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1704. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

XXII On a besoin de renouveler, de rafraîchir perpétuellement son observation et sa vue des hommes, même de ceux qu’on connaît le mieux et qu’on a peints, sans quoi l’on court risque de les oublier en partie et de les imaginer en se ressouvenant. — Nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes. » Tout ce qu’on peut dire de juste, c’est : « Je suis en train de les connaître. » XXIII Assembler, soutenir et mettre en jeu à la fois dans un instant donné le plus de rapports, agir en masse et avec concert, c’est là le difficile et le grand art, qu’on soit général d’armée, orateur ou écrivain.

1705. (1874) Premiers lundis. Tome I « J. Fiévée : Causes et conséquences des événements du mois de Juillet 1830 »

Après le massacre des citoyens, pendant que nos pieds glissaient encore sur le sang répandu, nous aurions abandonné le soin des blessés, oublié les souscriptions pour les parents des morts ; les pouvoirs de la société auraient négligé de régler le présent qui seul nous appartient, pour discuter où on placerait le berceau d’un enfant, les thèmes qu’on lui ferait faire, et les petits honneurs à lui rendre.

1706. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

En parlant des romans du siècle passé, l’auteur oublie trop que, sur le pied dont il le prend, il n’aurait pas manqué alors, s’il avait vécu, de confondre ce qu’il veut bien séparer aujourd’hui.

1707. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

Mais vous ne l’avez pas dédaignée ; et, quoique j’eusse préféré l’oublier moi-même (tout cela, au fond, a si peu d’intérêt !)

1708. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

On oubliait les vers de l’aveugle d’Adria.

1709. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

Je n’oublierai pas cette sinistre journée d’hiver, sombre, pluvieuse et froide, où le vent hurlait de si lamentable façon.

1710. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

L’Auteur a trop oublié que, dans un Poëme comme dans un Tableau, tout doit se rapporter au personnage principal ; que les figures du second ordre ne doivent avoir d’action, d’attitude, & d’énergie, que pour faire ressortir la figure essentielle.

1711. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Tout sage qu’il était, il avait oublié, en entreprenant de jouer le rôle d’un débauché, qu’il lui serait impossible de fatiguer le dévouement de sa femme.

1712. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Oublié et abandonné de tous, excepté de ses créanciers, le pauvre gentilhomme devient alors ce qu’il peut, un peu aventurier, un peu spadassin, un peu bohémien.

1713. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

A la face d’un Dieu, dans ce temps de prière Où je devrois à lui me livrer toute entière, De si douces erreurs embrâsent tous mes sens ; Dieu même est oublié, l’homme a tout mon encens Loin que ma passion soit par moi détestée Vers de nouveaux desirs mon ame est emportée.

1714. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

On y trouve un écrivain dont les grands talens doivent faire oublier ses Lettres du chevalier d’Her… ses comédies peu théâtrales, son Apologie des tourbillons de Descartes & les Essais informes qu’il a faits dans les genres de Lucien & de Théocrite ; plus heureux dans ceux de Quinault & de Bacon, & surtout dans la géométrie ; faisant aimer les sciences les plus abstraites ; réunissant la subtilité du raisonnement à un stile qui lui est particulier & qui a fait beaucoup de mauvais imitateurs ; ayant plus d’esprit que de génie, & plus de délicatesse que d’invention ; placé sous deux règnes pour mériter l’estime de deux siècles, & par la variété de ses connoissances, & par la singularité de son ame toujours paisible, modérée, égale, inaccessible aux mouvemens inquiets ou violens, qui rendent les autres hommes malheureux ; fait, en un mot, pour les agrémens & les délices de la société, mais non pour être l’exemple des belles ames, des cœurs sensibles & reconnoissans.

1715. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Parmi ceux qui, dans leur jeunesse, avoient étudié le Latin, combien l’ont toujours mal sçu, ou l’ont négligé depuis, & même oublié ?

1716. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence en général. » pp. 177-192

Le peu de considération que montroient quelquefois pour lui certains de ses élèves* n’y étoit pas oublié.

1717. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

La Pièce étant achevée, Monsieur de Molière vint sur le Théâtre, et après avoir remercié Sa Majesté en des termes très modestes, de la bonté qu’elle avait eue d’excuser ses défauts et ceux de toutes sa Troupe, qui n’avait paru qu’en tremblant devant une Assemblée si Auguste ; il lui dit que l’envie qu’ils avaient eue d’avoir l’honneur de divertir le plus grand Roi du monde, leur avait fait oublier que Sa Majesté avait à son service d’excellents Originaux, dont ils n’étaient que de très faibles copies ; mais que puisqu’Elle avait bien voulu souffrir leurs manières de campagne, il la suppliait très humblement d’avoir agréable qu’il lui donnât un de ces petits divertissements qui lui avaient acquis quelque réputation, et dont il régalait les Provinces.

1718. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

N’oublions pas de remarquer un vers charmant : V. 41.

1719. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVII. Morale, Livres de Caractéres. » pp. 353-369

Puisque nous parlons de la Bruyere comme d’un disciple de Montaigne, il ne faut pas oublier son maître.

1720. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Il oublie pourtant quelquefois l’extrême respect qu’il porte au sexe, à qui il dit impitoyablement les plus grossières injures : mais ces injures ne gâteront pas sa cause auprès des femmes ; et comme je l’ai déjà dit ailleurs, beaucoup de péchés lui seront remis parce qu’il a beaucoup aimé.

1721. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Seconde partie. Émancipation de la pensée » pp. 300-314

Mais n’oublions pas que si nous pouvons à présent nous passer du secours de la parole pour penser, c’est parce que originairement la parole nous a donné nos pensées.

1722. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

… Il connaissait bien la nature humaine et son lâche penchant à tout oublier !

1723. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Il faut être un philosophe en quête de savoir avec quels atomes imperceptibles se font les plus grandes choses, pour se préoccuper au xixe  siècle de personnages aussi oubliés, malgré l’aristocratie de leur race ou l’éclat momentané de leur nom, que le sont aujourd’hui lord Hollis, sir Philippe Warwick, sir Thomas Herbert, sir John Reresby, Sheffield, duc de Buckingham, Thomas May, John Lilburne, Edmond Ludlow, etc.

1724. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

l’historien ne peut pas plus oublier sa personnalité morale quand il écrit l’Histoire, que le critique lui-même qui va le juger.

1725. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

Mais il n’en est pas moins vrai que l’auteur des Ruines a l’honneur d’avoir avec eux la fraternité des idées et une parenté d’intelligence… Ce Revelière inconnu, et qui, dans l’égarement universel de la raison, a grande chance de rester inconnu, est un esprit d’une force rare, toujours, dans la pensée, et souvent dans l’expression, mais il est moins près de ces hommes profonds et sans égaux que d’un autre homme de leur temps, un autre observateur politique trop oublié et qu’il rappelle, ce Mallet-Dupan qui, lui aussi, préjugea la Révolution française dès son origine, et dont le préjugé eut parfois toute la justesse d’un jugement… L’auteur des Ruines est une espèce de Mallet-Dupan après la lettre, la terrible lettre de la Révolution !

1726. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sismondi, Bonstetten, Mme de Staël et Mme de Souza »

Sismondi, — rendons-lui cette justice, — malgré son épaisseur, fut encharmé de ces conversations parisiennes, comme l’ours de Berne qui entendrait l’harmonica, et il n’oublia jamais cette sensation quand il fut revenu dans son pays.

1727. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

Chastel, car il a beaucoup de talent, et il a pris dans la lecture des Pères des empreintes si chrétiennes, qu’on oublie parfois qu’il est un révolté contre l’Église dont il écrit l’histoire.

1728. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

C’était un tableau où rien n’eût été oublié des mœurs du temps par un homme que son temps n’eût pas enivré, et qui aurait manié avec énergie le mordant poinçon de Chamfort.

1729. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

Dans l’ordre intellectuel, il ne fut réellement rien de fort ni même d’assez charmant pour faire oublier son manque de force.

1730. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Puis, nous oublions vite, et ce travail nous plaît ; Le ciel est d’un bleu clair et flambe sur nos têtes, Et quand le vent d’été chasse un rire de fêtes, Nous avons la gaîté des fossoyeurs d’Hamlet !

1731. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Nous n’oublierons pas de sitôt cette âpre et pure sensation, et nous voudrions la faire partager : mais le talent de M. 

1732. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

On se dit bien que l’instrument a un défaut, qu’il est imparfait, près de se casser, près de se rompre, mais l’haleine pure qui passe dans les trous du misérable roseau semble mieux porter & l’âme le son de la poitrine inspirée…, et les plastiques, les acrobates et les funambules sont oubliés !

1733. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

L’Allemagne n’a présentement personne qui puisse faire oublier son dernier enfant, et ce n’est, certes !

1734. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

IV L’auteur, je le crois, hors son livre, a beaucoup d’avenir, mais, qu’il me permette de lui dire, et qu’il ne l’oublie pas, c’est à la condition expresse de se dépêtrer le plus tôt possible de ce réalisme qui l’étreint et colle à sa pensée, comme la fange étreint dans ses plis mollement tenaces l’homme qui y est tombé.

1735. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

L’artiste a remporté cette victoire, de se faire oublier. […] Mais représentez-vous ce jeune provincial, timide et doutant de lui-même ; essayez d’oublier la suite de sa vie et de le voir comme il est alors, tout frais débarqué dans Paris. […] Ensuite, il faut nous figurer aussi et ne pas oublier que, par ses huit premières pièces, il se fit connaître comme poète comique, sans que le public, ni lui-même, se doutât qu’il deviendrait poète tragique, et beaucoup plus célèbre comme tel. […] Toutefois elle ajoutait que cette passion « a assez d’éclat et de charme pour avoir fait oublier les règles à ceux qui ne les savent guère bien, ou à qui elles ne sont guère présentes ». […] Vous n’avez pas oublié que la Place Royale, récemment bâtie, était alors le quartier à la mode ; nous l’avons dit et expliqué à propos de la comédie de Corneille portant précisément ce titre : la Place Royale.

1736. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Je n’oublierai rien pour me procurer l’honneur de reparoître devant elle ». […] Quelques particuliers d’un corps célèbre s’oublient-ils, messieurs des missions étrangères, ou leurs partisans, les relèvent avec complaisance. […] Il fait un effort pour oublier sa cruelle situation, & pense à sauver ce qu’il avoit de plus cher au monde. […] Les lettres qu’il écrivoit continuellement, en réponse aux leurs, lui faisoient oublier tout le reste. […] Ses prêtres, appellés de son nom Brachmanes ou Brammes, n’oublient rien pour entretenir le peuple dans cette idée.

1737. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Non seulement il fallait ne pas heurter, mais encore il fallait plaire ; on était tenu de s’oublier pour les autres, d’être toujours pour eux empressé et dispos, de garder pour soi ses contrariétés et ses chagrins, de leur épargner les idées tristes, de leur fournir des idées gaies. « Est-ce qu’on était jamais vieux en ce temps-là ! […] M. le duc de Bourbon a répondu en ôtant son chapeau : — Monsieur, je suis ici pour recevoir vos ordres. — Pour exécuter les vôtres, a reparti M. le comte d’Artois, il faut que vous me permettiez d’aller jusqu’à ma voiture. » Il revient avec une épée, le combat commence ; au bout d’un temps, on les sépare, les témoins jugent que l’honneur est satisfait. « Ce n’est pas à moi d’avoir un avis, a repris M. le comte d’Artois ; c’est à M. le duc de Bourbon de dire ce qu’il veut ; je suis ici pour recevoir ses ordres. —  « Monsieur », a répliqué M. le duc de Bourbon en adressant la parole à M. le comte d’Artois et en baissant la pointe de son épée, « je suis pénétré de reconnaissance de vos bontés, et je n’oublierai jamais l’honneur que vous m’avez fait. » Se peut-il un plus juste et plus fin sentiment des rangs, des positions, des circonstances, et peut-on entourer un duel de plus de grâces   Il n’y a pas de situation épineuse qui ne soit sauvée par la politesse. […] Devant la satisfaction du moment, il est comme un enfant devant un fruit, et rien ne l’arrête, ni le danger puisqu’il l’oublie, ni les convenances puisqu’il les fait.

1738. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

On oubliait dans le Cygne mourant que le sujet était presque usé et l’intérêt un peu faible, pour savourer des vers comme ceux-ci : Quelques pics bleus dans le lointain s’élevaient, —  et blanche sur la froide blancheur du ciel — brillait leur couronne de neige. —  Un saule se penchait en pleurant sur la rivière, —  et secouait le flot quand le vent soupirait. —  Au-dessus, dans le vent courait l’hirondelle, —  qui se pourchassait elle-même dans ses sauvages caprices ; —  et plus loin, à travers le marais vert et tranquille, —  les canaux enchevêtrés dormaient, —  tachés de pourpre, de vert, et de jaune1520. Mais ces peintures mélancoliques ne le montraient point tout entier ; on allait avec lui dans le pays du soleil, vers les molles voluptés des mers méridionales ; on revenait par un attrait insensible aux vers où il peint les compagnons d’Ulysse qui, assoupis sur la terre des Lotos, rêveurs heureux comme lui-même, oubliaient la patrie et renonçaient à l’action. […] Ses yeux sont appesantis et vitreux ; oublie que c’est de vin

1739. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

« Si les belles instructions de Yao et de Chun, répondit Tchang-Houng, viennent à se perdre ; si les sages règlements des premiers fondateurs de notre monarchie viennent à être oubliés ; si les cérémonies et la musique1 sont négligées ou corrompues ; si enfin les hommes viennent à se dépraver entièrement, la lecture des écrits que laissera Confucius les rappellera à la pratique de leurs devoirs, et fera revivre dans leur mémoire ce que les anciens ont su, enseigné et pratiqué de plus utile et de plus digne d’être conservé. » On rapporta à Confucius le magnifique éloge que Tchang-Houng avait fait de lui. […] Si, par quelque action éclatante ou par quelque ouvrage important, il mérite bien de la patrie, il ne fait pas valoir ses services dans la vue d’en être récompensé ; il attend modestement et avec patience que la libéralité du prince se déploie en sa faveur ; et s’il arrive que, dans la distribution des grâces, on l’ait oublié, il ne s’en plaint pas, il n’en murmure pas. […] La saine doctrine avait disparu, elle était entièrement oubliée ; j’ai tâché de la restaurer et de rétablir l’empire du vrai et du bien ; je n’ai pu y réussir !

1740. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Je servais les Bourbons ; il était Bonaparte : il y avait cette incompatibilité entre nous ; mais il était avant tout philosophe et poète ; il me lisait ses compositions ; j’oubliais qu’il était roi d’une dynastie que je ne reconnaissais pas : les lettres nivellent tout pendant qu’on en parle. […] Nous nous oubliâmes trop longtemps, sur la foi de nos guides, dans cette sieste sous l’arbre. […] Le sauvage montagnard du Jura oublia une distance qu’on s’étudiait à effacer par tant d’égards.

1741. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

… « Sors maintenant de ton antique étui, coupe limpide, coupe de cristal si longtemps oubliée ; tu brillais jadis aux fêtes des aïeux, et, lorsque tu passais de main en main, les fronts soucieux se déridaient ; c’était le devoir du convive de célébrer en vers la beauté et de te vider d’un seul trait. […] non, jamais je ne saurais l’oublier. […] Non, je suis de cœur et d’esprit auprès d’elle ; je ne puis jamais l’oublier, jamais la perdre.

1742. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Vivre, pour lui, c’était oublier. […] Triste chose que le monde, continue-t-il ailleurs ; on y apprend bien des choses, mais qui au fond ne nous apprennent rien ; mais quant à ce qui nous importe davantage, à la seule chose même qui nous importe véritablement, l’inspiration intérieure, le monde, au lieu de nous la donner, nous la prend. » — « Je lis madame de Staël, répond Schiller ; elle oublie son sexe sans s’élever au-dessus de lui ; c’est une nature raisonneuse, mais très peu poétique (c’est-à-dire créatrice). » Dans les lettres suivantes, la tragédie de Schiller, Wallenstein, est enfin terminée. […] L’Angleterre a oublié sa grande parole, l’Italie a perdu sa grande poésie, l’Espagne sa grande gaieté comique ; la France elle-même se sent, malgré les jactances de sa jeunesse littéraire, dans une sorte de décadence orgueilleuse qui l’attriste elle-même.

1743. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Fingal lui-même n’a-t-il pas succombé, et les salles de ses aïeux n’ont-elles pas oublié l’empreinte de ses pas ? […] Ma main oublie à bander l’arc, et je ne lève que des lances légères. […] Le vent du nord conduisit le vaisseau de Fingal à Morven ; mais l’esprit de Loda était assis sur sa nue, derrière suivait le vaisseau de Frothal ; il se penchait en avant pour diriger les vents favorables, et pour enfler toutes les voiles ; il n’a pas oublié le coup que Fingal lui a porté, et il redoute encore le bras du roi de Morven.

1744. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il imite tous les vices du lieu : il vend les grâces, il oublie ses amis, il désavoue ses parents, il est vénal et ingrat. […] Il est chrétien, comme le sont la plupart d’entre nous, par le souvenir du clocher natal, moins oublié peut-être que les parents ; il l’est par tout ce que laisse d’impressions ineffaçables dans un cœur où le mal n’est pas le maître, la doctrine de l’Evangile, transmise, aux jours d’innocence, d’une pieuse mère à son fils, d’un prêtre à un enfant. […] Le neuf, le pensé, l’avaient fait oublier.

1745. (1899) Arabesques pp. 1-223

Il s’inventa des paradis chimériques — il oublia la terre. […] Les fils irrespectueux ont oublié cette voie, ouverte au prix de quelles dépenses d’énergie et de quel sang précieux ; l’herbe drue de l’inactivité et de l’insouciance y a poussé meurtrièrement. […] Et, parmi cet ensemble d’arbres vieux, d’eau stagnante, de parterres incultes et d’ancêtres oubliés par la mort, on peut goûter, tout à loisir, la volupté de l’ennui… C’est quelquefois très salutaire de s’ennuyer. […] Et, vienne la hausse, il oubliera ses griefs. […] Lui-même ne s’oublie pas.

1746. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

» tous ses souvenirs du temps où Odette était éprise de lui, et qu’il avait réussi jusqu’à ce jour à maintenir invisibles dans les profondeurs de son être, trompés par ce brusque rayon du temps d’amour qu’ils crurent revenu, s’étaient réveillés, et à tire d’aile, étaient remontés lui chanter éperdument, sans pitié pour son infortune présente, les refrains oubliés du bonheur. […] N’oubliez pas, je vous prie, ce lien qui vous permettra d’étendre les remarques que nous allons faire sur la théorie de l’amour à l’ensemble des découvertes psychologiques de Proust. […] Je n’oublierai jamais l’émerveillement, l’émotion profonde où je fus tout de suite plongé. […] Il ne se produisait chez lui presque aucun allègement de souvenir et c’est, de toute évidence, ce qui l’handicapait si fort dans la vie pratique, car agir c’est d’abord avoir oublié. […] Et, en une attitude, qui sans doute lui était habituelle, qu’elle savait convenable à ces moments-là et qu’elle faisait attention à ne pas oublier de prendre, elle semblait avoir besoin de toute sa force pour retenir son visage, comme si une force invisible l’eût attiré vers Swann.

1747. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Nous essayerons maintenant d’examiner les individus l’un après l’autre, dans leur œuvre particulière et dans leur tempérament spécial, sans oublier, autant que faire se pourra, aucun des aspects multiples et compliqués de leur ondoyante nature. […] Pourtant, il y a mieux ; et, avant d’en finir sur cette question, on ne saurait oublier une de ses pages les plus célèbres, et où il a poussé son système jusqu’aux dernières conséquences. […] Il raconte l’ensevelissement et l’inhumation, sans oublier les moindres minuties, en une série de phrases courtes, un peu haletantes, mais rappelant chacune un fait et formant tableau. […] Il oublie tous les textes en prétendant que « le poète consentirait plutôt à perdre en route un de ses bras ou une de ses jambes qu’à marcher sans la consonne d’appui324 ». Il oublie que, non seulement elle a été négligée par Lamartine ou Alfred de Musset, mais souvent aussi par Victor Hugo, par Théophile Gautier et par lui-même.

1748. (1910) Rousseau contre Molière

Oubliez-vous si tôt sa peine et ses services ? […] Ils songent toujours un peu à quelque gloire qui leur reviendra de ce qu’ils s’oublient, ce qui est encore une manière de ne se point oublier. […] Il pense que l’homme est mauvais et tout pénétré de préjugés contraires à la vertu ; et, armé de ces deux idées qu’il n’oublie que de concilier, il a, on est forcé de le confesser, réponse à tout. […] Elle devient ce qu’elle peut et, à ce moment-ci, Rousseau l’oublie complètement. […] Mais n’oublions pas que c’est le seul point de tous où Rousseau et Molière se soient rencontrés et qu’à tous les autres égards ils sont exactement aux antipodes.

1749. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Tel qui brille présentement et même à bon droit, sera vite oublié. […] Flaubert oublie son nihilisme et Châteaubriand son ennui pour peindre dans la joie : lorsqu’on a de si riches palettes, on ne peut constamment y broyer du noir. […] On le lit comme s’il avait écrit il y a deux mille ans, et nous entretenait de gens profondément oubliés aujourd’hui. […] Un homme ordinaire les voit et n’en reçoit aucune impression notable ; un homme de pensée les oublie, n’y prête nulle attention : Huysmans en est sincèrement obsédé. Dès cette époque naturaliste, l’assaut des sensations ne lui fait pas oublier, encore moins nier l’Église.

1750. (1881) Le roman expérimental

Renan, emporté par la vérité, oublie les « fades agréments » dont il a relevé « l’austérité » de la Vie de Jésus. […] Les enfants qui naissent aujourd’hui seront, ils ne doivent pas l’oublier, les hommes du vingtième siècle. […] Il ne faut point oublier la merveilleuse puissance du théâtre, son effet immédiat sur les spectateurs. […] On éprouve un frisson, on n’oubliera plus ce terrible homme qui est un colosse détraqué. […] Et, à côté de Boileau, que de poètes oubliés, connus des seuls lettrés, et qui lui sont supérieurs !

1751. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Autrement dit, l’homme est fait dans une certaine mesure pour oublier ses émotions et la femme pour s’en souvenir. […] Pourtant je ne t’ai jamais fait de mal. » Toujours j’aurai dans les yeux ce paysage, ô silencieuse forêt nue, jamais oubliée ! […] Louis XIV a oublié l’étiquette ! […] Paul de Musset, ne l’oublions donc pas, n’a pas attaqué. […] Elle serait vite oubliée.

1752. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Plus oublié en France que Ballanche, Pierre Leroux a encore, à l’étranger, une très grande notoriété et de fervents admirateurs. […] Il a le don de faire oublier qu’il est là. […] Philippe n’était plus aussi populaire, ayant été un peu oublié pendant son exil, et l’on marchait à grands pas vers la République. […] Somme toute, il oublia la littérature. […] Gréard, ami de cœur de Prévost-Paradol, ne l’oublions pas, était extrêmement sensible.

1753. (1932) Le clavecin de Diderot

De quelques formules protectrices Que nous nous écartions des églises et de l’ombre dont elles lapident l’humanité, que nous parvenions à oublier la suffisance officielle et la grossièreté romaine ressuscitée à chaque édifice parlementaire, à peine aurons-nous fait trois pas que, déjà, nous aurons donné contre un de ces vieux panneaux, de ces panneaux-réclames, à l’ombre desquels, sur des terres d’on ne peut plus vaine pâture, dignes de leurs frères curaillons, broutent les clercs du pape qui se croit papillon Benda. […] J’oubliai, d’un coup, les notes, le doigté, le morceau que je savais par cœur. […] Et quel bonheur pour quelqu’un qui aime à faire sa prière, comme il l’avoue dans Mon cœur mis à nu, que de prévoir les critiques mielleux qui, sans oublier de le blâmer, pour la forme, le plaindront de cette liaison avec une fille, dont il était sûr de l’infériorité, à priori et plutôt deux fois qu’une, puisque la société ne saurait avoir le caprice de bien considérer une putain (et de une) de couleur (et de deux). […] Au lycée, leur eût-on épargné les farces menaçantes du catéchisme, à propos de n’importe quoi, fût-ce le début des Métamorphoses d’Ovide (Os homini sublime dedit bb) on avait tout mis en œuvre pour les persuader de regarder au-dessus d’eux, mépriser ce qui se passe à leurs pieds, s’oublier et oublier leur monde dans la contemplation du firmament. […] Une tel spectacle, d’ailleurs, nous évitera d’oublier que le Panthéon devait être une église, et, en tout cas, n’a pas été, comme il eût fallu, désaffecté, désinfecté, a conservé sa forme de croix.

1754. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Nous les suivons de l’œil, pendant quelque temps, sur cette mer où nous les avons embarqués dans le meilleur vaisseau possible : ce vaisseau disparaît à nos yeux, et nous les accompagnons de nos vœux, du fond de nos tristes retraites qu’ils oublient aisément. […] Donnez une base solide à votre bonheur par votre raison et par votre conduite ; et, croyez-moi, votre bonheur profitera à votre beau et original talent que personne ne vous contestera. » Quelle juste leçon donnée à ceux qui cultivent l’art du comédien, et qui sont trop tentés d’oublier que cet art brillant, loin d’être l’ami des mœurs déréglées et de ne jamais mieux s’inspirer que dans le désordre, a besoin, comme tous les arts où il s’agit avant tout d’exceller, d’une juste économie de la vie et de beaucoup de conduite !

1755. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

J’allais oublier Speridius. […] Oubliez-vous que je me suis assis sur les bancs de la Correctionnelle comme prévenu d’outrage aux mœurs, et que les imbéciles et les méchants se font des armes de tout ?

1756. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

L’émotion d’une si grande catastrophe lui fit un peu oublier le passé. […] Elle oublie qu’en prenant le genre humain entier, ceux qui font entrer des vérités bienfaisantes dans leur religion ne sont pas un contre cent… » Et, tout en raisonnant de la sorte, il se laisse mener par sa femme au sermon ; il est tel de ces sermons qu’il trouve assez à son gré.

1757. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Vaugelas, qui nous a transmis toutes ces piquantes fortunes et aventures de mots, et qui était l’homme de France le mieux renseigné sur l’usage, n’oublie pas, chemin faisant, d’y joindre toutes sortes de petites règles et de maximes pratiques trop négligées par les grammairiens qui ont suivi ; il nous initie à sa manière de procéder et d’expérimenter, à sa méthode. […] Pour ceux qui voudraient approfondir le sujet, ne pas oublier d’y joindre l’étude essentielle intitulée : De la Méthode grammaticale de Vaugelas, par M. 

1758. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Langlais, à Saint-Denis d’Anjou : Mme Valmore y passa quelque temps avec sa fille ; le sentiment de cette vie des champs grasse et nourricière, au milieu des fermiers et des colons , respire et rit au naturel dans ce passage d’une lettre d’Ondine à son frère : « (1851)… Ici on oublie tout ; on se plaint par genre, mais sans amertume ; on dort, on mange, on n’entend point de sonnette. […] C’est ainsi que l’ouvrier littéraire, épris de sa profession, prend ses invalides. — Si cette note paraît trop longue, et, à quelques égards, déplacée à propos de Mme Valmore, qu’on n’oublie pas que, comme dans l’industrie, la littérature a aussi ses ouvriers femmes , et l’on sait à présent quel poète douloureux dans la réalité de la vie était cette âme chantante de Mme Valmore.

1759. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Voilà ce que nous avions besoin de nous dire avant de nous remettre, nous, critique littéraire, à l’étude curieuse de l’art, et à l’examen attentif des grands individus du passé ; il nous a semblé que, malgré ce qui a éclaté dans le monde et ce qui s’y remue encore, un portrait de Regnier, de Boileau, de La Fontaine, d’André Chénier, de l’un de ces hommes dont les pareils restent de tout temps fort rares, ne serait pas plus une puérilité aujourd’hui qu’il y a un an ; et en nous prenant cette fois à Diderot philosophe et artiste, en le suivant de près dans son intimité attrayante, en le voyant dire, en l’écoutant penser aux heures les plus familières, nous y avons gagné du moins, outre la connaissance d’un grand homme de plus, d’oublier pendant quelques jours l’affligeant spectacle de la société environnante, tant de misère et de turbulence dans les masses, un si vague effroi, un si dévorant égoïsme dans les classes élevées, les gouvernements sans idées ni grandeur, des nations héroïques qu’on immole, le sentiment de patrie qui se perd et que rien de plus large ne remplace, la religion retombée dans l’arène d’où elle a le monde à reconquérir, et l’avenir de plus en plus nébuleux, recélant un rivage qui n’apparaît pas encore. […] Je pensais qu’il me verrait, que je me jetterais entre ses bras, que nous pleurerions tous les deux, et que tout serait oublié.

1760. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Messieurs, si l’on pouvait faire abstraction des remarquables discours en sens divers qui ont rempli les dernières séances, et si l’on s’en tenait uniquement à l’impression produite par le sage et prudent rapport qui a précédé, on voterait la loi présente sans trop d’observations, comme un progrès relatif, très-modéré, et l’on oublierait trop aisément les circonstances dans lesquelles cette loi a surgi, les incidents qui en ont accompagné la présentation, la discussion première, ce qu’elle promettait, ce qu’elle est devenue. […] Les hommes de ma génération qui sont au pouvoir, et qui furent des libéraux de ce temps-là, ont trop oublié, selon moi, les impressions de leur jeunesse.

1761. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Les publicistes qui donnent des définitions orgueilleuses et abjectes du droit de l’homme, n’ont oublié que ceux-là : le droit d’accomplir des devoirs, le droit d’être vertueux, le droit d’être immortel. […] De ces deux moitiés de l’homme, ils ont, dans leur acte de société, oublié la principale : l’âme, et sa destinée immortelle et infinie.

1762. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

S’il est beau de se vaincre, il est doux d’être heureux… L’éclat de deux beaux yeux adoucit bien un crime : Aux regards des amants tout paraît légitime… Je ne me connais plus et ne suis plus qu’amant ; Tout mon devoir s’oublie aux yeux de ce que j’aime. […] Le roi l’aida à oublier la poésie, en le nommant pour écrire son histoire avec Boileau (1677)415 .

1763. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Sorel, Furestière, Scaron, Caylus, Restif de la Bretonne et cent autres qu’il oubliait. […] en vous cherchant des précurseurs j’oubliais celui-là : le vieux peintre dont Balzac nous a conté la touchante et cruelle aventure.

1764. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Du reste, dans la fondation de son abbaye, Gargantua n’oublie qu’une chose : c’est l’église. Il n’y veut pas de cloches : c’est contre les catholiques ; il y oublie l’église : c’est à la fois contre les catholiques et les protestants49.

1765. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Balzac d’ailleurs ne s’était pas plus oublié dans Aristippe que dans le Prince. […] Balzac vivait encore, que déjà, sous la plume d’une mère, d’une femme de génie, des lettres de famille, qui ne voulaient être rien de plus, allaient faire oublier les exercices épistolaires de Balzac et de Voiture.

1766. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Mais il ne faut pas oublier qu’en Allemagne, certaines résidences de quatrième ordre mettent leur orgueil à posséder des théâtres absolument supérieurs : on sait que la troupe de Meiningen passe pour la meilleure compagnie qu’il y ait, dirigée qu’elle est par le grand-duc régnant. […] Ainsi était commencé le drame de Gœtterdaemmerung, — le Crepuscule des Dieux : — Siegfried, ayant quitté Brünnhilde, était pris par l’esprit de mensonge, il oubliait Brünnhilde, il la trahissait, il se parjurait, le loyal Héros ; et la sainte Voyante, Brünnhilde, chutée de la divine Virginité, privée de la Sagesse, possédée par l’Egoïsme, ordonnait la mort de Siegfried.

1767. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Elle y ajouta tout ce que sa grâce naturelle put lui suggérer pour relever le prix de cette faveur, « Racontez-nous, disait au sortir de là un courtisan à Chamfort, toutes les choses flatteuses que la reine vous a dites. » — « Je ne pourrais jamais, répondit le poète, ni les oublier ni les répéter. » On ne s’en tint pas là à son égard, et le prince de Condé nomma aussitôt Chamfort secrétaire de ses commandements, avec 2 000 livres de pension. […]  » Mais s’il était à l’épreuve d’un danger, il oubliait l’autre : le Palais-Royal était aussi le foyer du fanatisme révolutionnaire, et Chamfort s’y embrasa.

1768. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Mais il est rare qu’une image soit seule, qu’une idée soit ce qu’on appelle une idée fixe : n’oublions pas qu’une foule d’autres images luttent pour la vie et exercent leur pression sur l’image actuellement dominante, en déployant dans la lutte des intensités variables. […] Cherchez à vous souvenir d’un nom, d’un vers oublié, vous sentirez en vous cette sorte de vide qui est doué d’un pouvoir d’attraction comme les tournants d’une rivière.

1769. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

J’allais oublier un original, un certain Fioupou, en grande dispute, par correspondance, avec Émile Saisset, sur le platonisme chrétien, et tout au logos, et parlant toujours et toujours exégèse… À l’heure présente, Barthet est le grand homme de l’endroit, un poète du Danube qui porte des souliers ferrés, et brandit un gourdin en l’honneur de Boileau… On y boit de la mauvaise bière, on y fait un mistron… Gavarni, qui n’y est allé qu’une fois, assure qu’on y scie les pommes de canne, quand elles sont en or. […] N’oublions pas une petite pluie très fine.

1770. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Molière le savait mieux que personne ; et, tantôt, comme s’il eût rougi de s’être oublié un instant, écoutez-le poser les bases de la critique. […] Elle était ainsi la femme déclassée, et l’on dirait que Pascal lui-même a voulu tracer le portrait de cette créature malheureuse : « Le peu de temps qui lui reste l’incommode si fort et l’embarrasse si étrangement, qu’elle n’essaye qu’à le perdre : ce lui est une peine insupportable de vivre avec soi et de penser à soi ; ainsi, tout son soin est de s’oublier soi-même et de laisser couler ce temps, si précieux et si court, sans réflexion, en s’occupant de choses qui l’empêchent d’y penser.

1771. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Pourrions-nous oublier dans cette liste l’histoire des variations des Eglises Protestantes, par Bossuet ? […] On ne doit pas s’attendre qu’un livre aussi considérable soit exempt de fautes, mais l’auteur n’a rien oublié pour les éviter.

1772. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

… Malheureusement, Octave Feuillet, qui pouvait s’en tenir à son calque, n’a pas oublié des prétentions déjà anciennes… Octave Feuillet est, pour les bourgeois sceptiques de ce temps incrédule et pour quelques vieilles femmes moitié mondaines, moitié dévotes, un délicieux moraliste au miel. […] Son livre des Amours de Philippe bercera doucement les imaginations, sans compromettre le cœur de personne ; et il ira rejoindre dans le succès momentané et dans l’oubli sa sœur Sybille, déjà oubliée par la raison qu’il n’y a que l’originalité qui cramponne les livres dans la mémoire des hommes.

1773. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Je crois que si Fromentin n’avait laissé que son Été dans le Sahara et son Année dans le Sahel, il serait aujourd’hui oublié : on parlerait encore du peintre ; l’écrivain n’aurait pas de nom. […] « Ni gesticulations, ni cris, ni horreurs, ni trop de larmes… Le Christ est une des plus élégantes figures que Rubens ait imaginées pour peindre un Dieu… Vous n’avez pas oublié l’effet de ce grand corps un peu déhanché, dont la petite tête, maigre et fine, est tombée de côté, si livide et si parfaitement limpide en sa pâleur, ni crispé, ni grimaçant, d’où toute douleur a disparu, et qui descend avec tant de béatitude, pour s’y reposer un moment, dans les étranges beautés de la mort des justes.

1774. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

En réalité, l’art de l’écrivain consiste surtout à nous faire oublier qu’il emploie des mots. […] Quand nous avons oublié un nom propre, comment nous y prenons-nous pour le rappeler ?

1775. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Leur œuvre assurément n’a pas été louable de tout point ; mais, s’il s’agit de dire qui a porté les coups redoutables aux recettes sentimentales et artificielles de 1830, il ne faut point oublier les vrais démolisseurs de la convention romantique. […] Zola a tort de l’oublier, — que nous sommes surtout redevables de cette pleine liberté dont il profite avec beaucoup d’autres.

1776. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Nous n’oublions pas que ces « unités sociales » sont des hommes, — des êtres vivants, bien plus, des êtres pensants, — et que leurs façons d’être, de vivre et de penser, ne sauraient être indifférentes aux sociétés qu’ils composent. […] Nous concluons de l’assimilation superficielle à l’assimilation profonde, de la parenté des corps à la parenté des âmes. — L’influence des ressemblances intérieures est d’ailleurs assez puissante pour contrebalancer au besoin celle des différences extérieures ; ceux qui communient dans une même foi se sentent portés à oublier que la race ou l’habit les séparaient.

1777. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Ne jamais oublier que ces catégories sont factices, c’est déjà en corriger sensiblement le défaut ; et si la pensée s’efforce de combiner toujours ce que le langage analytique est forcé de scinder, si l’on procède (dans une sage mesure) par anticipations et par rappels, on arrive peu à peu à la vision synthétique, à l’intuition de la vie. […] Je n’ai aucun espoir de résoudre cette énigme ; mais c’est déjà faire œuvre utile que de la rappeler au positivisme qui l’oublie, et de la formuler nettement.

1778. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

On ne me pardonneroit point d’oublier la Nouvelle Héloïse, autre Roman écrit en forme de lettres. […] Je n’ai pas compris dans ce Discours le genre du Conte ; autrement je n’eusse oublié ni ceux de la Reine de Navarre, ni ceux de Madame Daunoi ; encore moins ceux d’Hamilton ; encore moins ceux de M.

1779. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

— Rabelais et Scarron l’avaient fait rire autrefois, mais elle ne s’en souvenait plus ; elle n’avait que peu de mémoire pour tout ce qui était frivole ou de peu d’intérêt, et n’avait jamais rien oublié d’intéressant.

1780. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Dans des vers charmants que les lecteurs de cette Revue n’ont certes pas oubliés, Alfred de Musset, répondant à des vers non moins aimables du vieux maître190, lui disait, à propos de cette fraîcheur et presque de cette renaissance du talent : Si jamais ta tête qui penche Devient blanche, Ce sera comme l’amandier, Cher Nodier.

1781. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

quel autre aurait pris garde à ce roi déchu, oublié par ses pairs au grand jour des restaurations légitimes, et se promenant depuis lors à travers l’Europe, avec son signe ineffaçable sur le front, sans être ni maître, ni sujet, ni citoyen ?

1782. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Les Humbles sont bien à lui, et, dans une histoire du mouvement naturaliste de ces vingt dernières années, il ne faudrait point oublier son nom.

