. ; il y manque deux morceaux très neufs sur Molière, insérés depuis dans la Revue des deux mondes (juillet 1847 et janvier 1848). […] C’est une précaution que prend toujours en pareil cas un maître de maison qui sait son monde. » Cette note sent terriblement son grand seigneur d’autrefois. […] Les connaisseurs pourtant ont retenu et me signalent du doigt dans ces volumes un vrai bijou, la vie et la mort de Mayeux, le fameux Mayeux (le type grotesque de notre versatilité politique), venu au monde à Paris le 14 juillet 1789, et qui s’est successivement appelé Messidor-Napoléon-Louis-Charles-Philippe Mayeux, selon les noms des divers régimes qu’il a, tour à tour, épousés ou répudiés, Mayeux un moment porté sur le pavois après 1830, et qui meurt, vers 1833, de douleur et de honte d’avoir été renvoyé des rangs de la Garde nationale et rayé des contrôles comme coupable de faire rire. […] À ce morceau sur Bussy il faut joindre ce qu’il a écrit sur Molière dans la Revue des deux mondes : il y détruit quelques erreurs traditionnelles répétées par tous les biographes ; il rectifie des dates et ajoute aux faits connus sur les origines du grand poète quelques faits nouveaux.
Il y eut un moment où il se vit réduit à l’exacte pauvreté : même quand il allait dans le monde, il était vêtu misérablement. […] Le Voyage du jeune Anacharsis venait de paraître, et le beau monde raffolait du brouet noir. Mme Lebrun, qui attendait ce soir-là de fort jolies femmes, imagina de costumer tout son monde à l’antique pour faire une surprise à M. de Vaudreuil : « Mon atelier, dit-elle, plein de tout ce qui me servait à draper mes modèles, devait me fournir assez de vêtements, et le comte de Parois, qui logeait dans ma maison rue de Cléry, avait une superbe collection de vases étrusques. » Chaque jolie femme qui entrait était à l’instant même déshabillée, drapée, coiffée en Aspasie ou en Hélène. […] Dans cette absence de tout principe d’honneur et de dignité, il poursuivait encore avec fierté je ne sais quels fantômes et quelles idoles qui lui parlaient d’un monde supérieur.
Necker, quel temps je suis venu prendre pour entretenir le monde de morale et de religion ! […] plus on a connu le monde, ses fantômes et ses vains prestiges, plus on a senti le besoin d’une grande idée pour élever son âme au-dessus de tant d’événements qui viennent la décourager ou la flétrir. […] Necker, des élans d’espérance qui arrivent à une sorte d’éclat d’expression : Il y a quelque secret magnifique caché derrière cette superbe avant-scène qui forme le spectacle du monde. […] Pour mettre sa sensibilité plus à son aise, par un singulier et subtil accommodement il supposait que c’était d’un autre que lui qu’il parlait : C’est d’un moi que je parle, et non pas de moi ; car, loin des hommes, au pied des hautes montagnes, au bruit d’une onde monotone qui ne présente d’autre idée que la marche égale du temps, et sans autre aspect qu’une longue solitude, une retraite silencieuse que bordent déjà les ombres d’une éternelle nuit, je n’ai plus de rapport avec ce ministre naguère emporté par les événements, agité par les passions du monde, et sans cesse aux prises avec l’injustice ; je n’ai plus de rapport avec lui que par les émotions d’une âme sensible… Il revient à chaque instant, avec des cris de David ou de Job, sur cette calamité, qui véritablement n’était pas si grande qu’il le supposait : Quelquefois seulement, au pied de ces montagnes où l’ingratitude particulière des représentants des Communes m’a relégué, et dans les moments où j’entends les vents furieux s’efforcer d’ébranler mon asile, et renverser les arbres dont il est environné, il m’arrive alors peut-être de dire comme le roi Lear : « Blow, winds, … Soufflez, vents impétueux !
Mais un art qui ne nous procurerait ainsi que des sensations agréables disposées le plus savamment possible ne nous donnerait qu’un pur abstrait des choses et du monde ; or, le miel le plus doux extrait de la fleur ne vaut pourtant pas la fleur. […] Flaubert, qui était artiste dans la moelle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. […] Le monde de l’art est toujours de couleur plus éclatante que celui de la vie : l’or et l’écarlate y dominent avec les images senglantes ou, au contraire, amollissantes, extraordinairement douces. […] Le grand artiste, simple jusqu’en ses profondeurs, est celui qui garde en face du monde une certaine nouveauté de cœur et comme une éternelle fraîcheur de sensation.
Elle plaint la faiblesse de cet être nerveux, partagé entre un monde de scrupules, jusque dans son affection pour elle. […] Et celle-ci est rêveuse, troublée, par tout ce que l’esprit lui apprend des hommes et du monde. […] Ce que sa notion des hommes et des choses avait de menu, de nuancé, d’épais, de peu concluant, de peu poussé, le laissait comme en une sorte d’admiration rêveuse pour un spectacle qui lui apparaissait étrangement varié, singulier, multiple surtout et compliqué ; une douce sympathie lui venait pour les êtres qu’il avait connus intimement et confusément comme penché sur eux de trop près, l’intelligence de leurs erreurs, la tristesse de leurs fautes, l’étonnement navré de les apercevoir eux si intensément vivants et complexes, bornés, faibles, isolés, perdus et passagers en ce vaste monde dont le romancier ne parvenait à comprendre ni l’arrangement ni le but, ni l’infinie petitesse. […] Il connut du monde tout ce que peuvent y voir des yeux très myopes et très doux, il en ignora ce qu’en déduisent les esprits purs, froids, lointains et volontaires.
