour de trois années.

1206. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Dès ces années de classes, Veyrat se fit remarquer de ses maîtres par son talent ou sa prodigieuse facilité de versification. […] Il était depuis cinq années à Paris, et à bout de voie dans tous les sens (1838), lorsque tout d’un coup une grande révolution s’opéra un matin dans sa manière de voir et de sentir : son âme tout entière se retourna. […] Assez de noirs soucis ont rempli mes années.

1207. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

n’est-ce pas faire un peu comme le Saint-Simonisme qui voulut opérer en une ou deux années une transformation religieuse, laquelle, dans tous les cas, demanderait des demi-siècles ? […] il s’est écoulé depuis sa mort quelque chose comme une douzaine ou une quinzaine d’années ! on a beau dire que ces années sont des siècles : nous tous, gens de trente ans, nous l’avons vu.

1208. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Si Racine, dans les vingt-six années environ qui forment sa pleine carrière depuis les Frères ennemis jusqu’à Athalie, avait eu le temps de voir une couple de révolutions politiques et littéraires, s’il avait été traversé deux fois par un soudain changement dans les mœurs publiques et dans le goût, il aurait eu fort à faire assurément, tout Racine qu’il était, pour soutenir cette harmonie d’ensemble qui nous paraît sa principale beauté : il n’aurait pas évité çà et là dans la pureté de sa ligne quelque brisure. […] Delavigne, dans les pièces qu’il a données au théâtre pendant ces huit dernières années, tentait avec habileté et convenance une conciliation qui lui fait honneur, qu’on accepte chez lui, mais qui est demeurée insuffisante après chaque succès. […] Delavigne, nous lui dirions d’oser être, à la scène, plus d’accord avec ses goûts, avec ses sympathies littéraires, qu’il ne se l’est accordé peut-être depuis quelques années.

1209. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Indépendamment de l’examen direct des œuvres, ce qui nous a surtout confirmé dans notre opinion, c’est le silence de Racine et la disposition d’esprit qu’il marqua durant les longues années de sa retraite. […] Talma, qui, dans ses dernières années, en était venu à donner à ses rôles, surtout à ceux que lui fournissait Corneille, une simplicité d’action, une familiarité saisissante et sublime, l’aurait vainement essayé pour les héros de Racine ; il eût même été coupable de briser la déclamation soutenue de leur discours, et de ramener à la causerie ce beau vers un peu chanté. […] Racine se trouvait précisément dans l’église du monastère des Champs, quand l’archevêque Harlay de Champvallon y vint, le 17 mai 1679, à neuf heures du matin, pour renouveler la persécution qui avait été interrompue durant dix années, mais qui, à partir de ce jour-là, ne cessa plus jusqu’à l’entière ruine.

1210. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Une année durant il fit le service d’externe à l’hôpital Saint-Louis29. […] Cette ignorance authentique et splendide n’est à vrai dire plus possible en notre époque vulgarisatrice, surtout en ces dernières années de plus particulière attention médicale. […] Chronique médicale, année 1900, p. 769, Dr Chaume.

1211. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

5 J’aurais pu traiter la générosité, la pitié ; la plupart des questions agitées dans cet ouvrage, sous le simple rapport de la morale qui en fait une loi, mais je crois la vraie morale tellement d’accord avec l’intérêt général, qu’il me semble toujours que l’idée du devoir a été trouvée, pour abréger l’exposé des principes de conduite qu’on aurait pu développer à l’homme d’après ses avantages personnels ; et comme, dans les premières années de la vie, on défend ce qui fait mal, dans l’enfance de la nature humaine, on lui commande encore ce qu’il serait toujours possible de lui prouver. […] Fox, plaidant pour la paix devant le parlement d’Angleterre, j’ai dit : si l’on ne fait pas la paix avec les Français cette année, qui sait au centre de quel empire ils la refuseront l’année prochaine . (« Réflexions sur la paix ».)