1783. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

On dirait que, dans ces moments de guerre contre les besoins les plus légitimes du cœur, il avait oublié le plaisir de vivre, d’aimer, de voir, de sentir.

1784. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Les belles maximes de Hillel résumant toute la Loi en l’équité 926, celles de Jésus, fils de Sirach, faisant consister le culte dans la pratique du bien 927, étaient oubliées ou anathématisées 928.

1785. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Trop occupé du soin de paroître maîtriser son sujet, il l'oublie & s'en écarte.

1786. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

N’oublions pas non plus que la notion de pluralité est toute naturelle, puisque notre conscience est sans cesse changeante, allant d’une sensation à l’autre.

1787. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Je prie le lecteur de ne point oublier la premiere réponse que je vais faire à cette objection.

1788. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

On condamne d’un mot et en bloc l’opinion de tous les maîtres de notre langue, de tous les juges de notre littérature, de tous les grands poètes et grands écrivains, depuis Ronsard jusqu’à Chénier, Chateaubriand, Sainte-Beuve et Flaubert, sans oublier Boileau, Racine et Gœthe, qui tous ont admis et conseillé hautement l’imitation d’Homère.

1789. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

C’est cette marque de pied sur sa bouche sanglante qui fera désormais ta Kœnigsmark, dans l’Histoire, une physionomie qu’on n’oubliera plus !

1790. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Quand on ne peut plus montrer dans une figure placée et comme appendue, ainsi qu’un grand portrait, dans la préoccupation contemporaine, un trait oublié que l’admiration n’avait pas vu ou que quelque autre trait d’à côté plus développé ou plus puissant avait recouvert et caché, il faut s’en détourner sous peine de pléonasme d’idées, car la critique, cette observatrice qui se sert tout à la fois du télescope et du microscope, est tenue d’apercevoir dans ce qu’elle regarde quelque chose qu’on ne voyait pas, sous peine de manquer à son devoir.

1791. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La diplomatie au xviie  siècle »

oublièrent d’appliquer à Lionne cette féroce théorie du bonheur, exigé par les hommes politiques qui croient en cacher l’égoïsme monstrueux sous le poétique mensonge de cette étoile qu’ils disent avoir, et qu’ils veulent qu’on ait !

1792. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

L’impartialité dans l’enthousiasme, qui correspond pour l’esprit à ce qu’est la justice dans l’amour pour le caractère, tel est le trait saillant, particulier, impossible à oublier, de cette belle physionomie intellectuelle, — son fer à cheval de Redgauntlet, à ce noble front !

1793. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

on savait cela, mais en gros ; mais le détail de cela, parle menu et comme la Correspondance de Fersen nous le donne, on ne le savait pas, et on le sait maintenant ; et à présent on ne l’oubliera plus !

1794. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Du reste, on laisserait de côté cette explication inattendue du xviie  siècle, trop fine peut-être pour frapper et pour attirer la majorité des esprits, qu’on ne pourrait pas oublier la grande personnalité historique qui remplit le livre, et qui, à elle seule, aurait suffi pour appeler et justifier, dans l’esprit d’un homme ayant l’instinct des grandes choses humaines, l’idée d’une histoire de l’institution de Saint-Cyr.

1795. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Pour nous, il en a deux qui sont oubliés et qu’il faut remettre en mémoire.

1796. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Le service, pour parler les abominables argots du journalisme et de la librairie, bien dignes, du reste, de parler le même langage, a été oublié, du moins pour moi.

1797. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

Une des reines du xviiie  siècle, douée de tous les dons aimables par lesquels on était reine alors, une Titus femelle, les délices du genre humain, comme disait d’elle une de ses amies, une des plus éblouissantes soupeuses de cette époque où le souper était « une des quatre fins de l’homme et où l’on oubliait les trois autres », un des esprits les plus teintés de ce rouge audacieux que les femmes mettaient sur leurs joues pour qu’on vint l’essuyer, se plaint, à travers les rires de tout le monde et même des siens, d’un ennui que ne connaît personne, de cet inexorable ennui dont parle quelque part Bossuet, que certainement elle ne lisait pas !

1798. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Mais elles doivent l’être comme l’expression d’un homme qui a une âme charmante, capable de faire oublier, en lisant ses lettres, les erreurs et les débilités de son esprit, — et c’est ici que la Critique va prendre son cœur à deux mains pour dire toute la vérité sur un livre qui lui a donné tant de plaisir… Doudan est, en effet, sur bien des points, un débile et un erroné.

1799. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Même dans cette Sophie Arnould, dont ils nous donnent la chronique… scandaleuse, ces courtisans du xviiie  siècle courtisent encore trop la courtisane et ils oublient qu’avec de pareilles coquines on ne fait pas des Assomptions.

1800. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Valmiki »

Trouvée là comme une goutte de rosée, oubliée par le soleil, dans les feuilles brûlantes de quelque lotus desséché, cette poésie tranche sur l’esprit indien et s’en sépare tout en s’y unissant.

1801. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

III En effet, le critique était prêtre, et jamais il ne l’oublia.

1802. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Pour nous, il en a deux qui sont oubliés et qu’il faut remettre en mémoire.

1803. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Caractère physiologique de la race, croyances religieuses, lois, coutumes, mœurs domestiques, ornements et parures, ustensiles et armes, chasses, constructions, maladies, boglias (médecins), funérailles, tout, jusqu’à un lexique très bien fait de la langue de ces tribus sauvages, Mgr Salvado n’a rien oublié de ce qu’il a été à portée de bien voir et de recueillir.

1804. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Soulouque resta ensuite complètement oublié jusqu’en 1843, mais, depuis cette époque, chaque révolution l’avait aidé d’une poussée à gravir ce mât de cocagne d’où il ne s’attendait pas à décrocher une couronne.

1805. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

, ce roman est partagé en deux parties, portant des sous-titres différents : la première, La demoiselle en or ; la seconde, La petite impératrice, et il rappelle un peu les romans oubliés d’Eugène Sue, mais avec une expression autrement vibrante et supérieure et un désintéressement de tout ce qui n’est pas l’effet dramatique, auquel la vérité humaine est sacrifiée dans la mesure qu’elle a, pour frapper plus fort.

1806. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Nous nous disions qu’ils étaient sortis du dix-huitième siècle par cette grande porte sanglante et qu’ils n’y rentreraient pas par la porte basse de quelque petite maison pour chercher le mouchoir oublié de quelque comédienne du temps, avec ces mains qui s’étaient purifiées en touchant pieusement les reliques de la reine de France.

1807. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Le Capitaine Fracasse, sachez-le bien, n’est qu’un morceau de tapisserie faite d’après les tableaux, plus ou moins oubliés ou empoussiérés maintenant, de ces maîtres qu’on appelle Scarron, Mme de Lafayette, Segrais, Scudéry, Cyrano de Bergerac, et, pour mieux dire, tous les romanciers du commencement du dix-septième  siècle, que M. 

1808. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Telle est la trame de ce roman vulgaire, de ce mélodrame en récit, coupé de dissertations filandreuses, dans lesquelles on oublie le roman et ses personnages qu’on voudrait ne pas retrouver.

1809. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Nos souffrances seront oubliées, qui auront été payées par la gloire, dont, Français, nous serons toujours les éternels amoureux.

1810. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Au milieu de tous les excès de l’analyse et du morcellement, ce principe, oublié depuis le moyen âge, a recommencé à prévaloir dans la philosophie de notre temps ; mais il n’a encore été suffisamment étudié ni dans la raison ni dans l’histoire. […] Fénelon est notre contemporain, il a travaillé avec nous au livre des lois nouvelles, aux murs de cette Salente fraternelle où toutes les haines doivent s’oublier. […] M. de Maistre nous menace encore au nom du Jéhovah de Moïse et d’Isaïe ; il a oublié que sa foudre s’est éteinte dans le sang de l’agneau. […] S’il oubliait ou dédaignait parfois de suspendre le dialogue intérieur avec l’hôte familier, pour s’appliquer à de vulgaires calculs et à ses propres intérêts, dès qu’il s’agissait des intérêts d’autrui, d’un service à rendre, d’une existence à régler, il savait s’arracher à ses hautes conceptions et porter un coup d’œil exact et positif sur les choses de la vie commune. […] Si l’artiste subit un instant l’empire de la sensation révoltée et de l’imagination mécanique, s’il se laisse imposer par ses nerfs une seule image, s’il oublie de tenir compte d’une des lois de la nature, d’une des conditions de la vérité les plus inaperçues de la foule et des savants eux-mêmes ; à l’instant le poète est averti par son œuvre ; au lieu de la beauté qu’il cherche il a produit la difformité.

1811. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Tu m’as ramassé, essuyé, réconforté et me voilà quasi célèbre, que soit ma destinée d’écrivain, je n’oublierai pas que tu as été le généreux et le vaillant qui m’a ouvert la porte que tout le monde jetait à la figure du vagabond famélique, avec le fracas de l’épouvante ou le grincement du dédain. […] Le plus médiocre des fils de Japhet ou même le premier venu parmi les nauséabonds enfants de Sem, aurait certainement voulu faire oublier et cacher à tout l’univers l’obscène ébriété paternelle. […] Toute cette frénésie aboutit au cercueil définitif, ignoré par Watteau, et aux simulacres religieux, jusque-là fort oubliés, mais qui protestent et qui triomphent à la fin des fins. […] Il est fait pour quelque chose de mieux que pour remâcher ce réglisse oublié sur la vieille table de nuit du peintre de madame de Pompadour. […] On oublie que le mot de critique signifie juge et on ignore que Sainte-Beuve n’a jamais jugé rien ni personne.

1812. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Il me semble qu’il a oublié Blin de Sainmore et J. […] COLOMBINE Et puis, on vous oublie, Monsieur Pierrot ! […] On a oublié, comme il était assez naturel, George Sand critique littéraire et critique dramatique. […] Champfleury oublie de se négliger, et cela arrive fort souvent, Dieu merci, sa forme devient charmante ». […] Et n’oubliez pas qu’ici encore, quoique trop négligemment et en courant, c’est Sainte-Beuve qui a tracé le sillon.

1813. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Gardons-nous, du reste d’oublier de dire qu’en dehors des morceaux de Don Garcie mis dans la bouche on du Misanthrope ou de Jupiter ou de Tartuffe, il y a des couplets charmants dans Don Garcie. […] Il paraît que le personnage du chasseur a été suggéré à Molière par le Roi lui-même quand la pièce, premièrement jouée chez Foucquet, au château de Vaux, fut reprise chez le Roi à Fontainebleau. « Vous en avez oublié un », aurait dit le Roi à Molière en lui montrant M. de Soyecourt. […] L’École des femmes manque d’action ; Lysidas n’oublie pas de le faire remarquer dans la Critique de l’École des femmes. […] Détail secondaire, mais à ne pas oublier. […] Il est infiniment susceptible, et la vanité d’artiste, la plus vive peut-être qui soit, lui fait oublier toute prudence, et l’auteur en lui l’emporte sur l’intrigant, trait extrêmement caractéristique, lorsque sa vanité a reçu une piqûre.

1814. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Et quoi qu’il soit une nature aussi distinguée que cultivée, je ne saurais oublier qu’il est encore un tempérament. […] Non pas que Maurice Magre prêche la haine, la révolte brutale et stérile : il est trop naturiste pour s’oublier jusqu’à blasphémer, il a trop le sens de la vie. […] Griffin, de Gourmont, Kahn, Maeterlinck, Quillard, de Régnier, Retté, Samain, Schwob, Verhaerenb, pour ne citer que les plus connus, et sans oublier Mme Rachilde. […] La vertu, ne l’oublions pas, suppose le génie. — (Décidément, M.  […] Si Proudhon fut un philosophe, un spéculatif et un logicien, il fut aussi, ne l’oublions pas, un homme politique, un polémiste et un pamphlétaire.

1815. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Des contempteurs de Boileau, peu au fait de l’histoire de notre littérature, ont estimé qu’il n’était ni de bon goût ni généreux d’attaquer des poètes obscurs, et d’entretenir la postérité des ridicules de poètes oubliés. Obscurs et oubliés, oui ; mais à quoi le doit-on, sinon aux doctrines qu’a fait prévaloir Boileau ? […] On oublie que le même homme, invitant ailleurs le poète à s’accoutumer aux difficultés de la rime, dit que, par l’habitude de la bien chercher, Au joug de la raison sans peine elle fléchit, Et, loin de la gêner, la sert et l’enrichit124 . […] Ni la subtilité d’Aristote, ni cette philosophie de l’art, où ce grand homme semble vouloir donner la raison de la raison, n’eussent été de mise là où il suffisait de quelques principes simples, éternels, ou plutôt de quelques-uns de ces mots qui contiennent en eux tout un ordre de vérités, raison, vrai, langue, perfection ; mots de ralliement pour l’esprit humain, aux époques où il oublie ses propres lois et perd l’idée de sa grandeur. […] Ce satirique, qui fustige les vices d’autrui, ne s’aperçoit pas qu’il oublie son fouet dans les mauvais lieux.

1816. (1933) De mon temps…

Malgré les agacements que lui avait causés la publication du Journal, pouvait-elle oublier que les deux frères avaient été de ses familiers et qu’elle avait été pour eux une protectrice et une amie ? […] Mais, elle y est. » Villiers n’oubliait pas que Mendès l’avait traité de « demi-génie ». […] Aucune occasion de fête ou d’anniversaire n’était oubliée. […] J’ai encore présent à la mémoire, si lui l’a sans doute oublié, le jour où il me signala un livre qui venait de paraître récemment et pour lequel il ressentait une vive admiration. […] Je n’avais pas oublié les paroles bienveillantes que m’avait adressées le souverain et celles qu’y avait ajoutées la souveraine avec la bonne grâce qui s’allie chez elle au charme le plus noblement séduisant.

1817. (1900) La culture des idées

Deux littératures : c’est une manière de dire provisoire et de prudence, afin que la meute nous oublie, ayant sa part du paysage et la vue du jardin où elle n’entrera pas. […] Ayant établi ce qu’ils appellent les lois de l’histoire, et ce qui n’est, en somme, que la coordination logique de leurs désirs, des rêveurs ordonnent avec gravité le lendemain des jours qu’ils auront oublié de vivre. […] L’Angleterre se fait souffrir elle-même pour oublier les blessures qu’elle a reçues de l’étranger et c’est la religion qui a bénéficié de cette longue crise d’orgueil. Oublié dans le reste de l’ancienne Europe ou retourné parmi les peuples latins à l’état de superstition païenne, le christianisme est encore vivant en Angleterre au jour même de l’invasion96. […] Comment oublier que Brougham se prononce Brôme ou que viz se lit nameley : N’exagérons pas cependant l’attrait de ces chinoiseries.

1818. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Puis d’inoffensives foudres aux mains de Zeus nous firent oublier les orages. […] On oublie les antiques figurines, les vieux radotages sentimentaux. […] qu’il est ravissant de voir ce jeune homme, pétri de la terre ancestrale des Gaules, retourner aux sources oubliées de la poésie patriarcale, pour y boire avec élégance et respect. […] Il sait et a la pudeur d’ignorer ; il a cherché les lois, mais pour être innocent comme le monde, il les oublie, et son âme ainsi est suave et forte, et mieux que le vent son chant coule dans la lumière les invisibles semences et conduit sur nos fronts les bienfaits de l’aurore.

1819. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Rigault n’oublie rien, et il découvre chemin faisant beaucoup de choses ; il dessine au passage quantité de figures devant lesquelles on n’est guère accoutumé à s’arrêter, et on emporte l’idée de physionomies nouvelles et distinctes.

1820. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Et ce mot, je ne l’entends pas : Car je suis une faible femme, Je n’ai su qu’aimer et souffrir ; Ma pauvre lyre, c’est mon âme, Et toi seul découvres la flamme D’une lampe qui va mourir… Je suis l’indigente glaneuse Qui d’un peu d’épis oubliés À paré sa gerbe épineuse, Quand ta charité lumineuse Verse du blé pur à mes pieds… Envoyant à M. 

1821. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Dans cette imperfection, à laquelle la nature humaine est condamnée, des qualités fortes et généreuses font oublier des égarements terribles, pourvu que le caractère de la grandeur reste encore imprimé sur le front du coupable, que vous sentiez les vertus à travers les passions, que votre âme enfin se confie à ces hommes extraordinaires, souvent condamnables, souvent redoutés ; mais qui, néanmoins, fidèles à quelques nobles idées, n’ont jamais trahi le malheur, ni frémi devant le danger.

1822. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

Certainement, des sergents comme Hoche, des maîtres d’armes comme Augereau, ont lu plus d’une fois ces nouvelles oubliées sur la table, et les ont commentées le soir même dans les chambrées de soldats.

1823. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Jean Richepin publia son volume des Blasphèmes, on put voir clairement pourquoi il avait oublié le Christianisme et son influence sur les pauvres dont il écrivait l’histoire.

1824. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Renard est un bon observateur, fouilleur et pas gâcheur, qui voit beaucoup, et n’oublie rien, puis qui sait prendre ses trouvailles dans ses deux mains bien fermées, et vous les apporte, sans bousculade, sous les yeux, en frôlant le nez.

1825. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXIV. Conférence sur la conférence » pp. 291-305

Vu cet égal dénuement d’intérêt des diverses manières possibles, il ne restait que d’oublier que cette conférence est le prologue d’une représentation et de l’utiliser à traiter verbalement un sujet agréable ou utile : l’impôt sur les revenus, le pari mutuel, la question congolaise.

1826. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Quant au second Empire, si les dix dernières années réparèrent un peu le mal qui s’était fait dans les huit premières, il ne faut pas oublier combien ce gouvernement fut fort lorsqu’il s’agit d’écraser l’esprit, et faible lorsqu’il s’agit de le relever.

1827. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

Cette assertion a trouvé bien des partisans : mais a-t-on cru aveugler les esprits, au point de leur faire oublier les principes & la vérité ?

1828. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Bientôt on oublia les égards, les ménagemens, les devoirs les plus indispensables dans la société.

1829. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les traductions. » pp. 125-144

L’abbé Desfontaines n’oublia pas de faire valoir ce sentiment.

1830. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Il est permis à un grand maître d’oublier quelquefois qu’il y a des couleurs amies ; Chardin jettera pêle-mêle des objets rouges, noirs, blancs ; mais ces tours de force-là, il faut que M. 

1831. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Le lecteur ne sçauroit avoir oublié déja que lui-même il étoit poete, et qu’il avoit composé plusieurs tragédies à l’imitation de celles des anciens.

1832. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

C’est un livre qui rappelle les romans qu’on écrivait il y a soixante ans, et auxquels le terre n’est pas légère, car elle pèse assez sur eux pour qu’ils n’en sortent pas, et qu’ils soient parfaitement oubliés… Afin de ne pas imiter Mme Sand, l’auteur d’Indiana et de Valentine, ces décrépites à la vieillesse affreuse, et qui aura prochainement le même sert, Mme Craven a sauté par-dessus jusqu’à Mme de Montolieu.

1833. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIV. L’auteur de Robert Emmet »

Cette page, qu’il vaudrait mieux oublier que reproduire, sinon pour Emmet, qui mourut bravement, au moins pour l’Irlande qui le laissa tuer, une femme (car c’est une femme que l’auteur de Robert Emmet) a eu la fantaisie de l’écrire ; et vraiment on se demande pourquoi, à moins que ce ne soit parce qu’il y a une autre femme dans cette histoire.

1834. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

La femme qui vient d’écrire ce livre du Retour du Christ n’est peut-être pas sans croyance, mais elle a un style de Lélia convertie qui n’a pas oublié son ancien langage.

1835. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Ouvrez où vous voudrez ce livre de Louis XVI et sa Cour, et voyez si partout l’écrivain, l’écrivain dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre, ne fait pas descendre l’expression comme la lumière sur les côtés les plus ravalés de ce caractère tout à la fois inerte et brutal, sur cet homme épais, tout physique, qui oubliait son métier de roi dans des métiers mieux faits pour lui !

1836. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Vous revoyez passer la figure déjà dessinée, les mêmes détails, entre lesquels il est bon de ne pas oublier la mort philosophique, sans confession, et le petit éloge de la femme de Marat, épousée devant le soleil et la nature, de cette femme dévouée dont l’Histoire n’aurait jamais parlé sans Michelet.

1837. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Aujourd’hui que l’Empire n’est plus, — ni Sainte-Beuve, — ni Persigny, — ni même sa traduction parfaitement oubliée, — et que la République a pour prétention de nous dégermaniser, souffrira-t-on sans crier la netteté de l’opinion écrite ici sur Gœthe ?

1838. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Pour leur donner vis-à-vis du public plus de solidité et de consistance et piper le bruit, on a écrit au frontispice de ces Mémoires cette ligne majestueuse : « Publiés sous le patronage (on a oublié le mot haut) de M. le duc de Luynes (ce qui fait deux ducs), par MM. 

1839. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

… Il avait une fois appelé Robespierre « l’homme verdâtre », et cela avait touché si heureusement qu’il était impossible de l’oublier.

1840. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Il a passé au microscope, comme deux insectes, ces deux monstres énormes, pour qu’on les vît mieux, — pour qu’on les discernât jusque dans leurs animalcules et leurs derniers atomes… Il n’a oublié ni une goutte de sang, ni une goutté de boue, analyseur patient, minutieux, implacable, d’un dégoût si haut qu’il en est impassible.

1841. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

… Pour eux, Pelletan n’est qu’un vieux jeune homme inconséquent, un bourgeois de 1848, et la preuve, l’opinion que voici : « La France respira — dit-il — sous la République de Cavaignac », et il oublie que ce peuple de Paris, qu’il prend si souvent pour la France, eut le sifflet coupé par le général Cavaignac !

1842. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Balzac, en effet, Balzac est tout entier, de pied en cap, de fond et de surface, dans cette Correspondance, publiée, avec raison, comme le dernier volume de ses Œuvres, — les éclairant par sa personne, — les closant par l’homme, — et démontrant la chose la plus oubliée dans ce temps où le talent voile si souvent la personne de son rayon et lui fait malheureusement tout pardonner, c’est que l’homme égalant l’artiste le rend plus grand et en explique mieux la grandeur.

1843. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Peut-on oublier ces choses-là ?

1844. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Une fois cependant, dans son traité de l’Hygiène de l’âme, cet excellent Feuchtersleben a oublié qu’il était philosophe et que l’épi rebelle de l’hégelianisme passe par-dessous sa perruque, et il a invoqué, le brave homme !

1845. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

En effet, pour l’observateur qui étudie cette étrange figure du Curé d’Ars, avisé, futé, très fin au fond, malgré la sublimité des vertus que son âme avait contractée ; pour qui lit ces réparties spirituellement vengeresses de son humilité, qu’il adressait à ceux qui le persécutaient de leurs compliments et de leurs hommages, et dont l’abbé Monnin, qui n’oublie rien, a égayé doucement son récit, il est hors de doute qu’elle ne mentait pas, cette physionomie de Voltaire, et que, sans Jésus-Christ, le Curé d’Ars aurait été un de ces esprits charmants et mordants comme les aime le monde, au lieu d’être une âme angélique devant Dieu.

1846. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Religieuse envers et contre toutes les philosophies qui l’ont dépravée, la sienne est tellement altérée de la soif du dieu personnel, appelé par lui le dieu inconnu, qu’il en fait incessamment bomber l’idée concrétisée sur le fond voyant de son panthéisme oublié.

1847. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

On n’oublie pas plus les poètes qu’on a lus que les femmes qu’on a aimées… Jules de Gères est un poète.

1848. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Le caractère du génie de Musset, c’est, au contraire, la tendresse, — la tendresse jusqu’au fond de la passion la plus ardente et plus forte qu’elle ; car elle la fond toujours, cette passion, dans une dernière larme52… Et il l’avait tellement, cette tendresse, qu’il en oublia le plus souvent, dans les bras de celles qui l’aimèrent (et même pour cela il n’était pas toujours besoin de leurs bras !)

1849. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Il aurait oublié que l’heure du berger sonnait, en lisant Baruch.

1850. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Or, c’est oublier qu’on a cette âme, quand on se livre avec tant de frénésie au matérialisme de cette poésie toute de forme, désossée tant elle est assouplie, déhanchée et dévergondée comme la danse que j’ai nommée plus haut, et cela étonne d’autant plus dans M. 

1851. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Le violent, l’absolu Richepin, s’est laissé tranquillement châtrer ; mais c’est ici un trait caractéristique de l’espèce d’homme qu’il est que je ne veux pas oublier.

1852. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Sandeau, ce débris de toutes les palettes n’est plus que le fantôme grimaçant et exsangue des fortes vivantes que nous avons admirées et que nous ne pouvons plus oublier.

1853. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

L’ingratitude n’est pas seulement le vice de celui qui outrage son bienfaiteur : ceux même qui gardent le silence et qui oublient, sont coupables.

1854. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Les arts, d’ailleurs, qui jamais n’ont oublié ni leurs bienfaiteurs ni leurs tyrans, les arts lui devaient de la reconnaissance.

1855. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Il ne s’abandonne jamais ; il n’a aucun de ces mouvements qui annoncent que l’orateur s’oublie, et prend parti dans ce qu’il raconte.

1856. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Elle oublie la politique de Chateaubriand. J’ose avoir la crainte ou l’espoir qu’elle oubliera celle d’Hugo. […] Même à cet égard, elle n’est plus si sûre de son fait, et la théorie de la perfectibilité est bien oubliée. […] Elle n’oublie pas absolument ce point. […] Elle élargissait la patrie bien plutôt qu’elle ne l’oubliait.

1857. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Comment se fait-il qu’elle se propage, et quelle est la révolution advenue dans les mœurs qui de toutes parts en ce moment réunit tous les hommes dans un sentiment qu’ils avaient oublié depuis quinze cents ans ? […] On oublie bien vite les fautes de goût qui l’accompagnent, les affectations, le jargon bizarre. […] Je supplie le lecteur de les oublier, de s’oublier lui-même, de se faire pour un instant poëte, gentilhomme, homme du seizième siècle. […] La dame qui jouait le rôle de la reine de Saba arrivait pour présenter des dons précieux à Leurs Majestés ; mais ayant oublié les marches qui menaient au dais, elle renversa ses cassettes dans le giron de Sa Majesté danoise, et lui tomba sur les pieds ou plutôt sur la face. […] Chez d’autres, comme Overbury ou sir Thomas Browne, la poésie déborde dans la prose si abondamment, qu’elle couvre le discours d’images et fait oublier les idées sous les tableaux.

1858. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

J’en sais que vous oubliez, ne fût-ce que les vôtres. […] On se souvient de l’exécution ; on a oublié la musique. […] Par quelle rhétorique naturelle il développait et précipitait ces raisons, et comment l’avocat s’élevait jusqu’aux cimes de l’éloquence politique, il m’est plus aisé de ne pas l’oublier que de l’exprimer. […] Accoutumés, durant toute leur vie active, à lire pour acquérir et pour retenir, quand leur mémoire, comme un vase fêlé, laisse échapper ce qu’ils y versent, comment seraient-ils curieux d’apprendre ce qu’ils sont certains d’oublier ? […] Si je n’en oubliai pas tout à fait le motif premier de ma visite, du moins je n’eus pas un moment l’idée de lui en parler.

1859. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Perdu dans le vaste répertoire de l’Anthologie, ce poète original et exquis y a été longtemps oublié. […] Marie-Louise, dans les premiers temps, oubliait parfois ce chiffre invariable : il lui arrivait de souper encore lorsque sonnait le couvre-feu royal. […] tu vas en repos ; nous demeurons en tribulation et douleur. » Ainsi, la France à l’agonie oubliait de se plaindre pour s’attendrir sur l’insensé qui la faisait mourir. — « Pauvre fou !  […] Comme il doit oublier la grave admonition que lui donna, le jour de son avènement, le prêtre qui, souillant devant lui une torche d’étoupes, chanta par trois fois : Pater Sancte, sic transit gloria mundi ! […] — je taillerais dans mon tablier sanglant— de quoi lui faire un gilet, — afin qu’il n’oubliât jamais — le sang de mon frère, — et que, devenu grand, il fît le massacre ! 

1860. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Involontairement, on songeait à ces retraites enchantées où la magicienne Circé entraînait le divin Ulysse, afin de lui faire oublier la misère du monde réel. […] Je vous signale également un Poème de chair de Cloakes, et n’oubliez pas la Vision barbare. […] Afin d’oublier les nausées de l’insipide corvée conjugale, il a hâte de revoir son ami, ce qu’il aime le mieux au monde. […] Elle avait oublié l’enfant, parce qu’on venait de lui apprendre la mort de son époux, et qu’elle était dolente. […] Il serait injuste, en acclamant le vainqueur de Marignan, d’oublier les collaborateurs obscurs qui ont aidé sa chevaleresque initiative.

1861. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Nous n’oublions plus ce relief qui nous poursuit et nous contraint de le méditer. […] Cette impression fut si forte sur Beyle, malgré ses résistances, qu’il ne l’oublia jamais. […] Ce misérable endroit m’est sacré pourtant. — J’y ai reçu un de ces coups de foudre intellectuel qui ne s’oublient pas. […] Avec elle, toutes les insuffisances de facture sont oubliées. […] Trop souvent les nations comblées sont tentées d’oublier ces vérités.

1862. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Pour tout dire, l’épopée étant destinée à consacrer ce qui est mémorable, refuse d’admettre des choses aussi fugitives que les existences individuelles et que les noms privilégiés par des institutions qu’on change et qu’on oublie. […] Le poète épique, jaloux de leur faire parcourir la vaste carrière qu’il leur ouvre, ne doit donc pas oublier de les tenir en haleine, par l’intérêt, le plaisir, et l’instruction. […] N’oublions pas que Priam vient de reprocher à ce héros, héritier de toute la fierté d’Achille, d’avoir dégénéré de son père : c’est ce mot qui décide de la mort de Priam ; et si ce malheureux prince, au moment où Pyrrhus est prêt à tuer son fils, se fût écrié, songe quelle eût été la douleur d’Achille, si sous ses yeux on eût attenté à tes jours ! […] Son auteur languit oublié, sans récompense, sans autre grâce du ministère qu’une somme de cent francs, dont encore on le réduisit à faire annuellement renouveler le mandat, dénué de secours alimentaires, et méconnu de la propre famille du héros, qu’il avait chanté. […] Quant à la multitude des combats, n’oublions pas que le poète n’en trace pas un dont les circonstances se ressemblent, et qu’il peint une action guerrière dans tous ses modes et dans tous ses hasards.

1863. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Tout le monde en effet a parlé des Précieuses, des dames de Rambouillet et de l’illustre Sapho ; elles ont défrayé des volumes ; mais on n’a oublié que de nous dire ou d’essayer de nous dire ce que c’est que la Préciosité. […] Ils le sont maintenant tout à fait ; ou du moins Boileau, — puisqu’il la date où nous sommes, les deux autres sont morts ; — et ce n’est pas sa faute, si ses successeurs, plus classiques que lui-même, paraîtront avoir oublié sa Lettre à M.  […] Montesquieu, qui doit beaucoup, aussi lui, à l’abbé Dubos, a oublié de s’en souvenir ; — et il s’est contenté de le réfuter. […] De même que Henri III et sa cour a précédé de six mois Hernani sur la scène du Théâtre-Français, de même l’Allemagne a précédé la Préface de Cromwell ; mais, elle l’a précédée de seize ou dix-sept ans, et c’est sans doute pour cela qu’on l’oublie. […] On la suivait elle-même au-delà de ses frontières ; et les Italiens, Beccaria, par exemple, ou Filangieri, n’étaient pas plus oubliés qu’Addison ou que Hume.

1864. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Les couronnes académiques sont d’ordinaire oubliées aussitôt que reçues ; mais celle-ci eut un sort tout différent. […] Soyez, en un mot, de dignes capucins, & n’oubliez jamais qui vous êtes ». […] Pendant que les carmes de Flandre combattoient pour l’ancienneté de leur origine, comme pour leurs autels & leurs foyers, les carmes de France ne s’oublièrent pas. […] Aussitôt que le livre de la Concorde eut paru, Bagnès & ses confrères (car il avoit déjà mis dans ses intérêts une grande partie de son ordre) oublièrent la thèse de Monte-major. […] Les jésuites ne s’oublièrent pas & répondirent : tout ce qu’il y avoit chez eux de gens de mérite voulut se mesurer avec des gens qu’ils sçavoient en avoir beaucoup.

1865. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Bossuet n’oublie pas que nous sommes les créatures de Dieu ; en nous parlant de nos misères, il se souvient de notre origine. […] J’admire aussi ce naturel auquel les contemporains se méprirent à ce point, que l’on s’aperçut à peine des dix années de prédication de Bossuet, et que l’art exquis de Bourdaloue les fit oublier. […] Fénelon a nié ce fait ; il l’avait oublié : son démenti ne peut prévaloir contre Bossuet déclarant vrai ce qui était si vraisemblable. […] Il semble qu’il ne cherche qu’un succès personnel dans un débat de doctrine, et son ardeur à se montrer sous un beau jour lui fait quelquefois oublier ce qu’il se doit à lui-même. […] Là il trouvait abondamment matière à ces peintures de la vie qui remplissent tous ses écrits ; mais, écrivant pour des filles séparées du monde, il les adoucit et les atténue, afin de les approprier à la chasteté de la vie cloîtrée, où l’on ne voit le monde qu’à travers les efforts de détachement pour l’oublier.

1866. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Quoique très fréquent dans la vie courante, il a été oublié par la psychologie. […] On pourrait s’étendre longuement sur ce sujet ; car, quoique les faits soient de toute évidence et d’une expérience banale, la psychologie a tellement négligé le rôle des mouvements qu’on finit par oublier qu’ils sont une condition fondamentale de la connaissance, parce qu’ils sont l’instrument de la loi fondamentale de la conscience, qui est la relativité, le changement. […] Je prie le lecteur de ne pas se laisser dérouter par la phraséologie mystique de cette observation, de ne pas oublier que c’est une Espagnole du XVIe siècle qui s’analyse dans le langage et avec les idées de son temps ; mais on peut la traduire dans le langage de la psychologie contemporaine. […] Aussi chez les maniaques il y a parfois une exaltation extrême de la mémoire ; ils peuvent réciter de longs poèmes, depuis longtemps oubliés. […] Que de noms chacun de nous oublie, et il n’en a cure !

1867. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Ce professeur, en étalant ainsi son principe suprême des arts plastiques, avait seulement oublié un de ces arts, l’un des plus primitifs, je veux dire l’architecture, dont on a essayé de retrouver après coup les types dans les feuillages des forêts, dans les grottes des rochers : ces types n’étaient point dans la nature extérieure, mais bien dans l’âme humaine. » Delacroix part donc de ce principe, qu’un tableau doit avant tout reproduire la pensée intime de l’artiste, qui domine le modèle, comme le créateur la création ; et de ce principe il en sort un second qui semble le contredire à première vue, — à savoir, qu’il faut être très-soigneux des moyens matériels d’exécution. — Il professe une estime fanatique pour la propreté des outils et la préparation des éléments de l’œuvre. — En effet, la peinture étant un art d’un raisonnement profond et qui demande la concurrence immédiate d’une foule de qualités, il est important que la main rencontre, quand elle se met à la besogne, le moins d’obstacles possible, et accomplisse avec une rapidité servile les ordres divins du cerveau : autrement l’idéal s’envole. […] Ce petit mandarin trotte toujours dans la mémoire, et fera oublier le reste à beaucoup de gens. […] Il y a de ces misérables peintres, pour qui la moindre verrue est une bonne fortune ; non seulement ils n’ont garde de l’oublier, mais il est nécessaire qu’ils la fassent quatre fois plus grosse : aussi font-ils le désespoir des amants, et un peuple qui fait faire le portrait de son roi est un amant. […] D’abord le nez est plus large, et la bouche, mobile et irritable, est d’une malice et d’une finesse que le peintre a oubliées. […] Ainsi la tragédie, — ce genre oublié des hommes, et dont on ne retrouve quelques échantillons qu’à la Comédie-Française, le théâtre le plus désert de l’univers, — la tragédie consiste à découper certains patrons éternels, qui sont l’amour, la haine, l’amour filial, l’ambition, etc., et, suspendus à des fils, de les faire marcher, saluer, s’asseoir et parler d’après une étiquette mystérieuse et sacrée.

1868. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Ce serait oublier que joie, tristesse, pitié, sympathie sont des mots exprimant des généralités auxquelles il faut bien se reporter pour traduire ce que la musique fait éprouver, mais qu’à chaque musique nouvelle adhèrent des sentiments nouveaux, crées par cette musique et dans cette musique, définis et délimités par le dessin même, unique en son genre, de la mélodie ou de la symphonie. […] Quand on reproche au mysticisme de s’exprimer à la manière de la passion amoureuse, on oublie que c’est l’amour qui avait commencé par plagier la mystique, qui lui avait emprunté sa ferveur, ses élans, ses extases ; en utilisant le langage d’une passion qu’elle avait transfigurée, la mystique n’a fait que reprendre son bien. […] Si elle change, elle oublie aussitôt qu’elle a changé ou n’avoue pas le changement. […] Ce serait oublier que la plupart des grandes réformes accomplies ont paru d’abord irréalisables, et qu’elles l’étaient en effet. […] Nous y consentirions peut-être s’il était entendu qu’un philtre magique nous le fera oublier, et que nous n’en saurons jamais plus rien ; mais s’il fallait le savoir, y penser, nous dire que cet homme est soumis à des supplices atroces pour que nous puissions exister, que c’est là une condition fondamentale de l’existence en général, ah non !

1869. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

C’est par de telles études préparatoires, quand on ne s’y oublie pas, c’est par de tels ingénieux secrets, longuement médités, que les vrais poëtes savent ressaisir, d’un puissant effort, les langues et les styles aux âges de décadence, parviennent à les arrêter au penchant, ou même leur font remonter avec honneur les pentes glorieuses. […] Il oubliait un peu que Socrate déjà avait dit qu’il était impossible de vaquer aux choses publiques en honnête homme et de s’en tirer sain et sauf, et que Simonide avait déjà déploré amèrement la misère de la race des hommes ; ou plutôt il ne l’oubliait pas, mais il croyait qu’à travers ces plaintes et ces écueils inévitables, il y avait lieu, en ces temps-là, de vivre d’une vraie vie, au lieu d’être, comme aujourd’hui, jeté dans le monde des ombres.

1870. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« — Il y a longtemps que j’ai entendu dire que Kriemhilt ne pouvait oublier ses afflictions de cœur. […] Je vous reconduirai avec honneur ou je souffrirai la mort, et pour vous j’oublierai ma profonde douleur. […] Croyez-y tant que vous voudrez, mais n’oubliez pas que trop espérer n’est pas plus permis à l’humanité que trop craindre, et quel que soit l’enthousiasme de l’esprit humain, il est constamment borné par trois terribles conditions de sa nature, la brièveté de la vie, la rotation éternelle des choses, et la courte étendue de l’espace et du temps que Dieu a accordé à l’homme.