Comme toute la littérature du monde paraît chose frivole à côté d’un sentiment du cœur ! […] Chaque faculté est un devoir de plus, et les vôtres sont en rapport avec le monde. […] Quoiqu’il soit homme d’esprit et qu’il ait le goût et l’habitude du monde, je ne sais pourquoi il ne me plaît guère. […] Du reste il est parfaitement soigneux et aimable pour moi. — Le général Miollis paraît le meilleur homme du monde ; il est aimé. […] La Revue des Deux Mondes publia cet article le 1er mars 1868.
Dans un monde encore chrétien, une culture païenne a fait de lui, comme des Italiens de la Renaissance, un pur païen ; et d’autres l’ont donc été avant lui, ou en même temps que lui, mais personne avec plus d’ampleur, de verve, — et de lyrisme même. […] Et, déjà, combien la seconde est-elle trompeuse si, tandis que la Renaissance ne tendait qu’à déchristianiser le monde pour le rendre au paganisme, tout au contraire, ce que la Réforme a tenté, c’est justement de ramener le christianisme à la sévérité de son institution primitive ? […] Magnin : « Les commencements de la comédie italienne en France », dans la Revue des Deux Mondes du 15 décembre 1847 ; — Rathery : Influence de l’Italie sur les lettres françaises, Paris, 1853 ; — Armand Baschet, Les Comédiens italiens à la cour de France, Paris, 1882 ; — Ad. […] 3º Les Œuvres. — La Muse chrétienne, 1574, contenant le Triomphe de la foi, Judith et l’Uranie ; — La Sepmaine ou Création du monde, 1578 ; — La Seconde Sepmaine ou Enfance du monde, 1584, comprenant Ier Jour : 1º L’Eden ; 2º L’Imposture ; 3º Les Furies ; 4º Les Artifices ; et IIe Jour : 1º L’Arche ; 2º Babylone ; 3º Les Colonies ; 4º Les Colonnes. […] Le Monde comme volonté, III, chap.
Mais la Commission, en rendant toute justice et à ces talents et à ces efforts, a dû se demander si l’objet principal du programme, aux termes duquel elle était convoquée, si le but moral entrait le moins du monde dans l’inspiration de ces pièces, ou s’il ressortait de l’effet qu’elles produisent ; et il lui a été impossible de l’y reconnaître, et par conséquent de le couronner. […] Cette honnêteté, qui se produit sans emphase, qui brille dans le caractère des personnages et dans toutes leurs paroles, semble couler naturellement de l’âme de l’auteur ; une versification nette, correcte, élégante, y sert d’ornement ; quelques personnages assez gais et plus actifs, jetés dans ce monde d’honnêtes gens, relèvent la douceur des tableaux.
Les soirs dans le monde, il est très-paré mais lourdement, et y montre peu d’esprit et de vivacité de conversation ; il y parle bas et avec une sorte d’affectation de bon ton. […] Lèbre (un écrivain suisse, mort jeune) mérite d’être grondé… Il a fait l’article sur Mickiewicz (dans la Revue suisse, année 1843, p. 513) trop mystique ; lui qui s’est fait tant d’honneur par son article sur la Philosophie allemande (Revue des Deux Mondes, 1er janvier 1843), qu’il n’aille pas gâter cela.
— Cousin, toujours en quête et en action, a publié, dans la Revue des Deux Mondes du 15, un morceau inédit de Pascal sur l’amour : le morceau est beau dans sa subtilité et paraît bien authentique. […] — On annonce d’Eugène Sue un nouveau roman en feuilletons, Le Juif errant, ce seront les mystères du monde et de tous les pays.
La génération surtout qui était venue trop tard pour participer à l’effervescence politique et s’embraser à l’illusion révolutionnaire évanouie vers 1824 ; cette génération étouffée, qui était au collège durant la plus belle ardeur de la Charbonnerie ; qui manquait la classe, le jour où l’on chassait Manuel, et qui, à son premier pas dans le monde, trouvant tout obstrué, allait se ronger dans la solitude ou se rétrécir dans les coteries ; cette génération cadette, dont Bories et ses compagnons furent les aînés, intelligente, ouverte, passionnée sans but, amoureuse indifféremment de Napoléon et de la République, de madame de Staël et de madame Roland, folle de René et des lettres de Mirabeau à Sophie, emportant sous le bras Diderot à la classe de rhétorique et Béranger à la classe de philosophie ; noble et chaleureuse jeunesse, qui se consuma trop longtemps dans des idées sans suite, dans des causeries sans résultat, dans d’interminables analyses ; dont les plus pressés s’affadirent si vite aux tièdes clartés des bougies, et s’énervèrent chaque soir dans l’embrasure de quelque fenêtre d’un salon doctrinaire ; cette génération-là surtout a souffert profondément, et a ressenti jusque dans la moelle de ses os la consomption de l’ennui et le mal rêveur. […] Sainte-Beuve — de rapprocher de ce jugement écrit par lui-même sur ses premières Poésies un autre article que nous ne pouvons donner comme de lui, et que nous trouvons dans la Revue des Deux Mondes, sur les Pensées d’Août, à la date du 1er novembre 1837.