1212. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Ce profit, année moyenne, est de 8 livres. […] Pas de boucher à Blet ; cependant, « dans le temps de la moisson et pendant le cours de chaque année, on massacre environ 12 bœufs ». […] Il peut percevoir un seizième de la pâte ; ce droit pourrait rapporter 150 livres annuellement ; mais, depuis quelques années, la maison du four est effondrée.

1213. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Quelque admirée que la Franciade ait été à son apparition, elle fut sans influence : ce qui compte, ce ne sont pas les chants imprimés en 1572, c’est le dessein annoncé bien des années auparavant par Ronsard de tenter l’épopée, c’est la confiance unanime des poètes et du public qui, avec Du Bellay, le désignaient pour le souverain effort du poème héroïque, c’était l’admiration grave, le respectueux enthousiasme dont pendant tant d’années on entoura celui qui marchait dans les voies d’Homère et de Virgile. […] Mais comme le monde n’a souci d’éruditions et suit son plaisir, il ne remonte point aux temps antérieurs ; une tradition mondaine, en fait de jugements littéraires, ne commence à se former que dans les dernières années de Malherbe, et c’est à partir du xviie  siècle seulement que se constitue et s’enrichit peu à peu dans l’opinion de la société polie le dépôt des chefs-d’œuvre de notre littérature classique.

1214. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

D’autres affirment que les règles dramatiques ont été définitivement arrêtées dans telle année, et que le génie qui voudrait maintenant y changer quelque chose a tort de n’être pas né avant cette année sans appel, où l’on a terminé toutes les discussions littéraires passées, présentes et futures. […] Elle avait épousé en 1811 M. de Rocca, beaucoup plus jeune qu’elle.Editions : De la littérature considérée dans ses rapports avec les constitutions sociales, an viii, 2 vol. in-8 ; Delphine, roman, 1802 ; Corinne, roman, 1807 ; de l’Allemagne, Londres, 1813 ; Considérations sur la Révolution française, publ. par le duc de Broglie et le baron de Staël, 1818 ; Dix années d’exil, publ. par le baron de Staël, 1821.

1215. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Renan a préparé, parmi les incrédules, les esprits qu’il faut pour faire à cette nouvelle attitude de l’Église l’accueil qu’elle mérite ; et, si le mouvement dessiné depuis plusieurs années s’achève, si l’Église redevient, selon son véritable esprit, une grande force démocratique, l’Église en profitera sans doute, le monde plus encore, et notre pays plus que les autres. […] Plus grave encore est ce fait que, depuis une quinzaine d’années, la littérature française a certainement reçu plus qu’elle n’a donné. […] Le fait important, en ces dernières années, dans l’histoire du genre dramatique, a été la tentative d’un Théâtre Libre974.

1216. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

[Question] Depuis quelques années, l’Académie s’agite beaucoup. […] Jamais un Baudelaire ni un Flaubert n’eussent fait trois années de pénitence dans telle ou telle feuille bien-pensante pour montrer au guichet de l’Institut une bonne, honnête et bourgeoise figure. […] Voici un fait : Je causais l’année dernière avec le directeur jeune, intelligent et lettré d’un journal hebdomadaire sérieux, suivi par la bourgeoisie « au courant ».

1217. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Je connais des maris qui, dans toute une année, ne leur disent pas seulement une fois : Dieu te gard’ !  […] Car c’est une chose étonnante, qu’on ne veuille prendre à son service un petit laquais sans répondant ; et qu’on fasse une affaire de cette importance, où l’on voit tous les jours tant de banqueroutes, sans avoir une bonne et solvable caution61. » Évariste Gherardi rivalise avec Dancourt dans le croquis comique des folies, des rencontres et des aventures dont la prairie de Bezons était le théâtre le premier dimanche de septembre : à La Foire de Bezons jouée par les Français le 14 août 1695, succède, à l’Hôtel de Bourgogne, le 1er octobre de la même année, Le Retour de la Foire de Bezons ; le retour de cette fête était comme la descente de la Courtille de ce temps-là. […] Voyez les Annales de la Cour et de Paris pour les années 1697 et 1698, par Sandras de Courtilz.