1871. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Puis on l’a oublié. […] Il oublie le flottant, le vague, l’imprécision, la fuite et la transformation des choses. […] Il l’a découvert dans le roman russe, vous n’avez pas oublié avec quel succès.

1872. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Il oublie que l’exemple des plus grands maîtres, en théorie, ne vaut pas contre la vérité ; il oublie encore que ces artistes ont usé de la description fort rarement ; qu’ils n’ont jamais fait la description pure, mais seulement comme une préface à des expressions ; que les Saisons resteraient un chef-d’œuvre sans les imitations, assez pauvres, qu’elles contiennent ; que Haydn, mourant, regrettait avoir suivi la mode en employant ces imitations ; que Beethoven, enfin, dans la Symphonie pastorale, — son œuvre la plus faible, — a voulu, clairement, peindre les émotions d’un amant devant la nature champêtre. […] Pour terminer, les lignes suivantes : Il serait injuste d’oublier le public de la Monnaie, si respectueux, pour une œuvre qui devait le surprendre et si intelligent dans son appréciation d’une musique absolument nouvelle pour ses oreilles.

1873. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

le mépriser et le haïr ; je le revois tel que je l’ai connu jadis, avant les années terribles, au jour des enthousiasmes sans restriction, je me reprends à l’aimer comme je l’aimais alors, et je salue son glorieux front mort. »   Nous devons oublier la Capitulation ; mais cet oubli même est-il nécessaire ? […] Malade, il oubliera les besoins de la santé, éprouvera plus grande la joie de se voir fort et jeune, dans la jeunesse et la vigueur de son fils. […] Par elle, nous oublions le besoin pernicieux d’aimer, livrant nos travaux, sans arrêt, dans le sommeil ininterrompu de nos cœurs.

1874. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIVe entretien. Épopée. Homère. — L’Odyssée » pp. 445-524

Il en était de même aussi pour les moissons et pour les foins ; chacun avait sa fonction proportionnée à son sexe, à sa force, à son aptitude, à ses années : les uns maniaient la faux à l’heure de la rosée ; les autres, la faucille à l’heure où la paille sèche brûle la plante des pieds ; ceux-ci nouaient la gerbe, ceux-là la chargeaient sur les chariots ; les jeunes filles éparpillaient sur la pelouse tondue le sainfoin coupé et suspendu aux dents de bois de leur râteau ; les enfants, les glaneuses cueillaient çà et là les épis et les herbes oubliés, pour en rapporter de maigres fascines sous leurs bras ; d’autres se suspendaient à droite et à gauche aux ridelles du char pour le tenir en équilibre dans le chemin raboteux et pour empêcher le monceau d’épis de crouler en route avant d’arriver aux granges. […] — Ce seraient deux mauvais sentiments, reprit ma mère ; la vanité doit s’oublier quand le cœur est brisé par une perte du cœur, et, la douleur étant dans les desseins de la Providence une loi de la nature, il n’y a point de lâcheté à pleurer ceux qu’on aime ; mais il y a orgueil ou hypocrisie à se prétendre impassible et à lutter contre sa juste sensibilité. Le seul motif pour se tenir à l’écart ou voilé quand on pleure, c’est de ne pas contrister les autres du chagrin dont Dieu nous afflige. » Mon père, mon oncle applaudirent à cette explication du passage d’Homère. « Et puis vous oubliez, dirent-ils, que Télémaque, à ce moment, voulait cacher sa naissance et son nom ; ses larmes l’auraient trahi. » XVIII « Hélène cependant le reconnaît, continue notre mère ; elle fait part de ses soupçons à Ménélas, son mari. » — « Chère épouse, reprend Ménélas, la même pensée m’occupait au même moment.

1875. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

En voyant repasser devant nos yeux ces images, nous éprouverons à notre tour le sentiment qui en était pour ainsi dire l’équivalent émotionnel ; mais ces images ne se réaliseraient pas aussi fortement pour nous sans les mouvements réguliers du rythme, par lequel notre âme, bercée et endormie, s’oublie comme en un rêve pour penser et pour voir avec le poète. […] Oubliez ce que la physique vous a appris, examinez avec soin l’idée que vous avez d’une note plus ou moins haute, et dites si vous ne pensez pas tout simplement au plus ou moins grand effort que le muscle tenseur de vos cordes vocales aurait à fournir pour donner la note à son tour ? […] Mais il ne faudra pas oublier que la conscience a passé par les mêmes intermédiaires que le psychophysicien, et que son jugement vaut ici ce que vaut la psychophysique : c’est une interprétation symbolique de la qualité en quantité, une évaluation plus ou moins grossière du nombre des sensations qui se pourraient intercaler entre deux sensations données.

1876. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Ainsi, l’on tiendra compte des « primitifs », sans oublier qu’une couche d’acquisitions recouvre aussi chez eux la nature, encore qu’elle soit peut-être moins épaisse que chez nous. On observera les enfants, sans oublier que la nature a pourvu aux différences d’âge, et que le naturel enfantin n’est pas nécessairement le naturel humain ; surtout, l’enfant est imitateur, et ce qui nous paraît chez lui spontané est souvent l’effet d’une éducation que nous lui donnons sans y prendre garde. […] Mais si on laisse de côté la dernière guerre, dont l’horreur a dépassé tout ce qu’on croyait possible, il est curieux de voir comme les souffrances de la guerre s’oublient vite pendant la paix.

1877. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

J’avais bien raison ; car, si je n’avais pas publié alors quelques vers passables, dont on s’est malheureusement souvenu toujours contre moi, ou si je n’en avais publié que de médiocres ou de ridicules, oubliés comme ceux de quelques grands hommes politiques de nos jours, j’aurais pu espérer, comme eux, de passer pour une capacité politique de second ou de troisième ordre dans les fastes de l’heureuse et prosaïque médiocrité. […] Qu’on oublie donc que ces vers parlent de moi ; qu’au lieu de moi, retiré depuis longtemps de la lice, et qui n’ai fait que toucher superficiellement et avec distraction la lyre jalouse qui veut tout l’homme, on suppose un nom véritablement et légitimement immortel ; qu’on se figure, par exemple, que Solon, poète d’abord, et poète élégiaque dans sa jeunesse, puis restaurateur, législateur et orateur de la république athénienne, puis banni de la république renversée par l’inconstance mobile des Athéniens, puis rentré obscurément dans sa patrie, par l’insouciance du maître, y végète pauvre et négligé du peuple sur une des montagnes de l’Attique ; qu’on se représente en même temps un jeune poète d’Athènes, moins oublieux que ses compatriotes, bouclant sa ceinture de voyage, chaussant ses sandales, et partant seul du Parthénon pour venir visiter bien loin son maître en poésie, relique vivante de la liberté civique ; que Solon reçoive bien ce jeune homme, partage avec lui son miel d’Hymette, ses raisins de Corinthe, ses olives de l’Attique ; que le disciple, revenu à Athènes après une si bonne réception, raconte en vers familiers à ses amis son voyage pédestre, ses entretiens intimes avec le vétéran évanoui de la scène et se survivant, mutilé, à lui-même et à tous dans un coin des montagnes natales.

1878. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Comment pourrais-je oublier jamais cette ode de 1825, à Lamartine, qui éleva mon nom plus haut cent fois que la réalité, sur le souffle d’un tourbillon d’amitié, vent d’équinoxe du printemps, qui prend une feuille et qui la porte aussi haut qu’un astre ? […] Ces vers, lisez, encore une fois, les voici ; j’oublie, en les transcrivant, celui pour qui ils furent écrits, mais jamais celui qui les écrivit : Ode à M. 

1879. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Aucun d’eux n’est oublié ; ils trouvent tous dans la gratitude de leur maître une aisance assurée pour le reste de leurs jours. […] On en retrouve des preuves dans ce testament écrit à loisir où nul n’est oublié ni devant Dieu, ni devant les hommes, de tous ceux qu’il a aimés sans acception de rangs, de professions, de situations plus ou moins profanes, en contraste avec sa profession de cardinal ministre ; il fait un signe de l’autre côté de la tombe, pour dire : « Je vous aime comme je vous ai aimés. » Nous n’en citerons que deux exemples : Cimarosa, le fameux musicien de Naples, qui par ses opéras égala au commencement du siècle ce messie de la musique, Mozart, et qui ne chercha dans la musique que l’organe le plus pénétrant de son cœur.

1880. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Ces adorateurs de la matière ont oublié qu’à côté et au-dessus de la matière il existe une puissance éternelle, la pensée, la pensée qu’ils reconnaissent en eux et qu’ils se refusent à reconnaître dans son divin principe, Dieu ! […] Ils ont oublié la moitié supérieure de l’univers et ils ont dit : « Voilà du mouvement, voilà de vils éléments matériels en circulation et en combustion, voilà des balances, voilà des poids dans ces balances, voilà des pesanteurs et des gravitations !

1881. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Il s’émerveillait de ce que sept trous dans un roseau, ouverts ou fermés au caprice des doigts, faisaient tant de plaisir à l’oreille, disaient tant de choses au cœur, et il oubliait presque d’en toucher ses bœufs, qui marchaient d’eux-mêmes. […] Je jouai donc l’air à nous deux, avec autant de mémoire que si nous venions de le composer, sous la geôle, et avec autant de tremblement que si notre vie ou notre mort avait dépendu d’une note oubliée sur les trous d’ivoire du chalumeau ; je jetais l’air autant que je pouvais par la lucarne, pour qu’il descendît bien bas dans la noire profondeur de la cour et qu’il n’en tombât pas une note sans être recueillie par une oreille, s’il y avait une oreille ouverte, dans cette nuit et dans ce silence des loges de la prison.

1882. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Cyrus, le libérateur des Hébreux, le glorieux époux de Marie-Louise, sortant de son palais avec son enfant, héritier de la terre, sur ses bras, et le bourreau du genre humain, se heurtèrent face à face sous le même style, comme le oui et le non, comme la foi et l’apostasie sur la même bouche ; il voulut faire oublier, par l’audace sans péril de cet attentat de plume, qu’il avait été l’émigré pardonné, l’envoyé de confiance à Rome et à Sion de cet usurpateur, le protégé confidentiel de ce Cyrus, restaurateur des autels. […] — C’est, répondit-elle, parce que M. de Chateaubriand est mon ami, et que M. de Lamartine est mon héros. » Ce mot est trop flatteur pour que je l’aie oublié, jailli d’une telle bouche, à une époque surtout où la fortune ne paraissait me préparer aucun rôle héroïque ; mais les femmes ont plus que nous dans leur cœur la prophétie de nos destinées.

1883. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

C’est là le glas funèbre que ne me font pas oublier toutes ces harmonies qui s’élèvent des Arabes ou des Persans, ou des châteaux du Moyen-Âge. ou des cathédrales gothiques. […] Goethe est trop occupé des mille petits accidents intimes de sa vie, de tous les petits ruisseaux qui ont amoncelé peu à peu dans son cœur la source d’où Werther a jailli : il oublie les causes générales et les horizons éloignés d’où ces ruisseaux découlaient.

1884. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Elle ne parlait à personne, personne ne songeait à elle, son histoire était évidemment oubliée. […] Je n’oublierai jamais la fille de Marzin, le menuisier de la Grand’Rue, qui, folle aussi par suppression de sentiment maternel, prenait une bûche, l’emmaillotait de chiffons, lui mettait un semblant de bonnet d’enfant, puis passait les jours à dorloter dans ses bras ce poupon fictif, à le bercer, à le serrer contre son sein, à le couvrir de baisers.

1885. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

On a connu des voyants de l’histoire qui par une sorte d’instinct ont su deviner des faits oubliés ou cachés, dont ils auraient été parfois bien embarrassés de démontrer la réalité que l’avenir cependant a mise hors de doute. […] Mais aussi, ce qu’on oublie trop, elle peut être un prolongement logique du réel, une construction ayant ses fondations dans un terrain solide en même temps que son faîte dans les nuages.

1886. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Leur parenté première avait été depuis longtemps oublies ; les Romains étaient sémitisés par le sang, hellénisés par l’esprit : or les Hellènes eux-mêmes, depuis la chute de Lacédémone, n’étaient plus de purs Aryens. […] On croyait en Allemagne se rapprocher plus d’une compréhension vivante et vraie de Shakespeare qui était presque oublié sous la domination de la civilisation française.

1887. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Mais on l’a oublié, et on a réalisé cette abstraction ; on a déclaré que cette résultante est un antécédent nécessaire. […] On a, on général, fixé son attention sur l’ajustement mécanique et l’on a oublié les sensations qui le guident.

1888. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

De tirade en tirade, Desroncerets oublie l’heure et laisse partir le convoi. […] Je n’ose devant vous regarder la lumière Mais toi, de qui ce fer allait percer le coeur, Oublieras-tu jamais mon crime et ma fureur ?

1889. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Même, avant de partir, elle prend le soin de rassurer ses bons amis sur son avenir : en renvoyant ses trois cent mille francs à M. de Thonnerins, il se trouve qu’elle a oublié la moitié de la somme, — qui sait ? […] N’oublions pas la douce Marcelle, cette figurine d’innocente qui, jetée au milieu des scandales du salon borgne de son ignoble tante, a l’étrangeté mélancolique d’un portrait de madone pendu dans la chambre d’une courtisane espagnole.

1890. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

N’oublions pas que toute représentation d’un mouvement, si elle n’est refrénée, entraîne la complète exécution de ce mouvement, grâce aux lois de contagion et de propagation nerveuse. […] Toutefois, ne l’oublions pas, la notion mécanique des forces et de leur composition, avec le parallélogramme où elle s’exprime, est toute symbolique, malgré son utilité pratique et la part de vérité qu’elle renferme.

1891. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1855 » pp. 77-117

* * * — La loi moderne, le Code, dans la réglementation des choses intéressant la société actuelle, n’a oublié que l’honneur et la fortune. […] Je n’oublie pas le très bénin Jupiter de notre bande, le roi constitutionnel de nos jeux, « le père Pourrat », le précepteur de Louis, qui avait l’intelligence de nous montrer parfaitement à jouer et le bon esprit de s’amuser avec nous, autant que nous, — affligé du seul défaut de nous lire sa fameuse tragédie intitulée : Les Celtes.

1892. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Le mouchoir autour du cou fait oublier les diamants possibles. […] Et celles-ci étant l’équivalent non de l’idée, depuis longtemps oubliée, mais des premiers mots dans laquelle elle était conçue, il suit qu’elles paraîtront d’habitude imprévues, incohérentes, neuves et curieuses aux personnes habituées à penser en pensées.

1893. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

Les proscriptions de Rome sous les Marius et sous les Sylla sont atroces, mais ces proscriptions mêmes font partie de l’histoire de Rome et défient la mémoire d’oublier le nom de cette tragédienne du vieux monde. […] Oubliés comme moi dans cet affreux repaire,         Mille autres moutons, comme moi Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire,         Seront servis au peuple roi.

1894. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Et même, à ne parler qu’élégies, il ne faut pas oublier que, dans l’intervalle d’André Chénier à Musset, Byron est venu.

1895. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803 » pp. 2-15

Dans la suite, toutefois, ne l’oublions point, ce premier et ce deuxième homme en Chateaubriand se compliquèrent d’un troisième, je veux dire de l’homme politique.

1896. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

En ces longs jours de juin, ne l’oublions pas, la nuit ne commence que vers neuf heures, et l’on avait toute latitude pour opérer.

1897. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Le Clerc en parlant ainsi oubliait que pendant longtemps son principal titre, à lui-même, était d’avoir donné un texte, une édition de Cicéron.

1898. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

« Et l’on vit les enfants du peuple lever le bras contre le peuple, égorger leurs frères, enchaîner leurs pères, et oublier jusqu’aux entrailles qui les avaient portés. 

1899. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Les développements considérables que reçut Bug-Jargal sous sa dernière forme ont amené quelques défauts de proportion qui jurent avec l’encadrement primitif du récit, lequel, on ne doit pas l’oublier, se débite de vive voix, en cercle, à un bivouac.

1900. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Jules Lefèvre, méditant ses poëmes du Parricide et du Clocher de Saint-Marc, s’appliquait aux langues, aux littératures étrangères ; tout ce qu’il y a de poëtes anglais, allemands, italiens et espagnols, lui devenait familier ; il ne s’en tenait pas aux illustres, il s’inquiétait même des plus obscurs et des plus oubliés, comme M.

1901. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Ce fut là le côté sérieux et digne de Victorin Fabre ; les exagérations trop fréquentes de son biographe ne nous le font pas oublier.

1902. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

Entre les illustres professeurs qui, dans les jours laborieux d’alors, maintinrent à eux trois, au cœur des écoles, l’indépendance et la dignité de la pensée, il en est un autre que personne assurément n’oublie et qu’il m’est inutile de nommer264.

1903. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

« L’Assemblée (constituante) abolit toutes les distinctions honorifiques, toutes les armoiries, jusqu’aux titres insignifiante de monsieur et de madame, locutions de pure courtoisie, si l’on veut, mais qui, réunies à d’autres semblables, rendent plus douces les relations ordinaires de la vie, et entretiennent cette urbanité de mœurs que les Français désignaient par l’expression heureuse de petite morale. » Notez ce mot en passant, MM. de l’Académie ; et vous tous qui étudiez l’histoire, n’oubliez pas que l’Assemblée constituante abolit les titres de monsieur et de madame.

1904. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Il croit par là embarrasser beaucoup ses adversaires ; mais il oublie trop que nous-mêmes n’avons jamais préconisé les théâtres étrangers actuels, et que, si nous avons proposé Shakspeare Gœthe et Schiller, non pas à l’imitation, mais à l’admiration, à la méditation de nos poètes, nous avons les premiers signalé, à l’occasion du théâtre anglais, cette manie d’importations exotiques, de vaudevilles lourdement travestis, dont l’académicien voyageur semble tirer un sujet de triomphe.

1905. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

La douleur du père, son indifférence aux bruyantes orgies de la setch qu’il entend à peine gronder autour de lui, ses courses solitaires à la chasse, où il oublie de décharger son arme et où il passe des heures assis près de la mer, sont décrites avec une énergique vérité.

1906. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Depuis, la décadence a tout envahi : beaucoup de lois et beaucoup de corruption ; des mesures engendrées par les dissensions, arrachées par la violence et dictées par l’ambition, la haine et la jalousie contre les hommes éminents ; les Gracques, les Saturninus et les Drusus, ces agitateurs du peuple ; la corruption et les prétentions insolentes des alliés ; la guerre Italique, puis les guerres civiles ; le bien public oublié et les lois faites à cause des hommes et non pour la République ; enfin, le mépris des coutumes et du droit, jusqu’à ce qu’Auguste donne un corps de lois, qui aboutit à la délation, à la confiscation et à la terreur (terror omnibus intentabatur).

1907. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Il n’est pas probable toutefois qu’ils oublient l’écrivain qui a donné le plus de chaleur, de force et de vie à la parole ; l’écrivain qui cause à ses lecteurs une émotion si profonde, qu’il est impossible de le juger en simple littérateur.

1908. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Si l’on disait en français précisément les mêmes mots, la table est remplie, le plus grand acteur du monde ne pourrait, en les déclamant, faire oublier leur acception commune ; la prononciation française ne permettrait pas cet accent qui rend nobles tous les mots en les animant, qui rend tragiques tous les sons, parce qu’ils imitent et font partager le trouble de l’âme.

1909. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre III. De l’émulation » pp. 443-462

À peine est-il possible, dans les ouvrages d’imagination, dans ce domaine de l’invention que la puissance légale abandonne, à peine est-il possible d’oublier que l’amusement du maître et de ses courtisans est le premier succès qu’il importe d’obtenir.

1910. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Le genre humain misérable et damné, comme le peuple de France déguenillé et hâve, doit se résigner à sa condition, obéir avec amour, s’oublier dans la contemplation de la splendeur royale et du pompeux établissement où il est compris.

1911. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Voilà le bon et le vrai lyrisme : et c’est pourquoi il ne fallait pas oublier le pauvre diable qui, le premier chez nous, dans la laide et vulgaire réalité de cette vie, a recueilli un peu de pure émotion poétique.

1912. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Sans doute elle n’oublie jamais son rôle et ses intérêts d’impératrice ; elle se sert de Voltaire pour tromper le monde.

1913. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Ce qui, dans le premier moment, n’est qu’instinct brutal, est poésie à son dernier terme, et cette poésie peut être si haute qu’elle fasse oublier absolument ses humbles origines.

1914. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Ernest Renan, le Prêtre de Némi. »

On oublie toujours que, dans l’ordre moral, nous ne pouvons avoir de certitude proprement dite, mais seulement le désir ou plutôt le besoin que ce que nous jugeons le meilleur existe  besoin dont l’intensité se traduit en affirmation.

1915. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Il ajoute : « Si vous ne pouvez pas m’aimer, laissez-moi partir ; j’irai je ne sais où, vous oublier, vous haïr.

1916. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

N’oubliez pas que tout le reste de la pièce était en prose improvisée.

1917. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Les partisans de la morale sociologique oublient que le problème moral est un problème de valeur et qu’un pareil problème ne peut être solutionné au moyen de considérations purement objectives.

1918. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Le monde, distrait par d’autres spectacles, n’a nulle connaissance de ce qui se passe en ce coin oublié de l’Orient.

1919. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Nous oublions que cela suppose le monde renversé, le climat de la Virginie et celui du Congo modifiés, le sang et la race de millions d’hommes changés, nos complications sociales ramenées à une simplicité chimérique, les stratifications politiques de l’Europe dérangées de leur ordre naturel.

1920. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Il s’y installa comme un des leurs ; Capharnahum devint « sa ville 419 », et au milieu du petit cercle qui l’adorait, il oublia ses frères sceptiques, l’ingrate Nazareth et sa moqueuse incrédulité.

1921. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Elle ne prétendait pas faire oublier madame de Montespan par les saillies, par les moqueries, par les imitations chargées ; mais elle faisait sentir au roi un intérêt de cœur, elle lui faisait pressentir des jouissances inconnues, elle excitait dans son âme la puissance des sympathies ; la glorieuse, l’amante de la considération s’entendait bien avec l’amant de la gloire sur la valeur de cette jouissance, sur les moyens de se l’assurer.

1922. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

. — Serpens non fit Draco, nisi comederit serpentes, disent les Bestiaires du moyen âge : « Le serpent ne devient Dragon que lorsqu’il a mangé des serpents. » De même la Chimère de crimes que représente la race de Pélops s’est formée sans doute par des absorptions de monstruosités oubliées.

1923. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

On n’a pas oublié les ravissantes pages qu’il a mises en tête de son étude sur Jacqueline, sœur de Pascal ; il y a tracé avec amour tout un projet de galerie brillante.

1924. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Schérer, esprit philosophique, séduit par les analyses méticuleuses et exactes de Georges Elliot au point d’en faire « la plus grande personnalité littéraire depuis Gœthe », oubliera entièrement Balzac, ou, s’il rencontre chez Victor n’aime Hugo (qu’il pas) l’éloge de Balzac comme d’un « grand esprit », verra là une « exagération burlesque ».

1925. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

Ce cardinal, dont la grande ame étoit flattée de faire la fortune de tous ceux qui s’attachoient à lui, n’oublia pas l’abbé d’Aubignac, qui sçut lui faire assidument sa cour, & plaire à son élève.

1926. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

vous avez oublié, Dans cette longue kirielle, De placer le mot d’amitié.

1927. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Un grand seigneur, après l’avoir entretenue quelque temps, ayant rompu avec elle, & lui ayant envoyé une femme assez considérable, avec prière d’oublier son cher comte, elle confia son embarras à notre philosophe.

1928. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

On peut aussi, par l’association des signes, réveiller la mémoire des signes oubliés : un aphasique, qui répétait indéfiniment « tout de même », et pas autre chose, pouvait réussir à prononcer quelques mots, à condition qu’on les fit précéder du mot tous.

1929. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre septième. »

Oublierait-il sa femme ?

1930. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

Un poète avec quelques vers passe à la postérité, immortalise son siècle, et porte à l’avenir les hommes qu’il a daigné chanter sur sa lyre : le savant, à peine connu pendant sa vie, est oublié le lendemain de sa mort.

1931. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Je n’aurois pas dû oublier pourtant la Comtesse de Gondez : ouvrage intrigué avec art & écrit avec délicatesse.

1932. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

En voulez-vous encore des témoins irrécusables : voyez ces jeunes débauchés qui semblent se parer du mépris public ; voyez ce marquis de Moncade, qui oublie sa dignité pour réparer sa fortune.

1933. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

… Eh bien, c’est de cette édition, nécessaire et oubliée, que je voudrais donner l’idée aujourd’hui, en parlant de de Staël, — de cette adorable et admirable femme, à laquelle la littérature féminine n’a rien à comparer dans aucun temps, et surtout dans celui-ci, où les femmes qui se mêlent d’écrire se donnent des airs d’homme si prodigieusement ridicules, que c’est à nous faire prendre des jupons, à nous autres… pour ne pas leur ressembler !

1934. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XV. Mme la Mise de Blocqueville »

La couleur des burnous est oubliée !)

1935. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Je ne reconnais plus la fille de la race d’Ivan le Terrible, — cette fille qui s’annonçait si bien, — qui (dit-elle) aurait tué un jour, aussi simplement qu’on avale un verre d’eau, un de ses frères, si on n’avait pas oublié les pistolets des fontes de la selle, — parce qu’en sautant une rivière, il avait pu voir qu’elle avait eu peur… Quelle débâcle de caractère quand il s’agit d’un livre !

1936. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Il faut le rappeler à ces dames, puisqu’elles l’oublient ; les femmes ne font rien toutes seules… et Mme Gustave Haller aurait pu s’asseoir sur tous les bluets de la création qu’elle n’aurait pas pondu le sien.

1937. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

À travers ses compilations d’histoire et de voyages, écrites sans expression et sans couleur et où un déisme insignifiant est affirmé comme pour couvrir des marchandises suspectes, on sent le libre penseur qui, au tournant d’une phrase, salue presque respectueusement le honteux, grotesque et simiesque Darwin, — la Bête du temps, — et on croit ailleurs deviner çà et là le positiviste très peu positif qui se dissimule… Au vague de son esprit, sans conclusion comme sans vue fixe, Faliés ajoute le vague des doctrines, et si, parmi les civilisations qu’il pouvait étudier et dont il a oublié les principales, il a choisi (pour parler comme lui) les civilisations américaines, c’est qu’il a obéi — la chose n’est pas plus grosse que cela — au hasard de ses lectures et à la préférence de ses admirations.

1938. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Que la Critique ne l’oublie pas : malgré les encharmements de la Correspondance de Joubert, sa supériorité distinctive, absolue et qu’il porte jusque dans cette Correspondance, c’est la pensée, l’intuition, l’aperçu sur toutes choses, le fruit qui tombe du tronc caché, la lueur qui filtre comme d’une étoile de cet esprit haut, sans vapeur, et qui a jusque dans la rêverie la clarté du jour.

1939. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

Aujourd’hui, s’il faut s’en rapporter à ce voyageur, qui traite familièrement les poètes de détraqués, il n’est plus rien de tout cela, ou, si cette terre du Progrès, de la Raison positive et de l’Argent, s’oublie encore à produire de ces choses misérables et charmantes, si elle a encore de ces distractions, tout fait espérer que sous peu le progrès l’emportera, et qu’elle marchera à l’accomplissement de la seule mission qu’il y ait pour l’humanité sur la terre : « Faire des écus et les employer à en faire d’autres, pour que la femme, cette lorette du concubinage légalisé, les dépense ! 

1940. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Mais au xviie  siècle, après deux cents ans de protestantisme, de ce protestantisme l’inventeur de cette guerre de textes qui continue, et qui aboutit en France à des Renan et à des Soury, il fallut se remettre en garde contre une légende oubliée que Rhoïdis, ce Soury grec, veut faire passer pour une histoire… et cette légende fut coulée à fond !

1941. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Henri Martin n’est pas de ceux-là qu’on puisse oublier quand on s’occupe de la bibliographie contemporaine.

1942. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Le malheureux et oublié Vitet a fait autrefois des Scènes historiques, Rémusat, son digne collègue à l’Académie et dans l’oubli, en a fait aussi.

1943. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Mais n’ayant rencontré, quand il tenta de pénétrer en France, que François Ier paganisé par la Renaissance, l’allié du Turc, le lecteur passionné de Rabelais et d’Érasme et le protecteur de Marot, flottant inconséquemment des bûchers allumés à des bûchers éteints, et du châtiment des Vaudois au repentir qu’il en exprima en mourant, le Protestantisme envahit bientôt, malgré la sécheresse de sa doctrine, un pays où il n’avait eu pour lui d’abord que les moqueries païennes de ses écrivains et l’attrait (lamentable toujours en France) de sa nouveauté… Révolté, dans son âme de moderne, contre la rigueur d’un temps qui avait une foi ardente et des mœurs séculairement chrétiennes, néanmoins catholique à ce point qu’il répète qu’il l’est incessamment dans son histoire, parce qu’il sait trop qu’on pourrait l’oublier, M. de Meaux ne paraît pas avoir compris que plus tard encore il était possible d’arrêter le Protestantisme envahisseur, comme l’Église, dans d’autres temps, avait arrêté l’Hérésie.

1944. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

mais le prêtre, qui s’est oublié, a été vengé par l’artiste qui n’a pas paru, car au : fond rien du talent d’autrefois du R. 

1945. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Mais l’avenir s’en chargera, et la renommée, qu’on arrange pour lui aujourd’hui, disparaîtra bientôt, dernière muscade sur laquelle il ait oublié de souffler !

1946. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan a oublié.

1947. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

Assurément les prêtres ont le devoir et le droit d’écrire les annales de l’Église et la vie de leurs Saints, et le cardinal Pitra nous a montré comme ils s’y prennent quand ils se mêlent de les écrire ; mais de Maistre et de Bonald étaient des laïques, et quel prêtre de ce temps a plus mérité de l’Église que ces cardinaux… oubliés ?

1948. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Quinet n’était pas de force, comme M. de Vigny, à attacher un rayon oublié par Milton, sont des êtres surnaturels et symboliques, des généralités exsangues, aussi froides et aussi vides, aussi impersonnelles enfin, que si vous les nommiez la Sagesse, la Beauté, la Force physique, la Perversité.

1949. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

J’ai cru pourtant qu’il la tiendrait, quand j’ai vu sa madame Maubrel, après la mort de son mari, tué, comme il avait vécu, pour les besoins de la situation, chercher partout, avec l’acharnement d’une âme profonde qui n’oublie pas, et pour lui faire expier son crime, l’insolent farfadet qui l’a outragée ; — car il s’en est allé, il a disparu comme un farfadet !

1950. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Seulement, n’oublions pas cette particularité : si M. 

1951. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

On dirait que, dans le plaisir qu’il éprouve à s’abandonner à sa prodigieuse verve, l’auteur oublie de douer ses personnages d’une vitalité suffisante.

1952. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

On n’a point encore oublié, au bout de cent ans, l’impression terrible qu’il fit, lorsqu’après un morceau plus calme, il s’écria tout à coup : « Ô nuit désastreuse !

1953. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Et cette foule vivante se grise et oublie. […] La noblesse et le clergé, il les jugea d’un mot : « Ils ont », disait-il, « oublié ce principe : Res eodem modo conservantur quo generantur… Les fortunes se conservent par les mérites qui les ont acquises. » Quant aux utopies des démocrates, il n’y croyait point. […] Il l’obtient, et aussitôt sa vie d’hier est oubliée. « Maintenant », écrit Mme de Lamartine, « il ne songe qu’à la concession. […] Je n’ai pas oublié le jour, je n’ai pas oublié l’heure… » Et il lui saisit le poignet : « Je vous tiens et je vais vous garder le temps de vous dire que vous êtes un lâche, le temps de vous gifler et de vous botter, si vous n’êtes pas un lâche jusqu’au bout, si vous ne m’écoutez pas vous insulter comme j’ai besoin et envie de le faire, parce que vous m’êtes tombé sous la coupe… » Vous souriez devant cette folle réapparition de la colère de l’enfant chez l’homme fait. […] Le morceau de Pétrone sur la vie privée des Romains irrite plutôt qu’il ne satisfait notre curiosité… Peut-être pouvais-je arriver à écrire cette histoire oubliée par tant d’historiens. » En second lieu, la société moderne, pareille sur ce point à toutes les sociétés démocratiques, est peu favorable au développement des personnalités très intenses et très vigoureuses.

1954. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

« Je n’oublierai jamais surtout, disait-il, le jour où je lui ai dit adieu. […] Nisard a oubliés dans une première édition, et il les a oubliés uniquement parce qu’ils n’étaient pas sur la grande route ; mais quand on lui a fait remarquer cet oubli, il n’a eu garde d’en convenir et de revenir. […] Je vous assure avec toute sincérité que cette amitié est d’assez bon aloi pour trouver une vive satisfaction dans ces pensées ; et pourvu que vous ne nous oubliiez pas, ce que je sais que vous ne ferez point, nous nous tenons pour satisfaits.

1955. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Là il serait demeuré, torturé par son humeur diabolique, affamé de mettre au pilori et de mutiler les protestants, tourmentant les cavaliers, faute d’autres, par sa sottise et son aigreur, s’acquittant dans la cathédrale de ses génuflexions et de ses grimaces, continuant cet incomparable journal que nous ne regardons jamais sans que l’imbécillité de son intelligence nous fasse oublier les vices de son cœur, notant minutieusement ses rêves, comptant les gouttes de sang qui coulaient de son nez, surveillant de quel côté tombait le sel et écoutant les cris de la chouette. […] La Réforme, dit-il ailleurs, est un événement depuis longtemps accompli ; ce volcan a épuisé sa rage ; les vastes ravages causés par son irruption sont oubliés. […] Il n’a rien oublié ; il les parcourt aussi aisément, aussi complétement, aussi sûrement que le jour où il les a énumérés et écrits. […] Par degrés, il arrive à oublier entièrement l’infamie des moyens en considérant l’excellence de la fin, et accomplit sans un seul remords de conscience des actions qui feraient horreur à un boucanier.

1956. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

12 janvier Je pense que la meilleure éducation littéraire d’un écrivain, serait, depuis sa sortie du collège jusqu’à 25 ou 30 ans, la rédaction sans convention de ce qu’il verrait, de ce qu’il sentirait… rédaction dans laquelle il s’efforcerait d’oublier le plus possible ses lectures. […] Il est si bon, au milieu de cette nerveuse et tourmentante carrière, de s’oublier un instant, et de bêtifier comme des gens qui ne font pas métier d’avoir de l’esprit ! […] J’oubliais. […] Il y a un ordre froid, une symétrie inanimée, rien ne flâne, rien ne traîne, rien ne met aux meubles la trace d’un hier à vous, un livre, un objet oublié.

1957. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Ceux qui parlent ainsi oublient que c’est traiter un grand écrivain de pasticheur, c’est-à-dire, nier, par la formule même qui veut l’expliquer, et son génie et son talent. « Tout simplement, conclut M.  […] Albalat oublie de préciser ce point délicat. […] Fénelon savait voir ; et quand il avait vu une fois, il n’oubliait plus. […] On peut les souder, sans oublier grandmère et tous ces mots où une apostrophe absurde figurait l’ignorance des anciens grammairiens. […] Il est d’ailleurs difficile d’oublier que ces deux mots sont latins, et qu’à leur suite vient un cantique d’action de grâces qui a une fonction liturgique.

1958. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

En Suède, elle retrouve Bernadotte, ce cadet de Gascogne qui avait si parfaitement oublié ce qu’il devait à son ancien compagnon d’armes. […] On connaît assez la confusion qu’il a commise sur ce point et on n’a pas oublié ces stupéfiantes affirmations : « Nous autres naturalistes, hommes de science. » M.  […] S’il en devait tout au moins le germe au coin de terre où il était né, à la famille où il avait été élevé, ce n’est pas lui qui eût permis qu’on l’oubliât. […] Tu lui dois donc une grande reconnaissance… » Il n’oubliait qu’une chose, c’est la reconnaissance que l’enfant lui devait à lui-même. […] Mais il est à craindre que plus tard Verlaine ne soit pas complètement oublié.

1959. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On a récemment blâmé la périphrase ; on n’oublie qu’une chose : en 1820, à la scène, dans une tragédie, le mot propre pour les objets familiers était tout simplement une impossibilité ; il ne devint une difficulté que quelques années plus tard. […] Celle d’un certain Regnault en 1639, et une autre d’un anonyme en 1734, furent en naissant oubliées.

1960. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cependant, parmi les noms les plus habituellement cités de ces victimes triomphantes, n’oublions pas que Vauvenargues avait trente-deux ans, qu’Étienne de La Boétie en avait trente-trois : ces deux ou trois années de grâce accordées par la nature sont tout à cet âge. […] J’indique seulement les deux extrémités, et je n’oublie pas que dans l’intervalle, entre le Niceron et le Thomas, il y avait place pour l’exquis mélange à la Fontenelle.

1961. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Au plus fort de la bouffonnerie comme au plus fort de la licence, il reste homme de bonne compagnie, né et élevé dans ce cercle aristocratique où la liberté est complète, mais où le savoir-vivre est suprême, où toute pensée est permise, mais où toute parole est pesée, où l’on a le droit de tout dire, mais à condition de ne jamais s’oublier. […] Bien mieux, c’est un imbroglio où l’action surabonde, parmi des intrigues qui se croisent, se cassent et se renouent, à travers un pêle-mêle de travestissements, de reconnaissances, de surprises, de méprises, de sauts par la fenêtre, de prises de bec et de soufflets, tout cela dans un style étincelant où chaque phrase scintille par toutes ses facettes, où les répliques semblent taillées par une main de lapidaire, où les yeux s’oublieraient à contempler les brillants multipliés du langage, si l’esprit n’était entraîné par la rapidité du dialogue et par la pétulance de l’action.

1962. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

dit l’homme de loi, puisque vous n’en appelez qu’au bon Dieu, on vous enverra demain deux commissaires au partage qui limiteront votre quart d’avec les trois quarts revenant par le jugement aux Bardi de Bel-Sguardo ; j’oubliais de vous dire que, par un autre papier que voici, les Bardi, vos parents, ont vendu leurs droits sur l’héritage à Gugliamo Frederici, capitaine des sbires de la ville et du duché de Lucques ; c’est un brave homme avec qui vous pourriez vous accommoder et qui pourra, par charité, vous laisser le choix du quart du domaine qu’il vous conviendra de garder à vous, en réservant de faire valoir ses droits sur les intérêts accumulés, depuis que vous jouissez indûment de la totalité des revenus. […] Est-ce que le bois mort dans les bois de lauriers n’appartient pas à celle qui le ramasse, comme l’épi oublié à la glaneuse ?