Ces tableaux sont sans conséquence pour une nation telle que la nation anglaise ; elle s’en amuse comme des contes, comme des images fantasques d’un monde qui n’est pas le sien. […] Ils se livraient à ces exercices pour leur santé, et n’avaient pas l’air de se douter que rien au monde n’était plus risible que le contraste de leur extérieur pédantesque et de leurs jeux enfantins.
L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé. […] Sans cesse la main de fer de la destinée repousse l’homme dans l’incomplet, il semble que le bonheur est possible par la nature même des choses, qu’avec une telle réunion de ce qui est épars dans le monde, on aurait la perfection désirée ; mais dans le travail de cet édifice, une pierre renverse l’autre, un avantage exclut celui qui doublait son prix ; le sentiment dans sa plus grande force est exigeant par sa nature, et l’exigence détruit l’affection qu’elle veut obtenir.
Comme elle naît toujours de la profondeur de la réflexion, et qu’elle est souvent inspirée par le besoin de résister à ses passions, elle suppose des qualités supérieures, et donne une jouissance de ses propres facultés tout à fait inconnue à l’homme insensible ; le monde lui convient mieux qu’au philosophe ; il ne craint pas que l’agitation de la société trouble la paix dont il goûte la douceur. […] C’est au milieu du monde que souvent ses réflexions, ses résolutions l’abandonnent, que les idées générales les plus arrêtées, cèdent aux impressions particulières.
Le poète romantique par excellence, c’est Le Dante ; il adorait Virgile, et cependant il a fait la Divine Comédie, et l’épisode d’Ugolin, la chose au monde qui ressemble le moins à l’Énéide, c’est qu’il comprit que de son temps on avait peur de l’enfer. […] Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer, terrifiés qu’ils sont par la réputation du grand Racine.
Buffon n’est à l’aise que dans les grandes vues d’ensemble, les hypothèses sur la structure du monde, sur l’organisation graduelle et les transformations successives de la matière inanimée ou vivante. […] Son esprit de savant accoutumé à considérer l’immensité des périodes géologiques et la lenteur des transformations de l’univers n’avait pas la fièvre, l’impatience, les révoltes, les illusions puériles, les faciles espérances qui échauffaient les esprits de ses contemporains : il ne croyait pas aux brusques renversements qui renouvellent le monde, il ne croyait pas surtout toucher de la main l’ère de la raison universelle et du bonheur parfait.
Le pape Pie XI annoncera par une suprême encyclique (Gaudeamus, fratres) à ce qui restera du monde chrétien qu’il remet ses pouvoirs aux mains de l’Académie des sciences de Berlin. […] À ce moment, l’élite des êtres intelligents, maîtresse des plus importants secrets de la réalité commencera de gouverner le monde par les puissants moyens d’action dont elle disposera, et d’y faire régner, par la terreur, le plus de raison et de bonheur possible.
Il y a, par le monde, sept ou huit mathématiciens d’une grande force intellectuelle. […] Joachim Gasquet Le monde est fait pour aboutir à un beau livre, a dit Stéphane Mallarmé.
Tailhade est l’homme le plus entouré du monde, ce qui prouve bien qu’en dépit de la légende que lui ont créée ses attaques furieuses, c’est un tendre et un affectueux. […] N’a-t-il pas dit lui-même : « Le Pauvre Monde est sujet à l’Erreur » ?
Cela est surtout méritoire si l’on considère que l’instrument que nous leur mettons entre les mains est tout ce qu’il y a au monde de plus aristocratique, de plus inflexible, de moins analogue à la pensée populaire. […] Voilà pourquoi un fabricant de romans-feuilletons peut faire une brillante fortune et arriver à ce qu’on appelle une position dans le monde, tandis qu’un savant sérieux, eût-il fait d’aussi beaux travaux que Bopp ou Lassen, ne pourrait en aucune manière vivre du produit vénal de ses œuvres.
C’est sur-tout à ce défaut de modestie & de bienséance, dans la maniere de présenter ses idées, que M. de la Harpe doit attribuer le peu de succès de ses Ouvrages, & le peu d’estime dont il jouit parmi les Littérateurs, parmi les Gens du monde, & même parmi les Philosophes, ses Protecteurs. […] Ses ennemis affecterent de prendre ce ménagement pour de la timidité ; ils prétendoient qu’il n’osoit pas imprimer sa Piece, & lui adresserent, à ce sujet, les défis les plus plaisans du monde.
Que deviendroit le Monde, si jamais les Dogmes pervers d’une semblable Philosophie venoient à être réduits en pratique ? […] Ils ont beau faire, ces Pygmées, qui ne paroissent des Géans qu’au microscope de l’ignorance ; elle est, pour les Esprits, ce que le Soleil est pour le Monde, destiné à l’éclairer, à l’embellir, à le féconder, tant qu’il existera.
La plupart des Grands, sans en excepter les Princes, semblables à ces arbres nés dans le silence, & accrus à l’ombre des forêts, vivent & meurent sans que leur existence & leur chute fassent une sensation & un vide dans le monde : il n’en est pas de même de l’homme qui a su se rendre utile par ses lumieres ou ses talens ; il est connu par-tout où ses Ouvrages pénetrent ; & plus ou moins honoré de ses Contemporains, selon qu’il s’est montré plus ou moins supérieur dans le genre qu’il a embrassé, il peut se flatter d’exister encore avec honneur dans la mémoire des générations futures. […] Depuis les temps de l’enfance du monde, Même parmi les êtres végétans, Observe-t-on sur la terre, sous l’onde, Ou dans les airs, de nouveaux habitans Nés du concours des atomes flottans ?