1218. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Ce ne fut qu’après les belles années de Louis XIV que la nation sentit avec tressaillement et orgueil qu’un tel bonheur venait de lui arriver. […] C’est en ce genre ce qu’il y a de plus grand… Chaque année je lis une pièce de Molière, comme de temps en temps je contemple quelque gravure d’après les grands maîtres italiens. […] Un jour que lord Bolingbroke écrivait au docteur Swift, Pope mit à cette lettre un post-scriptum où il disait : « Je m’imagine que si nous passions tous trois seulement trois années ensemble, il pourrait en résulter quelque avantage pour notre siècle. » Non, il ne faut jamais légèrement parler de ceux qui ont eu le droit de dire de telles choses d’eux-mêmes sans jactance, et il faut bien plutôt envier les âges heureux et favorisés où les hommes de talent pouvaient se proposer de telles unions, qui n’étaient pas alors une chimère.

1219. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Malgré ces coins d’humeur et ces instants irrités, Ducis était assez habituellement calme pour que sa figure de vieillard, en ces années, ait bien de l’expression antique, et que nous la trouvions de plus en plus noble et belle. […] Un sentiment de famille se mêlait sans cesse à cette joie chrétienne du solitaire, et venait la tempérer par quelques regrets : il se reportait à son enfance, aux années meilleures, à ses jouissances de fils, de père et d’époux : Les mœurs ne s’apprennent pas, c’est la famille qui les inspire. […] Ducis, dans ses dernières années, a fait beaucoup de poésies diverses où il exprime ses prédilections, ses goûts ; il chante le ménage des deux Corneille, il célèbre et paraphrase La Fontaine en des vers qui se sentent de la lecture habituelle et de l’esprit du grand fabuliste.

1220. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Ce qui doit inquiéter sur son compte, c’est qu’il a beaucoup encore à acquérir, et qu’il est d’expérience que nos artistes transportés d’Italie, perdent d’année en année. […] Il faudrait les entretenir là d’ouvrages qu’on leur payerait et sur le prix desquels on retiendrait de quoi les garder et les entretenir trois ou quatre années de plus, sans que ce long séjour empêchât le même nombre d’élèves d’aller d’ici en Italie.

1221. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Il n’en reste pas moins que, pendant ces dernières années, en dépit des oppositions, la cause de la sociologie objective, spécifique et méthodique a gagné du terrain sans interruption. La fondation de l’Année sociologique a certainement été pour beaucoup dans ce résultat. Parce qu’elle embrasse à la fois tout le domaine de la science, l’Année a pu, mieux qu’aucun ouvrage spécial, donner le sentiment de ce que la sociologie doit et peut devenir.

1222. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Nos livres représentent des années de travail : ils se défendront tout seuls.‌ […] Des mois et des années d’effort sont, bien entendu, nécessaires pour s’exercer à appliquer les préceptes contenus dans chacun de ces vingt chapitres. […] Ce sont les prosateurs faciles qui publient chaque année de nombreux articles et de gros volumes.

1223. (1887) La banqueroute du naturalisme

On y voit qu’en telle année, dans telle commune, tel département, un père de famille ayant en l’imprudence de résigner ses biens à ses enfans, ceux-ci, las un jour de nourrir une bouche inutile, l’ont relégué sous un toit à porcs, ou même aidé à mourir plus vite. On y fit qu’en telle autre année, dans un département voisin, et ainsi qu’il est prouvé par les débats ou l’aveu du coupable, un beau-frère, pour éviter la division d’un commun héritage, a violé sa belle-sœur mineure et l’a ensuite étranglée. […] — d’avoir essayé d’y salir jusqu’à la maternité ; mais dans Pot-Bouille, il y a déjà des années, M. 

1224. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Un des amis de Bourgogne termina mes doutes et mon embarras en m’apportant une revue de mon pays, intitulée Revue des deux Bourgognes, année 1836, où sont imprimées les six lettres de Leibnitz du manuscrit de Paris, et celles dont je déplorais la perte, en tout dix-huit lettres parfaitement authentiques, adressées à l’abbé Nicaise par l’auteur de la Théodicée. […] Ailleurs il souhaite qu’un élève de l’École des chartes veuille bien employer quelques années de sa vie à faire l’histoire de la place Royale51. […] Au bout de quelques années de séjour, on y déclare que le ciel est un rêve d’esprit creux.