1963. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

» CCIII À propos des colombes, ma tante, j’ai oublié de vous dire qu’une idée m’était venue, en quittant Hyeronimo, de me servir de ces doux oiseaux pour nos messages de la tour au cachot et du cachot à ma chambre haute. […] CCXII Le septième jour pourtant nous eûmes deux grandes consolations, car la Providence n’oublie pas même ceux qui paraissent les abandonnés de Dieu.

1964. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Les chefs-d’œuvre que le jeune statuaire avait exécutés pendant ces quatre années avaient fait oublier Donato ; les Médicis, grâce à lui, avaient retrouvé dans le marbre on ne sait quoi de moins harmonieux, mais de plus grandiose que la statuaire grecque, et de plus grec que la statuaire romaine. […] Bramante pâlit de terreur ; Raphaël, qui s’était glissé dans la chapelle, confondu dans la suite du pape, oublia tout ce qu’il avait appris jusqu’à ce jour et comprit que la force faisait partie de la beauté, dans l’art comme dans la nature.

1965. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

Tout cela serait oublié, comme les passions de ce temps-là, si ce bourgeois n’était un fin écrivain. […] Hugo appelle « l’éloquent Manuel » : il serait, je pense, oublié, avec son éloquence pâteuse, si les « mains auvergnates » du vicomte de Foucauld ne l’avaient « empoigné » dans un jour de scandale688 .

1966. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Il ne faut pas oublier que Molière se vengea en jouant sur son théâtre la Folle querelle de Subligny, et que plus tard les deux poètes se réconcilièrent, comme on le voit par le prologue de la Psyché de La Fontaine : cela prouve, sans doute, la bonté de Molière, que personne ne conteste ; mais cela montre peut-être aussi que la conduite de Racine n’avait pas été si noire ni si impardonnable. […] On ne les prend plus au pied de la lettre, mais comme les signes d’une situation ; on les oublie presque pour ne s’attacher qu’à ce qu’il y a de tristement éternel et d’applicable à nous chétifs dans ces peintures typiques du drame des passions humaines.

1967. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Pendant trente ans Vigny fut le garde-malade patient et assidu de sa femme, massive, paralytique, demi-aveugle et qui, nous dit M. de Ratisbonne, « née en Angleterre, avait oublié l’anglais et n’avait jamais réussi à apprendre le français, ce qui rendait la conversation assez difficile » ; ne la quittant jamais, s’interdisant pour elle toute distraction, tout voyage, presque toute absence. […] Je reviens à son âme, qui était gracieuse et noble, et qui alla toujours s’embellissant. — Il faut se souvenir ici que les pages les plus douloureuses peut-être et les plus imprégnées de l’amour de la terre natale qui aient été écrites sur l’« année terrible » sont d’Alphonse Daudet. — Il ne faut pas oublier non plus que cet homme dont la sensibilité et l’imagination furent si vives et l’observation si hardie, n’a pas laissé une seule page impure ; qu’en ce temps de littérature luxurieuse, et même lorsqu’il traitait les sujets les plus scabreux, une fière délicatesse retint sa plume, et que l’auteur de Sapho est peut-être le plus chaste de nos grands romanciers.

1968. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Il est vrai que le français a une musique plus délicate, et moins monotonale par conséquent ; mais cela suffit pour relever à nos yeux l’opéra français et nous faire oublier le néant artificiel de nos entrepreneurs de musique. […] Détail curieux, ce motif se montre, tout gai et comique, tandis que David explique à Sachs distrait comment Magdeleine sait lui faire oublier ses déboires dans sa cuisine.

1969. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

L’on oublie, devant ce magistral artifice, que l’Eurêka possède une certaine valeur scientifique, que l’hypothèse nébulaire s’y trouve défendue à une époque où elle paraissait compromise, qu’à la page 143. […] Il semble qu’en envisageant ces facultés comme les forces d’une mécanique cérébrale, on oublie leur caractère, de manifestations vitales et transitoires.

1970. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Il semble qu’il oublie sa responsabilité. Il ne l’oublie pas pourtant, car subitement, derrière la grimace, la philosophie apparaît.

1971. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il n’a rien oublié. […] Pour nos lecteurs, heureusement, la connaissance est déjà faite : ils n’ont point oublié le magnifique extrait que la Revue française a donné des Fleurs du mal il y a trois mois4.

1972. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Quels que soient les immenses services rendus à l’industrie par les théories scientifiques, quoique, suivant l’énergique expression de Bacon, la puissance soit nécessairement proportionnée à la connaissance, nous ne devons pas oublier que les sciences ont, avant tout, une destination plus directe et plus élevée, celle de satisfaire au besoin fondamental qu’éprouve notre intelligence de connaître les lois des phénomènes. […] N’oublions pas que, dans presque toutes les intelligences, même les plus élevées, les idées restent ordinairement enchaînées suivant l’ordre de leur acquisition première ; et que, par conséquent, c’est un mal le plus souvent irrémédiable que de n’avoir pas commencé par le commencement.

1973. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

En homme qui sait la force de certaines conséquences, il n’oublie pas, avant de terminer ce livre, qui restera, sur bien des mémoires, comme un écriteau, de constater l’effet produit par l’abolition sur l’Ordre même. […] Nous que le temps présent dégoûte et qui voudrions voir le principe de l’autorité, en toutes choses, relevé de toute sa hauteur et florissant comme aux anciens jours, n’oublions jamais que ce que Clément a fait, il avait droit de le faire, Le droit ne lui fut pas contesté une minute, même par ceux que l’abolition atteignait.

1974. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Mais si Bossuet pourtant s’oublie dans une oraison funèbre jusqu’à faire de l’ancien secrétaire d’État Le Tellier, de cet homme d’esprit doucereux et fin, une majestueuse figure de chef de justice et un pendant de L’Hôpital, on n’est pas fâché d’entendre l’abbé de Saint-Pierre réduire la figure à ses justes proportions, et mettant, comme on dit vulgairement, les pieds dans le plat, nous dire crûment : Il (Le Tellier) n’eut durant sa vie que le même but qu’ont les hommes du commun dans la leur, et ce but fut d’enrichir sa famille et d’augmenter son pouvoir tous les jours par des charges, par des emplois, par des alliances, par des richesses, par des dignités et surtout par la faveur du roi.

1975. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Cousin d’avoir remis en honneur, même au prix de quelque exagération, certaines figures trop oubliées du xviie  siècle, d’avoir produit quantité de pièces inédites, et d’avoir prêché hautement pour la révision et la collation des textes déjà altérés de nos grands auteurs.

1976. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Après bien des scènes pénibles, lorsqu’une réconciliation semble à jamais scellée, lorsque Brigitte Pierson consent à tout oublier, à tout fuir du passé, à voyager bien loin et pour longtemps avec lui, survient un tiers jusque-là inaperçu, l’honnête Smith qui aime involontairement Brigitte et se fait aimer d’elle.

1977. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

La république des lettres ne s’étend point dans des lieux où elle sait qu’elle n’a que des ennemis, occupés sans cesse à désapprendre ou à oublier ce que la curiosité leur avoit fait rechercher, pour renfermer toute leur application et leur étude dans le seul livre de Jésus-Christ. » Chaque fois que l’incorrigible Nicaise recommence, Rancé réitère cette profession d’oubli : « Tous les livres dont vous me parlez ne viennent point jusqu’à nous, parce qu’on les regarde comme perdus et comme jetés dans un puits d’où il ne doit rien revenir. » Le bon abbé Nicaise ne se décourage point pourtant ; à défaut des ouvrages d’autrui, il enverra les siens propres, et il espère apprendre du moins ce qu’on en pense.

1978. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Lorsque le gouverneur de la tour où est enfermé le jeune Arthur, fait apporter un fer chaud pour lui brûler les yeux, sans parler de l’atrocité d’une telle scène, il doit se passer là sur le théâtre une action dont l’imitation est impossible, et dont le spectateur observera tellement l’exécution, qu’il en oubliera l’effet moral.

1979. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

La Fontaine approuve la perfidie, et, quand le tour est profitable ou bien joué, il oublie que c’est un guet-apens.

1980. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Il importait de rappeler que les ennemis de Boileau s’étaient bien défendus : comme leurs diatribes sont parfaitement oubliées aujourd’hui, l’insistance de ses attaques en semble plus cruelle, et il fait l’effet d’avoir massacré des innocents, qui tendaient la gorge au fer.

1981. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On n’essayait pas de voir, par l’histoire, la vie de ces grands peuples ; on oubliait totalement quelle place l’art avait tenue dans leur civilisation.

1982. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Par sa politique et par sa chute, l’empire fournit à Thiers la plus belle situation que jamais homme d’Etat puisse rêver : celle où tous les intérêts personnels coïncident avec le bien public et le devoir patriotique, celle où il suffit de s’oublier pour s’élever, de penser à soi pour bien mériter de tous.

1983. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Lorsque morions ou salades Coiffaient pédaille et chevalier, Furent faites maintes ballades Par le très joyeux bachelier Que le temps ne peut oublier ; J’ai lu cent poèmes sublimes Qu’hier on a vu publier.

1984. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VII. Maurice Barrès et Paul Adam » pp. 72-89

Mais il faut être reconnaissant, ne pas oublier qu’elle fut paradoxe à son heure.

1985. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Héros de la vie désintéressée, saints, apôtres, mounis, solitaires, cénobites, ascètes de tous les siècles, poètes et philosophes sublimes qui aimâtes à n’avoir pas d’héritage ici-bas ; sages, qui avez traversé la vie ayant l’œil gauche pour la terre et l’œil droit pour le ciel, et toi surtout, divin Spinoza, qui restas pauvre et oublié pour le culte de ta pensée et pour mieux adorer l’infini, que vous avez mieux compris la vie que ceux qui la prennent comme un étroit calcul d’intérêt, comme une lutte insignifiante d’ambition ou de vanité !

1986. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Certains déchiffreurs de paperasses ont fini par croire ou faire croire que le but principal de l’histoire est d’exhumer et d’étaler au grand soleil ces débris émiettés du passé ; ils ont oublié que sa tâche, plus noble et plus difficile, consiste surtout à interpréter et à résumer cette masse de documents humains.

1987. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Conclusion »

Elle oublie que dans l’acte de la connaissance, l’esprit met du sien au moins autant qu’il en reçoit.

1988. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

Les hommes, après quelques années de paix, oublient trop cette vérité ; ils arrivent à croire que la culture est chose innée, qu’elle est pour l’homme la même chose que la nature.

1989. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Et ils oublient qu’avant le drame, et le roman et le poème, il y a l’art, je le répète, l’art qui est unique ; et que si le même souci d’art ne les dirige pas, tous tant qu’ils sont, c’est que certains d’entre eux se trompent.

1990. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Car n’oubliez pas que Ctésiphon est l’architecte grec du temple d’Éphèse.

1991. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

On nous oppose que les vibrations de l’éther deviennent de la lumière et de la couleur sans être en elles-mêmes ni lumineuses, ni colorées ; mais on oublie ce que les cartésiens avaient déjà si profondément aperçu, à savoir, que le mot de lumière signifie deux choses bien distinctes : d’une part, quelque chose d’extérieur, la cause objective, quelle qu’elle soit, des phénomènes lumineux, cause qui subsiste pendant, avant, après la sensation, et indépendamment d’elle ; d’autre part, la sensation lumineuse elle-même, qui n’est rien en dehors du sujet sentant.

1992. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

N’oublions pas qu’il était de robe, et que M. de Bonald était d’épée ; ce qui peut expliquer en partie la différence de leurs vues.

1993. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Se rengorger de quelques suffrages obtenus par surprise et, rêvant d’immortalité, oublier bien vite que dans la soirée où les applaudissements furent si nombreux, il y avait aussi, et surtout, un violoniste, et une chanteuse !

1994. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre IV. Littérature dramatique » pp. 202-220

Édouard Schuré, le maître du Théâtre de l’âme ; Élémir Bourges avec la Nef ; André Gide avec le Roi Candaule et Saül, Maurice Magre, Valmy-Baysse, Gabriel Trarieux, Ernest Gaubert qui prépare une Électre, René Fauchois, Olivier de La Fayette, Arnyvelde, d’autres que j’oublie, d’autres que j’ignore, d’autres enfin, qui attendent l’heure où se manifester… » Dans le prologue de Dionysos J. 

1995. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Allez voir le laocoon tel que les sculpteurs l’ont exécuté, un père assis qui souffre, un enfant debout déchiré qui expire ; un autre enfant debout qui oublie son péril et qui regarde son père ; trois figures non groupées, trois figures isolées, liées par les seules convolutions d’un serpent.

1996. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

" Diodore De Sicile écrit que Philippe, après avoir pris trop de vin la journée dont nous venons de parler, fit plusieurs choses indecentes sur le champ de bataille, mais que les representations de Démadés, athenien, et l’un des prisonniers de guerre, le firent rentrer en lui-même, et que le repentir qu’il eut de s’être oublié, le rendit plus facile, lorsqu’il fut question de traiter avec l’ennemi vaincu.

1997. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

C’est partout un remue-ménage assourdissant ; — on dirait un camp de Philistins, la veille d’une prise d’armes : maint Goliath brandit belliqueusement sa plume et s’essaye à des attitudes menaçantes ; — celui-ci ramasse un argument oublié dans un coin, cet autre fourbit à neuf une vieille phrase qui se rouillait.

1998. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

il était beau, Lord Byron, — cela n’est pas douteux, — et surtout il n’était pas si noir et si diable que les sots et les hypocrites protestants l’ont fait ; mais sous la plume de celle qui a pourtant un intérêt à le trouver irrésistible, il finit par être trop beau, et on lui voudrait, au moins une des verrues que Cromwell disait à son peintre de ne pas oublier.

1999. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

Ajoutons que cette place éminente, l’abbé Huc ne la devra pas uniquement aux circonstances de sa vie et à l’acquis de son voyage, mais à des qualités personnelles que la Critique ne peut oublier.

2000. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

» Eh bien, si c’est de partir, si c’est de vouloir, si c’est de deviner le vrai et le possible d’une grande chose et d’avoir sacrifié sa vie pour la conquérir, le comte Gaston de Raousset-Boulbon est un de ces touchants grands hommes que l’histoire nomme un jour entre deux de ses pages et puis finit par oublier !

2001. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Pie IX, qui, comme Louis XVI, oubliait qu’il n’est pas toujours, comme dit Rivarol, « permis à un roi d’être bon », ne devait pas être naturellement attiré vers un homme dont l’esprit était incorruptible aux idées qui ont fait de l’Italie ce qu’elle est devenue, et qui, dès ce temps-là, en avait peut-être, lui, silencieusement mesuré la dangereuse portée.

2002. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

En vain il souffre par Charlotte, ce jeune homme de vingt-trois ans, qui ne souffrira plus demain, mais il n’oublie pas, à chacun de ces coups qui font pousser aux hommes le cri vrai, de pousser le cri de la rhétorique et d’invoquer les dieux immortels, les génies, les forces, les tourbillons, et toute cette mythologie panthéiste d’un paganisme renouvelé, qui seront un jour les causes de mort de ses écrits et les rendront insupportables.

2003. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Les Œuvres complètes qu’il offre à la postérité avec une coquetterie sans courage, — car, de toutes ces pièces, il pouvait en oublier quelques-unes, et le livre y aurait gagné ; les Œuvres complètes ne changent rien à l’opinion exprimée par nous sur les Odelettes, ici retrouvées, et les Odes funambulesques, qu’on n’y retrouve pas.

2004. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

., sont des patriciens et des patriciennes de l’humanité, à blason dans la tète et dans le cœur ; et ce sont, ne l’oubliez pas !

2005. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Il oublie que Dieu, dans sa loi, défend jusqu’aux pensées injustes, chose dont ne s’embarrassèrent jamais les législateurs mortels.

2006. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Les monuments de ce génie furent négligés et s’oublièrent, et sa renommée servit seulement de prétexte à des jeux frivoles de rhéteurs grecs.

2007. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Qu’il jouisse avec un légitime orgueil des exploits de ses compatriotes sur le champ de bataille, c’est bien ; mais si ces exploits lui éblouissent les yeux jusqu’à lui faire oublier le droit aussi sacré et la valeur souvent égale des autres peuples, ce n’est plus de l’histoire, c’est de l’injustice patriotique et de la jactance nationale. […] Les négociations avec l’Autriche, celles avec la Prusse ; les premières agaceries diplomatiques de Bonaparte à Paul Ier, empereur de Russie ; le coup d’œil sur l’état intérieur et scandaleux de la cour de Madrid, livrée à un favori, Godoy, tracé d’une main qui charge les couleurs afin d’atténuer d’avance les torts du cabinet des Tuileries envers les Bourbons d’Espagne ; les négociations avec le Saint-Siège, préludes de négociations plus graves pour le Concordat ; la rupture des conférences par l’Autriche, les préparatifs de guerre repris des deux côtés avec une égale vigueur ; le tableau de la prospérité croissante de la France en dix mois d’un gouvernement personnifié dans un jeune dictateur ; l’analyse savante et pénétrante de la situation des différents clergés, séparés en sectes par les serments ou les refus de serments constitutionnels ; la rentrée rapide des émigrés, la statistique profondément étudiée des partis dans l’opinion et dans les assemblées ; les portraits de M. de Lafayette, de Fouché, de M. de Talleyrand, de Carnot, de Berthier, portraits finis et fermes, sans minutie comme sans recherche, où l’on voit que l’historien s’oublie lui-même pour ne penser qu’à son modèle, remplissent ce volume. […] Il oublia les fautes vraies ou supposées de Joséphine, et l’aima encore, mais jamais comme dans les premiers temps de leur union.

2008. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Mais le peuple romain qui t’a conduit de si bonne heure par tous les degrés d’élévation jusqu’à la première de ses dignités, sans nulle recommandation de tes ancêtres, sans te connaître autrement que par toi-même, le peuple romain obtient donc de toi bien peu de reconnaissance, s’il est quelque considération, quelque crainte qui te fasse oublier le salut de tes concitoyens ! […] Il est vrai que, averti par l’ancien proverbe, je pense toujours aux vivants ; mais, quand je voudrais oublier Épicure, comment le pourrais-je, lui dont nos amis ont le portrait, non seulement reproduit à grands traits par la peinture, mais encore gravé sur leurs coupes et sur leurs bagues ? […] Je veux de même, sans oublier mon ancien caractère d’orateur, m’attacher aux matières de philosophie : je les trouve infiniment plus grandes, plus abondantes, plus fécondes que celles de la tribune ; mon opinion a toujours été que ces questions élevées, pour ne rien dire de leur intérêt et de leur beauté, doivent être traitées avec étendue et avec toutes les perfections de style qui dépendent du langage.

2009. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Le privilège de la femme que nous aimons plus qu’elle ne nous aime est de nous faire oublier à tout propos les règles du bon sens. […] Mis en nourrice à la campagne, oublié par ma famille pendant trois ans, quand je revins à la maison paternelle, je comptais pour si peu de chose que j’y subissais la compassion des gens. […] Il était si peu question de moi que souvent la gouvernante oubliait de me faire coucher.

2010. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Je pratique plus volontiers Racine, parce que je vois plus d’hommes que de héros ; mais quand j’assiste à une pièce de Corneille, j’oublie Racine lui-même ; et, si j’ai quelque idée de comparaison, c’est l’idée qu’il n’a été donné à aucun homme de s’élever plus haut. […] Alors la mère oublie l’épouse. […] Junie cache son amour sous les sentiments qui peuvent le moins effaroucher Néron : elle aime par respect pour la volonté du père de Britannicus et par référence pour Agrippine ; elle aime par pitié pour Britannicus : Il ne voit dans son sort que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir, seigneur, que quelques pleurs, Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs29.

2011. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Le spectacle était si consternant, que je me sauvais, en courant, du Gymnase, où j’oubliais par ce froid mon paletot, et le froid que j’éprouvais dans mon rêve, me réveillait. […] Pas de voiture du Théâtre-Libre à la gare Saint-Lazare, et la marche — mon parapluie oublié chez Riche — dans des tourbillons de neige. […] J’ai oublié son nom.

2012. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Molière aussi fut voué, mais bien plus par la destinée que par sa libre fantaisie, au métier de directeur de théâtre ; mais chez lui le génie dévorait l’arrangeur, tandis que Gœthe avait le talent trop froid pour oublier jamais qu’il en était un. […] N’oublions pas non plus que de tous les personnages du Faust Marguerite est le seul inventé et qui soit bien à Gœthe. […] Les œuvres des hommes de génie sont pleines de la femme, mais, ne l’oubliez pas !

2013. (1922) Gustave Flaubert

Elle lui offre de l’oublier si cela lui plaît, lui dit « des choses très dures ». […] J’ai été moi-même dans Saint Antoine le saint Antoine et je l’ai oublié. […] C’était Lestiboudois ; il venait chercher sa bêche qu’il avait oubliée tantôt. […] (N’oublions toujours pas qu’il faisait sa correspondance quand il était fatigué de travailler, et en pleine dépression physique.) […] Pour celles mêmes qui oublieraient le devoir ou la religion, le simple bon sens peut suffire.

2014. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

… Comme le Chaldéen, il tenait ses yeux fixés sur les étoiles, —  jusqu’à ce qu’il les eût peuplées d’êtres aussi brillants — que leurs propres rayons, et que la terre, et ses discordes fangeuses, —  et les fragilités humaines fussent oubliées toutes. —  S’il avait pu maintenir son âme dans cet essor, —  il eût été heureux ; mais notre argile étouffe — son étincelle divine, enviant à l’homme la lumière — vers laquelle il monte, comme pour briser sa chaîne — enchaîné loin du ciel qui là-haut nous ouvre ses plages. […] Quelqu’un de nous a-t-il pu oublier la mort de Lara après l’avoir lue ? […] Voici notre ami Juan qui lit la dernière lettre de Julia, et jure avec transport de ne jamais oublier les beaux yeux qu’il a tant fait pleurer. […] Et que proposent-elles, sinon de s’assouvir, de s’abêtir, de se détourner et d’oublier ?

2015. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Le pays s’enfonçait de plus en plus dans la vulgarité, oubliait sa vieille histoire ; la nouvelle dynastie était fondée. […] Toujours légère et inconsidérée, la France avait à la lettre oublié qu’elle avait insulté il y a un demi-siècle la plupart des nations de l’Europe, et en particulier la race qui offre en tout le contraire de nos qualités et de nos défauts. […] Le Français est bon, étourdi ; il oublie vite le mal qu’il a fait et celui qu’on lui a fait ; l’Allemand est rancunier, peu généreux ; il comprend médiocrement la gloire, le point d’honneur ; il ne connaît pas le pardon. […] Or une fois il oublia cette précaution bien nécessaire.

2016. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Lundi 5 février Helleu qui recommence une pointe sèche, d’après moi, me raconte les premières années de sa vie d’artiste ; et me parle d’affreuses pannes, de deux jours qu’il a passés sans manger, n’ayant que l’argent du modèle, d’après lequel il a travaillé, ces deux jours, fiévreusement, pour oublier sa faim. Heureusement qu’en farfouillant dans son atelier, à la fin de la seconde journée, il a trouvé une boîte de fer-blanc, dans laquelle trois ou quatre biscottes avaient été oubliées. […] En battant des rues, des ruelles interminables, avec le sentiment que chaque pas m’éloigne de mon gîte, j’ai soudainement l’angoisse d’avoir oublié le nom de mon hôtel, sans pouvoir le retrouver, quelque effort que je fasse : angoisse horrible qui ne dure qu’un moment, il est vrai. […] Et j’ai oublié deux dessins français, couronnant deux corps de bibliothèque : L’un de Fragonard, une de ces solides gouaches jouant l’huile, où dans la tourmente blafarde d’un ciel orageux, éclate le coup de pistolet d’une jupe rouge de paysanne.

2017. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

. — Alors on peut dire que la pensée a un triple vêtement : le premier qu’aperçoit la réflexion est sonore, c’est la parole intérieure ; un degré de plus dans la réflexion fait voir le second, l’image proprement dite ; au-dessous, difficilement accessible à la réflexion, mais encore sensible à la conscience, se trouve le mélange confus et indistinct des autres images, sonores, musculaires, tactiles, visuelles, gustatives, olfactives, sans oublier celles du sens vital, les plus obscures de toutes. […] En apparence pourtant, il fait l’unité de notre vie individuelle, comme le signe extérieur fait l’unité de la vie sociale : il sert d’intermédiaire entre plusieurs apparitions d’une même idée dans la même conscience ; sans lui, nous oublierions nos idées, et notre passé s’évanouirait à mesure ; les mots gardent pour l’avenir nos pensées d’autrefois ; à notre appel, ils nous les rendent, et nous permettent ainsi de nous en servir comme de matériaux pour de nouvelles entreprises intellectuelles ; les mots semblent la matière propre de la remémoration et, par suite, l’unité empirique de notre existence, dont la loi du souvenir est l’unité formelle. […] Ensuite, lorsque, pendant la veille, une habitude négative trop invétérée nous demanderait pour la combattre un effort d’attention dont nous ne sommes pas capables, et que nous tombons malgré nous en distraction, la pensée qui nous occupe et se substitue pour notre attention au sens évanoui des mots est une pensée normale, correcte, cohérente en soi, et elle s’accompagne, si la distraction est à son comble, d’une parole intérieure également correcte, qui lui correspond exactement ; deux séries de mots intérieurs peuvent ainsi, par exception, coexister dans la conscience ; les uns sont écoutés et compris, les autres ne sont pas écoutés, ne sont pas compris, et nous les oublions à mesure292. […] I, § 3] : « Un acte nous peut échapper quand il est si délicat qu’il ne fait point d’impression, ou en fait si peu qu’on l’oublie, car il est alors comme si on ne l’avait jamais produit.

2018. (1898) La cité antique

L’homme peut bien l’oublier, mais il le garde toujours en lui. […] En adorant l’un, on ne pouvait pas oublier l’autre. […] Pour nous la maison est seulement un domicile, un abri ; nous la quittons et l’oublions sans trop de peine, ou, si nous nous y attachons, ce n’est que par la force des habitudes et des souvenirs. […] N’oublions pas que l’idée d’un culte purement moral, d’une adoration d’esprit, n’est pas très vieille dans l’humanité. […] Une ville ne croyait pas avoir le droit de rien oublier ; car tout dans son histoire se liait à son culte.

2019. (1927) Des romantiques à nous

Ces jeunes gens sans emploi ambitionnent tout, ainsi que leurs frères d’époque et d’origine morale, Hernani, Didier, Antony, Ruy Blas, et tous les héros, aux noms oubliés, des premiers romans de George Sand. […] Et comment oublier, à cause de ces seuls excès, tant de descriptions, de narrations d’un éclat plaisant, d’une poésie sincère et vigoureuse, d’une verve cordiale qui épouse les plus jolis mouvements de l’âme ? […] Elle procède de ce mouvement général d’imagination qui, chez la plupart des peuples de l’Europe, a rendu aux antiquités nationales oubliées un auguste et mystérieux prestige. […] N’oublions pas que c’est sur la constatation de cet effet que Rimsky s’est mis à l’œuvre. […] Ayant trouvé sur la banquette du café un volume oublié par un client qui ne le réclama pas, il en constitua sa bibliothèque.

2020. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

Rossetti parle de l’homme, il oublie le poète, et lorsqu’il juge le poète, il montre qu’il ne comprend point l’homme. […] Ce que nous avons de mieux à faire, c’est d’oublier ces sottes rêveries et de lire Tévérino et le Secrétaire intime. […] Dans notre empressement à trouver une voix musicale nouvelle et un mode musical plus jeune, nous avons oublié la beauté que peut posséder Echo. […] Ce petit poème restera dans les mémoires, aussi longtemps qu’y restera Thyrsis et Thyrsis ne sera jamais oublié. […] Ce qu’elle est, elle le fut toujours et le seul espoir qui leur reste c’est que leur ridicule nationalité irlandaise soit ensevelie et oubliée.

2021. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Voici un trait bien fin sur les évasions qu’on se fait à soi-même dans les cas difficiles : « Je ne sais, dit le héros du roman, si tout le monde est comme moi ; mais quand je me suis longtemps occupé d’un projet qui m’intéresse beaucoup, quand la difficulté que je trouve à en tirer parti m’a contraint à le retourner en différents sens, je me refroidis et n’attache plus aucun prix à la chose à laquelle, l’instant d’auparavant, je croyais n’en pouvoir trop mettre. » Et ailleurs : « Comme il arrive toujours lorsqu’on est occupé d’un projet, si peu important qu’il puisse être, j’oubliai pour un instant tous mes chagrins. » Que dirait de mieux un ironique de quarante-cinq ans, retiré du monde ? […] Les deux volumes, intitulés Conseils de Morale, ont été presque en entier formés de pages extraites çà et là dans ses articles, de débuts piquants et originaux de feuilletons à propos de quelque comédie du temps oubliée ; mais on a laissé en dehors ses jugements sur les auteurs.

2022. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

J’expose encore cette pensée, et la soumets en l’exposant, aussi bien que toutes les autres173. » J’ai copie de plusieurs lettres manuscrites de Mme de Longueville, toutes également de scrupules et de troubles, sur quelque action qu’elle croit de source humaine, sur quelque péché oublié, sur une absolution reçue avec une conscience douteuse174. […] mais la princesse oubliait, continue M. de Chateaubriand, qu’elle-même avait été aimée de Henri IV, qu’emmenée à Bruxelles par son mari, elle avait voulu rejoindre le Béarnais, s’échapper la nuit par une fenêtre et faire ensuite trente ou quarante lieues à cheval ; elle était alors une pauvre misérable de dix-sept ans. » 168.

2023. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

Nous nous étonnons de leurs souillures et de leurs ravages ; nous oublions qu’à leur origine elles étaient inoffensives et pures. […] Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux et comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la terre n’est à personne ! 

2024. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

« Fais-moi donc la grâce, sans renoncer à la compagnie de ces jeunes gens de ne pas oublier non plus un ami qui t’est bien dévoué. […] Il ne faut pas oublier que ce gouvernement, qui ne s’appliquait qu’à la petite municipalité d’une bourgade de quelques milliers d’âmes d’Athènes, pouvait être aussi arbitraire, aussi locale et aussi étroite que l’espace compris entre la muraille du Pirée et l’enceinte du Parthénon.

2025. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Il a imprimé aux rimes une richesse oubliée depuis Ronsard, aux rythmes et aux césures des habitudes perdues depuis Régnier et Molière et retrouvées studieusement par André Chénier. […] Qu’il ait été puissamment secondé, personne ne le nie ; mais si, aujourd’hui, des hommes mûrs, des jeunes gens, des femmes du monde ont le sentiment de la belle poésie, de la poésie profondément rythmée et vivement colorée, si le goût public s’est haussé vers des jouissances qu’il avait oubliées, c’est à Victor Hugo qu’on le doit.

2026. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Or, dans tous ces pays, qu’on ne l’oublie pas, explorateurs et commerçants sont entrés les premiers ; soldats, marins, et à plus forte raison écrivains et artistes ne sont venus qu’à la suite de ces précurseurs. […] Comment oublier que George Sand, dans certaines de ses œuvres, a marié curieusement l’idylle et la question sociale ?

2027. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Colonne et Lamoureux (et n’oublions pas M.  […] L’année dernière, Lohengrin devait être joué à l’Opéra-Comique, lorsque se produisit la honteuse et lâche cabale que l’on n’a pas oubliée.

2028. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Mais, en ce moment, il oublie tout, l’heure de son duel qui avance, l’heure de son rendez-vous avec madame de Montgey qui retarde ; il aime sa femme, il n’aimera plus qu’elle ; il lui pose sur le front, avec un baiser, ce nom et cette couronne de marquise dont elle a si noblement gagné les trèfles de perles, et il ne pense plus qu’à aller de ce pas la promener en triomphe au bois de Boulogne pour montrer son bonheur à tout Paris. […] J’allais oublier M. 

2029. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Riccoboni n’a pas oublié, dans sa réformation du théâtre, d’y comprendre cet abus. […] Il oublie le motif pour lequel Scarron faisoit valoir le marquisat de Quinet, & l’abbé Devertot donnoit des ouvrages avant que sa fortune fût commencée.

2030. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

La vie réelle est un vaudeville dans l’exacte mesure où elle produit naturellement des effets du même genre, et par conséquent dans l’exacte mesure où elle s’oublie elle-même, car si elle faisait sans cesse attention, elle serait continuité variée, progrès irréversible, unité indivisée. […] Tandis que la comparaison qui instruit et l’image qui frappe nous paraissent manifester l’accord intime du langage et de la nature, envisagés comme deux formes parallèles de la vie, le jeu de mots nous fait plutôt penser à un laisser-aller du langage, qui oublierait un instant sa destination véritable et prétendrait maintenant régler les choses sur lui, au lieu de se régler sur elles.

2031. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

Seulement qu’en lisant ces pages, en entendant ces paroles qui brusquent parfois le papier, on n’oublie pas d’y mettre l’animation de la gloire, le sourire brillant de l’esprit et la grâce irrésistible de la jeunesse.

2032. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Villeroi et Jeannin traitaient avec franchise, et dans les portraits qu’on a tracés du caractère de ce dernier, au milieu des éloges dus à son habileté, on n’a pas oublié de parler de sa candeur, une candeur compatible avec la tactique des négociations.

2033. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Sur le Télémaque, il y a tant de gens qui, après l’avoir lu enfants, l’ont oublié ou qui le rejettent d’un air d’ennui s’ils essayent de le relire, qu’on est surpris d’abord de voir un homme si sage et que de loin on jugerait un peu froid (pour ceux qui le connaissent, il ne l’est pas du tout), nous raconter comment il a passé par trois impressions successives au sujet du livre relu, et nous faire l’histoire de ces trois époques, de ces trois âges du Télémaque en lui.

2034. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

L’abbé de Saint-Pierre l’oubliait ; il ne s’était jamais brouillé avec l’agrément et le charme, par la bonne raison qu’il ne les avait jamais connus ; il faut bien lâcher le mot, il était dans une impossibilité malheureuse, — malheureuse pour lui et surtout pour les autres —, de comprendre tout ce qu’enferme de triste et de fâcheux ce mot qui est mortel au public français l’ennui.

2035. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Chenavard ou Puvis de Chavannes n’ont pas de crayons plus nobles dans la série de leurs graves esquisses : Poëte, oubliais-tu les bas-reliefs antiques Racontant la naissance et le progrès des arts, Le soc, le bœuf, la ruche et les essais rustiques Faits par les jeunes gens sous les yeux des vieillards ; Partout, dans la campagne égale et spacieuse, Les efforts du labour, les merveilles du fruit, Et la rébellion farouche et gracieuse Des premiers étalons que le dompteur instruit ; Les sages ; l’alphabet écrit dans la poussière ; La chasse aventureuse et l’aviron hardi ; Les murailles, les lois sur les livres de pierre, Et l’airain belliqueux pour l’épaule arrondi ; Les femmes dessinant les héros dans la trame ; Les artistes au marbre inculquant leurs frissons, Et le berger poëte, inventeur de la gamme, Suspendant le soupir à la chaîne des sons ?

2036. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Mais Le Brun, qui survécut treize années à son jeune ami, n’en a parlé depuis en aucun endroit ; il n’a pas daigné consacrer un seul vers à sa mémoire, tandis que chaque jour, à chaque heure, il aurait dû s’écrier avec larmes : « J’ai connu un poëte, et il est mort, et vous l’avez laissé tuer, et vous l’oubliez ! 

2037. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

J’étais bien petit alors, et je ne suis pas plus grandaujourd’hui ; néanmoins je ne vous ai point oublié, et c’est pourquoi, bien que je n’aie rien à vous dire, je n’éprouve pas que le silence soit l’expression convenable de la bonne amitié que je vous porte et de la reconnaissance que je vous ai vouée, à vous et à M. de Maistre, mon autre parrain269.

2038. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

Nous avons pu constater avec satisfaction, en touchant au terme de notre travail, que la nouvelle Table de la Revue des deux mondes, publiée cette année et plus complète que celle de 1857, ne mentionnait, au nom du critique des Lundis, qu’un seul article oublié par nous70.

2039. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

. — Cléon est encore à cet égard un bien plus brillant spectacle ; toutes les prétentions à la fois sont entrées dans son âme ; il est laid, il se croit aimé, son livre tombe, c’est par une cabale qui l’honore, on l’oublie, il pense qu’on le persécute ; il n’attend pas que vous l’ayez loué, il vous dit ce que vous devez penser ; il vous parle de lui sans que vous l’interrogiez, il ne vous écoute pas si vous lui répondez, il aime mieux s’entendre, car vous ne pouvez jamais égaler ce qu’il va dire de lui-même.

2040. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VII. Induction et déduction. — Diverses causes des faux raisonnements »

On démontre que des sorciers connaissent l’avenir en citant cent occasions où ils ont prédit juste ; mais on a oublié les milliers de cas où ils se sont trompés.

2041. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

On marchera plus allègrement ; on portera plus légèrement son fardeau, et la brièveté de chaque étape fera oublier la longueur totale du chemin.

2042. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

L’explication ainsi pratiquée éloigne du texte, le cache, le fait oublier.

2043. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

j’oubliais   Là-bas, six grosses tours en, pierre de liais, la cheville est patente, insolente, énorme ; mais on la lui passe parce qu’elle est amusante et donne une rime rare.

2044. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Jacquinet oublie de nous dire ce que cette aimable femme tenait de son mari et transmit à son amant, et quel clou chassait l’autre dans le cœur de Mme du Châtelet.

2045. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

Il me paraît que don Juan… (mais oubliez ce que je disais tout à l’heure et croyez que je ne mets rien là de mon propre rêve), il me paraît que don Juan, à le considérer dans Tirso de Molina et dans Molière, sinon dans Byron et dans Mozart, est surtout un grand artiste et un grand orgueilleux.

2046. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Polipo revient du siège de Nicosie, mais il a oublié Flavia.

2047. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

S’il y a, dans un ouvrage, dans un caractère, dans un tableau, dans une statue, un bel endroit, c’est là que mes yeux s’arrêtent ; je ne vois que cela ; le reste est presque oublié. » Qu’est-ce à dire ?

2048. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

. — Quant à Guyau, il oublie que si l’art est, en un sens, un élément de sympathie humaine, il est aussi, en un autre sens, un ferment de rivalités et de discordes.

2049. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Ivre de l’amour infini, il oubliait la lourde chaîne qui tient l’esprit captif ; il franchissait d’un bond l’abîme, infranchissable pour la plupart, que la médiocrité des facultés humaines trace entre l’homme et Dieu.

2050. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Les subtilités du polémiste, la crédulité du thaumaturge et de l’exorciste sont oubliées.

2051. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Il ne faut pas oublier que M. 

