/ 3142
2111. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

Pierre Dupont amène l’homme à se réjouir de sa royauté d’un instant ; il lui persuaderait, à force d’optimisme et de bonne humeur, que l’univers se rapporte à lui.

2112. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Il retient prisonnière à Compiègne la reine-mère, et la force peu après à chercher un asile en terre, étrangère ; il exile ou fait arrêter les amis et les domestiques de cette reine proscrite et met Bassompierre à la Bastille, Il fait décapiter Henri de Montmorency.

2113. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

Bossuet a repris la parole et a parlé avec tant de force, a fait venir si à propos la gloire et la religion que le roi, à qui il ne faut que dire la vérité, s’est levé fort ému et serrant la main au duc, lui a dit : Je vous promets de ne plus la revoir.

2114. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VI »

Il faut encore observer que le signe eau contient une force secrète rigoureusement attachée au groupe des trois lettres qui le déterminent ; il représente à la fois le son o et le son el 65.

2115. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « La course à la mort » pp. 214-219

Où est la force qu’une seconde j’avais sentie en moi ?..

2116. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Il prêchoit avec plus de force que la première fois l’observation des grandes règles Aristotéliciennes, & disoit des injures au poëte chéri de la nation.

2117. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Traité des forces mouvantes pour la pratique des arts & métiers, par M. le Camus, à Paris 1472 in-12.

2118. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

En second lieu je réponds, que si l’on faisoit en France, par exemple, une attention exacte et suivie sur la stature des corps et sur leurs forces, peut-être trouveroit-on qu’il y paroît en certains tems des generations d’hommes plus grands et plus robustes que dans d’autres.

2119. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Ensuite elle voulut s’en retourner mais Sakaye la retint de force.

2120. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

L’écrivain futur est au fond de ce style solide, rapide et ferme, lequel n’a pas, il est vrai, le coup de lime définitif qui donne au fer l’éclat de l’acier, mais qui brille de force à plus d’un endroit et semble mépriser toutes les petites gentillesses littéraires de ce temps d’énervation et de prétention intellectuelle pour aller au fait, l’appréhender et le rendre avec un relief vigoureux.

2121. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Qu’importe où nos camarades prennent leur force dont bénéficie la maison commune ?‌

2122. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Il ne compta que sur la force et la logique de son œuvre, pour donner, de ses idées et de sa personne, une image exacte au public.‌

2123. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Peut-être il eût été à souhaiter qu’au moment où le premier orateur se présenta pour prononcer le premier panégyrique devant un prince, même vertueux, un citoyen plein de courage se mît tout à coup entre le prince et l’orateur, et élevant sa voix avec force, s’écriât : « Prince, qu’oses-tu permettre, et que vas-tu entendre ?

2124. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Qu’à l’avenir il fasse donc revoir ses épreuves par un humaniste de moyenne force ! […] Benjamin imite de son mieux, mais il grossit le trait, force la note et aboutit à une charge. […] Taine n’a jamais cessé d’être dans toute la force du terme un esprit libre. […] Il expose que le pouvoir ne réside pas dans la force physique, comme celui d’Hercule, qui peut opprimer un individu, mais non pas tout un peuple ; ni dans la force morale, puisque, loin d’avoir la moindre supériorité morale, Napoléon est un criminel et un bandit… Ne discutons même pas ce jugement. […] Les forces extérieures et matérielles, ethniques, climatologiques, économiques, etc., pèsent évidemment sur la marche de l’histoire.

2125. (1888) Impressions de théâtre. Première série

C’est déjà là un assez joli tour de force de la volonté, et qui est bien cornélien. […] Supposez l’abbé Célestin écrivant la vie du pape Grégoire VII et voulant à toute force nous démontrer la douceur et la charité chrétienne de ce saint tumultueux. […] Ils auront toujours la force d’appliquer, bien ou mal, des couleurs sur de la toile ou de façonner de la terre mouillée. […] C’est une force inconnue, invincible, comparable aux puissances terribles de la nature extérieure. […] Je ne sais s’il y a, dans tout le théâtre contemporain, rien de plus vrai, de plus fort, comme on dit, ni dont la force soit plus souple et moins étalée.

2126. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Et, bien que Taine ait admiré et pratiqué Stendhal, on sait comment Stendhal et Baudelaire ont dû être imposés de force à la critique professionnelle. […] Taine de s’être enfoncé dans la recherche des Origines de la France contemporaine au lieu d’employer son temps, son talent et ses forces à commenter l’épopée naturaliste des Rougon-Macquart. […] Elle nous fait sensible dans les réalités spirituelles ce poids d’entrailles qui donne une force infinie à une statue de Michel-Ange. […] Elle se confond avec sa personne, et elle n’est que la force de rayonnement de son goût. […] Mais l’élan vital, la force de synthèse permise à la critique rencontreront toujours un obstacle en un point, celui-ci.

2127. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Nous modifierons nous-même la traduction par quelques coups de pinceau, toutes les fois qu’elle nous paraîtra susceptible de plus de grâce ou de plus de force. […] Pandarus, pour tendre avec plus de force cet arc, l’appuie par un bout en inclinant l’autre sur la terre, etc. » Quelle imagination résisterait à des tableaux si achevés et si ciselés de vérité ! […] Et si on ajoute à cette admiration que cet interprète si intelligent, si fidèle et si éloquent, décrit, parle et chante dans une langue aussi divine et aussi harmonieuse que sa pensée ; si on ajoute que cette langue cadencée et transparente comme les vagues et comme l’éther dont il est entouré dans ses paroles rythmées, l’ordre logique des idées, le nœud puissant et serré du verbe qui relie en faisceau la phrase, la clarté du plein jour sous un soleil d’Orient, la force de l’expression, la délicatesse des nuances, la saillie du marbre, la vivacité des couleurs, la sonorité des armures d’airain dans le combat, des vagues de la mer dans les cavernes du rivage, le sifflement de la tempête dans les vergues et dans les voiles, le susurrement du zéphire dans les brins d’herbe ou dans les feuilles des forêts, enfin jusqu’aux plus imperceptibles palpitations du cœur dans la poitrine des hommes, on reste confondu, en présence d’un tel prodige d’expression, de tout ce que les sens perçoivent, de tout ce que l’âme sent et pense, et l’on se demande par quel étrange phénomène le plus ancien des poètes en est en même temps le plus parfait, par quel contresens apparent le génie poétique de la Grèce sort des ténèbres le chef-d’œuvre des chefs-d’œuvre à la main ; et on ne peut s’empêcher de se récrier sur le blasphème ou sur la cécité de ceux qui préconisent notre vieille jeunesse au détriment de cette jeune antiquité. […] Hector défie en combat singulier le plus audacieux des chefs de la Grèce ; Ménélas se présente ; Nestor et Agamemnon ne le jugent pas de force à combattre le héros troyen. […] Il s’agite en tous sens sur sa couche en regrettant la force et le généreux courage de son ami ; il songe à tout ce qu’ils ont autrefois accompli ensemble, soit en combattant, soit en traversant les mers impétueuses.

2128. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Joseph crut alors toucher à une condition meilleure : c’était l’instant critique ; il rassembla les forces de sa raison et se résigna aux dernières épreuves. […] Ses forces portent à vide ; la matière leur manque ; elles se consument et le rongent. […] Quant à ce besoin d’aimer qu’on éprouve à vingt ans… mais moi, qui écris ceci, je me sens défaillir ; mes yeux se voilent de larmes, et l’excès de mon malheur m’ôte la force nécessaire pour achever de le décrire… Miserere !  […] « Pétrarque, ce grand maître dans la science du cœur et dans le mystère de l’amour, a dit au commencement de son Traité sur la Vie solitaire : « Je crois qu’une belle âme n’a de repos ici-bas à espérer qu’en Dieu, qui est notre fin dernière ; qu’en elle-même et en son travail intérieur ; et qu’en une âme amie, qui soit sa sœur par la ressemblance. » C’est aussi la pensée et le résumé du petit livre que voici : « Lorsque, par un effet des circonstances dures où elle est placée, ou par le développement d’un germe fatal déposé en elle, une âme jeune, ardente, tournée à la rêverie et à la tendresse, subit une de ces profondes maladies morales qui décident de sa destinée ; si elle y survit et en triomphe ; si, la crise passée, la liberté humaine reprend le dessus et recueille ses forces éparses, alors le premier sentiment est celui d’un bien-être intime, délicieux, vivifiant, comme après une angoisse ou une défaillance. […] « La plupart des amitiés humaines, même des meilleures, sont donc vaines et mensongères, ô mon ami ; et c’est à quelque chose de plus intime, de plus vrai, de plus invariable, qu’aspire une âme dont toutes les forces ont été brisées et qui a senti le fond de la vie.

2129. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Abel Hermant était, certes, de force à écrire la comédie du grand mariage franco-américain. […] Henri Lavedan a fait un tour de force charmant. […] Ce conte, nous n’y croyons pas : car, des mésalliances de cette force, on a pu en voir, quelquefois, qui étaient l’ouvrage du vice ; de la vertu, jamais. […] C’est comme si le grand dramaturge, pour avoir, dans sa vie, trop imaginé de ces situations violentes, trop développé de ces tragiques conflits, n’avait plus eu, cette fois, le courage de faire l’effort qu’il faut pour se mettre à la place de ses personnages, pour se congestionner consciencieusement sur leur cas, pour se représenter leurs émotions et trouver des phrases qui les expriment avec quelque précision et quelque force. […] Lia refuse : « Je ne saurais, dit-elle, être la femme d’un homme qui m’a voulu prendre de force, dont les bras m’ont meurtrie, dont mon visage a senti le souffle, et qui a pu croire, fût-ce par ma faute, que j’allais être sa maîtresse… Et enfin je n’aime pas votre neveu, et cela répond à tout. » Au reste elle ne se pose point en victime.

2130. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Zola, qui aime ardemment le travail de l’artiste, trouvait pénible de perdre son temps et ses forces à faire des lignes pour gagner son pain. […] Dans les premiers temps, très lâchée, grossière ; puis faisant la dame et s’observant beaucoup  Avec cela, finissant par considérer l’homme comme une matière à exploiter, devenant une force de la nature, un ferment de destruction, mais cela sans le vouloir, par son sexe seul et par sa puissante odeur de femme. […] A la sortie de la paie, après force litres, notre sublime rentra à onze heures du soir moitié ivre et accompagné d’une prostituée du plus bas étage. Après une lutte et force coups de poing, il força sa femme et ses enfants à coucher dans la première pièce, et lui s’installa dans la deuxième avec son ordure. […] N’est-ce pas un rayon, que la beauté unie à la force de Goujet, que la noblesse d’âme de sa mère ?

2131. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

23 mars C’est une grande force morale chez l’écrivain que celle qui lui fait porter sa pensée au-dessus de la vie courante, pour la faire travailler libre et dégagée et envolée. […] Je ne sais vraiment où elle a ramassé les dernières forces avec lesquelles elle va devant elle. […] Et chez cette femme une énergie de caractère, une force de volonté, un art du mystère, auxquels rien ne peut être comparé. […] Maintenant, on prend trop de religion, on en prend trop, on force la dose… Et puis, dans ce temps-là, on avait la société, la société, encore la meilleure invention des hommes, après tout. » Là-dessus, il se met à parler de Michelet avec une sorte d’animosité et de rancune colère. « Aujourd’hui, il a le style vertical. […] Falloux lui a presque pris de force les mains qu’il mettait dans ses poches. « Il n’y a que de Broglie.

2132. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

il n’était pas de force à l’enlever. […] L’Allemagne du temps de Goetz de Berlichingen est si confuse, la guerre des Paysans est si peu montrée dans le drame de Gœthe et sous un angle si aigu (or c’était la grande chose à peindre, dans son épouvantable horreur, si Gœthe avait eu vraiment le génie tragique), les rapports des nobles de l’Empire et de l’Empereur sont si mal déterminés, qu’un talent d’une force moyenne — et il n’y a pas à accorder davantage si on n’est pas emporté dans la valse allemande qu’on danse en ce moment en l’honneur de Gœthe — se trouvera moins à l’aise là-dedans et moins lucide que dans Egmont. […] Lorsqu’il se trouvait à bout d’idées ou sans idées (ce qui était beaucoup plus fréquent), il se pipait et pipait les autres avec les mots nature, vie, ensemble et force des choses. […] Porchat, est maintenant épuisé, et on a pu juger ici, en connaissance de cause, de la force de sa littérature et de la légitimité de sa gloire. […] Chapitre VIII : résumé Eh bien, c’est cet imperturbable sérieux, qui se retrouve partout dans la vie de Gœthe et que tout le monde a gardé avec Gœthe, même quand il hasarde des bouffonneries de cette force… d’étoiles, c’est ce sérieux qui a fait de Gœthe ce qu’il est, — c’est-à-dire une momie morale, qui n’a jamais vécu et dont on veut faire un grand homme !

2133. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

Berryer, la plus véritable, la plus énergique éloquence, la force, la sobriété, quelque chose de démosthénique et d’accompli.

2134. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mort de M. Vinet »

En fait, ç’a été dans le canton de Vaud le triomphe brutal de la force et des cupidités grossières mises en lieu et place de l’esprit, du droit et de la liberté.

2135. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de Dampmartin, Maréchal de camp »

Dès les premières résistances du tiers état et les premières décisions de l’Assemblée constituante, nous voyons la cour s’effrayer, et, faible qu’elle est, recourir à la force, c’est-à-dire à l’armée, pour réduire au silence une tribune rivale du trône, quelle était donc celle armée sur laquelle la cour comptait si aveuglément ?

2136. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Le général lui ordonna d’examiner dans son voyage les forces, les moyens de défense, les dispositions des Grecs, et lui confia même une lettre pour le bey de Maina.

2137. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Joubert a fort bien expliqué la force des mots familiers.

2138. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Les pages des Névroses, intitulées : Les Refuges, où toutes les sèves et toutes les forces agissantes se résument dans des pièces telles que La Vache au taureau, ces pages affirment une vision directe et une conception individuelle des choses.

2139. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

Confiance superbe, orgueil louable d’un jeune homme qui ne s’éperd pas en de vaines lamentations, mais aime la vie parce qu’il se sent de force à l’incarner toute un jour.

2140. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Tréguier »

Discours prononcé à Tréguier 2 août 1884 Messieurs et amis, Que je vous remercie de m’avoir enlevé, moi déjà si peu enlevable, à cet éternel fauteuil où je m’ankylose, à ces douleurs par lesquelles je me laisse envahir, à ces hésitations d’où j’ai besoin d’être tiré de force !

2141. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

Est-ce à dire que l’histoire, en s’interdisant toute visée utilitaire, soit condamnée à n’être qu’un gaspillage de temps et de forces ; que son immense labeur aboutisse à un vain savoir dont l’humanité ne tirera jamais aucun avantage ?

2142. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Préface » pp. -

En ce qui me concerne, je proteste de toutes mes forces contre ce triste reportage… …………………………………………………………………………………………………… … J’ai pour principe que le radotage des sots ne tire pas à conséquence… Et les foudres de cette lettre n’ont pas suffi à l’homme bénin.

2143. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

La force de l’union ; ou la flèche rompue par le plus jeune des enfants de Scilurus ; et le faisceau de flèches résistant à l’effort des aînés réunis.

2144. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

La profession de Quintilien étoit d’enseigner aux hommes l’art d’émouvoir les autres hommes par la force de la parole ; cependant Quintilien met en paralelle le pouvoir de la peinture avec le pouvoir de l’art oratoire.

2145. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Or il est presqu’impossible que le genie du poëte soit assez fertile en beautez, et que le poëte puisse les diversifier encore avec assez de varieté pour nous tenir attentifs, pour ainsi dire, à force d’esprit, durant la lecture d’un poëme épique.

2146. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Nous le souhaitons pour notre compte, et dans l’intérêt même de l’Histoire, à laquelle nous désirons que Méry revienne parce qu’il nous semble organisé pour l’écrire ; — de l’Histoire, cette dernière occupation des grands esprits quand ils ont atteint l’apogée de leurs facultés complètement développées et mûries, cette pourpre impériale de leurs jours de force éprouvée, et que Méry vient, par son livre Sur Constantinople, de commencer à revêtir !

2147. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

L’énergie des forces initiales l’atteint peu. Il est trop question avec lui, au point de vue où il se place, de se croiser les bras et de regarder, — avec lui qui, à l’heure la plus ardente de sa jeunesse, peignant la noble élite dont il faisait partie, écrivait : « L’espérance des nouveaux jours est en eux ; ils en sont les apôtres prédestinés, et c’est dans leurs mains qu’est le salut du monde… Ils ont foi à la vérité et à la vertu, ou plutôt, par une providence conservatrice qu’on appelle aussi la force des choses, ces deux images impérissables de la Divinité, sans lesquelles le monde ne saurait aller longtemps, se sont emparées de leurs cœurs pour revivre par eux et pour rajeunir l’humanité. » Et c’est ici, peut-être, que s’explique un coin de l’énigme que nous nous posions plus haut, au sujet de ces intelligences si supérieures à leur action et à leur œuvre. […] Jouffroy sur les Lettres de Jacopo Ortis, inséré au Courrier Français en 1819, je trouve exprimé à nu, et avec une fermeté de style à la Salluste, ce sentiment d’opposition aux conquêtes et à la force militaire : « Un peuple ne doit tirer l’épée que pour défendre ou conquérir son indépendance.

2148. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Dans un jeune univers, si tu dois y renaître, Puisses-tu retrouver la force et la beauté ! […] Tous ceux sur qui le fort met ses pieds triomphants ; Les faibles sont les siens, sa force les relève ; Il porte dans ses mains la grâce et non le glaive. […] Nous détestons les servitudes militaires, qui font prévaloir par la conquête la force sur le droit ; la gloire corruptrice, qui fait adorer au bas peuple des victoires au lieu de vertus, nous dégoûte : ces grands homicides d’armées qu’on appelle des batailles ne nous paraissent que d’illustres crimes, quand ces batailles ne sont que des jeux de l’ambition.

2149. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

« Ce philosophe astronome s’élève de l’hypothèse des forces motrices de la nature à l’idée d’un grand esprit moteur et régulateur de tout esprit de matière. » Mais, un peu plus tard, lorsque la physiologie ionienne eut pris un nouveau développement, Anaxagore de Clazomène s’éleva de l’hypothèse des forces purement motrices à l’idée d’un esprit distinct de toute espèce de matière, mais intimement mêlé à toutes les molécules homogènes. […] Une immense couche de pur humus manifeste l’action continue des forces organiques.

2150. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Nous pouvons laisser de côté les théories politiques, sociales et philosophiques de George Sand : elles attestent la force de ce grand courant d’idées humanitaires, démocratiques et socialistes qui a traversé la société et la littérature après 1830, et surtout entre 1840 et 1850. […] Tout ce qui est peinture extérieure, description physique, paysage, ne tient guère de place dans les romans de Stendhal : sa profession, c’est d’être « observateur du cœur humain » ; et il est en effet de première force dans l’observation, dans l’imagination psychologique. […] Le réservoir des forces qu’emploie la volonté est dans la sensibilité : la volonté maîtrise et manie l’impulsion, mais, l’impulsion défaillant, la volonté n’a plus où s’exercer.

2151. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Lorsque deux pressions d’influence, dont la force est égale, sont opposées l’une à l’autre, il en résulte un équilibre. […] Mais pour cela, faut-il un État qui n’ait pas un intérêt vital à ne tolérer aucune corporation, aucune collectivité, aucune force organisée, indépendante de lui. […] Il ne sait que garder ses forces pour son œuvre, c’est elle qui l’intéresse, le reste n’est pas son affaire.

2152. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Nous n’ignorons pas que, depuis l’époque à laquelle il écrivit le Vaisseau-Fantôme, Richard Wagner a produit des œuvres plus parfaites, plus conformes dans toutes leurs parties à l’idée qui gouverna sa vie artistique ; mais le Hollandais et Senta sont deux conceptions qui n’ont pas été surpassées, et tout le drame se résume dans ces deux types surnaturels, l’un à force d’ombre, l’autre à force de lumière, et cependant si humains. […] L’éternel désaccord entre l’idéal et la vie, la recherche toujours inassouvie de visées vaguement pressenties mais jamais reconnues, ont précocement mis un terme à la vie de cet artiste qui par une force irrésistible fut poussé à communiquer son idéal à ses contemporains. De son temps il n’y avait pas d’art national allemand, pas de formes poétiques qui répondissent à ses idées hautement artistiques : il n’avait pas en lui-même la force d’en créer : de là cette lutte funeste.

2153. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Autour de tous ceux dont la sincérité ou la force vous humilie, vous resserrez cette fameuse « conspiration du silence » qui vous fait rire si haut et si faux dès qu’on la dénonce au public. […] En réalité, ce qu’il défend, ce sont les corps organisés, académies ou anciens parlements, tous ceux où la liberté du bourgeois trouve un asile et sa tyrannie une force d’oppression, tous ceux que j’appellerai indulgemment les communes morales. […] Il n’avait pas la force qui s’exaspère en révolte ou se raidit en stoïcisme ; les déceptions multipliées le conduisirent à un aimable épicurisme lassé.

2154. (1857) Cours familier de littérature. III « XVe entretien. Épisode » pp. 161-239

C’est à cela que je suis occupé pendant le court loisir que m’ont donné par force la nature et les affaires politiques, d’accord pour me congédier de Paris. […] Je commence à reprendre des forces dans les membres, pas encore assez dans le cœur : cependant vous connaissez ce cœur ; il est élastique, il fléchit, il ne rompt pas. « Le cœur est un muscle », disent les physiologistes. […] Le vent du midi avait redoublé d’haleine à mesure que le soleil était monté sous le ciel ; il avait pris les bouffées et les rafales d’une tempête sèche ; depuis que le soleil avait commencé à redescendre vers le couchant, il avait balayé comme un cristal le firmament ; il faisait rendre aux bois, aux rochers, et même aux herbes, des harmonies qui semblaient mêlées de notes joyeuses et de notes tristes, d’embrassements et d’adieux, de terreur et d’enthousiasme ; il amoncelait en tourbillons les feuilles mortes, et puis il les laissait retomber et dormir en monceaux miroitants au soleil : ce vent avait dans les haleines des caresses, des tiédeurs, des sentiments, des mélancolies et des parfums qui dilataient la poitrine, qui enivraient les oreilles, qui faisaient boire par tous les pores la force, la vie, la jeunesse d’un incorruptible élément.

2155. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

On faisait cas de l’Essai de Voltaire sur la Nature du feu, et de ses Doutes sur la mesure des forces motrices, 1741. […] et généralement que toute cette littérature encyclopédique, — à force d’être philosophique, — ne manque de rien tant que de réalité, de substance et de vie ? […] Il essaie le peu de forces qui lui reste encore contre « l’anglomanie », dont « les progrès effrayants » lui semblent également menacer « la galanterie des Français, leur esprit de société, leur goût pour la toilette », et leur littérature. […] sur la constitution laïque de la société future ; — et sur la force de l’opinion. — Condamnation des Lettres philosophiques [juin 1734]. […] I ; et Nisard, Les Ennemis de Voltaire, Paris, 1853] ; — Zulime, 1740 ; — Doutes sur la mesure des forces motrices, 1741 ; — Mahomet, 1742 ; — Mérope, 1743.

2156. (1896) Le livre des masques

Quel humble que cet Énée que Virgile charge de tout le fardeau d’être l’idée de la force romaine, et quel humble que ce Don Quichotte à qui Cervantès impose l’épouvantable poids d’être à la fois Roland et les quatre fils Aymon, Amadis, Palmerin, Tristan et tous les chevaliers de la Table ronde ! […] La Motte de terre explique cela avec lucidité et avec force, travail d’un écrivain tout à fait maître de ses dons naturels et qui les manie avec aisance et cet air de domination qui dompte facilement les idées. […] Paul Adam L’auteur du Mystère des Foules fait invinciblement songer à Balzac ; il en a la puissance et aussi la force dispersive. Comme Balzac, mais en bien moindre quantité, il écrivit, très jeune, d’exécrables tomes, où nul n’aurait pu prévoir le génie futur d’une intelligence vraiment cyclique ; La Force du mal n’est pas plus en germe dans le Thé chez Miranda que le Père Goriot dans Jane la Pâle ou le Vicaire des Ardennes. […] Et je songe que ce qu’il faut demander aux traducteurs du rêve c’est, non pas de vouloir fixer pour toujours la fugacité d’une pensée ou d’un air, mais de chanter la chanson de l’heure présente avec tant de force candide qu’elle soit la seule que nous entendions, la seule que nous puissions comprendre.

2157. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Je sais que les maîtres les plus sensés déplorent ces abus, avec encore plus de force que nous ne faisons ici ; presque tous désirent passionnément qu’on donne à l’éducation des collèges une autre forme. […] Je sais qu’on fait sonner très haut deux grands avantages en faveur de l’éducation des collèges, la société et l’émulation : mais il me semble qu’il ne serait pas impossible de se les procurer dans l’éducation privée, en liant ensemble quelques enfants à peu près de la même force et du même âge. […] Remarquons d’abord que cette matière est plutôt l’objet d’un ouvrage suivi que d’un dictionnaire ; parce qu’une bonne syntaxe est le résultat d’un certain nombre de principes philosophiques, dont la force dépend en partie de leur ordre et de leur liaison, et qui ne pourraient être que dispersés, ou même quelquefois déplacés, dans un dictionnaire de langue. […] Si on se borne à la force du terme, ce n’est autre chose que bien parler ; mais l’usage a donné à ce mot, dans nos idées, un sens plus noble et plus étendu. Être éloquent, comme je l’ai dit ailleurs, c’est faire passer avec rapidité et imprimer avec force dans l’âme des autres, le sentiment profond dont on est pénétré.

2158. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Les sots l’appellent fou ; la vérité est qu’il est clairvoyant ; car nous avons beau être inertes, la nature est toujours vivante ; ce soleil qui se lève est aussi grand qu’à la première aurore ; ces fleuves qui roulent, ces plantes qui pullulent, ces passions qui frémissent, ces forces qui précipitent le tourbillon tumultueux des êtres, aspirent et combattent du même élan qu’à leur naissance ; le cœur immortel de la nature palpite encore, soulevant son enveloppe brute, et ses battements retentissent dans le cœur du poëte quand ils n’ont plus d’écho chez nous. […] Il te tiendra, quand sa passion aura usé sa force nouvelle, —  pour quelque chose d’un peu mieux que son chien, et qu’il aimera un peu plus que son cheval. […] Ils s’amusent de toutes leurs forces et trouvent qu’ils ne s’amusent guère. […] He will hold thee, when his passion shall have spent its novel force, Something better than his dog, a little dearer than his horse.

2159. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

C’est toujours une religion qui enfante un art ; il n’y a que ces grands mouvements de l’esprit humain qui soient de force à surexciter et à concentrer assez les puissances vitales de l’imagination des hommes pour leur faire produire ces monuments populaires de la poésie, de la musique, de la peinture, de la sculpture, de l’architecture surtout. […] Le génie de Robert y prit ce caractère de grandiose, de force, de sévérité dans le beau qui s’attacha depuis cette époque à son pinceau comme une couleur indélébile. […] Thérésina, plus jeune, aussi belle, mais autrement belle que Maria Grazia, n’avait alors que seize ou dix-sept ans ; c’était la grâce de cette beauté dont sa sœur était la force. […] Les artistes ont bien le pressentiment de leur force, mais ils n’en ont la foi qu’après qu’ils se sont vus dans le miroir ému de leur siècle.

2160. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

D’où nous est venue cette vue si profonde et si lumineuse sur la suite de notre histoire politique, sinon du magnifique spectacle de la France une et homogène, et, comme on l’a dit avec force, devenue une personne ? […] Cet esprit français, résumé pour la première fois, et présenté pour ainsi dire en bloc, va sentir sa force et trouver sa voie. […] Tout au plus peut-on dire qu’il imite agréablement, n’ayant pas la force d’imaginer. […] Combien cette netteté de pensée, cette vivacité de tour, cette force d’expression, combien cette philosophie enjouée et profonde est supérieure à la facilité nonchalante de Charles d’Orléans !

2161. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et c’est sa malédiction de l’amour, c’est la puissance de ce renoncement, qui donne plus tard à la malédiction qu’il attache à l’anneau qu’on lui dérobe la force dramatique et vivante93. — Pour faire voir comment Wagner — sans changer beaucoup le cours apparent de la fable — introduit partout ce conflit entre l’Or et l’Amour, je citerai le cas des Géants. […] Lorsque l’unique endroit où l’idée du maître puisse se manifester périclite, nous irions gaspiller notre argent et nos forces dans des entreprises qui sont la négation de l’œuvre de sa vie ? […] Qu’on n’attende de moi ni chant de victoire, ni lamentation de défaite ; une simple constatation est de mise : à force d’être nié, conspué, honni, l’art de Wagner en arrive à être admis de tout le monde ; vous entendez bien : de tout le monde. […] Quant au wagnérisme de nos Wagnériens, j’imagine qu’il est sincère et intelligent ; qu’il ne leur vient point du désir d’être à la mode, mais de l’impérieux appel de leurs âmes d’artistes : j’imagine encore qu’il les porte à voir en Wagner autre chose qu’un harmoniste très habile, un César Franck allemand, sans pareil pour les tours de force : autre chose aussi qu’un auteur de mélodies sensuelles à la façon de Schumann ou de M. 

2162. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Toute la plèbe autour, comme à un spectacle, se repaissant de cette tuerie, sans une révolte d’entrailles contre ce lâche égorgement de la faiblesse par la force. […] Sainte-Beuve reproche à Taine d’avoir soumis son Histoire de la littérature anglaise à l’examen d’ennemis, d’inférieurs, enchantés de le faire passer sous leur férule et de l’admonester… Et la parole des uns et des autres de monter… et Taine de déclarer que les quatre grands grands hommes, sont : Shakespeare, Dante, Michel-Ange, Beethoven, qu’il dénomme « les quatre cariatides de l’humanité ». — Mais tout cela c’est de la force, et la grâce ? […] Savez-vous si la tristesse anémique de ce siècle-ci ne vient pas de l’excès de son action, de son prodigieux effort, de son travail furieux, de ses forces cérébrales tendues à se rompre, — de la débauche de sa production et de sa pensée dans tous les ordres ?  […] Il est là, au milieu de tous les accessoires de sa vie, entre ses baromètres et ses Fragonard, souffrant, malade, asthmatique, sur le bord de la mort, et retrouvant un peu de force et un souffle de voix, pour aller aux tableaux où il nous mène, et les saluer d’un avant-dernier adieu d’admiration.

2163. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

Avec un courage héroïque, qu’aucune pitié pour les vaincus, qu’aucun sentiment pour la justice de leur cause n’ébranlèrent, Victor Hugo, digne fils du Brutus Hugo de 1793, vota avec la majorité, maîtresse de la force. […] Il ne remarque pas qu’il grandit cet individu, au lieu de le rapetisser, en lui attribuant une force d’initiative propre, telle qu’elle serait sans exemple dans l’histoire du monde. » Mais en magnifiant, sans s’en douter, Napoléon le Petit en Napoléon le Grand, en empilant sur sa tête les crimes de la classe bourgeoise, Hugo disculpe les républicains bourgeois qui préparèrent l’empire et innocente les institutions sociales qui créent l´antagonisme des classes, fomentent la guerre civile, nécessitent les coups de force contre les socialistes et permettent les coups d’État contre la bourgeoisie parlementaire. […] — Ce qui reste d’Homère après avoir passé par Bitaubé ». — La vérité de l’observation et la force et l’originalité de la pensée, sont choses secondaires, qui ne comptent pas. — « La forme est chose plus absolue qu’on ne pense… Tout art qui veut vivre doit commencer par bien se poser à lui-même les questions de forme de langage et de style… Le style est la clef de l’avenir… Sans le style vous pouvez avoir le succès du moment, l’applaudissement, le bruit, la fanfare, les couronnes, l’acclamation enivrée des multitudes, vous n’aurez pas le vrai triomphe, la vraie gloire, la vraie conquête, le vrai laurier, comme dit Cicéron : insignia victoriæ, non victoriam 27. » Victor Cousin, le romantique de la philosophie, et Victor Hugo, le philosophe du romantisme, servirent à la bourgeoisie l’espèce de philosophie et de littérature qu’elle demandait.

2164. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Cependant la plupart des raisons qui m’ont convaincu que toutes les espèces d’un même groupe descendent d’un progéniteur commun s’appliquent avec une égale force aux espèces les plus anciennes. […] Nos continents semblent bien avoir été produits par une force de soulèvement prépondérante à travers de fréquentes oscillations ; mais les aires où cette même force s’exerce avec prépondérance ne peuvent-elles avoir changé dans le cours des âges ? […] Lyell, Murchison, Sedgwick, etc., ont unanimement, et parfois avec force, soutenu le principe de l’immutabilité des espèces.

2165. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Mais, dès qu’on désire se représenter le nombre, et non plus seulement des chiffres ou des mots, force est bien de revenir à une image étendue. […] Et la raison en est que, pour obtenir un nombre, force est bien de fixer son attention, tour à tour, sur chacune des unités qui le composent. […] Force est donc bien d’admettre qu’il y a ici une synthèse pour ainsi dire qualitative, une organisation graduelle de nos sensations successives les unes avec les autres, une unité analogue à celle d’une phrase mélodique. […] Mais le caractère symbolique de cette représentation devient de plus en plus frappant à mesure que nous pénétrons davantage dans les profondeurs de la conscience : le moi intérieur, celui qui sent et se passionne, celui qui délibère et se décide, est une force dont les états et modifications se pénètrent intimement, et subissent une altération profonde dès qu’on les sépare les uns des autres pour les dérouler dans l’espace.

2166. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Non, mes frères, s’écrie hardiment Massillon, ce ne sont pas ici des incrédules, ce sont des hommes lâches qui n’ont pas la force de prendre un parti ; qui ne savent que vivre voluptueusement, sans règle, sans morale, souvent sans bienséance, et qui, sans être impies, vivent pourtant sans religion, parce que la religion demande de la suite, de la raison, de l’élévation, de la fermeté, de grands sentiments, et qu’ils en sont incapables. […] » Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ».

2167. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

À part ce double contresens général, il se dit bien de bonnes choses, et justes : La Motte, à force d’esprit et de sagacité, devina quelques-unes des objections que plus tard l’érudition de Wolf appuiera et vérifiera. […] La Motte, à la tête de ceux-ci, vivement attaqué par Mme Dacier, avait répondu poliment, mais avec force.

2168. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Quand tout bas elle soupire, N’en soyez pas interdit : Écoutez ce qu’on veut dire, Et non pas ce que l’on dit… Il y a ainsi de Maucroix en sa jeunesse quantité de couplets, épigrammes, madrigaux, épîtres familières, desquels il aurait pu dire comme Pline le Jeune envoyant à un ami ses hendécasyllabes : « Ce sont de petits vers dans lesquels tour à tour je raille, je badine, je suis amoureux, je me plains, je soupire, je me fâche. » Il aurait eu grand besoin, comme Pline, de demander pardon des légèretés et des endroits libres, en se couvrant des illustres exemples d’hommes réputés graves dont les mœurs, dit-on, valaient mieux que les paroles ; mais il n’aurait pu ajouter, comme le docte et ingénieux Romain, qu’il avait été, dans sa manière, tantôt plus serré, tantôt plus élevé et plus étendu (modo pressius, modo elatius) : Maucroix n’est jamais ni resserré ni élevé ; il a du naturel et une certaine douceur de rêverie, il n’a pas de force ni de travail. […] Ce dernier vers est plus philosophique, ce semble, qu’il n’appartient à Maucroix ; il lui est venu plutôt ici par imitation de l’Antiquité, et il n’y mettait pas, on peut le croire, la force de sens et toute l’intention épicurienne qu’y aurait données Chaulieu.

2169. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Vous, monsieur, n’avez pas moins de sentiment, mais plus de force à le cacher. […] … » Mais c’est la réponse de l’Amiral qui est belle de tristesse, de prévoyance et de prophétie ; tout un abrégé de sa destinée tragique s’y dessine ; il répond : « Puisque je n’ai rien profité par mes raisonnements de ce soir sur la vanité des émeutes populaires, la douteuse entrée dans un parti non formé, les difficiles commencements (et il revient ici à l’énumération des obstacles)… ; — puisque tant de forces du côté des ennemis, tant de faiblesse du nôtre ne vous peuvent arrêter, mettez la main sur votre sein, sondez à bon escient votre constance, si elle pourra digérer les déroutes générales, les opprobres de vos ennemis et ceux de vos partisans, les reproches que font ordinairement les peuples quand ils jugent les causes par les mauvais succès, les trahisons des vôtres, la fuite, l’exil en pays étrange… ; votre honte, votre nudité, votre faim, et qui est plus dur, celle de vos enfants.

2170. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il me semble que le caractère de Bailly se dessine ici sous sa propre plume : hâtons-nous d’ajouter que cet homme si sensible, si touché, si peu au fait, ce semble, des mille circonstances compliquées et confuses de la société de son époque, et qui manque certainement de génie et de coup d’œil politique, ne manquera nullement de fermeté et de force de résistance dès que le devoir et la conscience lui parleront. […] Il y a plus, Bailly, président d’assemblée, ou administrateur et maire, trouve selon les circonstances une force d’action inaccoutumée et dont il s’étonne lui-même : « Au reste, je suis toujours fort quand il y a une loi », nous dit-il.

2171. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Après avoir pourvu aux premiers soins du commandement et s’être assuré de ses forces, vers le commencement de mars 1544, M. d’Enghien dépêcha Montluc au roi François Ier pour l’informer de l’état des choses, de l’armée considérable que levaient les impériaux sous les ordres du marquis du Guast, et pour demander quelques renforts en même temps que la permission de livrer bataille. […] Montluc, comme parlant à un roi soldat, se met donc tout d’abord à énumérer les forces de l’armée de Piémont et à nombrer les corps qui la composent ; il commence, comme de juste, par les Gascons : Sire, nous sommes de cinq à six mille Gascons… Car vous savez que jamais les compagnies ne sont du tout complètes, aussi tout ne se peut jamais trouver à la bataille ; mais j’estime que nous serons cinq mille cinq cents ou six cents Gascons comptés, et de ceux-là je vous en réponds sur mon honneur ; tous, capitaines et soldats, vous baillerons nos noms et les lieux d’où nous sommes, et vous obligerons nos têtes que tous combattrons le jour de la bataille, s’il vous plaît de l’accorder, et nous donner congé de combattre.

2172. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Les lettres à Mme de Grammont, qui se succèdent fréquemment en ces années, sont moins d’amour que d’affaires ; elles se terminent par quelques galanteries empressées et courtes : « Je fais anhuy (aujourd’hui) force dépêches. […] Mme de Grammont ne jette que de rapides diversions et n’obtient que de charmants éclairs à travers ces préoccupations nombreuses : « Je suis sur le point de vous recouvrer un cheval qui va l’entrepas, le plus beau que vous vîtes et le meilleur, force panache d’aigrette.

2173. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Ce ne sont chez lui que plaisanteries de société et de coterie, tours de force subtils dont on ne sait d’abord que dire quand on le lit aujourd’hui, et qu’on n’est pas très sûr d’entendre à moins d’être initié. […] Vous jugerez que je dis ceci avec beaucoup de connaissance, si vous vous souvenez de l’entretien que j’eus l’honneur d’avoir avec vous dans cette prairie de Chirac où, m’ayant ouvert votre cœur, je vis tant de résolution, de force et de générosité, que vous achevâtes de gagner le mien.

2174. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Pour nous, qui nous contentons de sentir sa force, son mérite, mérite toujours contrarié et traversé de certaines ombres, il nous attire surtout à titre d’écrivain, et nous voudrions par ce côté nous en rendre compte à nous-même en présence de nos lecteurs, sans rien ajouter à l’idée, fort élevée d’ailleurs, qu’on se doit faire de lui, et sans rien exagérer. […] Au lieu d’une route désormais tout ouverte pour lui de grand capitaine en plein soleil, de généreux et féal Français, sous un grand homme dont il aurait été le lieutenant illustre et le second, il va se trouver engagé par la force des choses dans une vie de faction, de lutte en tous sens, de dispute pied à pied et de chicane avec les siens et les orateurs envieux de son parti, de rébellion en face des armées et de la personne même de son roi, d’alliance continuelle avec l’étranger ; il va former et consumer ses facultés d’habile politique et d’habile guerrier dans des manœuvres où l’intérêt et l’ambition personnelle font, avec les noms sans cesse invoqués de Dieu et de conscience, le plus équivoque mélange, tellement que celui même qui s’y est livré si assidûment serait bien embarrassé peut-être à les démêler.

2175. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Frédéric était un grand homme, de ceux en qui réside et se personnifie la force et la destinée d’une nation ; le prince Henri, tel qu’il ressort à nos yeux de la correspondance qu’on vient de publier et des divers témoignagnes, me paraît un prince raisonneur, réfléchi, méthodique, quelquefois jusqu’au bizarre et au minutieux, ombrageux, susceptible, capable d’envie, fastueux, aimant la montre, ne haïssant pas d’être trompé, ayant une forte teinte de la sensibilité et de la philanthropie de son siècle ; avec cela de la justesse par places, de la mesure habile, de la combinaison, de l’adresse, des parties ingénieuses ; mais grand homme, c’est beaucoup dire : il n’est grand en rien, il n’a rien d’héroïque ; c’est un esprit distingué et un guerrier de mérite. […] Nombre de lettres de Frédéric adressées à son frère, à la veille ou au lendemain des batailles acharnées où il risque tout et où, tantôt battu, tantôt battant, sa personne est continuellement enjeu, lettres toutes remplies de recommandations nettes et précises, attestent sa simplicité, sa force d’âme et son souci patriotique de l’État, il met certainement le plus haut prix aux services que le prince Henri ne cesse de rendre, en ces cruelles années, par ses soins et ses bonnes dispositions autant que par sa valeur : « L’Europe, lui dit-il (mai 1759), apprendra à vous connaître non seulement comme un prince aimable, mais encore comme un homme qui sait conduire la guerre et qui doit se faire respecter.

2176. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Soyez un homme pur, moral, régulier, adonné dès vos jeunes ans à tous les justes devoirs, à toutes les bonnes et louables habitudes, à tous les nobles exercices qui entretiennent et qui préservent la santé de l’esprit, et vous êtes frappé dans la force de la jeunesse ; vous l’êtes comme ne l’est pas toujours celui qui s’est livré à tous les excès, qui a usé et abusé de tout ! […] En un mot, professeur autant qu’écrivain, non seulement il n’aspirait pas à sortir de l’Université, mais il avait besoin d’en être, de s’y rattacher jusque dans ses succès extérieurs, de se retremper au sein de l’Alma parens en Benjamin fidèle et reconnaissant ; il y puisait sa force et sa joie, et quand, par un malentendu fâcheux, il s’en vit tout à coup retranché un jour, une partie de sa sève lui manqua : il défaillit.

2177. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

L’abbé Fouquet était un intrigant osé et de première force qui avait en lui du Vitrolles et du Fouché. […] Mais il en sortit et il surnagea, au milieu de ce flot de passions, j’allais dire de ce fleuve de sang, une plus grande connaissance des garanties, des forces et puissances sociales, et une idée, malgré tout persistante, d’espérance et de progrès pour l’espèce.

2178. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

il vous faut à toute force le devenir. […] Je le vois encore tel qu’il était à cette date et à cette époque fortunée, dans toute la force et la superbe de la seconde jeunesse, dans toute l’ampleur et l’opulence de la virilité ; aspirant la vie à pleins poumons, à pleine poitrine ; ayant sa mise à lui, et, sur cette large poitrine dilatée, étalant pour gilet je ne sais quelle étoffe couleur de pourpre, une cuirasse pittoresque, de même que Balzac avait eu dans un temps sa canne à la pomme merveilleuse.

2179. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Il est juste que nous soyons aussi au premier rang dans les, combats, afin que chacun des nôtres dise, en nous voyant : S’ils font la meilleure chère et boivent le vin le plus doux, ils ont aussi l’énergie et la force quand ils combattent à notre tête. » — Et il ajoute, dans un sentiment bien conforme à l’héroïsme naïf de ces premiers temps, avant l’invention du point d’honneur chevaleresque : « Ô mon cher, si nous devions, en évitant le combat, vivre toujours jeunes et immortels, ni moi-même je ne combattrais au premier rang, ni je ne t’engagerais, toi aussi, à entrer dans la mêlée glorieuse ; mais maintenant, puisque mille chances de mort sont suspendues sur nos têtes, sans qu’il soit donné à un mortel ni de les fuir ni de les éviter, allons, soit que nous devions fournir à d’autres le triomphe, soit qu’ils nous le donnent !  […] Puis, après une pause sérieuse de quelques minutes, il se fit lire le Traité qu’il écouta d’un bouta l’autre avec uns grande attention, et il reprit assez de force pour avoir la satisfaction suprême de donner « l’approbation d’un homme d’État mourant (ce furent ses propres paroles) à la plus glorieuse guerre et à la plus honorable paix que la nation eût jamais vue. » Et c’est ainsi que se révèle dans un noble exemple le commerce familier que l’aristocratie anglaise au dernier siècle n’avait cessé d’entretenir avec l’Antiquité grecque, et aussi la générosité vivifiante de sentiments et de pensées dont Homère est la source.

2180. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Nous nous ressentons déjà d’un despotisme qui n’agit que selon ses convenances, sans principes et avec force. […] On a remarqué que les oraisons funèbres prononcées en France sur cette princesse, sans excepter celle de l’abbé de Boismont, ont été au-dessous du médiocre ; mais la grande et véritable oraison funèbre, la haute portraiture héroïque, c’est Frédéric qui l’a tracée, lorsque, dans son Histoire de la guerre de Sept Ans, il a représenté cette jeune souveraine, au lendemain de la perte de la Silésie, outrée et cherchant à se venger, s’appliquant à relever les forces et l’ascendant de son empire.

2181. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Mais, du moment qu’on n’avait plus affaire au simple amant d’Elvire, et qu’on était décidément en face d’un poëte, force était d’aller au delà, de recommencer avec lui la vie et les chants : on eut peine à s’y résigner d’abord, et même, pour bien des cœurs épris de l’amant et qui bientôt se crurent dupés par le poëte, l’idéal, dès ce moment, fut rompu. […] Combien le cabinet que nous ouvre à deux battants M. de Lamartine, et dans lequel il nous force, pour ainsi dire, de pénétrer, est différent !

2182. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Ce n’est pas la force de la cabale de Perrault qui l’a accablé. […] Ericeyra, Luzan, Dryden, Pope, Gottsched, Lessing même, ce ne seront par toute l’Europe que dresseurs de théories qui définiront la littérature avant de la faire, et qui puiseront dans l’exemple de Boileau la force ou l’audace de s’ériger en directeurs de l’esprit national : et cet exemple sera pour quelque chose dans le succès que plusieurs atteindront.