, et apprendre à la France et au monde les noms de deux hommes de lettres de plus : Edmond et Jules de Goncourt. […] Et la raison en était celle-ci : Gerdès, qui se trouvait à la fois — rapprochement singulier — l’imprimeur de la Revue des Deux Mondes et d’En 18..
Mais en est-il une dans le monde, qui puisse exprimer toute la variété de nos idées & de nos sensations, toutes les nuances dont elles sont susceptibles ? […] Enfin Horace & Virgile ont composé dans leur langue ; Homère & Anacréon ont écrit en Grec, & non pas en Hébreu ou en Égyptien : un François doit écrire en François, & non pas dans une langue étrangère à tant de monde.
Enfin le monde sçait par coeur les vers dans lesquels Despreaux fils, frere, oncle et cousin de greffier, rend compte de la vocation qui l’appella de la poudre du greffe au Parnasse. […] Avant que de sçavoir qu’il y eut au monde une science nommée géometrie, il l’apprenoit.
C’est ainsi que les Grecs furent enivrés jadis par les rêveries d’un sublime rêveur appelé Platon, qui, dans un livre appelé sa République, leur écrivit des absurdités contre nature qu’un enfant réfuterait, mais qui font les délices du monde depuis plus de deux mille ans. […] Mais voilà un homme qui a commis une faute plutôt qu’un crime, à bonne intention, et qui devrait être fier de son innocence foncière et des cinq ans de peine infligés à sa bonne action ; le voilà qui, après s’être nourri dix-neuf ans de son venin, s’échappe de ses fers et rentre dans le monde de la liberté. […] Son résultat, c’est le monde meilleur ; de ses coups les plus terribles il sort une caresse pour le genre humain. […] Elle n’y a gagné que l’horreur qui suit le massacre des prisonniers vaincus dans tous les temps, dans toutes les causes, dans toutes les nations du monde ! […] Si l’évêque est un brave homme non croyant dans la divinité de son Maître, pourquoi, en conservant ses vertus, n’abandonne-t-il pas l’autel où il adore le Christ comme Dieu, quand il le vénère seulement comme le saint crucifié du monde ?
Telle est la loi des êtres qui sont jetés dans le monde avec une prodigalité de nature trop disproportionnée au moule humain ; ils sont malheureux, mais sont-ils malheureux parce qu’ils sont trop complets ? […] Rousseau ; et le monde inintelligent aurait accusé leur mauvaise fortune : c’est leur imparfaite nature qu’il fallait accuser. Un préjugé puéril met les poètes en suspicion de démence ; ce préjugé est né assez naturellement, dans le monde, de l’opinion que l’imagination prédomine exclusivement dans les poètes, et que cette prédominance de l’imagination seule les prédispose à l’égarement d’esprit. […] … Telle est ma détresse, que je n’ai que vous au monde à qui je puisse me fier, et, si vous m’assurez que ma supplique aux cardinaux sera présentée, je vivrai enfin en paix ! […] Quoiqu’il ait passé la plus grande partie de sa vie à la campagne, cependant il n’est pas tout à fait étranger aux habitudes du monde et des cours ; il a un frère qui est depuis longtemps à la cour du pape ; il est l’ami du cardinal Vercelli, dont le rare mérite est en grande estime dans ce pays.
Lichtwelt (le monde de la lumière) : optique Préparé par toutes les conditions analysées plus haut, le spectateur se trouve enfin en présence du drame. […] Le Lichtwelt et le Schallwelt, les mondes des couleurs et des sons, agissent sur ses organes percepteurs, sur ses facultés auditives et visuelles. […] Malgré son imagination, il n’aurait pu deviner cet ignoble luxe de dorures qui cache le spectacle, ce monde de boursiers qui cache les acteurs, et ce monde d’acteurs qui cache l’art. […] Au milieu du calme triste qui règne sur le territoire du Gral, de cette masse sombre qui borde la clairière et semble fermer la limite d’un monde inconnu surgit une créature sauvage, qui se précipite sur la scène. […] Le Journal de Bruxelles : Quel spectacle, depuis que le monde existe, a jamais été offert à l’imagination et à l’âme, qui donne d’aussi fortes et d’aussi nobles émotions que les opéras de Wagner ?
En restant dans le monde des esprits passablement organisés, il n’y a guère que M. […] Ainsi, dans La Légende des siècles, il y a des scènes d’une majestueuse simplicité et de l’expression la plus naïvement idéale, empruntées au monde de la Bible et de l’Évangile, la Conscience, Daniel dans la Fosse aux Lions, Booz, La Résurrection du Lazare, mais justement c’est par le Moyen Age que le poète est remonté à ces sources d’inspiration d’où est descendu l’esprit du Moyen Age sur la terre ! […] Hugo, est celle-ci : Que lui a donc rendu le monde moderne en place du talent qu’il lui a sacrifié, en le lui consacrant ? […] Le pourceau misérable et Dieu se regardèrent… Un pourceau secouru pèse un monde opprimé ! […] Hugo doit au monde moderne dont il veut être à toute force, au lieu de rester simplement et fièrement soi ; telles sont les éclatantes beautés qu’il doit aux opinions de son siècle, devenues les religions de son cœur et de sa pensée !