2052. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Elle avertit des choses que vous auriez oubliées ou négligées.

2053. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Il semble avoir complètement oublié qu’il est fils, et qu’il s’agit de ses père et mère.

2054. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M. 

2055. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Ses vers, loués pourtant de Voltaire qui s’est chargé de les faire oublier, loués même par Boileau qui dut écrire cette lettre de politesse en grondant, sont tout à fait passés pour nous et à peu près illisibles : ce ne sont qu’enfilades de rimes où se détache un trait heureux par-ci par-là.

2056. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

C’est un poëte que cette même licence des théâtres révolterait et indignerait tout le premier, qui, il y a dix-huit mois, sur le bruit que l’inquisition des théâtres allait être illégalement rétablie, est allé de sa personne, en compagnie de plusieurs autres auteurs dramatiques, avertir le ministre qu’il eût à se garder d’une pareille mesure, et qui, là, a réclamé hautement une loi répressive des excès du théâtre, tout en protestant contre la censure avec des paroles sévères que le ministre, à coup sûr, n’a pas oubliées.

2057. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Il devoit en être de leur querelle, née dans le sein de la cour, comme de tant d’intrigues qui s’y passent, qui se bornent à brouiller quelques hommes & quelques femmes, & qui, après avoir fait tenir beaucoup de bons ou de mauvais propos, finissent par être oubliées.

2058. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Dans la réfutation des préjugés, répandus contre la poësie, on n’oublia pas de répondre à celui qui fait regarder ceux qui la cultivent, comme des membres inutiles à l’état, & qui ne sont d’aucune ressource.

2059. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Il est quelquefois cassant ; il est quelquefois un peu trop admiratif et ami de tout le monde ; il est quelquefois, à votre goût, trop tourné du côté du passé ou au contraire trop attiré vers les nouveautés, et homme qui découvre tous les matins un nouveau chef-d’œuvre, ce qui lui fait oublier celui qu’il a découvert hier ; il est quelquefois l’homme qui n’a que de la mémoire et qui cite presque sans choix, et vous le trouvez monotone ; il est quelquefois l’homme qui, en parlant des autres, songe surtout à lui et qui, dans l’esprit des auteurs, ne trouve presque qu’une occasion de faire admirer celui qu’il a ; mais quels que soient ses défauts vous l’aimez toujours un peu : le lecteur aime celui qui lit et qui lui parle de lectures, et en vient même, par besoin de confidences intellectuelles à faire et à recevoir, à ne pouvoir plus se passer de lui Eh bien !

2060. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Nous nous féliciterons, quel qu’en soit le succès, d’avoir remis en lumière un des livres les plus curieux, et les plus estimables, comme aussi des plus injustement oubliés, de la littérature française.

2061. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Il oubliait parfaitement tout cela, et son brin de toilette, à lui, quand il en faisait un peu, n’était qu’un brin de muguet ou de violette à deux sous (la rente future de sa femme) qu’il passait à sa boutonnière, tout près de ce fameux gilet de piqué blanc « d’une entière blancheur », comme dit l’opéra-comique.

2062. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Elle n’a eu qu’une page, il est vrai ; mais cette page couvre toute sa vie, et l’histoire n’oubliera pas ces mots charmants : “Vous m’aimez, vous êtes roi, et je pars !” 

2063. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Dargaud, tout le monde l’a dit dans le temps et tout le monde l’a déjà oublié.

2064. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Pas de dédoublement de l’homme et de l’auteur, rien, en un mot, de ce qu’on trouve parfois dans ces délicieux recueils qu’on appelle des Correspondance, et cependant, malgré cela, malgré la déception, malgré cet esprit connu et d’autant plus connu qu’il se distingue par une de ces physionomies qu’on n’oublie plus quand une fois on les a regardées, la Correspondance de Stendhal a le charme inouï de ses autres œuvres, — ce charme qui ne s’épuise jamais et sur la sensation duquel il est impossible de se blaser.

2065. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Pas de dédoublement de l’homme et de l’auteur, rien, en un mot, de ce qu’on trouve parfois dans ces délicieux recueils qu’on appelle des Correspondances ; et cependant, malgré tout cela, malgré la déception, malgré cet esprit connu, et d’autant plus connu qu’il se distingue par une de ces physionomies qu’on n’oublie plus quand une fois on les a regardées, la Correspondance de Stendhal a le charme inouï de ses autres œuvres, — ce charme qui ne s’épuise jamais et sur la sensation duquel il est impossible de se blaser !

2066. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

Depuis la première page jusqu’à la dernière de son livre, cette moraliste aimable, qui voit tout et qui sourit de tout, — car elle ne va pas jusqu’au rire, cette délicate, — cette fine femme, assez fine pour être profonde si elle voulait enfoncer l’aiguille de son observation un peu plus, n’a pas oublié du mariage un seul de ces faits qui paraissent n’être rien et qui sont tout, puisque, immanquablement, dans un temps donné, ils tuent l’amour.

2067. (1915) La philosophie française « I »

Ce fut d’abord un merveilleux écrivain, si toutefois on peut encore appeler écrivain celui qui nous fait oublier qu’il emploie des mots, sa pensée paraissant s’insinuer directement dans la nôtre.

2068. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre premier : M. Laromiguière »

Nous l’avons oubliée depuis trente ans, et nous la dédaignons aujourd’hui ; nous avons relevé une vieille logique, composée de pièces disparates, machine discordante dont la scolastique, Descartes et Pascal ont fourni les rouages rouillés, qu’Arnauld construisit un jour par défi, pour un enfant, et qui ne pouvait servir qu’à des esprits encore empêtrés dans la syllogistique du moyen âge5.

2069. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

L’espérance de cette gloire, l’orgueil, non plus de la beauté, mais du génie, éclate dans quelques vers d’une pièce perdue71 : « Morte, tu seras gisante », dit la Muse lesbienne à quelque femme ennemie ou rivale ; « il ne restera de toi nulle mémoire dans l’avenir ; car tu ne touches pas aux roses de la montagne des Piérides ; mais tu iras, obscure, visiter les demeures d’Adès, t’envolant sur le sol des aveugles morts. » Une autre fois, devant des femmes qui, riches et belles, semblaient enivrées de leur destinée, elle parut plus fière encore, en disant « que les Muses lui donnaient, à elle, le vrai bonheur et le seul digne d’envie ; car, même dans la mort, elle ne serait jamais oubliée ».

2070. (1903) La pensée et le mouvant

On oublie que l’intelligence est essentiellement la faculté de manipuler la matière, qu’elle commença du moins ainsi, que telle était l’intention de la nature. […] La nature a oublié d’attacher leur faculté de percevoir à leur faculté d’agir. […] Mais il ne faut pas oublier que le travail normal de l’intelligence est loin d’être un travail désintéressé. […] Mais j’oublie tout cela, n’en ayant que faire dans l’analyse. […] Il ne faut pas oublier que la période qui va de 1830 à 1848 fut une période de vie intellectuelle intense.

2071. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Comme un écolier un jour de congé, il a les yeux insatiables, il oublie tout devant un pageant, il s’amuse à faire des farces, à donner un soufflet au pape, à battre les moines, à exécuter des tours de magie devant les princes, à la fin à boire, à festiner, à remplir son ventre, à étourdir sa tête. […] Comprenez-vous qu’un être humain se détache ainsi de lui-même, qu’il s’oublie et se perde dans un autre ? […] Viens ici, pour mettre fin — à tous ces déchirements ; regarde-moi, mon ami bien-aimé, —  j’ai oublié les souffrances, les chères peines — que j’ai souffertes pour l’amour de toi ; je veux bien — être encore ton amour. […] —  et comme j’oublierai vite toutes mes peines107 ! 

2072. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Je hasarderai ici un paradoxe : c’est qu’entre les premières règles du théâtre, on a presque oublié la plus importante. […] Tout ce que vous voyez conspire à vos désirs ; Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ; L’empire en est pour vous l’inépuisable source ; Ou si quelque chagrin en interrompt la course, Tout l’univers, soigneux de les entretenir, S’empresse à l’effacer de votre souvenir : Britannicus est seul ; quelqu’ennui qui le presse, Il ne voit dans son sort que moi qui s’intéresse, Et n’a pour tout plaisir, Seigneur, que quelques pleurs Qui lui font quelquefois oublier ses malheurs. […] De mes persécuteurs j’ai vu le ciel complice : Tant d’horreurs n’avaient point épuisé son courroux ; Madame, il me restait d’être oublié de vous. […] Je sais bien que la comédie doit élever quelquefois son ton ; mais dans ses plus grandes hardiesses, elle ne s’oublie point, elle est toujours ce qu’elle doit être ; si elle allait jusqu’au tragique, elle serait hors de ses limites.

2073. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Il résulte de ce détail, qu’un jeune homme, après avoir passé dans un collège dix années qu’on doit mettre au nombre des plus précieuses de sa vie, en sort, lorsqu’il a le mieux employé son temps, avec la connaissance très imparfaite d’une langue morte ; avec des préceptes de rhétorique et des principes de philosophie, qu’il doit tâcher d’oublier ; souvent avec une corruption de mœurs dont l’altération de la santé est la moindre suite ; quelquefois avec des principes d’une dévotion mal entendue ; mais plus ordinairement avec une connaissance de la religion si superficielle, qu’elle succombe à la première conversation impie ou à la première lecture dangereuse. […] Ce qu’il ne faut pas oublier surtout, c’est de tâcher, autant qu’il est possible, de fixer la langue dans un dictionnaire. […] Il faut de même user de renvois pour la commodité du lecteur, dans certains noms venus du grec par étymologie : ainsi il doit y avoir un renvoi d’antropomorphite à anthropomorphite ; car quoique cette dernière façon d’écrire soit plus conforme à l’étymologie, un grand nombre de lecteurs chercheraient le mot écrit de la première façon ; et, ne s’avisant peut-être pas de l’autre, croiraient cet article oublié. […] Les difficultés en sont d’autant plus grandes, que le genre d’écrire de cet auteur célèbre est absolument à lui, et ne peut passer à un autre sans s’altérer ; c’est une liqueur qui ne doit point changer de vase : il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée ; ce style original et simple ne peut représenter agréablement et au naturel un autre esprit que le sien : en cherchant à l’imiter, j’en appelle à l’expérience, on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu’on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches légères.

2074. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre II. Les directions divergentes de l’évolution de la vie. Torpeur, intelligence, instinct. »

Il ne faut pas oublier que la force qui évolue à travers le monde organisé est une force limitée, qui toujours cherche à se dépasser elle-même, et toujours reste inadéquate à l’œuvre qu’elle tend à produire. […] Enfin il ne faudra pas oublier que, dans le présent chapitre, nous considérons l’intelligence et l’instinct au sortir de la vie qui les dépose le long de son parcours. […] On n’a pas oublié la querelle mémorable qui s’éleva autour de la découverte de Boucher de Perthes dans la carrière de Moulin-Quignon. […] Il est impossible de considérer certains instincts spéciaux de l’animal et de la plante, évidemment nés dans des circonstances extraordinaires, sans les rapprocher de ces souvenirs, en apparence oubliés, qui jaillissent tout à coup sous la pression d’un besoin urgent.

2075. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

La petite Juliette n’a pas non plus la conscience très pure, car elle n’a pas mis beaucoup de temps à oublier ses devoirs de fille au profit de son Roméo. […] Qui a pu lui être agréable une fois et ne pas éprouver qu’il ne l’oubliait jamais ? […] … Et encore, dans le Vent froid de la nuit, s’adressant aux morts : Oubliez, oubliez, vos cœurs sont consumés ; De sang et de chaleur vos artères sont vides. […] Or, et c’est le point qu’il ne faut jamais oublier quand on examine le développement d’un esprit d’artiste, les faits d’esthétique sont toujours des faits de sensibilité. […] La première réside dans la nature même de la femme russe, que le romancier a copiée de son mieux et que tous ceux qui l’ont connue s’accordent à représenter comme une créature déconcertante, énigmatique, aussi malaisée à définir qu’à oublier.

2076. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il y a même entremêlé beaucoup de littérature ; mais il oublie de tenir compte, quand il parle de la durée des sensations, de la nature des sensations. […] Paul Meyer a oublié de consulter Beaumarchais. […] M. de la Grasserie donne daim et chevreuil comme s’appliquant au mâle et à la femelle ; c’est une erreur ; il oublie daine et chevrette. […] Malherbe et Boileau oublièrent de malmener du Bellay et c’est contre Hugo que répandaient leurs injures classiques les Viennet et les Baour-Lormian. […] Il n’oublie rien, ni les églogues, ni les comédies et tragédies, par quoi, selon son vœu, le vieux théâtre français va périr étouffé ; ni le « long poème », mais que nul ne réalisera, ni de son temps, ni jamais.

2077. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Quant à moi, je ne pus jamais les oublier. […] Si vous avez traversé, dans les mois d’été, la belle Touraine, vous aurez longtemps suivi la Loire paisible avec enchantement, vous aurez regretté de ne pouvoir déterminer, entre les deux rives, celle où vous choisiriez votre demeure, pour y oublier les hommes auprès d’un être aimé. […] oubliez-moi.

2078. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

J’oubliais de dire que le tour de la place, entre le canal et les maisons, est garni de platanes: c’est un arbre qui jette ses branches fort haut ; ce qui fait que les maisons en sont couvertes comme d’un parasol, sans en être cachées. […] J’oubliais de dire qu’on descend du dessus du pont au-dessous, à fleur d’eau, par des degrés pratiqués dans les arches. […] Vous ne pouvez donc pas sans injustice ou, pour mieux dire, sans une noire trahison, oublier l’aîné et le sacrifier et à vos passions et aux intérêts de son cadet.

2079. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là, à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour présent, juger le journal, remuer le passé, comme si l’on tisonnait l’histoire, faire jaillir au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie, sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; avoir la sensation de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées, qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées, comme avec la chaleur d’une poignée de main ; s’épanouir dans cette expansion de tous, et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant ! […] Les deux sœurs, les deux vieilles filles, qui semblent avoir oublié depuis longtemps qu’elles sont des femmes, les cheveux dépeignés, le corps perdu dans une blouse sans forme, enfin de ces créatures qu’on voit au second plan des familles ; effacées et dévouées, de beaux types à étudier pour un descendant de Balzac. […] En causant, elle a oublié l’heure, elle qui se couche de bonne heure, et soudain elle s’étonne de voir qu’il est minuit un quart.

2080. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Jamais le jeune poète n’oublia ce service : il avait coulé du cœur de Lucien comme une prière, il avait touché le cœur de Béranger comme un sentiment. […] tous mes maux sont oubliés. […] « Ce ruisseau était de sang, ne l’oubliez pas !

2081. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Mais cette concentration exclusive de l’attention sur l’élément sonore ne peut avoir le même effet sur les deux paroles : la parole extérieure étant un phénomène physique, les deux éléments qui la composent sont incessamment donnés à notre conscience sous forme de sensations ; l’habitude négative ne peut aller jusqu’à anesthésier notre langue et nos lèvres ; la sensation tactile, à la longue, n’est pas même émoussée ; seulement, nous n’avons pas pris l’habitude de la remarquer et de l’analyser ; elle est, par suite, oubliée à mesure ; mais, pour la retrouver, il suffit d’un peu d’attention, car, à mesure qu’elle disparaît sans laisser de trace dans le souvenir, elle est de nouveau produite ; observons-nous en prononçant quelques paroles insignifiantes, nous la constaterons d’une manière indubitable. […] Les états passés qui, n’ayant pas encore été remplacés par d’autres, n’ont pas été oubliés, ne sont pas reconnus ; ce sont ceux-là qui nous paraissent présents ; et, lorsque rien en eux ne suscite la perception externe, l’absence de tout jugement équivaut à une affirmation du moi et du présent ; ce que je ne me refuse pas et que je ne recule pas dans le passé, c’est moi-même, en mon état actuel. […] Un état passé et oublié qui revient à la conscience, s’il est reconnu, est par là même affirmé mien : on ne se souvient que de soi-même.

2082. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Nous oublions toujours, quand nous comparons le passé au présent, de considérer à quel point le présent est le débiteur du passé. […] N’oublions jamais, d’ailleurs, que notre intelligence n’est qu’un accident heureux. […] L’hypothèse du déterminisme ne peut nous faire oublier toutes les nuances visibles entre l’homme normal et le fou caractérisé. […] On voit des malades jaloux de leur femme et qui oublient de leur témoigner la moindre tendresse. […] Nous notons les pressentiments qui se réalisent : nous oublions ceux qui ne se réalisent pas ; or, il n’y a pas de milieu : un pressentiment se réalise, oui ou non.

2083. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Le succès de Mangin explique le succès des poètes quand même on ne saurait pas qu’ils font sonner leurs rimes grelots pour endormir les cerveaux à cette fausse musique et faire oublier leurs idées. […] À ma comète un casque, un coursier, un sabre entre ses deux queues et n’oublions pas la dragonne de son sabre, il me faut une rime à Charles-Quint et maroquin fera l’affaire à la fois de la rime et de la dragonne. […] Je crois que le temps est venu d’oublier toutes ces idées conventionnelles et de rejeter les opinions fausses qu’elles ont répandues dans le public ; je crois que l’heure où la raison seule doit servir à juger des choses a sonné et que, par suite, le vrai et l’utile sont devenus les seules fins du travail humain. […] La seconde, poussée à un certain point de perfection, peut faire oublier un instant la première, et c’est ce qui arrive très souvent aujourd’hui, mais, sans leur accord parfait, l’émotion, qui est le seul résultat durable, ne sera pas produite. […] Un jeune dandy parisien à qui le malheur donne quelques jours de sensibilité qui, forcé de lutter corps à corps contre la fortune et d’adopter des mœurs californiennes, s’y pétrifie, y devient un égoïste dur et basé, oublie Eugénie et perd à son insu les trésors de sa chaste tendresse et les dix-sept millions du père Grandet.

2084. (1932) Les idées politiques de la France

L’homme dans la rue en a presque oublié l’acception normale, remise cependant en circulation par M.  […] Si la tradition jaurésienne comporte des sympathies et des affinités allemandes, n’oublions pas que c’est d’elle que le socialisme tient la doctrine qui est aujourd’hui au centre de son prestige et de son action : un pacifisme doctrinal, la primauté du problème de la paix entre les problèmes socialistes. […] Quand les chefs socialistes, en période électorale, nous somment de ne pas oublier qu’ils incarnent le parti de la Révolution sociale par l’expropriation de la classe capitaliste, il ne s’agit pas seulement de soutirer un argument, et des voix, au concurrent communiste, plus redoutable souvent que le concurrent radical. […] Et n’oublions pas qu’un Lamartine et un Victor Hugo ont été pour elles ce que fut Chateaubriand pour le traditionalisme. […] Le groupe parlementaire socialiste est, ne l’oublions pas, le délégué ordinaire, et presque la boîte aux lettres des syndicats de fonctionnaires, particulièrement du syndicat national des Instituteurs.

2085. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Il ne faut pas oublier de dire ici en combien de sens différens le mot d’esprit s’employe ; ce n’est point un défaut de la langue, c’est au contraire un avantage d’avoir ainsi des racines qui se ramifient en plusieurs branches. […] C’est pourquoi les auteurs ont toûjours employé certaines formules qui ne paroissent pas être dans les bienséances de la société, en ne donnant le titre de monsieur qu’à certaines personnes, & celui de sieur aux autres ; les auteurs ont oublié qu’ils ne parloient pas au nom du Roi. […] Il nous apprend comment étoient armés tant de peuples différens que ce monarque traînoit après lui : aucun n’est oublié, du fond de l’Arabie & de l’Egypte, jusqu’au-delà de la Bactriane & de l’extrémité septentrionale de la mer Caspienne, pays alors habité par des peuples puissans, & aujourd’hui par des Tartares vagabonds. […] Pluton fut alors oublié ; Vesta prit sa place. […] Mathieu ne dit rien de l’adoration des bergers, mais il n’oublie ni celle des Mages, ni la cruauté d’Hérode, deux événemens qui mirent Jérusalem dans le mouvement & le trouble.

2086. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

» XV Toute âme a une tache sur sa vie ; cette promesse de mariage donnée à un prince par une femme mariée qu’une ambition plus qu’une passion arrachait à un mari malheureux, cette proposition d’un divorce cruel faite sans autre excuse que l’indifférence à un époux vieilli et accablé des coups de la fortune, cette humiliation d’un délaissement volontaire annoncée froidement à l’homme dont elle portait le nom, sont un égarement d’esprit et de cœur qu’il faut oublier. […] Un de mes amis, M. de Genoude, protégé alors par la femme célèbre, et très assidu dès l’aurore aux devoirs de l’amitié, l’accompagnait tous les jours à l’église ; il m’a raconté souvent, avant l’époque où lui-même entra dans les ordres sacrés, que M. de Chateaubriand ne manquait jamais de se rencontrer dans l’église à l’heure où madame Récamier s’y rendait, qu’il s’agenouillait pour entendre la messe derrière la chaise de son amie, et qu’il oubliait quelquefois l’ardeur de ses prières pour s’extasier à demi-voix sur tant de charmes.

2087. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Il y a des années où il faut s’absenter de sa patrie : heureux qui peut la fuir et l’oublier sans manquer à aucun devoir public ou privé ! […] LXIV Oublions le passé, et regardons maintenant autour de nous, alors que les siècles, la guerre, les religions barbares, les peuples stupides, le foulent aux pieds depuis plus de deux mille ans.

2088. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

— Qui peut oublier ces couleurs trempées et délayées dans des larmes chaudes ? […] Personne ne se rappelait le rôle que chacun pouvait avoir à jouer ; l’avocat général oubliait qu’il était là pour requérir, le président qu’il était là pour présider, le défenseur qu’il était là pour défendre.

2089. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

J’ai tâché d’oublier que les ouvrages longtemps attendus sont généralement ceux que le public accueille avec le moins d’indulgence. […] Il ne faut pas oublier que l’efficacité de ces moyens dépend en grande partie de l’état de la culture chez les modernes, et des dispositions de l’âme, qui, selon les races et les temps, est plus ou moins sensible aux impressions de la nature. » XVI Humboldt passe à la poésie descriptive, à Hésiode ; il cite Homère et Pindare.

2090. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Je ne puis oublier cependant Sainte-Beuve790 : non pour la poésie phtisique et moribonde de son Joseph Delorme, ni pour un certain goût de la nature d’exception, malsaine, avortée ou gâtée, mais pour avoir fait circuler, entre les superbes lieux communs de l’école, certaine veine de poésie intime, domestique, parisienne, trop prosaïque et très réaliste ; par là il a été précurseur aussi, à sa façon. […] J’y tresse de la paille, pour oublier. » C’est le divertissement de Pascal.

2091. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

N’oublions pas enfin que deux ou trois seulement des romans de MM. de Goncourt ont besoin d’être ainsi défendus. […] Madame Gervaisais, avec son style forcené, ne nous en offre pas moins, de la Rome catholique, une image extrêmement frappante et qu’on n’oublie pas.

2092. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

C’est oublier le plaisir, la douleur, le désir et l’aversion. […] D’autre part, oubliez tout cela, supprimez toute perception objective, vous n’en continuez pas moins de jouir ou de souffrir, quoiqu’il ne reste rien dans votre conscience qui puisse être conçu comme objet par la pensée, ni exprimé comme objet par la parole.

2093. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Pour quiconque reporte sur les temps passés son expérience de ce qui a lieu de nos jours, cette diversité paraîtra toute naturelle ; il lui semblera au contraire surprenant qu’on l’ait oubliée au point de croire, en vertu sans doute de l’éloignement qui brouille tout et de certaines déclamations qu’on a prises au mot, qu’il ait existé autrefois des nations homogènes. […] Shakespeare a pénétré en France au moment du romantisme, quand nos lettrés commencèrent à se germaniser et il avait pénétré bien auparavant en Allemagne : il avait été oublié en Angleterre pendant les deux siècles où notre influence et nos mœurs y dominèrent ; sa gloire renaquit quand l’Angleterre reprit possession d’elle-même littérairement et socialement.

2094. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

“On s’étonnera peut-être, dit-il, que pour donner mes Sermons au public j’aie attendu qu’il m’ait oublié. […] Les jeunes Jurisconsultes y trouveront des modèles pour tous les genres d’affaires dont ils peuvent être chargés, des points d’histoire éclaircis par une judicieuse critique, des questions de droit traitées avec grace, des procédures même débrouillées avec tant de netteté, que le lecteur oublie souvent qu’on l’entretient de chicane.

2095. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Car il voulait montrer, dit-il, que pour être allé voir madame sa femme, il n’avait rien oublié de ce qu’il avait coutume de faire.

2096. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Nos filles ont été trop considérées, trop caressées, trop ménagées : il faut les oublier dans leurs classes, leur faire garder le règlement de la journée… Il faut encore défaire nos filles de ce tour d’esprit railleur que je leur ai donné, et que je connais présentement très opposé à la simplicité ; c’est un raffinement de l’orgueil qui dit par ce tour de raillerie ce qu’il n’oserait dire sérieusement… Et elle ajoute par un aveu vrai et qui n’a rien d’une fausse humilité : « Que vos filles ne se croient pas mal avec moi, cela ne ferait que les affliger et les décourager ; en vérité, ce n’est point elles qui ont tort. » À partir de ce moment, on entre dans un second effort plus obscur, moins attrayant, et qui même, dans le détail un peu abstrait où nous le voyons de loin, peut sembler décidément austère ; mais Mme de Maintenon, à la bien juger, y paraît de plus en plus méritante et digne de respect et d’estime.

2097. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Les questions de cérémonial et de salut militaire ne sauraient être oubliées : « En arrivant ici (au camp de Lamsheim), Monseigneur vit toute l’infanterie en bataille sous une ligne à quatre de hauteur… M. de La Feuillée, lieutenant général, qui était demeuré ici pour commander l’infanterie, salua Monseigneur de l’épée, à cheval. » Monseigneur, toutefois, dans cette campagne, s’il ne fait rien d’extraordinaire, ne manque à rien d’essentiel : il remplit les devoirs de son métier, il fait manœuvrer son monde.

2098. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

M. du Camp oublie, à son tour, la valeur de ce terme en le lui appliquant.

2099. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Je te jure, mon cher Saint-Vincens, que je dis vrai ; ne me fais point l’injustice de douter de ce sentiment ; ce serait trop me punir, et tu dois tout oublier ; je te le demande à genoux, et t’embrasse de tout mon cœur.

2100. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

N’oubliez surtout jamais quelles furent vos intentions quand vous volâtes aux frontières.

2101. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Gœthe est le seul poète qui ait eu une faculté poétique à l’appui de chacune de ses compréhensions et de ses intelligences de critique, et qui ait pu dire à propos de tout ce qu’il juge en chaque genre : « J’en ferai un parfait échantillon, si je le veux. » Quand on n’a qu’un seul talent circonscrit et spécial, le plus sûr, dès qu’on devient critique, — critique de profession et sur toutes sortes de sujets, — est d’oublier ce talent, de le mettre tout bonnement dans sa poche, et de se dire que la nature est plus grande et plus variée qu’elle ne l’a prouvé en nous créant.

2102. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mme de Sévigné, qui ignorait cette vengeance, s’était raccommodée avec lui, et lui-même semblait avoir oublié le grief et la brouille, lorsque le Portrait courut ; et quel Portrait !

2103. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

En ce sens, notre vieux Mystère a quelque chance de ne pas être tout à fait oublié : en faisant bon marché de l’œuvre comme art, comme élévation, comme composition, on pourra toujours le consulter pour ces quelques scènes, quand on voudra donner une idée fidèle et piquante de la vie de salon, des habitudes et du ton de la société galante et déjà polie au xve  siècle.

2104. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Nous oublierons notre liaison avec l’auteur, notre amitié même pour lui, et nous rendrons à son talent le plus grand témoignage d’estime qui se puisse accorder, celui d’un jugement attentif, impartial et dégagé de toute complaisance.

2105. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

N’oublions pas que Don Quichotte est le dernier des chevaliers et qu’il n’est le plus ridicule que parce qu’il prétend reprendre les choses de plus haut ; s’il parodie les preux d’un autre temps par sa folie, il les parodie dans la patrie du Cid, et là où hier encore on répétait les chants populaires du Romancero.

2106. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Plus loin, dans le narré de l’Empire, il oublie de nommer Trajan, si bien vengé par Montesquieu ; il nomme seulement Marc-Aurèle, et sans un éloge.

2107. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

N’oublions jamais, en lisant ces Mémoires, que l’auteur a intérêt à ne pas avoir une trop haute idée de l’humanité.

2108. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Laujon, qui en était le grand artisan à Berny, le disait avec grâce en publiant après plus d’un demi-siècle son Mélange de Fêtes… « Puissiez-vous ne pas oublier que le principal attribut du poëte de société, c’est la complaisance, et que le désir de plaire est le seul vœu qu’elle lui prescrive ! 

2109. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

On finit par apprendre qu’ayant reçu des menaces de mort réitérées, M. de Talleyrand avait craint que le Clergé ne le fît assassiner ce jour-là, et qu’il avait écrit cette lettre, mais en donnant des ordres pour qu’elle ne fût remise que dans la soirée, ayant l’intention de la reprendre s’il vivait encore avant la fin du jour, ce que son trouble lui aura fait oublier. » (Mémorial de Gouverneur-Morris, tome I, p. 308.)

2110. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Par moments sa Bretagne lointaine lui échappait, la courtoisie florentine l’avait conquis, il allait oublier son Ithaque ; mais tout d’un coup un costume, un son d’instrument, un écho, venait réveiller son vieux culte et croiser ses amours.

2111. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

De là ces réimpressions sans nombre qui remettent sous les yeux ce que les générations nouvelles ont hâte d’apprendre, ce que les autres sont loin d’avoir oublié.

2112. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Quelques-uns d’entre eux craignant ce reproche, dont les Anglais se glorifient, veulent imiter en littérature le goût français ; et ils tombent alors dans des fautes d’autant plus graves, qu’étant sortis de leur caractère naturel, ils n’ont plus ces beautés énergiques et touchantes qui faisaient oublier toutes les imperfections.

2113. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

L’amour est l’histoire de la vie des femmes, c’est une épisode dans celle des hommes ; réputation, honneur, estime, tout dépend de la conduite qu’à cet égard les femmes ont tenue, tandis que les lois de la moralité même, selon l’opinion d’un monde injuste, semblent suspendues dans les rapports des hommes avec les femmes ; ils peuvent passer pour bons, et leur avoir causé la plus affreuse douleur, que la puissance humaine puisse produire dans une autre âme ; ils peuvent passer pour vrais, et les avoir trompées : enfin, ils peuvent avoir reçu d’une femme les services, les marques de dévouement qui lieraient ensemble deux amis, deux compagnons d’armes, qui déshonoreraient l’un des deux s’il se montrait capable de les oublier ; ils peuvent les avoir reçus d’une femme, et se dégager de tout, en attribuant tout à l’amour, comme si un sentiment, un don de plus, diminuait le prix des autres.

2114. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

N’oublions pas la Bible, que Vigny et Lamartine feuillettent, et dans laquelle Hugo cherchera non pas seulement une matière de poésie, mais d’abord et surtout des procédés de style, des coupes, des figures, des épithètes.

2115. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

* *   * La juste irritation soulevée par les abus, la pédanterie, le manque de tact de bien des critiques contemporains ne doit pas faire oublier que l’esprit humain comporte la faculté critique, et que par conséquent ce genre littéraire a droit à être représenté.

2116. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

À la page 6 de l’imprimé, on lit : « Flore sera représentée par la gentille et jolie Louise-Gabrielle Locatelli, dite Lucile, qui, avec sa vivacité, fera connaître qu’elle est une vraie lumière de l’harmonie. » À la page 7 : « Cette scène sera chantée, et Thétis sera représentée par la signora Giulia Gabrielli, nommée Diane, laquelle à merveille fera connaître sa colère et son amour. » Même page : « Le prologue de cette pièce sera exécuté par la très excellente Marguerite Bertolazzi, dont la voix est si ravissante, que je ne puis la louer assez dignement. » Une scène est suivie de cette note : « Cette scène sera toute sans musique, mais si bien dite qu’elle fera presque oublier l’harmonie passée. » 34.

2117. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

On oublie trop souvent qu’une œuvre littéraire n’a pas toujours pour but essentiel de plaire ; qu’elle s’efforce en bien des cas de persuader, de convaincre, de changer les âmes, et, par leur intermédiaire, les mœurs et les lois.

2118. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

La fleur entre leurs mains, l’insecte sous leurs pieds, La source desséchée où vacillait l’image De leurs traits oubliés.

2119. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Tantôt nous saisissons les ressemblances entre des agrégats continus, coexistants ; par exemple, on oublie les différences qui séparent un cheval, une chute d’eau, une machine à vapeur, pour ne voir en eux qu’un pouvoir moteur.

2120. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Sous-entendez : Dans les bonnes grâces de la reine, et n’oubliez pas que le roi était à l’armée.

2121. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Son idéal de bonheur évidemment (chacun a le sien) était, au sortir des scènes de cérémonie qui l’ennuyaient, de trouver un monde aimable, riant, dévoué, choisi, au sein duquel elle parût oublier qu’elle était reine, tout en s’en ressouvenant bien au fond.

2122. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Bussi, l’imprudent Bussi, alors en exil & craignant d’être oublié, fit sur eux des remarques sanglantes, mais qui ne furent jamais publiques.

2123. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

N’oublions pas une dernière circonstance par laquelle on a cherché à expliquer la diversité et l’inégalité des intelligences, à savoir la composition chimique du cerveau, qui a attiré l’attention de nombreux observateurs.

2124. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Seneque, le précepteur de Neron, après s’être plaint que plusieurs de ces écoles qui portoient le nom du philosophe dont on y enseignoit le systême, se fussent anéanties, et que le nom de leur instituteur fut oublié, ajoute.

2125. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Nous demandons au titre une indication : l’auteur ne devrait jamais l’oublier.

2126. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Le nu tout seul, qui ne fut jamais dans les convenances de nos mœurs modernes, établit une grande différence pour la sphère d’inspiration ; et je remarquerai, à ce sujet, que les traditions classiques nous avaient égarés aussi dans la carrière des arts ; nous avions renié nos mœurs, et oublié notre climat, nous voulions à toute force nous transporter sur les bords de l’Ilissus et sous le ciel de la Grèce.

2127. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Qui sait si la « vieille chanson » qu’on disait surannée ne va pas recommencer à être la bienvenue pour bercer l’Humanité et lui faire oublier toutes les angoisses de cette fin de siècle obscure ? 

2128. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

À elle seule, la science n’eût pas suffi à créer l’humanisme, qui consiste moins dans la découverte de textes oubliés que dans une interprétation toute nouvelle des textes et des faits déjà connus.

2129. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

Cousin était alors entraîné si loin, qu’il oubliait sa chère méthode psychologique, seule différence qui le séparât encore « de ses amis, de ses maîtres, des chefs de la philosophie, du siècle. » Il établissait a priori la philosophie de l’histoire et l’histoire de la philosophie38.

2130. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Celui-ci, ayant oublié plusieurs mots du Pater et du Credo latins, ne sait plus les réciter qu’en anglais. […] De tels spectacles ne s’oublient pas ; les dernières paroles prononcées sur les fagots, les appels suprêmes à Dieu et au Christ demeurent dans leur cœur, tout-puissants et ineffaçables. […] Rien de plus grave et de plus simple que ce chant populaire ; nulle fioriture, nulle cantilène ; il n’est point fait pour l’agrément de l’oreille, et néanmoins il est exempt des tristesses maladives, de la lugubre monotonie que le moyen âge a laissée dans notre plain-chant ; ni monacal, ni païen, il roule comme une mélopée virile et pourtant douce, sans contredire ni faire oublier les paroles qu’il accompagne ; ces paroles sont les psaumes355 traduits en vers et encore augustes, atténués mais non enjolivés. […] Les mémoires, même ceux de Ludlow, de mistress Hutchinson, sont longs, ennuyeux, véritables factums dépourvus d’accent personnel, vides d’effusion et d’agrément ; tous, « ils semblent s’oublier et ne s’occupent que des destinées générales de leur cause410. » De bons ouvrages de piété, des sermons solides et convaincants, des livres sincères, édifiants, exacts, méthodiques, comme ceux de Baxter, de Barclay, de Calamy, de John Owen, des récits personnels comme celui de Baxter, comme le journal de Fox, comme la vie de Bunyan, une grande provision consciencieusement rangée de documents et de raisonnements, voilà tout ce qu’ils offrent ; le puritain détruit l’artiste, roidit l’homme, entrave l’écrivain, et ne laisse subsister de l’artiste, de l’homme, de l’écrivain, qu’une sorte d’être abstrait, serviteur d’une consigne. […] Comme un homme suspendu au-dessus d’un gouffre par une corde solide, il oubliait que la corde était solide et le vertige l’étreignait.

2131. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Soit, mais n’oublions pas que chacun des éléments peut être lui-même, dans certains cas, un organisme, et qu’en subordonnant l’existence de ce petit organisme à la vie du grand, nous acceptons le principe d’une finalité externe. […] Sans doute le « principe vital » n’explique pas grand-chose : du moins a-t-il l’avantage d’être une espèce d’écriteau posé sur notre ignorance et qui pourra nous la rappeler à l’occasion 20, tandis que le mécanisme nous invite à l’oublier. […] Ils oublient que ce noyau s’est formé aux dépens du reste par voie de condensation, et qu’il faudrait se servir de tout, du fluide autant et plus que du condensé, pour ressaisir le mouvement intérieur de la vie. […] Il ne faut pas oublier que toutes les parties d’un organisme sont nécessairement coordonnées les unes aux autres.

2132. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Me criait-il un jour avec une onction qui me toucha, oubliez-vous que Dieu est le seigneur des sciences- scientiarum dominus — donc de la raison ? […] Revenons à notre point de départ qu’il a si nettement marqué lui-même, mais pour l’oublier aussitôt. […] Valéry, du reste, oubliait heureusement ce jour-là, qu’il a adoré la précision ; il parlait en poète, non en philosophe, et fort d’une claire expérience personnelle, que tous les porte-lyre, Fagus compris, ont faite avec lui. […] nous nous offrons à ces " vibrations fugitives, si exquises d’ailleurs que " soient leurs caresses, non pour goûter le " plaisir qu’elles donnent, mais pour recevoir " le fluide mystérieux qu’elles transmettent… " contagion, ou rayonnement, dirai-je, voire " création ou transformation magique, par où " nous revêtons, non pas d’abord les idées ou " les sentiments du poète, mais l’état d’âme « qui l’a fait poète… » et les dernières lignes ne sont pas oubliées sur la poésie qui rejoint la prière.