1225. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Il y avait en moi, dans ces années, un trop-plein de sensibilité et d’enthousiasme, un besoin d’admirer et de pousser à l’idéal chaque objet de mon culte, tellement qu’il n’aurait pas été inutile, pour continuer de paraître vrai, que l’objet disparût presque aussitôt, et moi-même peu après. […] Si dans cette dernière année je vous ai vu moins souvent que je ne le désirais, c’est que mes occupations étaient grandes, mes matinées prises ; ce n’est pas que je changeasse si volontiers d’amis, d’opinions, de principes, que sais-je ?

1226. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. IXe et Xe volumes »

Mais, cette année, le sort désigna Rewbell comme membre sortant, et Sieyes lui succéda, Sieyes, dédaigneusement jaloux de toute Constitution qu’il n’avait pas faite, et à qui il était échappé un jour de dire, en manière d’éloge, que dans celle de l’an III il y avait de l’instinct. […] Thiers a su en faire jaillir des leçons bien lumineuses, qui nous révèlent de plus en plus la marche de l’humanité et la loi des révolutions : « Les années seules, dit-il, épuisent les partis.

1227. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Comme il résulte des tables de mortalité d’alors, que la majorité des adultes qui existent à un moment donné, doit avoir quitté la vie au bout de dix-neuf ans environ, de telle sorte qu’à la fin de cette période une majorité nouvelle remplace la première, Jefferson conclut que toute dette publique dont le remboursement ne se fait pas avant la dix-neuvième année, à partir du jour de l’emprunt, tombe sur des générations qui ne l’ont pas contractée, et qui réellement ont le droit de ne pas se croire obligées en bonne morale. Cette période de dix-neuf années, au terme de laquelle une révision et peut-être une réorganisation totale auraient lieu dans la société, est le thème favori de Jefferson : il y revient en maint endroit, tant un respect profond et religieux pour la liberté de ceux qui naîtront se mêle à toutes ses pensées.

1228. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Ce dernier, dans l’ouvrage qu’on vient de publier, et qui est l’extrait d’une Correspondance écrite par lui pendant ces deux dernières années, laisse percer à chaque page ce caractère originel du satirique et du poète. […] C’est une récréante et instructive lecture, que de relire ainsi l’histoire d’une année précédente dans un journal rédigé par un étranger ami, spirituel, acéré, attentif à mille détails qui nous auront échappé, et qui, exagérés ou non, nous servent à préciser notre jugement.

1229. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Bonne ou mauvaise, je crois que l’influence de Flaubert sur ses premières années a été considérable  à cet égard et à quelques autres. […] Je ne saurais dire si c’est parce qu’il avait quitté le roman biographique pour le roman-drame que l’auteur de Bel-Ami a, dans ces derniers temps, paru s’attendrir, ou si c’est au contraire parce que l’expérience et les années l’avaient attendri, qu’il s’est intéressé davantage aux drames de la passion et qu’il a jugé qu’une seule crise dans une existence humaine pouvait faire le sujet de tout un livre : mais le fait est que son cœur, on le dirait, s’est amolli et que la source des larmes a commencé d’y jaillir.

1230. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Cette origine peu romantique semble lui avoir épargné tels ridicules préjugés de la dix-huitième année dont parfois on se débarrasse mal. […] Depuis des années, Céard nous a promis ce livre, comme aussi certain roman et certaine pièce : mais l’extrême sévérité qu’il a pour son esprit fait qu’il produit peu.

1231. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

À la période précédente, qui comprend les dix années de 1650 à 1660, va succéder un nouvel ordre de choses dans l’état, dans les mœurs, dans les lettres. […] La Bruyère qui a publié ses Caractères en 1687, mais qui a passé vingt années à les écrire, nous dit en peu de mots quel était l’état de la langue au milieu du siècle, à l’époque des Provinciales et des écrits de Port-Royal.

