Franklin est revenu souvent sur cette vue de la mort, et toujours d’une manière douce et presque riante.
La gloire de ces romanciers populaires étonne la postérité, qui n’est composée que de délicats et même de difficiles, du moins quand elle regarde les morts.
Mais il faudrait savoir animer les choses mortes ; et le nombre de ceux qui savent conserver la vie aux choses qui l’ont reçue, est facile à compter.
De grâce, qu’on cesse de ne chercher dans le culte des morts qu’une occasion d’insulte pour les vivants, et de faire de la littérature une veuve inconsolable qui n’a plus qu’à geindre et à se lamenter dans le cimetière du passé.
Voyez si vous trouvez pour exprimer les choses du cœur et de la pensée, plus que les vieilles images surannées, « d’autels renversés dans la fange, d’orages, de ruines qui croulent, de par vis, de feuilles sèches que disperse le vent de la mort, de la colombe qui construit son nid solitaire (pour dire le célibat), de volcans à peine fermés du sol (pour dire les passions apaisées), du forum (pour dire comme les avocats, là vie publique), de l’ange de la destinée, de la lampe de la foi, du vent, de la pluie, mais sur-« tout du vent, et pourquoi ?
Il y a, de par le monde, un journal illustré qui s’appelle La Vie parisienne, comme si tous ses rédacteurs étaient des Balzac, des Gozlan et des Gavarni, et cet audacieux journal n’est pas mort sous son terrible titre.
Il aura, en se perfectionnant, de ces rapidités de récit qui sont même d’un grand écrivain ; parlant, dans l’Abrégé chronologique, des premiers succès de Conradin en Toscane : « Ces beaux commencements, dit-il, trahirent le jeune Conradin et le flattèrent pour le mener à la mort. » Il ne faut point faire, toutefois, comme Perrault, et aller jusqu’à comparer Mézeray à Thucydide ; les discours qu’il place dans la bouche de certains de ses personnages ont de la pensée sans doute, mais on a très bien remarqué que Mézeray écrit d’abondance et n’a point de phrase, c’est-à-dire de forme à lui ; il suffit que sa diction soit naturelle, sincère, expressive, sa narration pleine et bien démêlée.
La secrète pensée, au moment de la mort, n’est pas de celles qui se jugent, et il n’est pas bien de trop scruter sur ce point au-delà de l’apparence.
Santeul, le poète latin si fier de ses vers, si heureux de les réciter en tous lieux ou de les entendre de la bouche des autres, et qui aimait encore mieux qu’on dît du mal de lui que si l’on n’en avait rien dit du tout ; Santeul, qui dans une de ses plus grosses querelles écrivait à l’abbé Faydit, qui l’avait attaqué sur son épitaphe d’Arnauld : Je fais le fâché par politique, mais je vous suis redevable de ma gloire ; vous êtes cause qu’on parle de moi partout, et presque autant que du prince d’Orange ; vous avez rendu mes vers de l’épitaphe de mon ami plus fameux que l’omousion du concile de Nicée ; ceux des autres poètes sur le même sujet sont demeurés ensevelis avec le mort, faute d’avoir eu comme moi un Homère pour les prôner et les faire valoir ; — Santeul, qui était si fort de cette nature de poète et d’enfant qui tire vanité de tout, serait presque satisfait en ce moment.
La fin atroce de Mme Bovary, son châtiment si on veut l’appeler ainsi, sa mort, sont présentés et exposés dans un détail inexorable.
Combes même, si favorable d’ailleurs, le récit de cette quatrième et dernière partie de la carrière politique de Mme des Ursins (1711-1714), que l’on a vu son obstination vaniteuse à réclamer pour elle une souveraineté en Flandre ou dans le Luxembourg, au risque de retarder, d’accrocher la paix générale de toute l’Europe, son obsession croissante, son accaparement de Philippe V après la mort de sa première femme, l’humiliante sujétion à laquelle cette femme de soixante-dix ans prétendait réduire le jeune et royal veuf, les indécents propos auxquels elle ne craignait pas de l’exposer, on comprend qu’elle ait lassé et ce roi et l’Espagne, et qu’elle ait fini par être secouée d’un revers de main sans laisser après elle beaucoup de regrets.