En 1639 et en 1643, il prêta son nom à deux tragi-comédies, Mirame et Europe, qui firent alors bien du bruit dans le monde des lettres et sur la scène française. […] Racine fit son entrée dans le monde des lettres par la tragédie de la Thébaïde ou les Frères Ennemis, en 1664. […] Le second sonnet fit fureur et eut autrement de succès dans le monde des lettres et dans le monde de la cour, que celui dont on attribuait la paternité au duc de Nevers. […] Sa troisième, jouée en 1703, et intitulée Mort de Néron, coûta à son auteur juste autant d’années qu’il faut de mois à une femme pour mettre au monde un enfant. […] C’était un homme d’esprit, fort laid et très-amusant dans le monde.
Une femme du monde, du vrai monde, une survivante de l’ancienne aristocratie ! […] C’est, apparemment, plus difficile que de conquérir le monde. […] À quoi tiennent les destinées du monde ! […] Sardou auront fait le tour du monde. […] Le monde entier a élu domicile à Paris.
Son esprit est d’une autre sphère et d’un autre monde ; c’était avant tout un esprit de doctrine, d’ordonnance et d’exposition logique oratoire. […] Produit dans le monde, à l’hôtel Guénégaud, même à l’hôtel Rambouillet, il avait prêché dans ce dernier salon un jour, un soir, vers onze heures ; ce qui provoqua le mot connu de Voiture : « Je n’ai jamais entendu prêcher ni si tôt ni si tard. » C’était un sermon improvisé. […] il répliqua : « Que je n’aie point de complaisance pour le monde. » 54.
Écœuré du contact de ses semblables, il décide de se blottir loin du monde, de se calfeutrer dans une retraite pour y vivre une existence factice. […] Ni, de même, à André Couvreur — de ne s’être adonné aux liqueurs spiritueuses pour mieux se préparer à décrire dans sa Source fatale les méfaits supra-connus du fléau — mais il reste heureusement aux littérateurs un champ immense, vieux comme le monde, à exploiter ; un champ aux récoltes aussi toxiques que les plus vénéneuses plantations. […] Inutile de citer, bénévoles ou passifs, tous les adeptes de l’intoxication-amour dans le monde des lettres.
Quelques courtisanes sans pudeur, des esclaves que leur sort avilissait, et des femmes inconnues au veste du monde, renfermées dans leurs maisons, étrangères aux intérêts de leurs époux, élevées de manière à ne comprendre aucune idée, aucun sentiment, voilà tout ce que les Grecs connaissaient des liens de l’amour. […] La Grèce, et dans la Grèce l’Attique, était un petit pays civilisé, au milieu du monde encore barbare. […] Ce qu’ils disaient entre eux retentissait dans le monde.
Taine, à l’analyse, n’aperçoit plus, dans l’univers moral et physique, que des sensations et des mouvements : chaque être est « une ligne d’événements dont rien ne dure que la forme » ; selon notre perception des choses, « un écoulement universel, une succession intarissable de météores qui ne flamboient que pour s’éteindre et se rallumer et s’éteindre encore sans trêve ni fin, tels sont les caractères du monde », et la nature est « comme une grande aurore boréale863 ». […] « L’homme, dit Spinoza, n’est pas dans la nature comme un empire dans un empire, mais comme une partie dans un tout, et les mouvements de l’automate spirituel qui est notre être sont aussi réglés que ceux du monde matériel où il est compris. » Voilà le principe, formulé dans la Préface de l’Essai sur Tite-Live. […] Nous touchons ici à un dernier caractère par où l’œuvre de Taine entre en étroite relation avec le mouvement de la pensée contemporaine : ce grand esprit, qui, par sa théorie des signes, n’estime avoir prise que sur un monde abstrait et irréel, équivalent intelligible des réalités insaisissables, ce grand esprit a voulu se faire un style sensible et coloré.
Une créature est « tout pour vous » ; elle vous fait indifférent au reste du monde, parce que vous attendez d’elle des sensations uniques. […] Michelet choisit un couple : une jeune fille de dix-huit ans et un jeune homme de vingt-huit ; il les suppose s’aimant d’un amour égal ; il les isole à peu près (quoi qu’il dise) du monde ambiant ; les suit année par année, jusqu’à la mort, et étudie, aux âges différents, l’action physique et morale de l’homme sur la femme, et inversement : « création de l’objet aimé (c’est-à-dire création de l’épouse par le mari) ; initiation et communion ; incarnation de l’amour (dans l’enfant) ; alanguissement de l’amour ; rajeunissement de l’amour. » Michelet propose un idéal, et qui se trouve être, sur la plupart des points, traditionaliste : il est remarquable que, ayant intitulé son livre l’Amour, Michelet n’y parle que de l’amour conjugal. […] Sous les mêmes gestes il distingue avec aisance la volupté du libertinage ; ce sont rites qu’il célèbre avec la conscience d’être en harmonie avec le vaste monde, de collaborer à une œuvre divine.
[La Revue des deux mondes (1892).] […] Après les grandes rêveries de Lamartine et de Musset devant la femme, après leurs généreuses confusions du monde et de la divinité au sein de l’amante, le poète de la Bonne Chanson nous a ramenés sur la terre, dans la tiède atmosphère des vivants, parmi des fleurs familières et mortelles. […] Quelle que soit donc la valeur de Banville et de Leconte de Lisle, ils apparaissent tributaires ; ils ne brillent point suffisamment d’un feu personnel ; ils sont soit les pairs, soit les vassaux magnifiques de celui qui fut l’énorme poète de notre siècle et qui tint aussi, comme Charlemagne, l’image d’un monde entre ses mains.