2183. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Il n’a pas confiance dans la raison : il croit qu’elle n’est pas de force à régler la pratique. […] La tentation est grande d’entasser volume sur volume, de délayer, de répéter ; il faudra beaucoup de force d’âme pour mûrir pendant dix ans un petit livre.

2184. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Dans les plus mémorables journées des luttes parlementaires, elle fait sentir sa domination : elle force les convictions qui résistent, elle fait reculer les haines qui menacent, elle donne même parfois d’éclatants triomphes à ceux qui étaient montés à la tribune suspects, accusés et déjà plus qu’à demi proscrits. […] Il est de ceux qui savent voir les faits, et les présentent : s’il raisonne souvent sur la théorie et les principes, c’est la nécessité du temps qui l’y force ; l’assemblée travaille, et il travaille avec elle à établir une constitution en France.

2185. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

On sent trop que, dans la pensée même de l’auteur, ce sont surtout des « morceaux » difficiles, des tours de force de poésie lyrico-scientifique. […] Il est le seul qui, depuis Lamartine et Hugo, ait composé des odes dignes de ce nom et qui n’ait pas perdu haleine avant la fin ; et en même temps ce rhétoricien a su écrire de merveilleuses chansons assonancées et qui ressemblent, à force d’art, à des chansons populaires.

2186. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

On a voulu aussi en dissimuler la force et la nécessité. […] Les « autres » étant trop faibles, on détourne à leur profit une partie des forces du « moi ».

2187. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Leurs molécules suivent des trajectoires rigides, dont elles ne s’écartent que sous l’influence de forces qui varient avec la distance suivant une loi parfaitement déterminée. […] Dans le système de Ptolémée, les mouvements des corps célestes ne peuvent s’expliquer par l’action de forces centrales, la Mécanique Céleste est impossible.

2188. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Et le vomissement impur de la bêtise Me force à me boucher le nez devant l’azur. […] Il fallait qu’il y eût la force et l’attraction irrésistible d’une vérité.

2189. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Point de bravade chez lui, point de fausse gloire ni de chevalerie prolongée : « C’est grand honneur de craindre ce que l’on doit, dit-il, et d’y bien pourvoir. » Il est plein de ces maximes-là, qui mènent au juste-milieu, comme nous l’entendons, et au gouvernement de la société sans choc, moyennant un sage équilibre des forces et des intérêts. […] Il s’enquiert de ceux qui l’ont retenu par force dans le premier moment, et les chasse tous de sa maison, moins par colère réelle que par feinte, et pour servir d’exemple à ceux qui seraient tentés dans la suite d’user de sa faiblesse pour empiéter en quoi que ce soit : « Car il étoit maître, dit Commynes, avec lequel il falloit charrier droit. » Avant même d’avoir retrouvé toute sa tête, il fait semblant de comprendre les dépêches qu’on lui apporte et qu’on lui lit ; il les prend en main, et fait mine de les lire à son tour, bien qu’il soit encore hors d’état d’y rien voir : c’est le roi qui se réveille en lui avant l’homme.

2190. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Saint-Simon, qui conteste la noblesse de tout le monde, a contesté celle de Chaulieu : il l’a qualifié « homme de fort peu, mais de beaucoup d’esprit, de quelques lettres, et de force audace ». […] Chaulieu ne quitta presque pas un jour, dans ses dernières années, le prince qu’il appelait son bienfaiteur et son ami, et avec qui il vivait depuis quarante ans dans le sein de la confiance et de l’intimité : « Ces sortes de mariages de bienséance, sans être un sacrement, disait-il, ont la même force que les autres, et se peuvent quasi aussi peu dissoudre. » Dans l’assertion grave de Saint-Simon, il faut faire la part de l’aversion bien connue du noble écrivain pour les gens de peu, redoublée de celle qu’il avait pour les poètes et rimeurs.

2191. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Cette diversité de fonctions et d’études était la force et l’honneur des Romains. […] De même, il est tenté d’attribuer à une certaine force infuse dans la nature, à une sorte d’ivresse divine qui la possède par moments, les irrégularités, les productions bizarres, les merveilles capricieuses qu’il ne saurait rapporter à des lois.

2192. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Je renvoie, pour l’entier détail et pour les accessoires de l’admirable scène, à Saint-Simon, qui, en cet endroit, est notre Tacite, le Tacite d’un roi non cruel, mais qui le fut ce jour-là à force d’égoïsme et de personnalité. […] Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d’autres avec Bossuet nommeront Providence), qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d’un coup l’appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce, juste au moment où elle promettait de mieux aller.

2193. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Marguerite témoigne désirer que, puisqu’elle doit être interrogée, ce soit de personnes plus privées et plus familières, son courage n’allant pas jusqu’à pouvoir supporter si publiquement une telle diminution : « Et craindrais que mes larmes, dit-elle, ne fissent juger à ces cardinaux quelque force ou quelque contrainte, qui nuirait à l’effet que le roi désire. » (21 octobre 1599.) […] Elle faisait force aumônes et libéralités, et ne payait pas ses dettes.

2194. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Grand, bien fait et d’une belle taille s’il s’était mieux tenu, avec une figure à longs traits expressifs et fortement marqués, laquelle exprimait la bonhomie, et qui aux clairvoyants eût permis, par éclairs, de deviner de la force ou de la grandeur, il se laissa aller, durant cette première partie de sa vie en province, au hasard des compagnies et des camaraderies qu’il rencontrait. […] Les Fables de La Fontaine, dans leur ensemble, parurent successivement en trois recueils : le premier recueil contenant les six premiers livres fut publié en 1668 ; le second recueil contenant les cinq livres suivants jusqu’au onzième inclusivement fut publié en 1678 ; le douzième et dernier livre, qu’on a appelé le chant du cygne, et où tout n’est pas d’égale force, fut composé presque en entier à l’intention du jeune duc de Bourgogne et ne fut recueilli qu’en 1694.

2195. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

À force d’être éternel, vous passez. […] Le génie est intolérant sans le savoir à force d’être lui-même.

2196. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Le propre du génie est de se posséder lui-même, et non d’être entraîné par une force aveugle et fatale, de gouverner ses idées, et non d’être subjugué par des images, d’avoir la conscience nette et distincte de ce qu’il veut et de ce qu’il voit, et non de se perdre dans une extase vide et absurde, semblable à celle des fakirs de l’Inde. […] Plus on vanterait l’originalité de ses idées et la force de ses conceptions, plus on paraîtrait vouloir le ranger au nombre de ces malades que l’histoire admire.

2197. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Si l’on excepte la vénalité des charges, qu’un reste de préjugé domestique l’a conduit à ménager, et qui d’ailleurs était elle-même une sorte de garantie contre l’aristocratie14, quel est l’abus que Montesquieu n’ait pas attaqué avec autant de force qu’aucun philosophe de son temps ? […] Notre siècle n’a qu’une foi, la foi à la Révolution, c’est-à-dire au xviiie  siècle ; ne la lui enlevez pas, vous lui ôteriez sa force et sa grandeur.

2198. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Toute la force de son enseignement et de son exemple a été perdue pour eux. […] Certes il y a de la tristesse aussi dans ce visage âpre et brusque, mais il y a de la force avant tout, et de la vie !

2199. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Benedetto Croce s’est élevé avec force, à plusieurs reprises, contre la vieille école qui croit à la réalité des genres littéraires. […] Le lyrisme est avant tout la jeunesse exubérante du sentiment, un débordement de forces sans but précis, un élan de foi ; ses objets principaux : Dieu, l’amour, la nature.

2200. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

Jusque-là on tenait fort mal les registres d’écrou ; on appréhendait et on enfermait dans les maisons de force ; sans indiquer la cause de ces atteintes à la liberté individuelle. […] mais qu’il s’est formée et que sa force consacre. […] Fort heureusement, Bataille ne s’illusionnait pas sur la valeur de ce premier essai : il savait trop quelle force latente il y avait en lui, pour croire qu’il avait créé un chef-d’œuvre. […] Buet qui a prouvé sa force en s’acquittant d’autres besognes : elle incombe tout entière aux idées dont il s’est fâcheusement inspiré. […] je n’ai plus la force !

2201. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il jouit de sa force et de son endurance. […] C’est sa force et aussi sa limite. […] Mais d’aucune âme elle ne s’empara avec la même force que de l’âme de Shelley. […] Rien ne nous prouve mieux la force du rêve sur l’action. […] Ce n’est pas par raison, ce n’est pas même par devoir qu’à bout de forces il consent à l’éternelle séparation.

2202. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Les Provinciales réclament de l’homme un effort qui n’est pas peut-être au-dessus de ses forces, mais, à vrai dire, dont la continuité s’accommode mal de ce que j’appellerai la dispersion de la vie. […] Émile Krantz, dans un remarquable Essai sur l’esthétique de Descartes, l’ont soutenu, enseigné, démontré tour à tour, chacun d’eux enchérissant sur son prédécesseur, et le dernier réussissant même, par une espèce de tour de force, à faire sortir des leçons de Descartes la poétique de Boileau, les romans de Mme de la Fayette, et la tragédie de Racine. […] Descartes lui-même n’a exposé nulle part, avec plus de force et de précision, l’idée du progrès, ni nulle part affirmé plus énergiquement les droits de la raison et de la vérité. […] Je n’ai pas corrigé, comme Socrate, par la force de la raison, mes complexions et n’ai aucunement troublé par art mon inclination. […] La république est une dépouille, et sa force n’est plus pue le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous. » Ce n’est pas ici le lieu de rechercher dans ce tableau ce qu’il pourrait y voir d’applicable à des temps et des hommes pour lesquels Montesquieu ne l’avait pas tracé.

2203. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

Si l’on m’avait dit, avant de me l’avoir montré, qu’il était possible de faire tenir un dictionnaire, doublé même d’un extrait de grammaire, entre les feuillets d’un sous-main, je ne l’aurais pas cru ; mais il n’y a plus de tour de force, petit ou grand, qui puisse étonner en notre âge industrieux.

2204. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Mais la pièce intitulée Les Larmes n’a pu se déguiser, et elles ont jailli plus vite que la pensée, par une force involontaire : Les larmes Si vous donnez le calme après tant de secousses, Si vous couvrez d’oubli tant de maux dérobés, Si vous lavez ma plaie et si vous êtes douces,     Ô mes larmes, tombez !

2205. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires du marquis d’Argenson, ministre sous Louis XV »

Cette bêtise-là est de la même force que celle de Turgot ou de Franklin ; seulement elle est venue trente ans plus tôt.

2206. (1874) Premiers lundis. Tome I « Dumouriez et la Révolution française, par M. Ledieu. »

L’habile et flexible Dumouriez, l’agent de la diplomatie occulte sous Louis XV, le courtisan rompu aux mystères de la vieille monarchie, le républicain au demi-sourire, y prend par degrés la physionomie austère du citoyen le plus dévoué et du sujet le plus loyal ; à force d’abstractions, il est devenu le type épuré du royalisme constitutionnel ; ou, si l’on aime mieux, du constitutionnel royaliste.

2207. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Les luttes de la civilisation avec la nature, surtout celles du droit et de la liberté contre l’oppression et la force, sont venues jeter sur ces tableaux de jeunesse des teintes non moins variées que vives.

2208. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Scribe y songe : la haute muse comique, qui à la vue des excès du vaudeville est blessée au cœur et nous boude avec raison, a tendu la main à l’auteur de la Camaraderie, et le protégerait de préférence à beaucoup d’autres, si, au lieu d’éparpiller ses forces, il s’appliquait à les réunir ; s’il livrait plus souvent de véritables combats, au lieu d’escarmouches sans fin ; s’il donnait à son observation plus d’étendue et de profondeur, et s’il ne dédaignait pas aussi ouvertement cette puissance ombrageuse qui ne se laisse captiver que par de continuels sacrifices, mais qui seule aussi peut faire vivre l’écrivain : c’est du style que je veux parler.

2209. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

elle tourbillonne autour de lui avec une rapidité si vertigineuse — et si aisée ; il la soutient, il la guide, dans un caprice de pas sans cesse rompus et entre-croisés, avec une si impeccable sûreté ; l’harmonie de leurs mouvements est si parfaite que, si vous espérez jamais voir une grâce plus précise unie à une force plus souple … inutile de chercher, vous ne trouverez pas.

2210. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Malaise moral. » pp. 176-183

Elle amoindrit la confiance en soi, la « joie de vivre », même la vertu, dans une plus grande proportion qu’elle ne diminue les forces.

2211. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

On s’étonne alors que l’ironie, cette grimace, s’encadre dans l’éloquence, cette force souveraine.

2212. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

S’il en faut croire une fable antique, Jupiter en son Olympe disait un jour aux autres Immortels : « Suspendez-vous tous à cette corde ; tirez de toutes vos forces.

2213. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Elle fut plusieurs jours à n’avoir pas la force de s’habiller. » Cette bouderie réussit mieux que la parure affectée et la gaîté feinte.

2214. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Ce n’est pas qu’on ne trouve dans ses Ouvrages des étincelles de lumieres, des maximes fortes, des traits hardis, des morceaux pleins de force & de vigueur ; mais ces découvertes ne se font que par intervalles, & souvent les intervalles sont très-longs.

2215. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

Cette pénétration, d’ailleurs réciproque106, est beaucoup moins profonde qu’on ne le croit et notre langue garde, au-delà des mers, avec sa force d’expansion, sa vitalité créatrice et un pouvoir remarquable d’assimilation.

2216. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Puissent le temps et la force ne pas lui manquer pour achever son œuvre.

2217. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

Le libèle étoit d’une force si terrible, qu’on n’en avoit pas encore vu de pareil.

2218. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

L’imitation la plus parfaite n’a qu’un être artificiel, elle n’a qu’une vie empruntée, au lieu que la force et l’activité de la nature se trouve dans l’objet imité.

2219. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

 » A ces tissus, il impose une forme et prescrit une œuvre ; par suite, sur chaque organe, il applique du dehors et d’en haut ses ligatures, ses appareils mécaniques de direction et de compression, de beaux cadres systématiques et rigides ; tous ces cadres prohibitifs et préventifs, il les maintient en place ; partant, sous prétexte de conduire le travail organique, il le dévie ou l’enraye ; à force d’ingérence, de refoulements et de tiraillements, il parvient à fabriquer des organes artificiels et médiocres qui tiennent la place des bons et empêchent les bons de repousser.‌

2220. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Lorsque deux ou plusieurs éléments sont mis en présence l’un de l’autre, il ne suffit pas (la science elle-même nous l’enseigne) qu’ils aient l’un pour l’autre des affinités électives, et il faut qu’une force nouvelle intervienne du dehors pour opérer ou achever le mystère de leur combinaison. […] C’est ainsi que l’enfance du talent ou du génie s’agite confusément, se disperse en apparence ou même se dissipe, mais une force intérieure ne le dirige pas moins, de traverse en traverse, à son but ; et son originalité s’enrichit de la contrariété même de ses expériences. […] Graux : « la traduction d’Amyot possède une véritable valeur philologique ». — Que ce point est d’ailleurs ici secondaire ; — et que ce qui nous importe, c’est la forme du Plutarque d’Amyot. — Naïveté, naturel, grâce et force de la traduction d’Amyot. — Comparaison de quelques endroits d’Amyot avec les endroits correspondants de Rabelais [dans son Pantagruel, III, chap.  […] Si elle n’a pas réussi davantage, c’est qu’elle a commis trois erreurs capitales : — 1º Elle s’est trompée sur le choix des modèles, qu’elle a toujours confondus, pourvu qu’ils fussent anciens, dans la même admiration ; — 2º Elle s’est trompée sur les conditions des genres, qu’elle a cru que l’on pouvait créer à volonté, sans égard au temps, aux lieux, aux lois de l’esprit humain. — Théorie de l’Épopée, considérée comme expression d’un conflit de races ; — Théorie du Lyrisme, considéré comme expression de la personnalité du poète ; — Théorie du Drame, considéré comme une rencontre de la force des choses et de la volonté humaine. — Enfin, et 3º, la Pléiade s’est trompée sur ses forces réelles, en ne connaissant pas assez ce qui lui manquait du côté de l’expérience de la vie et de l’observation de l’homme. […] — De ce qu’il a plu à Boileau de le tirer de l’ombre ; — de ce qu’il est Gaulois ; — et de ce qu’en un certain sens, par la force de quelques-uns de ses vers, il fait un des anneaux entre Rabelais, par exemple, et Molière.

2221. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Et c’est à force d’y songer qu’elle en a douté. […] Elle lui cherche des querelles absurdes et tout de suite après lui saute au cou et l’embrasse violemment… Enfin la force lui manque : elle rentre chez son mari parce qu’elle n’a pas la force d’etre pauvre. […] Pour le plaisir, et parce qu’il sent en lui une force invincible qui le pousse. […] Les erreurs que commettent les grands écrivains dans la force de l’âge et du talent sont parfois séduisantes et sont toujours instructives. […] Mais la vraie chance de Françoise et sa vraie force, c’est son amour.

2222. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Celle-ci est surtout illustre pour avoir échangé force énigmes avec l’abbé Cotin. […] Mais l’indication est juste, et, pour peu que l’on affaiblisse la force des mots, la thèse est vraie. […] C’est qu’il sait bien que toute la force de sa preuve est ailleurs que dans l’impuissance actuelle où sont les hommes d’un siècle de décider une question pendante. […] Plus de force, et moins de délicatesse, moins de distinction, mais plus de nerf. […] Ce sont des hommes dans la force de l’âge, et par conséquent dans la maturité de l’orgueil : le peintre les a placés aux deux extrémités de la toile.

2223. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

A force de publier qu’il est l’égal de Sophocle, il le fait admettre par son auditoire subjugué. […] A force de converser avec eux, il s’était imprégné de leur substance ». […] C’était l’époque où l’impitoyable explorateur arrachait de force le sédentaire Emin Pacha aux délices de Khartoum. […] A force de parler littérature, on finissait par croire que la poésie était une sorte d’état social qui en valait bien un autre. […] A force de les ruminer dans sa tête, il finissait par les apprendre par cœur.

2224. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

Thiers : le courant des idées est si changé en France, et les esprits sont tellement tournés à une admiration presque sans réserve pour la force et pour l’organisation, qu’on remarque à peine la sévérité que montre l’historien contre la résistance politique du Tribunat.

2225. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

La religion de René, qui n’est que dans l’imagination et qui ne régénère pas le cœur, ressemble fort aussi à celle qui a régné dans le premier tiers de ce siècle ; on en était aux regrets du passé et à ne plus le maudire ; on n’avait plus pourtant la force ou la faiblesse de croire, on aspirait à un avenir incertain dont on ne se formait pas l’idée, et l’on se berçait ainsi, avec soupirs et gémissements, sur un nuage de sentiments contradictoires qui ne donnaient aucun fonds à la vie, aucun point d’appui à l’action.

2226. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

L’artiste au contraire qui estime chacun des faits constatés non point en fonction d’un diagnostic inutile13, mais pour sa beauté plastique, sa force expressive et l’intensité d’émotion qu’il peut en retirer, sera moins accueillant.

2227. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Et, quand l’esprit sera agile, fin, éveillé, quand l’exercice incessant de toutes ses puissances lui sera une seconde nature, et que, se mêlant partout, il ne se désintéressera de rien, alors sans qu’on y songe, sans qu’on l’appelle, sans effort et sans affectation, il prêtera sa richesse et toute sa force aux effusions de la sensibilité ; alors on croira que le cœur parle tout seul.

2228. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Comme l’égalité sociale et politique n’a pas aboli l’inégalité de beauté, de force, de vertu, d’intelligence entre les hommes, ainsi les mots, égaux devant le besoin de l’écrivain, ont gardé leur physionomie propre, leur couleur, leur élégance, leur dignité, leur richesse.

2229. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Mais les surcharges et les redites ne servent qu’à émousser, qu’à brouiller la pensée, qu’à énerver la force des termes propres par le fâcheux cortège qu’on leur fait traîner.

2230. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

C’est qu’il se rencontre avec le darwinisme dans ce principe commun que la force, quelle qu’elle soit, par où l’univers se développe, lui est intérieure et immanente.

2231. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Un grand voyageur de commerce »

peut s’entendre des tours de force de la volonté tout aussi bien que des crimes.

2232. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Chirurgie. » pp. 215-222

* * * Puisque j’ai dû au docteur Eugène Doyen quelques-unes de mes émotions les plus rares — émotions artistiques, car le bon sorcier était beau à voir ; il respirait la force et la joie dans sa fonction salutaire et sanglante, et je sentais le « drame » conduit par une main délicate et forte, et cette main elle-même dirigée par une intelligence audacieuse et inventive ; — puisque, d’autre part, ce poète du scalpel m’apparaît comme un des hommes les plus évidemment prédestinés à diminuer parmi nous la somme du mal physique, pourquoi ne vous le dirais-je pas ?

2233. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

J’ai trouvé que l’École des vieillards ne manquait ni de vérité ni de force, et que la confession de Louis XI à François de Paule était une scène singulièrement dramatique ; et j’ai goûté, dans les Poésies posthumes, le rythme berceur et le charme gris des Limbes… Je n’avais pas lu Une famille au temps de Luther, mais j’en avais d’avance une assez bonne opinion, et je comptais que la représentation serait pour le moins intéressante.

2234. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Ce vers et cent autres prouvent que La Fontaine ne manque point de force, quoiqu’il ne s’en pique point ; mais il la cache sous un air de bonhommie.

2235. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

On nous accuse de le compliquer et, à force d’y vouloir du travail, d’enseigner une littérature artificielle.‌

2236. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « I. Historiographes et historiens » pp. 1-8

Il ne reprit point en sous-œuvre l’idée de l’ancienne Monarchie pour l’empreindre du cachet de son génie à lui, et pour donner à cette idée tout son accomplissement et toute sa force ; et l’organisateur par excellence, qui a laissé même jusqu’à ce mot d’organiser dans la langue du xixe  siècle, oublia d’organiser l’Histoire et la laissa aux partis qu’il avait vaincus !

2237. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Blass, Reinach, Lindsay, dans leurs opuscules signalés en note, mentionnent plusieurs tours de force du même genre, d’une parfaite élégance. […] Après quoi, ayant épuisé toute sa force de défiance, on reproduit sans discussion toutes les affirmations du « bon document ». […] On croit ne faire qu’une métaphore et on est entraîné par la force des mots. Les termes abstraits ont assurément une grande force de séduction, ils donnent à une proposition un aspect scientifique. […] Pourtant la nécessité force à abréger, on ne peut conserver tous les actes de tous les membres d’une assemblée ou de tous les fonctionnaires d’un État.

2238. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

C’était, une fois de plus, la bataille de la conscience et de l’intérêt, de la force et du droit. […] Hulin lâcha donc sa plume, que Savary tirait avec force. […] Il apparaît que la crise de mégalomanie dont Napoléon fut atteint vers 1812, coïncide avec l’entraînement irrésistible d’une force aveugle qui échappe à toute direction et à toute maîtrise. […] Il est impossible que tant de force morale ait été dépensée en vain. […] Pierre Leroy-Beaulieu n’a point cet éclat du verbe, cette effusion de poésie, cette force de coloris, ce luxe d’épithètes volontiers virtuoses, qui font de M. 

2239. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Eh bien tout est renversé… Il y a eu ce matin un article dans Le Rappel… Par là-dessus, j’ai reçu une lettre de Catulle Mendès, qui trouvait le banquetage pas convenable, ce jour-là… une lettre de Claretie qui se défendait d’y assister… Enfin Clemenceau, flanqué de Geffroy, est venu demander, avec force éloquence, la remise… Ma foi, j’ai tenu bon jusqu’à trois heures, … mais passé trois heures, j’ai eu peur de vous faire étriper, et j’ai fait annoncer, que sur votre demande, le banquet était remis. […] Mauvaise humeur d’Hertfort, qui force Lacroix à s’excuser, sur ce qu’il est très difficile de rencontrer Balzac, affirmant que Hugo et ses amis ne correspondent avec lui, que par lettres. […] Georges Lefèvre nous cite plusieurs légendes des Zoulous, et entre autres celle de l’éléphant, considéré comme le représentant de la force, de la bonté, de l’intelligence. […] Jeudi 13 juillet Ce soir, Mme Adam, confessant sa foi de charbonnier au surnaturel, conte les choses invraisemblables dont elle a été témoin, disant qu’à dix-huit ans, ayant été consulter une sorcière pour le chien perdu d’une amie, au moment de s’en aller, la sorcière l’avait presque retenue de force, et lui avait prédit sa vie, mais tout, tout, depuis le livre qu’elle allait écrire sur Proudhon, jusqu’à… Là, elle s’interrompt. […] Puis revenant au Caucase, où il a son commandement, il nous effraie de la force musculaire des gens du pays, citant, un Tartare ayant pris à la gorge un Arménien, et de ses trois doigts enfoncés dans la chair, lui ayant arraché la gorge, au bout de laquelle était venue la langue.

2240. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Son succès devant cette salle d’élite a été réel ; à quelques endroits on a pu regretter que le peu de force de son organe ne lui permît pas l’expansion. […] C’est devant des juges de cette force, alors nombreux, gens d’esprit avec cela, qu’il fallait innover. […] Cet état douteux a cessé depuis la publication de la pièce dans les Œuvres ; chacun peut lire, mais ce n’est qu’à une remise en scène qu’on en pourrait complétement juger. — Mlle Mars, qui représentait le principal personnage, avait bien tout le charme qui était nécessaire pour représenter doña Estrelle, mais il lui manquait la force et le pathétique.

2241. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

Mais qu’on a besoin de force pour quitter la première un semblable ornement ! […] ma sœur, que les paroles des rois ont de force et de puissance ! […] La Révolution avait changé les conditions des diverses classes de la société, et déplacé, en quelque sorte, le centre des forces : il tendait à se fixer désormais dans les classes moyennes.

2242. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

c’étaient de bons moments, monsieur, et puis je lui répondais ensuite sur tout ce qu’il me demandait de mon pauvre et beau Hyeronimo, le vrai portrait en force de sa cousine en grâce : comme quoi sa taille dépassait de la main la tête de la jeune fille, comme quoi ses cheveux moins bouclés étaient noirs comme les ailes de nos corneilles sur la première neige ; comme quoi son front était plus large et plus haut, ses joues plus pâles et plus bronzées par le soleil ; ses yeux aussi fendus, mais plus pensifs sous ses sourcils ; sa bouche plus grave, quoique aussi douce ; son menton plus carré et plus garni de duvet ; son cou, ses épaules, sa taille plus formés. […] c’est trop vrai, ajouta-t-il en levant les mains au ciel et en regardant les feuilles mortes qui n’avaient plus la force de supporter le poids de leurs lourdes grappes flétries. […] Hyeronimo devenait le plus bel adolescent de toute la plaine de Lucques ; quant à Fior d’Aliza, la force de la jeunesse est telle qu’elle florissait d’autant mieux sous nos larmes qu’elle avait plus de peine, comme ces herbes du bord de la cascade, qui sont d’autant plus riches et d’autant plus rouges qu’elles sont plus souvent mouillées par l’écume et resséchées par le rayon de soleil.

2243. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Elle a été fixée par l’écriture quand la société avait encore une âme adaptée à l’esprit originel de l’épopée : elle n’avait plus de force active pour en créer, mais elle gardait sa sensibilité intacte pour en jouir. […] Et jamais la force de l’honneur et du serinent féodal n’a plus fortement apparu qu’en ce Bernier : quand, sa mère morte, blessé lui-même, il a renoncé l’hommage, si, dans le premier moment de colère, il refuse la réparation que Raoul offre une fois revenu à lui, jamais cependant il n’aura le cœur en paix : il combattra Raoul de tout son courage, il le tuera, mais toujours l’idée de son serment violé le tourmentera : toujours il rappellera ses griefs, sa mère « arse », sa tête cassée ; il maintiendra « son droit », mais il sera inquiet. […] Ce n’est pas un traître d’occasion, par emportement, ou orgueil blessé, comme Ganelon : la ruse est son caractère naturel ; avec lui nous atteignons le temps où le mensonge et l’intrigue, c’est-à-dire l’intelligence, entrent en lutte contre la franche brutalité et la force physique, puis vont prendre insensiblement le dessus sur elles, et du même coup sur l’honneur et sur la loyauté.

2244. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Et d’abord ils lui en contestèrent l’honneur : ils avaient fait courir le bruit qu’il n’avait ramassé toute cette somme qu’à force d’exactions et en traînant après lui les receveurs et officiers de finances comme prisonniers : il ne les amenait au contraire que comme témoins et auxiliaires et pour l’ornement. […] À un certain moment, il a une idée politique assez grande et qui est à lui, d’attaquer l’Espagne par le cœur et les entrailles, c’est-à-dire par les Indes, qui sont sa force ; mais en même temps il n’est pas d’avis que la France profite de la dépouille en colonisant ; il estime ces sortes d’entreprises lointaines disproportionnées au naturel des Français, « qui ne portent ordinairement leur vigueur, leur esprit et leur courage qu’à la conservation de ce qui les touche de près ».

2245. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Aux approches de sa seizième année, la nature fit un effort en sa faveur et déploya ses forces secrètes ; ses crises nerveuses disparurent, et il acquit une santé suffisante, de laquelle il n’abusa jamais. […] Il poursuit toujours un sujet d’histoire, se méfiant encore de ses forces et sentant toute la dignité du genre : « Le rôle d’un historien est beau, mais celui d’un chroniqueur ou d’un couseur de gazettes est assez méprisable. » La croisade de Richard Cœur-de-Lion l’attire un moment ; mais, à la réflexion, ces siècles barbares, ces mobiles auxquels il est si étranger ne sauraient le fixer, et il lui semble qu’il serait plutôt du parti de Saladin.

2246. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Afin d’éviter les considérations générales et trop vagues, je m’attacherai tout d’abord à des noms connus, et prenant Saint-Lambert, l’auteur des Saisons, je me rendrai compte de son insuffisance autrement encore que par le talent ; puis je toucherai rapidement à Delille, et seulement par ce côté ; choisissant, au contraire, chez nos voisins, le poète qui, non pas le premier, mais avec le plus de suite, de force originale et de continuité, a défriché ce champ poétique de la vie privée, William Cowper, j’aurai occasion, chemin faisant, de rencontrer toutes les remarques essentielles et instructives. […] Les scènes pastorales et les tranquilles retraites, les promenades ombreuses et les sites solitaires, les doux oiseaux s’unissant en concert aux ruisseaux harmonieux, les molles brises, les veilles nocturnes et les rêves de jour sont autant d’enchantements qui, dans un cas comme le vôtre, conspirent contre votre tranquillité, vous amollissent pour faire de vous une proie plus sûre, et entretiennent la flamme qui consume vos forces.

2247. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Force m’est bien, écrira de là Casaubon à de Thou, de renoncer une fois pour toutes à tout ce que j’avais élaboré jusqu’à ce jour pour l’utilité des amis des lettres, à ces chers travaux auxquels le monde me croit un peu propre, et par lesquels j’ai mérité votre estime à vous-même, très illustre et très docte président ; il faut bien qu’ici je m’applique avant tout à satisfaire à la volonté du maître : et comme son esprit royal est tout entier aux controverses théologiques du jour, il y a nécessité que nous qui lui appartenons et sommes de sa suite nous entrions dans les mêmes études, dans les mêmes inquiétudes que lui. […] Ce journal lui fait beaucoup d’honneur en ce que, sans que l’auteur vise à aucun effet ou songe à aucun lecteur futur, on y voit clairement, naïvement, l’état perplexe de sa croyance et la force de conscience qu’il lui fallut, modéré et timide comme il était, pour résister à des assauts aussi répétés que ceux qu’on lui livrait.

2248. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

J’avoue que leur insolence me piqua au vif, et que je fus près, au risque de ce qui pourrait arriver de mes conquêtes aux Pays-Bas espagnols, de tourner toutes mes forces contre cette altière et ingrate nation. […] Tout demeura calme… J’avoue que ces commencements furent un peu délicats et qu’ils ne me donnèrent pas peu d’inquiétude, quand je faisais réflexion que mes troupes étaient éparses dans les villages du plat pays, que toute la sûreté de la frontière qui les couvrait consistait en de mauvaises places de guerre toutes ouvertes, et que les Hollandais pourraient entrer avec toutes leurs forces dans le plat pays et ruiner tous mes projets… » Enfin, le grand roi trompa son monde, et il s’en félicite.

2249. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Cependant, tout en errant de porte en porte avec l’air d’abandon d’un mauvais sujet et là démarche incertaine d’un homme ivre, je me retrouvai tout à coup, sans le savoir, dans le marché aux comestibles… » Et quand, errant ainsi à travers la ville, il est venu à rencontrer une dame de qualité, Byrrhène, qui se trouve être une amie de sa famille ; quand cette dame, l’ayant conduit jusque chez elle et le voulant retenir pour hôte, essaye du moins de le mettre en garde contre l’hospitalité du vieux ladre chez qui il est descendu et dont la femme, lui dit-elle, est une magicienne du premier ordre et de la pire espèce, Lucius, à cette nouvelle inattendue, qu’il se trouve logé chez une magicienne, est saisi d’un plus violent désir de chercher précisément ce qu’on lui recommande defuir ; il ne sait que prendre, comme on dit, ses jambes à son cou pour courir de toutes ses forces au danger. […] — Mais, au milieu de la nuit, Fotis n’a pas là des roses sous la main, et force est d’attendre au lendemain matin pour opérer la transmutation et réintégrer le beau Lucius dans sa première figure.

2250. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Est-ce, qu’il alla supposer un homme, tel qu’il est aujourd’hui, avec, les pensées, et les sentiments actuels, et doublé, seulement, d’une force de cheval pour galoper, et conquérir son gré d’espace, un cavalier bien monté, toujours en selle et à la suprême puissance, ayant sous lui à demeure un cheval parfait, correct et classique comme celui de Virgile ? […] Dans la fierté de mes forces libres, j’errais, m’étendant de toutes parts dans ces déserts.

2251. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Il eut de bonne heure des cahiers et amassa force lieux communs. […] Agé de quarante-six ans à peine, dans toute la force et la maturité de l’ambition, Harlay ne vit d’abord dans l’archevêché de Paris qu’un degré à une fortune plus éminente encore : il se voyait déjà en idée ministre ou chancelier.

2252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

L’amour-propre, s’il est fin, change de ton et de voix ; il a des gémissements et des soupirs ; il se fait inquiet sur le sort de ses frères, sur le danger que courent des âmes fidèles et simples ; il faut, à tout prix, préserver les faibles : et l’amour-propre agit et s’en donne alors en toute sûreté de conscience et, comme on dit, à cœur joie : il accuse l’adversaire, il le dénonce, il le conspue, il le qualifie dans les termes les plus outrageux, les plus humiliants ; et comme il ne veut point cependant paraître, même à ses propres yeux, de l’amour-propre, il se retourne, quand il a fini, et se fait humble aussitôt ; il demande pardon à son semblable d’en avoir agi de la sorte : il n’a voulu que le toucher, le convertir ; on assure même qu’il est de force à lui proposer en secret (après l’avoir insulté en public) de lui donner le baiser de paix et de l’embrasser. […] Et moi-même tout le premier qui écris ceci, si je me plais à tout moment à briser le moule auquel je serais tenté de m’asservir, si je me force d’aimer ce que je ne suis pas ou le contraire même de ce que je suis, ce n’est pas désintéressement du moi : c’est que je me pique peut-être de n’être rien en particulier et que je m’aime mieux apparemment sous cette forme brisée, multiple et fuyante que sous toute autre.

2253. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

La parole prononcée et parlée a plus d’action et de force que la parole écrite. […] Allez, volez de vos propres ailes. » A force d’aimer cette langue qu’il possède si bien et d’en parler avec tendresse et une sorte d’enchantement, il en vient à deviner et à décrire ce qu’elle sera lorsqu’un génie approprié l’aura mise en œuvre.

2254. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il est difficile aux auteurs de ne pas se peindre, surtout dans un premier ouvrage : Émile, qui ne fait autre chose que se raconter à Mathilde, essaye à un endroit de se peindre aussi, ou du moins de tracer l’idéal relatif qu’il a parfois devant les yeux et qu’il est tenté de réaliser : « Il y aurait, dit-il, un caractère intéressant à développer dans un roman ; ce serait celui d’un jeune homme né comme moi sans famille, sans fortune, suffisant à tout ce qui lui manquerait par sa seule énergie, et dont les forces croîtraient avec les obstacles ; un jeune homme qui se placerait au-dessus d’une telle position par un tel caractère ; qui, loin de se laisser abattre par les difficultés, ne penserait qu’à les vaincre, et, esclave seulement de ses devoirs et de sa délicatesse, aurait su parvenir, en conservant son indépendance, à un poste assez élevé pour attirer sur lui les regards de la foule et se venger ainsi de l’abandon. […] « Ces préparatifs peuvent n’avoir rien d’horrible, lorsque l’homme, altéré par la haine ou le ressentiment, a soif de la vengeance ; mais, lorsque le cœur est sans fiel et que l’imagination n’a pas usé toutes les douces émotions, il faut, pour ne pas s’effrayer de la pensée toujours affreuse d’un duel, toute la force d’un préjugé qui résiste aux lois mêmes qui le condamnent. » Le duel, malgré sa menace, n’a rien ici de fratricide : le pistolet à la main, Émile fait des excuses à Édouard ; un témoin s’en étonne à haute voix plus qu’il ne convient, et c’est lui qu’Émile choisit à l’instant pour adversaire, priant Édouard lui-même de lui servir de témoin.

2255. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

D’autres expressions du cru sont moins agréables ; Mme de Gasparin, en général, les prodigue, et je crains même que parfois, excitée qu’elle est et dans son entrain d’émulation, elle ne les force un peu. […] » Et comme la religieuse nous regarde, un peu surprise : — « Nous croyons en Christ le Sauveur ; nous espérons en lui de toutes nos forces. » La religieuse fait un signe de croix. — « Ah bien ! 

2256. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

On a souvent cité le joli mot de Boissonade qui, publiant son édition d’Homère (1823) et ne consentant point à a admettre les raisons de Wolf, mais ne se sentant point non plus de force à les combattre, se retranchait derrière Aristophane et disait avec je ne sais quel personnage de la comédie : « Non, tu ne me persuaderas pas, même quand tu m’aurais persuadé. » Il tirait ainsi son épingle du jeu. […] Ici pourtant les difficultés sont plus grandes, et les objections ont plus de force.

2257. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Dans l’hiver, nous verrons ce qu’il y aura à faire pour l’année prochaine, et à la paix pour l’avenir, laquelle il ne faut pas faire honteuse qu’on n’y soit contraint par la très grande force, et j’y suis bien déterminé au péril même de ma vie. » Les derniers mots au péril de ma vie raccommodent assez mal la chose, une paix honteuse ! […] » Avant que la critique allemande ait protesté contre de pareilles plaisanteries mises sur le compte d’un des souverains qui ont eu le plus à cœur leur métier de roi, il y avait longtemps que la critique française, dans une vue de simple bon sens, avait dit : « Nous ignorons si Frédéric était capable de se servir des moyens indiqués ici ; mais nous croyons pouvoir affirmer que, s’il avait assez d’immoralité pour employer des médecins et des serruriers politiques, il avait en même temps trop d’adresse pour l’avouer à qui que ce soit, même à son successeur75. » Il y avait peut-être à introduire Frédéric dans cette Étude où Louis XV tient le premier rôle, mais c’aurait dû être alors pour opposer les deux esprits, la mollesse et la force, l’abandon et l’infatigable vigilance, le laisser aller de tout, après quelque velléité d’action passagère, et l’héroïque et constant labeur, tant civil que guerrier, qui occupa toutes les heures d’une longue vie.

2258. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ne s’abstiennent-ils pas, avec une rigueur qui est, certes, de la force, mais qui ressemble parfois à une gageure, de tout ce qui pourrait adoucir, compenser l’effet produit, non pas l’amortir, mais le racheter et consoler à côté le regard (témoin Germinie Lacerteux) ? […] Autrement, en faisant le peintre pur, en essayant de jouter à armes inégales, c’est-à-dire la plume à la main, on peut se signaler, briller, faire des prouesses et des tours de force, mais en définitive on est toujours battu.

2259. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Celui-ci, outré, pensait déjà à quitter l’armée, lorsque Valfons, à force d’instances, arracha de lui une lettre adroite et polie, avec demande d’explication au maréchal : il se chargea de la remettre et plaida si bien que le maréchal, dans un fourrage qu’il faisait le lendemain non loin du quartier du prince, rabattit de son côté comme par hasard, et y trouva un dîner servi qui l’attendait et où tout s’oublia. […] Il y avait aussi des crevasses dans la voûte, que la force de l’inflammation avait produites, par où il tombait des étincelles de feu ; enfin les barriques étaient heureusement doubles.

2260. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Une jeune fille qui sort pour la première fois du couvent où elle a passé toute son enfance ; un beau lord élégant et sentimental, comme il s’en trouvait vers 1780 à Paris, qui la rencontre dans un léger embarras et lui apparaît d’abord comme un sauveur ; un très-vieux mari, bon, sensible, paternel, jamais ridicule, qui n’épouse la jeune tille que pour l’affranchir d’une mère égoïste et lui assurer fortune et avenir ; tous les événements les plus simples de chaque jour entre ces trois êtres qui, par un concours naturel de circonstances, ne vont plus se séparer jusqu’à la mort du vieillard ; des scènes de parc, de jardin, des promenades sur l’eau, des causeries autour d’un fauteuil ; des retours au couvent et des visites aux anciennes compagnes ; un babil innocent, varié, railleur ou tendre, traversé d’éclairs passionnés ; la bienfaisance se mêlant, comme pour le bénir, aux progrès de l’amour ; puis, de peur de trop d’uniformes douceurs, le monde au fond, saisi de profil, les ridicules ou les noirceurs indiqués, plus d’un original ou d’un sot marqué d’un trait divertissant au passage ; la vie réelle, en un mot, embrassée dans un cercle de choix ; une passion croissante qui se dérobe, comme ces eaux de Neuilly, sous des rideaux de verdure, et se replie en délicieuses lenteurs ; des orages passagers, sans ravages, semblables à des pluies d’avril ; la plus difficile des situations honnêtes menée à fin jusque dans ses moindres alternatives, avec une aisance qui ne penche jamais vers l’abandon, avec une noblesse de ton qui ne force jamais la nature, avec une mesure indulgente pour tout ce qui n’est pas indélicat : tels sont les mérites principaux d’un livre où pas un mot ne rompt l’harmonie. […] A force d’or et de diamants, prodigués par la famille et les amis du dehors à l’un des geôliers, il était parvenu à s’évader et vivait dans une cachette sûre ; mais quelqu’un raconta devant lui que son avocat venait d’être arrêté comme soupçonné de lui donner asile : M. de Flahaut, pour justifier l’innocent, quitta sa retraite dès six heures du matin, et se rendit à la Commune où il se dénonça lui-même ; il fut peu de jours après guillotiné.

2261. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Il faut qu’il soit moraliste, sinon de cœur, au moins d’esprit : car, s’il caresse les perversités dont l’histoire est pleine, s’il donne toujours raison à la fortune, s’il exalte le vainqueur coupable et qu’il écrase le vaincu innocent, s’il foule aux pieds les victimes, s’il ajoute la sanction de sa propre immoralité et l’autorité de son amnistie à tous les scandales d’iniquité qui attristent les annales des peuples, l’historien n’est plus un juge ; c’est un complice abject ou intéressé de la fortune, qui montre sans cesse le droit violé par la force, et la vertu déjouée par le succès. […] Mais cette brièveté aussi est une force : celui qui comprend d’un coup d’œil explique d’un mot.

2262. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Aussi, à moins qu’elles n’aient acquis par l’usage la force des termes propres, et que se suffisant comme eux à elles-mêmes elles n’aient plus besoin d’être traduites, elles nuisent plus qu’elles ne servent ; elles détournent l’esprit sur une étude purement verbale, et affaiblissent par-là l’effet de la pensée qu’elles sont chargées d’exprimer. […] Virgile avait dit : « Des faux recourbées on forge de dures épées » ; et les mots propres, par leur force d’attraction, nous mettaient sous les yeux le paysan qui fauche et le soldat qui tue.

2263. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Eh bien, c’est tout de même un sacré bonhomme, et je le trouve très crâne, et je lui tire mon chapeau, car il se fichait de tout, il avait un dessin du tonnerre de Dieu, qu’il a fait avaler de force aux idiots qui croient aujourd’hui le comprendre. […] et elles sont mortes, les femmes que tu aimes. » Et Christine s’enlace à lui, s’écrase contre lui, l’emporte comme une proie… Elle le force à blasphémer. « Dis que la peinture est imbécile  La peinture est imbécile. » Mais bientôt, quand Christine est endormie, une voix appelle Claude.

2264. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Car peu d’individus ont la force d’esprit nécessaire pour mépriser l’opinion. […] Le pragmatisme, c’est l’utile prenant le déguisement du vrai pour mieux s’imposer aux esprits ; c’est une utilisation de la force d’illusion incluse dans l’idée de vérité.

2265. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

En dehors de la Révolution française, aucun milieu historique ne fut aussi propre que celui où se forma Jésus à développer ces forces cachées que l’humanité tient comme en réserve, et qu’elle ne laisse voir qu’à ses jours de fièvre et de péril. […] Elle crut avoir les promesses divines d’un avenir sans bornes, et comme l’amère réalité qui, à partir du IXe siècle avant notre ère, donnait de plus en plus le royaume du monde à la force, refoulait brutalement ces aspirations, elle se rejeta sur les alliances d’idées les plus impossibles, essaya les volte-face les plus étranges.

2266. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Destouches avait envoyé au prélat quelques épitaphes latines : Les épitaphes, répond Fénelon, ont beaucoup de force, chaque ligne est une épigramme ; elles sont historiques et curieuses. […] Je le trouve également réfuté, gourmandé avec force, à propos de ses Dialogues sur l’éloquence et de quelques assertions hasardées sur les orateurs anciens, par un homme instruit, un esprit rigoureux et nullement méprisable, également adversaire de Rollin, Gibert.

2267. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Villemain, après La Harpe, dans son Cours sur le xviiie  siècle, s’est arrêté avec complaisance devant cette physionomie pleine de force et de pudeur. […] Aussi, quoique aucun écrivain n’ait plus agi sur lui que Pascal, quoiqu’il l’ait étudié et quelquefois imité quant au style, qu’il l’ait célébré magnifiquement comme le plus étonnant génie et le plus fait pour confondre, « comme l’homme de la terre qui savait mettre la vérité dans un plus beau jour et raisonner avec le plus de force », il se sépare de lui à l’origine sur un point capital, et l’on peut dire qu’il tend à être le réformateur de Pascal bien plus encore que son élève.