Ramené encore une fois à Berne après tous ces retards et tous ces longs tours, déjà averti de mûrir par la mort de son excellent père qui, en disparaissant, lui laissait ses recommandations plus présentes avec l’exemple de ses vertus, il se résigne enfin à cette vie publique dont l’heure pour lui a sonné.
Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort.
— L’auteur est mort depuis, enlevé dans la force des ambitions et des espérances ; cet homme aimable et distingué voulait mener trop de choses à la fois.
Et d’abord une Introduction, qui ne devait pas être jouée, exposait en 1,500 vers la Création, la chute des Anges et celle de l’homme, le meurtre d’Abel et la mort d’Adam, c’est-à-dire les préliminaires et les antécédents du sujet.
Il est juste que nous soyons aussi au premier rang dans les, combats, afin que chacun des nôtres dise, en nous voyant : S’ils font la meilleure chère et boivent le vin le plus doux, ils ont aussi l’énergie et la force quand ils combattent à notre tête. » — Et il ajoute, dans un sentiment bien conforme à l’héroïsme naïf de ces premiers temps, avant l’invention du point d’honneur chevaleresque : « Ô mon cher, si nous devions, en évitant le combat, vivre toujours jeunes et immortels, ni moi-même je ne combattrais au premier rang, ni je ne t’engagerais, toi aussi, à entrer dans la mêlée glorieuse ; mais maintenant, puisque mille chances de mort sont suspendues sur nos têtes, sans qu’il soit donné à un mortel ni de les fuir ni de les éviter, allons, soit que nous devions fournir à d’autres le triomphe, soit qu’ils nous le donnent !
Rousset) que Mme de Chamilly était janséniste, « adonnée aux nouveautés », qu’elle allait être considérée par le parti comme une Mère de l’Église, et que cela fut poussé au point qu’à la mort du maréchal on crut devoir lui refuser la pension qu’il était d’usage d’accorder aux veuves des maréchaux22.
Michel Nicolas sur Jean-Bon Saint-André, d’abord pasteur protestant, puis conventionnel montagnard, membre du Comité de salut public, en mission auprès des armées navales ; puis dénoncé, mis en arrestation ; puis consul de France à l’étranger, captif en Orient, éprouvé par la persécution et le malheur ; puis enfin, à sa rentrée en France et pendant douze années, excellent préfet de Mayence sous le Consulat et sous l’Empire, un administrateur modèle, mort à son poste, au champ d’honneur, en décembre 1813, sous le coup de nos désastres, cerné par la guerre, les maladies, par tous les fléaux qu’amènent avec elles les défaites, et lui-même atteint et frappé du typhus qui sévissait dans ces contrées des bords du Rhin.
À la mort du Régent, une révolution ministérielle et plus que ministérielle s’était accomplie.
Pitt est mort, mais l’âme de M.
Talleyrand d’ailleurs employa toutes les ressources d’un esprit souple et insinuant pour se concilier un suffrage qu’il lui importait de captiver20. » Par son action et ses démarches auprès des principaux personnages en jeu, auprès des partants et des arrivants, Sieyès et Barras, par son habile entremise à Paris dans la journée du 18, par ses avis et sa présence à Saint-Cloud le 19 au moment décisif, par son sang-froid qu’il ne perdit pas un instant, il avait rendu les plus grands services à la cause consulaire : aussi, les Consuls à peine installés, il fut appelé au Luxembourg avec Rœderer et Volney, et « tous trois reçurent collectivement de Bonaparte, au nom de la patrie, des remerciements pour le zèle qu’ils avaient mis à faire réussir la nouvelle révolution21. » Une grande carrière commençait pour Talleyrand avec te siècle : c’est sa période la plus brillante, et une fois introduit sur la scène dans le premier rôle, il ne la quitta plus, même lorsqu’il parut s’éclipser et faire le mort par moments.
La table des morts et des naissances présente des résultats certains et invariables, aussi longtemps que subsiste l’ordre régulier des circonstances habituelles ; le nombre des divorces qui auront lieu chaque année, le nombre des vols et des meurtres qui se commettront dans un pays de telle population, et de telle situation religieuse et politique, ce nombre peut se calculer d’une manière précise ; et ces événements qui dépendent cependant du concours journalier de toutes les passions humaines, ces événements arrivent aussi exactement que ceux qui sont uniquement soumis aux lois physiques de la nature.
Or ce livre III parut deux ans après la mort de Despériers. — A consulter : Chenevière, D.