Descartes qui s’emprisonne trente années fondant la Terre & les Cieux ; Mallebranche loin de ce monde lorsqu’il médite ; Corneille dans l’enthousiasme jusqu’au lever de l’aurore ; la Fontaine assis un jour entier au pied d’un arbre, exposé à l’inclémence d’un Ciel pluvieux ; Archiméde qui n’apperçoit point la main qui va l’assassiner ; voilà le charme invincible & profond qui retient dans ses chaînes invisibles l’ame du Poëte, & du Philosophe ; qui la pénétre, la remplit sans la fatiguer, qui accroît sa force & lui découvre des régions nouvelles étincelantes de beautés neuves & sublimes. […] Alors dans les vastes pensées d’une sublime méditation, le livre antique lui tombe des mains, le soufle inspirateur se répand dans son ame, son cœur s’échauffe ; son imagination s’allume, un frémissement délicieux coule dans ses veines, l’enthousiasme le saisit ; sur des aîles de feu, son esprit s’élance, il franchit les limites du monde, il plane au haut des Cieux : là, il contemple, il embrasse la vertu dans sa perfection, il s’enflamme pour elle jusqu’au ravissement & à l’extase, je vois son front riant tourné vers le Ciel, des larmes de joie coulent de ses yeux, l’amour sacré du genre humain pénetre son cœur d’une vive tendresse, son sang bouillonne ; la rapidité de ses esprits entraîne celles de ses idées ; c’est alors qu’il peint avec sentiment, qu’il lance les foudres d’une mâle éloquence, qu’il crée ces chefs-d’œuvres l’admiration des siécles ; il donne l’ame, la vie, ou plutôt il embrâse tout ce qu’il touche. […] Je ne t’oublirai pas énergique la Bruyere, toi qui portas une vûe si pénétrante dans les replis du cœur humain ; en apprenant à me connoître, j’apprendrai à pardonner aux hommes ; mais quand la nuit étendra ses voiles sombres, que les mortels fatigués se livreront au repos, au milieu du silence des nuits, tu m’entraineras hors des limites du monde, audacieux Milton, un voile impénétrable couvroit ta paupiere, mais ton œil intellectuel apperçut cet esprit qui porté sur les eaux appella l’Univers de l’abîme du néant.
Hermite, c’est tout le contraire ; ses yeux semblent fuir le contact du monde ; ce n’est pas au dehors, c’est au dedans qu’il cherche la vision de la vérité. […] Votre Science est impeccable, mais elle ne peut le rester qu’en s’enfermant dans une tour d’ivoire et en s’interdisant tout rapport avec le monde extérieur. […] Mais il suffit que la chose soit douteuse pour que je sois en droit de reconnaître et d’affirmer une divergence essentielle entre les deux sortes d’intuition ; elles n’ont pas le même objet et semblent mettre en jeu deux facultés différentes de notre âme ; on dirait de deux projecteurs braqués sur deux mondes étrangers l’un à l’autre.
Elle était en effet une glorieuse ; il est sûr qu’elle l’était, parce qu’elle devait l’être, parce que c’était une des conséquences nécessaires de la position où elle s’était longtemps trouvée dans le monde. […] C’est à ce prix qu’était la considération pour elle, cette considération qui, dans le monde, devait lui tenir lieu de la fortune si nécessaire pour en concilier un peu aux gens sans mérite, cette considération qui sans doute ne met pas absolument au-dessus du besoin, mais du moins aide puissamment à en sortir, en fait toujours sortir sans déshonneur, parce qu’elle intéresse l’honneur même d’un grand nombre de nobles amis à préserver de tout avilissement l’objet de leur affection et de leur estime. […] En 1650, quand elle parut dans le monde, à son retour de la Martinique, âgée de quatorze ans, on la citait sous le nom de la belle Indienne.
Telle était la position de madame Scarron dans le monde. […] Se donner un directeur, était, pour les femmes du monde de la capitale, un usage, une mode ; pour madame Scarron, c’était quelque chose de plus, du moment qu’elle devait avoir des relations avec la cour, c’était une convenance de signaler son esprit de religion par le choix d’un directeur. […] De capitaine de cavalerie, il était devenu docteur de Sorbonne, et d’homme du monde, chrétien rigide.
Devenue veuve à l’âge de vingt-cinq ans, ayant de la beauté, du bien, une naissance honnête, un esprit fait pour le monde, elle voulut y vivre comme dans un cloître, & s’entêta de ce qu’on appelle spiritualité. […] Il ne fut plus question que de les publier & de leur donner du crédit dans le monde. […] Charmant dans un cercle de courtisans & de femmes, de sçavans & de beaux esprits, souhaité partout, & ne se livrant qu’à des amis intimes, aimant & rendant aimable la vertu, fait pour le peuple & le grand monde, la ville & la cour, il n’y parut que pour en être l’idole.
Je n’ai trouvé dans la foule des orateurs que déclamations ; dans la multitude des poètes, que pensées fausses ou communes, exprimées avec effort et avec appareil ; dans la nuée des romans, que fausses peintures du monde et des hommes. […] Mille plumes, et encore plus de clameurs, se sont élevées contre moi, et m’ont fait éprouver que la vérité est comme les en fans, qu’on ne la met point au monde sans douleur. […] Vous avez voulu faire une tragédie, et vous ignorez les passions ; une comédie, et vous ignorez le monde ; une histoire, et vous ne savez pas que lorsqu’on écrit l’histoire de son temps, il faut se résoudre à passer pour satirique ou pour flatteur, et par conséquent se préparer d’avance à la haine ou au mépris.