2133. (1923) Paul Valéry

N’oublions pas cette vision de la page blanche qui hallucina positivement Mallarmé, si soucieux de conserver dans sa rare poésie, comme des intervalles de ciel étoilé, le refus même et la disponibilité indéfinie de cette page blanche. […] Une de ses grandes lectures de jeunesse a été l’admirable Dictionnaire de l’architecture française au moyen-âge de Viollet-le-Duc, dont aucun de ceux qui l’ont étudié dans son entier, à loisir, n’a dû oublier la richesse foisonnante d’idées et les percées lumineuses sur le domaine de presque tous les arts. […] Quoiqu’il en soit des découvertes futures et du renouvellement qui pourra jaillir, à tel moment, en lui, n’oublions pas qu’un poète peut fort bien se contenter d’un sujet, ou de quelques sujets, indéfiniment variés par des richesses d’expression que Valéry possède mieux que personne. […] N’oublions pas que ce grand poète avait trouvé en lui-même plus de raisons de se taire que de parler.

2134. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Mais n’oubliez pas l’histoire de Florent ; et Florent vous impatiente. […] Bertrand connaît à merveille l’Afrique : on n’a pas oublié La Cina. […] Et, ce Ravaillac, nous l’avions oublié : nous vivions sans lui. […] L’auteur des Études napoléoniennes, l’ayant posé, ne l’oublie pas. […] Le vieux vagabond, que j’avais oublié, se divinisa.

2135. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Quelque sérénité que lui donnât sa haute philosophie, il ne pouvait pas avoir entièrement oublié les tracasseries de Nevers et de Poitiers. […] Les violences du polémiste ont été oubliées pour une heure, par un tacite accord devant le beau talent d’un des meilleurs prosateurs et des plus rares qui aient paru depuis ces vingt ans. […] Il a affirmé, ce que les romanciers de mœurs semblent trop souvent oublier, que l’homme n’est pas mené uniquement par des intérêts et des sensations, et que la foi aux idées est un facteur essentiel de la volonté. […] J’allais oublier ce pastel sans nom, qui porte pour épigraphe les mots de la Vita nuova ; Tacendo il nome di, questa gentilissima et qui commence :‌ Toujours je la connus pensive et sérieuse.‌ […] Vivants, ils se sont connus et goûtés, quoique Heine ait dit de Musset dans une de ses minutes de mauvaise ironie : « C’est un jeune homme qui a un bien beau passé. » Mais quand son démon le possédait, qui n’égratignait-il pas avec délices depuis son compatriote Meyerbeer, dont il prétendait « qu’il serait immortel toute sa vie et même un peu après sa mort, parce qu’il avait payé d’avance », jusqu’à Hugo qu’il définissait : « Un beau bossu. » Et, en passant, il ne s’oubliait pas lui-même : « Que suis-je ?

2136. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Samedi 21 avril La poésie, il ne faut pas l’oublier, c’était autrefois toute l’invention, toute la création, toute l’imagination du temps passé… Aujourd’hui il y a encore des versificateurs, mais plus de poètes, car toute l’invention, toute la création, toute l’imagination du temps présent est dans la prose. […] … les portraits officiels, je sais ce que c’est maintenant. » Mercredi 1er août Le fer à gaufres, à oublies, à toutelots, ces trois fers, servant à faire les vieilles pâtisseries de la Lorraine, et que je regardais dans la cuisine, de Jean-d’Heurs, on me dit qu’on n’en fabrique plus, et que dans les successions et les ventes des antiques familles, on se les arrache. […] On n’a pas le sentiment d’une bataille absolument perdue, et moi j’oublie l’échec de la soirée, devant la satisfaction d’avoir vu finir la pièce.

2137. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Et il oubliait qu’il écrivait ces appels à la persécution dans le sein d’un empire et d’un culte grecs, où le prélat et le souverain auraient eu, d’après ses propres invocations à la tyrannie des esprits et des consciences, le devoir de le supplicier lui-même comme voleur domestique, car il ne cessait pas de prêcher à haute voix l’orthodoxie romaine au milieu de l’hérésie grecque ! […] Jamais je n’oublierai l’impression qu’il faisait sur ses neveux et sur moi quand, dans l’ombre du crépuscule, après des journées d’été passées dans le silence de son cabinet de travail, il se promenait, entouré de ses charmantes filles, sous les platanes de la vallée de Servolex, qui l’avaient vu petit enfant et qui le revoyaient grand vieillard, revenu du Caucase aux Alpes pour se reposer et mourir.

2138. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Ce n’est qu’au vingt-troisième chant que l’on revient à Roland, le véritable héros, mais le héros toujours oublié du poème. […] La belle guerrière Marphise, sœur de Roger, mais que Roger ne connaît pas, vit dans le camp avec ce héros et semble lui faire oublier Bradamante.

2139. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Il y a là une contradiction apparente, qui donne naissance à la philosophie des deux principes, de Zoroastre ; mais Zoroastre oubliait que, pour juger l’œuvre de Dieu, il faut la voir dans son ensemble et dans son éternité. […] « Déjà tout le bas-ventre était glacé ; alors Socrate, se découvrant, car il était couvert : « Criton, dit-il, et ce furent ses dernières paroles, nous devons un coq à Esculape3 ; n’oublie pas d’acquitter cette dette.

2140. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Quelque bourgeois y a gravé les insignes de sa noblesse de cloches, la gloire de son échevinage oublié. […] Ne se querelle-t-il pas pour des riens, pour des cailloux avec lesquels il essaye de se bâtir un mobile palais, pour des bouquets aussitôt oubliés que coupés ?

2141. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

J’en relis souvent quelques chapitres, surtout ceux où le philosophe inconnu, qui a écrit ces pages avec ses larmes, se dépouille du cilice monacal qui isole et qui dessèche sa doctrine, oublie qu’il est moine et redevient humain en redevenant homme. […] Car il leur apprend à mépriser ce qui passe, à aimer ce qui dure éternellement, à oublier le monde et à désirer le ciel, le jour et la nuit.

2142. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Mais l’âme, tantôt virile, tantôt féminine de madame de Staël, en inonde les pages d’une si magique et d’une si touchante poésie de cœur et de style, qu’on oublie le livre pour admirer l’écrivain. […] De beaux vers ne sont pas de la poésie ; l’inspiration dans les arts est une source inépuisable qui vivifie depuis la première parole jusqu’à la dernière : amour, patrie, croyance, tout doit être divinisé dans l’ode, c’est l’apothéose du sentiment ; il faut, pour concevoir la vraie grandeur de la poésie lyrique, errer par la rêverie dans les régions éthérées, oublier le bruit de la terre en écoutant l’harmonie céleste, et considérer l’univers entier comme un symbole des émotions de l’âme.

2143. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Manque-t-il d’ouvrages ayant eu du succès, et beaucoup, qu’on a définitivement oubliés ? […] Victor Wilder ; quelques personnes, bien informées, déclarent même la nouvelle certaine… Il serait bizarre alors que les Maîtres chanteurs, dont le succès a été considérable, fussent oubliés.

2144. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Outre les éléments qui précèdent, il ne faut pas oublier, dans la formation de l’idée d’espace, ce que les Anglais appellent les sentiments de mouvements, feelings of motion. […] Il ne faut pas oublier que l’œil réagit au contact de la lumière selon la même ligne qu’elle : nous tendons donc toujours à percer perpendiculairement du regard toute surface visible ; nous avons ainsi devant les yeux une surface immédiatement donnée et, par la réaction motrice inséparable de la vision, une trouée dans cette surface, une percée qui est un mouvement dans le sens de la profondeur.

2145. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Chacun le sait et tout le monde l’oublie. […] Et alors vers ma table, le crâne et le front balayés et baignés de grandes mèches de cheveux blancs, quelqu’un d’à peine vivant, d’oublié par la mort, par la guerre, s’approche, branlant comme une ruine.

2146. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

» Il nous donne ensuite des détails sur sa captivité, sur ces sept jours entiers passés, sans qu’on délivrât de vivres à l’armée captive, qui n’eut pour vivre que quelques pommes de terre oubliées. […] Mais personne ne connaît le nom de Chateaubriand, et même le chemin de Henri IV est oublié dans le pays.

2147. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Visionnaires, si on en croit les gens positifs, ces sortes d’esprits dont Shakespeare, qui n’a rien oublié sur sa route, nous a donné l’idéal dans Hamlet, et qui voient et regardent bien moins dans les choses que « dans l’œil de leur propre pensée ( in the eye of my mind ) », dit Hamlet, ressemblent à des peintres pour lesquels l’ordre du prisme serait renversé. […] Dans l’Aéronaute hollandais, très inférieur au Scarabée, Poe oublie tout à fait son génie fantastique pour le génie propre à sa race : la découverte (toujours la découverte !)

2148. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Mais il ne faut pas oublier qu’ici l’effusion même de la croyance était une arme de défense, et une réponse à la doctrine d’Arius. […] De là, les accents de vraie poésie élégiaque, admirés dans Grégoire de Nazianze, mais qui ne devaient pas nous faire oublier son génie lyrique.

2149. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Je dois dire avec reconnaissance, au nom des critiques de Paris absents qui se sont autrefois occupés de l’abbé Prévost, qu’ils n’y furent point oubliés.

2150. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

En rencontrant chez Mme Guyon une âme tendre et subtile, qui renouvelait en apparence ce qu’on a rapporté des ferveurs les plus saintes et les plus favorisées, il s’oublia trop à spéculer avec elle et à rivaliser de curiosité ou d’abandon.

2151. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Car, n’oublions jamais que Dante est moins à lire qu’à étudier sans cesse.

2152. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

On les craint, on les désire, on s’en vante ; et le talent modeste est estimé et souvent oublié.

2153. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il ne prétend jamais assurément se faire tort ni se faire oublier.

2154. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Dès à présent, et comme on n’a pas tout à fait oublié d’ailleurs ce qui s’est passé ensuite, on est en mesure, ce me semble, de répondre à la première question que je me suis posée : Quelle idée peut-on se former, d’après cette seule lecture, du régime politique que l’ouvrage est destiné à justifier ou même à glorifier ?

2155. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Dans les projets d’études et les plans de lectures qu’il trace pour le jeune prince, Fénelon n’oublie pas de dire : « S’il s’ennuyait il faudrait varier. » Il ne veut jamais qu’on insiste ni qu’on appuie sur l’ennui.

2156. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Le matin, à peine éveillée, elle oubliait de se chausser, et étudiait au saut du lit ; elle y prit même une pleurésie qui pensa l’emporter.

2157. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les animaux qui gardent de leurs petits en bon nombre, après avoir crié, oublient vite celui qui leur manque et ne nourrissent pas de regret sentimental.

2158. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Je me laisse aller à faire de la rhétorique à propos d’un livre qui y provoque, et j’allais oublier l’action.

2159. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Taillandier oublie trop, et dont M. de Lamartine nous disait, hier encore, avec le charme qui s’attache même à ses dernières paroles : « L’amour en Italie, comme on peut le voir par la Béatrice de Dante et par la Laure de Pétrarque, est le plus avoué et en même temps le plus sérieux des sentiments de l’homme.

2160. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Parcourant plus tard l’Allemagne et étant à Nuremberg, cette ville gothique, toute dévote à elle-même, tout occupée à se conserver, à se repeindre, et qui est « une collection plutôt qu’une ville », il remarque qu’au milieu des raretés qu’elle offre à chaque pas « on a peine à trouver une de ces œuvres qui laissent un souvenir durable ; on est souvent étonné, jamais ému ; c’est toujours le dernier objet qui frappe le plus et qui fait oublier les autres : « Je me souviens à ce propos, dit-il, de l’impression que nous ressentîmes à Rome, il y a de cela dix-huit ans (1836).

2161. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Cher Ulric, vous êtes donc incurable ; vous êtes resté l’homme de nos belles et jeunes années, de nos ardeurs qui ne vivent plus qu’en vous et en un autre ami que peut-être vous avez oublié, Victor Pavie d’Angers, celui-là encore un fidèle, un chapelain resté pieux de notre chapelle ardente !

2162. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Mais si le temps m’épargne et si la mort m’oublie, Mes mains, mes froides mains, par de nouveaux concerts, Sauront la rajeunir, cette lyre vieillie ; Dans mon cœur épuisé je trouverai des vers, Des sons dans ma voix affaiblie ; Et cette liberté, que je chantai toujours, Redemandant un hymne à ma veine glacée, Aura ma dernière pensée, Comme elle eut mes premiers amours.

2163. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Jean-Baptiste avait probablement oublié de relire le dixième livre de l’Odyssée, ou même, s’il l’avait relu, il y aurait saisi peu de chose ; car il manquait du sentiment des époques et des poésies, et s’il mêlait sans scrupule Orphée et Protée avec le comte de Luc, Flore et Cérès avec le comte de Zinzindorf, il n’hésitait pas non plus à madrigaliser l’antiquité, et à marier Danchet et Homère.

2164. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Elle, sensible bergère, pour emprunter à son poëte même des traits qui la peignent, elle est assez belle aux yeux de l’amant si, au sortir de la grotte bocagère où se sont oubliées les heures, elle rapporte Un doux souvenir dans son âme, Dans ses yeux une douce flamme, Une feuille dans ses cheveux.

2165. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre II »

Trousseau en exprima l’intérêt, même au point de vue médical pur, dans les pages savoureuses qui ouvrent le recueil de ses magistrales cliniques : « Que les nosologies soient utiles à celui qui commence l’étude de la médecine, j’y consens au même titre qu’une clef analytique est assez bonne, au même titre que le système si faux de Linné peut être fort utile à celui qui essaie l’étude de la botanique ; mais, Messieurs, si vous connaissez assez pour pouvoir reconnaître, permettez-moi cette espèce de jeu de mots, hâtez-vous d’oublier la nosologie, restez au lit du malade, cherchant sa maladie comme le naturaliste étudie la plante en elle-même dans tous ses éléments.

2166. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Car il ne faut pas oublier le principe que j’ai posé dès le commencement de cet ouvrage ; c’est que le génie le plus remarquable ne s’élève jamais au-dessus des lumières de son siècle, que d’un petit nombre de degrés.

2167. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Un jour que la comtesse Amélie de Boufflers parlait un peu légèrement de son mari, sa belle-mère lui dit : « Vous oubliez que vous parlez de mon fils  Il est vrai, maman, je croyais ne parler que de votre gendre ».

2168. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Celui qui eut le plus de talent, qui marqua inexorablement toutes les petitesses des philosophes dans ses acres satires, Gilbert, obtint la faveur de la cour, des pensions, un nom littéraire qui n’est pas encore oublié : il n’eut aucune prise sur l’esprit public.

2169. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Jacques Morland Pour bien juger l’Académie française il faut ne pas oublier qu’elle est un salon qui a la charge de maintenir et de défendre parmi nous la tradition.

2170. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Desjardins a oublié de nous dire qu’il ne donnait aucun sens plus solide aux termes justice, amour, bien, loi, illusion, vanité, destinée, idéal, but, précédemment avancés.)

2171. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

La conception réaliste de l’avènement divin n’a été qu’un nuage, une erreur passagère que la mort a fait oublier.

2172. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. James Mill — Chapitre I : Sensations et idées. »

Aussi James Mill n’est-il que juste, quand il dit « qu’il n’y a aucun élément de la conscience qui demande plus d’attention que celui-là ; quoique jusqu’à ces derniers temps il ait été déplorablement complètement oublié. » C’est une particularité de notre constitution que quand nos sensations cessent par l’absence de leurs objets, quelque chose reste.

2173. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Mais je m’oublie à parler de l’écrivain, et le roman est là qui me rappelle.

2174. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

La Fontaine s’y oublierait, et, désormais moins volage, n’en sortirait plus.

2175. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Les restes du maréchal Marmont, arrivés à Châtillon-sur-Seine le 3 mai 1852, y ont été reçus avec tous les honneurs militaires dus à son rang, et avec des témoignages unanimes d’affection et de sympathie de la part d’une population qui ne l’avait jamais oublié ni méconnu.

2176. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Il n’oubliait toutefois rien pour caresser chacun, et l’on remarquait visiblement qu’il était plus ou moins gai, selon qu’il y avait chez lui une plus grande ou plus petite cour.

2177. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Il part en octobre 1776 sur un sloop de guerre, n’oublie pas durant la traversée de faire, selon son usage, des observations physiques sur la température marine, et arrive sur la côte de Bretagne, dans la baie de Quiberon, d’où il se rend par terre à Nantes, puis à Paris (fin de décembre).

2178. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

C’est un geste, une coiffure, c’est un port de tête, un mot, une piété en commun pour un nom d’artiste nouveau ou oublié, et ce signe, qui symbolise leur supériorité, reçoit son efficacité et sa puissance de suggestion de l’unanimité de leur accord.

2179. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Des actes farouches s’accomplissent, une mort soudaine, une tentative de viol, le double assassinat d’une vieille usurière et d’une mûre mystique ; et ces faits se répercutent en d’infinis affolements ; l’on assiste au trouble naissant puis despotique et mortel que cause, en une pauvre cervelle de petite fille, le souvenir d’un passé de cruauté et de souffrance ; dans Crime et châtiment l’horrible fièvre du remords sévit, étreint le meurtrier, le relâche, l’endurcit, le rompt et le prosterne en une faiblesse mêlée de férocité et de désespoir, jusqu’à ce que, cerné par la société, retranché de sa famille et renié de lui-même, il trouve auprès d’une humble fille le secret oublié des larmes et la paix du châtiment.

2180. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Le sujet pensant ne se perçoit donc pas à la manière des choses externes, comme un phénomène ou une collection de phénomènes ; mais ne l’oublions pas, il ne se connaît pas non plus dans son essence, dans son fond absolu.

2181. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Oublions ces sujets de discorde et de haine.

2182. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

L’amour du gain hâte le pinceau et compte les heures ; l’amour de la gloire arrête la main et fait oublier les semaines.

2183. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Surtout, n’oubliez pas le Docteur Mathéus de MM. 

2184. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Sans pousser cette sollicitude jusqu’à une sorte de manie, il ne faut jamais oublier, en effet, que le théâtre antique est sculptural, que les personnages y forment des groupes harmonieux faits pour satisfaire les yeux amoureux de la beauté des lignes autant que l’esprit amoureux de la beauté des pensées ; que les Grecs ne cessent jamais d’être artistes et qu’il faut nous faire artistes nous-mêmes pour goûter leur théâtre, sinon autant qu’ils le goûtaient, du moins de la manière, d’une des manières, et importante, dont ils le goûtaient.

2185. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin nous fait oublier ses personnages ; il entre lui-même dans le récit, un paquet de livres sous le bras.

2186. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

La philologie est un souterrain obscur, étroit, sans fond, où l’on rampe au lieu de marcher, si éloigné de l’air et de la lumière, qu’on y oublie l’air et la lumière, et qu’on finit par trouver belle et naturelle la clarté fumeuse de la triste lampe qu’on traîne accrochée après soi.

2187. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Nous leur consacrerons quelques lignes ; mais nous ne devons pas oublier de citer Gérard de Vivre, qui fit jouer, en 1577, les Amours de Thésée et de Déjanire. […] Si dans son Hippolyte, on voit une Phèdre sans pudeur bien différente de la Phèdre de Racine, on doit ne pas oublier que Garnier vivait sous Henri II et sous Charles IX, Racine sous Louis XIV. […] Il est un autre abbé de cette époque, Boyer, dont nous ne devons pas oublier la figure. […] Alexandre, qui ne respirait que les combats, s’oublie auprès d’une maîtresse ! […] Les uns ont prétendu qu’il avait seul pu faire oublier la retraite de Racine ; les autres ont trouvé détestables les vers les plus remarquables de son répertoire.

2188. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Je hazarderai ici un paradoxe ; c’est qu’entre les premieres regles du théatre on a presque oublié la plus importante. […] Le poëte se tire ordinairement d’affaire, en faisant faire à un acteur par un autre, tous les récits dont il a besoin, tantôt avec la précaution d’instruire un personnage qui n’est pas au fait, tantôt en lui rappellant ce qu’il peut avoir oublié, quelquefois même en lui disant qu’il s’en souvient, comme si c’étoit une raison de le lui redire. […] C’est… voilà des préparatifs bien forcés : mais la situation est si belle, qu’on les a oubliés volontiers à ce prix ; et Corneille même s’en savoit si bon gré, que, malgré de si grands défauts, il a toujours crû Rodogune la plus belle de ses tragedies. […] Cette considération fait disparoître l’autre ; et parce que nous sommes bien-aises d’être instruits, nous en oublions que l’acteur devroit se taire. […] J’ai choisi, pour elle, un excès d’amour qui lui fait oublier les avis des dieux, foiblesse qui n’exclud pas de grandes vertus, et avec laquelle une femme peut s’attirer d’ailleurs le respect et l’admiration.

2189. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Mais n’oublions pas que l’influence de la critique, même plus notoire et mieux armée que celle qui s’essaya en ces pages, est très faible sur les écrivains. […] Il ne faut pas oublier que c’est sous l’invocation de des Esseintes que Mallarmé met la Prose où se formule son Art Poétique. […] Je hais l’aumône utile et veux que tu m’oublies Et surtout ne va pas, drôle, acheter du pain. […] Tu es un Dieu qui ne feint d’oublier sa toute essence qu’afin d’en réaliser le rayonnement. […] (Il s’agit, ne l’oublions pas, des mots anglais.)

2190. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je ne suis pas suspect d’oublier les classements sociaux, ni d’en oublier ni d’en méconnaître l’importance. […] Et ça faisait un certain bruit propre, très particulier, un bruit que l’on n’oublie plus une fois qu’on l’a entendu une fois. […] Il y avait cette dualité parfaite, les deux colonnes du Temple, Dieu dit : — Il en faut deux ; et dans le sanctuaire… L’un sculptait l’idéal et l’autre le réel… On en oubliait les deux colonnes, ensemble, jumelles, de la place, de la barrière du Trône. […] Il avait oublié les 14.000 Saxons de Leipzig et la cavalerie wurtembergeoise. […] Nous n’oublions que cela.

2191. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Grant Allen oublie trop dans son Esthétique physiologique, fut à l’origine tout utilitaire4. […] Aussi l’américanisme finirait-il par faire oublier non seulement l’art, mais la science : c’est donc l’ennemi commun. […] Il oublie que la bouche des canons va grossissant suivant la masse du projectile : cette bouche béante, ce cou énorme, qui se tend au dehors des forts et des vaisseaux, cet acier qui a le brillant d’un œil au guet, fait la beauté des canons modernes, beauté où entre un vague sentiment d’effroi. […] Devant l’harmonie large de la pensée, l’auditeur oublie les raffinements de l’oreille et ceux des autres sens, surtout quand ces raffinements s’exercent non seulement au sujet de sons musicaux comme les voyelles, mais de simples bruits comme les consonnes. […] Si l’algèbre n’impliquait pas la connaissance et l’emploi de l’arithmétique, cette dernière pourrait s’oublier : ainsi s’efface l’instinct, cette sorte de science rudimentaire accumulée par les générations, lorsque la raison, cet instinct supérieur, peut, sans le même effort, remplir exactement la même fonction.

2192. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

« Il ne faut pas oublier », dit Legrain, « que le dégénéré peut être un génie. […] Nous ne devons pas oublier que toutes nos perceptions, aperceptions et idées sont, par l’association d’idées, attachées les unes aux autres de plus près ou de plus loin. […] Toute la différence entre les « primitifs » et les préraphaélites, c’est que ceux-là devaient commencer par inventer le dessin et la peinture exacts, tandis que ceux-ci voulaient les oublier. […] Si jamais ils surent quelque chose, ils affectent de l’oublier. […] Un pauvre diable de dégénéré qui s’oublie en un pareil griffonnage, et un lecteur imbécile qui suit son radotage comme des nuages qui passent, sont simplement à plaindre.

2193. (1886) Le naturalisme

Cependant, quand, dans leurs traités de littérature, nos voisins arrivent au xvie  siècle, ils n’oublient jamais de dire qu’ils eurent alors aussi leur Cervantès. […] L’abbé Prévost, infatigable romancier, qui composa plus de deux cents volumes, oubliés aujourd’hui, réussit par hasard à en écrire un à qui il doit de figurer à côté de Le Sage. […] Et notez que si je nomme Cervantès, pour louer la perfection des discours des héros de Valera, je n’oublierai pas d’ajouter que le génie réaliste de Cervantès le poussa à faire que Sancho, par exemple, parla fort mal et commit des fautes, et que Don Quichotte corrigea ses dires. […] Pour indiquer où commence le réalisme contemporain, il faut remonter à quelques passages de Fernan Caballero, et surtout aux auteurs des Scènes Madrilènes et de Hier, Aujourd’hui et Demain, sans oublier Figaro dans ses articles de mœurs. […] N’oublions pas que l’autre, c’est le public.

2194. (1881) Le naturalisme au théatre

De là, cette conclusion : quand on veut faire du théâtre, il s’agit d’oublier la vie et de manœuvrer ses personnages d’après une tactique particulière, dont on apprend les règles. […] Il lui faudrait tout oublier. […] Cherchez autour de lui, voyez comme tout passe et comme tout s’oublie. […] J’oubliais de dire qu’en chemin, il retrouve sa femme et sa fille. […] D’abord, c’est Froll-Gherasz qui arrive dans un campement cosaque et qui adjure ses anciens soldats de ne pas recommencer une lutte insensée ; mais, lorsque Stencko, en apprenant que Mikla est restée comme otage, refuse le commandement et retourne à la cour de Ladislas IV pour la sauver, le vieux chef oublie sa mission, oublie sa fille, et saisit le sabre de chef suprême, par amour de la patrie en larmes.

2195. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il ne séparait pas la science de la morale, et il n’était pas non plus de ceux qui ensevelissent leurs débuts pénibles et leurs origines ; il avait eu la vie rude et même misérable ; il avait été pauvre, et il lui arrivait de le rappeler à son fils en des termes qui ne s’oublient pas : « Il m’est arrivé de manquer de pain, toi déjà né. […] J’ai voulu inscrire son nom sur la première page de ce livre, auquel du fond de la tombe il a eu tant de part, afin que le travail du père ne fût pas oublié dans le travail du fils, et qu’une pieuse et juste reconnaissance rattachât l’œuvre du vivant à l’héritage du mort… » C’est ainsi que ce juste et ce sage à la manière de Confucius entend la reconnaissance filiale, et qu’il en motive le témoignage en le consacrant.

2196. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Une circonstance particulière et que j’allais oublier avait contribué, dès les premiers moments du discours de M.  […] Molé s’excusant d’être un peu long : « Mais j’oublie trop, je le crains, la fatigue de cette assemblée. » L’assemblée avait témoigné, à n’en pouvoir douter, combien elle donnait son assentiment à cette parole, qui, dans tout autre cas, eût passé inaperçue et n’eût semblé qu’une politesse oratoire.

2197. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Antoine Du Verdier et La Croix du Maine en leurs Bibliothèques françaises, Étienne Pasquier dans ses Recherches, Claude Fauchet dans ses Origines, s’avisèrent de s’inquiéter de ces vieux poètes, de ces vieilles rimes et de ces vieux romans oubliés. […] Burguy qui parle), je n’ai rien trouvé qui pût justifier ce grave reproche, Fallot, ne l’oublions pas, avait l’intention d’écrire une grammaire générale des dialectes français et non pas d’un dialecte particulier ; il a donc été obligé de généraliser autant que possible, s’il ne voulait pas accumuler une masse de particularités locales et secondaires, qui auraient fait de son travail une indigeste composition.

2198. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Le fondement qu’elles ont dans la sensation est oublié, et nous supposons qu’elles sont quelque chose qui, intrinsèquement, en diffère. […] Ce qui est indépendant et permanent lui semble seul digne d’attention, et désormais, pour peupler la scène de l’être, il met au premier rang cette Possibilité et les autres semblables. — Par contrecoup, il écarte ou laisse de côté comme peu importantes les sensations fugitives ; à force de les omettre, il oublie que les propriétés, les pouvoirs et les forces n’en sont qu’un extrait.

2199. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Il est mort récemment, pauvre et oublié, à l’âge de quatre-vingt-dix-sept ans, aux États-Unis, où le flot de ses aventures et de ses malheurs l’avait porté ; il a écrit, dans ses dernières années, des Mémoires dignes de ceux du comte de Grammont. […] Il excelle dans tous les genres, il étend sa domination sur tout le vaste empire de l’art, depuis la canzonetta jusqu’au poème dramatique, depuis la sonate jusqu’à la symphonie : son imagination, aussi variée que profonde, aussi tendre que sublime, exprime tous les sentiments de la nature humaine, depuis le demi-sourire jusqu’à la grâce, et les transports de l’amour jusqu’aux sombres terreurs de l’âme religieuse ; car il ne faut pas oublier que c’est la même plume qui a écrit le Mariage de Figaro et la messe de Requiem.

2200. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Ce séjour fut charmant, mais court ; l’image de Laure, un moment oubliée, le rappelait comme à son insu à Avignon ; il y revint ; en la retrouvant, il retrouva son délire. […] Cette incertitude m’agite nuit et jour, je ne suis plus ce que j’étais ; je ressemble à un homme qui marche sur un sol miné… » Puis un songe lui offre l’image courroucée de Laure qui le défie de l’oublier.

2201. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

« Pour moi, qui cherche à ne rien oublier pour remplir tous les devoirs qui me sont imposés, je sais que dans l’exercice de la dignité suprême il se rencontre chaque jour quelques milliers d’articles très difficiles à débrouiller. […] Quand elle eut reçu cette grâce, au lieu de redoubler d’attentions et de ne rien oublier pour me persuader de plus en plus qu’elle en était digne, elle n’eut plus que de l’orgueil.

2202. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

… Puis-je oublier en un jour ce que j’étais hier, ce que je suis encore aujourd’hui ? […] Il fut convenu que Quintus, comme le moins illustre et le plus oublié des deux, retournerait seul à Antium, leur pays natal ; qu’il en rapporterait l’argent nécessaire à leur fuite, et qu’il rejoindrait en toute hâte Cicéron dans sa maison de la côte de Gaëte, où il allait l’attendre pour s’embarquer.

2203. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Moi qui avais vu représenter cette même pièce dix ans peut-être auparavant, et qui depuis l’avais complètement oubliée, je sentis aussitôt mon cœur et mon esprit se remplir d’une émulation où il entrait à la fois de la colère et du dédain, et je me dis : “Et quels Brutus ! […] À peine redevenu sain de corps et d’esprit, j’oubliai les douleurs de cette longue absence qui, heureusement pour moi, fut la dernière, et je me remis au travail avec passion et fureur.

2204. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

À la chute de l’empire romain, tout fut dispersé et oublié. […] Il oublie trop souvent, malgré des prétentions contraires, que le moraliste doit être un conseiller et non un historien.

2205. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il se chante lentement, et on se souvient que la mélodie en est très expressive et d’une couleur pénétrante ; on ne l’oublie plus. […] Elle s’adresse à Parsifal et l’engage à oublier sa douleur pour se livrer à l’ivresse de l’amour.

2206. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Et puis, n’oublions pas de noter une unité bien précieuse que cette œuvre est seule à posséder parmi les crames ce Wagner : c’est qu’elle est exclusivement poétique. […] Car la musique, autrefois un jeu, est aujourd’hui devenue une langue. « Seulement, ne l’oublions jamais, et ne tâchons jamais de lui dérober la plus précieuse de ses qualités en voulant la préciser par des conventions : c’est une langue « qu’on ne saurait interpréter à l’aide des lois de la logique et qui contient en elle-même une puissance de conviction immédiate bien supérieure à celle de ces lois ».

2207. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

C’est ce qu’oublient également les idéalistes, préoccupés des formes préétablies dans l’intelligence, et que l’intelligence, selon eux, imposerait ensuite à la nature. […] Si je m’évanouis, je perds la conscience de la succession ; si je reviens à moi, je la retrouve, et je la projette instinctivement dans le vide même du passé oublie.

2208. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Je lui racontai mon roman, et remarquai chez lui un grand dégoût, quand je l’entretenais d’hystérie… Puis tout à coup, brusquement, comme cela a lieu dans les songes, j’oubliai ce qui m’amenait, et je lui parlai de ses livres, l’interrogeant sur ce qu’il faisait alors. […] Enfin on l’a recousue, on a noué tout cela avec du fil et des épingles… Ça ne fait rien, je t’assure que je vivrais cent ans, je n’oublierai pas ce que c’est qu’une opération césarienne.

2209. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Ces articles se perdent, s’oublient, et lorsque quelqu’un les cite de mémoire, on ne veut pas y croire. […] » Et devant l’annonce d’un tel malheur pour cette famille catholique, son cas à lui, Daudet, était oublié.

2210. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Partir d’œuvres littéraires qui embrassent et montrent tout le merveilleux spectacle de la vie, s’en détacher peu à peu et s’en déprendre par une lente et sourde angoisse d’un idéal de vertu, hésiter, ne savoir que faire un temps et continuer à considérer le monde avec de soudaines reprises de tendresse, puis se buter contre le problème de sa fin et de sa cause, oublier son charme, sa grandeur, son radieux fleurissement de force pour lui demander compte de son sens en présence de son terme, et s’encercler peu à peu dans ce problème comme un sorcier dans son rhombe, dédaigner les véritables solutions par mépris et impuissance de l’intelligence et en venir comme le dernier des prédicants et comme le solitaire de Port-Royal à une doctrine de simplification, de retranchement de toutes les obligations sociales, de reniement de tous les appétits et de l’amour même de soi, de sa propre vie, avec l’idée folle d’exclure, en ce monde de guerre, la violence et le mal des actes des hommes, telles furent les phases de la transformation mentale de Tolstoï, déclin dont on peut mesurer la profondeur en comparant l’épopée grandiose et par bonheur acquise de La Guerre et la Paix, à des récits comme Le Tilleul, à des moralités puissantes encore mais puériles comme Le Premier Distillateur et La Puissance des Ténèbres. […] Nous avons vu de quels éléments hostiles l’une et l’autre sont formées, comment les premiers livres de Tolstoï sont de larges et proches images de la nature et de l’homme, comment la vie même s’y est reproduite par les caractères profonds et cachés dont se marque sa révélation ; comment une infinie variété d’âmes humaines y existent vraiment, âmes de femmes, de jeunes filles, d’enfants, de soldats, d’hommes, prises à même de la multitude diverse, créées mobiles, variables, individuelles, réelles, agitées, bruissantes et telles que la sagacité de l’analyste s’oublie devant le succès et l’illusion de la synthèse.

2211. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Le coefficient intellectuel de chaque acte moral, c’est-à-dire le coefficient inactif, est notablement augmenté ; le sujet de ce phénomène oublie de plus en plus de vivre pour se voir vivre ; il diminue à la fois son existence et le plaisir qu’il a pu prendre à en être le spectateur. […] Ils sont exclus du monde des faits, de la connaissance et de l’amour des simples objets naturels, par le maléfice d’une imagination incurablement raffinée, qui dégoûte de toutes choses par de plus séducteurs idéaux et oublie qu’il manque à ces fantômes la qualité primordiale de l’existence.

2212. (1894) Textes critiques

N’oublions pas un beau Toulouse-Lautrec, les pastels d’Hermann-Paul, les H. […] Disant que tout est beau dans la nature, il oublie que tout est beau pour quelques-uns seuls qui savent voir ; et que chacun du moins élit un beau spécial, le plus proche de soi ; et en cette nature de Pont-Aven et du Pouldu le va distiller comme un cheval d’Espagne en l’entonnoir d’un lys au pollen de fourmilion.

2213. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« Pendant », dit-il, « que je glissais dans un enfoncement du sol » (allusion sans doute à ses adversités), « s’offrit à mes yeux Celui qui par un long silence paraissait avoir perdu l’usage de la parole. » Cela désigne Virgile, par allusion à la longue ignorance de ces siècles qui avaient oublié la langue latine. […] Le Dante est ému et attendri ; la pitié lui fait oublier le crime.

2214. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Mais cette action indirecte et médiate, si puissante, si variée soit-elle, suppose toujours, qu’on ne l’oublie pas, la réaction de l’activité intellectuelle et morale de l’homme. […] Bouillier énumère avec une rare pénétration les dangers de toute sorte qui menacent les sociétés modernes, et, s’il jette un cri d’alarme, ce n’est pas qu’il soit pessimiste et désespère de l’avenir, c’est qu’à son avis on est trop tenté d’oublier où sont le remède et le salut.

2215. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Mézeray est modeste sur les erreurs ; il reconnaît qu’il a dû en commettre beaucoup : « Et vraiment il n’est pas au pouvoir d’un homme mortel de faire une course de douze siècles sans broncher. » De son style il déclare qu’il ne dira rien ; mais on voit qu’il y tient et qu’à ce début il l’a soigné : « C’est à vous, dit-il aux lecteurs désintéressés, à prononcer si j’ai écrit d’une belle manière, si j’ai découvert quelques lumières qui n’eussent pas encore été démontrées ; là où j’ai touché au but, et là où je m’en suis éloigné. » Il nous rappelle ce que nous ne devons jamais oublier quand nous nous reportons à la première époque où parurent ces ouvrages une fois en vogue, et dès longtemps vieillis : c’est que, si la matière était déjà vieille alors et semblait telle, la forme qu’il lui donnait à son heure la rendait toute nouvelle.

2216. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

à en nouer déjà d’un autre genre, il partit pour l’Italie : Marianne alors était complètement oubliée.

2217. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

[NdA] Je ne dois pas, en écrivant, tout à fait oublier que Le Moniteur s’affiche au coin des rues ; voici toute la citation trop vraie ; je l’offre à ceux qui lisent dans la chambre : « Quand on est destiné à gouverner les hommes, il faut les aimer pour l’amour de Dieu, sans attendre d’être aimé d’eux, et se sacrifier pour leur faire du bien, quoiqu’on sache qu’ils disent du mal de celui qui les conduit avec bonté et modération. »

2218. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Il y a, au milieu de toutes les exagérations de l’Essai, un sentiment touchant qui y règne en effet et qui y circule ; Chateaubriand sauvage et fier, mais malheureux, est alors humain, sympathique et fraternel aux infortunés, modeste même ; il est ce que le génie et la gloire, en le couronnant, oublieront trop de le laisser depuis.

2219. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Il s’oublie, il s’amuse, il se laisse aller aux goûts divers de l’humeur et de la nature, mais sans un système bien réfléchi.

2220. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Il ne lui était pas donné de se perdre à volonté ni de se faire oublier ; il était à peine entré à l’assemblée des États généraux, que, dans l’embarras de nommer un doyen ou président, on l’élut au moment où il y songeait le moins : On n’imaginera pas facilement, dit-il, à quel point je fus affligé et atterré de cette nouvelle.

2221. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

La partie littéraire, sans y tenir plus de place qu’elle n’en avait réellement à cette Cour et dans ce monde de magnificence et de plaisirs, n’y est jamais oubliée.