1232. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Déjà, de feux moins vifs éclairant l’univers, Septembre loin de nous s’enfuit, et décolore Cet éclat dont l’année un moment brille encore. […] On dit même en ces lieux, par ton ombre chéris, Qu’un long gémissement s’élève chaque année, À l’heure où se forma ton funeste hyménée.

1233. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

On se rend propre en un jour des tours et des façons d’operer, qui coûterent aux inventeurs des années de recherche et de travail. […] Ne désabusez pas si-tôt un jeune artisan, trop prévenu sur la consideration que son art mérite, et laissez-lui croire du moins durant les premieres années de son travail, que les hommes illustres dans les arts et dans les sciences, tiennent encore aujourdhui le même rang dans le monde qu’ils y tenoient autrefois en Grece.

1234. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire. […] Pendant des années, j’ai été littéralement obsédé par l’étude des phrases, les secrets de la prose, les différences des styles, l’anatomie et le mécanisme de l’art d’écrire.

1235. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le marquis de Grignan »

Il était de l’an mil, et de plus loin que l’an mil, cette année de la fin du monde ! […] Il épousa la fille de Saint-Amans, un riche financier de ce temps ; mais, à cette date de son histoire, Frédéric Masson, l’amoureux de madame de Sévigné, le railleur qui se moque de ce qu’il adore, et dans les moqueries duquel on voit pourtant encore trembler l’amour, n’est plus le riant, le gai, l’ironique historien des premières pages et des premières années de cet enfant ou de ce jeune homme gâté par sa grand’mère, et on n’a plus affaire — changement soudain !

1236. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Mais l’homme — l’homme qui nous l’a donnée après vingt années, lesquelles ont été probablement des années de recherches et d’étude, — est-il fini et mort sans qu’on en ait rien su, et ce qu’on en voit là, est-ce donc son fantôme ?

1237. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

Rappelez-vous cette publication d’il y a quelques années, intitulée, je crois : Journal de la santé du roi Louis XIV ! […] L’éditeur l’a trouvé sous sa main en préparant une histoire de Louis XVI à laquelle il travaille depuis plusieurs années, et sur les conclusions de laquelle nous n’avons rien à préjuger.

1238. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Les fruits du panier d’aujourd’hui, presque tous oranges, citrons et grenades, cueillis en Espagne du temps que le poète y voyageait, — et c’était du temps de sa jeunesse, il y a déjà quelques années, — ont gardé le vert de la jeunesse… Nous avons eu de lui, depuis ce temps-là, plus mûr, plus varié et plus beau. […] C’est encore et toujours ce visage qui fut charmant, où la Gaîté et la Mélancolie luttaient pour le compte de la Séduction, mais où la Mélancolie a commencé de vaincre, — la Mélancolie qui s’est épaissie, à mesure que les années qui restent à vivre s’éclaircissent.

1239. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

I L’auteur de ce roman est un des plus brillants derniers venus de ces dernières années. […] Cette idée — militaire — d’une conspiration, a fasciné le polémiste, qui allait continuer de faire la guerre à tout ce qu’il hait, en la racontant… C’était si bien cela, et si peu la vocation du romancier qui le décidait, que le livre lui-même — ce Roman d’une conspiration — ne semble qu’un prétexte pour lancer toutes les bordées d’un esprit de parti accumulé, exaspéré depuis des années au fond d’un homme, et d’un homme qui a les sentiments très profonds.

1240. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Chacun, en ces inquiètes années qui suivirent 1848, voulait lire Les Partageux, Les Prêtres, Le Thym.  […] Combien a-t-il d’années ? […] La première apparition de Vicens Garcia dans les actes authentiques a lieu en l’année 1606. […] Docteur, professeur depuis plusieurs années à l’Université centrale de Madrid, M.  […] L’année devait encore enlever un des grands noms de la littérature espagnole : Juan Eugenio Hartzenbusch.