Nous ne parlons pas, bien entendu, des voyages scientifiques, de ces glorieuses courses à travers le globe, dont le résultat est de rapporter aux Instituts immobiles et sédentaires la trace des civilisations perdues ou les fossiles d’un monde écroulé. […] Et cela se conçoit, maintenant que la description est la reine du monde et que, par les chemins de fer, les pays se versent, par nappes d’hommes, les uns dans les autres. […] le voyage qui la lui a donnée ; mais c’est le voyageur, le voyageur qui n’avait pas besoin de courir le monde pour trouver en soi ce qui fait les livres vivants, c’est-à-dire de l’aperçu pour les éclairer et de l’expression pour les écrire.
C’est une richesse, mais c’est une richesse qui nuit à l’unité du roman, et qui éparpille et disperse l’intérêt que l’art aurait été de concentrer… La femme du monde experte qu’est madame de Molènes, cette observatrice qui a des observations de rechange toujours à son service, s’est trop souvenue des femmes qui ont passé devant elle, et elle en a mis trois autour de son orpheline, qui, sans être orphelines, ont plus de charme que celle qui l’est, et même, sur les trois, il en est une — Hélène — qui, selon moi, en a beaucoup plus ! […] Cette femme du monde, qui a glissé de son salon dans la Vie Parisienne par la pente douce d’un esprit élégant qui inclinait vers une littérature de son sexe et non pas du nôtre (heureusement pour elle !) […] VII Cela s’appelle Monsieur Adam et Madame Ève 56, et c’est la longue, l’éternelle, l’amusante et la triste comédie du mariage qui est le fond de la comédie humaine où tous les faiseurs de pièces puisent depuis qu’il y a des faiseurs de pièces dans le monde, et qui doit cependant rester inépuisable !
Les Italiens modernes, quoiqu’ils descendent presque tous de Gaulois, d’Africains, de Germains, de Goths, de Lombards, d’Allemands et de Français, bien plus que des anciens Romains, aiment toujours la langue qu’on parlait autrefois au Capitole : elle leur rappelle qu’ils ont été les maîtres du monde. […] On loue également un bourgeois et un prince, les cardinaux et les femmes, des saints, des moines, des poètes, des religieuses, ceux qui ont quelque pouvoir dans ce monde, ou ceux qui n’en ont que dans l’autre. […] Ainsi, les arts font le tour du monde.
Mais il falloit des hommes retirés du monde, consacrés à la retraite par choix, à l’étude par goût, au travail par devoir, animés du même esprit & du même zèle, vivant en commun sous un même régime, qui voulussent employer les loisirs de leur solitude à la fastidieuse occupation de transcrire sans cesse. […] Le concours de la noblesse de tous les pays du monde, & de la plus belle jeunesse, composoit la plus nombreuse & la plus brillante assemblée. […] Occupés également de l’étude des Ecrivains Sacrés & Profanes, ils édifioient à la fois le monde & l’éclairoient. […] Ceux que nous appelons Anciens par rapport à nous, ont été précédés par des Peuples qui les ont instruits ; & en remontant jusqu’à l’enfance du Monde, les premiers Hommes avoient pour maître les merveilles de la nature. […] La tragédie chez tous les Peuples du monde, où elle est connue & cultivée, a toujours eu pour fondement la Terreur & la Pitié, & jamais l’Horreur.
« Pendant qu’il court le monde, la comtesse d’Albany passe l’été et l’automne à Genzano, dans une retraite enchantée d’où elle aperçoit devant elle les sommets du mont Albano et à ses pieds le lac de Némi, Le beau lac de Némi qu’aucun souffle ne ride. […] Mais des circonstances qui lui étaient personnelles ayant alors empêché mon amie de me rejoindre à notre maison de campagne, et me voyant condamné à soupirer encore après son retour, seule consolation que j’eusse au monde, je tombai dans un trouble d’esprit, qui pendant plus de trois mois obscurcit mon entendement. […] Elle était vêtue fort élégamment, et ne parut pas embarrassée le moins du monde. […] Elle quitta ce monde le 23 avril 1792, à l’âge de soixante-dix ans accomplis. […] Je n’y savais qu’un moyen : si on ne me provoquait pas, je ferais le mort ; si l’on me touchait le moins du monde, je saurais donner signe de vie et me montrer en homme libre.
Effacer de l’âme humaine l’honneur et la vertu, comme dans le chevalier Des Grieux, ce n’est pas élever le monde et l’amour, c’est les abaisser et les rétrécir ; Manon Lescaut, malgré l’engouement de ses jeunes enthousiastes, vrais ou faux, ne me paraissait qu’un Manuel de courtisane, et son amant qu’un monomane de débauche qu’on ne peut plaindre qu’en consentant à le mépriser. […] J’ai été très lié avec lui, sans pitié pour son radicalisme, qui n’est pas de ce monde, et qui n’est bon qu’en songe sur cette terre des réalités. […] Sa sérénité enfantine regardait le monde de si haut qu’il ne lui paraissait plus qu’un badinage, une bulle de savon, causée par la fantaisie d’un enfant. […] « Ces philosophes, tout en méprisant les hochets de ce monde, se les disputaient sans pouvoir les obtenir, insuccès final qui les raccommodait et leur faisait maudire en commun la détestable engeance humaine ! […] Peu importe, pourvu que le monde puisse se gouverner.