2268. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

« La force des États, pensait-il, consiste dans les grands hommes que la nature y fait naître à propos. » Il voulut être et il fut un de ces grands hommes ; il remplit dignement sa fonction de héros. […] Sur Jean-Jacques, par exemple : « Le roi parle, ce me semble, très bien sur les ouvrages de Rousseau ; il y trouve de la chaleur et de la force, mais peu de logique et de vérité ; il prétend qu’il ne lit que pour s’instruire, et que les ouvrages de Rousseau ne lui apprennent rien ou peu de chose. » Avec d’Alembert, dont il apprécia tout d’abord le caractère estimable, Frédéric se montre purement en philosophe ; on le voit tel qu’il aurait aimé à être dans la seconde moitié de sa vie, quand la goutte et l’humeur ne l’aigrissaient pas trop, et s’il avait eu autour de lui quelqu’un de digne avec qui s’entendre : « Sa conversation roule tantôt sur la littérature, tantôt sur la philosophie, assez souvent même sur la guerre et sur la politique, et quelquefois sur le mépris de la vie, de la gloire et des honneurs. » Voilà le cercle des sujets humains qu’il aimait à traiter habituellement, sincèrement, et en moralisant toujours ; mais la littérature et la philosophie étaient encore ce dont il aimait à causer par-dessus tout pour se détendre, quand il avait fait son métier de roi.

2269. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Cette timidité et cette vacillation en politique n’est point rare chez de grands magistrats, qui ne retrouvent toute leur force et leur autorité que sur leur siège et sous les garanties extérieures qui laissent à leur jugement toute sa balance Mais les faiblesses mêmes d’un d’Aguesseau observent des principes et ont leurs limites ; elles naissent d’un fonds de scrupules, et elles méritent encore les respects. […] Le cardinal de Fleury, dans ses dépêches, n’a pas jugé d’Aguesseau autrement lorsqu’il a écrit : « M. le chancelier est certainement très habile, et a de grandes lumières ; mais, à force d’en avoir, il trouve des difficultés à tout. » Pourquoi un grand magistrat n’est-il pas nécessairement un bon politique ?

2270. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Excepté dans un ou deux cas, qui seraient à discuter, elle ne fit que favoriser de toutes ses forces et de tout son zèle les erreurs et les fautes de ce règne finissant. […] Le nez paraît noble et charmant ; la narine un peu ouverte indiquerait la force.

2271. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière a sa physionomie à part ; il a un talent réel, un style ; c’est un écrivain non seulement spirituel, mais savant et habile, qui, après avoir longtemps disséminé ses finesses et ses élégances sur des sujets de société, a essayé de rassembler finalement ses forces, de les appliquer aux grands sujets de l’histoire, et y a, jusqu’à un certain point, réussi. […] Et puis, il est bon que vous sachiez qu’il n’a jamais plus de force que lorsqu’il a tort.

2272. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Élisabeth de Parme se sentait trop un personnage de première force pour pouvoir exister à côté de Mme des Ursins sur la même scène. […] Dans cette chute foudroyante, Mme des Ursins, après les premiers moments de surprise, retrouva toute sa force, tout son sang-froid, sa modération apparente ; on n’entendit de sa bouche ni une plainte ni un reproche inconvenant, ni une parole de faiblesse.

2273. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Une mère en allaitant son fils peut rêver avec Platon et méditer avec Descartes. » Elle assure même assez drôlatiquement que le lait n’en sera pas plus mauvais, ce qui dépend, du reste, de la force de la méditation ou de l’ardeur de la rêverie. […] En effet, le style de Mme Stern a fini par n’avoir plus de couleur du tout, et on s’en aperçoit d’autant mieux dans son livre sur les Pays-Bas, qu’il y a quelques citations, dans lesquelles le mot bien souvent étincelle et brille mieux sur ce style plombé, qui voudrait bien, à toute force, être du fer et qui n’est que du plomb, et qui reste plomb jusqu’à la fin du livre.

2274. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Animé au plus haut degré de l’esprit de sacrifice, il sait le communiquer aux troupes dont il exalte les forces morales. […] Nous avons voulu vous oublier, ô Jésus, et vous avez mis de force la mort devant nos yeux.

2275. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Je ne justifie aucunement le dédain de nos anciens auteurs envers la province, qui fut toujours pour la grandeur du pays, grandeur matérielle et grandeur morale, ce que les masses de l’infanterie sont pour la force d’une armée : l’élément principal, le corps discipliné, pressé, obscur, qui porte le poids de la bataille et ne connaît de la victoire que le repos qui la suit. […] Nous avons là un exemple frappant de la force de la tradition et de la pauvreté de l’invention humaine.

2276. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Patin, esprit de tout temps très-délicat, qu’il est arrivé à force d’études, de suite et de soin, à une grande distinction critique.

2277. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Dans ses meilleurs contes, là où il se montre réellement inventeur et original, il sait, par les rapprochements fortuits les plus saisissants, par une combinaison presque surnaturelle de circonstances à la rigueur possibles, exciter et caresser tous les penchants superstitieux de notre esprit, sans choquer trop violemment notre bon sens obstiné ; ce qu’il nous raconte alors peut sans doute s’expliquer par des moyens humains, et n’exige pas à toute force l’intervention d’un principe supérieur ; mais, bien que notre bon sens ne soit pas évidemment réduit au silence, et qu’il puisse toujours se flatter de trouver au bout du compte le mot de l’énigme, il y a quelque chose en nous qui rejette involontairement cette explication pénible et vulgaire, et qui s’attache de préférence à la solution mystérieuse dont le leurre nous est de loin offert comme derrière un nuage.

2278. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Pour dédaigner les richesses, attendez que vous ayez connu les années du malheur, que de longues privations aient diminué vos forces, et que vous ayez vu, dans la pauvreté, le génie même devenir stérile, à cause de la perpétuelle résistance des choses, ou de la faible droiture des hommes.

2279. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

De la dédicace et de la préface il résulte que l’auteur a reçu force compliments et cartes de visite pour sa pièce : avant la représentation, c’était le suffrage (je copie textuellement) des hommes les plus éminents dans le monde littéraire, dam le monde politique et dans le monde social ; depuis la représentation et pour contrecarrer les impertinences qu’en ont dites des critiques mal placés, « les juges réels de la pièce, ceux qui vivent parmi les choses et qui les voient, viennent tour à tour, auprès de l’auteur, s’inscrire en témoignage et lui apporter leur formelle adhésion. » Le moyen, maintenant, de refuser cette adhésion formelle et de prétendre à passer pour un juge !

2280. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIX. De la littérature pendant le siècle de Louis XIV » pp. 379-388

Le style représente, pour ainsi dire, au lecteur le maintien, l’accent, le geste de celui qui s’adresse à lui ; et, dans aucune circonstance, la vulgarité62 des manières ne peut ajouter à la force des idées, ni à celle des expressions.

2281. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Ce n’est ni l’ascendant de l’esprit, ni la force du raisonnement qui séduisent le public : mais ils fournissent, toute préparée pour l’usage, la formule qui juge le dernier événement politique, la dernière œuvre littéraire.

2282. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

André Theuriet est assurément le meilleur peintre, le plus exact et le plus cordial à la fois, de la petite bourgeoisie française, mi-citadine et mi-paysanne ; et, comme cette classe sociale est la force même de la nation, comme elle lui est une réserve immense et silencieuse d’énergie et de vertu, les romans si simples de l’auteur des Deux Barbeaux deviennent par là très intéressants ; ils prennent un sens et une portée ; peu s’en faut qu’ils ne me soient vénérables.

2283. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

» « Les vierges sentent le lys. » Et voici une pensée religieuse : « La Théologie est une reine qui a les Arts pour chambellans et les Sciences pour dames d’atours. » Je vous jure que tout est de cette force, sauf une douzaine de pensées que j’ai mises à part et que je ne citerai pas, crainte d’aggraver l’état d’âme inquiétant que nous révèle la Préface   Cette préface est un morceau bien curieux.

2284. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

* * * Et cependant, telle humble femme du peuple donne non seulement le peu de pauvre argent qu’elle gagne à la sueur de son front, mais tout son temps, et toutes ses forces, et tout son cœur, bref, se « sacrifie » à des enfants abandonnés, à des filles sans asile, à des malades, à des vieillards.

2285. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Et il faut avouer que ce n’est pas peu de chose de voir, avec cette force et cette précision, le relief et l’éclat des objets, et d’entendre et de faire entendre avec l’instrument du vers tous les bruits majestueux, terribles ou caressants de la nature.

2286. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Les Fastes ont de l’éclat surtout, mais leur beauté procède encore de plusieurs autres qualités parfois opposées, depuis la douceur nacrée de Watteau jusqu’à la force qui tend les muscles.

2287. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Retté, Adolphe (1863-1930) »

Adolphe Retté nous donne l’exemple de tout ce que peut la force du sang.

2288. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

La force du style ne le cède ici qu’au pittoresque des détails.

2289. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Ils lui firent dresser une statue d’airain, avec cette inscription ; Si la force eût toujours secondé ton grand cœur, La Grèce n’eût jamais fléchi sous un vainqueur.

2290. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

C’est là que ses idées se développèrent, qu’il puisa cette force de raison, cette fleur de politesse, ce goût exquis & sûr qu’on admire dans ses écrits.

2291. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

À toute force enfin elle se résolut D’imiter la nature et d’être mère encore.

2292. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre V. La Henriade »

Il est bien à plaindre d’avoir eu ce double génie qui force à la fois à l’admirer et à le haïr.

2293. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

L’histoire fait foi qu’il est arrivé à plusieurs de ces messieurs pour un si digne sujet, les avantures qui arriverent à notre Huddibras quand il couroit les champs pour rétablir un chacun dans ses libertez et proprietez, même les ours qu’on menoit par force danser aux foires.

2294. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Les comedies que Moliere composa quand il eut atteint le periode de ses forces, ne ressemblent aux comedies de Terence, que parce que les unes et les autres sont des pieces excellentes.

2295. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

L’émulation et l’étude ne sçauroient donner à un génie la force de franchir les limites que la nature a prescrites à son activité.

2296. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

On remarque parmi les enfants beaucoup de petits moqueurs qui saisissent bien les ridicules des grandes personnes et de leurs camarades et qui se font par là une petite royauté, comme d’autres par la force ou par l’instinct et les qualités du commandement.

2297. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Quand une langue s’arrête de vivre, quand son pouvoir d’assimilation diminue et qu’elle se laisse envahir par les broussailles étrangères du pédantisme et du cosmopolitisme, c’est que la force d’expansion de la race a baissé dans la même proportion.

2298. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Gauchie dans ses voies, mise hors des règles, qui sont la force, et hors des idées morales, qui sont l’honneur, la littérature de l’individualisme et de l’indépendance a tué l’esprit, qui, comme la mousse des vins pétillants, est toujours le résultat d’une compression.

2299. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Voltaire étant donné, avec tout ce qu’il est et tout ce que nous sommes, Voltaire, résumant à lui seul tant de choses vivantes qu’il a créées, que nous n’avons pas eu la force d’arracher de nous et de faire mourir, explique profondément les admirations qu’il excite, — ou plutôt il ne les explique pas.

2300. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

L’illustre auteur de La Comédie humaine n’a pas changé la nature du roman qui existait avant lui , mais il en a élargi les assises, et il l’a positivement élevé à l’état de Science, à force d’observations, de renseignements, de notions de toute espèce, d’une exactitude, d’une sûreté et d’une justesse merveilleuses.

2301. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

L’espace me ferait défaut pour me justifier d’approuver de si douloureuses prophéties ou de contredire des pages dont il faudrait d’abord exposer toute la force.‌

2302. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Le jeune homme, averti, commence un nouveau chant sur ce ton : Vais-je chanter Ismène, ou Mélias aux fuseaux d’or, ou Cadmus, ou la race sacrée des hommes nés des dents de serpents, ou la force toute-puissante d’Hercule, ou… » Comme il récitait ce début à Corinne : « Il faut semer par pincées », dit-elle avec un sourire, et non renverser tout le sac27. » C’était bien juger ce luxe de souvenirs mythologiques et d’épithètes sonores, dont le génie de Pindare ne s’est pas toujours assez défendu.

2303. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Tu veux et tu peux me retenir ici, puisque tu en as la force et les moyens. […] Comment donc ont-ils pu exercer, sur un esprit de la force de J. […] Il est la Force qui meut l’Univers. […] Il n’était pas de force à fonder une pharmacie !  […] la prendre, la posséder de force !

2304. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il combat avec force, avec talent : l’orgueil, l’envie, la cruauté. […] En 1612, il fit représenter une tragi-comédie intitulée la Force du sang, tirée d’une nouvelle de Cervantes ; or, voici la contexture de cette production curieuse. […] Sa muse n’avait plus la verdeur et la force de la jeunesse. […] Écrire une œuvre dramatique en enlevant du drame le sentiment le plus dramatique, parut d’abord à Racine un tour de force dont il ne se sentait pas capable. […] Le public de Paris, si prompt à saisir les à-propos, applaudit avec force ces vers : Voilà donc votre roi, votre unique espérance ?

2305. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Il n’avait pas mesuré ses forces : l’étude compromit sa santé ; et les frères Trudaine, liés avec lui d’une étroite amitié, l’emmenèrent en Suisse pour le soustraire aux dangers d’un travail excessif. […] Il se défie de ses forces, et il n’essaye pas de ramener, par une volonté violente, son esprit, emporté en d’autres régions. […] Lorsque enfin l’évidence triomphe de son irrésolution, lorsqu’il ne peut plus nier l’infidélité de Manon, il verse des larmes désespérées, mais c’est à peine s’il trouve la force de maudire sa perfidie. […] Est-ce que les forces du poète s’épuisent ? […] Comment, en effet, s’intéresser à un homme qui n’a ni volonté, ni respect pour lui-même, ni force pour combattre la pauvreté, ni confiance dans un pouvoir supérieur au pouvoir humain ?

2306. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

De telles circonstances enseignent l’art d’écrire clairement et solidement, le discours méthodique et suivi, le style exact et fort, la plaisanterie et la réfutation, l’éloquence et la satire ; car ces dons sont nécessaires pour se faire écouter ou se faire croire, et l’esprit entre de force dans une voie, quand cette voie est la seule qui le conduise à son but. […] Quand un homme comme Dryden, si bien doué, si bien instruit et si bien exercé, travaille de toute sa force, il y a des chances pour que parfois il réussisse, et une fois, en partie du moins, Dryden a réussi. […] Il l’était par l’esprit comme par le cœur, muni de raisonnements solides et de jugements personnels, élevé au-dessus des petits procédés de rhétorique et des arrangements de style, maître de son vers, serviteur de son idée, ayant cette abondance de pensées qui est la marque du vrai génie. « Elles arrivent sur moi si vite et si pressées que ma seule difficulté est de choisir ou de rejeter parmi elles764. » C’est avec ces forces qu’il entra dans sa seconde carrière ; la constitution et le génie de l’Angleterre la lui ouvraient. […] Strong were our sires, and as they fought they writ, Conqu’ring with force of arms and dint of wit. […] Patriots in peace assert the people’s right, With noble stubbornness resisting might ; No lawless mandates from the court receive, Nor lend by force, but in a body give.

2307. (1890) Nouvelles questions de critique

Aussi longtemps qu’ils continuent de détourner envers une ingrate érudition des forces qui trouveraient ailleurs un plus naturel, un plus utile, un plus glorieux emploi d’elles-mêmes, aussi longtemps nous ne pouvons pas, nous non plus, discontinuer de nous en plaindre, et de travailler à faire que le public s’en plaigne avec nous. […] Et peut-être enfin par là, selon le vœu de Sainte-Beuve et de beaucoup d’autres, « se maintiendrait-elle en communication régulière avec l’air du dehors », sans renoncer aux traditions qui sont sa force et sa raison d’être. […] Le Moi, content et gonflé de lui-même, dans une espèce de fausse conscience de sa violence, qu’il prend pour de la force, et de sa témérité, qu’il appelle du nom de hardiesse. […] Et le talent consistera, sous la mobilité des apparences, à saisir d’abord, et à fixer ensuite, ce qui ne s’atteint, comme étant caché, qu’à force d’observation, de patience, et de désintéressement. […] Et, il est bien possible que ce soit en lui ce qui offense la dédaigneuse délicatesse des « symbolistes » et des « décadents », mais aussi c’est sa force et le secret de sa popularité.

2308. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

C’est comme dans un cauchemar, quand on n’a pas la force de crier ! […] Et aussi quel charme, quelle force, quel sentiment exquis ! […] Vous me demandez si je n’hésite pas entre l’amour de l’art et l’amour de la belle nature ; je n’hésite pas : je les aime également, mais la belle nature ne donne des jouissances à peu près complètes que lorsque l’on sait que l’on est soi-même quelque chose, lorsqu’on possède la force de l’art qui est une grande et très grande force. […] Impossible, parce que je vous jure que je le désire de toutes mes forces, et puis, parce que cela ne vous coûtera rien. […] Mais le sentiment qui me force à vous écrire est insurmontable, et si je savais m’exprimer vous en seriez touché.

2309. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Thiers estime que, seul, il a donné une doctrine complète sur l’homme, sa nature et sa destination ; et si c’est là beaucoup dire, il montre du moins que, sans nier le mal, et sans se l’exagérer non plus, Vauvenargues, dans son optimisme pratique, a considéré le monde comme un vaste tout où chacun tient son rang, et la vie comme une action où, à travers les obstacles, la force humaine a pour but de s’exercer. […] Dans le vice même, il distinguait la force de la faiblesse, et, entre Sénécion, vil courtisan sous Néron, et Catilina, monstrueux ennemi de sa patrie, il préférait pourtant le dernier, parce qu’il avait agi…. » Et encore : « Le monde, suivant Vauvenargues, est ce qu’il doit être, c’est-à-dire fertile en obstacles ; car, pour que l’action ait lieu, il faut des difficultés à vaincre, et le mal est ainsi expliqué. […] Comme il ne s’adresse qu’aux faits accomplis, et qu’il faut bien que ces faits, pour s’accomplir, aient eu, dans leur rapport et leur succession, tout ce qui les rendait possibles, l’historien, dans sa rapidité, peut être sujet à les si bien lier et enchaîner, qu’à force d’être trouvés naturels, ils paraissent ensuite un peu trop nécessaires. […] Parfois un simple mot jeté, un mouvement rapide trahit l’émotion de l’historien et fait naître une larme : ainsi, quand au moment le plus désastreux de la bataille de Marengo, et lorsqu’on la croit perdue, il montre Desaix de loin devinant le danger et accourant à temps en forces au bruit du canon, qui ne s’écrierait avec lui, dans un présage douloureux vers la journée fatale des derniers malheurs : « Heureuse inspiration d’un lieutenant aussi intelligent que dévoué !

2310. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

La terre ne fut plus qu’un lieu d’exil, la vie que le rêve d’une ombre, et la mort, anéantissant ce qui n’était point, prit la force d’une double négation ; elle délivra l’esprit de son élément fini, et lui ouvrit les portes de la vraie et réelle existence179. […] Elles font valoir avec force les liens de la parenté naturelle, les liens qui attachent un fils à sa mère. […] Et quand ses personnages ne sont pas des princes, quand ils appartiennent à des époques historiques, Shakespeare les place alors dans ces temps de guerre civile où, les liens de l’ordre social étant brisés et les lois sans force, la grandeur individuelle avait un libre jeu233. […] Tout cela constitue une force et une puissance publique qui domine les individus, et les ramène à l’ordre, quand leur caprice entreprend de s’opposer à la loi et de la violer.

2311. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

« M. de Méchel, le graveur, travaille à force à nos portraits peints par un amateur, M. de Carmontelle : Wolfgang joue du piano ; moi, derrière lui, du violon ; Nanerl s’appuie d’une main sur le piano, et tient dans l’autre un morceau de musique, comme si elle allait chanter. » Qui peut lire sans attendrissement ces pieuses superstitions d’un cœur de père et d’un cœur de mère vouant à l’autel d’un Dieu-enfant des sacrifices propitiatoires pour l’enfant de leur amour, afin que l’analogie des âges attendrît plus puissamment l’enfance du Dieu pour l’enfance de l’homme ! […] « Ma chère maman, dit-il, je ne peux pas écrire tant les doigts me font mal à force d’écrire des récitatifs ; je te prie, chère mère, de prier pour moi que mon opéra réussisse, et qu’après cela nous nous trouvions tous réunis heureusement ensemble. » Le jour terrible de la représentation de son premier opéra à Milan approche. […] Vous m’écrivez que vous pensez que je fais force visites pour faire de nouvelles connaissances ou renouveler les anciennes ; mais c’est impossible. […] Lorsque le danger devint imminent, je ne priai Dieu que de deux choses, savoir : d’accorder une mort bienheureuse à ma mère, et à moi force et courage ; et le bon Dieu m’a exaucé et m’a départi ces deux grâces dans la plus grande mesure.

2312. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Au sortir d’une période inévitable de tâtonnements on s’assimile avec une force d’entraînement surprenante les procédés à la mécanique de la fabrication des phrases. […] Il ne manque pas, chez eux, de gens de talent et d’esprit ; on ne saurait leur dénier ni l’imagination, ni la virtuosité, puisqu’au travers du décousu lamentable de leurs ouvrages ils gardent encore cette force d’action, cette prise incontestable sur le cerveau de leurs lecteurs. […] Enfin des maîtres conteurs, tels que Daudet et Theuriet, essayèrent aussi leurs forces sur ce terrain. […] Je pense, comme vous, que le souci de la vérité sociale, dans les œuvres d’imagination, s’impose avec force ; et, comme une littérature vivante ne peut être que l’expression de la vie réelle, d’une société donnée, tout ce qui est d’intérêt social doit occuper une grande place dans le roman contemporain, comme dans les préoccupations à la fois des penseurs et de la grande masse des hommes d’aujourd’hui.

2313. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

D’abord, il faut que la musique soit traitée sérieusement, que le nombre des jours de représentation, par exemple, soit réduit ; mais, surtout, il faut que ce théâtre soit vraiment national, résume toutes les forces de l’esprit commun et les fonde dans une complète unité artistique. […] Avec la tempête du Vaisseau Fantôme, qui dure tout un acte, tour de force inouï réussi avec un bonheur insolent, avec le pélerinage de Tannhaeuser, avec les torrents d’eau du Rheingold, les torrents de feu de la Walkyrie, les bruits de la forge et les murmures de la forêt dans Siegfried, c’est, dans toute son œuvre un véritable envahissement de musique descriptive ; ce qui n’empêche pas les wagnériens de combattre au premier rang des ennemis du genre pittoresque. […] Le tour de force est prodigieux et — chose surprenante ! […] Verdhurdt, le nouveau directeur de la Monnaie, se persuadera-t-il que le moment est venu où les opéras de Wagner s’imposent de force au public de Bruxelles et qu’il n’est plus guère de succès durable en dehors d’eux ?

2314. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

En un mot, la loi de l’intelligence peut se formuler ainsi : « La force de la tendance qu’a l’antécédent d’un changement psychique à être suivi par son conséquent est proportionnée à la persistance de l’union entre les objets externes qu’ils représentent. » « Dire cependant que c’est là la loi de l’intelligence, ce n’est nullement dire qu’elle est remplie par toute intelligence de nous connue. […] Ces associations ont une force invincible, parce qu’elles sont la conséquence des expériences enregistrées non seulement dans l’individu mais dans tous ses ancêtres humains et, pour quelques-unes, comme le temps, l’espace, dans tous les organismes animaux dont dérivent les organismes humains, suivant la théorie évolutionniste. […] Elle absorbe, pour ainsi dire, la force de toutes les erreurs qu’elle a domptées ; et le respect que l’on a accordé sans examen à toutes ces erreurs en détail, ou le donne en gros à la raison ; il se change en une servilité telle que l’on ne songe jamais à demander les lettres de créance de ce pouvoir qui a chassé les erreurs. […] Nous ne dirons rien non plus de la partie intitulée Synthèse physique, où l’auteur a essayé d’expliquer la genèse du système nerveux et « de traduire les phénomènes nerveux (et par suite les phénomènes mentaux), en fonction de la redistribution de la matière et du mouvement », c’est-à-dire de les ramener au principe fondamental de la persistance de la force.

2315. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Seulement sa tente était un château, ses palmiers étaient des chênes, et ses chameaux étaient les plus forts taureaux de la province ; leurs couples mugissants, attelés dès l’aurore à la charrue, faisaient fumer les collines défrichées de leur haleine et de leurs sueurs, comme des chaudières vivantes de force animale évaporées au soleil d’été sur les sillons. […] Il en était de même aussi pour les moissons et pour les foins ; chacun avait sa fonction proportionnée à son sexe, à sa force, à son aptitude, à ses années : les uns maniaient la faux à l’heure de la rosée ; les autres, la faucille à l’heure où la paille sèche brûle la plante des pieds ; ceux-ci nouaient la gerbe, ceux-là la chargeaient sur les chariots ; les jeunes filles éparpillaient sur la pelouse tondue le sainfoin coupé et suspendu aux dents de bois de leur râteau ; les enfants, les glaneuses cueillaient çà et là les épis et les herbes oubliés, pour en rapporter de maigres fascines sous leurs bras ; d’autres se suspendaient à droite et à gauche aux ridelles du char pour le tenir en équilibre dans le chemin raboteux et pour empêcher le monceau d’épis de crouler en route avant d’arriver aux granges. […] Mais poursuivons. » Elle nous lut alors la conversation de table entre Télémaque et son hôte divin ; comment les prétendants à la main de Pénélope abusent du veuvage de cette mère pour ruiner et déshonorer sa maison ; comment Minerve, sous la figure de l’hôte, s’indigne de cette obsession et engage Télémaque à équiper un vaisseau pour aller à la recherche de son père ; comment, s’il n’a pas le bonheur de le retrouver, il reviendra lui-même, plus grand et plus robuste, à Ithaque, où il immolera par sa force ou par sa ruse les indignes persécuteurs de Pénélope ; comment Pénélope, entendant de sa chambre haute le chantre Phémius chanter devant ses prétendants le retour des Grecs du siège de Troie, descend les escaliers du palais, suivie de ses servantes, s’arrête, modeste et voilée, appuyée sur le montant de la porte et les yeux humides de larmes, en pensant à Ulysse qui n’est pas revenu avec les Grecs ; comment elle supplie Phémius de changer le sujet trop triste de ses chants ; comment Télémaque, déjà rusé comme son père, feint de gourmander respectueusement sa mère, pour qu’elle rentre dans sa chambre. […] s’écrie Ménélas en soupirant avec force, ils osent aspirer, ces lâches insensés, à reposer dans la couche du héros !

2316. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Au reste, dans ce que nous aurons à dire cette fois, nous prendrons Bernis bien moins comme ministre que comme témoin et rapporteur de la situation déplorable qu’il a contribué à créer, et à laquelle il assiste sans avoir force ni crédit pour y porter remède. […] J’ai parlé avec la plus grande force à Dieu et à ses saints.

2317. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Or, dans cet ordre nouveau, imaginez un hussard, un hulan, un chevau-léger d’avant-garde qui va souvent insulter l’ennemi jusque dans son retranchement, mais qui aussi, dans ses fuites et refuites, pique d’honneur et aiguillonne la colonne amie qui cheminait parfois trop lentement et lourdement, et la force d’accélérer le pas. […] Cela dit, il faut, pour être juste, reconnaître que le théâtre moderne, pris dans son ensemble, n’a pas été sans mérite et sans valeur littéraire ; les théories ont failli ; un génie dramatique seul, qui eût bien usé de toutes ses forces, aurait pu leur donner raison, tout en s’en passant.

2318. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président Hénault n’était pas de force à remplir de tels cadres ; il se plaisait pourtant à les concevoir, à les proposer aux autres, et on doit lui en savoir gré : Il se plaît à démêler dans toutes sortes de genres, a dit Mme Du Deffand, les beautés et les finesses qui échappent au commun du monde ; la chaleur avec laquelle il les fait valoir fait quelquefois penser qu’il les préfère à ce qui est universellement trouvé beau ; mais ce ne sont point des préférences qu’il accorde, ce sont des découvertes qu’il fait, qui flattent la délicatesse de son goût et qui exercent la finesse de son esprit. […] Il les a commencés tard, dans sa vieillesse, vers 1763 ; il y suit peu l’ordre chronologique, et, à propos de chaque personne qu’il rencontre, il se laisse aller volontiers à en tout dire, ce qui le force à revenir sans cesse sur ses pas.

2319. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Et d’abord, il est à remarquer que, malgré les termes de bonne intelligence et les bons rapports dans lesquels avaient eu l’art de vivre à distance Balzac et Voiture, se ménageant l’un l’autre et évitant de se froisser, la force des choses l’emporta, le souffle rival de leurs deux réputations finit par s’entrechoquer et par faire un orage. […] Il le reprenait ensuite lorsqu’il faisait le savant et qu’il citait, en écrivant particulièrement à Costar, force passages d’auteurs latins.

2320. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

J’aimerais la santé, la force, un enjouement naturel, les richesses, l’indépendance, et une société douce ; mais comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, et forment une humeur sombre que j’essaye d’adoucir par toute sorte de moyens. […] Le coup a porté : Vauvenargues a beau dire, il est homme de lettres plus qu’il ne croit ; il est sensible plus qu’il ne le voudrait à cette idée de génie, à cette image d’une gloire sous sa main, et qu’il ne tient qu’à lui de cueillir : « Vous ne sentez pas vos louanges, écrit-il à Mirabeau, vous ne savez pas la force qu’elles ont, vous me perdez !

2321. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Elle n’avait pas de beauté : petite, les yeux légèrement discordants, la pointe du nez kalmouke, mais avec cela une physionomie qui exprimait la force de la vie et là pénétration de l’intelligence. […] J’ai l’instinct du bonheur dont vous jouirez, et je vous le désire de toute la force de votre cœur et du mien.

2322. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

C’est un amateur qui force ses moyens. […] Non, mille fois non… Abandonnez-nous, Aurélie et moi, à notre solitude et à notre misère, nous aurons la force de les supporter. » Quelle pose théâtrale et quelle tirade !

2323. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

L’amitié qu’ils se portent les engage à ne rien laisser voir de leur passion à celle qui en est l’objet : elle aime l’un des deux ; elle lui déclare son amour ; il n’a pas la force de lui cacher ses sentiments, mais il court en avertir son rival. […] Rien n’est plus glorieux, Monsieur, que de vous être acquis sans soins, sans intrigues, et par la seule force de votre mérite, un protecteur cent fois plus respectable encore par ses vertus que par sa haute naissance.

2324. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

Horace Walpole, dans la description des fêtes qu’il donna à sa résidence de Strawberry-Hill en l’honneur de Mme de Boufflers, nous la montre fort agréable, mais arrivant fatiguée, excédée de tout ce qu’elle avait eu à voir et à faire la veille : « Elle est arrivée ici aujourd’hui (17 mai 1763) à un grand déjeuner que j’offrais pour elle, avec les yeux enfoncés d’un pied dans la tête, les bras ballants, et ayant à peine la force de porter son sac à ouvrage. » En fait de Français, Duclos était de la fête, lui « plus brusque que vif, plus impétueux qu’agréable », et M. et Mme d’Usson, cette dernière solidement bâtie à la hollandaise et ayant les muscles plus à l’épreuve des plaisirs que Mme de Boufflers, mais ne sachant pas un mot d’anglais. […] « La gracieuse beauté qui aime à connaître, — et qui ne craint point la neige inclémente du Nord ; — qui force son accent poli à se plier — aux sons plus rudes de l’idiome britannique, — lira sa louange dans tout climat — où la Presse pourra parler et où les poëtes chanteront. » Mme d’Usson avait aussi son petit couplet.

2325. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Ses parents s’opposèrent de toutes leurs forces à son désir. […] Une telle remarque, confirmée par des esprits observateurs et d’aussi éminents naturalistes, a force de loi.

2326. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

que de fois je me suis écrié, en voyant tant de talents énergiques dont quelques-uns me sont chers et que j’apprécie pour leur qualité de relief et de couleur, — que de fois j’ai dit tout bas : Qui donc unira la force à la délicatesse ? […] Le dernier devoir qu’il lui donne à faire avant le départ pour le collège et comme essai de sa force, a précisément pour sujet le départ d’Annibal à la veille de son retour en Afrique et ses adieux à l’Italie, à cette proie si chère dont il lui faut s’arracher.

2327. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Il mit donc, comme il dit, de l’eau dans son vin, mais en ayant l’art d’y laisser tout le bouquet et tout le montant : ce fut le tour de force et le chef-d’œuvre. […] Dieu eût dû mettre la jeunesse à la fin de notre vie » ; lorsqu’il parle ainsi et qu’il raisonne à la manière de Garo chez La Fontaine, je l’arrête, je ne reconnais plus là son bon sens, et je lui oppose ce qu’a dit un autre moraliste dans une pensée toute contraire : « Force nous est bien de vieillir ; justice est que nous vieillissions.

2328. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Ce qui me donne le plus grand déplaisir dans ces tristes conjonctures, c’est que j’en connais les grandes conséquences pour les affaires générales de l’État ; la perte de mes biens me laisserait plus de force à m’en consoler. […] Je me recueillerai et me soutiendrai de toutes mes forces pour rendre mes services utiles dans les opérations de guerre auxquelles on se prépare, et je n’oublierai rien pour effacer la mauvaise satisfaction que Sa Majesté a témoignée de mes services pendant cette campagne.

2329. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Lui, il gardait son chapeau sur la tête ; on le lui arracha de force. […] Enfin, quand elle posa sa tête sur mon épaule, que ses larmes mouillèrent ma robe, je pressai sa main avec force sur mon cœur, et je sentis que le malheur est le plus fort de tous les attraits. » Mme Dufrenoy s’est souvent plainte, pour elle, de cette sécheresse extérieure : « J’ai toujours besoin de pleurer, disait-elle, et mes yeux ne peuvent verser des larmes. » La passion n’avait épuisé ni tari en son âme la source de la sensibilité, mais le ruisseau ne coulait plus à la surface.

2330. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Le bonhomme La Fontaine a dit : Patience et longueur de temps Font plus que force ni que rage. […] Des yeux gris sous des sourcils touffus44, une face morte plaquée de taches, un petit visage qui diminuait encore sous son immense chevelure, le menton noyé dans une large cravate molle remontante, qui rappelait celle des incroyables et le négligé du Directoire, le nez en pointe insolemment retroussé, une lèvre inférieure avançant et débordant sur la supérieure, avec je ne sais quelle expression méprisante indéfinissable, fixée aux deux coins de la bouche et découlant de la commissure des lèvres45 ; un silence fréquent d’où sortaient d’un ton guttural quelques paroles d’oracle ; il y avait là de quoi faire, en causant, un vis-à-vis de première force à Royer-Collard, bien que celui-ci eût plus de sève et de verdeur.

2331. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

car Mlle Desbordes joue et débite très bien, mais elle ne chante pas ; elle n’a point de voix : il faudra que les musiciens renoncent, en sa faveur, à leur science, à leur harmonie ; que l’orchestre s’humilie et s’anéantisse : on lui composera exprès des demi-vaudevilles qui seront bien plus agréables que ces grands airs, aussi fatigants pour les auditeurs que pour les cantatrices. » Elle possédait toutes les qualités distinguées et fines ; mais, à lire cet éloge même, on prévoit que la force physique, l’étoffe matérielle qui est la doublure essentielle de ces qualités et qui les porte, pour ainsi dire, dans tout leur relief, fera un peu défaut. […] L’autre jour, en voyant Orphée, elle m’est revenue avec une force extraordinaire et toute cette puissance d’orage qu’elle seule a jamais eue sur moi.

2332. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Vos encouragements me donneront la force d’achever. […] Jouffroy, n’ayant pas appris que ces questions existent, n’a pas grand mérite à les nier ; mais vous qui, ayant songé à tout et peut-être goûté à des choses immondes comme font les chimistes, avez déclaré que la chair humaine est mauvaise et malsaine, et vous êtes décidé à vivre d’aliments choisis, apparemment vous avez le discernement, c’est-à-dire, dans le sens moral, la lumière et la force.

2333. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Elle et lui, Lamartine et Mme Valmore, ont de grands rapports d’instinct et de génie naturel ; ce n’est point par simple rencontre, par pure et vague bienveillance, que l’illustre élégiaque a fait les premiers pas au-devant de la pauvre plaintive ; toute proportion gardée de force et de sexe, ils sont l’un et l’autre de la même famille de poëtes. […] Je déferais sans pouvoir réparer, et je n’ai jamais eu la force de m’arrêter longtemps sur ces espèces de notes des impressions que je voulais oublier, — j’en ai tant d’autres à subir !

2334. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Mais la gaieté naturelle, une joie de force et d’innocence corrigeait bientôt la langueur ; le calme et l’équilibre étaient maintenus ; tout en redisant quelque ode rustique à la Thompson, ou en moralisant sur les passions à réprimer, elle ajoutait avec une gravité charmante : « Je trouve dans ma religion le vrai chemin de la félicité ; soumise à ses préceptes, je vis heureuse : je chante mon Dieu, mon bonheur, mon amie : je les célèbre sur ma guitare : enfin, je jouis de moi-même. » Elle en était encore à la première saison, à la première huitaine de mai du cœur. […] Je barbouille du papier à force, quand la tête me fait mal ; j’écris tout ce qui me vient en idée : cela me purge le cerveau… Adieu, j’attends une cousine qui doit nous emmener à la promenade ; mon imagination galope, ma plume trotte, mes sens sont agités, les pieds me brûlent. — Mon cœur est tout à toi. » Si calme, si saine qu’on soit au fond par nature, il semble difficile qu’en ce jeune train d’émotions et de pensées, on reste longtemps à l’entière froideur, avec tant de sollicitations d’être touchée.

2335. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Toutes ces émotions éparses ou réunies forment pour l’homme la poésie de la mer, elles finissent par donner au contemplateur le vertige de tant d’impressions, qu’il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et qu’il demeure immobile et muet à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] Celui-ci, qu’il présenta pour la première fois à Louis XIV, ne demanda pour toute grâce au roi que de désarmer la religion de toute force coercitive, d’éloigner les troupes des provinces qu’il allait visiter, et de laisser la parole, la charité et la grâce opérer seules sur les convictions qu’il voulait éclairer et non dompter.

2336. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

L’inconvénient, c’est qu’à moins d’être de la force de M.  […] Mais ne voir dans l’univers physique que l’enveloppe, le symbole de quelque chose d’inconnu, pressentir un abîme sous chaque forme visible, se croire entouré de forces insaisissables et inintelligibles, dégager le rêve de chacune de ses impressions, jouir des apparences et néanmoins s’apercevoir à chaque instant que nous ne comprenons rien au monde…, c’est être éminemment poète.

2337. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Connaissez-vous une école qui ait mieux deviné ces jeux de la force, de la passion et du hasard, qu’on a bien tort assurément de vouloir assujettir à des lois ? […] Littré excelle à montrer qu’ils n’arrivent pas ; et, s’ils n’arrivent pas, n’est-ce point le cas de se poser la question de Cicéron : « Pourquoi ces forces secrètes ont-elles disparu ?

2338. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

« Elle avait l’art de se pénétrer au degré qu’il fallait pour exprimer les grandes passions et les faire sentir dans toute leur force. » On a dit de Mlle Champmeslé qu’elle avait la voix des plus sonores, et que lorsqu’elle déclamait, si l’on avait ouvert la loge du fond de la salle, sa voix aurait été entendue dans le café Procope. […] À force d’esprit, de bon sens, de sentiment des bienséances et de modestie, Mlle Le Couvreur sut se faire accorder ce qu’à cette époque nulle autre de son état n’était en mesure ni en droit de réclamer.

2339. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Combien d’esprit dans les individus, combien de courage dans la masse ; mais combien peu de caractère réel, de force calme, et surtout de véritable vertu ! […] Mais en ce qui est de la France, de la connaissance des partis, du jeu des divers éléments, de leur qualité et de leur force relative, il est juge excellent.

2340. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Il travailla de toute sa force alors à relever le crédit de la noblesse, qu’il personnifiait dans la classe et l’espèce des ducs et pairs, à rabaisser d’une part la robe et le Parlement, et de l’autre à précipiter de leur rang usurpé les bâtards légitimés de Louis XIV, qui lui étaient son grand cauchemar et son monstre le plus odieux. […] Je ne sais qui a dit de Saint-Simon que quand il écrit mal, et quand il force les termes, il est déjà dans la langue le premier des barbares.

2341. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Pendant qu’il parle avec tant de force, une douceur surprenante lui ouvre les cœurs et donne je ne sais comment un nouvel éclat à la majesté qu’elle tempère. […] Il voudrait que son fils, au lieu de s’arrêter en chemin, et de regarder autour de lui et au-dessous de lui, ceux qui valent moins, reportât ses regards plus haut : Pensez plutôt à ceux qu’on a le plus sujet d’estimer et d’admirer dans les siècles passés, qui d’une fortune particulière ou d’une puissance très médiocre, par la seule force de leur mérite, sont venus à fonder de grands empires, ont passé comme des éclairs d’une partie du monde à l’autre, charmé toute la terre par leurs grandes qualités, et laissé depuis tant de siècles une longue et éternelle mémoire d’eux-mêmes, qui semble, au lieu de se détruire, s’augmenter et se fortifier tous les jours par le temps.

2342. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

L’égal qu’ils dédaignaient cependant les surpasse ; D’arbuste il devient arbre, et, les sucs généreux         Qui fermentent sous son écorce De son robuste tronc à ses rameaux nombreux Renouvelant sans cesse et la vie et la force, Il grandit, il grossit, il s’allonge, il s’étend,         Il se développe, il s’élance ;         Et l’arbre, comme on en voit tant,         Finit par être un arbre immense. […] Il mourut en septembre 1834, à l’âge de soixante-huit ans, plein de force et sans vieillesse.

2343. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Ajoutez que tandis que le défaut d’air et de perspective porte les figures du devant vers le fond et du fond vers le devant, par une seconde malédiction elles sembleront encore chassées de la gauche vers la droite et de la droite vers la gauche, ou retenues comme par force dans l’enceinte de la toile ; en sorte que cet obstacle levé, on craindrait que tout n’échappât, et n’allât se disperser dans l’espace environnant. […] J’ai vu l’artiste ; vous ne le croiriez pas, il joue la modestie à merveille ; il fait tout ce qu’il peut pour réprimer la bouffissure de l’orgueil qui le gagne ; il reçoit l’éloge avec plaisir, mais il a la force de le tempérer ; il regrette sincèrement le temps qu’il a perdu avec les grands et les femmes, ces deux pestes du talent ; il se propose d’étudier.

2344. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Il prend le rôle de ces êtres surnaturels qui semblent d’anciennes personnifications des forces de la Nature dans le panthéisme dit « fétichisme » (Voir notamment les contes intitulés : Mâdiou le charitable — Le barké — Le marabout et le fam. […] Or il ne semble pas qu’on en puisse dire autant de la geste burlesque de l’hyène et du lièvre dans la littérature indigène, encore qu’elle célèbre, elle aussi, le triomphe de l’esprit madré sur la force brutale.

2345. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

N’oublions pas ce qu’atteste l’histoire : ces jeux de force, de vaillance et d’agilité, ces quatre grandes écoles d’Olympie, de Delphes, de l’Isthme et de Némée préparaient et inspiraient la race des vainqueurs de l’Asie. […] sous le brillant portique de son père Télésarque, qu’un de vous aille éveiller le chant joyeux du Chœur, prix de sa victoire dans l’isthme, et de la force qu’il a trouvée aux combats de Némée !

2346. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Dante, presqu’au sortir de l’enfance, a senti l’amour pur, vrai, profond ; il en a rendu les illusions et la douleur, avec une force qui rejette bien loin toute la poésie convenue et le langage affecté du siècle ; il en a gardé l’ineffaçable souvenir, comme un sceau de Dieu sur lui ; il a été consacré poëte par la religion et par l’amour. […] Votre savoir n’a pas de force contre elle : elle pourvoit, elle juge ; elle règle son empire, comme les autres divinités disposent du leur.

2347. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

A force d’esprit, en un mot, et de souplesse, Villemain aura toujours toutes les qualités qu’on lui contestera.

2348. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Ici dans ce lieu nouveau et d’une destination toute spéciale, devant cet auditoire, cette audience (comme il dit) toute de souffrance et de charité, en présence ou dans le voisinage de ces 5000 indigents, il prend un texte et un point de vue appropriés : il veut non seulement consoler, mais glorifier, exalter l’infirmité dans saint Paul lui-même, et, de toutes ces infirmités de l’apôtre, il va tirer précisément et déduire toutes ses forces invincibles et ses grandeurs.

2349. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « [Addenda] »

Et en effet, n’est-ce pas extraordinaire à force d’à-propos ?

2350. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

Avant de s’ajuster exactement aux différentes espèces d’idées, le langage est jeté à l’entour avec une ampleur qui lui donne l’aisance et la grâce ; mais quand le siècle d’analyse a passé sur la langue et l’a travaillée à son usage, on ne peut plus qu’admirer et regretter ce charme à jamais évanoui du grand âge littéraire ; on essayerait en vain d’y revenir à force d’art ; et la critique, qui sent tout ce qu’il a d’exquis, est dans l’impuissance de le définir sans l’altérer.

2351. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

Cette haine s’était lentement grossie et avait sommeillé durant des années ; elle se tempérait de mépris, du sentiment de sa force, du respect pour les lois.

2352. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Le généreux effort de M. de La Mennais l’occupe ensuite ; il en apprécie et en honore la grandeur ; mais c’est du seul côté de l’indépendance et de la raison humaine, qu’il place (bien que le point prochain soit encore indéterminé) le centre de mouvement des forces de l’avenir.

2353. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Ils furent toujours les torturés du verbe et n’atteignirent cette admirable sobriété qu’à force d’énergie et de luttes.

2354. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Aussi Pascal, dont la vive imagination saisissait avec force tous les rapports et toutes les oppositions des idées, et qui excellait à les rendre sensibles par des rapports et des oppositions pareilles de mots, comparait les vaines antithèses faites pour arrondir les phrases aux fausses fenêtres qu’on peint sur les murs pour la symétrie.

2355. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Le défi de Rodrigue, dans son exagération insensée, n’est que la traduction dramatique de ce que Corneille écrit ailleurs d’après l’Imitation de Jésus-Christ : Rien ne pèse à l’amour, rien ne peut l’arrêter ; Il n’est point de travaux qu’il daigne supputer ; Il veut plus que sa force ; et quoi qui se présente, L’impossibilité jamais ne l’épouvante : Le zèle qui l’emporte au bien qu’il s’est promis Lui montre tout possible, et lui peint tout permis.