1241. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Il y a une dizaine d’années, le Century Magazine envoya M.  […] Il ne faudrait pas toucher à sa gloire, que chaque année élargit et renforce d’éblouissements nouveaux. […] Certes, tous nous eussions aimé que le grand écrivain arrêtât sa publication, voilà déjà quelques années. […] Cette impression qui pesa lourdement sur ses premières années a toujours persisté en lui. […] Je lui avais promis… cette année… Eh bien… j’ai décoré Grenet-Dancourt, tu comprends ?

1242. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Mais voulez-vous enfin, dans l’Illusion comique, un modèle de cette grosse verve, de ce style emphatique et bouffon qui fera lui tout seul, dans quelques années, la réputation de Scarron ? […] et qu’avec ses années d’apprentissage la lutte, était aussi finie ? […] Les comédiens, vous ne l’ignorez pas, étaient alors un peu les maîtres des auteurs, et Voltaire même, Voltaire, chargé de gloire et d’années, n’en fera pas tout ce qu’il voudra. […] Jusque dans les dernières années de la Restauration, Villemain, par exemple, mettait encore Manlius fort au-dessus du médiocre. […] Elles le sont toujours un peu, vous le savez, Mesdames, en fait de littérature, par une espèce d’horreur instinctive de la vieillesse et des modes de l’année dernière.

1243. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  de la Tour  » p. 144

Ceux qu’il a exposés cette année n’ajouteront ni n’ôteront à sa réputation.

1244. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

On dona encore ce nom à chaque septième année, qu’on apela année sabatique, et enfin à l’année qui arivoit après sept fois sept ans, et c’étoit le jubilé des juifs ; tems de rémission, de restitution, où chaque particulier rentroit dans ses anciens héritages aliénés, et où les esclaves devenoient libres. […] Les poètes prènent les hivers, les étés, les moissons, les autones, et tout ce qui n’arrive qu’une fois en une année, pour l’année même. […] Il sut la grammaire, il l’enseigna pendant plusieurs années, et cependant il ne put décliner le mot (…). […] Au reste l’académie a observé que les rides marquent les années : mais ne gravent point les exploits. […] Que ne se rapèle-t-il les premières années de son enfance ?

1245. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Moréas était déjà, depuis plusieurs années, un poète intéressant et élégant. […] Ce qui se détache nettement comme résultat tangible de l’année 1886, ce fut l’instauration du vers libre. […] En 1886, et aux années suivantes, nous étions plus attentifs à notre développement littéraire qu’à la marche du monde. […] Pour étudier des livres ainsi faits en un long espace d’années, il faudrait une place aussi vaste que le livre lui-même. […] Au début de sa jeunesse, cette tendance lui assura comme un bonheur ; aux dernières années, il en vécut anxieux.

1246. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Greuze »

Greuze Les Greuze ne sont pas merveilleux cette année.

1247. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montgomery, Lucy de »

[L’Année des poètes (1896).]

1248. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Mes années se sont écoulées, à l’ombre du fauteuil maternel, avec les petites sœurs et le chien de la maison. […] Ils défendent l’art pour l’art, la moralité du beau ; ils parsèment leurs écrits d’étincelants morceaux de prose, et, en ces dernières années, alors que M.  […] Maintenant, qu’il n’y a plus de sauvages en Europe, ce sont les ouvriers qui feront cet ouvrage-là dans une cinquantaine d’années. […] Il lui faudra une succession d’années et une série d’événements pour s’épanouir on sa pleine maturité. […] Quoi qu’il en soit, d’ailleurs, de ce point d’esthétique littéraire, agitée, il y a une quinzaine d’années, par M. 

1249. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Auguste Vacquerie contre des frénétiques d’art quand même et partout, dont la secte existait déjà il y a une quarantaine d’années. […] Le carnaval, paraît-il, était des plus gais, cette année-là, et chaque nuit de bal masqué, semant les pleurésies, faisait entrer à l’hôpital nombre de jeunes femmes. […] « Les Meules racontaient des moments tout au long de l’année, à des heures diverses. […] « Sans doute, pour des années, je retombai dans la torpeur de l’enfance dont l’amour m’avait fait sortir. […] Nous avions exercé, pendant tant d’années, un si grand ascendant sur les autres !

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