En 1770 commencent les procès qui vont lui donner la gloire : à propos de son règlement de comptes avec Paris-Duverney, mort le 17 juillet 1770, le comte de la Blache, petit-neveu et héritier du vieux banquier, accuse Beaumarchais de faux et lui réclame 139 000 livres : il perd en première instance, gagne en appel, et enfin, après cassation de l’arrêt d’appel, perd définitivement ; il est débouté, condamné sur tous les points, et en outre à des dommages-intérêts pour raison de calomnie.
C’est ainsi que récemment le Suisse Amiel nous a été découvert après sa mort : type remarquable d’impuissance pratique et d’activité interne, esprit tout occupé à l’analyse de soi, perdant à s’étudier le temps et la faculté d’agir, subtil, pénétrant, triste de clairvoyance aiguë, et, il faut bien le dire, quelquefois insupportable par sa manie de tout compliquer pour décomposer tout933.
Le corps en est souvent l’occasion, il est vrai, et c’est ce qui fait dire à saint Paul : « Qui me délivrera de ce corps de mort ?
Il se pose par eux, il existe par eux, mais il s’oppose à eux, il ne jouit guère qu’en leur causant quelque dommage, il profite de leurs souffrances, il ne vit que de leur mort.
Et cependant — étrange contradiction pour ceux qui croient au temps — l’histoire géologique nous montre que la vie n’est qu’un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n’a duré et ne durera qu’un moment.
Rien de plus mort que ce qui ne bouge pas.
Ceux qui rêvent la paix en cet état rêvent la mort.
Quatre ou cinq pièces de lui seulement seraient à lire, et il y gagnerait : Fontenay, La Retraite, son Portrait à La Fare, quelques vers sur la goutte, quelques autres Sur la mort, et puis c’est tout.
À d’autres endroits, je vois Marie-Joseph Chénier, mort en 1811, et Mme Cottin, morte en 1807, placés au rang des écrivains de la Restauration.
Mais toujours et en tout temps, malgré les menaces de mort qui s’approchaient de lui, il se refusa à quitter le sol de la France.
C’est alors que lui-même rassemblant le résultat de ses réflexions et de sa pratique morale, il dicta à son fils le traité publié depuis sa mort sous le titre : De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le xviiie siècle.
La Harpe, dont on rit un peu, a été traversé par la Révolution de 89 et de 93, et par le coup d’État de Fructidor, et chaque fois il est remonté en chaire après ; on peut dire qu’il est mort en professant.
Marie Stuart, qui avait beaucoup en elle de cet esprit, de cette grâce et de ces mœurs des Valois, qui n’était guère plus morale comme femme que Marguerite, et qui trempa dans des actes assurément plus énormes, eut ou parut avoir une certaine élévation de cœur qu’elle acquit ou développa dans sa longue captivité, et qui se couronna dans sa douloureuse mort.
Quand on prend le volume des Fables à ce VIIe livre et qu’on se met à le relire de suite, on est ravi ; « c’est proprement un charme », comme le dit le poète dans la dédicace ; ce ne sont presque que petits chefs-d’œuvre qui se succèdent, Le Coche et la Mouche, La Laitière et le Pot au lait, Le Curé et le Mort, et toutes celles qui suivent ; à peine s’il s’en glisse, parmi, quelqu’une de médiocre, telle que La Tête et la Queue du Serpent.
L’esprit guerrier ne peut être chez nous cruel et oppresseur : aussi, dans ces temps d’opprobre où avait pu être porté cet exécrable décret de la guerre à mort, avons-nous vu nos armées reculer devant leurs propres triomphes, rester immobiles après des victoires achetées déjà par tant de sang, et refuser de ternir l’honneur de la patrie, dont elles seules alors étaient dépositaires.
Le beau côté de ce livre, c’est la vie qu’on y sent, et il faut saluer la vie, dans ce néant de générations mortes !
Ce qu’ils ont été pour l’art contemporain, on le comprendra plus tard, lorsque la mort de ces artistes amènera celle de quelques-uns des préjugés qui s’opposent maintenant à leur gloire.
L’amère mélancolie de sa royauté en détresse le remplit, il sent sur lui le froid de la mort lentement s’amasser.
Comme un marin qui n’observe le ciel et les astres que pour prévoir les dangers, diriger sa course et atteindre le port, il n’étudiait la nature et l’homme que pour régler sa vie et conjecturer ce qui suit la mort.