2356. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Rome, après la conquête, importe chez nous ses lois, sa langue, ou plutôt ses langues : elle installe dans les prospères écoles, elle déploie dans l’abondante littérature de la Gaule romaine sa sévère langue classique, ennoblie d’hellénisme, solidement liée par les rigoureuses lois de sa syntaxe et de sa prosodie ; elle livre à la masse populaire le rude, instable, usuel parler de ses soldats, de ses marchands et de ses esclaves, ce latin que, dès le temps d’Ennius, la force de l’accent et de vagues tendances analytiques commençaient à décomposer.

2357. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Mais Buffon seul a donné au sentiment de la nature toute sa profondeur ; il en a fait une émotion philosophique où l’impression des apparences s’accompagne d’une intuition de la force invisible, éternelle, qui s’y manifeste selon des lois immuables, où le spectacle de l’ordre actuel évoque par un mélancolique retour les vagues et troublantes images des époques lointaines dont le débris et la ruine ont été la condition de notre existence.

2358. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Renan se consolera : car « la raison a le temps pour elle, voilà sa force.

2359. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Renan…   Je pourrais ajouter que cet homme « fuyant » a eu la vie la plus harmonieuse, la plus soutenue, la plus une qu’on puisse concevoir ; que cet « épicurien » a autant travaillé que Taine ou Michelet ; que ce grand « je m’enfichiste » (car on a osé l’appeler ainsi) est, au Collège de France, l’administrateur le plus actif, le plus énergique et le plus décidé quand il s’agit des intérêts de la haute science ; que, s’il se défie, par crainte de frustrer l’humanité, des injustices où entraînent les « amitiés particulières » il rend pourtant des services, et que jamais il n’en a promis qu’il n’ait rendus ; que sa loyauté n’a jamais été prise en défaut ; que cet Anacréon de la sagesse contemporaine supporte héroïquement la souffrance physique, sans le dire, sans étaler son courage ; que ce sceptique prétendu est ferme comme un stoïcien, et qu’avec tout cela ce grand homme est, dans toute la force et la beauté du terme, un bon homme… Mais je ne sais s’il lui plairait qu’on fît ces révélations, et je m’arrête.

2360. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

» et bousculant l’huissier éberlué, elle force la consigne, s’ouvre accès dans la salle et se saisit du fauteuil.

2361. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Un million vaut un ou deux hommes de génie, en ce sens qu’avec un million bien employé on peut faire autant pour le progrès de l’esprit humain que feraient un ou deux hommes de premier ordre, réduits aux seules forces de l’esprit.

2362. (1890) L’avenir de la science « XX »

Dans l’ordre des productions de l’esprit, comme dans tous les autres, on ne reproduit que sur la demande expresse ou supposée, et par la force des choses il arrive que c’est la richesse qui fait la demande.

2363. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Voilà une attitude que nous ferons bien de garder ; car le siècle, à force d’intransigeance, comme on dit m’a l’air de dégénérer en pugilat.

2364. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Jammes a une profondeur, une pureté, une force de mélancolie dont l’expression, tout en m’offensant, m’impressionne ; c’est un poète incomplet.

2365. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Qu’importe, en effet, l’exploitation de l’individu par le Génie de l’Espèce ou par le Génie de la Connaissance, si le moi individuel n’est qu’une apparence inconsistante, le point où, à quelque moment de la durée, se fixent, en un équilibre instable, des forces multiples, complexes et insaisissables, qui l’instant d’après, sous une même étiquette, auront formé des combinaisons nouvelles ?

2366. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Il traverse des fossés, escalade des murs, & force des châteaux.

2367. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Le François n’a-t-il pas autant de précision & de force qu’il en faut pour ces sortes de sujets ?

2368. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Elle vient à la voix de celui qui réunit la précision, la pureté du langage, la force & la justesse du raisonnement, une méthode aisée & claire.

2369. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Nous ne chérissons pas le mensonge, bien que nous y tombions sans cesse ; cette faiblesse ne nous vient que de notre dégradation originelle : nous avons perdu la puissance en conservant le désir, et notre cœur cherche encore la lumière que nos yeux n’ont plus la force de supporter.

2370. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« Vous êtes infiniment grand, dit-il, infiniment bon, infiniment miséricordieux, infiniment juste ; votre beauté est incomparable, votre force irrésistible, votre puissance sans bornes.

2371. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Eh bien, tout juste de la même forme et de la même force, le tableau précédent et les deux suivants ; c’est la chapelle des gueux de Ste Reine, et ce l’est si bien qu’il n’y manque que les charnières que j’y aurais peintes furtivement, si j’avais été un des polissons de l’école.

2372. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Cleopatre s’attireroit moins d’attention, si le poëte lui faisoit dire en stile prosaïque aux ministres odieux de son frere : aïez peur, méchans : Cesar qui est juste va venir la force à la main : il arrive avec des troupes.

2373. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

C’est le but de l’orateur, quand il s’assujettit aux préceptes de la grammaire et de la réthorique : sa derniere fin n’est pas d’être loüé sur la correction et sur le brillant de sa composition ; deux choses qui ne persuadent point, mais de nous amener à son sentiment par la force de ses raisonnemens, ou par le pathétique des images que son invention lui fournit, et dont son art ne lui enseigne que l’oeconomie.

2374. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 10, du temps où les hommes de génie parviennent au mérite dont ils sont capables » pp. 110-121

Comme l’imagination a plûtôt acquis ses forces que le jugement ne peut avoir acquis les siennes, les peintres, les poëtes, les musiciens et ceux dont le talent consiste principalement dans l’invention, ne sont pas si long-temps à se former.

2375. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Le plan que se propose le general après avoir examiné ses forces, ses ressources, en un mot quels sont ses moïens, et quels sont ceux de l’ennemi, n’est pas exposé à être aussi souvent déconcerté que le projet du joueur.

2376. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Dans la vie ne voyons-nous pas la dupe aller instinctivement au charlatan, dédaignant l’honnête associé qui ne force pas l’attention par une jactance exubérante ou des dehors artificiels ?

2377. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

ce n’est point avec un esprit naturellement et exclusivement propre à l’analysent des doctrines philosophiques sans nouveauté et auxquelles on a deux cents fois répondu, qu’on peut faire sortir de sa tête une synthèse de la force d’une religion, progressive ou non progressive.

2378. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

La philosophie est l’amour sincère et la recherche acharnée de la vérité, et Cousin, le professeur, l’homme à effet, le théâtral, qui a trouvé sa véritable voie en devenant, après 1830, un homme politique, n’a pas et n’a jamais eu l’indépendance vis-à-vis des autres et de lui-même, la force d’impersonnalité et l’amour désintéressé du vrai qui constituent le philosophe.

2379. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Mais contrarier la nature, l’exalter, c’est un magnifique dressage. » Les grands hommes que je viens de citer sont des forces conservatrices ; ils risquent d’enrayer le mouvement vers l’inconnu, qui est la vie même.

2380. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ainsi partout l’intérêt public a dicté les éloges ; chaque nation a loué ce qui était utile à ses besoins ou à ses plaisirs ; on a loué la piraterie chez les Scandinaves, le brigandage chez les Huns, le fanatisme chez les Arabes, les vertus douces et les talents chez les peuples civilisés, la chasse ou la pêche chez les sauvages, la navigation chez les habitants des îles ; mais il y a une qualité qui partout a toujours été également louée, c’est celle qui a créé toutes les révolutions, qui bouleverse tout, qui assujettit tout, qui soutient les lois et qui les combat, qui fonde les empires et qui les détruit, à qui tout est soumis dans la nature, et devant qui l’univers et les panégyristes seront éternellement prosternés : la force.

2381. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

À l’égard du style, il est hardi, précipité, souvent brusque, toujours plein de vigueur ; il peint d’un trait ; la liaison est plus entre les idées qu’entre les mots ; les muscles et les nerfs y dominent plus que la grâce ; c’est le Michel-Ange des écrivains ; il a sa profondeur, sa force, et peut-être un peu de sa rudesse.

2382. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

J’aime mieux y voir ce qui est fait pour attendrir, la pauvreté et la détresse ôtant à la dignité du génie, ce génie ne craignant pas de mendier comme une mère pour l’enfant qu’elle sent près de naître, le peintre ne demandant qu’un gîte, le vivre et une toile pour déployer à l’aise ses couleurs et ses pinceaux : « J’ai à mettre en ordre des matériaux fort intéressants, et ce n’est qu’à la vue du ciel que je peux recouvrer mes forces. […] De même, en exagérant et subtilisant en mainte occasion au sujet des bienfaits et des prévenances de la nature, il lui arrive d’impatienter à bon droit celui qu’il vient de charmer ; à force d’apologie, il rappelle et provoque les objections. […] Le premier président de Lamoignon ne faisait sans doute que rire, quand, à force d’être pompéien, il applaudissait, dans son beau jardin de Bâville, Guy Patin s’écriant : « Si j’eusse été au sénat quand on y tua Jules César, je lui aurais donné le vingt-quatrième coup de poignard. » Mais M. de Malesherbes (ce qui était plus sérieux) disait à propos de ses anciennes liaisons rompues avec les philosophes : « Si je tenais en mon pouvoir M. de Condorcet, je ne me ferais aucun scrupule de l’assassiner. » Mauvaises manières de dire en ces nobles bouches, qui prouvent la part de l’infirmité humaine et du vieux levain toujours aisé à soulever ; pas autre chose.

2383. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Ajoutez que la mécanique sociale tourne d’elle-même, comme le soleil, de temps immémorial, par sa propre force ; sera-t-elle dérangée par des paroles de salon ? […] Deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, « sans préjudice des autres jours, on dîne chez lui à deux heures, selon l’usage, usage significatif qui réserve pour l’entretien et la gaieté toute la force de l’homme et les meilleurs moments du jour. […] Elle s’empare de tous les cœurs français, sape par le pied tout ce qui n’était fondé que sur les anciennes opinions et tire sa force d’elle-même. » Non seulement les privilégiés font les avances, mais ils les font sans effort ; ils parlent la même langue que les gens du Tiers, ils sont disciples des mêmes philosophes, ils semblent partir des mêmes principes.

2384. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

Le plus grand nombre est allemand, mais il y a quantité de spectateurs venus de toutes les parties du monde, des Russes d’abord, et aussi beaucoup d’Américains, force Anglais et quelques Français, plus que notre renommée d’ennemis des voyages ne le ferait supposer. — Mais c’est encore là une vieille observation que tous répètent sans la vérifier, et, défait, les Français sont devenus, depuis la guerre, un des peuples les plus cosmopolites qui soient. — Les costumes les plus variés se rencontrent dans cette vaste salle de restaurant où les délices de la bière et du tabac alternent avec ceux de la musique. […] Aussi faut-il voir de quels bravos enthousiastes on salue, entre autres points lumineux, le magnifique couronnement du premier acte, cette conclusion rayonnante à laquelle on tend, vers laquelle on se sent entraîné par la force supérieure du génie, amassée et décuplée au courant d’un acte entier : il y a là un effet inouï d’accumulation d’électricité musicale et tel qu’il faut, pour se le représenter, en avoir subi le choc. […] Les appels douloureux de Tristan, son retour attendri sur sa jeunesse, alors que le chalumeau du pâtre fait entendre le même chant plaintif qu’au jour où mourut son père ; et les rudes consolations de Kurwenal, et l’affolement d’amour, les sursauts terribles de passion qui secouent le malheureux dès qu’on signale en merle vaisseau qui ramène Iseult ; et son dernier cri d’amour en la voyant, et la transfiguration d’Iseult, « se fondant dans les grandes ondes de l’océan de délices, dans la sonore harmonie des vagues de parfums, dans l’haleine infinie de l’âme universelle » ; de ces divers éléments réunis, Wagner a su former un tout poétique et musical d’une profondeur d’accent et d’une force d’étreinte incomparables.

2385. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

. — Aux gestes exagérés des bras, qu’il reprochait à l’instant aux acteurs, Wagner oppose des mouvements plus modérés : « Nous pensâmes, dit-il, qu’une simple élévation du bras ou un mouvement caractéristique de la main ou de la tête, suffirait à exprimer les émotions de l’acteur. » A cette immobilité contre nature du chanteur, à cette situation étrange où se trouvent les acteurs, dans les ensembles des opéras, a cette nécessité enfin de parler devant le public ou de se dérober aux trois-quarts à sa vue, Wagner remédie par une simple attitude, basée sur l’observation de la nature : « Nous tirâmes, dit-il, de la passion même du dialogue le changement de poses que nous cherchions : nous avions observé que les accents les plus pathétiques de la fin d’une phrase donnaient lieu naturellement à un mouvement de la part du chanteur. « En effet, la force de l’expression se porte toujours à la fin d’une phrase, et, même dans la conversation ordinaire, nous faisons involontairement un geste pour ponctuer en quelque sorte le sens de notre discours (tome X, 389 et sq.) « Ce mouvement fait faire à l’acteur un pas en avant et, en attendant la réponse, il tourne à demi le dos au public ; ce mouvement le montre en plein à son partenaire : celui-ci, en commençant sa réponse, fait aussi un pas en avant, et, sans être détourné du public, il se trouve face à face avec le premier. » Ce jeu de scène paraîtra bien simple et indigne d’explication à nos critiques qui n’y verront « qu’un truc » comme un autre. […] Etendue mollement, enveloppée de son costume d’une richesse orientale et empreinte d’un charme calme et sûr de son pouvoir jusqu’au baiser fatal ; mais, à partir de ce moment, la mimique est intervertie : tandis que le simple se redresse dans sa force et dans sa vertu, Kundry commence à s’égarer dans ses gestes et dans ses paroles, comme tourmentée par une malédiction qui l’emplit de trouble ; Parsifal a vaincu l’enchantement qu’il domine de son attitude résolue, tandis que Kundry, affaissée sur elle-même, le regarde disparaître et le suit d’un long regard. […] Ses gestes sont lourds et gauches : il a l’air étonné comme un innocent (c’est le mot populaire qui peut le mieux rendre l’expression allemande : thor) ; il pleure, rit, brusquement ; les émotions le trouvent sans force, et le récit de la mort de sa mère le fait souffrir comme une blessure ; il bondit pour étrangler Kundry, puis tombe inanimé : c’est bien là le sauvage, le grand enfant.

2386. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

L’aîné, la force ; le jeune, la grâce, avec quelque chose d’une nature peuple poétique, qui trouverait son exutoire dans le fantastique, que le clown anglais apporte au tour de force. […] Il y aurait chez les deux frères une religion du muscle, qui les ferait s’abstenir de la femme, et de tout ce qui diminue la force.

2387. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

de Voltaire n’a point introduit l’amour, sont-elles en aussi grand nombre que celles où il le fait parler avec tant de force & de vérité ? […] Il parle de ce ton de force & de véhémence qu’il n’appartient qu’aux gens persuadés d’avoir. […] Ces loix, ainsi que celles de Charlemagne, peuvent-elles avoir la même force depuis la déclaration de Louis XIII, du 16 Avril 1641*.

2388. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

— Agir sur, transmettre sa force. […] … Et la lune elle-même, ce tournesol aplati, desséché, à force d’agnosticisme. […] Et les voilà traçant les cercles médiateurs et les ellipses de force, les caractères vocatoires, les signes aux spirales complexes qui unissent les vigueurs occultes des mondes.

2389. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

On saisit en cela la ligne de force principale de l’ouvrage, qui entend ouvrir l’espace clos dans lequel l’esprit fin de siècle avait tenu la poésie. […] Rien… Force m’était de pénétrer, avec quelque ennui, dans l’Assommoir, une grande salle tout en pénombre où quelques clients maniant des cartes, à mon entrée tournèrent la tête, étonnés. […] Force m’est de protester que l’événement poétique de 86 a été la parution en août du Traité du verbe, ainsi que nous le verrons : ceci dit, simplement pour que tout soit en sa place et son temps. […] René Ghil a l’air d’être sur une pente funeste, au bas de laquelle il y a des appareils de douches et des camisoles de force ». […] Autre côté de la Force, le rire, sain, mais voletant et comme empenné, cruel ’un peu, et tout à coup puissant et large de l’idée qui se déploie.

2390. (1884) La légende du Parnasse contemporain

J’essayerai d’éviter ce double écueil à force d’évidente bonne foi. […] Oui, c’est à force d’épeler les mornes phrases de M.  […] Belle comme la Force aveugle et sans effroi ! […] En effet une force invincible m’attire vers la légende, humaine ou religieuse, inventée ou rénovée, vers la lointaine légende. […] D’une force d’aimer qui survit à la vie.

2391. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Après les nominalistes et tous les philosophes qu’avait frappés l’association des termes généraux avec les notions générales, Condillac avait insisté sur le même fait, mais en logicien plutôt qu’en psychologue, et sans songer à distinguer la parole intérieure de la parole extérieure : « Tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler ; — une science bien traitée n’est qu’une langue bien faite ; — toute méthode analytique de la pensée est une langue ; — nous pensons par les langues » tels sont ses principaux aphorismes ; Rousseau, lui, envisageant la pensée et ses expressions comme deux successions parallèles, esquissait une vraie description psychologique quand il disait : « L’esprit ne saisit (les idées dont l’objet n’est pas sensible) que par des propositions : car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. » Sur la question des origines, Condillac avait soutenu, après l’oratorien Richard Simon29 3 et avec la grande majorité des philosophes du xviiie  siècle et des idéologues, l’invention humaine de la parole, ou, en d’autres termes, la création de l’expression de la pensée par les seules forces naturelles de la pensée : à quoi Rousseau répondait : « La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole. » D’autre part, et dès avant ses recherches sur le langage, de Bonald était d’instinct partisan des vérités immuables ; et, disposé comme il l’était à voir dans le progrès une illusion coupable, dans le devenir une forme inférieure de la réalité, une déchéance de l’être, il avait été facilement mis par le P. […] C’est surtout dans la méditation proprement dite que la parole intérieure est remarquable, car c’est alors qu’apparaît pleinement l’indissoluble alliance de la parole avec la pensée : cette maxime de Laromiguière : « Toute la force de l’intelligence réside dans l’artifice du langage », et, en général, « tout ce qu’ont dit les métaphysiciens », — c’est-à-dire, sans doute, les nominalistes, et, avec eux, Condillac et son école, — sur les « effets du langage… considéré comme signe de la pensée », tout cela « s’étend aussi à la parole intérieure », et même « n’est intelligible qu’autant qu’on lui en fait l’application »76. […] C’est par elle que nous faisons subir aux idées qu’elle conserve toutes les modifications qui les rendent si fécondes…, et que nous nous instruisons nous-mêmes, comme nos semblables nous instruisent par la parole extérieure. » Ainsi, « l’intelligence doit toute sa force et les immenses développements qu’elle acquiert quelquefois à l’empire que nous donne sur nos idées la parole intérieure77 » Comme à la méditation Cardaillac rattache des états moins actifs que la réflexion, tels que la rêverie et la récitation muette78, rien ne manque au tableau qu’il fait de l’extension de la parole intérieure ; on peut dire qu’il a tracé, bien qu’implicitement, la loi de la parole intérieure ; il a, sinon formulé, du moins compris qu’elle fait l’intérim de la parole extérieure émise ou entendue ; il eût pu dire, en style condillacien, que nous sommes toujours parole et que nous sommes parole intérieure quand nous ne sommes pas parole extérieure. […] Cette dernière idée, malheureusement, a fait fortune ; car il y a aujourd’hui, parmi les psychologues, une école du toucher ou, pour mieux dire, une école du muscle, qui ramène de gré ou de force toutes les opérations de l’âme au toucher actif et au sens musculaire. […] Albert de Haller (Berne, 1708-1777), s’est entre autres illustré par des travaux de physiologie et la constitution d’une théorie de l’irritabilité qu’il considère comme essentiellement distincte de la sensibilité, et comme une force qui réside exclusivement dans la fibre musculaire.

2392. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

ce qui a fait la force et la popularité de Giusti, c’est précisément la manière dont se multipliaient les exemplaires de ses œuvres. […] En même temps qu’elle avoue son amour, elle cache généreusement ses regrets et force à partir l’homme qu’elle serait heureuse de garder. […] Un honnête vieillard intervient et force le brigand à déguerpir, moyennant une pension annuelle de cent guinées. […] À force d’user ses yeux sur les chroniques du moyen âge, il est arrivé à l’éblouissement. […] Remy exaspéré retrouve la force qu’il avait perdue et emmène son enfant.

2393. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Cet homme joignait aux avantages extérieurs un esprit vif et pénétrant, une grande force d’âme ; tout était noble en lui, excepté la naissance. […] Chapelle s’échauffa, et, criant du haut de la tête pour convertir son juge, il ébranla son équité par la force de son raisonnement. […] Ce n’est pas, selon lui, l’incorruptible honneur du calomnié qui doit ôter sa force et son danger à cette infâme calomnie, c’est le peu de crédit de l’accusateur à la cour ! […] La première permission ayant été donnée verbalement, on se trouva dans l’impossibilité de la produire, et force fut d’attendre un nouvel ordre de Sa Majesté. […] La voici : « Un Indou, d’une force extraordinaire, avait une très belle femme : il en fut jaloux, la battit et s’en alla.

2394. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Mais, mon cher, il n’est pas superflu de mesurer la force de résistance à laquelle se heurte le génie, et toute l’importance de ce jeune chroniqueur se réduit, mais c’est bien suffisant, à représenter l’esprit moyen de la bourgeoisie. […] Toutes les forces, toutes les gloires et toutes les élégances ! […] Fromentin tient un peu de la femme, juste autant qu’il faut pour ajouter une grâce à la force. […] Quelle force prodigieuse l’Egypte, la Grèce, Michel-Ange, Coustou et quelques autres ont mise dans ces fantômes immobiles ! […] Or, dans la malheureuse figure dont je parle, tout ce qui constitue la force et la beauté est absent.

2395. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Il était, s’il est permis de traduire ainsi les cœurs, il était de ceux qui, en ces heures mémorables où il fallut faire acte de sacrifice, retrouvèrent la foi catholique par l’honneur même, et qui, se relevant des fragilités de leur passé, redevinrent véritablement chrétiens à force d’être honnêtes gens. […] Voilà mes vœux de cette année ; ils ne sont pas au-dessus de vos forces, et vous trouverez dans votre cœur, dans votre génie, dans votre mémoire si bien ornée, tout ce qui peut rendre cet ouvrage un chef-d’œuvre.

2396. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Selon lui, la nature n’est pas en affaiblissement ni en décadence, quoi qu’en disent les partisans exagérés de l’Antiquité : Non, monsieur, la nature n’est pas sur son déclin : du moins ne ressemblons-nous guère à des vieillards ; la force de nos passions, de nos folies, et la médiocrité de nos connaissances, malgré les progrès qu’elles ont faits, devraient nous faire soupçonner que cette nature est encore bien jeune en nous. […] Je crois, pour moi, dit Marivaux, qu’à l’exception de quelques génies supérieurs qui n’ont pu être maîtrisés, et que leur propre force a préservés de toute mauvaise dépendance, je crois qu’en tout siècle la plupart des auteurs nous ont moins laissé leur propre façon d’imaginer que la pure imitation de certain goût d’esprit que quelques critiques de leurs amis avaient décidé le meilleur.

2397. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Il se sentait pour cela une force infinie d’émanation et d’onction dans l’intimité. […] Une crainte tout à fait puérile donna à Saint-Martin la force de déterminer son père à le laisser quitter la charge que des considérations de famille lui avaient fait prendre.

2398. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Ce génie, il le lui refuse expressément ailleurs et par de très bonnes raisons, et il se borne à lui accorder beaucoup d’esprit : Ses mérites consistent véritablement dans beaucoup d’esprit, mais nul génie (on entend par esprit la facilité à entendre et à rendre) ; la hardiesse, le courage, la tranquillité devant les grands objets, ce qu’on prend pour force d’âme et qui ne l’est que de cœur ; un goût porté au grand et à l’élevé pour soi-même. […] On suit bien chez d’Argenson la maladie qui précéda cette venue de Rousseau, le persiflage par bel air ou l’affectation fausse de sensibilité de la part de ceux qui en manquaient le plus : « On ne voit, dit-il énergiquement, que de ces gens aujourd’hui dont le cœur est bête comme un cochon, car ce siècle est tourné à cette paralysie du cœur ; cependant ils entendent dire qu’il est beau d’être sensible à l’amitié, à la vertu, au malheur ; ils jouent la sensibilité presque comme s’ils la sentaient. » Le grand mérite de Rousseau fut de sentir avec vérité ce qu’il exprima avec force et quelquefois avec emphase : car par lui on passa brusquement de la presque paralysie du cœur à une sorte d’anévrisme soudain et de gonflement impétueux.

2399. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

» Il se demande pourquoi ces livres traduits de l’anglais ont tant d’attrait pour lui ; il s’aperçoit bien de ce qui y manque pour l’ordre, pour la méthode, et combien « à décliner les choses par les règles » les écrivains français paraissent supérieurs ; il sent le besoin de s’expliquer cette action si réelle sur les esprits sérieux : C’est qu’ils raisonnent avec grande force, dit-il, et qu’il n’y a jamais de lieux communs comme dans nos auteurs, même comme dans ceux des nôtres qui raisonnent le plus à l’anglaise. […] Il lui oppose Saint-Évremond, La Rochefoucauld, « qui avaient pour eux une force de génie qui leur faisait dire de grandes choses à travers leurs antithèses, au lieu, dit-il, que les femmes chiffonnent, et leur légèreté dégénère toujours en frivolité, malgré le jugement, l’esprit et le bon goût qu’elles peuvent avoir ».

2400. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Les os des bras rompus, il eut encore la force de faire signe au prêtre de s’éloigner ; et tant qu’il put parler, il encouragea les autres. […] C’est tout ce qu’il peut faire de tenir le prince de Bade en échec ; car dès qu’il est en force et à la veille de pouvoir tenter quelque chose de hardi, on l’affaiblit en lui retirant de ses troupes pour les envoyer à l’armée de Flandre ; on lui en rend dès qu’on le voit trop faible et en danger d’être accablé, mais pour les lui reprendre bientôt encore.

2401. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Il était bon élève, de force régulière. […] Je pourrais noter, comme dans un opéra, nombre de ces beaux airs ou de ces hymnes : Si tu viens trop tard, ô mon Idéal, je n’aurai plus la force de t’aimer, etc. ; Ô Beauté, nous ne sommes créés que pour t’aimer et t’adorer à genoux, etc.

2402. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Autrefois, du temps de l’Empire romain, il y avait des rhéteurs ou sophistes qui couraient les provinces et les villes, et dont quelques-uns, par leurs tours de force et leur dextérité de parole, obtenaient de prodigieux succès. […] Et pourtant je sens la force ou plutôt l’agrément des raisons qu’on m’oppose ; je le sens si bien, que je suis tenté parfois de m’y associer et de pousser aussi mon léger soupir ; tout en marchant vers l’avenir, je suis tout prêt cependant, pour peu que j’y songe, à faire, moi aussi, ma dernière complainte au passé en m’écriant : Où est-il le temps où, quand on lisait un livre, eût-on été soi-même un auteur et un homme du métier, on n’y mettait pas tant de raisonnements et de façons ; où l’impression de la lecture venait doucement vous prendre et vous saisir, comme au spectacle la pièce qu’on joue prend et intéresse l’amateur commodément assis dans sa stalle ; où on lisait Anciens et Modernes couché sur son lit de repos comme Horace pendant la canicule, ou étendu sur son sofa comme Gray, en se disant qu’on avait mieux que les joies du Paradis ou de l’Olympe ; le temps où l’on se promenait à l’ombre en lisant, comme ce respectable Hollandais qui ne concevait pas, disait-il, de plus grand bonheur ici-bas à l’âge de cinquante ans que de marcher lentement dans une belle campagne, un livre à la main, et en le fermant quelquefois, sans passion, sans désir, tout à la réflexion de la pensée ; le temps où, comme le Liseur de Meissonier, dans sa chambre solitaire, une après-midi de dimanche, près de la fenêtre ouverte qu’encadre le chèvrefeuille, on lisait un livre unique et chéri ?

2403. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Veillez, veillez, jeunes gens ; recueillez vos forces, vous en aurez besoin le jour de la bataille : les faibles oiseaux prennent leur vol tout d’un trait ; les aigles rampent avant de s’élever sur leurs ailes. » Et pourtant son hardi et heureux frère ne rampait déjà plus. […] Il passa une année dans une petite chambre rue Mézières, puis rue du Dragon, étudiant et travaillant à force, jaloux de prouver à son père qu’il pouvait se suffire à lui-même.

2404. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Là donc où d’autres ne verraient que matière à un bon mot assez piquant, lui il placera tout le pivot d’une pièce ; il fait tout pirouetter, à force de combinaisons ingénieuses, autour d’un paradoxe extrême qu’on ne croyait pas de force à tant supporter. […] Dans les proportions où son paradoxe s’est produit sur ces sujets plus graves, il a touché mainte fois à l’odieux, et, à force d’art, il a su l’esquiver.

2405. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Certains esprits ont assez de force et d’assurance pour établir ces longues suites de jugements, pour les appuyer sur des principes immuables. […] Car, que sont les plus forts et les plus sages, sinon des acteurs qui se connaissent un peu mieux eux-mêmes, mais qui sont mus aussi par des forces fatales et qui ne verront jamais toutes les ficelles qui les tirent ?

2406. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Pandolfo veut savoir qui est la femme qui est entrée chez lui et la force à se découvrir le visage. […] Cela ressort des scènes qu’ils jouaient, à preuve celle qui est rapportée par Sauval : « Gros-Guillaume habillé en femme tâchait d’attendrir son mari Turlupin qui, armé d’un sabre de bois, voulait à toute force lui trancher la tête.

2407. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Il faut donc mettre des contrastes dans les attitudes, sur-tout dans les ouvrages de Sculpture, qui naturellement froide, ne peut mettre de feu que par la force du contraste & de la situation. […] Il faut bien remarquer qu’un sentiment n’a pas ordinairement dans notre ame une cause unique ; c’est, si j’ose me servir de ce terme, une certaine dose qui en produit la force & la variété.

2408. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Toute sa force créatrice fut employée à apprendre. […] Quant à la force de l’expression, il ne s’y trouve rien qui n’ait été poussé plus loin par les deux meilleurs écrivains du même temps, Comines et Villon.

2409. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Telle est pourtant la force des bonnes traditions, que ce fut assez de sa fidélité intelligente à l’art des maîtres, pour lui mener heureusement la main dans quelques odes que l’on peut appeler belles, dans la rareté de celles qui le sont. […] Rousseau a compté parmi les poètes classiques, et la force de la coutume maintient encore ses odes à côté des Épîtres de Boileau et des chœurs d’Esther et d’Athalie, dans nos plans d’étude où manque Malherbe.

2410. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et si l’on remarque, d’autre part, qu’une semblable complexité mentale, — outre qu’elle suppose que l’on est relatif par tempérament et absolu par éducation, très perspicace et d’autant moins éclairé ; que l’on n’échappe à la torture de l’idée que par le renoncement ; qu’en d’autres termes, l’on n’a au cœur rien de proprement viril, nous ne disons pas d’humain, ni la force d’être sceptique avec décision, ni le pouvoir de se passionner avec constance, — entraîne, pour l’alimentation vitale de l’esprit, la nécessité d’une transposition indéfinie de la perspective, l’on achèvera de comprendre que M.  […] Adolescent, les plaisirs auxquels, de son propre aveu, il se livra immodérément, dans les dispositions les plus propres à activer l’épanouissement de ses vertus clairvoyantes, n’ont pu marquer qu’une déperdition momentanée de sa force d’extensibilité psychique.

2411. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Toute position officielle est un moule plus ou moins étroit ; pour y entrer, il faut briser et plier de force toute originalité. […] Le génie est patient et vivace, je dirai presque robuste et paysan. « La force de vivre fait essentiellement partie du génie. » C’est à travers les luttes d’une situation extérieure que les grands génies se sont développés, et, s’ils n’avaient pas eu d’autre profession que celle de penseurs, peut-être n’eussent-ils pas été si grands.

2412. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Mais la puissance relative de ces forces ne demeure pas la même ; celles-ci croissent, celles-là, décroissent et un jour vient où celle qui régnait est détrônée et remplacée par une de celles qui la combattaient. […] Descartes, à force d’abstraction, n’est pas loin de réduire l’homme à n’être plus qu’une intelligence servie par des organes, une âme qui a rencontré un corps par hasard, qui se trouve accouplée avec lui on ne sait comment et qui, en attendant d’en être délivrée, peut et doit raisonner comme si elle était seule.

2413. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

La chute est mesquine pour une situation de cette force. […] Tant il y a que le jésuite tient l’escroc de bonne compagnie, qu’il en fait son complice et son âme damnée, et le force de s’allier à lui pour marier l’héritière à son élève Adhémar.

2414. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Ce canon, qui recèle les forces d’un cataclysme, est un engin fantastique. […] Alors le masque tombe, l’accent gascon s’efface, le notaire s’évanouit ; et, du nuage que laisse sa disparition, sort un Rodin germanique aux cent yeux, aux cent bras, espion d’une police universelle, représentant d’une société, au capital de cinq milliards, ayant pour but l’achat ou la destruction de toutes les forces vives de la France, armée de glaives et de stylets dont la pointe est partout et dont la poignée n’est nulle part.

2415. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mais, à force d’esprit, d’agrément et d’adresse, elle répara tout, et la longue éclipse fut comme non avenue. […] Tant est surprenante la force, ou plutôt la magie d’une femme qui possède de véritables charmes !

2416. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il ne s’en tient pas là, il demande ce qui serait arrivé si, au sortir de l’Assemblée, les membres qui avaient voté pour le décret avaient été assaillis par le peuple, qui leur aurait dit : « Vous venez de nous retrancher de la société, parce que vous étiez les plus forts dans la salle ; nous vous retranchons à notre tour du nombre des vivants, parce que nous sommes les plus forts dans la rue ; vous nous avez tués civilement, nous vous tuons physiquement. » Il est vrai que Camille ajoute que si le peuple avait voulu passer de la menace à l’effet, « si le peuple avait ramassé des pierres, il se serait opposé de toutes ses forces à la lapidation ». […] Je me suis rendu à ces raisons dont j’ai senti la force et la vérité.

2417. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

En vérité, ses sentiments ont quelque chose de si divin, que je ne puis y penser sans être en de continuelles actions de grâces : et la marque du doigt de Dieu, c’est la force et l’humilité qui accompagnent toutes ses pensées ; c’est l’ouvrage du Saint-Esprit… cela me ravit et me confond ; je parle, et elle fait ; j’ai les discours, elle a les œuvres. […] Plus il avait vu Mme de La Vallière dans le temps de son noviciat, plus il avait été frappé de sa force et de son essor, de son entier renouvellement de cœur.

2418. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

La France, pour M. de Maistre, qui est Français de langue, et, à bien des égards, de cœur et d’esprit, la France est un instrument, un organe européen que rien ne saurait remplacer, et qui, même lorsqu’il frappe à faux, ne doit pas être à l’instant rejeté et brisé : Il y a dit-il, dans la puissance des Français, il y a dans leur caractère, il y a dans leur langue surtout, une certaine force prosélytique qui passe l’imagination. […] Et se redressant avec la conscience de sa force devant ces hommes de routine, leur montrant qu’il y a eu en ce monde plus d’affaires encore perdues par le trop de finesse que par l’imprudence ; que, s’il y avait imprudence dans le cas présent, elle n’eût été que pour lui seul, et que son idée d’ailleurs avait été approuvée à l’avance par un petit nombre d’hommes sages qu’il avait consultés : Or, permettez-moi de vous le dire, monsieur le chevalier, lorsqu’une idée née dans une tête saine qui surmonte un cœur droit a de plus été examinée attentivement et approuvée par quatre ou cinq hommes de poids, elle ne saurait plus être absurde ni condamnable ; elle peut être simplement désapprouvée, mais c’est bien différent.

2419. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Ces dissipations, celles qu’il trouvait à Passy où il était allé loger chez son ami et Mécène M. de La Popelinière, cette vie de soupers et de plaisirs, arrêtèrent les premiers succès de Marmontel et nuisirent à son essor tragique, en supposant qu’il eût été de force à se pousser dans cette voie. […] Sa vieillesse eut plus de force que n’en avait eu sa jeunesse.

2420. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Toujours il débutera vivement, brillamment, mêlant l’esprit à l’audace, la repartie à la bravoure ; il se montrera capable, des plus prompts à l’occasion, plein de promesses qu’il ne tient qu’à lui, ce semble, de réaliser : puis tout à coup, à un certain moment, une affaire d’honneur, de vrai ou de faux point d’honneur, l’arrêtera court, le fera sortir de la route tracée et le lancera dans une sphère d’action différente : il a en lui comme une force excentrique secrète qui le déjoue. […] Je ne crois pouvoir rien ajouter à la force de cette expression, ne sachant point dire ce que je sens.

2421. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

L’histoire entière des peuples est présentée comme un vaste quiproquo et une fausse route prolongée qui ne doit se rectifier que lorsque les hommes seront éclairés et sages ; et comme le néophyte, effrayé de ce spectacle universel d’erreurs, se met à désespérer de nouveau et à se lamenter, le Génie le rassure une seconde fois et lui démontre que ce règne de la sagesse et de la raison va enfin venir ; que, par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler ; qu’à force d’expérience, il s’éclairera ; qu’à force d’erreurs, il se redressera ; qu’il deviendra sage et bon, parce qu’il est de son intérêt de l’être ; que tout sera fait quand on comprendra que la morale est une science physique, etc.

2422. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

C’est sans doute que leur obscurité fait leur grâce et leur force  ; ils disent ce que l’écrivain ne sait pas dire, quoi qu’il sente ; ils font croire à celui qui en est ému que celui qui les profère abrège par un signe connu la longue litanie de ses émotions, tandis que celui qui les écrit revêt placidement son impuissance d’une forme dont il connaît, pour l’avoir éprouvée, la vertu communicative et tyrannique. […] Il faut une grande force de réaction personnelle, une grande énergie cellulaire pour résister à la douce facilité d’ouvrir la main sous le fruit qui tombe : il est si agréable et si naturel à l’homme de se nourrir du jardin qu’il n’a bêché, ni semé, ni planté.

2423. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Une force démesurée, un charme exquis, la férocité épique, la pitié, la faculté créatrice, la gaieté, cette haute gaieté inintelligible aux entendements étroits, le sarcasme, le puissant coup de fouet aux méchants, la grandeur sidérale, la ténuité microscopique, une poésie illimitée qui a un zénith et un nadir, l’ensemble vaste, le détail profond, rien ne manque à cet esprit. […] Shakespeare, c’est la fertilité, la force, l’exubérance, la mamelle gonflée, la coupe écumante, la cuve à plein bord, la sève par excès, la lave en torrent, les germes en tourbillons, la vaste pluie de vie, tout par milliers, tout par millions, nulle réticence, nulle ligature, nulle économie, la prodigalité insensée et tranquille du créateur.

2424. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Le peuple appelle éloquence la facilité que quelques-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l’emportement du geste, à l’éclat de la voix, et à la force des poumons. […] L’on a cette incommodité à essuyer dans la lecture des livres faits par des gens de parti et de cabale, que l’on n’y voit pas toujours la vérité : les faits y sont déguisés, les raisons réciproques n’y sont point rapportées dans toute leur force, ni avec une entière exactitude ; et, ce qui use la plus longue patience, il faut lire un grand nombre de termes durs et injurieux que se disent des hommes graves, qui d’un point de doctrine, ou d’un fait contesté se font une querelle personnelle.

2425. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Un Académicien de Rouen y a relevé un grand nombre de méprises ; mais l’amertume de ses critiques & l’air de passion qu’elles respirent ont diminué la force & le prix de ses meilleures remarques. […] La connoissance de l’origine d’un mot en fait mieux sentir toute la force & sert à donner quelquefois plus d’énergie à une phrase en y faisant entrer ce mot à propos.

2426. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

La figure entière ramasse sur elle toute la force, tout l’éclat de la lumière, et apelle la première attention. […] C’est un éloge qu’on ne peut refuser à Vien ; mais quand on tourne les yeux sur Doyen qu’on voit sombre, vigoureux, bouillant et chaud, il faut s’avouer que dans la prédication de saint Denis tout ne se fait valoir que par une foiblesse supérieurement entendue ; foiblesse que la force de Doyen fait sortir ; mais foiblesse harmonieuse qui fait sortir à son tour toute la discordance de son antagoniste.

2427. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

L’action des formes sociales est souvent aidée, ainsi, par d’autres forces qui poussent dans le même sens. […] Ce qui ne veut pas dire qu’il nous force à méconnaître, finalement, la différence de leurs actes ; il nous permet au contraire de l’apprécier justement.

2428. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Si la force n’y suffit point, il y emploie la violence. […] Il reste qu’il prenait intérêt à étudier ce jeu des forces dans l’État. […] Elles personnifient la force de perdition qui réside dans la beauté de la femme. […] On dit communément de lui qu’il est une force. […] Pour un peu de force qu’il y manque, il s’en dégage tant de grâce spirituelle et tant d’émotion !

2429. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

… Ce qui est certain, c’est que quand je considère aujourd’hui tout l’ensemble de l’œuvre étonnante de Victor Hugo, dans laquelle il a mis de plus en plus hardiment et fait sortir tout ce qu’il avait en lui de force, de qualités et de défauts, en les poussant jusqu’au bout et à outrance, je sens combien je suis demeuré timide à son égard et insuffisant comme critique : j’en suis resté avec lui très en arrière, à l’autre versant de la montagne, sans doubler le sommet et sans redescendre les dernières pentes si déchirées et si rapides.

2430. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Il prête à qui l’embrasse une force immortelle ; De tout haut monument c’est la base éternelle ; C’est le genou de Dieu, c’est le divin appui ; Aussi malheur !

2431. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Ils devraient, ce me semble, laisser leurs disputes jusqu’à ce que la paix générale fût faite, et ensuite recommencer leurs guerres civiles, s’arracher leurs bonnets de la tête, s’ils en avaient envie ; mais présentement nous avons des choses plus sérieuses ; et pour moi, j’ai si fort regardé ces deux partis avec indifférence, que je n’ai pas voulu presque en entendre parler, et que je cherche toujours mes confesseurs exempts de haine ou d’amitié pour eux. » Grâce à madame des Ursins et à la reine d’Espagne, princesse remplie de force et de prudence, l’intérieur de cette cour demeura libre de toute intrigue religieuse, quoique le roi Philippe méritât d’être appelé un grand saint ; et, malgré l’exemple de la France, on n’eut à s’occuper en Espagne que des soins de la guerre.

2432. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Ajoutez force jactance, injures, des digressions sans motif, des omissions sans excuse, jamais un trait de talent, sinon dans quelques comparaisons ingénieuses.

2433. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Dans la Femme de quarante ans, par exemple, il est peu nécessaire, pour nous égayer, de comparer une grosse dame, en robe blanche et en cachemire vert, qui exhale force odeurs, à une espèce de botte d’asperges au musc.

2434. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

La pensée n’a plus alors la force de nous soutenir ; il faut retomber sur la vie.

2435. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la bienfaisance. »

La philosophie exige de la force dans le caractère, l’étude, de la suite dans l’esprit ; mais malheur à ceux qui ne pourraient pas adopter la dernière consolation, ou plutôt la sublime jouissance qu’il reste encore à tous les caractères dans toutes les situations.

2436. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

La force de ce naïf Contr’un se révéla quand les protestants se soulevèrent contre la royauté qui opprimait leur foi : ils le recueillirent, et s’en firent une arme, comme d’un manifeste de révolte et de sédition.

2437. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

On force sa pensée, on la déforme, on l’obscurcit par l’embellissement des figures ; on l’estropie, on la mutile, on la fausse par la contrainte du vers, de la mesure, de la rime.

2438. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Il faudrait pour cela une hardiesse d’imagination, une force d’esprit dont on ne trouve guère d’exemples que parmi les inventifs bourreaux du Japon, et peut-être de quelque autre pays.

2439. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

La Fontaine pour nous dédommager d’avoir fait une fable aussi mauvaise que l’est la précédente, lui fait succéder un apologue excellent, où il développe avec finesse et avec force le jeu de l’amour-propre de toutes les espèces d’animaux, c’est-à-dire de l’homme, dont l’espèce réunit tous les genres d’amour-propre.

2440. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Il y a aussi beaucoup à profiter dans la lecture des Mêlanges de M. d’Alembert : philosophe profond qui a toute la finesse de Fontenelle, toutes ses connoissances & une force de style que Fontenelle n’avoit point.

2441. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Autour de moi les objets gardent toute la force et toute la variété de leurs couleurs, ils se ressentent moins de la teinte de l’atmosphère et du ciel ; au loin ils s’effacent, ils s’éteignent, toutes leurs couleurs se confondent ; et la distance qui produit cette confusion, cette monotonie, les montre tous gris, grisâtres, d’un blanc mat ou plus ou moins éclairé, selon le lieu de la lumière et l’effet du soleil.

2442. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Greuze » pp. 234-241

Que c’était à sa fille à lui présenter à manger, et à son gendre à relever sa tête et son traversin, parce que l’un demande de l’adresse, et l’autre de la force.

2443. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Mais n’en est-il pas un autre qui se concilierait avec les mœurs, la richesse, l’aisance, la splendeur et la force d’une nation ?

2444. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Ne pourroit-on pas soutenir ensuite, que comme les graines qu’on seme, et les arbres qui sont dans leur force, ne donnent pas toutes les années un fruit également parfait dans les païs où ils se plaisent davantage, de même les enfans élevez sous les climats les plus heureux, ne deviennent pas dans tous les temps des hommes également parfaits ?

2445. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Cette étude recherchée de tous les artifices capables de mettre de la force et de jetter de l’agrément dans la déclamation, ces rafinemens sur l’art de faire paroître sa voix, ne passeront point pour les bizarreries de quelques rêveurs auprès des personnes qui ont connoissance de l’ancienne Grece et de l’ancienne Rome.

2446. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

L’homme de génie dont je viens de parler avoit conçû par la seule force de son imagination que le spectacle pouvoit tirer du pathetique, même de l’action muette des choeurs, car je ne pense pas que cette idée lui fut venuë par le moïen des écrits des anciens, dont les passages qui regardent la danse des choeurs n’avoient pas encore été entendus, comme nous venons de les expliquer.

2447. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

A force de relire et toujours à peu près les mêmes textes, le professeur en arrive quelquefois à y retrouver toujours les mêmes impressions et, quand il y trouve toujours les mêmes impressions, il les retrouve un peu affaiblies ou comme émoussées.

2448. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Eh bien, c’est cette passion et cette vie, qui révèlent la force de la conscience, que je voudrais voir davantage dans ce livre !