2222. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il est ici-bas logé au dernier et pire étage de ce monde, plus éloigné de la voûte céleste, en la cloaque et sentine de l’univers, avec la bourbe et la lie, avec les animaux de la pire condition…, et se fait croire qu’il est le maître commandant à tout, que toutes créatures, même ces grands corps lumineux, incorruptibles, desquels il ne peut savoir la moindre vertu, et est contraint tout transi les admirer, ne branlent que pour lui et son service… Ici Charron combine et resserre deux passages différents ; il écourte Montaigne, mais il ne saurait faire oublier ni supprimer cette admirable interrogation que l’on dirait de Pascal s’adressant des objections à lui-même : Qui lui a persuadé que ce branle admirable de la voûte céleste, la lumière éternelle de ces flambeaux roulant si fièrement sur sa tête, les mouvements épouvantables de cette mer infinie, soient établis et se continuent tant de siècles pour sa commodité et pour son service ?

2223. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Charron ici, dans sa définition tant de la probité que de la religion, et du lien qui les unit, a été tout occupé d’éviter à son homme de bien la crainte des châtiments futurs pour unique principe d’action, et il a trop oublié la charité et l’amour.

2224. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Je vous fais une prière : que vous oubliiez toutes haines qu’avez voulu à qui que ce soit des miens.

2225. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Le roi tenait ce grave discours à ses officiers et gens de justice le 24 ; la veille, il avait écrit ces mots plus lestes à Gabrielle : « Ce sera dimanche (après demain) que je ferai le saut périlleux. » Ce mot a scandalisé à bon droit ; mais il ne faut jamais oublier que Henri IV, nonobstant les sentiments, avait une manière gaie involontaire de prendre et d’exprimer même ce qu’il avait de plus à cœur et de plus sérieux.

2226. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

De même n’approchez pas d’Archimède au moment où il oublie tout hormis son problème, et où il va se laisser arracher la vie plutôt que de se détourner de la poursuite de l’unique vérité à laquelle il s’attache et qui fait sa joie.

2227. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Pourtant on ne peut s’empêcher de remarquer que si Boileau avait ajouté à ses talents de poète et à sa finesse de critique les grâces et le monde de Voiture, son art de vivre sur un pied de familiarité avec les plus grands et de jouer sans cesse avec eux sans s’oublier, il eût mieux ressemblé à Horace.

2228. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Bref, après la mort de Luynes, après bien des pourparlers semblables entremêlés aux coups de main, M. de Rohan, qui voit tout le peuple las de la guerre, à qui il ne reste pas de fourrage pour nourrir huit jours sa cavalerie très diminuée, et qui n’a plus aucun espoir de secours de la part des coreligionnaires étrangers, s’abouche avec le connétable de Lesdiguières pour rédiger un traité (octobre 1622) qui sauve et maintient les points principaux nécessaires au parti, et où ses propres intérêts aussi ne sont pas tout à fait oubliés : après quoi il n’est pas seulement pardonné par le roi, il a un éclair de faveur en Cour.

2229. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Je n’oublie pas que cet ouvrage a été l’objet d’un débat tout autre qu’un débat littéraire, mais je me souviens surtout des conclusions et de la sagesse des juges.

2230. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

À l’électrice Sophie de Brunswick, elle écrivait en 1698 : «… Je différerais même encore de me donner l’honneur d’écrire à Votre Altesse électorale, si je ne trouvais une espèce de consolation à entretenir une grande princesse qui est plus propre qu’une autre à me compatir par la bonté de son cœur et par l’amitié dont elle m’honore. » — Ô pure langue française, que tu es donc une chose délicate et fugitive pour que Mme des Ursins elle-même ait pu t’oublier et t’offenser quelquefois !

2231. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Je fais atteler ; j’oublie mon dîner et mes hôtes.

2232. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

L’avenir ne le reniera pas ; sa dernière forme, dégagée de quelques violences qui de loin, déjà, nous font seulement sourire, prévaudra dans la mémoire ; son dernier geste, dès qu’on veut bien oublier l’énergumène ou l’enfant colère, est d’un ami touché de tendresse jusqu’au fond de l’âme pour ceux qui viendront.

2233. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Je n’oublierai ni que je suis académicien, ni que je suis journaliste, et je tâcherai de me tenir convenablement entre les deux.

2234. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Rousseau marche avant lui dans le monde et dans les Académies ; mais, dans l’Église, je tiendrais pour Racine… » Ce jour-là, le noble Comte avait oublié toutes ses préventions contre les jansénistes et demi-jansénistes, et nous le surprenons trop rarement en flagrant délit d’indulgence pour l’en blâmer.

2235. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Voir, dans le volume qu’il vient de publier, et qui a pour titre : la Littérature indépendante et les écrivains oubliés (Paris, libraires Didier, 1862), le premier chapitre sur les origines du drame en France.

2236. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

» Et comme on est à l’Académie des inscriptions, on n’oublie pas de citer la médaille frappée en l’honneur de Foucault par décision des États du Béarn, au revers de laquelle étaient représentés les députés venant en foule signer, à la face des autels, l’abjuration de leurs erreurs, avec une légende latine qui signifiait : « La Religion catholique rétablie dans le Béarn par des délibérations publiques de toutes les villes. » Au contraire, j’ouvre l’ouvrage d’Élie Benoît Histoire de l’Édit de Nantes, à la date de 1685 : qu’y vois-je ?

2237. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Il y a dans ces chapitres des vieux auteurs un fonds de bon sens général et de raison publique qu’il ne faudrait jamais oublier ni omettre, quand on veut ensuite y introduire une part de nouveauté et de singularité.

2238. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Vous n’avez sûrement pas oublié nos châtaigniers sauvages, nos petits fonds riants et frais entourés de bois et cachés à tous les regards citadins ; notre l’Étang-la-Ville, si bien fait pour une fête de campagne ; notre La Celle, notre Bougival, avec son clocher qui paraît une borne, et tous ces environs qui sont pleins de variété, de charme et d’abondance : voilà les images qui doivent vous suivre. » Puis la réflexion morale toujours : « Mon Dieu !

2239. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Je ne m’oublie point, et je reviens à la question que je me suis posée et qu’il ne me déplaît pas d’agiter en divers sens.

2240. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

N’oublions pas d’ailleurs (c’est le seul point que je puisse ajouter au récit complet de M. 

2241. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Méditations sur l’essence de la religion chrétienne, par M. Guizot. »

Je crois voir encore (et de ceux qui ont eu l’honneur de la voir une seule fois, quel est celui qui peut l’avoir oubliée ?)

2242. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

N’oublions pas que, dans ce plan d’avenir qu’il décrit, M. 

2243. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Je n’oublie pas que ce que j’ai à expliquer maintenant, c’est la vue de M. 

2244. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

N’oublions pas qu’il a vingt-cinq ans de moins que celui auquel aura affaire plus tard, à son tour, une nouvelle dauphine, Marie-Antoinette.

2245. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Malouet nous ouvre un jour assez particulier sur cet homme de lettres aujourd’hui oublié, qui ne fut point dans les premiers rangs ni même dans les seconds au xviiie  siècle, mais dont la physionomie vue de près offre un intérêt attachant.

2246. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Le lyrique a beau faire ; il n’échappera pas à ses propres émotions ni à son âme ; c’est absolument comme dans la romance : En songeant qu’il faut qu’on l’oublie, On s’en souvient.

2247. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Mais on est tenté d’oublier ces portions magnifiques quand on songe à tant d’autres récidives simplement opiniâtres, à cette absence totale de modification et de nuance dans des théories individuelles que l’épreuve publique a déjà coup sur coup jugées, à ce refus d’admettre, non point en les louant au besoin (ce qui est trop facile), mais en daignant les connaître et en y prenant un intérêt sérieux, les travaux qui s’accomplissent, les idées qui s’élaborent, les jugements qui se rassoient, et auxquels un art qui s’humanise devrait se proportionner.

2248. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Son poëte, son pédant, son fat, son docteur, ont trop de saillie pour s’oublier jamais, une fois connus.

2249. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Si vous lisez ce chapitre de Madame André vous pourrez voir que j’ai d’abord relevé les symptômes du début : Les frissons, l’élévation de température, la langue tuméfiée, le gargouillement de la fosse iliaque droite se manifestant à la palpation ; puis la céphalalgie, qui vous étreint comme un étau ou vous taraude comme une vrille et qui vous met vraiment du plomb dans la tête ; je n’ai pas oublié les tranchées intestinales, ni le saignement de nez si fréquent au cours de l’affection dans la première période.

2250. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

En réalité Perrault, vite oublié, compta plus de disciples que Despréaux : sa thèse du progrès continu répondait bien aux idées philosophiques qui étaient alors en vogue, en même temps qu’à la légèreté présomptueuse d’une société, qui, donnant les limites de sa raison pour limites à la raison, ne voyait que barbarie, inconvenance et fausseté en dehors de la conformité aux goûts, aux bienséances et aux modes de Paris.

2251. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Tandis que la comédie classique en vers ira s’évanouir dans les pâles œuvres des Collin d’Harleville et d’autres plus oubliés encore, le Mariage et le Barbier offriront le modèle d’une comédie en prose, plus vivante, plus colorée, plus intéressante.

2252. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Et dehors, dans les jardins, des jeunes filles vêtues de mousseline chantent des choeurs, comme dans l’île d’Utopie ou dans les Atlantides ; puis les danses commencent, lascives, furieuses, qui finissent vers l’aube par la fête universelle de la chair… Mettez toutes ces impressions ensemble, et d’autres encore, indéfinissables, que j’oublie, et vous comprendrez qu’il n’y a rien de plus sensuel, de plus languissant, de plus mélancolique que le Mariage de Loti.

2253. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Mais un site admirable et dominant, un rocher s’élançant à pic et surmonté d’une vieille tour qui s’y incruste et qui en semble le prolongement, font bientôt oublier les escaliers que le temps a disjoints, et les murs qui s’affaissent sous le poids des terrasses.

2254. (1890) L’avenir de la science « V »

Or, je le répète, il n’y a qu’un moyen de guérir de la critique comme du scepticisme, c’est d’oublier radicalement tout son développement antérieur et de recommencer sur un autre pied.

2255. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Il oublie que la littérature finit où la pathologie commence, que l’analyse d’un caractère ne doit pas empiéter sur la dissection, qu’il est des types et des choses dont l’écrivain doit se garder, comme l’israélite du pourceau et comme le brame du paria : parce que ces choses et ces types ne sont ni de sa compétence ni de son ressort, qu’ils résistent à toutes les purifications de l’art et du style, et qu’il faut les renvoyer au lazaret dont ils dépendent, à la clinique qui les réclame et dont ils sont sujets exclusifs.

2256. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Indépendamment de la Société de médecine, n’oublions pas qu’on avait encore, sous l’Ancien Régime, l’Académie de chirurgie, plus anciennement fondée (1733) et très illustre par les noms et les travaux de ses membres.

2257. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Sans prétendre compter les amours de Chaulieu, il est impossible, du moment qu’on touche à ce chapitre, d’oublier sa passion de vieillesse pour la spirituelle Mlle de Launay, passion dont elle a consacré le souvenir dans ses Mémoires, et qu’attestent de jolies lettres de Chaulieu qui s’y joignent ordinairement.

2258. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Son oncle aussi avait oublié cette plante-là dans l’encyclopédie si complète qu’il a donnée des choses de la nature.

2259. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz a rencontré un homme supérieur et trop oublié qu’il met en lumière : c’est le ministre Machault, dont les plans auraient pu réparer le désordre des finances, et qui fut sacrifié à une intrigue.

2260. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Mucius, les Sextus Aelius, les Nasica ; et n’oublions pas cet Aristide, qu’Étienne Pasquier définit le « grand prud’homme entre les Athéniens ».

2261. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Mais, si disposés que nous soyons à saluer et à honorer ce qui cesse, n’oublions jamais cette loi supérieure des choses : pas un individu n’est essentiel ici-bas, pas une génération n’est indispensable ; la nature est féconde, et après les pertes les plus senties, et les plus irréparables ce semble, tout reprend bientôt et tout recommence.

2262. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Nogaret, menu rimeur infatigable et des plus oubliés, qui lui demandait son avis sur une traduction française du vers de Turgot, il répondait avec beaucoup de franchise : Passy, 8 mars 1781.

2263. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Car j’ai oublié de dire que les lettres de N… et de R… avaient été copiées par nous sur les autographes, enrichissant un curieux exemplaire de Gabrielle d’Augier, faisant partie de la bibliothèque du critique des Débats.

2264. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

C’était l’homme qui oubliait le plus les pensées des autres pour se concentrer dans les siennes.

2265. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Ce serait méconnaître la force, la fécondité et l’abondance variée de Catulle Mendès, oublier Heredia et son souci du style et de la belle vision brève ; ignorer Gabriel Vicaire qui a retrouvé aux gerbes de la chanson populaire française quelques frais bouquets de bleuets !

2266. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Il ne faut pas oublier que les classificateurs systématiques sont loin d’être satisfaits, quand ils rencontrent quelque déviation en des caractères importants.

2267. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Le sentiment intense et profondément juste qu’un art vivant et large, large comme la nature, et comme l’homme, ne peut avoir sa source que dans une sympathie universelle, dans cette disposition qui est comme le génie d’aimer, de nous intéresser à tout, de découvrir à force de nous oublier, la beauté et le côté frappant de chaque chose ».

2268. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Un cataclysme venant à détruire l’œuvre entière de nos civilisations, Faustus et Stella recommençant la vie humaine, on rebâtirait les empires, les religions, la science, mais nul ne nous rendrait Dante Alighieri… Mettons-les à la place d’honneur, ces poètes dont le génie entra dans l’absolu ; mais n’oublions pas les légions d’ouvriers modestes qui les ont préparés, sans lesquels ils ne seraient pas.

2269. (1902) La poésie nouvelle

Or, s’il est vrai que nous n’ayons pour cet océan ni barques ni voiles, convient-il d’oublier absolument son existence ?‌ […] … Sérieusement, les Parnassiens, dans leur recherche laborieuse de la rime riche, eurent le tort, presque toujours, de se livrer à un jeu puéril, de s’escrimer à vaincre d’inutiles autant que terribles difficultés et d’oublier ce qui devait être leur principale, leur seule préoccupation : l’harmonie expressive du vers.‌ […] Et quelle lamentation de détresse s’élève alors dans la plaine, lorsque se mettent à se plaindre toutes ces âmes oubliées qui semblaient mortes et qui ressuscitent. […] Dans la construction de la phrase aussi, il imite la vieille syntaxe, élide volontiers le pronom sujet, renverse l’ordre des mots et, par exemple, place l’attribut ou le régime avant le verbe, ainsi qu’on le faisait aux époques où le français était encore tout proche ou bien affectait de se rapprocher de ses origines latines : (« Cieux marins étaient les yeux de la Dame », « Pieux cloître est mon cœur », « Par telle langueur et faiblesse, — Dieu oublia et diffame eut — David qui haïssait mollesse ».) […] Au creux des filets ils les ramènent, avec effort, appliqués à leur besogne sinistre ; ils recueillent dans les nasses tout le fretin de leurs misères, épaves de remords, tourments et maladies ; ils pèchent longtemps, ils pêchent sans fin, les vieux pêcheurs de la démence, et ils oublient‌ Qu’il est, au firmament, Attirantes comme l’aimant, Des étoiles prodigieuses !

2270. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Oublie-t-on que les citoyens de Sparte, d’Athènes ou de Rome étaient nourris par des troupeaux d’esclaves ! Oublie-t-on que la guerre était la condition de l’Humanité à cette époque ! […] Laissons, dis-je, à De Maistre son anathème contre la femme, qu’il termine par ces paroles : « Aucun législateur ne doit oublier cette maxime : Avant d’effacer l’Évangile, il faut enfermer les femmes ou les accabler par des lois épouvantables telles que celles de l’Inde.

2271. (1902) Propos littéraires. Première série

Au sortir du palais épiscopal il a oublié l’abbé Guitrel, continue de scruter la question de profanation et de purification, trouve de nouveaux textes, et apprend qu’il n’y a jamais eu le moindre pendu dans aucun tambour de l’église de Saint-Magloire. […] Professeur, comme ce pauvre garçon dont j’oublie le nom, qui était au lycée de Grenoble et qui trouva la mort avec Payerne dans l’ascension de la Miège. […] Feuilletons : Jamais je n’oublierai ce petit enfant-là. […] Mettons que je l’ai oublié. […] Zola pour que ces trois parties soient intimement unies les unes avec les autres, mêlées les unes avec les autres, sans que le lecteur puisse jamais oublier l’une quand l’autre passe au premier plan, ni perdre de vue celle-ci quand celle-là reparaît.

2272. (1900) Molière pp. -283

ARGAN Monsieur Purgon m’a dit de me promener, le matin, dans ma chambre, douze allées et douze venues, mais j’ai oublié à lui demander si c’est en long ou en large18. […] La preuve en est que la plupart d’entre vous doivent avoir oublié la leçon de chant du Malade imaginaire, et que vous vous rappelez tous la leçon de chant du Barbier de Séville. […] mais la vengeance troublerait sa quiétude, son seul bien, son seul bonheur ; il ne peut oublier qu’il ne doit jamais faire un pas plus vite que l’autre dans le monde de privilégiés qui pèse sur lui. […] À cette occasion, vous n’oublierez pas que je vous ai dit, dans notre dernier entretien, que ce qui manque le plus chez les auteurs du xviie  siècle, c’est un certain sens général, élevé et supérieur, de l’humanité. […] Oublies-tu, mon cher hypocrite, que tes joyeuses folies sont l’unique entretien d’Athènes, qu’il n’est bruit partout que de ta légèreté, et que, si la République veut se perdre gaiement, Timon le misanthrope lui conseille de se jeter entre tes bras ?

2273. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Mais nous l’oublions trop quand il s’agit de critiquer les documents du passé. […] Nous le savons tous pour les formules contemporaines que nous voyons employées chaque jour, nous l’oublions souvent dans la critique des documents, surtout pour les époques où les documents sont rares. […] Le procédé n’est pas illégitime, mais à condition de le limiter par plusieurs restrictions qu’on est très porté à oublier. […] Le vice fondamental des philosophies de l’histoire est d’oublier cette nécessité pratique. […] Instinctivement, on apprécie l’importance des faits à la quantité des documents qui en parlent. — On oublie la nature particulière des documents, et, lorsqu’ils sont tous de même provenance, on oublie qu’ils ont fait subir aux faits la même déformation et que leur communauté d’origine rend le contrôle impossible ; on conserve docilement la couleur de la tradition (romaine, orthodoxe, aristocratique).

2274. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

N’oublions pas qu’il y avait trente ans que Sully était sur la scène, et vingt ans qu’il figurait dans les hauts emplois : il n’est pas donné aux hommes de se renouveler à volonté et de s’éterniser. « Le temps des rois est passé, et celui des grands et princes est revenu », c’était le cri universel dans les cabales du Louvre : Sully ne pouvait en être, et il n’était pas en mesure d’en triompher.

2275. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Ne quittez jamais le plus beau des métiers… Il se présente souvent des occasions où la Cour se rappelle d’avoir oublié, négligé ou mal jugé le mérite, et où un bon bras, dirigé par une bonne tête, est recherché pour rendre encore service à son maître.

2276. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

« Le capitaine des grenadiers du Hampshire, dit-il en prévoyant le sourire du lecteur, n’a pas été tout à fait inutile à l’historien de l’Empire romain. » L’homme de lettres en lui ne se laisse jamais oublier.

2277. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

« Circé, est-il dit d’Ulysse dans Homère, retient ce héros malheureux et gémissant, et sans cesse par de douces et trompeuses paroles elle le flatte, pour lui faire oublier Ithaque : mais Ulysse, dont l’unique désir est au moins de voir la fumée s’élever de sa terre natale, voudrait mourir. » — Citant ce passage de Joinville, qui m’a rappelé celui d’Homère, Chateaubriand, au début de son Itinéraire de Paris à Jérusalem, où il a la prétention d’aller en pèlerin aussi et presque comme le dernier des croisés, tandis qu’il n’y va que comme le premier des touristes, a dit : « En quittant de nouveau ma patrie, le 13 juillet 1806, je ne craignis point de tourner la tête, comme le sénéchal de Champagne : presque étranger dans mon pays, je n’abandonnais après moi ni château, ni chaumière. » Ici l’illustre auteur avec son raisonnement me touche moins qu’il ne voudrait : il est bien vrai que, de posséder ou château ou simple maison et chaumière, cela dispose, au départ, à pleurer : mais, même en ne possédant rien sur la terre natale, il est des lieux dont la vue touche et pénètre au moment où l’on s’en sépare et dans le regard d’adieu.

2278. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Et puis, ne l’oublions pas, nous qui datons d’un autre âge, nous avons pu être élevés dans un esprit un peu différent, sans que cet esprit (qui nous a réussi, je le veux bien croire) doive être constamment appliqué dans sa forme première et doive faire loi.

2279. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Quelque jugement que l’orateur de la compagnie porte en secret sur celui qu’il est chargé de recevoir, lui eût-il refusé son suffrage, eût-il traversé son élection, fût-il même son ennemi, il doit oublier tout, dès qu’il se trouve à la tête de la société respectable qui vient d’adopter le nouvel académicien.

2280. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Parlant quelque part d’un homme d’un esprit étroit et faux qui mettait son orgueil à déplaire, et qui méprisait par principe la bonté et la douceur des gens véritablement grands : « Il n’admire du fer, dit-il, que la rouille. » Parlant du caractère des Français qu’il a si bien connus, qui sont portés à entreprendre et à se décourager, à passer de l’extrême désir et du trop d’entrainement au dégoût, il dit : « La lassitude du soir se ressent de l’ardeur du matin. » Enfin, voulant appeler et fixer l’attention sur les misères du peuple des campagnes dont on est touché quand on vit dans les provinces, et qu’on oublie trop à Paris et à Versailles, il a dit cette parole admirable et qui mériterait d’être écrite en lettres d’or : « Il nous faut des âmes fermes et des cœurs tendres pour persévérer dans une pitié dont l’objet est absent. » Si ce n’est pas un écrivain, ce n’est donc pas non plus le contraire que d’Argenson : sa parole, livrée à elle-même et allant au courant de la plume, a des hasards naturels et des richesses de sens qui valent la peine qu’on s’y arrête et qu’on les recueille.

2281. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Ses ennemis avaient oublié de le faire bannir et de confisquer ses biens ; il estima qu’il avait toujours pied dans le canton, que cette bourrasque n’aurait qu’un temps, et que dans les républiques l’esprit du souverain, comme on dit, change avec plus de facilité qu’ailleurs.

2282. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Et encore, dans une des lettres suivantes : La duchesse de Choiseul n’est pas très jolie, mais elle a de beaux yeux ; c’est un petit modèle en cire, à qui l’on n’a point permis pendant quelque temps de parler, l’en jugeant incapable, et qui a de la timidité et de la modestie : la Cour ne l’a pas guérie de cette modestie ; la timidité est rachetée par le son de voix le plus touchant, et se fait oublier dans le tour élégant et l’exquise propriété de l’expression.

2283. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Toutes les prétentions et les éruditions de Jacques Ier ne sauraient me faire oublier un admirable mot de Henri IV, ce prince qui, pour être peu fort sur les livres, n’en paraît que plus grand de cœur et d’esprit.

2284. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Mais Guérin dut s’arracher à cette solitude, où il allait s’oublier et trop savourer, s’il n’y prenait garde, le fruit du lotos.

2285. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il se souvient toujours que ce digne homme a porté la soutane, ce que celui-ci oublie perpétuellement.

2286. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Ne l’oublions pas, c’est un roi national que Louis XIV.

2287. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Ne sacrifions, n’oublions jamais ces nuances-là, et qu’elles gardent le premier rang dans notre estime.

2288. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Artillerie, cavalerie, aucune arme n’est oubliée. — Un Soldat français instruisant les Grecs à la manœuvre de la pièce de canon.

2289. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Tout cela est oublié aujourd’hui.

2290. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

 » Ceux qui sont si empressés à refuser aux hommes engagés dans la vie active et dans l’âpreté des luttes publiques la faculté de sentir et de souffrir n’ont pas lu Émile, où se rencontrent, au milieu d’une certaine exaltation de tête, tant de pensées justes, délicates ou amères nées du cœur : « A l’âge où les facultés sont usées, où une expérience stérile a détruit les plus douces illusions, l’homme, en société avec son égoïsme, peut rechercher l’isolement et s’y complaire ; mais, à vingt ans, les affections qu’il faut comprimer sont une fosse où l’on est enterré vivant. » « Cette proscription qui désole mon existence ne cessera entièrement que lorsque j’aurai des enfants que je vous devrai (il s’adresse à celle qu’il considère déjà comme sa compagne dans la vie) ; je le sens, j’ai besoin de recevoir le nom de père pour oublier que le nom de fils ne me fut jamais donné. » Émile parle de source et, quand il le pourrait, il n’a à s’inspirer d’aucun auteur ancien ; la tradition, je l’ai dit, ne le surcharge pas ; elle commence pour lui à Jean-Jacques, et guère au-delà : c’est assez dans le cas présent.

2291. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Quelques mots qu’on avait oublié de rayer dans ses Mémoires donnaient le droit de s’en enquérir.

2292. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Il était, ne l’oublions pas, de six ans plus jeune qu’elle, ce qui, de la part de la femme, favorise l’illusion et la tendresse, — marié lui-même à une femme estimable, mais peu distinguée ; on pouvait l’aimer sans aller sur les brisées d’aucune rivale.

2293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite.) »

Mme Campan, plus sévère en cela que tous les catalogueurs du monde, est allée jusqu’à dire d’elle « qu’il n’a jamais existé de princesse qui eût un éloignement plus marqué pour toutes les lectures sérieuses. » Soyez bien sûrs, Messieurs les savants, que, dans cette suite de volumes, même frivoles, que vous inventoriez si minutieusement, il y en a eu bien plus d’essayés que de lus, et bien plus d’oubliés encore que d’essayés.

2294. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Quelques lacs, et des lacs à crocodiles, restent de distance en distance témoins de l’état primitif et comme des flaques oubliées d’un grand fleuve disparu.

2295. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

La colère d’Achille, qui est annoncée au début comme en devant faire le sujet, semble oubliée et mise de côté après le IIe livre ; elle n’est rappelée qu’à peine et comme par acquit de conscience dans les livres suivants ; elle ne se représente sérieusement à l’esprit que dans le courant du VIIIe et ne reparaît sous les yeux qu’au IXe, pour s’éclipser de nouveau dans le chant suivant, et elle ne reprend d’une manière ininterrompue qu’à partir du XIe livre jusqu’à la fin.

2296. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

N’oublions pas dans quelles dispositions était le savant lorsque lui vint la première idée de ce travail.

2297. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Pas le moindre soin ; des mots oubliés ou restés en blanc, peu lui importe !

2298. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

C’est trop oublier, je pense, la différence des points de vue dans ces sortes de scènes, et combien la perspective est chose relative : chacun se fait centre, chacun voit de son foyer particulier, sous son angle, à lui, et avec son œil.

2299. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

La reine est toujours de la conversation, et malgré sa gaîté et l’aisance française, on n’y oublie jamais le respect qui lui est dû, et on se garde bien de tenir aucun propos qui pourrait la choquer ou seulement lui déplaire.

2300. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

En même temps qu’il traite lestement et de haut en bas un Despréaux et un Valincour, il va déterrer les plus petits auteurs oubliés, de purs grimauds à leur date, pour leur accorder de l’importance et de la valeur.

2301. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Dès ce moment, études, voyages sur les traces de la sainte, manuscrits à consulter, renseignements et traditions populaires à recueillir, l’auteur fervent ne négligea rien ; il embrassa cette chère mémoire : il se fit le desservant, après des âges, de cette gloire séraphique oubliée.

2302. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Un frère, un aîné, homme d’esprit et de talent, s’oubliait avec bonheur en ce frère préféré, qui devenait le chef des siens.

2303. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

On lit des détails assez particuliers sur la vie et les sentiments de Mme de Flahaut à cette époque dans le Mémorial de l’Américain Gouverneur Morris qui arriva à Paris en février 1789 et ne tarda pas à être présenté chez elle (Voir, au tome I de l’édition française, les pages 236, 241, 249, 257, ne pas oublier la page 250).

2304. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

J’avais oublié nos malheurs, et quand je jouais dans la rue de la zampogne, l’enfant paraissait goûter la musique, et les jeunes mères s’arrêtaient pour le contempler et pour m’entendre.

2305. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Il ne faut pas oublier cependant que l’Art poétique est le terme d’une évolution commencée avant Descartes, et par conséquent hors de son influence : il est l’expression complète de l’esprit classique, qui n’a point son origine et sa cause dans l’esprit cartésien ; mais l’esprit classique et l’esprit cartésien sont deux effets parallèles et deux manifestations formellement différentes d’une même cause, d’un certain esprit général qui s’est trouvé formé au commencement du xviie  siècle d’une association d’éléments et par un concours d’influences dont je n’ai pas ici à tenter l’analyse.

2306. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Enfin il ne faut jamais oublier que la métaphore a pour objet d’indiquer à l’esprit une comparaison possible, et non d’instituer une comparaison formelle : le point de contact du mot propre et du terme figuré doit être indiqué avec une précision rigoureuse, mais rien de plus.

2307. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dumas : elle en est l’origine, oubliée, mais authentique.

2308. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Mais encore une fois ce n’est pas son but ; et quand il arrive au génie, il oublie ses deux images, il brise ses deux miroirs, et, au lieu de contempler son objet spirituel dans un emblème physique, il change d’inspiration, il se sert d’expressions abstraites ; il parle des accès d’une sainte manie , de l’ardeur qui le possède  ; il prend ses figures à toutes sources : rien n’est suivi ; c’est une manière fragmentaire et hachée.

2309. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Souvent il commence par adopter et par soutenir un mensonge de groupe, en sachant parfaitement que c’est un mensonge : puis, à force de l’entendre et de le répéter, il finit par oublier sa nature mensongère et par le soutenir mordicus comme une vérité.

2310. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Je n’ai eu garde d’oublier Buffon sur le même sujet, couronnant le tout.

2311. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il croissait sous la triple garde de ces fortes vertus ; il croissait comme un enfant de Sparte et de Rome, ou pour mieux dire encore, et pour dire plus vrai, il croissait comme un enfant chrétien, en qui la beauté du naturel et l’effusion de la Grâce divine forment une fête mystérieuse que le cœur qui l’a connue ne peut oublier jamais.

2312. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Tourmenté la nuit par l’insomnie, il lisait sans cesse, et, doué d’une vaste mémoire, il n’oubliait rien de ce qu’il avait lu une fois.

2313. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Il fut galant près d’elle ; elle oublia pour lui ses réflexions philosophiques, ou plutôt elle s’en ressouvint : sentant renaître en elle la passion, elle la prit au mot, et, mettant ses principes en action, elle s’y livra.

2314. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

On n’oublierait pas non plus ces fameuses ordonnances d’amour, qui n’ont pas dû trouver place dans les Œuvres complètes de Pasquier, et qui sont comme les saturnales extrêmes d’une gaillardise d’honnête homme au xvie  siècle.

2315. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Telle Mme de Maintenon était chez ses amies, Mme d’Heudicourt, Mme de Montchevreuil, telle à l’hôtel d’Albret et à celui de Richelieu ; d’une attention à plaire à tout le monde, et d’une complaisance industrieuse que Saint-Simon a notée avec raison et qu’il a peinte aux yeux comme il sait faire : car, au milieu de ses exagérations, de ses injustices et de ses inexactitudes, il y a (ne l’oubliez pas) de grands traits de vérité morale dans ce qu’il dit de Mme de Maintenon ; mais l’explication qu’il donne de ce zèle empressé a plus de dureté qu’il ne convient, et je m’en tiendrai à celle qui nous est indiquée par Mme de Maintenon elle-même.

2316. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Son père l’avait emmené en Guyenne en bas âge ; là, dans son château de Bonnefons, il plaça près de lui un jeune précepteur, qui devint plus tard un prédicateur assez célèbre, l’abbé Anselme, sujet excellent, homme sensé et distingué, d’une piété éclairée, d’une morale exacte, qui donna à son élève les meilleurs préceptes et lui laissa les plus pures impressions : « Ce n’est point sa faute, dit M. d’Antin, si je n’ai pas l’esprit et le cœur faits comme je devrais l’avoir ; il n’y a rien oublié de sa part, ses paroles et ses actions étant toujours de concert. » Mais la nature avait mêlé dans cette âme délicate et molle des goûts de séduction qui ne demandaient que l’éveil.

2317. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

La date favorite de Mme Gay, quand elle y songeait le moins et qu’elle laissait faire à son imagination, était celle précisément qui répond à la fin du Directoire et au Consulat ; jeune personne sous le Directoire et femme sous l’Empire, voilà son vrai moment, et qui lui imprima son cachet et son caractère, en littérature comme en tout ; ne l’oublions pas.

2318. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Il en fait un tableau enchanteur et moral, dans lequel il n’oublie pas les inscriptions bocagères des amants.

2319. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

En accordant une certaine confiance aux lettres que nous avons de Richelieu, n’oublions pas que nous ne les possédons pas toutes, que les plus importantes étaient chiffrées et ne nous sont point parvenues.

2320. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Je remarquerai seulement, pour achever notre vue de saint François de Sales, que Mme de Chantal, ainsi que tous ceux qui ont parlé de lui, n’oublient jamais un certain éclat que l’on voyait reluire sur son visage aux heures de recueillement et de prière, une splendeur radieuse qui, sous la contenance pacifique, trahissait l’émotion profonde du dedans.

2321. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

En outre, il ne faut pas oublier que le cerveau est une machine vivante.

2322. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Il nous fait le tableau d’une matinée, où Morny lui avait commandé une chanson, une cocasserie madécasse, dans le genre de « bonne négresse aimer bon nègre, bonne négresse aimer bon gigot. » La chose fabriquée et apportée par Daudet, dans l’enthousiasme de la première audition, on oublie dans l’antichambre Persigny et Boitelle.

2323. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Henri de Régnier, malgré qu’il aime les mourantes muettes, oublie aussi leur existence, parfois, car est-il bien sûr qu’en écrivant : Qu’ils portent en grappes aux pans de leur robe écarlate il ait voulu un vers de quatorze syllabes ?

2324. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Sans doute, ils connaissent l’admirable beauté intérieure (malgré l’uniformité de la coupe et de la rime du vers de Corneille, de celui de Racine, le charme de ceux de La Fontaine, et leurs ressources oubliées).

2325. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

N’oubliez pas parmi les obstacles à la perfection et à la durée des beaux-arts, je ne dis pas la richesse d’un peuple, mais ce luxe qui dégrade les grands talents, en les assujettissant à de petits ouvrages, et les grands sujets en les réduisant à la bambochade ; et pour vous en convaincre, voyez la vérité, la vertu, la justice, la religion ajustées par La Grenée pour le boudoir d’un financier.

2326. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Entraîné par la collectivité, l’individu se désintéresse de lui-même, s’oublie, se donne tout entier aux fins communes.

2327. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Daniel Stern, qui, pour tout au monde, voudrait être Monsieur, a des visées à la Philosophie, comme à la Politique, comme à l’Histoire, comme à toutes les études viriles…, Un jour pourtant, on l’a vu, elle s’est oubliée jusqu’à écrire un roman bien froid !

2328. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Quelle belle et dramatique scène il a oublié de nous écrire, lui qui nous en a écrit de si belles, et cela parce qu’il avait un mal caché, un mal qui l’humiliait, son infirmité secrète !

2329. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Et jamais il n’a mieux fait l’un et l’autre que dans ce livre, où, par le plaisir qu’il donne, quand on le lit, on oublie ce qu’il souffre, et où, quand on l’a lu, on se le rappelle avec admiration et tristesse !

2330. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Ceux qui furent témoins de ses débuts le crurent et le dirent assez haut, et moi, en lisant ces pages lointaines et oubliées, je crois comme eux, oui !

2331. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Vous n’avez point oublié, n’est-ce pas ?

2332. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

, tout simplement, Renan l’a oubliée !

2333. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Nous avons voulu vous oublier, ô Jésus, et vous avez mis de force la mort devant nos yeux.

2334. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

On oublie, au profit de l’autorité centrale, les clauses de ce traité entre États qui formait la constitution américaine.

2335. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

. — Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événements accomplis ne rentrent pas dans le néant. » Il disait à la Sorbonne : « A mesure que la réflexion retire la causalité que l’ignorance avait répandue sur les objets, les volontés locales, exilées du monde matériel, sont successivement rassemblées et concentrées par la raison en une volonté unique, source commune de toutes les volontés contingentes, cause première et nécessaire que la pensée de l’homme affirme sans la connaître, et dont elle égale le pouvoir à l’étendue, à la magnificence, à l’harmonie des effets qu’elle produit sous nos yeux. » Il invente des expressions superbes, qu’on n’oublie plus, images puissantes qui condensent sous un jet de lumière de longues suites d’abstractions obscures.

2336. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Vous considérez attentivement cette sensation délicieuse ; momentanément les autres sensations s’effacent sous sa prépondérance ; vous avez du plaisir à ne considérer qu’elle et à oublier le reste.

2337. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

De ces deux éléments, il est certain que le Français vit trop dans le moment présent pour qu’il ne sacrifie pas, ou, tout au moins, pour qu’il n’oublie pas très souvent le second. […] Une de ses joies, car il en a d’autres, et je n’oublie pas qu’il est très complexe, est de scandaliser le peuple, les simples, représentés par Sganarelle. […] La destinée curieuse de ce philosophe consiste en ceci qu’on a oublié son système pour ne se souvenir que de sa méthode et qu’on a pris sa méthode pour son système. […] Je ferai remarquer seulement ici, parce que j’ai oublié de le dire ailleurs, qu’une des forces de Bayle a été de continuer quelqu’un qui n’avait pas cessé d’occuper l’esprit des Français. […] Mauguin, bien oublié, s’était fait une spécialité de ce jeu-là et y avait récolté presque de la gloire.

2338. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Tout le monde est sur le pas de ses portes, en même temps que sur le qui-vive d’un obus : les femmes ayant oublié de faire leur toilette, et quelques-unes se montrant en bonnet de nuit. […] S’il voit une pente, il prend son… (un instrument dont j’ai oublié le nom) et il se rend compte du retard. […] je n’oublierai jamais le tableau qu’il me faisait de ce cabinet, occupé seulement et uniquement de destitutions, de ce cabinet où la porte, à tout moment violemment poussée, livrait passage à un intrus, qui, sans dire gare ni bonjour, jetait à pleine gueule : « Crémieux, délivre-nous de Robinet, de Chabouillot… nous n’en voulons plus. » Et après cet intrus, un autre intrus, demandant la démission d’un autre procureur impérial, aussitôt obtenue de la bienveillance gâteuse du ministre. […] Un détail dramatique que j’oubliais. […] » À la gare, on les oubliait, et ils montaient en chemin de fer.