Villemain à la Faculté des lettres (1832-1833), la mort d’Andrieux au mois de mai de cette dernière année laissa vacante au Collège de France la chaire de littérature française, et Ampère y fut nommé. […] La mort de Mme Récamier (11 mai 1849), qui suivit d’assez près celle de M. de Chateaubriand, le laissa bientôt livré à lui-même ; il avait besoin, à travers toutes ses diversions, d’un centre, d’un attachement fixe, d’une affection transformée en devoir, en religion. […] La Providence ne devait pas lui permettre de se bercer longtemps d’une si chère espérance : moins de deux ans plus tard, Mlle Cuvier, moissonnée par la mort, laissait à ceux qui l’avaient approchée et connue le souvenir d’une âme toute céleste. » 80.
Il était mort depuis longtemps pour l’agrément de la société et pour l’influence (s’il en avait eu jamais).
Un avocat journaliste qui ne demandait avis à personne et qui jugeait d’après lui-même jusqu’à être souvent seul contre tous, Linguet, dont Voltaire a su apprécier les talents et la vigueur d’esprit, publia sur le grand écrivain, au lendemain de sa mort, un essai où il y a quelques réflexions très justes et fort bien rendues.
Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, je ne sais par quel hasard ; puis des lettres de Brutus à Cicéron, dans le temps qu’il était en Grèce, après la mort de César : ces lettres sont si remplies de hauteur, d’élévation, de passion et de courage, qu’il m’était bien impossible de les lire de sang-froid ; je mêlais ces trois lectures, et j’en étais si ému, que je ne contenais plus ce qu’elles mettaient en moi ; j’étouffais, je quittais mes livres, et je sortais comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le tour d’une assez longue terrasse (la terrasse du château de Vauvenargues), en courant de toute ma force, jusqu’à ce que la lassitude mît fin à la convulsion.
Marc Bourgery, mort depuis quelques années.
Ainsi, derrière un ironique, il y a eu un croyant, un cœur confiant du moins, aimant, affectueux, et ce Michel, pour l’appeler d’un nom, cet amoureux d’autrefois, cet homme délicat et humain n’est jamais mort chez Gavarni : il a eu jusqu’à la fin des retours marqués dans son talent.
Il avait pour mère une Française, Marie de Nemours, qui devint régente de l’État à la mort de son époux Charles-Emmanuel, enlevé dans la force de l’âge (12 juin 1675).
Surprise à cette vue, le passage subit des affres de la mort à l’excès de la vie amollissait son cœur et brisait son courage ; l’air était embrasé, des nuages de pourpre passaient devant ses yeux ; on l’entourait, un prêtre de Bacchus versait à flots le vin à ses lèvres entrouvertes ; on entonnait le chœur des Corvbantes, et, la prenant par la main, on l’entraînait dans la ronde en délire, jusqu’à ce qu’enfin, haletante, épuisée, elle tombait à son tour ivre de volupté. » Et Herman, pour toute réponse, oublieux et enivré, s’écrie : « Que tu es belle ainsi, ô ma belle jeunesse !
Il est impossible, au moment où la mort de Louis XV les porta un peu prématurément au trône, d’avoir une plus grande envie de faire le bien, un plus haut sentiment de la responsabilité que ne l’avaient Marie-Antoinette et Louis XVI.
Désert profond, immense nappe d’eau entre des monts immenses, mais nus, abrupts, tristes comme la mort.
Le contrôle ici nous échappe, et nous ne garantissons pas les conseils qu’il a pu donner après la mort de Marie-Thérèse.
Ils ont une philosophie, une vue de la vie et de la mort, une idée de Dieu.
Élu grand maître de l’Ordre maçonnique à la mort du duc d’Antin, il y laissa introduire le désordre par son absence et sa complète incurie ; il fallut, après lui, en venir à une réforme.
Un chacun les doit estimer, Ainsi qu’un ange tutélaire ; La vertu, c’est de les aimer, L’innocence est de leur complaire… ; soit que, voulant consoler un fils affligé de la mort d’un père, il lui dise tout crûment : Un homme de bon sens se moque des malheurs, Il plaint également sa servante et sa fille ; Job ne versa jamais une goutte de pleurs Pour toute sa famille.
Rappelez-vous encore ce « Vous n’avez pas failli, Messieurs », que Boileau lisait dans son Démosthène, au fameux endroit du serment par les morts de Marathon.