2449. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ceux-là même qui ont dans le génie ce don charmant de force éthérée qui enlève tous les sujets avec un souffle, ne lancent pas l’œuvre légère, ne soufflent pas leur bulle étincelante tous les jours !

2450. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

« Un doux éclat de soleil couchant — nous dit-il plus loin, avec ce sentiment de poète qui sent la poésie dans les autres, — rayonne de l’âme de Hebel, pure et tranquille, et teint de rose toutes les hauteurs qu’il fait surgir. » Et Jean-Paul ajoute cette phrase mélodique et enchantée du ranz des vaches que son imagination pastorale jouait toujours : « Hebel embouche d’une main la trompe alpestre des aspirations et des joies juvéniles, tout en montrant, de l’autre, les reflets du couchant sur les hauts glaciers, et commence à prier quand la cloche du soir se met à sonner sur les montagnes. » De son côté, Goethe, ce grand critique, ce grand esprit lymphatique, ce Talleyrand littéraire qui fait illusion par la majesté de l’attitude sur la force de sa pensée, cet homme que l’on a cru un marbré parce qu’il en a la froideur, Goethe, ce blank dead, comme l’appelleraient les Anglais, ce système sans émotion et dont le talent fut à froid une combinaison perpétuelle, disait de cette voix glacée qui impose : « L’auteur des poésies allemaniques est en train de se conquérir une place sur le Parnasse allemand.

2451. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Dans un pays de la forte nationalité du nôtre, qui est tout l’univers avant d’être français, et dont les gentilshommes — s’il y a encore des gentilshommes — mettent pour courir les culottes d’un jockey anglais, il y a dix poètes pour le moins, à cette heure, de la force ou plutôt de la faiblesse de Leopardi, et dont on ne s’occupe pas, avec raison, du reste, mais par la seule raison qu’ils ne sont pas des Italiens !

2452. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Cela suffirait seul pour justifier nos observations sur Erckmann-Chatrian, qui, de nature, n’est pas fait pour ce monde à part, surnaturel et clair-obscur, ou fantastique, et dont le talent n’a qu’au plein jour de la vie réelle et corpulente, sa force et son intensité.

2453. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Enfin, pour connaître l’esprit de ce temps-là, il ne sera pas inutile d’observer que Paul Jove loue avec transport ce Pic de La Mirandole, l’homme de l’Europe, et peut-être du monde, qui à son âge eût entassé dans sa tête le plus de mots et le moins d’idées ; qu’il n’ose point blâmer ouvertement ce Jérôme Savonarole, enthousiaste et fourbe, qui déclamant en chaire contre les Médicis, faisait des prophéties et des cabales, et voulait, dans Florence, jouer à la fois le rôle de Brutus et d’un homme inspiré ; qu’enfin il loue Machiavel de très bonne foi, et ne pense pas même à s’étonner de ses principes : car le machiavélisme qui n’existe plus sans doute, et qu’une politique éclairée et sage a dû bannir pour jamais, né dans ces siècles orageux, du choc de mille intérêts et de l’excès de toutes les ambitions joint à la faiblesse de chaque pouvoir, fait uniquement pour des âmes qui suppléaient à la force par la ruse, et aux talents par les crimes, était, pendant quelque temps, devenu en Europe la maladie des meilleurs esprits, à peu près comme certaines pestes qui, nées dans un climat, ont fait le tour du monde, et n’ont disparu qu’après avoir ravagé le globe.

2454. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Lauser a raison de réclamer Molière pour l’humanité tout entière ; mais n’oublions pas qu’il est purement, absolument, vraiment Français par ce bon sens que signale si bien l’écrivain autrichien, et qui fit la force de notre race dans le passé et en refera peut-être la solidité dans l’avenir. […] Puis, à côté de cet étourdi des bords de la Seine, sautille et pérore Mascarille, le roi de la Chiaja, le Napolitain admirable et pendable, le demi-dieu des drôles, un des types de rouerie les mieux exécutés par ce Molière qui aimait la ruse comme Balzac aimait la force, et qui s’inclinait devant Mascarille, fourbum imperator, comme l’autre devant Vautrin, le roi des coquins. […] Tout le visage d’ailleurs exprime un bouillonnement intérieur, une soif de lutte, une certaine appréhension, l’émotion de la veillée des armes, mais aussi la conscience même de la force. […] Et, au-dessus de leurs passions et de leurs vices, de leurs faiblesses et de leurs vertus, il semble qu’il ait proclamé avant tout cette vérité suprême : N’aime que le vrai, le simple, le bon, la clarté et le bon sens, tout ce qui fait la force et la vertu de notre vieille humeur française ! […] Il était d’ailleurs d’une très bonne constitution, et sans l’accident qui laissa son mal sans aucun remède, il n’eût pas manqué de forces pour le surmonter. » 48.

2455. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

Plus tard, quand je connus l’Inde, je vis que mes saints étaient de vrais richis, et que par eux j’avais touché à ce que notre monde aryen a de plus primitif, à l’idée de solitaires maîtres de la nature, la dominant par l’ascétisme et la force de la volonté. […] Ma formule ethnique serait de la sorte : « Un Celte, mêlé de Gascon, mâtiné de Lapon. » Une telle formule devrait, je crois, représenter, d’après les théories des anthropologistes, le comble du crétinisme et de l’imbécillité ; mais ce que l’anthropologie traite de stupidité chez les vieilles races incomplètes n’est souvent qu’une force extraordinaire d’enthousiasme et d’intuition. […] Je voyais bien ma supériorité intellectuelle ; mais, dès lors, je sentais que la femme très belle ou très bonne résout complètement, pour son compte, le problème qu’avec toute notre force de tête nous ne faisons que gâcher.

2456. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Je ne sais si j’aurai assez de vie et de force pour remplir un plan aussi vaste. […] C’est quand la tradition s’affaiblit dans la seconde moitié du IIe siècle que les textes portant des noms d’apôtres prennent une autorité décisive et obtiennent force de loi. […] Une espèce d’éclat à la fois doux et terrible, une force divine, si j’ose le dire, souligne ces paroles, les détache du contexte et les rend pour le critique facilement reconnaissables.

2457. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Ici, nous verrons les forces de la nature, incarnées dans les dieux, dans les géants et dans les nains, lutter entre elles et, tour à tour victorieuses ou défaites, s’anéantir enfin au profit d’une autre force plus récemment surgie, au profit de l’homme triomphant. […] Il y a là plus que de l’élévation et de la force, il y a de la bonne grâce dans la grandeur.

2458. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Tu as horreur de Wagner, parce qu’il est Allemand ; personne ne te force à te rendre dans un théâtre où l’on joue quelqu’une de ses œuvres ; tu n’as qu’à t’abstenir. […] Les uns consacrent leur temps, leur intelligence, toutes leurs forces au développement intellectuel et moral de leur pays … » Angers-Revue ne dit pas ce que font les autres. Les autres, sans doute, consacrent « leur temps, leur intelligence, toutes leurs forces », à développer l’influence des pays voisins.

2459. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Le dégoût de la vie me revenait avec une nouvelle force. » Amélie le sauva. […] Les hommes de ce temps se montaient la tête et tendaient leurs forces afin de sortir de leur situation, afin de s’élancer par-delà le monde tangible pour épuiser l’ardeur et la passion de mouvement qui bouillonnaient dans leurs crânes. […] Son précepteur qui la modelait sur Clarisse Harlowe et sur Pamela, n’espérant pas qu’elle trouvât en elle la force de résistance des héroïnes anglaises, appela à son aide la religion et lui imposa un vœu de virginité, en guise de frein.

2460. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

« Au pied d’un cep qui l’a distillée l’automne précédent, une bouteille rafraîchie par l’ombre leur verse goutte à goutte la force et la joie. […] Je puis même dire que, de mes trop nombreux ouvrages, c’est peut-être cet enfantillage qui m’a donné le plus de conscience anticipée de mes forces. […] XXXVI Vous voyez donc pourquoi je subis souvent au-delà de mes forces la rude condamnation du travail.

2461. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Donnons d’abord ici l’analyse abrégée de ce délicieux et naïf épisode extrait du Mahabarata, et écrit avec une force et une simplicité plus antiques que le drame lui-même. […] C’est le lingot brut effilé en trame d’or par l’art, qui amplifie la surface du métal en amoindrissant sa force. […] La seconde scène est une longue et poétique complainte amoureuse du héros, qui déplore la maladie de celle qu’il aime et la force indomptable de son penchant pour elle.

2462. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

La vertu succombant sous l’audace impunie, L’imposture en honneur, et la vertu bannie ;             L’errante liberté Aux dieux vivants du monde offerte en sacrifice ; Et la force partout fondant de l’injustice             Le règne illimité ! […] Soyez jeune, soyez dans la force de l’âge, soyez dans le déclin de vos années, vous n’avez pas une chance de plus ou de moins pour être oublié par la mort. […] Les impressions que je reçus alors de ces solitudes se sont représentées avec tant de force et de netteté à mon imagination, ces jours-ci, que j’en ai reproduit une partie dans les vers suivants, méditation poétique tronquée dont je copie seulement quelques fragments pour mes lecteurs.

2463. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Pourquoi la force créatrice n’a-t-elle donc produit sur ces îles que des Chauves-Souris et aucun autre mammifère ? […] Enfin, s’il est vrai que les organismes supérieurs de chaque classe soient des branches collatérales modifiées des types inférieurs de même type, il s’ensuit que la force d’atavisme doit être beaucoup plus puissante dans les rameaux généalogiques restés sans modification, que dans ceux qui ont, au contraire, subi de nombreuses et profondes transformations successives. […] En résultante générale, on pourra peut-être admettre, au moins comme probable, que si, en effet, actuellement et durant les périodes géologiques dont il nous reste des documents fossiles, les organismes inférieurs paraissent, en moyenne, avoir varié moins vite que les organismes supérieurs, cette invariabilité ne leur est pas essentielle, mais dépend de l’accumulation de la force d’atavisme ; de sorte qu’à mesure que le niveau supérieur de l’organisation s’élève et s’élève de plus en plus rapidement au moyen d’espèces progressives, formant comme les bourgeons terminaux de la cime et des principales branches de l’arbre de vie, la faculté générale de variabilité n’en suit pas moins dans tout le monde organique une sorte de mouvement uniformément retardé, et d’autant plus retardé que les types sont plus anciens, et sont restés invariables durant de plus longues périodes.

2464. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Je me suis appliqué même à leur donner toute leur force. […] La question est difficile à résoudre, parce que, plus les formes que nous avons à considérer sont distinctes, et plus nos arguments manquent de force ; mais plusieurs d’entre les plus puissants s’étendent fort loin. […] Darwin, puisqu’il ne serait plus nécessaire de supposer une série incalculable d’époques anté-siluriennes, et que le peu de variabilité que l’on constate aujourd’hui se trouverait expliqué par l’accroissement de la force d’atavisme en raison des temps écoulés.

2465. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Il est trop vrai que le génie gaulois, réduit à ses propres forces, n’a rien produit, pendant quatre ou cinq siècles, que de chétif, d’incomplet et de misérable. […] Brunetière sur Tartufe a été un tour de force de dialectique et une merveille aussi d’habileté oratoire. […] Et les sentiments ont de la noblesse, de la force, de la beauté, de la sublimité même. […] Pelléas, l’autre petit-fils du vieil Arkel, voulait justement partir pour un voyage : l’aïeul le force à attendre son frère. […] On eût voulu, peut-être, un peu plus de force çà et là ; 3e Mlle Guernier.

2466. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Sans cela, Virgile et Chapelain, Racine et Campistron, Milton et Ogilby, Le Tasse et Rolli, seraient égaux. » Ce fut pourtant un succès pour Piron, et des juges même assez sévères, comme le fut l’abbé Prévost dans son Pour et Contre, rendaient justice chez lui à une certaine force d’imagination : « Il peint vivement, il a de grands traits. » C’était l’éloge qu’on lui accordait généralement. […] Mais Mlle Quinault avait pris le plus grand ascendant sur son esprit, et, à force d’adresse et de soins, elle sut obtenir de lui tous les sacrifices. […] Il faut bien connaître aussi cette race de critiques d’autrefois dont l’abbé Des Fontaines était le père ou l’oncle, et que nous avons vue finir : lui, Des Fontaines ; — Fréron, qu’on a voulu réhabiliter de nos jours et regalonner sur toutes les coutures (une courageuse entreprise), — Geoffroy, — Duviquet ; voilà la filiation, le gros de l’arbre ; il y en avait, à droite et à gauche, quelques rameaux perdus ; tous plus ou moins gens de collège, ayant du cuistre et de l’abbé, du gâcheux et du corsaire, du censeur et du parasite ; instruits d’ailleurs, bons humanistes, sachant leurs auteurs, aimant les Lettres, certaines Lettres, aimant à égal degré la table, le vin, les cadeaux, les femmes ou même autre chose ; — Etienne Béquet, le dernier, n’aimait que le vin ; — tout cela se passant gaîment, rondement, sans vergogne, et se pratiquant à la mode classique, au nom d’Horace et des Anciens, et en crachant force latin ; — critiques qu’on amadouait avec un déjeuner et qu’on ne tenait pas même avec des tabatières ; — professeurs et de la vieille boutique universitaire avant tout ; — et j’en ai connu de cette sorte qui étaient réellement restés professeurs, faisant la classe : ceux-là, les jours de composition, ils donnaient régulièrement les bonnes places aux élèves dont les parents ou les maîtres de pension les invitaient le plus souvent à dîner : Planche, l’auteur du Dictionnaire grec, en était et bien d’autres ; race ignoble au fond, des moins estimables, utile peut-être ; car enûn, au milieu de toute cette goinfrerie, de cette ivrognerie, de cette crasse, de cette routine, ça desservait, tant bien que mal, ce qu’on appelait le Temple du Goût ; ça vous avait du goût ou du moins du bon sens. […] Plus âgé de quelques années, il avait trop compté sur sa force de tempérament, à lui, et sur la fragilité de l’autre.

2467. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Et ces albums, et ces bronzes, et ces ivoires, ont cela de bon, qu’ils vous rejettent le goût et l’esprit dans le courant des créations de la force et de la fantaisie. […] — Certainement, lui dis-je, je suis de votre avis… mais la bêtise est en général bavarde, et la sienne a été muette : ça été sa force, elle a permis de tout supposer. » Mardi 9 mars Dîner chez Brébant. […] Il était là, quand le grand prêtre de l’endroit, lui dit : « Vous êtes une force qui se perd ici, il faut rentrer dans la vie active. » Il part, et le voilà, tout aussitôt, correspondant du Times à Paris, avec un traitement de près de cent mille francs, et le voilà, quelques mois après, chargé des négociations de la paix avec l’Allemagne, à la suite d’une pique, survenue entre M. d’Arnim et M.  […] Le premier il a rendu le tressautement du repos ; le sillonnement tranquille de la force et de la vitesse dans le courant des muscles aux grands méplats carrés ; le flottement élastique dans la marche du corps sous la peau distendue ; le rampement du bond.

2468. (1925) La fin de l’art

Les Algériens fabriquaient donc force momies en imprégnant les cadavres d’asphalte, en les roulant dans des bandelettes trempées dans l’asphalte. […] On ne veut plus de latin, pourquoi l’enseigner de force ? […] Effet de la vieillesse, sans doute, mais on peut se demander encore si une grande partie de la force des écrivains, des « gens d’esprit », des « meneurs d’hommes », ne réside pas dans l’admiration de leurs contemporains ; je le pense et qu’il n’est pas bon de survivre à sa génération. […] Pascal souffre d’un embarras d’entrailles qui provient d’une humeur mélancolique ; cette humeur, tandis qu’elle fermente, émet des vapeurs qui produisent des symptômes différents suivant la diversité des parties qu’elles atteignent ; elles fermentent parce qu’elles bouillent et cette ébullition provient de la chaleur… » D’où saignées aux quatre membres, ensuita purgare avec force séné, crème de tartre et pommes acides.

2469. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

L’Académie française n’a pas été créée pour autre chose que pour inféoder les destinées de la littérature à celles de la France même ; et pour qu’il ne fût pas dit qu’une force sociale aussi considérable qu’était déjà celle de l’esprit pût échapper entièrement à l’action du pouvoir central. […] On rend universellement justice à la force et à la précision de sa langue ; on admire en lui l’historien et le controversiste ; on rend hommage à l’orateur, plus abondant que Cicéron et plus nerveux que Démosthène. […] Aux leçons de Bourdaloue Louis XIV avait continué de préférer celles de Molière : Un partage avec Jupiter N’a rien du tout qui déshonore… Maintenant c’est l’excès ou l’enivrement de la puissance qui l’engage dans des entreprises au-dessus de ses forces. […] « Il se fait dans tous les hommes des combinaisons infinies de la puissance, de la faveur, du génie, des richesses, des dignités, de la noblesse, de la force, de l’industrie, de la capacité, du vice, de la faiblesse, de la vertu, de la stupidité, de la pauvreté, de l’impuissance, de la roture et de la bassesse. […] Les Époques du théâtre français] ; — et comment il y trouve moyen d’inventer. — Que Molière et que La Fontaine ont entendu l’invention de la même manière ; — et c’est de quoi leur en veut Fontenelle quand, comme il le dit de Racine, il les trouve « bas à force d’être naturels ».

2470. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Le ministre, homme de bien, qui a laissé une mémoire si honorée8, en recommandant expressément aux auteurs dramatiques, à la date de 1851, une direction morale formelle et un enseignement d’une utilité presque directe, portait secours là où il y avait encore danger ; il cherchait à proportionner le contrepoids à la force de l’entraînement qui avait précipité les esprits en sens contraire.

2471. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

B. de Fouquières, sa préoccupation constante est donc contrairement à ce qu’on a pu croire dans le principe, de se dégager des Anciens, à mesure que, dans les luttes qu’il leur livre, il sent ses reins s’assouplir et ses forces s’accroître.

2472. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Paul Margueritte, ce quasi-chef-d’œuvre : la Force des choses.

2473. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

Le penseur a mûri, il est dans toute la force de sa virilité stoïque, et le poète n’est ni desséché ni refroidi ; seulement il a revêtu la sombre parure des jours de bataille ; il a mis, sur la tunique d’or, une cuirasse d’airain pour le grand combat contre les destinées et contre les dieux.

2474. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Grande est la force du sang.

2475. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Mais personne n’atteindra la force d’invention de Rousseau en cette matière

2476. (1890) L’avenir de la science « XI »

De même que l’éducation chez les Chinois et les Arabes ne sera jamais d’apprendre l’arabe ou le chinois vulgaire, mais sera toujours d’apprendre l’arabe ou le chinois littéral ; de même que la Grèce moderne ne reprend quelque vie littéraire que par l’étude du grec antique ; de même l’étude de nos langues classiques, inséparables l’une de l’autre, sera toujours chez nous, par la force des choses, la base de l’éducation.

2477. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

ne démêle-t-on pas un besoin secret d’encouragement, dans cette tendresse suppliante, dont Henri IV, son père, et Louis XIV, son fils, furent si éloignés, dans le sentiment de leur force et de leur gloire ?

2478. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

En méditant, en approfondissant un Modele, on acquerra, non l’habitude d’inventer, de penser, de procéder & de s’exprimer comme lui ; mais la force nécessaire pour inventer, penser, procéder & s’exprimer, à son tour, aussi bien que lui : Les Ouvrages des Grands Maîtres, d’après Longin, sont comme autant de sources sacrées, d’où il s’éleve des vapeurs heureuses qui se répandent dans l’ame de leurs Imitateurs & animent les esprits les moins échauffés *.

2479. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Celui de Balzac le portoit au grand, au sublime ; mais, à force d’y vouloir atteindre, même dans les plus petites choses, il passa le but, & ne donna que dans l’emphase & le gigantesque.

2480. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Il n’y avoit que la force de la vérité qui pût l’obliger de rendre justice à son ennemi.

2481. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Le style le plus recherché ne peindrait pas la vanité de la vie avec la même force que ce peu de mots : « Il vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères. » Au reste, tout le monde connaît ce passage où Dieu daigne justifier sa puissance devant Job, en confondant la raison de l’homme ; c’est pourquoi nous n’en parlons point ici.

2482. (1865) Du sentiment de l’admiration

  Parmi les qualités que je me plais à vous reconnaître, je vous ai trouvé un défaut, un, ce n’est pas beaucoup avancer ; mais ce défaut est assez fâcheux pour que je prenne à cœur de vous le signaler avec force, dussé-je vous laisser de moi le souvenir d’un morose donneur de conseils, Caton malencontreux, Orbilius de la dernière heure !

2483. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il serait à souhaiter qu’il eût le courage d’avouer son erreur lorsqu’il se sera trompé ; mais cette ingénuité qu’ont eue Bœrhaave, Sydenham et Hippocrate est presque au-dessus des forces de l’homme, et il ne faut pas trop s’y attendre.

2484. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Lorsque l’école de Rubens étoit dans sa force, les dominiquains d’Anvers voulurent avoir quinze grands tableaux de devotion pour orner la nef de leur église.

2485. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Elle consistoit à déclamer de toute sa force en portant une lame de plomb sur la poitrine.

2486. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Philippe II »

Quelques têtes éprises de la force, comme celle de Stendhal, par exemple, qui aimait mieux le brigandage que la civilisation, et qui avait rêvé d’écrire l’Histoire de l’énergie en Italie, peuvent, par amour de l’émotion, poétiser un temps où le danger et la mort étaient noblement au bout de tout ; mais il n’y avait pas au XVIe siècle que la palpitation héroïque, chère aux hommes de courage, il y avait, dans les mœurs, autant de corruption et de bassesse que d’atrocité.

2487. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère.

2488. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

En aurait-on une immensité à son service, si on est de ces races, la personnalité la plus robuste et la plus profonde naît marquée d’un caractère de nationalité inévitable ; comme, au contraire, il en est d’autres où le génie, quand il y a génie, appartient davantage à l’homme qui en est investi et reste franc du collier de force de la race.

2489. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Sur le pupitre vert placé devant lui sa main tient encore la lettre perfide : « Citoyen, il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance. » L’eau de la baignoire est rougie de sang, le papier est sanglant ; à terre gît un grand couteau de cuisine trempé de sang ; sur un misérable support de planches qui composait le mobilier de travail de l’infatigable journaliste, on lit : « A Marat, David. » Tous ces détails sont historiques et réels, comme un roman de Balzac ; le drame est là, vivant dans toute sa lamentable horreur, et par un tour de force étrange qui fait de cette peinture le chef-d’œuvre de David et une des grandes curiosités de l’art moderne, elle n’a rien de trivial ni d’ignoble.

2490. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

Philosophe avec plus d’imagination que de force d’âme, il devait se plaire et d’abord s’appuyer quelque peu à ces arts élégants, préludes et distractions d’une cour homicide.

2491. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Quoique Ampère eût de mauvais yeux, et qu’évidemment la nature ne l’eût point formé pour le pittoresque, il s’en tire à force d’esprit et d’intelligence. […] Cette négligence, qu’il m’a toujours été difficile de comprendre, je ne me la définis que trop : c’est, quand on a mis le pied sérieusement sur un terrain, qu’on y est le premier en date parmi nous, qu’on sent sa force, sa supériorité à bien des égards sur les critiques frondeurs, de ne pas tenir bon, de ne pas leur montrer les dents, sauf à profiter de ce qu’il y a de fondé dans leurs remarques, de ne pas se corriger, se perfectionner à chaque édition, de manière à obliger adversaires et envieux à rendre les armes ou à se taire ; en un mot, un grain d’irascibilité littéraire et de polémique ne nuit pas à l’homme de talent qui a à tracer sa voie et à maintenir ses droits et son rang. […] J’ai repris mes forces… » Mais les crises se succédèrent. […] A force de la fréquenter et de la posséder dans ses antiquités, dans ses ruines, il s’y sentait comme chez lui et y habitait en idée à tous les âges ; son imagination le transportait à volonté à une époque historique quelconque ou par-delà jusque dans les périodes légendaires. […] Aujourd’hui que le voilà dans la maturité de l’âge et du talent, ses amis désirent ardemment qu’il fasse enfin converger vers un but suprême toutes les forces d’un esprit duquel on a le droit d’attendre de grandes choses.

2492. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ce sont surtout et presque strictement des forces en action, qui se révèlent par leurs actes et qui tracent la ligne de leurs caractères par l’enchaînement de leurs actes. […] Mettons qu’il se trompe, qu’il force le sens du mot ; reste qu’il fallait bien que le mot eût une grande partie de ce sens pour que Delille l’employât de la sorte. […] Tout cela, elle l’exprime avec force et, s’agissant des Idées de Madame Aubray, c’est très à propos.. […] Il est une force de premier ordre a partir des Idées de Madame Aubray. […] Mais Sainte-Beuve se force ici et, peu croyant, cherche à se dépasser, pour être à la hauteur du sujet.

2493. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Voici déjà une première servitude qu’il acceptera de gré ou de force : même choisi, soigné, savant, gonflé de sens et débordant d’images, le langage qu’il emploiera devra être commun à tous. […] Par un enchaînement et une progression de mots précis qui forcent l’audition et s’impriment dans notre oreille avec autrement de force que le mou langage courant. […] Certes, faisant image, l’antithèse force l’attention ; mais autre chose est d’en user en respectant la vraisemblance, autre chose d’en abuser au mépris du simple bon sens. […] Si chez lui la matière humaine est grossière, elle est traitée avec force et décision. […] Il possédait la force et la vivacité du trait.

2494. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Fréret, leur maître à tous, s’y rangeait mieux, ou il y avait en quelque sorte suppléé par la force d’un excellent esprit appliqué expressément à sa matière. […] Mais il faut de l’habileté, de la force de tète, et une profonde connaissance de la langue, pour organiser ces périodes, de façon que leurs combinaisons resserrent les idées accessoires sans nuire à la clarté du sens principal. […] Il avait été très-frappé de la force des études religieuses, et de ce que produisait de lumières historiques cette critique circonscrite et profonde, appliquée aux textes sacrés. […] Dans les sciolti, au contraire, le poëte, n’étant plus provoqué par la rime, doit tirer tout de son fonds et défrayer en quelque sorte son vers avec ses seules ressources ; il peut viser plus librement au simple et au principal, mais à condition d’avoir en lui la force qui approprie le style et le ton aux choses, la fertilité des images et le mouvement des pensées, en un mot les qualités les plus réelles du talent. […] On voit que l’auteur de cet extrait avait commencé avec le désir de n’être pas trop sévère et de ne pas blesser l’auteur, et qu’il a été graduellement emporté par la force de la vérité et par l’amour de la philosophie et dela République.

2495. (1925) Portraits et souvenirs

Le hasard le lui a fourni et, destiné à demeurer secret, il en prend encore plus de force, de poids et de valeur. […] Elle le fit pareil à son œuvre, en donnant à ses traits l’expression même de son génie, qui fut fait principalement de force, de sérénité et d’amertume. […] N’avait-il donc jamais été témoin d’un de ces faits extraordinaires qui attestent, dans la nature et dans nous-mêmes, la présence de forces occultes et mystérieuses. […] Rapidement son corps s’élevait dans l’air, où il était transporté par une force inconnue et surnaturelle. […] Il la combattait de toute sa force, jusqu’à proscrire non seulement les écrits des philosophes, mais aussi l’habillement à la française.

2496. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

La force de caractère du malade était si grande que, tandis que l’instrument opérait sur sa tête, des dames qui causaient près de la cheminée à l’autre bout de la chambre ne s’en aperçurent pas. […] Puissent-ils tous les deux, et tous ceux qui seront remplis du même esprit, avoir assez de force ascendante pour élever tout ce qui s’y attachera vers une sphère plus heureuse !  […] Le 20 mars, rechute terrible, dernier et violent assaut des forces antisociales, ne parut à M.

2497. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Même sans cela, à force d’entendre unir son nom à la louange ou à la critique de l’œuvre, on l’adopte plus étroitement. […] S’il lui avait fallu parler devant cinq ou six personnes un peu solennellement, la force lui aurait manqué, et la harangue qui était d’usage pour l’Académie française l’en détourna. […] Je crois que nulle passion ne peut surpasser la force d’une telle liaison… » Je ne rapporterai pas tout ce qui se pourrait extraire de chaque lettre, pour ainsi dire, de Mme de Sévigné ; car il y en a peu où Mme de La Fayette ne soit nommée, et plusieurs sont écrites ou fermées chez elle, avec les compliments tout vifs de M. de La Rochefoucauld que voilà.

2498. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

À chacun sa part des dons de l’esprit : au peuple la force, la grâce aux cours. […] On y admire cette fable du Cheval, du Cerf et de l’Homme, également, mais très inférieurement versifiée par La Fontaine, et ce vers sublime de sens et de force : Serviet æternum qui parvo nesciet uti ; Il sera éternellement esclave celui qui n’a pas su vivre de peu. […] Ce don suprême du naturel ne s’acquiert pas ; il est dans le tempérament de l’homme plus que dans son talent : c’est la facilité de la force.

2499. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

« Il reprit assez de force pour qu’elle pût le faire monter sur la jument du berger ; mais Médor se refuse à s’éloigner tant qu’il n’a pas recouvert de la terre de la sépulture le corps de son roi et celui de Cloridan. […] La hideuse description de sa folie, vantée comme un prodige de force poétique par les critiques italiens et même français, est selon nous une plaisanterie déplacée, plus propre à contrister le rire sur les lèvres qu’à le provoquer ; ce qui dégoûte cesse de charmer. […] Roger sécha ses habits, reprit des forces, et prêta de toute son âme une oreille attentive aux grandes vérités de notre sainte loi.

2500. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Le ton de son argumentation est railleur, goguenard, ironique ; il tend des embûches de paroles à ses auditeurs ; il jouit de les voir s’y prendre ; il ne se hâte pas de les en retirer ; il plaisante, non pas amèrement, mais superbement, avec eux de leur chute ; il les humilie par sa supériorité, au lieu de les relever par leur propre force ; en un mot la philosophie, sous la plume de Platon, a l’air de consister dans une grande moquerie des ignorants, au lieu de consister dans une tendre initiation des faibles. […] Reprenons le drame : XXIV « Voilà pourquoi, mes chers amis, dit Socrate après un moment de recueillement, le vrai philosophe s’exerce à la force et à la tempérance, et nullement par toutes les raisons que s’imagine le peuple. » Les disciples, à ces mots, s’entreregardent en silence et semblent craindre de proposer à Socrate un doute qui lui rappelle sa tragique situation et le peu d’heures qui lui restent à vivre. […] « Qu’il espère donc bien de son âme, celui qui, pendant sa vie, a rejeté les plaisirs et les biens du corps comme lui étant étrangers et portant au mal : celui qui a aimé les plaisirs de la sagesse, qui a orné son âme, non d’une parure étrangère, mais de celle qui lui est propre, comme la tempérance, la justice, la force, la liberté, la vérité ; celui-là doit attendre avec sécurité l’heure de son départ pour le meilleur monde.

2501. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Le dieu qu’adore Harold est cet agent suprême, Ce Pan mystérieux, insoluble problème, Grand, borné, bon, mauvais, que ce vaste univers Révèle à ses regards sous mille aspects divers : Être sans attributs, force sans providence, Exerçant au hasard une aveugle puissance ; Vrai Saturne, enfantant, dévorant tour à tour ; Faisant le mal sans haine et le bien sans amour ; N’ayant pour tout dessein qu’un éternel caprice ; Ne commandant ni foi, ni loi, ni sacrifice ; Livrant le faible au fort et le juste au trépas, Et dont la raison dit : « Est-il ? […] Ta langue, modulant des sons mélodieux, À perdu l’âpreté de tes rudes aïeux ; Douce comme un flatteur, fausse comme un esclave, Tes fers en ont usé l’accent nerveux et grave ; Et, semblable au serpent, dont les nœuds assouplis Du sol fangeux qu’il couvre imitent tous les plis, Façonnée à ramper par un long esclavage, Elle se prostitue au plus servile usage, Et, s’exhalant sans force en stériles accents, Ne fait qu’amollir l’âme et caresser les sens. […] Nous étions tous les deux de première force en escrime.

2502. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Pour peu qu’on pense dans toute la force du terme, on diffère des autres, pas un individu ne pense en religion, en philosophie, en politique, exactement comme un autre. […] Il s’oppose de toutes ses forces à l’individualisme intellectuel ; il veut faire cesser l’anarchie des pensées et des croyances. […] L’acte de foi dans la bonté de la nature humaine répond à un acte d’énergie, à une affirmation de vitalité de la part d’une humanité qui veut vivre, qui se sent forte et à qui sa surabondance de force permet d’abandonner sans terreur ses vieux foyers et ses vieux abris, pour se lancer à la poursuite de l’inconnu.

2503. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Il s’agissait de s’attaquer à quelque portion de l’Antiquité qui fût neuve, et qui permît au débutant de montrer sa force. […] Destuchius in Naturæ vi,Destouches dans la Force du naturel ; Russavius in Julia,Rousseau dans la Nouvelle Héloïse ;    .

2504. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

L’idée de force, inhérente au sens antique de vertu, avait peu à peu disparu ; la sensibilité prédominait et couvrait tout. […] C’est au point qu’après huit ou dix nuits, et quelquefois plus, passées au chevet des malades, elle a toujours trouvé assez de force et d’énergie pour ne pas prendre ne fût-ce qu’un quart d’heure de repos sur le temps dû à l’école.

2505. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Et il faut reconnaître que dans ce rapide succès, à part les coups de trompette du commencement aux environs de la mise en vente de la Peau de Chagrin, la presse parisienne n’a été que médiocrement l’auxiliaire de M. de Balzac ; qu’il s’est bien créé seul sa vogue et sa faveur auprès de beaucoup, à force d’activité, d’invention, et chaque nouvel ouvrage servant, pour ainsi dire, d’annonce et de renfort au précédent. […] Il commence si bien chaque récit, il nous circonvient si vivement, qu’il n’y a pas moyen de résister et de dire non à ses promesses ; il nous prend les mains, il nous introduit de gré ou de force dans chaque aventure.

2506. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

A force d’accentuer le mot dans sa propriété, il lui arrive de le rendre dur. […] — Soit qu’il nous peigne ce grand style de Pascal, si caractérisé entre tous par sa vérité, austère et nu pour l’ordinaire, paré de sa nudité même, et qu’il ajoute pour le fond : « Bien des paragraphes de Pascal sont des strophes d’un Byron chrétien ; » soit qu’il admire, avec les penseurs, dans La Rochefoucauld, ce talent de présenter chaque idée sous l’angle le plus ouvert, et cette force d’irradiation qui fait épanouir le point central en une vaste circonférence ; soit qu’il trouve chez La Bruyère, et à l’inverse de ce qui a lieu chez La Rochefoucauld, des lointains un peu illusoires créés par le pinceau, moins d’étendue réelle de pensée que l’expression n’en fait d’abord pressentir, et qu’il se montre aussi presque sévère pour un style si finement élaboré, dont il a souvent un peu lui-même les qualités et l’effort ; soit que, se souvenant sans doute d’une pensée de Mme Necker sur le style de Mme de Sévigné, il oppose d’un mot la forme de prose encore gracieusement flottante du xviie  siècle à cette élégance plus déterminée du suivant, qu’il appelle succincta vestis ; soit qu’en regard des lettres capricieuses et des mille dons de Mme de Sévigné, toute grâce, il dise des lettres de Mme de Maintenon en une phrase accomplie, assez pareille à la vie qu’elle exprime, et enveloppant tout ce qu’une critique infinie déduirait : « Le plus parfait naturel, une justesse admirable d’expression, une précision sévère, une grande connaissance du monde, donneront toujours beaucoup de valeur à cette correspondance, où l’on croit sentir la circonspection d’une position équivoque et la dignité d’une haute destinée ; » soit qu’il touche l’aimable figure de Vauvenargues d’un trait affectueux et reconnaissant, et qu’il dégage de sa philosophie généreuse et inconséquente les attraits qui le poussaient au christianisme ; soit qu’en style de Vauvenargues lui-même il recommande, dans les Éléments de Philosophie de d’Alembert, un style qui n’est orné que de sa clarté, mais d’une clarté si vive qu’elle est brillante ; — sur tous ces points et sur cent autres, je ne me lasse pas de repasser les jugements de l’auteur, qui sont comme autant de pierres précieuses, enchâssées, l’une après l’autre, dans la prise exacte de son ongle net et fin.

2507. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Non, mais un esprit d’équité A combattre le faux incessamment m’attache, Et fait qu’à tout hasard j’écris ce que m’arrache La force de la vérité. […] Voltaire, de toutes parts entouré, y échappe le plus souvent à force d’esprit et de saillie vive.

2508. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

David choisit quatre cents hommes d’élite parmi les siens pour aller arracher par la force ce qu’il n’a pu obtenir par des services. […] Le prophète Nathan, courageux vengeur du crime, force David à se condamner lui-même par la parabole de la brebis unique dérobée à son pauvre possesseur.

2509. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Le fond de la poésie lyrique, étant ainsi ce qu’il y a de plus universel dans les idées de l’humanité, la vibration personnelle du poète qui contemple ces hautes vérités ne sert qu’à leur donner une plus grande force de pénétration pour aller au fond des cœurs. […] D’autres fois, à force d’étudier les Grecs et les Latins, il se familiarise avec les formes particulières que certaines circonstances et le caractère de la civilisation antique ont données aux sentiments de l’âme et à leur expression littéraire.

2510. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Au reste, d’autres rédactions antérieures et postérieures à l’œuvre de Gréban attestent la force de la tendance cyclique. […] De la fête des fous laïcisée par force, il ne subsista que le principe, l’idée d’un monde renversé qui exprimerait en la grossissant la folie du monde réel : c’est ce que développèrent au gré de leur libre fantaisie nombre de sociétés joyeuses, comme Mère folle à Dijon, et les Sots de Paris.

2511. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

C’était le fort du théâtre classique du xviie  siècle ; et l’on peut dire que le squelette du drame romantique sera la maigre tragédie voltairienne, avec sa sèche et conventionnelle psychologie, avec ses raides abstractions et ses simplifications excessives, étoffée seulement, rembourrée et masquée à force d’érudition historique et de prétentions philosophiques. […] Vigny, du reste, a réussi, autant802 qu’il était possible, à masquer ce vice de la conception ; et son oeuvre a une force pathétique à laquelle on n’a peut-être pas toujours assez rendu justice.

2512. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

I Pouchkine et lord Byron sont morts l’un et l’autre dans la force de l’âge et la plénitude de leur talent, après avoir épuisé toutes les jouissances que peut donner la gloire des lettres. […] Byron perd une partie de sa force en la prodiguant au hasard ; Pouchkine sait la réserver pour des coups décisifs.

2513. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Deux fois je l’ai frappé, et il a poussé deux cris, et ses forces ont été rompues ! […] Mais sans doute Iphigénie, sa fille, viendra, comme il convient, au-devant de son père, avec un tendre baiser, sur la rive du Fleuve des douleurs, et elle le serrera dans ses bras. » Entre ces fureurs et ces ironies, un sombre enthousiasme saisit Clytemnestre ; elle se proclame surhumaine par l’excès même de son crime, irresponsable à force d’être atroce.

2514. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Puis c’est une force inconnue, une volonté supérieure, une sorte de nécessité d’écrire qui vous commandent l’œuvre et vous mènent la plume ; si bien que quelquefois le livre qui vous sort des mains, ne vous semble pas sorti de vous-même : il vous étonne comme quelque chose qui était en vous et dont vous n’aviez pas conscience. […] Ce sont des unités sans valeur à la recherche d’un zéro, d’un zéro qui leur apporte la force d’une dizaine ! 

2515. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Puisque chaque problème résolu se double d’un problème à résoudre, les forces d’un seul ne suffiraient pas à la tâche ; il est donc sage de la diviser ; chacun aura sa part selon ses aptitudes. […] : Sumite materiam vestris, qui scribitis, æquam Viribus, et versate diu quid ferre recusent, Quid valeant humeri ; cui lecta potenter erit res, Nec facundia deseret hunc, nec lucidus ordo ; [Horace, Art poétique, v. 38-41 (dans l’édition des Epîtres, Paris, Les Belles Lettres, 1995, p. 204) : « Prenez, vous qui écrivez, un sujet égal à vos forces et pesez longuement ce que vos épaules refusent, ce qu’elles acceptent de porter.

2516. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

La force, voilà ce qui règne sur le monde. […] L’enfant aura-t-il la force de comprendre qu’il faut prendre ces choses à rebours et qu’il y a de l’ironie dans cette singulière moralité ? 

2517. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Dans cette famille, ceux qui n’ont pas le génie, peuvent s’en passer à force d’âme… Que ce soient des gouttes de rosée, des gouttes de larmes, des gouttes du sang du cœur qui tombent de ces calices, c’est toujours la même pureté d’éther qu’on aspire dans ce qu’ils ont versé. […] Force ou faiblesse !

2518. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Or, il ne me semble pas possible de soutenir que l’œuvre de l’école naturaliste, en général, a relevé le niveau moral du monde, que les âmes y ont pris une force, une pureté, une résolution de patience ou d’énergie sereine et tranquille, la seule qui mène loin. […] La phrase reste toute simple ; elle parlait à l’imagination, elle parle au cœur, c’est-à-dire aux deux forces qui commandent à tous.

2519. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Mais il a été remarqué d’autre part que cette sorte d’exagération avait toujours été concédée aux moralistes, aux satiriques, aux auteurs de comédies ; que c’est un peu la condition de la scène ; que si la vérité peut manquer sur quelques points du tableau, cette vérité se fait sentir en d’autres endroits d’une manière vive, énergique et neuve : par exemple, lorsque le personnage principal au quatrième acte se voit presque amené, à force d’humiliations d’avanies et d’outrages, à se repentir de ce qu’il a fait de bien, et à apostropher le monde entier dans une sorte de délire : moment dramatique et lyrique tout ensemble, d’une vigueur poignante.

2520. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Piccolos, Grec de mérite, avec qui j’ai été vous visiter à la Force en 1829, a traduit grand nombre de vos chansons en grec moderne (il est à Bucharest actuellement, où il a rendu de grands services comme médecin et dans l’instruction publique) ; il voudrait publier son recueil de traductions avec toutes les notes d’un érudit minutieux.

2521. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

Or, c’est là le point remarquable, ne pouvant résoudre ses doutes directement, ni par la logique ni par la conscience, il s’en tirait à l’aide de l’imagination ; il se figurait en idée un grand spectacle, une représentation lugubre de ce que serait le châtiment du sacrilége, et, reculant bientôt épouvanté, il criait non de toutes ses forces à cette loi sanglante qu’il avait presque invoquée d’abord sous sa forme abstraite.

2522. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Esprits immortels de Rome et surtout de la Grèce, Génies heureux qui avez prélevé comme en une première moisson toute heur humaine, toute grâce simple et toute naturelle grandeur, vous en qui la pensée fatiguée par la civilisation moderne et par notre vie compliquée retrouve jeunesse et force, santé et fraîcheur, et tous les trésors non falsifiés de maturité virile et d’héroïque adolescence, Grands Hommes pareils pour nous à des Dieux et que si peu abordent de près et contemplent, ne dédaignez pas ce cabinet où je vous reçois à mes heures de fête ; d’autres sans doute vous possèdent mieux et vous interprètent plus dignement ; vous êtes ailleurs mieux connus, mais vous ne serez nulle part plus aimés.

2523. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Jefferson proscrit les banques ; il est peu favorable au commerce extérieur ; il s’oppose de toutes ses forces aux emprunts qui grèvent l’avenir d’une nation, et dont on lègue le fardeau croissant aux générations futures.

2524. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

La force physique des maniaques est plus grande, comme on sait, que celle des gens sensés et prudents.

2525. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Mais c’était un tour de force, un équilibre de jour en jour plus instable ; l’association qu’un principe purement négatif unissait se relâchait à chaque instant davantage ; le chef lui-même se lassait à la peine : aussi dès que le triomphe du principe arriva, dès que le drapeau de liberté, reprenant ses vraies couleurs, flotta par toute la France, le chef actif sentit le besoin du repos, et l’association politique se rompit.

2526. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.

2527. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Cet éclat pénétrant du style qui nous force à voir par des clartés nouvelles et inédites, les détails de sa pensée a étonné des lecteurs d’En route, ceux du moins qui sont mal familiers des habitudes littéraires de Huysmans.

2528. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Qui sait si les fanfaronnades de force et d’adresse, dont Byron fut coutumier, si même son irritation contre la société n’avaient pas une de leurs origines dans la souffrance d’amour-propre qu’il éprouvait à se sentir pied-bot de naissance ?

2529. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

C’est par cette distinction des genres et des tons que notre littérature acquit la pureté qui fit sa force et son élévation, et qui la distingua si honorablement de celle des autres nations.

2530. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Il y avait trois bas-reliefs de la première force.

2531. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Les conseils de ses amis ne peuvent-ils pas l’élever où les forces de son génie n’auroient pû le porter.

2532. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Tertullien dans le petit ouvrage qu’il a composé sur le même sujet, dit que l’acteur de tragedie crie de toute sa force.

2533. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Il en est qui sont obscurs naturellement, spontanément, très loyalement, sans artifice ; qui sont capables, ce qui est une chose encore que je n’ai jamais comprise, d’exprimer par des mots, de mettre sur le papier, une pensée qui n’est pas devenue nette dans leur esprit ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas un instrument d’analyse ; pour qui la parole ou l’écriture n’est pas une épreuve qui force à se rendre compte de ce qu’on pense ; qui, en un mot, peuvent exprimer ce qu’ils ne conçoivent pas.

2534. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « II »

Mais il déclare, et avec raison, qu’il y a de grands modèles dits classiques et qu’à force d’étudier leur pensée puissante et leur style génial, de se pénétrer de leur goût impeccable, on arrive à développer ses qualités personnelles, oui personnelles, et à se former à leur école, sans être contraint de tomber dans le bovarysme et la servilité, et sans renoncer à son originalité si l’on en a9. »‌ La question est ainsi fort bien posée.

2535. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIV »

Il ne s’est pas douté une minute que son explication n’expliquait rien et qu’elle finit même par être fausse, à force d’être vraie ; car, enfin, un médiocre prosateur peut avoir dit tout ce qu’il voulait dire, rien que ce qu’il voulait dire et comme il croyait qu’il fallait le dire et néanmoins ce prosateur peut très bien avoir écrit une page inexpressive, incolore et banale.

2536. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

le Journal de Louis XVI montre parfaitement que ce Roi auquel on avait donné des mœurs bourgeoises — car on voulait à toute force qu’il fût un bon bourgeois dans sa maison, le dos au feu, le ventre à table, — était, de pied en cap, aussi prince de goûts et de mœurs que peut l’être un prince, et, chose nouvelle et plus stupéfiante encore !