2339. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Libre à lui d’envier la gloire obscure de l’ingénieur qui dote son département d’un canal et dont on oublie jusqu’au nom. […] On oublie de nous le dire, bien que ce fût précisément le sujet du livre. […] On n’en oublierait de convier aucune, afin qu’il ne manquât à ce filleul de toutes les fées le privilège d’aucun don et l’hommage d’aucune sympathie. […] Il y oublie, l’une après l’autre, sa dignité, sa position, sa fortune. […] Ils ne s’oublient jamais.

2340. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

J’étois bien triste, et je ne savois par où me consoler ; car de l’ôter de mon cœur, cela me sembloit impossible ; et, quoique le peu d’apparence de pouvoir passer ma vie auprès d’elle m’eût désespéré, je me plaisois trop à m’en souvenir pour essayer de l’oublier. […] Le chevalier oublie ici un de ses préceptes les plus essentiels, car il a dit : « Un jeune homme, pour apprendre à chanter, à danser, à monter à cheval, à voltiger ou à faire des armes, peut choisir de ces maîtres qui ne cachent pas leur science, parce que, s’ils excellent dans leur métier, ils s’en peuvent louer hardiment et sans rougir.

2341. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

J’avais pris toutes les peines du monde pour me retenir au moment de nos adieux, pour ne pas les rendre plus douloureux, et dans mon trouble j’ai oublié de donner ma bénédiction à mon fils. […] « Celui-ci, à son arrivée, s’assit près moi, m’écouta avec la plus grande attention, et alors j’oubliai le froid, la migraine, l’attente, et, malgré le misérable clavecin, je jouai comme lorsque je suis en bonne disposition.

2342. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Goethe me conduisit ensuite dans l’intérieur de la maison, que, l’été précédent, j’avais oublié de visiter. […] J’ai appris aujourd’hui par hasard que vous êtes de retour déjà depuis trois jours, et toute l’après-midi j’ai pleuré, croyant que vous m’aviez oubliée.

2343. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Wagner est loin de prêter le flanc à une calomnie semblable à celle qui voulut attribuer à Gluck, un mot impie, prétendant qu’on entendait le grand maître s’écrier avant de se mettre à composer : « Mon Dieu, faites-moi la grâce d’oublier que je suis musicien !  […] De là plusieurs mots admis à un même sens, dans l’effacement de leur sens précis : de là des phrases d’une incohérence stupéfiante : « Il s’est oublié jusqu’à s’emporter … » Sur une telle langue comment greffer des mots nouveaux sans être incorrect et sans devenir inintelligible ?

2344. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Maintenant l’état dans lequel se produisent ces phénomènes, est un état d’activité nerveuse exaltée ; état dans lequel de Quincey se dépeint lui-même comme voyant, dans leurs plus petits détails, des faits de son enfance depuis longtemps oubliés. Et si nous considérons quel effet doit produire sur notre conscience de l’espace, une excitation par laquelle des expériences oubliées sont ressuscitées vivement et en grande abondance, nous verrons que cela causera l’illusion dont il parle.

2345. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Jeudi 21 août Evans le dentiste racontait à une de mes parentes, que les femmes, dans l’émotion de leur visite chez lui, oubliaient les choses les plus invraisemblables, quelquefois des lettres compromettantes, — compromettantes comme tout — tombées de leurs poches. […] Lavoix me disait, ce soir, s’être trouvé à Jérusalem, avec un placeur de vin, très voltairien, qu’un jour il rencontre dans la rue, tout bouleversé, tout extraordinaire, et qui interrogé par lui sur ce qu’il avait, lui répondit : « Je viens du tombeau du Christ, où je ne sais pas ce qui m’est arrivé, j’ai voulu dire une prière… je les avais oubliées… et je rentre à l’hôtel pour en apprendre une. » Lundi 27 octobre J’ai passé aujourd’hui toute la journée chez Lenoir, à chercher et à retrouver la ressemblance de mon frère, sur l’ébauche du médaillon, qu’il fait en découpure pour sa tombe.

2346. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

» Et l’on oublie que toutes ces armées de morts héroïques sont couchées au nombre de quinze cent mille cadavres dans les neiges de la Russie, dans les flots de la Bérézina, dans les sillons de l’Espagne, dans les champs de bataille d’Austerlitz, d’Iéna, de Wagram, de Leipsick, de Waterloo ! […] Il est comme l’orateur politique : l’heure passée, la passion morte, la faction oubliée, on ne l’écoute plus.

2347. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

On juge Auguste d’après leurs vers admirables qu’on lit tous les jours, & comme ils sont pleins de ses éloges, ils sont oublier les horreurs de sa vie, conservées par des histoires qu’on lit rarement. […] Toutes les autres, & l’on y comprend celles de Du Ryer & de l’Abbé de Bellegarde, sont totalement oubliées ou dignes de l’être.

2348. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Lorsque ses biographes citent quelques-unes des phrases où le maître comédien fait appel à toute la douceur dont l’âme catholique peut déborder sur ses adversaires, ils oublient d’en transcrire quelques autres qui, mises en parallèle avec les premières, alourdiraient singulièrement leur lâche d’apologistes opiniâtres. […] Oublierez-vous qu’il fut un philosophe, un politique, un historien, un polémiste, un savant, un écrivain et un orateur de premier ordre ? 

2349. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Il n’a tout son prix qu’adressé par un très jeune homme à un Premier ministre très vieux, et qui l’oubliait un peu trop en ce moment.

2350. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

En février 1758, au milieu des plus graves circonstances, il s’était chargé d’une commission élégante auprès de M. de Choiseul : « N’oubliez pas, je vous prie, ma commission pour un grand habit de femme fond bleu brodé en soie blanche sur une étoffe de printemps. » Léger accident !

2351. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Non ; l’homme, sans cesse agité par de nouveaux besoins, de nouvelles crises, oubliant celles qui l’ont autrefois le plus mis à la gêne, oublie avec elles les remèdes et le médecin.

2352. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Lavallée a eu soin de placer aussi un portrait de l’illustre fondatrice, où revit cette grâce si réelle, si sobre, si indéfinissable, et qui, sujette à disparaître de loin, ne doit jamais s’oublier quand par moments la figure nous paraît un peu sèche ; il l’emprunte aux Dames de Saint-Cyr dont la plume, par sa vivacité et ses couleurs, est digne cette fois d’une Caylus ou d’une Sévigné : Elle avait (vers l’âge de cinquante ans), disent ces Dames, le son de voix le plus agréable, un ton affectueux, un front ouvert et riant, le geste naturel de la plus belle main, des yeux de feu, les mouvements d’une taille libre si affectueuse et si régulière qu’elle effaçait les plus belles de la Cour… Le premier coup d’œil était imposant et comme voilé de sévérité : le sourire et la voix ouvraient le nuage… Saint-Cyr, dans son idée complète, ne fut pas seulement un pensionnat, puis un couvent de filles nobles, une bonne œuvre en même temps qu’un délassement de Mme de Maintenon : ce fut quelque chose de plus hautement conçu, une fondation digne en tout de Louis XIV et de son siècle.

2353. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

L’amiral lui répond qu’il ne l’en aime que mieux ; il le fait manger avec lui, et Joinville, dans son émoi, oublie que c’est un vendredi.

2354. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Lorsqu’il mourut à Paris, le 23 mars 1842, il y eut silence autour de lui ; regretté de quelques-uns, il parut vite oublié de la plupart.

2355. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Ainsi vinrent et passèrent bien des tristes lendemains jusqu’à ce qu’enfin, tout mon fonds de douleur d’enfant étant épuisé, j’appris à me soumettre à mon lot ; mais tout en te pleurant moins, je ne t’oubliai jamais.

2356. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

De nouveau je ressens la calmante influence des mélodies qu’apporte la brise, et je m’oublie en douces rêveries tandis que je foule le sentier encore verdissant sous les chênes et les ormes dont les branches étendues font voûte au-dessus de la clairière.

2357. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Je regrettais de temps en temps le sort de cette orpheline qui ne trouvait pas d’établissement… Mais ce qui procurait au président plus de réputation que cette Cornélie aussitôt oubliée, c’étaient des couplets dans le genre de ceux qui commencent ainsi, et qui ont en effet moins de fadeur qu’ils n’en promettent : Il faut, quand on s’aime une fois, S’aimer toute la vie, etc.

2358. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Dans des occasions comme celle-ci, il faut s’oublier soi-même et ne penser qu’au bien de la patrie, et ne se point flatter de choses qui ne sont plus possibles, comme de la paix. (30 mars.) 

2359. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Il n’y oublia pas les anecdotes malignes, et chères à toutes les oppositions d’alors, sur les origines et les antécédents de la dynastie qui occupait le trône depuis 1830, et de ceux qui y adhéraient.

2360. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — IV » pp. 103-122

Fénelon, ne l’oublions pas, inclinait à croire que tout était perdu et sans ressources ; il le dit en termes nets, écrivant au duc de Chevreuse au commencement de 1740 : « La discipline, l’ordre, le courage, l’affection, l’espérance, ne sont plus dans le corps militaire : tout est tombé, et ne se relèvera point dans cette guerre.

2361. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

Fénelon ne haïssait pas, mais il n’oubliait pas.

2362. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

. — J’ai éprouvé aujourd’hui une situation trop douce, trop remarquable par sa rareté, pour que je l’oublie.

2363. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On oublie que, par ces concours qu’elle ouvre à l’émulation des jeunes auteurs, l’Académie semble dire : « Jeune homme, avancez, et là, sur ce parquet uni, au son d’une flûte très simple, mais au son d’une flûte, exécutez devant nous un pas harmonieux ; débitez-nous un discours élégant, agréable, justement mesuré, où tout soit en cadence et qui fasse un tout ; où la pensée et l’expression s’accordent, s’enchaînent ; dont les membres aient du liant, de la souplesse, du nombre ; un discours animé d’un seul et même souffle, ayant fraîcheur et légèreté ; qui laisse voir le svelte et le gracieux de votre âge ; dans lequel, s’il se montre quelque embarras, ce soit celui de la pudeur ; quelque chose de vif, de court, de proportionné, de décent, qui fasse naître cette impression heureuse que procure aux vrais amis des lettres la grâce nouvelle de l’esprit et le brillant prélude du talent. » — Ainsi j’entends cet idéal de début académique, dont il ne se rencontre plus guère d’exemple.

2364. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

La pensée et l’esprit n’y sont jamais oubliés, mais le sentiment aussi y a sa part, son intérêt et son jeu.

2365. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Non, encore une fois, dirons-nous à ces fils obstinés, qu’une idée honorable et malheureuse oppresse et possède, vous ne sauriez remettre en bonne odeur une mémoire sanglante ou souillée ; c’est une erreur, à vous, d’y prétendre et de vous y acharner ; vous n’avez qu’une ressource : faites oublier votre père, à tous ceux qui vous voient, par vos mérites et vos vertus.

2366. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

On est trop heureux d’être oublié de ceux dont on dédaigne les mœurs, dont on croit le cœur incapable de bonté, de reconnaissance et d’amitié.

2367. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

Quoi qu’il en soit du mobile, il fut le principal auteur et acteur dans cette élévation d’un cran et cet anoblissement définitif de la Compagnie ; il obtint que l’Académie eût désormais ses séances dans une salle du Louvre et fût considérée comme un des ornements ou accessoires du trône ; il usa de tout son crédit pour la faire valoir en toute occasion et la maintenir dans l’intégrité de son privilège ; et un jour qu’allant complimenter le roi elle n’avait pas été reçue avec tous les honneurs rendus aux Cours supérieures, il s’en plaignit directement à Sa Majesté, en rappelant « que François Ier, lorsqu’on lui présentait pour la première fois un homme de Lettres, faisait trois pas au-devant de lui. » La querelle engagée entre l’Académie et Furetière intéressait au plus haut degré l’honneur de la Compagnie : « car c’est grand pitié, comme remarque très sensément Legendre, quand des personnes d’un même corps s’acharnent les uns contre les autres, et qu’au lieu de se respecter et de bien vivre ensemble comme doivent faire d’honnêtes gens, elles en viennent à se reprocher ce que l’honneur de la Compagnie et le leur en particulier aurait dû leur faire oublier. » Il s’agissait, au fond, de l’affaire importante de l’Académie, le Dictionnaire, et de savoir si un académicien avait le droit d’en faire un, tandis que l’Académie n’avait pas encore publié le sien.

2368. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Imaginez-vous que, depuis dix ans, je ne l’avais plus quitté, que nous passions nos journées ensemble : j’étais à côté de lui quand il travaillait, je l’exhortais à ne pas tant se fatiguer, mais c’était en vain : son ardeur pour l’étude et le travail augmentait tous les jours, et il cherchait à oublier les circonstances des temps en s’occupant continuellement.

2369. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

il est trop tard pour se changer, quand on a passé la plus grande partie de sa vie ; « il n’est plus temps de devenir autre. » De propos en propos, il oublie un peu son point de départ, et il en vient, selon sa coutume, à se développer à nous et à se dévider tout entier.

2370. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Mais le sommet, en quelque sorte, du livre, le point culminant, c’est la station du peintre sur la hauteur, au pied de la tour de l’Est : l’aspect grandiose du pays, dans sa sévérité majestueuse et toute-puissante, y est exprimé en des traits qui se transmettent et qu’on n’oublie plus ; le génie du climat y apparaît, s’y révèle tout entier et s’y fait comprendre.

2371. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Je ne sais si je me trompe, mais autour de moi on a l’air de s’en souvenir ; et si le bon duc s’en souvenait, c’était pour m’indiquer en quelques petits mots, souvent indirects, mais pas équivoques, les moyens de le faire oublier.

2372. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Ce rapport est des plus simples, et le vainqueur y paraît surtout occupé de rendre justice à tous ; après qu’il a nommé tout le monde, il craint encore d’avoir oublié quelqu’un : « Je puis manquer dans cette Relation, disait-il, à rendre les bons offices que plusieurs particuliers, et même des troupes, méritent dans cette occasion où tout le monde s’est bien employé ; je dois à leur bonne volonté et à leur secours la gloire qui peut retomber sur moi de ce combat. » Il faut lire d’autres relations que la sienne pour apprendre que Catinat, voyant que la lutte s’opiniâtrait, se mit à la tête de troupes fraîches tirées de la brigade Du Plessis-Bellière, les mena à la charge, et décida la victoire.

2373. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

Jomini, à partir de janvier 1811, demeurait donc au service de France, mais malgré lui, à contrecœur, et très-partagé : c’est ce qu’il convient de ne jamais oublier en le jugeant.

2374. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Le célèbre métaphysicien allemand, Kant, en examinant la cause du plaisir que font éprouver l’éloquence, les beaux-arts, tous les chefs-d’œuvre de l’imagination, dit que ce plaisir tient au besoin de reculer les limites de la destinée humaine ; ces limites qui resserrent douloureusement notre cœur, une émotion vague, un sentiment élevé les fait oublier pendant quelques instants ; l’âme se complaît dans la sensation inexprimable que produit en elle ce qui est noble et beau ; et les bornes de la terre disparaissent quand la carrière immense du génie et de la vertu s’ouvre à nos yeux.

2375. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

On voudrait chanter cette fable, et on oublie les idées pour la mélodie.

2376. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

tu n’as point oublié tes ruses adroites. » — Et châtiant sur Prométhée la race qu’il protège, content au fond d’avoir un prétexte de retirer aux hommes un élément dont il est jaloux, Zeus leur enlève le feu inextinguible ; il le souffle sur la surface de la terre, tous les foyers sont éteints.

2377. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

. — La gloire poétique n’est même pas oubliée dans ces sorts propices jetés sur Argos ; les Danaïdes lui promettent le sourire des Muses et le chant des lyres : — « Que les chanteuses divines accordent ici leurs voix, et que le son de la cithare se mêle harmonieusement au son de leurs bouches sacrées ! 

2378. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Ce sigisbéisme a ses petits profits : à l’occasion, M. de Ryons se glisse entre l’amant qui s’en va et celui qui s’en vient ; il occupe l’entracte des passions qu’il souffle ; puis, lorsque la pièce sérieuse recommence, il sort du boudoir de la dame, comme d’une loge où il serait venu rendre une visite, oubliant aussi vite qu’il est oublié.

2379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Ce droit de correction, elle se l’assurait à sa manière en plaçant de temps en temps sur votre tête quelque bonne petite rente viagère, sans oublier le cadeau annuel de la culotte de velours.

2380. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Quand cette enfant de seize ans sortit de son village, déterminée à faire sa conquête de France, elle était d’une vigueur et d’une audace tant de parole que d’action, qu’elle-même avait déjà un peu perdue et oubliée dans les longs mois de sa prison de Rouen.

2381. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

S’il y a dans un ouvrage, dans un caractère, dans un tableau, dans une statue, un bel endroit, c’est là que mes yeux s’arrêtent ; je ne vois que cela, je ne me souviens que de cela, le reste est presque oublié.

2382. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

N’oublions jamais que Montaigne l’a appelé « le plus judicieux auteur du monde ».

2383. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

C’est un républicain de naissance et d’affection, ne l’oublions pas, un vrai citoyen de Genève, que cet homme qui, par bon sens et par la force de la vérité, est obligé de déclarer à la France de 89 et de 92 qu’elle n’est pas faite pour la république, et qu’il faut trente ans encore d’éducation préliminaire pour que les Français s’accoutument à quelque pratique de la liberté ; c’est un républicain qui n’est royaliste que parce que l’évidence de la raison l’y oblige et qu’il ne peut écrire contre sa conscience.

2384. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Et n’oublions jamais ceci : Retz, après tout, n’a point triomphé, il a manqué l’objet de sa poursuite, qui était de chasser Mazarin et de le remplacer auprès de la reine Anne d’Autriche.

2385. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Dans le beau portrait qu’il a tracé d’un général qui remplit toutes les conditions du commandement, il n’oublie pas celle-ci : « Un général doit être aussi magnifique que sa fortune le lui permet. » Ce n’est pas mon fait ici de suivre pas à pas Marmont dans tous les degrés de sa carrière.

2386. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Voltaire, en lui répondant sur d’autres articles, avait oublié celui-là : « Je rouvre ma lettre, ajoute-t-il en se le rappelant ; je me suis à grand peine souvenu de ma face ; j’en ai si peu ! 

2387. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

C’était un cas de mort, en ce temps-là, que d’être le fils de Montesquieu ou de Buffon, et le plus sûr était de le faire oublier.

2388. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il oubliera lord Falkland, ce chef-d’œuvre de la délicate et galante morale entée sur l’antique loyauté.

2389. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

À chaque sensation, ne l’oublions pas, répond une réaction appétitive et motrice, chaque sensation étant le signe et le début d’une action et d’un mouvement.

2390. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola veut dire qu’il ne faut jamais oublier dans une œuvre d’imagination que les personnages, sont des êtres physiques en chair et en os et qu’en une certaine mesure et sauf de nombreuses exceptions (Louis Lambert, Spinoza) le fonctionnement de leurs cerveaux s’influe du cours du sang et de l’activité des viscères, personne n’y contredira.

2391. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

L’Angleterre, pays d’obéissance plus qu’on ne croit, oublia Shakespeare.

2392. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

M. l’Abbé Mallet qui donna en 1753. des Principes pour la lecture des Orateurs, que j’ai oublié de vous faire connoître, publia la même année un Essai sur les bienséances oratoires, dans lequel il expose avec netteté les préceptes des grands maîtres.

2393. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Il oubliait que les axiomes du naturaliste ne peuvent aboutir aux suppositions du théologien, ni les suppositions du théologien se fonder sur les axiomes du naturaliste.

2394. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XX. Le Dante, poëte lyrique. »

Et toutefois de cette éclatante uniformité la mémoire peut détacher des beautés qu’on n’oublie pas, les plus neuves de la poésie moderne, bien que toutes remplies encore de l’imagination antique.

2395. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

S’il est de la sagesse des gouvernements d’oublier les choses, il est du devoir des écrivains de les constater pour la leçon de nos neveux. […] Ce n’est point aux filles de mémoire d’oublier sitôt les attentats contre les libertés publiques, et de leur accorder si généreusement l’impunité qui les enhardirait à l’avenir. […] Avons-nous oublié que c’est en prenant de haut la nature, la législation, et la morale, que les premiers poètes, qui sont encore nos maîtres, dominèrent les pensées, étonnèrent les âmes, et mirent au rang des demi-dieux les hommes dont ils racontèrent les vertueux travaux ? […] Je ne le pense pas : il faudrait avoir oublié que cette principale action est commencée du plus haut possible, par les démarches de Télémaque inquiet du destin de son père, querellant les prétendants qui dévorent son héritage, et courant chez Ménélas et chez Nestor chercher des nouvelles d’Ulysse, et des secours contre ses ennemis. […] Il s’éloigne du camp, il oublie son oncle Charlemagne, son devoir, ses compagnons d’armes : il court à la poursuite de sa belle, ignorant quel chemin il prendra, puisqu’il ne sait où elle est.

2396. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

C’est que, les individualistes l’oublient trop, l’esprit de l’homme, si altier, génial et exceptionnel qu’il soit, est une collaboration. […] Le Russe Dostoïevsky ne fit que suivre une voie largement ouverte ; il ne faut pas l’oublier, bien qu’il ait trouvé des accents personnels ou si déchirants qu’on ne peut lire sans angoisse Humiliés et offensés, les Frères Karamazov ou la Maison des morts. […] Dans la littérature moderne, il serait injuste d’oublier Manon Lescaut, Adolphe et Sapho qui nous présentent trois types distincts de la jalousie. […] Et mon cœur devint pareil au cœur des morts, car j’oubliais ma vie présente… L’ombre aimante secoua du pli de sa tunique un fromage de Sicile, une frêle corbeille de figues, une petite amphore de vin noir et une cigale d’or. […] Il oublie tout.

2397. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il excelle à commencer une pièce par des mots d’une solennité à la fois tragique et sentimentale qu’on n’oublie plus : Que m’importe que tu sois sage ! […] Pour ne pas oublier la chose capitale, Nous avons vu partout et sans l’avoir cherché, Du haut jusques en bas de l’échelle fatale, Le spectacle ennuyeux de l’immortel péché… De ces vers s’exhale, non plus la lamentation du regret qui pleure le bonheur perdu, ou du désir qui implore le bonheur lointain, mais l’amère et définitive malédiction jetée à l’existence par le vaincu qui sombre dans l’irréparable nihilisme, — au sens français du terme, cette fois, — et il suffit de reprendre un par un les éléments psychologiques dont nous avons reconnu l’influence sur la conception de l’amour chez le poète, pour reconstituer l’histoire de ce « goût du néant » chez le catholique révolté, devenu un libertin analyseur. […] S’ils ont à traiter de tels problèmes, ils s’efforcent d’en faire pénétrer la matière dans quelqu’une de leurs formes, et se hâtent d’oublier cette matière pour se livrer à leurs déductions abstraites. […] A cet acharnement on devine la rage amassée pendant de longues années par le noble artiste, exilé au milieu de la plus épaisse, de la plus intolérable vulgarité, contraint de subir d’innombrables conversations où le vif de sa sensibilité littéraire saignait, meurtri par la bêtise ambiante aux places les plus intimes de son être, mais aussi devenu incapable d’oublier cette vulgarité, d’abolir la rancune de cette bêtise.

2398. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Renaudot, qui ne s’oubliait pas, adressa une Requête à la reine en faveur des pauvres malades de ce royaume, dans laquelle il renouvelait son projet d’un grand hôtel central à établir pour les consultations charitables et gratuites.

2399. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Je n’ai pas de mémoire pour retenir un vers alexandrin, mais je n’oublie pas une syllabe de mes états de situation.

2400. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Je n’oublierai point que, pendant les six mois que j’ai été dans la magistrature, j’avais beau assister à toutes les plaidoiries, aux délibérations, aux voix et au prononcé du président, je n’ai jamais su une seule fois qui est-ce qui gagnait ou qui est-ce qui perdait le procès, excepté le jour de ma réception, où on avait arrangé un petit plaidoyer que l’on était convenu d’avance de couronner.

2401. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

[NdA] Dans sa Lettre sur la Révolution française, il parle des prêtres, alors persécutés, sans ménagement et avec des expressions qui ne s’oublient pas ; il leur reproche, par exemple, d’avoir rempli les temples d’images, « et par là d’avoir égaré et tourmenté la prière, tandis qu’ils ne devaient s’occuper qu’à lui tracer un libre cours » ; il les appelle les accapareurs des subsistances de l’âme, etc.

2402. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Quand la passion du bien de la monarchie se joint au génie inventeur, alors le cœur se remplit de bien d’autres choses que de soi-même ; ordinairement même, le soi s’oublie et s’abandonne absolument, comme cela se voit chez ces chasseurs qui le sont par goût, chez tous les hommes à passions ardentes, à passions de goût et de curiosité, dans les amours violents comme celui de Moïse pour son peuple, et chez les savants qui ont recherché l’objet de leur étude en se détruisant visiblement17.

2403. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Royer-Collard eut de hautes et belles paroles, et surtout appropriées aux temps : elles tombaient de tout leur poids dans cette Chambre royaliste qu’il adjurait de ne pas vouloir être plus sage que le roi, ou moins clémente que lui ; de ne point rentrer et se traîner dans les voies révolutionnaires, en voulant combattre l’esprit de la Révolution ; de ne pas infirmer la justice, en mettant à une trop rude épreuve la conscience du juge ; de ne pas intercepter le pardon et de ne pas lui faire rebrousser chemin, après qu’il était descendu du trône ; de ne pas ériger après coup contre des condamnés un surcroît de peines rétroactives ; de ne pas introduire sous le titre d’indemnités, et dans une loi d’amnistie, l’odieuse mesure des confiscations expressément abolies par la Charte : « Les confiscations, nous ne l’avons pas oublié, disait-il avec l’autorité d’un témoin aussi pur que les plus purs, sont l’âme et le nerf des révolutions ; après avoir confisqué parce qu’on avait condamné, on condamne pour confisquer ; la férocité se rassasie ; la cupidité, jamais.

2404. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Chacun lui fait honneur et fête ; mais la peinture, toujours, est de la partie et ne saurait se plaindre d’être un seul instant oubliée.

2405. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Mais, sur la fin de la cérémonie, le duc d’Albe, qui y avait présidé en qualité de grand maître de la maison du roi, se présenta le dernier pour le serment, et comme au retour il allait oublier de baiser la main du prince, don Carlos le lui rappela par un regard de mécontentement et de courroux.

2406. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il est parti d’individualités, même grossières et ignobles, comme celles du bal Chicard, pour arriver à quelque chose de fin et de galant (voir le n°10 des Souvenirs du Bal Chicard ; ne pas oublier la femme étendue).

2407. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

En ce temps-là précisément (1833), il était allé se loger avec quelques amis dans la rue et l’impasse du Doyenné, ce reste du vieux Paris, un îlot perdu et oublié dans un coin de la place du Carrousel.

2408. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Ose-t-on remarquer quelque trace de jeux de mots et de cliquetis de pensées, à propos de cette épée et du sang dont elle est teinte et qu’une autre teinture peut faire oublier ?

2409. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Commencez, monsieur, par le faire marcher à pied du rendez-vous jusqu’en Flandre. » La proposition ne laissa pas de m’étonner, mais je n’osai rien dire. » A un moment toutefois, le jeune homme insinue qu’il lui semblerait plus joli d’être dans la cavalerie ; sur quoi il se voit rembarré de la bonne manière, et le roi s’adressant de nouveau à M. de Schulenburg : « Au moins, monsieur, je ne veux absolument pas que vous souffriez que dans la marche l’on porte ses armes ; il a les épaules assez larges pour les porter lui-même, et surtout qu’il ne paye point de garde, à moins qu’il ne soit malade et bien malade. » — J’ouvris les oreilles, et je trouvai que le roi, que j’avais toujours trouvé si doux, parlait comme un Arabe ce jour-là ; mais quand je songeai que je n’avais plus de gouverneur, j’oubliai tout, et j’étais persuadé qu’il n’y avait rien au-dessus. » L’indépendance !

2410. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

… Je serais bien garant, d’après l’entretien que je viens d’avoir avec lui, qu’il fut toujours le plus vertueux des hommes. » Je n’ai jamais oublié ce peu de mots et j’avoue que, quoiqu’ils ne m’aient rien appris de nouveau, j’ai cependant eu du plaisir à les entendre de la bouche de ce bon prêtre.

2411. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

amour que nul n’oublie !

2412. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Je crains que le spirituel Charivari n’ait aussi, cette fois, oublié de rire.

2413. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

la voici ; elle lui échappe à la fin de cette même lettre : « Il me reste à vous dire sur les livres et sur les styles une chose que j’ai toujours oubliée : achetez et lisez les livres faits par les vieillards qui ont su y mettre l’originalité de leur caractère et de leur âge.

2414. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Oui, mon amie, le Ciel a voulu que ces idées, que cette morale plus pure se répandissent en France, où ces idées sont moins connues… » En écrivant ainsi, elle avait déjà oublié ses propres ressorts humains, et elle rendait grâce de tout à Dieu.

2415. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il oublie que si chaque homme se divinisait ainsi lui-même, il ne resterait à la fin qu’un seul homme sur le globe, et que ce dernier des hommes serait l’assassin de tous les autres !

2416. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il s’était marié légèrement avec une de ses parentes, et avait oublié promptement ses nouveaux liens.

2417. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Il oublie le burlesque, qui est pourtant une des principales voies par où la fantaisie aristocratique s’est tirée loin de la nature : mais le burlesque aura son fait dans l’Art poétique.

2418. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

En se faisant tout à tous, Voltaire n’oublie pas ses fins essentielles : il fait servir à la propagation de sa doctrine les relations qui flattent sa vanité.

2419. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Molière est placé, à nos yeux, tellement au-dessus de toute cette foule de masques oubliés, que c’est presque une profanation que de l’y mêler lors même qu’on veut seulement marquer son point de départ.

2420. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Elle lui suggéra l’idée de certains contes qui ne sont pas les moins piquants de l’Heptaméron, où elle poursuit de traits perçants la débauche des moines, leur orgueil, leurs vices, sans oublier leurs faux miracles.

2421. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

N’oublions pas que tous ses articles étaient repris et commentés par la grande presse.

2422. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

On oublie que l’humanité ne se répète jamais et n’emploie pas deux fois le même procédé.

2423. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

La bonne Marie Coustot ne s’arrête pas à cette philosophie désespérée ; elle mourra dans sa simplicité, toujours obstinée à s’oublier et à se sacrifier.

2424. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Comme ses contemporains, il se soumet sans peine aux règles venues de l’antiquité ; seulement sa soumission est spontanée et il n’oublie pas plus que Molière ou Racine que « la grande règle de toutes les règles est de plaire183 ».

2425. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Mais l’humanité aime mieux se débarrasser et jeter à l’eau de temps en temps une bonne partie de son bagage ; elle aime mieux oublier, sauf à se donner la peine ou plutôt le plaisir de réinventer, de refaire et de redire, dût-elle redire et refaire moins bien ; mais elle veut, avant tout, avoir à exercer son activité.

2426. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Mais Béranger, ne l’oublions pas, est de la race gauloise, et la race gauloise, même à ses instants les plus poétiques, manque de réserve et de chasteté : voyez Voltaire, Molière, La Fontaine, et Rabelais et Villon, les aïeux.

2427. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Je n’oublierai point cependant la dernière action de Camille Desmoulins.

2428. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Il l’a oubliée comme s’il ne l’avait pas connue. » Des trois femmes qui ont véritablement occupé Louis XIV, et qui se sont partagé son cœur et son règne, Mlle de La Vallière, Mme de Montespan et Mme de Maintenon, la première reste de beaucoup la plus intéressante, la seule vraiment intéressante en elle-même.

2429. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Pour être juste, n’oublions jamais le point de départ et le but : le point de départ, c’est-à-dire le style abrupt, accidenté, escarpé, de ses ancêtres, d’où il lui fallait descendre à tout prix pour conquérir à lui les masses et déployer ses larges sympathies ; le but, c’est-à-dire l’orateur définitif qui sortit de là et qui domina puissamment son époque dans la plus grande tourmente sociale qui fut jamais.

2430. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

C’est alors qu’il fut placé, d’abord au petit séminaire de Meaux, puis à celui d’Avon, près Fontainebleau, où il fit ses études, d’excellentes études classiques, sans oublier les vers latins qu’il variait et tournait sur tous les rythmes d’Horace.

2431. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

La France lui doit Mme de Staël, et ce magnifique présent a trop fait oublier le reste.

2432. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Car il était, ne l’oublions jamais, l’homme de son humeur : cela perce déjà dans les dernières lignes de cet article tout pacifique et d’expectative ; il prévient les questionneurs et adversaires du National qu’il ne s’agit plus désormais, dans ces critiques fort déplacées dont il est l’objet, d’attaques collectives : « Ces attaques, dit-il en terminant, ne s’adresseraient désormais qu’à une seule personne, celle qui s’est fait connaître hier pour directeur unique du National, et l’on doit s’attendre qu’elles seraient relevées. » Voilà une pointe d’épée qui s’aperçoit : et combien de fois déjà ne s’était-elle pas montrée à la fin des articles de Carrel !

2433. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Les amnésiques du verbe oublient d’abord ce qu’il y a de plus particulier dans le langage, les noms propres, les substantifs, les adjectifs ; les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles.

2434. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

……………………………………………………………………………………………… Mais, mes frères, ce n’est pas à moi de publier ces merveilles, pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Seigneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes les angoisses seront oubliées, et ne reviendront jamais : mais vous vous réjouirez, et votre âme nagera dans la joie durant toute l’éternité dans les choses que je crée pour votre bonheur : car je ferai que Jérusalem sera toute transportée d’allégresse, et que son peuple sera dans le ravissement : et moi-même je me réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans la félicité de mon peuple219. » Voilà de quelle manière le Saint-Esprit nous représente les joies de ses enfants bienheureux.

2435. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Comme l’auteur (l’Abbé Feraud de Marseille) n’est pas né à Paris, il n’est pas étonnant que ses observations ne soient pas toujours justes ; mais il n’a rien oublié pour rendre son Dictionnaire complet en son genre, & pour qu’il fût imprimé correctement.

2436. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

N’oublions pas les espadrilles en ficelle tressée.

2437. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Mais Pierre Benoit oublie et doit improviser : il parvient à réunir trois convives, Apollinaire, Carco et Salmon.

2438. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Le livre que voici et dans lequel la langue poétique, non pas déchaînée, mais comme parée des entraves de sa prosodie, danse dans toutes les mesures du rythme et du mètre, au bruit de la double cymbale de ses rimes, en des vers ardents, fourmillants, mouvementés, sensuels d’éclat, de lignes courbes, de torsions charmantes, d’allures folles, un pareil livre rappelle la kermesse de Rubens, mais comprenez-le bien et ne l’oubliez pas !

2439. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Cette victoire ne permet pas qu’on oublie Port-Royal. […] Comme on l’a déjà observé, jamais aucun casuiste n’a oublié le texte des commandements de Dieu ; ils les écrivent en tête de chacune de leurs pages. […] Tant qu’il y eut besoin de cet intermédiaire, ils furent dans le siècle quelque chose comme le médiateur plastique de la vieille philosophie : dans ce rôle, devenu inutile, les Jésuites rendirent des services que l’on ne doit pas oublier, à la civilisation, à la liberté des mœurs. […] Celles que l’on oublierait se serviraient elles-mêmes, et presque personne n’en serait surpris. […] La religion n’est pas oubliée.

2440. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

Quand cette idée s’empare de Nietzsche, elle le pousse si loin qu’il en oublie une de ses théories favorites, à savoir que le monde est une manifestation de beauté. […] Il a été préparé (ce que Nietzsche me paraît avoir complètement oublié ou passé sous silence) par le prophétisme hébreu, qui est un mouvement formellement populaire, plébéien, démocratique et égalitaire. […] Elle persuade que c’est une cause sainte que la sienne ; elle persuade que cela a la beauté du sacrifice que de se consacrer à elle, et qu’en la servant on oublie et l’on néglige volontairement tous ses intérêts propres ; elle persuade que celui qui la suit est quelque chose entre le héros et le saint ; elle insinue que celui qui l’enseigne, surtout qui la rétablit sur ses bases après qu’elle a été ébranlée, et elle l’est toujours, a sauvé le monde. […] Vous allez chez les autres pour vous oublier ou pour vous chercher, et les deux ensemble, à savoir pour oublier celui que vous êtes et pour chercher celui que vous affectez d’être. […] Il s’attache à la réalité autant que l’art proprement et uniquement rêveur s’en éloigne comme avec répulsion ; mais il ne doit pas oublier que tout art est choix et il devra bien se garder d’aimer tout le réel et de vouloir saisir et imiter et reproduire tout le réel.

2441. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Les écrits ne rendent pas tout, et, des qu’on a affaire à des pensées délicates, le meilleur est encore ce qui s’envole et qui a oublié de se fixer. […] Je ne m’attacherai pas à suivre M. de Rémusat dans cette polémique de 1829-1830 ; sa vie de journaliste, il en convient, a été excessivement active, et il est des instants où il le regrette, se disant que ce qu’il a peut-être donné de mieux est perdu et oublié dans ces catacombes.

2442. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Nous vous supplions donc de laisser venir avec nous votre fils, et d’envoyer des jeunes gens et des chiens pour nous aider à délivrer notre pays de ce monstre. » Crésus, qui n’avait point oublié ce qu’il avait vu en songe, leur répondit : « Il ne faut pas parler de mon fils, je ne puis vous le donner : il vient de se marier, et d’autres soins l’occupent. […] Qu’il me soit permis cependant de vous dire que, dans ce moment, vous oubliez le sens véritable de votre songe, et il est facile de vous le prouver.

2443. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Toutes mes heures sont occupées ; c’est comme un réseau d’habitudes qui enveloppe et protège ma vie intérieure… » Mais elle n’a pas oublié l’avantageux pasteur Mikils. […] Et pour Lia, ses coreligionnaires ne devraient pas oublier que, l’ayant voulue sérieuse et exquise, je l’ai faite protestante, afin de lui pouvoir prêter une vie morale plus attentive, plus profonde, plus consciente.

2444. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Elle s’est laissé accoster par la fortune comme par un passant, — quelqu’un qui monte, qu’on accepte, qui s’en va et qu’on oublie. […] Dans l’herbe, une société lit tout haut une joyeuseté bête de petit journal ; sur l’eau, des canotiers en vareuses rouges chantent du Nadaud ; au détour d’un saule nous rencontrons une connaissance : c’est un millionième d’agent de change ; enfin dans un coin, où nous espérions être à nous-mêmes, il y a un paysagiste qui peint, à côté d’une côte de melon oubliée.

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