La mort de ce vieillard impotent ne produirait aucun avantage, et aurait pour nous des conséquences plus funestes que vous ne pensez.
Sous la figure de l’abbé de Janson, il a peint lui-même, à son insu, quelques traits de sa propre nature, de sa propre ambition spirituelle d’apôtre : « L’apostolat, dit-il, qui était sa vraie, son unique vocation, le tourmentait et l’emportait dès les premiers jours de son sacerdoce. » On était à la fin de l’Empire : M. de Janson cherchait une carrière à son zèle, un champ pour y semer la parole, et n’osant songer à la France, alors muette, il errait en esprit de l’Amérique à la Chine, de la Chine aux bords du Gange : Tout à coup, au sein même de la patrie, poursuit l’orateur, un cri prodigieux s’élève : le descendant de Cyrus et de César, le maître du monde, avait fui devant ses ennemis ; les aigles de l’Empire, ramenées à plein vol des bords sanglants du Dniepr et de la Vistule, se repliaient sur leur terre natale pour la défendre, et s’étonnaient de ne plus ramasser dans leurs serres puissantes que des victoires blessées à mort.
Le 11 de ce mois est mort, à l’âge de quatre-vingt-trois ans accomplis, un vieillard aimable, spirituel, qui recouvrait, sous les formes d’une politesse exquise et d’une parfaite urbanité mondaine, un caractère ferme, des opinions nettes et constantes, bien de la philosophie pratique ; un sage et un heureux qui avait conservé à travers les habitudes du critique, et avec un esprit volontiers piquant, un cœur bienveillant et chaud, une extrême délicatesse dans l’amitié.
Ils sont résolus de perdre plutôt la vie que de rien faire d’indigne de ce qu’ils sont », c’est-à-dire qu’ils sont résolus à défendre leur couronne les armes à la main jusqu’à la mort, et elle est incapable de leur donner un autre conseil.
Il faut surtout relire ces beaux vers au sujet de la mort de Molière sur lesquels a dû tomber une larme vengeresse, une larme de Boileau.
Ce fut le commencement d’une liaison qui alla se resserrant bientôt de plus en plus, et qui ne se termina que par la mort.
Si je pouvais me croire le droit de leur adresser quelques avis, je leur dirais : Laissez enfin pour morts ces héros de la Grèce et de Rome, que nos poignards tragiques ont épuisés de sang ; faites revivre les personnages des âges chrétiens et chevaleresques : mais gardez-vous d’appliquer à ces sujets d’un temps barbare, les règles d’une poétique plus barbare encore, et n’imitez pas ce peintre de nos jours, qui voudrait représenter les princes et les guerriers du dixième siècle, dans le style gothique des vitraux de leurs chapelles, ou du marbre de leurs tombeaux.
Le Décadisme est mort et enterré : Le Décadent est un homme tellement parfait qu’il n’y en a plus.
Son histoire commencée en 1581, ne va que jusqu’en 1625, après la mort de Barneveldt ; et cette histoire que je viens de lire n’a changé en rien mon opinion sur Mme Stern en particulier, ni sur son sexe en général, à, qui je ne reconnais pas le droit, démontré par la puissance, d’écrire l’histoire.
Cette loi sublime, il la montre et la suit dans tous les phénomènes qu’ils appellent, eux, le mal de la vie : la faim, — tout commence par la faim, dit-il, — le travail, l’esclavage, les infirmités des organes, les maladies, la vieillesse, — dont il donne la raison divine, la raison suprême et rayonnante, — et enfin la mort, qui commence la grande vie.
Quelques groupes d’hommes dans l’humanité, sur ce point de terre calciné, la Judée, virent passer l’adorable visage et en sentirent sur eux les rayons, — quelques groupes, morts maintenant, représentés, en tout, par quatre témoignages… Mais l’Église, elle, ne passe point.
Je vois entre les tas de feuilles mortes des primevères, des violettes, des pervenches bleues comme des yeux de jeune fille ; il y a aussi des euphorbes déjà pleins de lait, si gonflés de sève, que leur pyramide verte fléchit sous le faix de leur tête.
L’homme ordinaire, apercevant un lis, ne voit qu’une grande fleur blanche dont le calice évasé contient des fils jaunâtres ; le botaniste distingue la corolle, les six pétales, l’ovaire, le style, le stigmate, les étamines, les anthères, le pollen, les divers changements et les divers rapports de toutes ces parties depuis leur naissance jusqu’à leur mort.