2537. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Ici, le sarcasme dont nous avons parlé, cet implacable comique qui peut être d’un si grand effet en histoire, est bien plus sur les lèvres du héros que sous la plume de l’historien, malgré la sympathie intellectuelle avec laquelle l’historien a montré cette gaieté poignante, Euménide qui rit tout en fouaillant son homme, et qui fut la plus grande force du talent de Suleau.

2538. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Doué d’une indéniable puissance, de la force d’application anglaise, il avait une originalité profonde et laborieuse, mais il avait le génie aussi sec que le cœur.

2539. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Évidemment, voilà de la poésie méditative et philosophique qui ne manque ni de largeur ni de force, ni même de simplicité, si vous exceptez ce vent de la colère de Dieu, qui est pasteur et qui est justicier, — ce qui est beaucoup pour le vent.

2540. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Gautier, de ce poète de la matière rutilante ou ténébreuse, personne ne songeait depuis longtemps à nier l’étrange force de talent qui éclate ou se concentre dans ses vers.

2541. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Telle, mais d’un effort certain, La prudente locomotive Vers le but encore lointain Ralentit sa force captive Et ne l’arrête pas soudain !

2542. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Évidemment, l’esprit qui se joue avec cette aisance dans les difficultés d’un résumé où les événements et les hommes s’entassent, ne manque ni de force ni de souplesse.

2543. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Ces jugements inflexibles étaient nécessaires dans des temps où les héros plaçaient dans la force la raison et le bon droit, où ils justifiaient le mot ingénieux de Plaute : pactum non pactum, non pactum pactum .

2544. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1889 » pp. 3-111

La vraie douleur, sans aucune dramatisation, avec des pleurs qu’elle comprime. « Hier, dit-elle, en phrases scandées par de petits sanglots, je me suis échappée d’ici un moment… j’ai été poussée par un pressentiment… J’ai trouvé ma mère qui pleurait et qui m’a dit que mon père était en train de lui dire des choses désolantes… Il se plaignait d’être faible, faible à toute extrémité… J’ai compris qu’il était bien mal, parce qu’il ne demandait des nouvelles de personne… Cependant il a mangé un peu le soir, et mon frère est passé me rassurer… Dans la nuit il a voulu dire des choses qu’il n’avait plus la force de dire… Enfin, ce matin, on m’a prévenue à huit heures… Il ne m’a pas reconnue… Il est mort à neuf heures. » Lundi 11 mars Enterrement du père de Mme Daudet. […] Par là-dessus, ledit Antoine est de très mauvaise humeur, et maltraite de paroles tout le monde, et même un peu moi-même, à propos d’une marche de Barny, appuyée sur une béquille, marche qui la force à scander par des temps ce qu’elle dit. […] * * * — Il y a chez moi un ennui produit par ceci : c’est que l’imagination, l’invention littéraire n’a point baissé chez moi, mais que je n’ai plus la puissance du long travail, la force physique avec laquelle on fait un volume écrit. […] Vers ce temps-là, Dugué de la Fauconnerie fonde l’Ordre, et l’appelle au journal, et il a le souvenir — lui qui vient d’écrire la notice de l’exposition de Monnet — que son premier article, fut un article lyrique sur Manet, Monnet, Cézanne, avec force injures pour les académiques : article qui lui fit retirer la critique picturale. […] Il parlait aujourd’hui de l’extraordinaire force physique des turcos, et de l’espèce de joie orgueilleuse qu’ils éprouvaient, quand leur sac, leur écrasant sac dépassait de beaucoup leur tête.

2545. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Après avoir gagné beaucoup d’argent, elle fit taubé (taùbèh), comme on parle en Perse, c’est-à-dire elle fit pénitence et changement de vie, et ne s’abandonna plus: elle alla en pèlerinage à la Mecque, d’où étant de retour, elle prit des filles qu’elle prostituait chez elle ; car la fornication n’est pas un péché dans la religion mahométane, quoiqu’elle ne laisse pas d’être tenue pour déshonnête, et même infâme, aussi bien que le sont les lieux publics ; mais comme cette femme était toujours belle, quoique âgée, il arriva qu’on en voulut jouir à toute force. […] Le deuil dura de cette force vingt et un jours, et puis chacune tira pays ; car la défunte leur avait donné la liberté en mourant. […] Aussi n’avait-il témoigné, pendant tout le cours de sa maladie, qu’il s’y attendît ni qu’il en eût la moindre pensée ; et cette dernière nuit, il n’avait même rien ordonné touchant sa personne, sa maison ni son successeur: seulement, dans la force de son dernier accès, un peu avant d’expirer, se tournant du côté de l’appartement public, il avait prononcé avec quelque fureur ces paroles: « Je sais bien que vous m’avez empoisonné ; mais vous boirez votre bonne part du poison, puisque je laisse un fils qui, après ma mort, vous mangera à tous le cœur !  […] Enfin, le premier ministre, soit qu’il fût plus ami de l’équité que les autres, comme cette manière d’agir noble et désintéressée qu’il avait toujours fait paraître auparavant le donnait à conjecturer, soit qu’il craignît qu’à son défaut quelque autre prît la parole, ce qui l’eût rendu criminel, puisqu’il lui appartenait de parler le premier, et qu’il le venait de faire lorsqu’il avait opiné si fort au désavantage de Sefie-Mirza ; ce premier ministre, dis-je, rompit le silence et commença à dire: « que véritablement, sur l’assurance infaillible que l’on aurait que le fils aîné d’Abas II ne serait plus en état de recevoir la couronne, l’assemblée pourrait, sans injustice, passer à l’élection du second fils ; mais, puisque maintenant Aga-Mubarik les assurait fortement que Sefie-Mirza n’avait perdu ni la vie, ni la vue, sans délibérer davantage, il le fallait élire: c’est pourquoi il lui donnait de tout son cœur sa voix et ses vœux, et protestait qu’il fallait tout de ce pas lui aller présenter le diadème et l’empire. » Les autres seigneurs, à ces paroles, perdirent courage, et n’eurent plus la force de soutenir bien ce qu’ils avaient commencé mal.

2546. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Dante n’aurait pas tant de grâce, s’il n’avait pas tant de force. […] L’action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est aussi ridicule qu’encadrée dans le vestibule. […] Cette école nous semble avoir eu pour maître et pour souche le poëte qui marque la transition du dix-huitième siècle au dix-neuvième, l’homme de la description et de la périphrase, ce Delille qui, dit-on, vers sa fin, se vantait, à la manière des dénombrements d’Homère, d’avoir fait douze chameaux, quatre chiens, trois chevaux, y compris celui de Job, six tigres, deux chats, un jeu d’échecs, un trictrac, un damier, un billard, plusieurs hivers, beaucoup d’étés, force printemps, cinquante couchers de soleil, et tant d’aurores qu’il se perdait à les compter. […] Mais non, encore une fois, il n’a ni le talent de créer, ni la prétention d’établir des systèmes. « Les systèmes, dit spirituellement Voltaire, sont comme des rats qui passent par vingt trous, et en trouvent enfin deux ou trois qui ne peuvent les admettre. » C’eût donc été prendre une peine inutile et au-dessus de ses forces.

2547. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Chateaubriaud a fait le sien ; il faut l’entendre, dans ses Mémoires, nous décrire ce prodigieux événement et s’efforcer d’en exprimer le grandiose à force d’images, il veut nous montrer Napoléon en marche, qui s’avance sans rencontrer d’obstacle : « Dans le vide qui se forme, dit-il, autour de son ombre gigantesque, s’il entre quelques soldats, ils sont invinciblement entraînés par l’attraction de ses aigles.

2548. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions et de boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure.

2549. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Cette force d’indifférence n’existe pas réellement, même au cœur du plus ingénieux égoïsme.

2550. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

Ce que je veux, c’est une femme toute jeune et toute naissante à la beauté ; je consulte mon rêve, je le presse, je le force à s’expliquer et à se définir : cette femme dont le fantôme agite l’approche de mon dernier printemps, est une toute jeune fille.

2551. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

. — Vous insistez, vous paraissez douter : Raoul, je suis allée, cette nuit, à la Bastille… Faites que je ne vous ai rien dit. » Mais toute la force du serment s’est réfugiée de nos jours à la scène.

2552. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

S’interdire les développements, les grands effets déployés d’un style toujours sûr, c’était se retrancher sans doute une portion de ses forces, mais il lui en restait encore assez.

2553. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

Une certaine fierté d’âme, un détachement de la vie, que font naître, et l’âpreté du sol, et la tristesse du ciel, devaient rendre la servitude insupportable ; et longtemps avant que l’on connût en Angleterre, et la théorie des constitutions, et l’avantage des gouvernements représentatifs, l’esprit guerrier que les poésies erses et scandinaves chantent avec tant d’enthousiasme, donnait à l’homme une idée prodigieuse de sa force individuelle et de la puissance de sa volonté.

2554. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Prenons les hommes tels qu’ils sont, en bloc, avec leurs qualités et leurs défauts, comme manifestations d’une même puissance, et ne demandons pas la ruse au lion, la force au renard, ni la grâce au paysan du Danube.

2555. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Dans cette langue dont il était plus maître que de son parler natal, Calvin donna à sa pensée toute son ampleur et toute sa force, et quand ensuite il la voulut forcer à revêtir la forme de notre pauvre et sec idiome, elle y porta une partie des qualités artistiques de la belle langue romaine.

2556. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Alexandre Dumas qui aime à mettre l’individu aux prises avec la société et à donner l’avantage à la force individuelle coutre l’autorité sociale.

2557. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

De toute la génération qui vient, il est peut-être à ce point de vue celui qui a le plus approche du définitif ; ses vers s’arrêtent lorsqu’il sied, chaque parole comme chaque strophe s’incline vers ses limites naturelles, et le poème s’érige par ses propres forces.

2558. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Pendant que le Capitan va raccontando la sua bellezza, forza e valore , raconte sa beauté, sa force et sa valeur, l’Affamato crie sans cesse famine et, en sortant de table, jure qu’il meurt de faim.

2559. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

Oui, dans ce Paris de 1891, au ciel inclément, dans ce Paris, dévasté de cyclones, où l’on gèle en mai ; et où l’excès de la sécheresse, en juin, force la municipalité à substituer, dans plusieurs arrondissements, l’eau de Seine à l’eau potable ; dans ce Paris, où les troubles atmosphériques semblent expliquer l’effervescence des esprits ; dans ce Paris, désemparé, en proie à la fièvre et aux orages politiques, aux rues barrées d’agents et encombrées de tumultueuses manifestations démagogiques ou chauvines, de cortèges de grèves incessants (garçons de cafés, employés d’omnibus et de chemin de fer) ; dans ce Paris, où l’année a commencé par l’exécution de Michel Eyraud et où chaque soir des camelots hurlent un crime retentissant (Assassinats de Cholet et de la petite Neut, affaires Bemicat, Souffrain, Doré et Berlant, Pezon, Sorré, de Moor.

2560. (1890) L’avenir de la science « IX »

Les gens du monde ont quelque raison de ne voir en ce rôle qu’un tour de force de mémoire, bon pour ceux qui n’ont reçu en partage que des qualités secondaires.

2561. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Le brigandage, qui était très enraciné en Galilée 493, donnait beaucoup de force à cette manière de voir.

2562. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

En expliquant, comme il les entend et comme il les a déjà indiqués plusieurs fois, le principe, la loi et le but du drame, l’auteur est loin de se dissimuler l’exiguïté de ses forces et la brièveté de son esprit.

2563. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Chez les Grecs & chez les Romains, comme aussi chez les Anglois, & généralement dans toutes les républiques où l’on est continuellement occupé de grands intérêts publics, il se peut qu’on réduise toute la force de l’éloquence à sçavoir persuader & faire réussir ses desseins ; qu’on ne lui reconnoisse aucune autre vertu, parce que toutes les autres qualités doivent être subordonnées à celle-là, & qu’il est juste que le principal l’emporte sur l’accessoire : mais, en France, & partout ailleurs où le gouvernement républicain n’a pas lieu, on doit distinguer ces deux choses.

2564. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Il était d’ailleurs d’une très bonne constitution, et sans l’accident qui laissa son mal sans aucun remède, il n’eût pas manqué de forces pour le surmonter.

2565. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Vers très-plaisant, qui exprime à merveille le combat entre l’appétit du chien, et la victoire que son éducation le force à remporter sur lui-même.

2566. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Dans une de ces batailles, je me rappelle encore des soldats touchés avec force et délicatesse, quoique ce ne soit pas le mérite ordinaire de ce maître ; là ou ailleurs (car comme je compte sur vous je parcours les choses un peu légèrement), sur le devant un soldat mort, un étendard, un tambour, une terrasse peints avec beaucoup de vigueur.

2567. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Ce que je sais le mieux, c’est mon commencement… Il faut avouer qu’une telle chute serait ridicule et mortelle… Nous ne disons pas que Ranke l’ait faite, mais voici pourtant deux volumes dans lesquels il a dû ramasser l’effort de sa pensée et la force réfléchie de sa maturité, et partout où nous les avons ouverts, nous n’avons trouvé que l’indigence, le refroidissement, le dessèchement, mis à la place de tout ce qui promettait autrefois la richesse, la chaleur, l’abondance et la vie Il est des gens, nous le savons, qui appelleront cela un progrès.

2568. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Mais c’est, surtout, quand il s’agit de l’homme redoutable envers lequel il était si facile à un écrivain comme Prescott d’être injuste, que ses paroles deviennent, à force d’impartialité, d’un grand poids : « Nous frémissons, — (je ne crois pas qu’il frémisse beaucoup, cet homme de race anglo-saxonne, fils de boucanier et de flibustier, mais passons-lui ce petit sacrifice à la rhétorique), — nous frémissons en regardant un tel caractère, — (il s’agit du monstrueux duc d’Albe), — mais, nous devons l’avouer, il y a quelque chose qui provoque notre admiration dans cette rigueur, dans cette inflexibilité, dans ce mépris de toute crainte et de toute faveur avec lesquels cette nature indomptable exécute ses plans !!! 

2569. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Camille Desmoulins » pp. 31-44

Aveugles, tous deux, l’un comme un cyprès et l’autre comme un saule pleureur, honnêtes arbres tumulaires qui, à force d’ombrager une épitaphe, finissent par en prendre le mensonge pour la vérité, MΜ. 

2570. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Découvrir l’âme de Sismondi, voilà, en effet, un fier tour de force d’acuité naturelle ou de lunettes… car qui ne sait ce qu’était Sismondi ?

2571. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

L’abbé Galiani démontrait, en effet, par la petitesse de sa personne, que l’esprit n’a pas besoin d’espace comme la matière, et que toutes ses puissances accumulées peuvent tenir dans une imperceptibilité… Et c’est bien là la beauté de l’esprit, sa force et sa gloire !

2572. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VI. Jules Simon »

Simon, c’est la substitution d’un théophilanthropisme, nominalement religieux, aux religions qui furent jusqu’ici l’honneur et la force morale du monde, et c’est cette substitution, qu’il est bon de réaliser sans coup férir et sans danger, sans éveiller les justes susceptibilités de ces religions puissantes encore et en leur témoignant tous les respects !

2573. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

c’est cette conception chrétienne, devenue une fatalité en littérature, et qui force le poète athée à être chrétien qui qu’en grogne (et il en grogne toujours !)

2574. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Henri Murger. Œuvres complètes. »

Évidemment, en parcourant ces pages incorrectes et lâchées et ces vers dans lesquels l’émotion ne peut sauver le langage, on a senti que cette fantaisie ne tenait pas toute sa force, que cette langue de poète avait le filet… On ne le lui coupa pas et jamais il ne se l’arracha.

2575. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

Quand on verra ces fausses grandeurs et toutes ces faiblesses, qu’on prit pour des forces à la lueur des paroles de Heine, ce sera un effet de renverse, et l’on jugera mieux combien ces gens-là sont petits.

2576. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Seulement, si ces ivres admirations de la jeunesse font souvent tache, pour toute la vie, sur l’originalité qui s’en essuie plus tard sans en effacer l’influence ; si ces admirations imitatrices sont toujours en raison inverse de la force qu’on a, l’objet, d’ailleurs, en serait-il Gœthe, Lord Byron ou Balzac, je demande ce qu’elles prouvent et ce qu’elles annoncent, quand leur objet n’est qu’un écrivain d’un ordre infime, malgré des prétentions exorbitantes.

2577. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Mais voyez l’unité de naturel Feuillet est le même dans sa force relative que dans sa faiblesse.

2578. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Gresset, qu’on avait essayé dans un temps d’opposer à Voltaire, et dont Jean-Baptiste Rousseau exaltait les débuts, n’avait eu ni assez de force de talent ni assez de pensée pour soutenir la lutte, et il avait été vite jeté de côté. Delille arrivant, comme un autre Gresset, sur les derniers temps de Voltaire, reprit, à quelques égards, le rôle manqué par le premier, et avec du brillant, du mondain à force, rien du collège, mais peu de philosophie et de pensée, il réussit à succéder en poésie au trône, encore imposant, qui devint aussitôt pour lui un tabouret chez la reine. […] Mais, une fois sa force essayée et reconnue, il l’emploiera pour son compte, et en se rappelant, en nous rappelant par éclairs ses autres grands égaux, il sera lui-même.

2579. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Ce sont des textes tels quels, en gros, qu’ils reproduisent, qu’ils finissent par comprendre à force d’en copier, mais dans l’examen desquels ils n’apportent aucune vue philologique subtile et fine, ou supérieure. […] Le nombre de jeunes gens qui ont été ainsi doués par la fée Guignon est considérable ; ils ont de tout, invention, esprit, travail, mais ils ne savent pas circonscrire leurs forces ; ils veulent faire entrer l’univers entier dans chacun de ses parties, et meurent à la peine. […] Edélestand Du Méril, qui a publié lui-même des ouvrages approfondis sur le moyen âge français et bas-latin, et qui a regardé de très-près à toutes ces questions d’origines, a exprimé des doutes, et soutenu que tenter d’appliquer à notre vieux français cette rigueur grammaticale, cette précision philologique, vouloir en traiter les textes manuscrits comme l’on a fait les livres venus de l’antiquité, c’était rapprocher des choses profondément dissemblables, c’était faire une création rétroactive, supposer aux monuments du vieux français une pureté systématique qui lui est le plus étrangère, et chercher, dans ce qui est de soi informe et variable à l’infini, un ordre et une règle qu’on peut y mettre à toute force, mais qui ne s’y trouvent point35.

2580. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La belle moissonneuse de Léopold Robert compte dix-neuf ans ; la délicatesse et la force de cette saison de la vie se marient, dans un harmonieux ensemble, sur ses traits ; elle regarde avec un demi-sourire de distraction et de raillerie les grotesques gambades des danseurs maladroits de l’Abruzze ; mais son œil large, ouvert et tendu par une arrière-pensée, lance au-dessus d’eux un regard chargé de rêverie vers le bel adolescent qui retient les buffles ; on voit qu’elle a l’espérance d’être bientôt la fiancée de cet Antinoüs rustique et de monter à son tour sur le char comme fille du maître du champ. […] D’ailleurs mes sentiments pour elle sont nobles et purs, et, quand ils auront plus de calme, ils me feront trouver un bien dans ce qui m’a tant agité… » Il cherchait ce bien et cet apaisement dans la religion et dans la prière ; la Bible de sa mère était sans cesse dans ses mains ; il y trouvait des souvenirs ; il n’y puisa pas assez la résignation et la force ; il ne trouva pas non plus en lui-même la mâle et tendre impassibilité de Michel-Ange, qui, voyant dans son cercueil, couvert de fleurs, passer le visage adoré de Vittoria Colonna, s’écria : Que ne l’ai-je du moins baisée au front ! […] Son âme n’était pas responsable de sa main ; la nature ne l’avait pas doué ou il n’avait pas exercé en lui la force nécessaire à ces grands hommes, destinés à lutter avec ce qu’on nomme l’idéal ; l’idéal fait plus de victimes qu’on ne pense : c’est la maladie des grandes imaginations qui ont un faible cœur.

2581. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Que l’événement soit une chute d’un trône dans le cachot, ou qu’il soit une pensée de jeune fille, éclose sur son oreiller à l’heure de son réveil, dans la solitude d’une chambre haute à la campagne, et se résumant en un soupir ou en une prière ruisselante de pleurs au pied de son lit, peu importe : l’émotion est la même dans le cœur qui l’éprouve et dans le cœur de celui qui s’associe par la lecture à la force de ce sentiment. […] En voici : “Ceux qui espèrent au Seigneur verront leurs forces se renouveler de jour en jour. […] L’oiseau n’a eu que peur, puis il s’est trouvé si content qu’il s’est mis à chanter de toutes ses forces, comme pour me remercier et m’assurer que la frayeur ne lui avait pas ôté la voix.

2582. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Canova, manquant de souffle, de force et de grâce cette fois, lui avait prêté son ciseau, mais non son génie ; un socle, gros comme la terre, pour offrir un champ assez vaste à la longueur des épitaphes, porte une statue colossale de l’Italie drapée, qui se penche et qui pleure sur le médaillon exigu de son faux grand homme. […] Chaque jour mon cœur s’élève, s’adoucit, s’améliore en elle, et j’oserai dire, j’oserai croire qu’il en est d’elle comme de moi, et que son cœur, en s’appuyant sur le mien, y puise une force nouvelle. » XIII Deux écrivains très remarquables, le premier par son zèle ardent pour la vérité, le second par le talent et le style, M. de Reumont, ministre de Prusse en Toscane, et M.  […] Son père, le prince Gustave-Adolphe de Stolberg-Gedern, étant mort dans cette bataille de Leuthen où le grand Frédéric défit si complètement le prince de Lorraine et le maréchal Daun, malgré la supériorité de leurs forces, la princesse se trouva veuve bien jeune encore avec quatre filles, dont la dernière n’avait que trois ans.

2583. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Cela faisait penser à je ne sais quoi de doux dans la force, comme le rut du Paradis… Une comparaison qui ramène mes idées au scandale que devait donner l’Eden, où Adam et Ève ne pouvaient sortir de l’arbre qu’ils habitaient, sans marcher sur un flagrant délit, plein d’incitation pour des gens si peu vêtus… et vraiment la sévérité de Dieu a été grande de leur dresser procès-verbal, et de les mettre à la porte de son jardin, par ce garde champêtre au sabre de feu. […] Nous, dont les sympathies de race et de peau penchent pour le pape, nous qui ne détestons pas l’homme qu’est le prêtre, nous voici à écrire, poussés par je ne sais quelle force irrésistible qui est dans l’air, un livre méchant à l’Église. […] Ce soir, après avoir parlé du cerveau, il a parlé du mollet, l’appelant un pur produit de la civilisation, et faisant remarquer qu’il manque au sauvage comme au facteur rural, par cela que la réparation, — nourriture et sommeil, — n’est pas égale chez eux à la déperdition des forces.

2584. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Tu rends la honte visible par l’horreur, tu forces l’ignominie à détourner la tête en se reconnaissant dans l’ordure, tu montres qu’accepter un homme pour maître, c’est manger le fumier, tu fais frémir les lâches de la suite du prince en mettant dans ton estomac ce qu’ils mettent dans leur âme, tu prêches la délivrance par le vomissement, sois vénéré ! […] Il force le fils à assister au supplice du père et le mari au viol de la femme, et à rire. […] Quant à ce Paul, qui a été renversé par la force de la conviction nouvelle, cette brusquerie d’en haut lui ouvre le génie.

2585. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Despréaux s’y crut personnellement offensé : Racine le fut également ; & l’on connoît ce couplet contre Perrault, qui avoit défendu son opinion dans une séance publique de l’académie Françoise : Entêté de son faux systême, Perrault, philosophe mutin, Dispute d’une force extrême ; Et, coëffé de son avertin,         Fait le lutin, Pour prouver clairement lui-même Qu’il n’entend ni Grec ni Latin. […] L’abbé Fraguier manqua d’en mourir de chagrin, lui qui, dans moins de quatre ans, avoit recommencé six ou sept fois la lecture d’Homère ; qui, pour mieux retenir, ou pour reconnoître plus facilement les beaux endroits de ce poëte, les soulignoit d’un coup de crayon dans son exemplaire ; & qui, à force d’admirer & de remarquer toujours, souligna toute l’Iliade. […] Il s’érige en philosophe & en moraliste, & c’est Platon lui-même dans toute la force de la raison, & dans l’enthousiasme de la vertu ; mais c’est souvent aussi un disciple grossier d’Epicure.

2586. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Si j’avais concentré toutes les forces de ma sensibilité, de mon imagination, de ma raison, dans la seule faculté poétique ; si j’avais conçu lentement, écrit paisiblement, retouché sévèrement mon épopée sur un de ces grands et éternels sujets qui touchent à la fois à la terre et au ciel ; si j’avais semé à travers les dogmes et les hymnes de la philosophie religieuse ces épisodes d’héroïsme, de martyres et d’amour qui font couler autant de larmes que de vers dans les épopées du Tasse, de Camoëns ou du Dante ; si j’avais encadré mes drames épiques dans ces grandioses descriptions du ciel astronomique ou dans ces descriptions de la nature pastorale et maritime, de la terre et de la mer ; si j’avais emprunté les pinceaux et les couleurs tour à tour des grands poètes épiques de l’Inde, d’Homère, de Virgile, de Théocrite, et si j’avais répandu à grandes effusions toute la tendresse et toute la mélancolie de l’âme moderne d’Ossian, de Byron ou de Chateaubriand, dans ces sujets ; je me flatte, sans doute, mais je crois, de bonne foi, que j’aurais pu accomplir quelque œuvre, non égale, mais parallèle aux beaux monuments poétiques de nos littératures. […] Un enseignement littéraire ainsi gradué sur l’âge, sur le goût, sur les forces, sur la température des années de notre vie auxquelles elle s’adapte rationnellement, donnerait à l’enfance, à l’adolescence, à la jeunesse, à l’âge mûr, un attrait bien plus naturel et bien plus universel pour les belles choses de l’esprit en harmonie avec l’âge et le sexe des disciples. […] Il me rendait contemplateur par force.

2587. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Il n’y a que la force de son expression et de sa couleur qui puisse les faire supporter. […] Une bonne fois pour toutes, sachez, Mr De La Grenée, qu’en général le simbole est froid, et qu’on ne peut lui ôter ce froid insipide, mortel, que par la simplicité, la force, la sublimité de l’idée. […] Cela vient apparemment de ce que mon imagination s’est assujetie de longue main aux véritables règles de l’art, à force d’en regarder les productions ; que j’ai pris l’habitude d’arranger mes figures dans ma tête comme si elles étoient sur la toile ; que peut-être je les y transporte, et que c’est sur un grand mur que je regarde, quand j’écris ; qu’il y a longtems que pour juger si une femme qui passe est bien ou mal ajustée, je l’imagine peinte, et que peu à peu j’ai vu des attitudes, des groupes, des passions, des expressions, du mouvement, de la profondeur, de la perspective, des plans dont l’art peut s’accommoder ; en un mot que la définition d’une imagination réglée devroit se tirer de la facilité dont le peintre peut faire un beau tableau de la chose que le littérateur a conçu.

2588. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Tels Myosotis et Factices, Cerise et Poudrederizent, Poussières et Hiers, d’autant plus que les « irrégularités » partent pétards très bien en quelques sortes, dans la solennité d’un rythme impeccable, réveillant pour le bon motif la curiosité d’autre part en d’autres poètes trop déçue à force d’être voulue étonnée. […] Mais j’estime que j’ai quelque bon sens néanmoins et je déclare en terminant qu’en dehors de toute école, de tout système, par la seule force et le seul prestige d’une imagination des plus fécondes et des plus brûlantes, d’une érudition profonde, mais légère et souriante, avec parfois des fleurs, M. de Montesquiou a conquis et gardera l’une des plus belles places sur notre Parnasse. […] Jusqu’à cet instant du jour, force m’est, presque, pour prendre mon chocolat, lire mes journaux et risquer la pipe du matin — fumer dans l’obscurité, non, n’est-ce pas ? […] Edmond Gosse vint nous chercher pour déjeuner dans un somptueux restaurant du voisinage, où je ranimai assez mes forces pour me permettre de faire les retouches finales à ma causerie du soir. […] *** Vermersch, qui sentait sa force, accepta ce verdict infiniment sévère et dès lors sa production fut immense, consistant principalement en poésies pour la plupart fantaisiste, un peu imitées de Banville (qui n’a dans ses primes ans suivi, fût-ce de trop près, l’irrésistible Maître ?)

2589. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

J’entends par là les forces mal connues qui agissent sur les genres, soit pour en renforcer d’ailleurs, soit au contraire pour en diminuer la stabilité. […] Enfin, une force sur l’importance et le pouvoir de laquelle j’essayerai de vous montrer qu’on ne saurait trop appuyer, c’est L’Individualité, c’est-à-dire l’ensemble des qualités ou des défauts, qui font qu’un individu est unique en son genre, qu’il introduit ainsi dans l’histoire de la littérature et de l’art quelque chose qui n’y existait pas avant lui, qui n’y existerait pas sans lui, qui continuera d’y exister après lui. […] Je sais d’ailleurs de lui, dans ses premiers écrits eux-mêmes, des pages qui ne ressemblent pas aux citations sous le ridicule ou l’emphase desquelles on l’accable depuis Voltaire ; qui ne sont pas indignes de la réputation d’unique éloquence qu’il a eue de son temps ; et dont ce n’est pas seulement le nombre et l’harmonie, la sonorité retentissante, la beauté tout extérieure, mais déjà la force et l’autorité qui annoncent Pascal et Bossuet. […] Mais, avec Pascal, avec Molière, avec Boileau, l’esprit bourgeois prend conscience de sa force ; il s’oppose à l’esprit aristocratique des salons et des ruelles ; il s’émancipe de la protection du grand seigneur ou du financier, et conséquemment de l’obligation de leur plaire. […] Et les contemporains en ont subi l’action comme nous subissons aujourd’hui celle d’un milieu dont on ne démêlera que dans un siècle ou deux les éléments constitutifs, ou encore, si vous l’aimez mieux, comme nous subissons éternellement celle de ces grandes forces de la nature, corpora cæca, comme les appelait Lucrèce, dont nous ne savons ni l’espèce, ni le nom.

2590. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

semblable au mortel que sa force abandonne, Dieu, qui ne cesse point d’agir et d’enfanter, Eût dit : « Voici la borne où je dois m’arrêter !  […] « On a voulu que cette tête opposât une force d’inertie et de résistance aux fausses doctrines et aux systèmes dangereux. […] … C’est l’impuissance de la force pour organiser quelque chose. […] L’estomac de son esprit, à lui, n’était pas de cette force-là. […] Il n’était pas de force individuelle capable de changer les éléments et de prévenir les événements qui naissaient de la nature des choses et des circonstances.

2591. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

C’était une espèce de tour de force pour l’état des idées de l’écrivain, mais la bizarrerie de la situation, et peut-être aussi la libéralité de cette proposition le firent céder. […] Sainte-Beuve ne s’exécutait pas, et las d’importunités finit un jour par dire au libraire : — Eh bien, puisque vous voulez à toute force annoncer un de mes ouvrages, indiquez le titre que vous voudrez ! […] À force d’être imprimé, répété, fourré partout, Volupté fut plus connu, sans avoir jamais paru, qu’une foule de livres dûment imprimés. […] Fulgence Girard est un des jeunes poètes de France dont le talent a le plus de grâce et de force à la fois, qualités qui s’excluent moins dans l’ordre moral que dans l’ordre physique, comme vous savez. […] On y conteste mon existence, on veut à toute force faire de moi un pseudonyme, comme si Van Engelgom n’était pas un nom comme un autre, comme si ma famille, assez connue Dieu merci !

2592. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Car telle est la nature d’une existence purement logique qu’elle semble se suffire à elle-même, et se poser par le seul effet de la force immanente à la vérité. […] Plus grande est la force d’agir départie à une espèce animale, plus nombreux, sans doute, sont les changements élémentaires que sa faculté de percevoir concentre en un de ses instants. […] Que fera-t-elle, sinon objectiver la distinction avec plus de force, la pousser jusqu’à ses conséquences extrêmes, la réduire en système ? […] Si la succession, en tant que distincte de la simple juxtaposition, n’a pas d’efficace réelle, si le temps n’est pas une espèce de force, pourquoi l’univers déroule-t-il ses états successifs avec une vitesse qui, au regard de ma conscience, est un véritable absolu ? […] Je veux dire qu’il a accepté sans discussion l’idée d’une science une, capable d’étreindre avec la même force toutes les parties du donné et de les coordonner en un système présentant de toutes parts une égale solidité.

2593. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Mais, par bonheur, un génie ami a depuis longtemps pris ce soin, et l’a excité, dans toute la force de la jeunesse, à fixer un passé tout récent, à le retracer et à le livrer hardiment au public dans le moment opportun : chacun devine qu’il s’agit ici de Werther. […] Car on l’a très justement remarqué, et les lettres de Goethe, écrites dans le cours de cette inspiration, nous le confirment ; ce n’est pas le désespoir, c’est plutôt l’ivresse bouillonnante et la joie qui président à la conception de Werther ; c’est le génie de la force et de la jeunesse, l’aspiration, douloureuse sans doute, mais ardente avant tout et conquérante, vers l’inconnu et vers l’infini.

2594. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Et encore peut-on dire aujourd’hui qu’Insidieux est entré dans la langue littéraire plutôt qu’il n’est passé dans l’usage courant : c’est qu’il est de sa nature un mot savant, dont le sens, dans toute sa force et sa beauté, n’est bien saisi que des latinistes, et qu’il n’a trouvé dans notre langue aucun mot déjà établi, approchant et de sa famille, pour « lui frayer le chemin. » Toutes ces circonstances propres et comme personnelles à chaque mot sont démêlées à merveille par Vaugelas. […] Il l’accuse de ne pouvoir jamais se contenter elle-même, et de gâter souvent un premier jet heureux à force d’y revenir et de le retoucher.

2595. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

quand je m’échappe quelquefois à parler du factice inévitable des rôles humains ; quand j’ai l’air de me plaire à la pure réalité, ce n’est pas que je me dissimule les misères et les petitesses de celle-ci, ce n’est pas que je méconnaisse le mérite et la force des entreprises. […] À Paris, le jeune officier fait connaissance avec des gens de lettres, et négocie, à force d’habileté et d’appui, l’insertion d’une idylle dans l’Almanach des Muses.

2596. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

La force d’âme du monarque et du capitaine, en plus d’une conjoncture terrible, ne serait pas moins prouvée, pour n’être point consignée dans des pièces soi-disant légères, signées Sans-Souci et adressées à d’Argens. […] L’épître se peut dire une gazette en vers de la force de tant de chroniques rimées qui avaient cours alors, et dont, au siècle suivant, la Muse historique de Loret a été la dernière.

2597. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Sans rentrer dans une discussion rétrospective où tout a été dit (au Corps législatif, puis au Sénat), et dit de part et d’autre on sait avec quelle force et quel talent, j’ai cependant besoin absolument de revenir unpeu en arrière pour introduire les observations que je crois utiles et les exprimer à l’état du moins de regrets dans le présent et de vœux pour l’avenir. […] J’ai visité Béranger à la Force, M.

2598. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Au contraire, certaines sensations ont une force de résurrection que rien ne détruit ou n’amoindrit. […] Tel est aussi le cas fréquent et bien constaté de soldats qui, dans la fougue de la bataille, ne remarquent pas leur blessure, et celui des extatiques, des somnambules, des personnes hypnotisées. — Tous ces exemples authentiques et toutes ces métaphores du langage mettent en lumière le même fait, à savoir l’annulation plus ou moins universelle et complète de toutes les sensations, images ou idées, au profit d’une seule ; celle-ci est persistante et absorbante, produite et prolongée avec toute la force qui, d’ordinaire, se disperse entre plusieurs.

2599. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

C’est de là que date pour moi ma mésestime du gouvernement parlementaire d’alors, et mon goût pour la république ; gouvernement quelquefois terrible, mais au moins vigoureux et franc, où les dictatures ont la force des institutions, et qui font faire aux nations ce qu’elles veulent, et non pas ce que veut un groupe d’intrigants, mentant au peuple du haut de la presse et de la tribune, et faisant peur aux rois des peuples, et des rois aux peuples. […] Pourquoi donc le cœur serait-il sans force contre ces conditions de la vie ?

2600. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

Par leurs chefs-d’œuvre, par l’influence de ceux de Molière sur un genre si voisin du sien, et par les immortelles leçons de Boileau, la tragédie française est devenue classique, c’est-à-dire régulière et terrible, correcte et pathétique, vraie et sublime ; d’autant plus admirable, qu’elle unit la grâce à la force, la bienséance à l’audace, la raison enfin, puisqu’il faut le dire, à la poésie. […] Il y a bientôt deux siècles que la maturité dure ; et s’il était vrai qu’à force d’entraves, on la pût rendre moins productive, il n’y aurait encore aucune conséquence à tirer de l’interruption ou de l’infréquence de ses triomphes.

2601. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Mais à une époque où une grande force de naturel se fait sentir jusque dans les plus fades poésies et où les défauts même qui peuvent lui être communs avec les époques de décadence ne sont que des excès de jeunesse, cette sagesse de Bertaut est quelquefois vigoureuse, et fortifie ce qu’elle corrige. […] Il cédait alors, aimant mieux s’avouer vaincu par sa propre discipline que de l’éluder ; et tantôt il allait se délasser dans cette menue poésie, biffée par lui, où il avait pourtant la faiblesse de vouloir exceller ; tantôt il se retrempait dans de vigoureux entretiens avec ses amis, où, en disputant de cet idéal qu’il n’avait pu atteindre, il reprenait des forces pour le poursuivre de nouveau.

2602. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Si Montesquieu, dépouillant le chaos des lois ripuaires, visigothes et burgondes, a pu se comparer à Saturne dévorant des pierres, quelle force ne faudrait-il pas supposer à l’esprit capable de digérer un tel fatras ? […] Comte fait exactement comme les naturalistes hypothétiques qui réduisent de force à la ligne droite les nombreux embranchements du règne animal.

2603. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

C’est que cette nécessité, cette fatalité qui force les génies à marcher, presque malgré eux, dans une voie déterminée, se faisait sentir, mais elle ne dominait pas encore, l’homme faible n’était pas encore terrassé. […] En 1847, Wagner écrit à un ami : « je doute de mes forces, bien plus que je ne me les exagère, et mes travaux actuels ne sont à mes yeux que des essais pour voir si l’opéra est possible » (Glasenapp, I, 232).

2604. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Sa doctrine éthique est la Résignation, ce qu’il nomme volontiers la Sainteté ; il explique l’amour passionné qui mène à la mort quand il ne peut assouvir ses désirs, comme une aberration, comme un manque d’équilibre entre les forces de l’individu et la nécessité de perpétuer le genre (II, 636). […] Cette influence fut profonde, mais aussi n’est-ce pas à la surface qu’on en trouvera les traces ; on peut la résumer en ceci, qu’elle élargit et précisa les vues de Wagner, et qu’elle lui infusa de nouvelles forces et une foi toute joyeuse et inébranlable en lui-même, en raffermissant sa foi dans la mission divine, toute puissante, de l’artiste.

2605. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

J’enlève le cadran, tout l’extérieur, rien ne change ; j’arrête le pendule, tout s’arrête ; je le remets en mouvement, tout reprend ; je tire un poids avec force, je vois les aiguilles courir, les sons se précipiter. […] « La perception est l’identité du moi et du non-moi, le rapport de deux termes, le tertium quid de deux forces unies, comme l’eau est l’identité de l’oxygène et de l’hydrogène.

2606. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Après tant de grâces maigres, tant de petites figures tristes, préoccupées, avec des nuages de saisie sur le front, toujours songeuses et enfoncées dans l’enfantement de la carotte ; après tous ces bagous de seconde main, ces chanterelles de perroquets, cette pauvre misérable langue argotique et malsaine, piquée dans les miettes de l’atelier et du Tintamarre ; après ces petites créatures grinchues et susceptibles, cette santé de peuple, cette bonne humeur de peuple, cette langue de peuple, cette force, cette cordialité, cette exubérance de contentement épanoui et dru, ce cœur qui apparaît là-dedans, avec de grosses formes et une brutalité attendrie : tout en cette femme m’agrée comme une solide et simple nourriture de ferme, après les dîners de gargotes à trente-deux sous. […] Enfin l’agonie de la femme, disant au moment de mourir : « Penguilly, en cas de mort tout le monde peut baptiser et donner l’absolution », et elle le force à écouter sa confession.

2607. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre II : Examen critique des méditations chrétiennes de M. Guizot »

En montrant et surtout en faisant sentir que la religion apporte une consolation dans les chagrins, une force dans le combat des passions que la philosophie ne donne qu’à très-peu d’âmes, on se placerait, je crois, sur un terrain inexpugnable, sur le terrain de l’expérience intérieure, où chacun est seul juge de ce qu’il éprouve. Comment contester ses consolations à qui se sent consolé, le sentiment de sa force à celui qui l’a éprouvée ?

2608. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Il fut un délicat et un tendre, un modeste et un aristocrate, un artiste de nuances, dont la force est en dessous, dans la trame de l’œuvre et dans la conduite de la vie. […] En tout cas, il est permis de soutenir que le génie créateur y est incomplet, et que quelque chose manque à ce livre pour prendre place au premier rang, soit dans la littérature de mémoires, parce que nous n’avons là qu’un épisode d’une vie, soit dans la littérature de roman, parce que les grandes œuvres d’imagination possèdent plus d’énergie vitale, plus de force créatrice, et animent, sinon des foules, du moins des groupes entiers de personnages sortis de la pensée humaine.

2609. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

Le dernier siecle ne vit paroître aucun autre Roman de la force des deux précédents, à moins qu’on ne place le Télémaque au nombre de ces sortes d’ouvrages. […] tant de douceur dans l’expression & tant de force dans les idées ?

2610. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

La conséquence du syllogisme (pour parler comme elle) se tirait irrésistiblement en vertu d’une logique inexorable et de cette force des choses qui n’est que la somme totale et la résultante, à la longue, des actions, de la conduite et des caractères.

2611. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Mémoires du comte d’Alton-Shée »

Il voulut, comme il disait et faisait toujours en pareil cas, amorcer la suite : il ajouta encore trois lignes de sa propre main, mais il n’eut pas la force de continuer.

2612. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Bénédict est bien fait de sa personne ; son visage, d’une pâleur bilieuse, exprime la fierté et la distinction ; il a les lèvres minces et mobiles et un certain regard singulier qui marque une force étrange de caractère et qui fascine. 

2613. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Madame de Staël, dès 1796, avait un sentiment profond et consolant de l’humanité libre, de la société régénérée ; elle était poussée vers l’avenir par une sorte d’aspiration vague et confuse, mais puissante ; elle gardait du passé un souvenir triste et intelligent ; mais elle se sentait la force de s’en détacher et de lui dire adieu pour se confier au courant des choses et au mouvement du progrès, sous l’œil de la Providence.

2614. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Pâli davantage, on eût dit qu’il ne parvenait à être vu là que par une sorte de tour de force d’obliquité.

2615. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Le don ou le pouvoir de vivre sur cet acte de foi implicite, je crois qu’il peut être développé ou diminué par l’éducation ou par l’expérience, mais que rien ne peut le communiquer aux créatures manquées qui ne l’apportent pas en naissant ou qui n’en ont pas, du moins, un petit germe, et qu’ainsi il y aura longtemps encore, dans le grand œuvre, un énorme déchet de forces inemployées ou nuisibles, mais que tout de même le grand œuvre se fera … Amen.

2616. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Le nez un peu fort, aux arêtes accentuées, aurait occupé Grandville, qui, à toute force, voulait trouver dans chaque homme la ressemblance d’un animal, car il aurait évoqué dans son cerveau l’idée d’un svelte et fringant cheval arabe.

2617. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Le fait est que le peuple, y compris la pourpre et le cordon bleu, a été désaccoutumé par force à se faire une opinion ; contrairement à la théorie de Taine, il est avéré que les événements maniés par quelques individus (appelés « grands hommes » dans le vocabulaire de la méthodologie historique) déterminent le plus souvent ses avis intellectuels comme ses mœurs.

2618. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Or, les pharisiens étaient les vrais juifs, le nerf et la force du judaïsme.

2619. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Si l’on désapprouve l’imitation d’Homère, en revanche on veut bien nous permettre d’imiter les auteurs du onzième siècle, qu’on nous accuse naturellement de n’avoir pas lus » « Quelles belles leçons de simplicité et de force M. 

2620. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Elle aimait tant, qu’elle aima ses livres avec la faiblesse qu’on a pour des enfants, gardant pour ses autres enfants la force !

2621. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

À force d’amour conjugal, le phénomène biblique de la côte d’Adam est retrouvé !

2622. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Société française pendant la Révolution »

et cet oubli, qui nous étonnerait si nous ne connaissions la force du joug des préoccupations contemporaines, détruit, on le conçoit, dans sa notion première, un livre qui avait la prétention d’être un tableau, et l’étriqué misérablement en silhouette aiguë, qui n’a pas plus de surface que de profondeur.

2623. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Les plus beaux types (et nous prenons ici ce mot dans le sens criminel et tragique), les plus beaux types de la Poésie et de la Réalité, n’offrent rien, selon nous, de plus complet et de plus effrayant à ceux qui étudient la force d’impulsion des passions que cette Élisabeth de Platen, dont on n’aurait rien dit encore quand on l’appellerait la lady Macbeth de l’amour !

2624. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

II Et encore, un Gros-Jean, c’est bien gros ; c’est Jean-Jean peut-être qu’il faudrait dire, car il y a quelque chose de mince, de naïf, — de conscrit, enfin, — dans l’idée, vieillotte à force d’être jeune, après tant et tant d’expériences, que le juste milieu gouvernemental et parlementaire, le juste milieu des choses et des hommes exactement pratiqué, est pour notre pays l’idéal du gouvernement moderne.

2625. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Seulement, ce jour-là, les théories esthétiques seraient finies, et il serait obligé de consacrer à d’autres spéculations la force de son infatigable esprit !

2626. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Je sais bien, il est vrai, qu’il ne s’en déchargea point, mais on n’en sent pas moins dans les articles qu’il y a écrits cette gestation douloureuse et puissante du grand orateur et du grand ministre, dont il n’accoucha pas, pour son soulagement et à jamais pour le nôtre, mais qui n’en communiqua pas moins une force mystérieuse dont, avait grand besoin, du reste, le pauvre Journal des Débats.

2627. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Campaux la rattrape aujourd’hui, et la force à regarder l’âme de l’homme empreinte dans ses vers, pour faire pardonner à sa vie.

2628. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

C’est, en effet, une des erreurs les plus profondes du spiritualisme humain, que de croire à la puissance spirituelle réduite à sa seule force isolée ; c’est la plus vaine des abstractions que de la cantonner dans la sphère mystérieuse de la conscience sans qu’elle passe à l’instant même au dehors, dans la sphère visible et les faits apparents.

2629. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « A. Grenier » pp. 263-276

Il a moins de morsure que Veuillot, et moins de noblesse que de Pène, qui en a une incomparable ; mais de quelle force n’est-il pas doué dans la discussion, de quelle poussée irrésistible !

2630. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer, comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore.

2631. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Ce Doudan, qui s’appelait Ximénès et qui n’était pas cardinal, — l’aurait-il été que ce n’eût pas été comme Ximénès, mais comme Bembo, — ce Ximénès Doudan sortait de terre, comme une taupe, ou de Douai, cette taupinière, et serait resté un petit professeur perdu quelque part sans les de Broglie, qui le prirent chez eux comme précepteur, et qui tombèrent bientôt sous le charme de cet esprit à qui les bégueules de la politique ne résistaient pas et qui, plus fort que Don Juan qui ne séduisait que les femmes, accomplissait ce tour de force et de souplesse de séduire des doctrinaires… Joubert avait été l’ami de Chateaubriand.

2632. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Elle était de force à peloter avec les plus forts esprits de cette époque, où la conversation était adorée.

2633. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore.

2634. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Elle ne l’égaiera pas non plus, malgré les chansons dont elle est ornée et qui ne sont pas assez gaies pour cela… Vaudeville et drame, tout est faible, pâle, inerme, dans ce gros objet qui n’a pas même la force d’être ridicule.

2635. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Le pain qui le soutenait n’était pas celui qu’on lui rompait aux portes et qu’il partageait avec les pauvres qu’il rencontrait : c’était le pain eucharistique, qui, pour ceux qui croient à ce dont il est fait, donne plus de force à un homme que s’il lui versait des fleuves de vie et de sang pourpre dans les veines.

2636. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Quand il arrivera à l’examen du Paradis perdu, il ne mettra pas, bon gré mal gré et de force, et en faussant tout autour de soi pour l’expliquer, toute l’Angleterre politique et sociale du temps de Milton dans ce poème, qui n’eut d’autre source que la Bible, entrée dans la tête d’un grand poète.

2637. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Notre grande force est d’être un peuple de terriens qui ne parlent pas, qui vivent sur des bribes de catéchisme et d’école primaire.

2638. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque.

2639. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Ils conservèrent l’appétit, leurs forces, leur air guerrier même… ». […] Arrivée à la cellule, cette onde y provoque un changement moléculaire encore plus grand ; nulle part, dans les tissus organisés, l’usure et la réparation ne sont si rapides153 ; nulle part il ne se produit un travail si actif et un si grand dégagement de force. […] Primitivement, une cellule n’est qu’un magasin de force, et tout son emploi consiste à multiplier une impulsion qu’elle transmet à un nerf moteur ; ultérieurement, à mesure que l’animal s’élève dans la série et que les sens deviennent spéciaux, la cellule perfectionnée s’acquitte par surcroît d’un autre office ; selon qu’elle sert à l’audition, à la vue, au goût, à l’odorat, elle traduit une forme particulière d’ébranlement extérieur, des vibrations de l’air, des ondulations de l’éther, des systèmes de déplacements atomiques ; or, pour cela, il faut qu’elle soit construite de manière à exécuter tel type de danse, et non tel autre. […] Il se peut que de cette première cellule partent deux, trois, quatre, dix filets ; entre ces dix filets, le courant en choisit un, par force, et toujours le même, celui qui est habitué à le recevoir.

2640. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

II Molière, au contraire, est moins poëte, il n’est même pas poëte tragique du tout, ce n’est pas du sang qu’il verse de sa coupe, ce ne sont pas des larmes, c’est de l’eau, mais c’est de l’eau limpide et rythmée qui coule naturellement de sa veine, qui amuse l’auditeur ou le lecteur par le plaisir de la difficulté vaincue, mais qui ne lui est pas nécessaire ; la preuve en est que mettez en vers les Précieuses ridicules ou en prose le Misanthrope, vous aurez toujours le même Molière devant vous : sa force est en lui, non dans sa forme ; il est versificateur parfait ; il n’est pas poëte, bien qu’il ait fait des milliers de vers faciles et agréables. […] Mais ses prodigieux travaux et ses chagrins domestiques épuisaient ses forces. […] Je n’épargnai rien, à la première connaissance que j’en eus, pour me vaincre moi-même, dans l’impossibilité que je trouvai à la changer ; je me servis pour cela de toutes les forces de mon esprit ; j’appelai à mon secours tout ce qui pouvait contribuer à ma consolation. […] Il y a force comique dans ce double contraste, car le spectateur ne peut s’empêcher de se réjouir de l’aveuglement d’un scélérat qui emploie, pour inspirer l’amour, tous les moyens qui doivent exciter la haine et le mépris.

2641. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

La lumière me fait mal, et me force à passer des journées, couché dans une chambre à demi obscurée… Alors la pensée noire de ne pas pouvoir finir mon travail, pour l’impression, et devoir interrompre la publication de ce Journal, dont je ne puis confier le manuscrit à personne, — et au fond le hantement de l’idée fixe de devenir aveugle, ce que je crains depuis vingt ans, oui, de devenir aveugle, moi, dont tous les bonheurs qui me restent sur la terre, viennent uniquement de la vue. […] Puis la conversation devient sérieuse, et l’on s’entretient de la force vitale du mal, des atomes crochus qui font que le poitrinaire recherche la poitrinaire, le fou, la folle, comme pour le réengendrer, en le doublant ce mal, — ce mal qui pourrait peut-être mourir, s’il restait isolé. […] Un moment, elle parle de la force nerveuse, que donnent les planches, et de sa crainte de jeter dans l’orchestre, la grande Adèle, quand elle la bouscule, à la fin du tableau des fortifications. […] » Jeudi 27 décembre Discussion à table avec Daudet, où je soutiens qu’un homme qui n’a pas été doué par Dieu du sens pictural, pourra peut-être, à force d’intelligence, goûter quelques gros côtés perceptibles de la peinture, mais n’en goûtera jamais la beauté intime, la bonté absconse au public, n’aura jamais la joie d’une coloration, et je lui parlais à ce propos de l’eau-forte, de ses noirs, de certains noirs de Seymour-Haden qui mettent l’œil dans un état d’ivresse chez l’homme, au sens pictural.

2642. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Tel homme, même plein de force et de volonté, est pourtant un demi-mort : parce qu’il ne se renouvelle plus, qu’il tient une vérité et qu’il la fait valoir comme un domaine. […] Je préfère infiniment conter ton humeur et, montrer comment tu as toujours su rester un ange sur un théâtre où l’on est trop souvent obligé d’être complaisant à la force et à la farce. […] Mais c’est surtout en lisant Les Œuvres burlesques et mystiques de Frère Matorelac , parus à peu près en même temps que les deux ouvrages précédents, que l’on saisit enfin l’entière portée, la pleine signification de cette nature sans cesse en jaillissements, en fusées, en éclaboussements d’expressions rapides dont chacune se suffit, forme un tout, source transparente emplie de lueurs et de forces. […] René Arcos a peint d’une main prestigieuse et inégalée le Paris d’août 1914, le Bordeaux de la fuite gouvernementale, les ports, la vie en Angleterre, en Suisse, en Italie, les ports, la vie en Egypte pendant que régnait l’« ordre » et que l’idole anthropophage faisait, de gré ou de force, plier tous les genoux.

2643. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Dans la thèse française, qui est devenue la principale et pour laquelle il avait réservé ses plus grandes forces, M. 

2644. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

… » — « Je ne suis consolée en ce moment par le bonheur de personne, disait-elle encore ; le bonheur d’autrui serait ma force. » — Un proverbe valaque l’avait frappée : Donne jusqu’à la mort.

2645. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Du moment que l’esprit, le talent, se tournent vers ce système de tout dire en image et de tout peindre en couleurs, ils peuvent aller très-loin et faire de vrais tours de force ; mais le vrai centre est déplacé.

2646. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Le genre humain, en vieillissant, devient moins accessible à la pitié ; il a donc fallu creuser plus avant pour retrouver la source de l’émotion ; et le malheur isolé a eu besoin de recourir à une force intérieure plus agissante.

2647. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

En effet, si l’on regarde les quatre mille vers qu’il a écrits, ce n’est ni l’abondance des idées, ni la force de l’imagination, ni la profondeur du sentiment qu’on y peut admirer.

2648. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Henri écornifle le bonheur des ménages où il pénètre ; ni par passion, ni par sensualité, mais par la force des choses, par crainte d’être impoli.

2649. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Plus tard, M. de La Rochefoucauld étant devenu goutteux et madame de La Fayette maladive, leur mauvaise santé les rendit nécessaires l’un à l’autre. « Je crois, disait madame de Sévigné, que nul amour ne peut surpasser la force d’une telle raison. » Madame de Sévigné date des lettres à sa fille, tantôt de chez M. de La Rochefoucauld où était madame de La Fayette, ou de chez madame de La Fayette où était M. de La Rochefoucauld.

2650. (1757) Réflexions sur le goût

Faute de suivre cette méthode, l’imagination échauffée par quelques beautés du premier ordre dans un ouvrage, monstrueux d’ailleurs, fermera bientôt les yeux sur les endroits faibles, transformera les défauts même en beautés, et nous conduira par degrés à cet enthousiasme froid et stupide qui ne sent rien à force d’admirer tout ; espèce de paralysie de l’esprit, qui nous rend indignes et incapables de goûter les beautés réelles.

2651. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

On vient de le voir à la page précédente, il y a eu de par le monde une autre sœur que Mme Auguste Craven, qui, elle aussi, a parlé d’un frère qu’elle aurait immortalisé, s’il n’avait pas été de force à s’immortaliser tout seul, c’est Eugénie de Guérin.

2652. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Ce n’est pas une force, et elle va tout à l’heure nous le prouver !

2653. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Ainsi encore, après Théroigne de Méricourt, une figure moins terrible, une sainte plus douce, mademoiselle Kéralio, madame Robert, une fille noble, mal mariée, devenue ambitieuse, et tombée, à force d’abjection et de folie, dans le mépris de madame Roland, et si bas que Michelet, ému jusqu’aux entrailles dans la personne de cette petite madame Robert, se risque à protester contre le portrait déshonorant qu’en fait madame Roland dans ses Mémoires : « Ce qui prouve — ajoute-t-il mélancoliquement — que les plus grands caractères ont leurs misères et leurs faiblesses ! 

2654. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Il connaît trop la force des choses admises, et qui est plus admis parmi les évidences indéniables que le génie de Gœthe ?

2655. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

C’est des renseignements de cette force qu’on peut trouver en cherchant bien, dans ces Mémoires du duc de Luynes.

2656. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Mais s’il en a la force, en a-t-il la fécondité ?

2657. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il a une notion fausse et folle de la force humaine.

2658. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Matter l’a frappé d’un coup plus net et plus terrible que le chef-d’œuvre de Balzac ; car, si ce livre l’a épargné comme conscience morale, comme force poétique, il l’a décapité.

2659. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

une idée qu’à l’instant même une autre idée ne surgisse au bout pour la contrepeser, pour l’empêcher de pencher à gauche ou à droite, — la grande affaire, la seule affaire, en dernière analyse, pour des gens qui n’ont pas la force de haïr vaillamment l’erreur ou d’aimer vaillamment la vérité !

2660. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Jamais la Critique n’a été plus large, plus compréhensive, embrassant une œuvre et une personnalité de génie avec plus de force caressante et d’intelligence dans l’amour.

2661. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Le poète qui a métamorphosé ses nobles Cariatides en clowns femelles dansant le cancan sur la corde lâche ou roide ou le fil d’archal de son vers, doit, il est vrai, avoir une redoutable force de versifaiseur pour lancer ses strophes à la hauteur où elles bondissent, mais préférer ces pirouettes de mots et de Rythme et ces enlèvements de ballon au vol cadencé et plein d’une Poésie qui doit toujours emporter du sentiment ou de la pensée sur ses ailes, c’est tuer en soi le poète par le jongleur.

2662. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

C’était un homme d’esprit à la française, très capable, comme il l’a bien prouvé, de glisser sa petite comédie à la Marivaux entre deux poèmes d’albâtre pur… Excepté la force des épaules, auxquelles on pourrait reconnaître la race de guerre, faite pour la cuirasse, dont il était issu, rien n’indique, dans ce portrait des Œuvres posthumes, le mousquetaire rouge qu’avait été pourtant Alfred de Vigny.

2663. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

D’ailleurs ces termes fixent l’esprit ; ils nous servent à mettre de l’ordre & de la précision dans nos pensées ; ils donnent plus de grace & de force au discours ; ils le rendent plus vif, plus serré, & plus énergique : mais on doit en connoître la juste valeur. […] On peut seulement observer qu’il y a des noms, des verbes, & des adverbes, qui étant prononcés dans certains mouvemens de passions ont la force de l’interjection, courage, allons, bon-Dieu, voyez, marche, tout beau, paix, &c. c’est le ton plûtôt que le mot qui fait alors l’interjection. […] Il n’y a plus que quelques vieux écrivains qui n’ont pas la force de se défaire de leur ancien usage : mais enfin la distinction dont nous parlons étoit raisonnable, elle a prévalu. […] Détruisez la force du témoignage, combien de choses que la bonté de Dieu nous a accordées, dont nous ne pourrions tirer aucune utilité ! […] Ces adjectifs Latins qui ne servent qu’à déterminer l’objet avec plus de force, sont si différens de l’article Grec & de l’article François, que Vossius prétend (de Anal.

2664. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Ô mon Dieu, donnez-moi la force nécessaire Pour contempler mon cœur et mon corps sans dégoût. […] S’il fait, par la flûte et la lyre accompagner la voix du Faune, c’est que la flûte et lyre, et toute la musique, dans leur volonté d’être, dans leur force de germination, sont présentes à ce coupe de beauté verbale intérieures et cachées, comme le pistil et les étamines au cœur poudroyant d’une fleur. […] A plus vouloir, on perd sa force qui gît dans l’obscur de considérants tus sitôt que divulgués à demi, où la pensée se réfugie »88. […] Mallarmé néanmoins en donne un équivalent par la force de création continuée qui soutient sa prose et ses vers. […] Comme Antée reprenait ses forces en touchant la terre, le poète rajeunit les siennes en contemplant un ciel, un absolu, le ciel qui n’est tel, qui n’est bleu, que parce qu’il ne peut être touché.

2665. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Un peu de fleur est tombé sans doute, mais le parfum y gagne, plus profond.« Nous étions certainement nés l’un pour l’autre, dit-elle ; non pas peut-être pour vivre ensemble, c’est ce que je ne puis savoir, mais pour nous aimer… Adieu, chère Eugénie, je ne te le céderais plus. » Une maladie de son ami Godefroy force Meyer de partir pour Strasbourg inopinément : il n’a que le temps d’écrire son départ à Mlle de La Prise, avec l’aveu de son amour ; car jusque-là il n’y a pas eu d’aveu en paroles, et cette lettre est la première qu’il ose adresser. […] Regarde-t-on marcher un homme qui marche tout simplement, quand on est accoutumé à ne voir que tours de force, que sauts périlleux ?  […] Depuis plus de trois ans, je vois, j’entends Gatimozin partout, et la plainte commencée meurt sur mes lèvres, et, dans le silence auquel je me force, mon âme se raffermit. » Elle avait peu compté sur l’amour, elle n’avait pas désiré la gloire ; mais, lors même que la raison fait bon marché des chimères, la sensibilité sevrée se retrouve là-dessous et n’y perd rien.

2666. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

De 1743 à 1774, Louis XV force 6 400 cerfs. […] Tant pis si elle absorbe son temps, son esprit, son âme, tout le meilleur de sa force active et de la force de l’État.

2667. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

C’est cet esprit, qui, commun à ce moment à l’Angleterre et à la France, imprime son image dans la diversité infinie des œuvres littéraires, en sorte que dans son ascendant partout visible on ne peut s’empêcher de reconnaître la présence d’une de ces forces intérieures qui ploient et règlent le cours du génie humain. […] Il sent si bien son talent qu’il en abuse ; il se plaît aux tours de force. […] Voyant « certains jeunes gens d’une délicatesse insipide », Ambroise Philips par exemple, qui écrivait des pastorales élégantes et tendres, dans le goût de notre Fontenelle, il s’amusa à les contrefaire et à les contredire, et, dans la Semaine du Berger, fit entrer les mœurs réelles dans le mètre et dans la forme de la poésie d’apparat. « Courtois lecteur, dit-il dans sa préface, tu trouveras mes bergères occupées, non pas à souffler dans des chalumeaux, mais à lier les gerbes, à traire les vaches, ou à ramener les porcs à leur auge ; mon berger ne dort point sous des myrtes, mais sous une haie ; il ne veille pas diligemment à préserver son troupeau des loups, car il n’y en a point1128. » Figurez-vous un pâtre de Théocrite ou de Virgile à qui l’on met de force les souliers ferrés et l’attirail d’un vacher du Devonshire ; ce sera un grotesque qui nous divertira par le contraste de sa personne et de ses habits.

2668. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Callias, il nous le montre sale, dégoûtant, comme si on l’avait ramassé dans le ruisseau, ivre à tomber, et cependant se tenant par la force de la volonté, en équilibre sur le bord du trottoir, sans jamais dévaler sur la chaussée, et toujours occupé à attacher à sa boutonnière une fleur fanée, un brin de verdure, un légume ramassé dans les ordures. […] Et dans la crainte qu’il se déclarât un cas chez la femme et les enfants, avec l’aide de la police, il embarquait de force la veuve et sa petite famille, au milieu des injures de la femme… qui, arrivée en Europe, lui adressait une lettre de remerciement. […] » Et elle se mettait à lui préparer les lettres de faire part, qu’elle aurait à envoyer, Pélagie ajoutait que la mère, à force d’avoir pleuré dans sa vie, avait les yeux d’un violet particulier, d’un violet ressemblant à certaines petites figues du Midi.

2669. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Le besoin de recueillir dans une œuvre définitive tant de force féconde et tant de richesses nées du cœur se fait sentir et devient le rêve qui, comme l’ombre, s’accroît avec les années. […] Les objections au genre de succès que nous appelons de tous nos vœux et qui nous semble désirable pour l’honneur moral d’une nation chez qui la classe moyenne adopterait Jocelyn, autant que pour la fortune de Jocelyn lui-même, ces objections se tireraient plutôt, selon nous, des longueurs du livre et de certaines abondances descriptives ; car on peut dire plus que jamais de Lamartine en ce poëme, comme il dit de certains arbres des Alpes au printemps :   La sève débordant d’abondance et de force  Coulait en gommes d’or aux fentes de l’écorce.

2670. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

J’admire, je salue la gloire, et les génies, les talents qui la justifient et la remplissent ; mais je plains et j’aime aussi ces hommes dont le vœu et souvent la force étaient plus larges que la gêne du sort112. […] Ce discours devra donc fournir matière à plus d’une discussion approfondie dont nous ne nous sentons pas ici le goût ni la force.

2671. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

toi qui prolongeas la puissante vieillesse de Goethe, et qui rendis souvent une force surhumaine à la verve épuisée des plus grands artistes, pardonne si j’ai parlé des dangers de ton amour ! […] Que si, sous sa forme purement folâtre et dans la voix bruyante de l’ivresse, elle est moins faite pour séduire les âmes délicates et tendres, elle prend parfois aussi des accents d’une telle richesse, d’une folie si éclatante et si sincère, qu’elle a force de poésie à son tour, et que, bon gré mal gré, elle entraîne.

2672. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Ils entrent dans un végétal : ils en sont la sève, la force, les sucs nourriciers. […] C’était le moment de ce qu’on a appelé la Coalition, dans laquelle les gagnants de Juillet, sous prétexte qu’on n’avait pas le vrai gouvernement parlementaire, s’étaient mis à assiéger le ministère et à le vouloir renverser coûte que coûte, comme si la dynastie était assez fondée et de force à résister au contre-coup.

2673. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

La cour est devenue le sénat de la nation ; le moindre valet de Versailles est sénateur ; les femmes de chambre ont part au gouvernement, sinon pour ordonner, du moins pour empêcher les lois et les règles ; et, à force d’empêcher, il n’y a plus ni lois, ni ordres, ni ordonnateurs… Sous Henri IV, les courtisans demeuraient chacun dans leur maison, ils n’étaient point engagés dans des dépenses ruineuses pour être de la cour ; ainsi les grâces ne leur étaient pas dues comme aujourd’hui… La cour est le tombeau de la nation. » — Quantité d’officiers nobles, voyant que les hauts grades ne sont que pour les courtisans, quittent le service et vont porter leur mécontentement dans leurs terres. […] Deux choses sont pernicieuses à l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein ; ni l’oisiveté, ni la toute-puissance ne sont conformes à sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie désœuvrée qui n’a rien à faire, finit par devenir inutile et malfaisant. — Insensiblement, en accaparant tous les pouvoirs, le roi s’est chargé de toutes les fonctions ; tâche immense et qui surpasse le forces humaines.

2674. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Cependant Valens fait sa jonction avec Cécina. » IV Un conseil de guerre, tenu en présence d’Othon, où l’on délibère sur la bataille à donner ou à ajourner, fournit à l’historien l’occasion d’une magnifique énumération des forces de l’empire. […] Voyez la première nuit du coupable après le crime, sa terreur de la lumière qui va renaître, son horreur pour les lieux, scène de son forfait, pour cette physionomie de la terre et de la mer qui ne change pas comme le visage des hommes, et qui le force à se sauver à Naples.

2675. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Après l’abdication de 1814, le consentement de l’Empereur et la force des événements le rendirent libre. […] IV Le Pape reconquit sans peine au congrès de Vienne tout ce que Napoléon avait dérobé par la force au domaine de l’Église.

2676. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Ses amis l’avertissaient en vain de cette tension, il ne sentait sa force qu’en l’exagérant. […] Tout ce qu’à payne en obtiennent humains À force d’art, de labeur et d’adresse, De soy pondoit soubz leurs heureuses mains : Lors de soulcy n’eurent que leur tendresse ; Et cependant vivoyent dix fois plus Que ne faizons !

2677. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Sa force éclate sous la délicatesse dont il essaye de la revêtir, d’autant plus artificielle et compassée que l’être intérieur se laisse plus malaisément contenir. […] Il y venait dîner avec des amis communs et causer belles-lettres ; ou bien il amenait sa petite famille, et Boileau, dépouillant sa gravité, jouait avec les enfants aux quilles, où il se piquait d’être de première force, ou les menait promener dans le bois de Boulogne.

2678. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Aussi s’est-elle presque toujours contentée de formuler son blâme ou son approbation d’après des règles générales sous le niveau desquelles elle force toutes les têtes à se courber. […] Nous aurons à étudier ce qui peut donner à la parole toute sa force, au langage toute sa puissance, à la pantomime toute son expression.

2679. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Voici, dans un douzain, un abrégé de l’histoire de Rome universelle, tel qu’aurait pu le tracer un protestant82 : Rome jadis la terre subjugua Puis si heureuse en la mer navigua, Que du grand monde et d’une cité close On vit la force estre la mesme chose. […] Toute la suite et la fin de ce court et frappant résumé des commencements et des progrès de notre poésie sont marquées de la même force de jugement et d’expression.

2680. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Le point est de s’assimiler sa doctrine et de constituer le drame lyrique français avec autant de force et d’indépendance qu’il a constitué le drame musical de l’Allemagne. […] Il vise à une force d’expression supérieure.

2681. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Alors l’âme hautaine du poète — elle sait bien qu’elle crée volontairement sa peine — saisit le chant de ses angoisses, elle le force à être égayé, elle l’unit intimement avec sa légère jouerie. […] Il fut déterminé par l’avènement de la démocratie : les âmes furent modifiées : les choses apparurent sous un aspect plus sensible : le sentiment de leurs rapports s’atténua : grandit le sentiment de leurs forces externes.

2682. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Un jour, il avait pris un saumon, et il le mangeait au bord de l’eau, les yeux à moitié fermés, quand Loke le tua d’un coup de pierre … » Rheidmar, irrité de la mort de son fils, force les Ases (les dieux), comme rançon d’Ottur, de remplir d’Or rouge la peau de la loutre, et ensuite de la couvrir d’or. […] Sauve maintenant ta tête des rets de Hel (ou Hella, divinité de la mort infernale), et livre moi la flamme des eaux, l’or brillant … » Andvari livre l’or ; il lui restait un anneau, Loke le lui enlève de force.

2683. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Elle est bien fine, la baronne d’Ange, elle est « d’une jolie force », comme lui dit, quelque part, le jeune Olivier ; mais c’est justement son excès de ruse et de dissimulation qui la perd. […] Et qui le force à cet aveu cynique ?

2684. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Je ne sais vraiment où elle a ramassé les dernières forces avec lesquelles elle va devant elle. […] Et chez cette femme, une énergie de caractère, une force de volonté, un art du mystère auxquels rien ne peut être comparé.

2685. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Deschanel, d’utiliser imprimer dans tous les cas où impressionner me vient sous la plume ; imprimer est meilleur et possède un sens concret121 qui lui donne plus de force dans la métaphore, mais vraiment : « Ce spectacle m’a impressionné », si cela peut se traduire par « ce spectacle m’a ému », cela n’a jamais pu, à aucun moment de la langue, se dire par « ce spectacle m’a imprimé ». […] Ces ruisseaux si lourdement chargés de sable et de bois mort ont encombré la langue française : il suffirait de les dessécher ou de les dériver pour rendre au large fleuve toute sa pureté, toute sa force et toute sa transparence.

2686. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Les Italiens considérèrent la chose sous le même aspect que les anciens Latins, lorsqu’ils appelèrent les terres poderi, de podere, puissance ; c’est qu’elles étaient acquises par la force ; ce qui est encore prouvé par l’expression du moyen âge, presas terrarum, pour dire les champs avec leurs limites. […] On peut l’observer dans la langue vulgaire des Latins, qui a conservé plus de traces que la grecque, de son origine héroïque, et qui lui est aussi supérieure pour la force, qu’inférieure pour la délicatesse.

2687. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La princesse Mathilde » pp. 389-400

La physionomie entière exprime noblesse, dignité, et, dès qu’elle s’anime, la grâce unie à la force, la joie qui naît d’une nature saine, la franchise et la bonté, parfois aussi le feu et l’ardeur.

2688. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort.

2689. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Si vous y prenez garde, la seule qualité acquise qui ait été imprimée en lui avec force, et qu’il ait invariablement retenue, est celle qui rendrait propre à ce métier, une grande circonspection.

2690. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Si je ne me trompe, il y aura un très prochain changement, et si mes forces physiques ne me font pas défaut, je ne résisterai pas à payer ce que je considère comme une dette et un devoir.

2691. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

La critique, en effet, cette espèce de critique surtout, ne crée rien, ne produit rien qui lui soit propre ; elle convie au festin, elle force d’entrer.

2692. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

Pourtant on arrive à Clermont ; on y est reçu avec force harangues et comparaisons tirées de la lune et du soleil ; tandis que Messieurs s’installent, qu’échevins et échevines défilent en cérémonie, et qu’on se promène un peu pour reconnaître la ville, M.

2693. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles.

2694. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Là il rencontre, comme Dante au vestibule de son Enfer, les cinq ou six poëtes souverains dont il est épris ; il les interroge, il les entend ; il convoque leur noble et incorruptible école (la bella scuola), dont toutes les réponses le raffermissent contre les disputes ambiguës des écoles éphémères ; il éclaircit, à leur flamme céleste, son observation des hommes et des choses ; il y épure la réalité sentie dans laquelle il puise, la séparant avec soin de sa portion pesante, inégale et grossière ; et, à force de s’envelopper de leurs saintes reliques, suivant l’expression de Chénier, à force d’être attentif et fidèle à la propre voix de son cœur, il arrive à créer comme eux selon sa mesure, et à mériter peut-être que d’autres conversent avec lui un jour.

2695. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Boileau lui-même, ce strict réformateur, qui, à force d’épurer et de châtier la langue, lui laissa trop peu de sa liberté première et de ses heureuses nonchalances, Boileau ne fait autre chose que continuer et accomplir l’œuvre de Malherbe ; et, pour se rendre compte des tentatives de Malherbe, on est forcé de remonter à Ronsard, à Des Portes, à Regnier, en un mot à toute cette école que le précurseur de Despréaux eut à combattre.

2696. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

S’il a conscience du mal secret qu’il enferme en soi, et de sa gestion mauvaise, aura-t-il la force, aura-t-il seulement la pensée d’y échapper ?

2697. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Royer-Collard était appliqué à se restreindre ; ce dernier mit toujours une bonne moitié de sa force à contenir l’autre moitié.

2698. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

Hugo, c’est quelque relâchement dans la force, ou, suivant l’expression classique consacrée, quelque pitié dans l’horreur.

2699. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

L’invention des faits surnaturels a son terme ; ce sont des combinaisons très bornées, et peu susceptibles de cette progression qui appartient à toutes les vérités morales, de quelque genre qu’elles soient : lorsque les poètes s’attachent à revêtir des couleurs de l’imagination les pensées philosophiques et les sentiments passionnés, ils entrent en quelque manière dans cette route où les hommes éclairés avancent sans cesse, à moins que la force ignorante et tyrannique ne leur enlève toute liberté.

2700. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le public va chercher au théâtre français actuel une suite d’odes bien pompeuses, et d’ailleurs exprimant avec force des sentiments généreux.

2701. (1895) Histoire de la littérature française « Avant-propos »

Il faut se résoudre à faire de son mieux, selon ses forces, sans illusion.

2702. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

L’un d’eux, Jean Bodel, un talent universel, épique, lyrique, dramatique, fut atteint de la lèpre, et obligé, selon le règlement de police qui était en vigueur, d’aller s’enfermer dans une léproserie ; avant de partir, il fit ses adieux au monde, à sa ville d’Arras, à tous ses amis et voisins, en quarante et une strophes de douze vers, triste et le cœur dolent, comme on peut penser, mais trouvant encore la force de sourire, et faisant en somme belle contenance.

2703. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Notre théâtre subit l’action du théâtre anglais : Shakespeare peu à peu force les barrières de notre goût ; Voltaire, l’abbé Leblanc, Laplace, Letourneur, Ducis le font connaître584, et il arrache parfois l’admiration d’une mondaine renforcée comme Mme Du Deffand.

2704. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

La mythologie, ce sont les forces naturelles personnifiées, et c’est aussi, par conséquent, l’humanité déifiée.

2705. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

Questions sociales, religieuses, sont autant de saignées faites à la force vive de la patrie  Titius : Oui, on meurt par le fait de trop vivre, comme par le fait de ne pas vivre assez  Voltinius : Albe, je crois, mourra par le gâchis  Titius : On va bien loin avec cette maladie. » Nous sommes maintenant dans le vestibule du temple de Diane.

2706. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Le capitaine Spavente raconte à Arlequin comment, à force d’assister à la comédie, il est devenu amoureux de la signora Vittoria.

2707. (1888) Demain : questions d’esthétique pp. 5-30

Ce fut l’apothèse longuement préparée par les dialecticiens scolastiques du moyen âge : les temps do la naïveté avaient été, ceux de la connaissance venaient, et les temps do la connaissance exaltaient les rigides lois d’une logique qui s’empruntait d’Aristote, à travers saint Thomas, pensant établir par les forces mêmes de la raison seulement humaine la vérité de la Révélation.

2708. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Des accents inconnus se font déjà entendre pour exalter le martyre et célébrer la puissance de « l’homme de douleur. » A propos de quelqu’un de ces sublimes patients qui, comme Jérémie, teignaient de leur sang les rues de Jérusalem, un inspiré fit un cantique sur les souffrances et le triomphe du « Serviteur de Dieu », où toute la force prophétique du génie d’Israël sembla concentrée 86. « Il s’élevait comme un faible arbuste, comme un rejeton qui monte d’un sol aride ; il n’avait ni grâce ni beauté.

2709. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Dissimulant la vraie cause de sa force, je veux dire sa supériorité sur ce qui l’entourait, il laissait croire, pour satisfaire les idées du temps, idées qui d’ailleurs étaient pleinement les siennes, qu’une révélation d’en haut lui découvrait les secrets et lui ouvrait les cœurs.

2710. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

C’était vraiment une de ces heures divines où le grand se produit par la conspiration de mille forces cachées, où les belles âmes trouvent pour les soutenir un flot d’admiration et de sympathie.

2711. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

« Il existe, prétend-il, une sorte d’harmonie préétablie entre le cours de la nature et la succession de nos idées, et quoique les puissances et les forces par lesquelles la première est gouvernée nous soient pleinement inconnues, nos pensées et nos conceptions ne laissent pas en définitive d’avoir suivi la même marche que les autres objets de la nature.

2712. (1902) L’humanisme. Figaro

On peut détruire les religions, on ne détruit pas le cœur de l’homme ; et il n’y a pas de philosophie qui tienne contre la force des choses.

2713. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

L’œuvre, on ne la considère alors que comme le produit plus ou moins passif de ces deux forces également inconscientes au fond : le tempérament de l’écrivain et le milieu où il se développe.

2714. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Dans l’état normal, ce même fait se reproduit souvent : nous sentons notre esprit traversé par des idées fortuites, accidentelles, qui rompent la suite de nos conceptions ; mais nous avons la force de les écarter pour suivre un certain ordre d’idées, ou, si nous nous y livrons, c’est avec conscience, et sans prendre des rapports tout subjectifs pour des rapports réels.

2715. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre III : Le présent et l’avenir du spiritualisme »

Matière et force, disent les uns ; tout n’est donc pas matière.

2716. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Vous remplissez cette jeune tête d’un fracas de nombres et de figures qui ne lui représentent rien du tout ; vous l’accoutumez à se satisfaire d’une somme donnée, à ne marcher qu’à l’aide d’une théorie, à ne faire jamais usage de ses forces, à soulager sa mémoire et sa pensée par des opérations artificielles, à ne connaître, et finalement à n’aimer que ces principes rigoureux et ces vérités absolues qui bouleversent la société.

2717. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Ce geste, qui, pour user d’une expression poëtique, parle aux yeux, donne bien plus de force au discours.

2718. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Qui a mis dans les mots cette force logique, qui est à elle seule un destin ?

2719. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

Mme de Blocqueville, qui n’a rien, — et je l’en félicite, — des idées et des sentiments de Mme Sand, n’a pas eu plus qu’elle la force qui lui a manqué.

2720. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

pour une femme qui joue à l’Alfieri, dans la première partie de son livre ; pour une Amazone de cette force, ceci est mesquin… de stoïcisme et même de vengeance ; mais c’est que faire du bruit, pour elle, vaut beaucoup mieux que de se venger !

2721. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Au regard d’esprits plus préoccupés des choses intellectuelles que des choses morales dans l’histoire, il y a certainement dans quelques-unes de ces sociétés américaines des côtés formidables et brillants que tous les adorateurs de la force doivent admirer et même avec terreur, ce qui est pour la lâcheté humaine le dernier degré de l’admiration !

2722. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

La foule est la foule, et c’est une force !

2723. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Il n’avait devant lui que cette vie, si cruellement humble et si courageusement muette qu’elle n’a jamais une seule fois rugi du rugissement de la force consciente dans ses œuvres impersonnelles, et troublé de son rauque éclat la sérénité de leur harmonie !

2724. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme et l’Enfant » pp. 11-26

L’homme est le produit de sa force.

2725. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

C’est que ces deux livres nous transmettent la lumière inattendue qui vient de frapper l’un des faits de l’Histoire moderne qui semblait le plus devoir se passer de lumière, l’événement classique, à force d’être fameux, qu’on pouvait appeler le grand lieu commun de la rhétorique de l’Histoire.

2726. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

En quoi le Catholicisme qui se défend, quand il est attaqué par l’Hérésie, ressemble-t-il au Catholicisme que le malheur des temps, comme dirait M. de Meaux, force à transiger ?

2727. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

Ce Saint François d’Assise de la guerre, qui était de force à marcher, pieds nus, sur des baïonnettes, ne demandait des souliers que pour aller mieux à l’ennemi… Après Brumaire, le grand Connaisseur en mérite et en gloire qui régnait déjà sur la France, voulut en faire un sénateur.

2728. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

L’âme, pour des penseurs de la force de Μ. de Girardin, ne vaut pas une mécanique, et le loisir est un désordre pour ces politiques des travaux forcés.

2729. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Il en avait la force retorse, rusée, terrible.

2730. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Un moment, la vie les avait séparés, mais ils s’étaient rapprochés par la force des premières années, qui décident toujours des dernières dans nos pauvres cœurs, si craie soient-ils !

2731. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire, sous une forme respectueuse et croyante, qui n’est qu’une force d’illusion de plus, va au naturalisme du temps, au rationalisme du temps, à l’humanisme du temps, enfin à ce prosaïsme du temps qui doit tuer les religions comme la poésie, car il tue les âmes !

2732. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Et si vous y joignez cette autre variété florissante, les jugeurs, les solennels, les hommes-tribunaux, les Perrins-Dandins, presque aussi communs que les Georges, pris assez subtilement à la petite trappe de l’impartialité, vous avez l’opinion tout entière, ou au moins ses forces les plus vives, et c’est le cas présent pour M. 

2733. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

… Quand une société en est là de ramollissement et de lâche mépris pour tout ce qui fut autrefois la force et la dignité des nations chrétiennes, le sentiment filial comme on le rencontre dans Armelle est bien près de n’être plus compris.

2734. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Les païens modernes, qui sont partout, se sont particulièrement épris de ce tour de force et de souplesse d’André, se faisant Grec du temps de Périclès, à la fin du xviiie  siècle, comme Chatterton, le seul analogue de Chénier dans l’histoire littéraire, s’était déjà fait du Moyen Age, avec un talent peut-être égal.

2735. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Ajoutez à cela les mille angoisses que connut Balzac, le plomb des exigences de librairie, les tyrannies des marchands érigés en Mécènes, les Fourches Caudines sous lesquelles sont obligés de passer les plus fiers écrivains, l’inspiration que l’on chasse et la commande que l’on fait, les instincts bas dont les colporteurs de littérature risquent le plaidoyer, l’argent à la main, pour tenter la faim qui doit prêter l’oreille, malgré le proverbe, enfin la levée de boucliers des esprits sans lumière et sans vie contre les réfractaires qui s’obstinent à vouloir être ce qu’ils sont, et dites-vous si le massacre n’est pas organisé, — de haute lice et de nécessité, — et s’il n’est pas besoin d’une force intellectuelle redoutable pour ne pas périr au moins dans quelques parties de son âme et de son talent ?

2736. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Néanmoins, à force d’agiter partout sa nullité sonore, *** est connu de beaucoup de monde, et, dans sa famille, il a fait croire que c’était lui qui écrivait des pièces de théâtre sous le pseudonyme de Scribe. […] À force d’écrire des récitatifs, des duos et des quatuors, cette forme lyrique est dans leur langage ordinaire. […] Dans le second cas, elles humilient. — Un homme qui a le sentiment de sa valeur souffrira péniblement si, pour la constater, il a besoin de requérir l’appui des imbéciles ou des niais, qui sont une force comme toute majorité. […] Peu à peu cependant, à force d’intrigue, à force de se remuer, le Charançon finit par acquérir ce qu’on pourrait appeler une réputation de prospectus. […] Il met en pratique la devise affirmant que l’union fait la force.

2737. (1925) Proses datées

Il se dégage, en effet, de Balzac comme une sorte de force attractive qui risque d’influencer le jugement que l’on portera sur lui. […] Il y a dans ce besoin espèce de grâce d’état qui profite aux narrateurs et leur donne le pouvoir de s’exprimer presque toujours, avec force et pittoresque. […] Viaud étendu sur le rivage de la mer à bout de forces et à demi mort. […] Je revivais avec force le court séjour que je venais de faire à Brousse. […] Il est vrai que vous teniez avec vous force vivres et du vin de Canaries.

2738. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

C’est qu’en effet il n’y avait guère déplace, dans l’affaire de Ronce vaux, pour la trahison d’un Français38 ; mais l’imagination populaire veut à toute force, on le sait, expliquer la défaite par la trahison. […] Le drame musical devenait ainsi une sorte de religion : aux plus sublimes révélations des mystères purificateurs il pouvait opposer les orgies les plus déchaînées des bacchanales ; il célébrait sous mille formes diverses la lutte de l’homme et contre les forces aveugles de la nature et contre son propre cœur. […] On peut voir là un vague souvenir de ce qui semble s’être réellement passé : attaque de l’arrière-garde par une première force (les Basques), puis par une seconde (les Musulmans). […] (v. 57 à 58) « Elle jaillissait d’un tel mouvement qu’elle semblait bouillir avec force. » 222. […] « Ma force ne peut ici me protéger. » 267.

2739. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Il étudiait sans trêve, à perte d’haleine, jusqu’à extinction de force vitale et jusqu’à évanouissement. […] Et voilà ce qu’on a fait pourtant au profit du trop célèbre pamphlet, lorsqu’on a complaisamment répété la phrase du président Hénault : « Peut-être la Satyre Ménippée ne fut guère moins utile à Henri IV que la bataille d’Ivry ; le ridicule a plus de force qu’on ne croit. » Je résume les objections que M. 

2740. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

toi, ma force ! […] XXII Quant à nous, nous ne nous étonnons pas de cette puissance de répercussion du son de l’âme humaine à travers toutes les âmes et tous les âges ; il y a dans le cœur du héros, du poète ou du saint, des élans de force qui brisent le sépulcre, le firmament, le temps, et qui vont, comme les cercles excentriques du caillou jeté dans la mer, mourir seulement sur les dernières plages du lit de l’Océan.

2741. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Cependant, ajoute Manso, il ne parlait pas en public, devant les princes ou devant les académies avec autant de force, d’assurance et de grâce dans l’accent, qu’il y avait de perfection dans le style et dans les pensées, peut-être parce que son esprit, trop recueilli dans ses pensées, portait toutes ses forces au cerveau, et n’en laissait pas assez pour animer le reste de son corps ; néanmoins, dans toutes ses actions, quelque chose qu’il eût à dire ou à faire, il découvrait à l’observateur le moins attentif une grâce virile et une mâle beauté, principalement dans sa contenance, qui resplendissait d’une si naturelle majesté qu’elle imposait, même à ceux qui ne savaient pas son nom et son génie, l’admiration, l’étonnement et le respect. » Manso dit que Torquato avait la vue courte et faible par la continuelle lecture à laquelle il se livrait sans repos, et même par celle de sa propre écriture prodigieusement fine et souvent illisible.

2742. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Le sol sur lequel, nous, hommes, nous voyageons dans la joie et dans la peine, est ce qu’il y a de plus variable ; c’est la destruction et la reproduction qui se succèdent avec une incessante activité ; il est régi par une force qui organise et moule la matière informe, qui enchaîne la planète à son soleil, qui donne à la masse froide et inerte le souffle vivifiant de la chaleur, qui renverse violemment ce qui a l’apparence de la perfection et que l’homme, dans l’étroitesse de sa portée, est obligé d’appeler grand ; enfin qui substitue incessamment les nouvelles formes aux anciennes. Quelle est donc cette force ?

2743. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure. […] reprenons force et marchons toujours.

2744. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Je m’élançai, les bras aussi tendus vers les siens, avec tant de force, que mon front meurtri semblait vouloir enfoncer les barreaux noués par des nœuds de fer, comme mes agneaux quand ils se battent, pour sortir de l’étable, contre la cloison d’osier qui les enferme. […] Alors je lui racontai précipitamment comment j’avais pris les habits et la zampogne de mon oncle dans le coffre, afin de ne pas être exposée, comme une pauvre fille, aux poursuites, aux insolences et aux libertinages des hommes dans les rues ; comment mon oncle et ma tante avaient voulu s’opposer par force à mon passage, comment le père Hilario leur avait dit, au nom du bon Dieu : Laissez-la faire son idée ; comment il avait promis d’avoir soin d’eux, à défaut de leurs deux enfants, dans la cabane ; comment une noce, qui avait besoin d’un musicien, m’avait ramassée sur le pont du Cerchio ; comment cette noce s’était trouvée être la noce de la fille du bargello ; comment leur gendre, en s’en allant de la maison avec sa sposa, avait laissé vacante la place de serviteur et de porte-clefs de la prison ; comment la femme et le mari, trompés par mes vêtements et contents de ma figure, m’avaient offert de les servir à la place du partant ; comment j’avais pressenti que la prison était la vraie place où j’avais le plus de chance de trouver et de servir mon frère prisonnier ; comment j’avais joué de ma zampogne, dans ma chambre haute au sommet de la tour, pendant la nuit, afin de lui faire connaître, par notre air de la grotte, que je n’étais pas loin et qu’il n’était pas abandonné de tout le monde, au fond de son cachot, où il avait été jeté par les sbires ; comment le bargello m’avait appris mon service le matin et comment j’avais compris que le meurtrier c’était lui ; comment j’étais parvenue, petit à petit, à l’empêcher de pousser aucun cri en me revoyant ; comment je le verrais à présent à mon aise, et sans qu’on se doutât de rien, tous les jours !

2745. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Jeudi 18 juillet En réfléchissant combien mon frère et moi, nous sommes nés différents des autres, combien notre manière de voir, de sentir, de juger était particulière, — et cela tout naturellement et sans affectation et sans pose — combien en un mot notre nous n’était pas une originalité acquise à la force du poignet, je ne puis m’empêcher de croire que l’œuvre que nous avons produit, ne soit pas un œuvre très différent de celui des autres. […] Il raconte longuement, voluptueusement, l’anecdote d’un punais, du nez duquel tombe une viscosité, une sépia, qui force le docteur Trousseau à quitter son cabinet, et à n’y rentrer que le lendemain.

2746. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Il avait repris de force à l’Asie les deux mille cinq cents dieux égyptiens emportés jadis par Cambyse, parce qu’ils étaient en or et en argent. […] Cette civilisation par la poésie et l’art avait une telle force qu’elle domptait parfois jusqu’à la guerre.

2747. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

A toute force enfin elle se résolut D’imiter la nature et d’être mère encore. […] Le romantisme a fait la guerre précisément à ces hommes de 1660 dont je vous parlais tout à l’heure, une guerre acharnée et très souvent ridicule à force d’être outrancière.

2748. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

De là deux choses ordinaires : La renommée croit dans sa marche ; elle perd sa force pour ce qu’on voit de près (fama crescit eundo ; minuit præsentia famam). […] Qu’on nous accorde la proposition suivante (la chose ne répugne point en elle-même, et plus tard elle se trouve vérifiée par les faits) : du premier état sans loi et sans religion sortirent d’abord un petit nombre d’hommes supérieurs par la force, lesquels fondèrent les familles, et à l’aide de ces mêmes familles commencèrent à cultiver les champs ; la foule des autres hommes en sortit longtemps après en se réfugiant sur les terres cultivées par les premiers pères de famille.