L’esprit nouveau, mort avec l’affaire Dreyfus, est revenu avec la séparation, ou après la séparation. […] Depuis la mort de Massillon, la littérature catholique éminente est toute laïque, à une exception près, qui confirme singulièrement la règle : Lamennais (ajoutons, pour notre temps, l’abbé Bremond, ce fruit d’automne par qui l’Église de France a fini par avoir, ce qu’elle méritait bien, son Sainte-Beuve à elle). […] Un mouvement intellectuel jeune catholique ne trouve d’ordinaire la voie libre que s’il emploie son esprit inventeur à réhabiliter paradoxalement un passe qu’on croyait mort : voyez le néo-thomisme. […] On tirerait, non de ses livres filandreux et morts, mais de tant d’admirables discours, une idéologie saisissante du radicalisme proconsulaire. […] Avec ceci en plus qu’il est mort pour la Cause, qu’il a été assassiné ou plutôt qu’Ils l’ont assassiné.
Remarquez les coups de grosse caisse, j’entends les grands moyens ; on appelle ainsi tout ce que dit un personnage qui veut délirer et ne délire pas ; par exemple, parler aux rocs et aux murailles, prier Abeilard absent de venir, s’imaginer qu’il est présent, apostropher la Grâce, la Vertu, « la fraîche Espérance, riante fille du ciel, et la Foi, notre immortalité anticipée1110 », entendre les morts qui lui parlent, dire aux anges de « préparer leurs bosquets de roses, leurs palmes célestes et leurs fleurs qui ne se flétrissent pas1111. » C’est ici la symphonie finale avec modulation de l’orgue céleste : je suppose qu’en l’écoutant Abeilard a crié bravo. […] Un des moins rigides et des plus célèbres fut Young, l’auteur des Nuits, ecclésiastique et courtisan, qui ayant en vain essayé d’être député, puis évêque, se maria, perdit sa femme et les enfants de sa femme, et profita de son malheur pour écrire en vers des méditations « sur la vie, la mort, l’immortalité, le temps, l’amitié, le triomphe du chrétien, la vertu, l’aspect du ciel étoile », et beaucoup d’autres choses semblables.
En somme, et lors même que ce ne serait pas en vertu d’une déduction rigoureusement logique, il me paraîtrait encore plus satisfaisant pour l’esprit de considérer des instincts, tels que celui du jeune Coucou, qui repousse-hors du nid ses jeunes frères d’adoption, celui des Fourmis esclavagistes, ou celui des larves de l’Ichneumon qui se nourrissent dans le corps de la Chenille, non pas comme le résultat d’autant d’actes créateurs spéciaux, mais comme de petites conséquences contingentes d’une seule loi générale ayant pour but le progrès de tous les êtres organisés, c’est-à-dire leur multiplication, leur transformation, et enfin la condamnation des plus faibles à une mort certaine, mais généralement prompte, et la sélection continuelle des plus forts pour une vie longue et heureuse, continuée par une postérité nombreuse et florissante. […] Cette règle s’applique même aux diverses races humaines, et aux divers représentants de ces races ; car les nations les moins avancées comme civilisation, et les individus les moins développés sous le rapport intellectuel, multiplient plus rapidement que les autres, ou plutôt comptent plus de naissances avec plus de morts, ce qui leur donne une vie moyenne moins élevée, et les soumet ainsi à une sélection naturelle plus rigoureuse.
Ce jugement paraîtra sévère ; j’ai dit ailleurs ce que le drame moderne a de bon et de grand à nos yeux ; je dirai plus loin quelle est sa conquête durable, comparé à la tragédie du xviie siècle ; et j’ajoute que, à Paris, mes soirées se passent presque toutes au théâtre, dans une joie toujours nouvelle ; mais ici je me suis placé au point de vue de la technique, des conventions ; il fallait protester contre certains préjugés ou certaines illusions, et protester surtout contre la louange à jet continu d’une critique dramatique bien dégénérée depuis la mort de Francisque Sarcey et la retraite de Jules Lemaître. […] Quand nous nous réveillons d’entre les morts (1899) ; trois actes : une station de bains sur la côte de Norvège — un sanatorium de haute montagne — la montagne.