2749. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Elle eut dans une nièce (son égale pour le moins par l’esprit, et sa supérieure par le caractère), dans la mère Angélique de Saint-Jean, un lieutenant énergique qui lui prêta de la force dans les sièges et les blocus qu’on eut à soutenir durant plusieurs années.

2750. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

Guizot : « Il a la force, mais M. de Serre avait la grandeur ; son éloquence à lui se passait dans une région supérieure, — que vous dirai-je ?

2751. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

M. de Tocqueville parlait bien et très bien, quoi qu’il en dise ; il lui manquait, pour être décidément un orateur, la force des organes, les moyens d’action, et aussi, selon sa juste expression, il écoutait ses idées, plus qu’il ne les versait ; il avait un geste familier par lequel il s’adressait à lui-même et à son propre front plutôt encore qu’à ses auditeurs : il regardait son idée.

2752. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Cousin, en disparaissant subitement, ne laisse pas un vide ordinaire : ce n’est pas seulement un individu éminent qui nous quitte, c’est une force, une puissance, une grande influence intellectuelle qui s’évanouit.

2753. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Pourtant un inconvénient est à craindre dans ces productions lyriques trop fréquentes, surtout quand on tient à les rattacher, ainsi que fait l’auteur, à des cadres distincts et composés : c’est qu’au lieu de réfléchir fidèlement dans les vers les nuances vraies qui se succèdent dans l’âme, on ne crée, on ne force un peu, on n’achève exprès des nuances qui ne sont qu’ébauchées encore ; c’est que, pour compléter sa corbeille de fruits, on n’en ajoute, aux naturels et aux plus beaux, d’autres plus énormes d’apparence, mais artificiels et nés à la hâte dans la serre échauffée de l’imagination.

2754. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Avant de laisser le brillant et nouveau témoignage de force et de talent donné par M. de Musset, aux limites et presque en dehors de la critique littéraire sur laquelle nous avons trop insisté peut-être, que l’auteur, que l’ami nous permette un vœu encore.

2755. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Une fois en relation suivie avec M. de la Trappe, il ne lâcha plus prise, et force fut bien au solitaire de continuer une correspondance où la curiosité faisait violence à la charité.

2756. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Ce Vénitien, issu de sang espagnol, qui compte dans sa généalogie force bâtards, religieuses enlevées, poètes latins satiriques, compagnons de Christophe Colomb, secrétaires de cardinaux, et une mère comédienne ; ce jeune abbé, qui débute fraîchement comme Faublas et Chérubin, mais qui bientôt sent l’humeur croisée de Lazarille et de Pantalon bouillonner dans sa veine, qui tente tous les métiers et parle toutes les langues comme Panurge ; dont la vie ressemble à une comédie mi-partie burlesque et mi-partie amoureuse, à un carnaval de son pays qu’interrompt une atroce captivité ; qui va un jour visiter M. de Bonneval à Constantinople, et vient à Paris connaître en passant Voisenon, Fontenelle, Carlin, et être l’écolier du vieux Crébillon ; ce coureur, échappé des Plombs, mort bibliothécaire en un vieux château de Bohême, y a écrit, vers 1797, à l’âge de soixante et douze ans, ses Mémoires en français, et dans le meilleur et le plus facile, dans un français qu’on dirait naturellement contemporain de celui de Bussy.

2757. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Cette poésie-là, avec plus de force de pensée, plus de génie et d’art dans l’expression, n’est encore que la poésie des Delille et des Esménard : elle est essentiellement didactique, analytique, intellectuelle ; elle ne dépasse pas le ton oratoire.

2758. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Du moins, des deux puissances capables de tyrannie, l’État et l’Église, l’une, chez nous, n’a plus la volonté, et l’autre n’a plus la force d’exercer la censure des idées littéraires.

2759. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Hippolyte Babou Les Odes funambulesques, c’est vous trait pour trait, c’est vous tout entier, avec votre fougue savante et votre lyrisme excessif, avec vos gammes tournoyantes d’allégresse, avec cette double force native qui ne s’est révélée qu’à demi, je le crois, dans les Cariatides et dans les Odelettes… J’ai entendu dire un jour à quelqu’un, qui songeait sans doute au vers de Boileau : La rime est une esclave, et ne doit qu’obéir, que vous étiez le commandeur de la rime.

2760. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Après quoi ils s’en vont avec force politesses.

2761. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

C’est la force morale de l’homme exagérée, dévoyée, mais originale et hardie dans ses excès.

2762. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

C’est une chose bien étrange, que les Dépositaires du pouvoir n’aient pas été touchés d’un si beau zele, & n’aient pas daigné se rendre à la force de ses raisons !

2763. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Tel qui parle contre le raffinement est lui-même légèrement raffiné, ou, s’il revient au simple, il n’y revient qu’à force d’esprit, de dextérité et d’intelligence.

2764. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

De ce que nous avons fait bien des fautes en politique, ce n’est pas une raison non plus d’y ajouter ; un gouvernement qui, de gaieté de cœur, se dessaisirait de ce qu’il peut conserver de force et d’initiative avec l’assentiment public, raisonnerait moins bien que Mme de Montespan.

2765. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Il est trop aisé et trop simple de n’obéir qu’à un seul souffle direct, impétueux ; le beau de la force humaine est de se contenir, de se diriger entre des impulsions diverses et d’assembler sous une même loi les contraires.

2766. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

La main gauche du progrès se nomme la Force, la main droite se nomme l’Esprit.

2767. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Le panthéisme est la philosophie de cette période, qui ne peut s’exprimer par un nom particulier : nouveau symptôme de la prépondérance des masses confuses sur les forces individuelles.

2768. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

L’éducation de nos ancêtres ne précédait guère l’âge de quinze ans ; avant que de s’occuper de la culture de l’esprit ils songeaient à la force du corps.

2769. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Les organes du cerveau ou les parties du corps humain qui décident, en parlant physiquement, de l’esprit et des inclinations des hommes, sont sans comparaison plus composées et plus délicates que les os et les autres parties qui décident de leur stature et de leur force.

2770. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

On appuïera ce raisonnement d’une dissertation méthodique sur la force des préjugez dont les hommes sont imbus durant l’enfance.

2771. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

Si tous les cœurs vibrent à l’unisson, ce n’est pas par suite d’une concordance spontanée et préétablie ; c’est qu’une même force les meut dans le même sens.

2772. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Et quand, à force d’impartialité, de science et de goût, elle a exprimé son opinion dans un bon langage, elle n’a encore fait qu’une œuvre secondaire, inférieure à la moindre des œuvres originales.

2773. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

On se dit qu’on en aura toujours bien pour huit jours du Lamartine, de ce poète oublié et dépassé par MM. les Parnassiens, qui se donnent des airs presque méprisants avec lui ; — de ce spiritualiste qui ne peut plus convenir à d’augustes descendants de singes, qui se vantent, comme des Tufières, de leur race ; — de ce sentimental enfin qui eut la faiblesse d’avoir une âme, quand la poésie actuelle, cette rimeuse à vide, a pour force de n’en mettre nulle part.

2774. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Gaston Boissier lui-même, cet arrangeur habile, ce décorateur, ce prestidigitateur historique, qui veut escamoter, en le réduisant à n’être qu’une muscade, un boulet de la force du Christianisme, qui a brisé et fait sauter en morceaux le terrible monde ancien avec ses résistances, M. 

2775. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Mais M. l’abbé Mitraud aurait tout aussi bien pu s’attendre lui-même : car « c’est souvent une force que de savoir s’attendre », — a dit Mme de Staël.

2776. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

C’était un esprit et une âme d’un charme robuste, dans un corps qui, bien loin d’être rachitique et malingre, avait le défaut opposé, — l’embonpoint un peu trop développé des Bourbons de ces derniers âges… Dans un portrait où elle s’est sabrée plus qu’elle ne s’y est peinte, elle s’est comparée « à une boule », avec l’insouciance de la force qui fait bon marché de la beauté, et ce feu de gaieté gauloise — car c’est une gauloise, Madame Louise ! 

2777. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Les autres articulations, sous l’impression de la même force expulsive, procurent aux sons des explosions proportionnées aux obstacles qui embarrassent l’émission de la voix : l’articulation gutturale leur donne une explosion proportionnée à l’augmentation même de la force expulsive. […] L’articulation gutturale se conforme ici aux autres, parce que l’augmentation de la force expulsive doit précéder l’explosion du son, comme la cause précede l’effet. […] ) qui prête ici son organe à ceux qui ne veulent pas même reconnoître h pour une lettre ; mais leurs raisons demeurent toujours sans force sous la main même qui étoit la plus propre à leur en donner. […] Si elle est aspirée, elle donne au son de la voyelle suivante cette explosion marquée qui vient de l’augmentation de la force expulsive, & alors elle a les mêmes effets que les autres consonnes. […] Cette interception doit donc diminuer le travail de l’expiration, puisqu’elle en suspend le cours, & qu’elle doit même occasionner vers les poûmons un reflux d’air proportionné à la force qui en arrête l’émission.

2778. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

À peine est-il maître d’un sujet, que force lui est de passer à un autre. […] Avec cela et mes souvenirs, et des lambeaux recueillis çà et là, je vais comme je puis, selon mes forces, moins mal que je ne devais le craindre. […] « … Mon fardeau m’a poursuivi jusqu’ici, et aucun chapelier ne consent à la coiffer (ma tête) ni d’un chapeau ni d’un bonnet grec ; il paraît que dans le pays de Phidias on me trouve aussi plus gros que nature ; mais vous devez me pardonner ma laide grosse tête, car j’ai un bon gros cœur pour vous aimer… » (Lettre d’Athènes, 23 mai 1848, à Mme Viollet-Le-Duc.) — En insistant sur l’idée de force et de solidité, qui était le caractère le plus saillant, il ne serait que juste toutefois, pour compléter la physionomie, de marquer aussi ce qu’il y avait d’intelligence sur ce front et parfois de finesse dans ce regard.

2779. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Nisard, qui dès auparavant avait eu les mêmes occasions, a résumé pour tous et a caractérisé avec netteté et force dans son Histoire de la Littérature française cette enfance et cette croissance du grand siècle et, là comme ailleurs, il a fait ce à quoi il excelle, qui est de donner à l’appui de la tradition les preuves morales qui la justifient et qui l’expliquent, de trouver des raisons ingénieuses et neuves à des conclusions généralement reçues. […] …………………………………………………… Certes, quiconque a vu pleuvoir dessus nos têtes Les funestes éclats des plus grandes tempêtes Qu’excitèrent jamais deux contraires partis, Et n’en voit aujourd’hui nulle marque paraître, En ce miracle seul il peut assez connaître Quelle force a la main qui nous a garantis. […] Mesurez à l’étendue de ses desseins l’étendue de son courage ; quant à moi, plus je considère des actions si miraculeuses, moins je sais quelle opinion je dois avoir de leur auteur : d’un côté, je vois que son corps a la faiblesse de ceux qui άρώρας xαρπόν έδουσιν144 ; mais, de l’autre, je trouve en son esprit une force qui ne peut être que τϖν όλύμπια δώματ’145.

2780. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Quand ce but concentre tellement toutes nos forces intellectuelles et morales, qu’en dehors de lui nous n’avons ni sentiment, ni activité pour rien, alors le sérieux nous domine et nous possède exclusivement, et quand ce but est un objet infini, l’accomplissement d’un devoir sublime ou la satisfaction d’une passion profonde, alors l’état de notre âme est tragique. […] « On a quelquefois demandé, dit Horace, si la comédie était ou n’était pas un poème, parce que respiration et la force ne s’y rencontrent, ni dans les mots, ni dans les choses, et qu’à la mesure près c’est une pure conversation toute semblable aux entretiens ordinaires… Ce n’est pas assez de composer des vers en termes élégants, mais ordinaires ; si, ces vers une fois rompus, tout père peut gronder du même ton qu’un père de comédie37. » La vérité est que toutes les œuvres de la comédie nouvelle sont poétiques et prosaïques à la fois : poétiques par la forme, prosaïques par le fond38. […] Ce trait, du genre d’Aristophane, bien rendu par l’acteur, est d’un grand effet, et nous pouvons juger par là de la force comique du poète grec89.

2781. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Il est curieux de le voir, le compas à la main, bridé par Bossu, empêtré de raisonnements infinis et de phrases académiques, atteindre tout à coup, par la force de l’émotion naturelle, les hautes régions inexplorées où Milton est soulevé par l’inspiration de la foi et du génie. […] Renowned in verse each shady thicket grows And every stream in heavenly numbers flows… Where the smooth chisel all its force has shown, And softened into flesh the rugged stone, Here pleasing airs my ravisht soul confound With circling notes and labyrinths of sound. […] — The genius being moved with compassion towards me, bid me quit so uncomfortable a prospect : look no more, said he, on man in the first stage of his existence, in his setting out for eternity ; but cast thine eye on that thick mist into which the tide bears the several generations of mortals that fall into it. — I directed my sight as I was ordered, and (whether or no the good genius strengthened it with any supernatural force, or dissipated part of the mist that was before too thick for the eye to penetrate) I saw the valley opening at the further end, and spreading forth into an immense ocean that had a huge rock of adamant running through the midst of it, and dividing it into two equal parts.

2782. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Bates, qui a étudié avec tant de soins la faune entomologique de la région Guyano-Amazonienne, s’est élevé récemment avec force contre toute supposition d’un refroidissement récent du climat de ces contrées ; car il établit qu’elle abonde en formes toutes spéciales de Lépidoptères autochtones, fait qui paraît contraire à la supposition que les régions voisines de l’équateur aient souffert récemment beaucoup d’extinctions d’espèces. […] On peut dire que les eaux de la vie ont coulé pendant une courte période à la fois du nord et du sud vers l’équateur où elles se sont croisées ; mais elles ont coulé avec plus de force du nord, de manière à inonder le sud. Comme le flux dépose en lignes horizontales les débris qu’il apporte sur les grèves, tout en s’élevant toujours de plus en plus haut sur les côtes où la marée a sa plus grande force ; de même les flots de l’existence ont laissé leurs débris vivants sur les sommets de nos montagnes, suivant une ligne qui s’élève doucement depuis les basses terres arctiques jusque sous l’équateur où elle atteint sa plus grande hauteur.

2783. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

À mon point de vue, de pareils termes peuvent s’employer littéralement ; et si, par exemple, durant le cours prolongé des générations, les mâchoires d’un crabe ont été réellement formées d’une paire de vraies pattes, ou de quelque autre appendice plus simple, le fait étonnant que l’organe actuel présente de nombreuses ressemblances de structure avec l’organe dont il s’est formé, se trouve tout naturellement expliqué par la force du principe d’hérédité. […] Lorsqu’on y réfléchit, on se sent frappé d’étonnement ; car cette même raison, qui rend en nous un éclatant témoignage aux adaptations si parfaites de la plupart des organes à leurs fonctions, témoigne avec une égale force de l’inutilité et de l’imperfection des organes atrophiés ou rudimentaires. […] D’après ce même principe, si l’on se souvient que, lorsque des organes s’atrophient, soit par défaut d’exercice, soit par sélection naturelle, ce ne peut être en général qu’à une période de la vie où l’être organisé doit pourvoir à ses besoins ; et si l’on songe d’autre part quelle est la force du principe d’hérédité, l’existence d’organes rudimentaires, de même que leur avortement complet, résultant de leur lente résorption, ne nous offre plus aucune difficulté particulière, et leur présence aurait même pu être prévue.

2784. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais je ne le souhaite nullement, l’argument décisif par excellence est, à mes yeux, la production d’une œuvre qui force l’admiration de ceux qui ont donné des gages suffisants de compétence pour les apprécier. […] Contemporain, resté jeune — et plus jeune que jamais — de la grande pléiade néo-romantique, ou parnassienne, révolutionnaire toujours mais avec grâce et force, sincérité et utilité, le poète perversement swedenborgien, l’auteur de Philoméla, d’Hespérus, des Contes épiques, de la Grive des vignes, des Lieds de France, Catulle Mendès s’intéressa vivement à cette enquête dont l’espoir est de fixer l’évolution poétique actuelle. […] Je ne suis pas, en principe, l’ennemi déclaré de ce que vous appelez le « vers libre », le « vers décadent » ; si l’on est doué d’une extrême finesse d’oreille, d’une très grande délicatesse de touche, on en peut, à l’occasion, tirer d’excellents effets ; mais force m’est bien de reconnaître que, les trois quarts du temps, ce vers, ou soi-disant vers, n’est que de la prose rimée ou assonancée. […] Secouons au besoin quelques-unes de ces règles de l’ancienne poétique, qui, quoi qu’on en dise, ont toujours eu quelque chose d’arbitraire, tout en nous gardant bien de lui enlever ce qui fait sa force et sa vie, en veillant pieusement sur l’essentiel, et le problème, ce me semble, sera résolu.

2785. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Parce qu’elle a cru trouver dans la Profession de foi du vicaire savoyard un fondement inébranlable à ses espérances de progrès, c’est pour cela qu’au lendemain de la Terreur, Mme de Staël a écrit tout un livre, pour y prouver « que la raison et la philosophie acquéraient toujours de nouvelles forces à travers les malheurs sans nombre de l’espèce humaine ». […] Si les mots sont plus ambitieux, — depuis que le romantisme en a élevé le diapason, — nous n’avons pourtant pas de peine à reconnaître ici des idées qui furent chères jadis aux plus illustres de nos classiques ; et en effet, pour la simplicité du plan comme pour la force de l’expression, il n’y a pas de roman plus « classique » que Madame Bovary. […] Le Vieux Drapeau, Le Cinq mai, Les Souvenirs du peuple]. — Mais, d’une manière générale, il a manqué de force [Cf.  […] Ischia] à plus de force [Cf.  […] Les Harmonies ; — et qu’ayant paru avant Jocelyn ; — si cependant c’est après Jocelyn qu’on en parle ; — la raison en est « qu’étant écrites comme elles ont été senties, sans liaison et sans suite » ; — elles sont la substance même de la poésie de Lamartine ; — quand, au lieu de se contenir et de se surveiller, elle s’épanche. — Elle trahit en effet ainsi sa véritable nature ; — qui est précisément de ne pas savoir se borner ; — et de tendre non seulement à la philosophie ; — mais à la philosophie panthéiste ; — et à force d’abondance, au vague et à l’indétermination. — Que cette observation n’a pas d’ailleurs pour objet de « déprécier » les Harmonies ; — si Lamartine, à cette inspiration générale, a mêlé quelques-unes de ses inspirations les plus précises [Cf. 

2786. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

On n’y entend que le bruit des feuilles qui tombent ; rien n’y distrait l’oreille, les yeux, l’esprit ; cela force à penser. […] J’étais revenu, soulagé et non surpris, me reposer quelques jours du fardeau d’une année et réparer mes forces dans ma solitude ; j’allai voir mon voisin, le solitaire d’Audour.

2787. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

L’Angleterre, par droit de parenté, exerçait de tout temps une sorte de médiation consacrée par l’habitude et par la force sur l’Écosse. […] Darnley, dévoré à la fois de honte et de jalousie, supportait tout comme un enfant qui rêve la vengeance, mais qui n’a pas la force de l’accomplir.

2788. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Il veut à toute force m’enlever le peu de mérite que les Trois Siecles supposent, & ne me laisser que les haines qu’ils m’ont attirées. […] Si l'unité d’esprit, de systêmes, & de style, force les moins habiles à n’y reconnoître qu’une seule main, on se retourne d’un autre côté ; on attribue l’Ouvrage à un Habitué de Paroisse, qui, malheureusement pour ceux qui veulent lui faire honneur de mon travail, est mort il y a près de trois ans ; car pour rendre la chose vraisemblable, on n’auroit pas manqué de lui attribuer, aussi les augmentations faites depuis, & qui n’annoncent pas une plume différente.

2789. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

En effet, à force d’aller et de revenir, M. de Trélan finit par perdre quelque peu de son héroïsme. […] Sa main paterne n’est pas de force à ajuster le pistolet tragique d’une exécution.

2790. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Ils ne peuvent pas arriver à voir que la responsabilité est un vain mot quand il s’agit de l’homme et que des forces supérieures, que les investigations scientifiques ne sont pas parvenues à saisir, agissent beaucoup plus sur l’espèce que toute prétendue volonté particulière. […] Je dirai même qu’il est plus facile de suivre le processus de ce mouvement que celui de la crise matérielle, Son organisme est plus simple que l’organisme des forces matérielles.

2791. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Depuis qu’il est empereur, il dispose de tant de forces que ce n’est plus la même difficulté.

2792. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

L’abbé Le Dieu, malgré les longues années qu’il resta auprès de Bossuet, n’entra donc jamais dans son intime confiance et ne reçut jamais de lui aucune confidence proprement dite ; il ne sut les choses importantes qu’au fur et à mesure, à force d’attention et après coup.

2793. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Un jour que Catherine était dans sa chambre à coucher, attenante à celle où se faisait ce vacarme, et qu’elle lisait peut-être du Bayle ou du Platon, elle entendit de tels cris qu’elle ouvrit la porte : « Je vis qu’il tenait un de ses chiens en l’air par le collier, et qu’un garçon, Kalmouck de naissance, qu’il avait, tenait le même chien par la queue (c’était un pauvre petit Charlot de la race anglaise), et avec le gros manche d’un fouet, le grand-duc battait ce chien de toute sa force.

2794. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Il n’hésite pas, il ne daigne pas discuter, il n’en fait ni une ni deux, il tranche ; et je suis sûr que s’il avait entendu élever un doute à ce sujet, il aurait été homme à répondre avec l’éclair dans les yeux que, vraie ou fausse en réalité, la tradition n’en était pas moins vraie, et dans un sens supérieur au réel : il y a de ces tours de force de l’éloquence.

2795. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Ces désabusements, avouons-le, lui sont venus surtout de l’excès des impatiences et des appels menaçants à la force ; dans la pièce de La Fayette, son vœu et sa prière s’adressent à cette trop vive jeunesse que, dans son inquiétude de mère, elle prend à tâche de modérer.

2796. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Tous les poëtes et rimeurs critiqués, confessant naïvement leurs griefs, ont été les premiers, dans la bagarre présente, à se soulever, à prêter leurs noms, à venir se faire inscrire à la file comme témoins à charge, même les malades, dit-on, même les infirmes (ceci est affligeant à toucher, mais on nous y force), et l’on nous assure que, pour jeter sa pierre, le plus clément, le plus chevaleresque, le plus contrit de tous lui-même a marché83.

2797. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « HOMÈRE. (L’Iliade, traduite par M. Eugène Bareste, et illustrée par M.e Lemud.) —  second article  » pp. 342-358

Ces deux Ajax, l’un en légèreté, l’autre en force, ce n’est donc encore que la monnaie d’Achille.

2798. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « L’abbé Prevost et les bénédictins. »

Il rappelle aux supérieurs de la Congrégation leur faiblesse dans l’affaire de la Constitution Unigenitus : « Vous avez reçu si respectueusement la Constitution, que je ne saurois douter que vous ne receviez de même un bref qui vient de la même source. » Il ne craint pas de montrer le bout de l’escopette, de laisser entrevoir au besoin, si on l’y force, toute une série de Provinciales nouvelles, déjà en embuscade, et prêtes à faire feu sur les rangs de la Congrégation : « Il est injuste, dit-il, que les Jésuites en fournissent toujours la matière. » Prevost a du faible pour les Jésuites, quoiqu’il les ait deux fois quittés.

2799. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

L’ardeur et la profondeur des sentiments, l’amour qui dessèche et qui, « sans la crainte de l’enfer, pousserait le malheureux rebuté à se donner la mort9, ) » les larmes sincères, l’invective, le vigoureux style oratoire digne de Machiavel, toute cette invention italienne nous choque et le choque par son trop de force.

2800. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

Jamais on n’a fait un usage plus fécond de la déduction : et c’est par le juste sentiment de ce qui était évident ou démontré, par la rigoureuse exclusion de toute proposition incertaine ou obscure, c’est en connaissant avec précision l’étendue et la force des principes dont il partait, que de vérités banales souvent il a su développer d’étonnantes conséquences.

2801. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Mais souvent aussi une allégorie qui pouvait être simplement belle tourne au jeu d’esprit, à la bluette difficile à force d’être soutenue et poursuivie avec exactitude et dans les moindres détails (et c’est là, on le sait, une des caractéristiques du « précieux »).

2802. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Mais si je suis obligé d’admirer la force et la gravité de leur pensée, quel désordre !

2803. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Elles sont construites selon un plan déterminé dont l’auteur ne s’écarte pas ; la rime, si difficile qu’elle peut se présenter, ne l’entraîne jamais hors de la voie qu’il s’est tracée, car il la force à obéir et elle obéit, venant, à point nommé, compléter sa pensée, selon la forme voulue et le rythme choisi… Dans ses poésies, aussi bien dans celles de la jeunesse que dans celles de l’âge mur, Gautier a une qualité rare, si rare, que je ne la rencontre, à l’état permanent, que chez lui : je veux parler de la correction grammaticale… De tous ceux qui sont entrés dans la famille dont Goethe, Schiller, Chateaubriand, Byron ont été les ancêtres, dont Victor Hugo a été le père, ceux-là seuls ont été supérieurs qui ont fait bande à part… J’ai déjà cité Théophile Gautier et Alfred de Musset, qui eurent à peine le temps d’être des disciples qu’ils étaient déjà des maîtres.

2804. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Brunetière se met à écrire avant que de sentir, et malgré la force de son intelligence, il est un critique pour l’histoire seulement, pour Bossuet, pour Massillon, non pour la littérature qui se vit, qui se fait, qui se sent dans son siècle.

2805. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il prêchait avec beaucoup de force contre les mêmes adversaires que Jésus, contre les prêtres riches, les pharisiens, les docteurs, le judaïsme officiel en un mot, et que, comme Jésus, il était surtout accueilli par les classes méprisées 305.

2806. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Il ne donna aucune suite à cette idée ; il vit bien que de timides provinciaux ne tiendraient pas devant la force armée des grands pouvoirs de Jérusalem.

2807. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Elle vérifiait de sa personne le mot de Ninon : « La joie de l’esprit en marque la force. » Elle était de cette race d’esprits dont étaient Molière, Ninon elle-même, Mme Cornuel un peu, La Fontaine ; d’une génération légèrement antérieure à Racine et à Boileau, et plus vivace, plus vigoureusement nourrie.

2808. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Il y aura de plus en plus de quoi souffrir pour ces esprits-là, surtout s’ils venaient à être dépaysés et déportés dans un état de soi-disant civilisation où le cri l’emporte sur le sourire, où il faille, appuyer de toute sa force sur chaque chose, et où la plaisanterie ait souvent besoin d’un porte-voix.

2809. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

On y suit à chaque pas la désorganisation, la destruction de cette force immense, destruction qui semble toujours être arrivée à son extrême limite, et qui a toujours un degré de plus à franchir.

2810. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

pourquoi lui faire franchir de force une limite qui est tout en pareil cas et qu’il n’a pas franchie ?

2811. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il y a toute la pompe de l’un & toute l’élégance de l’autre, les agrémens de la sable & la force de la vérité, des descriptions nobles & sublimes, & des peintures riantes & naturelles.

2812. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Il a un milieu à tenir, pour contenter à la fois les spectateurs ou les lecteurs qui n’aiment point à voir heurter les idées reçues, & les poëtes eux-mêmes, auxquels il faut laisser ces grands traits, ces coups de force & de lumière, cette heureuse hardiesse, par laquelle seule il passe à la postérité.

2813. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

II Toutefois, si les divers procédés de la méthode comparative ne sont pas inapplicables à la sociologie, ils n’y ont pas tous une force également démonstrative.

2814. (1761) Apologie de l’étude

Semblable à un pendule qu’une force étrangère a tiré de son repos, il tend à y revenir sans cesse.

2815. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

C’est une loi, — et une loi absolue, — que le sexe de la femme soit autant dans sa tête qu’ailleurs, et que le génie, quand elle en a, soit en elle, comme tout le resté, et pour cette raison, ne puisse, en force première et naturelle, lutter contre le génie de l’homme, qui est et qui doit, en définitive, rester le maître de la Création.

2816. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

En groupant toutes ces têtes de femmes autour du beau visage du cardinal Jules, en l’entourant de cette guirlande de fleurs humaines, il nous a éclairé d’un reflet velouté qui nous les achève les traits charmants de ce ministre de la souplesse, de la grâce insinuante et de la flatterie, qui régna sur la France par une femme, et dont la politique fut la force dans la douceur.

2817. (1915) La philosophie française « I »

L’idée, simple et géniale, d’établir entre les sciences un ordre hiérarchique qui va des mathématiques à la sociologie 22, s’impose à notre esprit, depuis que Comte l’a formulée, avec la force d’une vérité définitive.

2818. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Le témoignage s’en trouve dans cette anecdote du médecin Érasistrate surprenant la passion secrète du fils de Séleucus pour sa belle-mère Stratonice, par l’observation même des signes qu’avait sentis et marqués sur elle-même Sapho saisie d’amour : « Les symptômes, dit Plutarque, étaient les mêmes, la perte de la voix, l’expression des regards, la sueur brûlante, l’ataxie de la fièvre et le trouble dans les veines, enfin l’abattement de l’âme, l’abandon, la stupeur et la pâleur. » Telle est en effet, dans son expressive vérité, l’analyse médicale de cette ode profane, de ce crime élégant de la pensée dont Catulle avait égalé la force, mais non la grâce, et que voici, dans la lettre morte de la prose : « Il est pour moi égal aux dieux l’homme qui s’assied en face de toi et t’écoute doucement parler et doucement sourire.

2819. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Cela me porta à tout hasarder pour me tirer de Mingrélie, tandis que j’avais encore assez de force pour le faire. […] Les Turcs s’y mêlent par le pacha d’Acalziké, qui intervient et change par ses forces les dynasties et les bornes de ces royaumes. […] Il répondit ensuite sur le principal que pour ce qui regardait la douane de Bander-Abassi, les choses étaient fort changées depuis la prise d’Ormus, et que si les Persans faisaient des infractions au traité, c’était sur le modèle de la Compagnie anglaise ; que cela paraissait, en ce que ce même traité portait qu’ils entretiendraient une escadre de navires dans le golfe de Perse, pour tenir la mer nette, et pour assurer le commerce, et que cependant il y avait plusieurs années qu’on n’y avait vu un seul vaisseau anglais pour ce dessein, que cela était cause que les Portugais, et les Arabes l’infestaient étrangement au dommage de la Perse, ceux-là entraînant les vaisseaux par force à d’autres ports que Bander-Abassi et leur faisant mille avanies.

2820. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Tout se trouvait jeté dans le baquet aux injures : son étude nouvelle de l’homme physiologique, le rôle tout-puissant rendu aux milieux, la vaste nature éternellement en création, la vie enfin, la vie totale, universelle, qui va d’un bout de l’animalité à l’autre, sans haut ni bas, sans beauté ni laideur ; et les audaces de langage, la conviction que tout doit se dire, qu’il y a des mots abominables nécessaires comme des fers rouges, qu’une langue sort enrichie de ces bains de force ; et surtout l’acte sexuel, l’origine et l’achèvement continu du monde, tiré de la honte où on le cache, remis dans sa gloire, sous le soleil. […] Je crus que j’allais défaillir, mais rassemblant mes forces dans un suprême effort, j’étreignis le cadavre du Prussien, je le plantai tout droit contre moi, et, collant mes lèvres sur ce visage sanglant, d’où pendaient de longues baves pourpres, éperdument, je l’embrassai22… » Je ne voudrais point ajouter à cette belle page ; je dirai seulement qu’elle n’est point unique dans l’œuvre de M.  […] Malot plus franche, plus ferme, moins mêlée que chez Balzac, pour le tour de l’intrigue, la bonne charpente du drame, la force et la variété des situations, j’y consens encore. […] Marius André : « Scientifiquement, voici l’évidence de la théorie symboliste :“Comme il faut plus d’énergie pour retrouver un objet sous un signe indirect que sous un signe direct, on fournit à l’entendement l’occasion d’employer plus de force disponible et par conséquent d’éprouver plus de plaisir.” […] « Néanmoins, l’éveil ne fut pas donné, et quand, avec l’aube indécise, la battue commença, nul, en la forêt de Bourgon, ne soupçonnait ce déploiement de forces.

2821. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Il se plaît à la force, à la vivacité brillante qui distingue ses jeunes ans ; il jouit aux qualités qu’amène son âge mûr, aux défauts qu’il corrige ou tempère ; il estime surtout les qualités que ne lui ôte pas la vieillesse, et souvent (qui n’en a pas été le témoin ?) […] N’êtes-vous pas sensible aux preuves de force et d’utilité qu’il vous donne, aux dommages successifs qui vous font prévoir sa fin prochaine, et ne vous serait-il point arrivé, au moment de vous en séparer, de le jeter sous l’ombrage caché de quelque fouillis, plutôt que de l’abandonner aux outrages de la grande route ?

2822. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

» La philosophie succède tout à coup, et par un retour bien motivé aussi, à l’imprécation ; l’ode, devenue pensive de passionnée qu’elle était, réfléchit gravement sur la criminelle audace des hommes qui luttent avec les forces de la nature supérieure à l’humanité. […] … Grâce à vous je naviguerai avec confiance sur les flots inconstants du Bosphore ; grâce à vous j’affronterai sans crainte les sables brûlants des plages de Syrie…… Quand César ramène dans nos villes ses légions fatiguées de vaincre, lui-même aspirant à clore ses exploits par la paix, c’est vous qui le délassez dans l’antre des Muses, c’est vous qui lui soufflez des conseils de douceur et qui vous honorez de les lui avoir soufflés… La force brutale s’écroule sous sa propre masse.

2823. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

* * * — Est-ce que chez les lettrés, la publication d’un livre apporterait la déperdition des forces physiques et morales, qui se produit chez les criminels, après la consommation d’un crime ? […] Mardi 14 février Une grippe effroyable me force à garder la maison, et rien du dehors qui me parle de mon livre.

2824. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — III. (Fin.) » pp. 246-261

Et à Duclos lui-même Voltaire, quelque temps après, écrivait : « Il est triste que les gens de lettres soient désunis ; c’est diviser des rayons de lumière pour qu’ils aient moins de force. » Mais Duclos n’était pas homme à obéir à un mot d’ordre : voilà son honneur et son coin de probité comme écrivain et homme public.

2825. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Cette noble idée de gloire se confondait chez Villehardouin, et chez les plus généreux des croisés, avec celle de gagner le bonheur dans l’autre vie par le juste et pieux emploi de leur force ici-bas.

2826. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Ce mouvement, qui se soutient pendant huit strophes, atteste la force et l’adresse d’un talent éprouvé.

2827. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Le disciple, d’ordinaire, charge, ou parodie le maître sans s’en douter : dans les écoles élégantes, il l’affaiblit ; dans les écoles pittoresques, et crues, il le force, il l’accuse à l’excès et l’exagère : c’est un miroir grossissant.

2828. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Jésus En la force de ma Jeunesse… Ici le fond l’emporte sur la forme ; mais la forme même semble expressément sortir de la vivacité poignante des sentiments qui sont aux prises.

2829. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

César, dont la parole est un décret, même en matière de goût, l’a appelé un demi-Ménandre, et, en le louant comme un amateur de la plus pure diction, il a fort regretté qu’il n’eût pas plus de force unie à la douceur, afin que son talent comique fût au niveau des premiers et brillât d’un égal éclat en regard des maîtres grecs : Lenibus atque utinam scriptis adjuncta foret vis, Comica ut œquato virtus polleret honore !

2830. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Pour ceux qui, distraits des pures Lettres ou occupés ailleurs (comme il est permis), auraient besoin qu’on les remît sur la voie, je rappellerai qu’Eugénie de Guérin, sœur de Maurice de Guérin, de l’admirable auteur du Centaure, était son égale en dons naturels, en génie, sa supérieure en vertu, en force d’âme, son aînée vigilante et tendre, et qu’elle fut pendant neuf années sa survivante douloureuse, son Antigone ou son Électre, toute consacrée à sa mémoire et comme desservante d’un tombeau.

2831. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

. — « Je n’ai jamais eu la force de faire pénitence, disait-il confidemment le dernier jour à une personne.

2832. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Il n’eut pas la force de résister à cette espèce de conjuration domestique.

2833. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Les dispositions étaient si mal prises ou plutôt si totalement absentes, qu’on ne s’aperçut que la gauche était tournée qu’au moment de l’attaque, et que toutes les forces de la droite et du centre furent inutiles de ce côté.

2834. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

Le défaut de force dans les membres, l’impossibilité de dire : « Je vivrai dans toutes les situations où un homme peut vivre ; » cet assujettissement joint à l’immense difficulté de soutenir une femme, des enfants, sans revenus fixes, sans autres moyens que des débris à recueillir à des époques inconnues, sans état (même très-longtemps sans papiers et sans droits de citoyen), sans dettes, sans aucune intrigue, surtout aussi avec le sort contre soi, avec ce qu’on appelle du malheur (excepté la faveur marquée du sort en 1798 et en quelques autres circonstances rares), tout cela a rendu ma vie morale laborieuse et triste.

2835. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

En pleine force du corps et de l’esprit, il lâcha tout, charge, femme et fils, pour venir à Paris, et vivre à la solde d’amateurs généreux.

2836. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

Ces influences, dont j’ai marqué précédemment le progrès jusqu’aux approches de la Révolution, se sont depuis trente ans précisées, étendues ; des œuvres considérables ont pénétré chez nous, apportant une force nouvelle aux instincts romantiques.

2837. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Il le fait tranquillement, n’esquivant rien, n’exagérant rien, avec un désintéressement, une impartialité, une indépendance de jugement telle, que cette sorte de sacrifice ou plutôt (car il n’avait point à la sacrifier) d’oubli provisoire de la piété filiale en face de la science qui prime tout, m’a rappelé, je ne sais comment, la hauteur d’âme des vieux Romains mettant tout naturellement l’intérêt de la patrie au-dessus des affections de famille… Puis, tout à coup, après ce long, tranquille et consciencieux exposé qui n’eût point été différent s’il se fût agi d’un étranger, la voix du professeur s’altère et laisse tomber ces mots : … Moi qui vous parle, moi qui seul sais le respect et la reconnaissance que je lui dois, j’ai dû m’abstenir de les exprimer comme je les sens, autant pour être fidèle à cette modération qu’il aimait à garder en toutes choses, autant pour ne rien rire ici qui ne dût être dit par tout autre à ma place, que pour ne pas m’exposer à être envahi par une émotion trop poignante qui ne m’aurait pas laissé la liberté et la force de rendre à cette mémoire si chère et encore si présente l’hommage public auquel elle a droit.

2838. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Il ne faut toutefois pas se représenter le lecteur lucide comme un athlète qui ahane à des tours de force d’intellect.

2839. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VII. L’antinomie pédagogique » pp. 135-157

À l’école, on s’élève contre la ruse, l’intrigue, la roublardise ; dans la vie, à peu près tout le monde use de ces moyens dans la mesure de ses forces et est plein d’estime pour ceux qui réussissent grâce à eux.

2840. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Mais la grande équivoque qui avait fait sa force, et qui après sa mort devait constituer sa royauté, le perdit cette fois.

2841. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Ce procès de tendance peut paraître indiscret et être souvent difficile à instruire : il n’est pas cependant au-dessus des forces d’un habile analyste.

2842. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il découvre que « beaucoup de forces qui nous dominaient et nous émerveillaient ne sont que des portions mal connues de notre propre puissance ».

2843. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Pascal était un grand esprit et un grand cœur, ce que ne sont pas toujours les grands esprits : et tout ce qu’il a fait dans l’ordre de l’esprit et dans l’ordre du cœur, porte un cachet d’invention et d’originalité qui atteste la force, la profondeur, une poursuite ardente et comme acharnée de la vérité.

2844. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Anselme avait, je l’ai dit, l’âme tendre, la conscience délicate ; ces reproches de son père et ceux qu’il se faisait à lui-même le portèrent à un grand parti : il résolut de quitter le pays ; accompagné d’un seul clerc pour serviteur, il traversa le Mont-Cenis ; épuisé de fatigue et défaillant, on raconte que, pour réparer un peu ses forces, il ne trouvait à manger que la neige du chemin : Un âne portait leur mince bagage ; le serviteur inquiet chercha s’il n’y trouverait pas quelque nourriture, et, contre son attente, il trouva du pain blanc qui leur rendit la vie.

2845. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

quelle force & quelle harmonie !

2846. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Si elle ne l’égale pas pour ces grandes et vastes compositions qui embrassent l’histoire tout entière, en revanche nous avons sur presque toutes les grandes écoles philosophiques des travaux étendus et approfondis où la force de la pensée s’unit souvent à la solidité de l’érudition et à la sagacité de la critique.

2847. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Ces derniers ne pouvoient dans les dialogues donner à la gesticulation qu’une partie de leur attention et de leurs forces, parce qu’alors ils parloient eux-mêmes, et qu’ils étoient obligez dans les monologues où ils ne parloient pas, à faire tomber en cadence leur jeu muet avec la récitation de celui qui prononçoit pour eux.

2848. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et quand il n’est pas de force à faire des trouvailles de noms, comme le Tartuffe, Gobseck, ou Monsieur Alphonse, qui ont fini par rester attachés à des classes d’individus tout entières, il fera mieux de renoncer à ce procédé.

2849. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Le nu tout seul, qui ne fut jamais dans les convenances de nos mœurs modernes, établit une grande différence pour la sphère d’inspiration ; et je remarquerai, à ce sujet, que les traditions classiques nous avaient égarés aussi dans la carrière des arts ; nous avions renié nos mœurs, et oublié notre climat, nous voulions à toute force nous transporter sur les bords de l’Ilissus et sous le ciel de la Grèce.

2850. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Le mépris des anciennes mœurs dans ce qu’elles avaient eu de simple et d’austère, la dérision de toute croyance à la loi morale, le recours suprême à la force, l’ambition impitoyable dans les chefs, toutes les convoitises serviles, le parjure, la perfidie, la bassesse dans les instruments, c’était le spectacle qu’avait eu devant les yeux le jeune Octave ; c’était l’école où il se forma pour l’empire.

2851. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

. — Quant aux sensations d’odeur et de température, en certains cas et jusqu’à un certain point, nous pouvons, d’après la force ou la faiblesse de la sensation, apprécier vaguement que sa source est proche ou lointaine ; parfois même nous devinons qu’elle est située à droite ou à gauche ; cependant, presque toujours, il nous faut alors un examen nouveau. […] Son efficacité me fait imaginer une entité métaphysique qui est la force. […] Pris dans ce sens, on peut dire qu’à notre fantôme correspond une substance indépendante de nous, permanente, douée d’une force efficace, capable de provoquer en tout être sentant tel groupe de sensations, plus généralement encore capable de provoquer et de subir un événement que nous avons reconnu comme l’équivalent de nos sensations les plus importantes, à savoir le mouvement ou changement de lieu.

2852. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Un moment de houle dans cette foule pressée, tassée, devant un bouquet monstre aux rubans tricolores, qu’une députation pénétrant de force dans la salle, veut porter à la mariée. […] Puis, après une longue sieste, et force bâillements et force étirements, reprise au réveil de sa folie de jouer : la voilà s’adressant à l’enfant de bronze, lui faisant toutes les agaceries possibles, et se remettant un moment le ventre au frais, et revenant encore une fois à l’Amour, et cette fois, dépitée, découragée, l’abandonnant pour tout de bon, en passant entre ses jambes, avec un gros dos courroucé.

2853. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Les historiens, les philosophes, les érudits, les linguistes, les spéciaux, tous tant qu’ils sont, encaissés dans leur rainure (en laquelle une fois entrés, notez-le bien, ils arrivent le plus souvent à l’autre bout par la force des choses, comme sur un chemin de fer les wagons), tous ces esprits justement établis sont d’abord assez de l’avis des parents, et professent eux-mêmes une sorte de dédain pour le littérateur, tel que je le laisse flotter, et pour ce peu de carrière régulièrement tracée, pour cette école buissonnière prolongée à travers toutes sortes de sujets et de livres ; jusqu’à ce qu’enfin ce littérateur errant, par la multitude de ces excursions, l’amas de ses notions accessoires, la flexibilité de sa plume, la richesse et la fertilité de ses miscellanées, se fasse un nom, une position, je ne dis pas plus utile, mais plus considérable que celle des trois quarts des spéciaux ; et alors il est une puissance à son tour, il a cours et crédit devant tous, il est reconnu. […] Dans le Nodier d’aujourd’hui, à travers la fatigue, il y a encore, par accès, du montagnard élancé à haute et large poitrine, de même que dans celui d’autrefois et jusqu’en sa pleine force, on dut entrevoir toujours quelque chose de ce qui a promptement fléchi.

2854. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Mais, si c’est là son vice comme moraliste, c’est là sa force comme écrivain. […] Rousseau est parvenu à se faire regarder ; c’est un sauvage sublime, un ilote de la pensée, que la société admet dans ses salons pour le voir avec curiosité et pour l’entendre avec complaisance blasphémer avec un éloquent délire contre la pensée même qui fait son existence, sa force et sa gloire.

2855. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Juge de la force corporelle en sa qualité de tonnelier, il devina le parti qu’on pouvait tirer d’une créature femelle taillée en Hercule, plantée sur ses pieds comme un chêne de soixante ans sur ses racines, forte des hanches, carrée du dos, ayant des mains de charretier et une probité vigoureuse comme l’était son intacte vertu. […] Ainsi, jusqu’alors, elle s’était élancée vers le bonheur en perdant ses forces, sans les échanger.

2856. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Il n’est aucun éleveur qui révoque en doute la force des tendances héréditaires. […] Lorsqu’une déviation de structure réapparaît souvent, et qu’on la voit à la fois chez le père et chez l’enfant, on ne peut savoir si elle n’est pas due à ce que les mêmes causes ont agi sur l’un comme sur l’autre ; mais lorsque parmi des individus apparemment exposés aux mêmes conditions, quelque déviation très rare, causée par un concours extraordinaire de circonstances, apparaît chez un seul individu, parmi des millions qui n’en sont point affectés, et qu’ensuite elle réapparaît chez l’enfant, le seul calcul des probabilités nous force presque à attribuer sa réapparition à l’hérédité.

2857. (1739) Vie de Molière

Sa passion pour la comédie, qui l’avait déterminé à faire ses études, se réveilla avec force. […] Il n’y a d’intrigue dans la pièce, que ce qu’il en faut pour faire sortir les caractères, mais peut-être pas assez pour attacher ; en récompense, tous ces caractères ont une force, une vérité et une finesse que jamais auteur comique n’a connues comme lui.

/ 3142