Ce progrès porte un nom, resté vrai, quoiqu’il ait le tort de ne pas signifier la même chose pour tout le monde. […] Buffon vit retiré à Montbard, loin du monde, mais point inaccessible, laissant volontiers pénétrer jusqu’à lui la gloire en la personne de visiteurs curieux, qui venaient, comme il dit de J. […] Elles nous apprennent à être les spectateurs intelligents et reconnaissants du monde visible. […] Réformer le monde n’est pas un des soucis de notre auteur. […] Les pédants ne seraient pas les seuls surpris d’y voir le grec relégué parmi les études de pure curiosité, et le latin réduit à n’être « qu’utile. » Le monde moderne, grâce à Dieu, n’est pas près de penser comme Fleury.
Les auteurs regardaient désormais le monde au microscope, au risque de prendre pour un caractère un ridicule plusieurs fois grossi. […] Turcaret est un caractère ; il est toujours de ce monde. […] Aujourd’hui, dans le monde, on ne connaît qu’un crime, C’est l’ennui : pour le fuir, tous les moyens sont bons. […] Ce neveu qui fait payer ses dettes par son oncle en se donnant pour mort, ces usuriers qui ont plus peur d’un revenant que de n’être pas payés, sont du monde de Regnard, quand il cherchait encore des sujets de farce pour le Théâtre-Italien. […] Sermon sur les divertissements du monde.
Telle légende, tel roman, tel drame (je parle d’œuvres dont les auteurs ne songeaient pas du tout à cet honneur et le redoutaient peut-être) ont été des sources fraîches d’où ont coulé sur le monde des flots d’harmonie. […] Admirateur du monde visible, il se plut à en retracer le spectacle. […] La mode, comme toute chose au monde, obéit à des lois ; et elle est, à n’en pas douter, pour qui sait l’interpréter, une grande révélatrice de l’esprit d’un peuple à un moment donné. […] David et ses élèves ne se contentent pas d’être les conseillers ordinaires des femmes du monde qui veulent être drapées en statues ; ils ont adopté pour eux-mêmes une espèce de tunique dont la coupe se retrouverait sur les bas-reliefs de la colonne Trajane. […] Zola, il y eut des bals du grand monde où les invités trouvèrent charmant de se présenter en blouse et en casquette.
Schallwelt (le monde des sons) : acoustique. […] Du côté droit, nous allons pénétrer dans le drame lui-même, formé des horreurs et des angoisses de ce monde obscur et fascinateur, souffrant et terrible qui attend son salut de Parsifal. […] Pour entrer plus avant dans ce monde musical et signifiant, on trouvera une liste plus abordable des motifs ainsi que leur signification dans Le Voyage à Bayreuth d’Albert Lavignac (1897) et le Dictionnaire encyclopédique Richard Wagner d’Actes-Sud (2010). […] C’est encore une phrase clef qui annonce que seul un innocent peut accéder à la connaissance, non pas par une accumulation du savoir mais bien plutôt par sa capacité à ressentir la souffrance du monde. […] La courtisane du jardin de Klingsor devient la servante dans le monde de Montsalvat.
Le Français est le dégustateur intellectuel de toutes les productions de la pensée dans le monde. […] Il y a du vent dans son âme, mais ce vent enfle les voiles du monde vers tout ce qui brille d’élevé ou de beau à l’horizon des idées. […] Dans aucun autre pays du monde un tel homme n’aurait laissé une trace de son nom. […] Écoutez comme il continue dans le même style : Qu’heureux est le mortel qui, du monde ignoré, Vit content de soi-même à l’ombre retiré ! […] Il voulut refaire ce qui ne se refait jamais, un vieux monde avec un nouveau.
Roger était pourtant moine, et moine franciscain, mais il croyait cependant que le monde avait été donné à l’homme comme champ d’expériences et d’investigation. […] Le voilà devenu un héros, et assez justement, pour tout un monde équivoque. […] À ce propos, je voudrais bien savoir si la République se mêle toujours, comme l’empereur, de régir le monde invisible et d’y faire des nominations. […] Mais confiez donc cette idée aux constructeurs : Ils riront, toute le monde rira et tout le monde continuera à se casser la figure. […] Peu de monde et pas très gai.
Le livre de La Boétie n’est autre chose qu’un des mille forfaits classiques qui se commettent au sortir de Tite-Live et de Plutarque, et avant qu’on ait connu le monde moderne ou même approfondi la société antique. […] Il est à croire, puisqu’ils voulaient perdre notre Europe et la remettre en friche par les dissensions et par les guerres, que les dieux, dans leur indulgence, préparaient un asile aux peuples fugitifs, et que c’est à cette fin qu’aux approches de ce siècle, du sein des vastes mers, ils ont fait jaillir un monde : — un monde vierge, humide encore, qui d’abord ne pouvait, dit-on, supporter qu’à peine les traces légères de quelques races errantes, et où maintenant le sol facile appelle la charrue, où les champs illimités n’attendent qu’un maître. […] Meister, je ne craindrai point d’avouer encore qu’il n’est point d’amitié dans le monde sur la constance de laquelle je compterais plus volontiers que celle d’une femme intéressante par son esprit et par son caractère, surtout si ce dernier sentiment se trouve enté sur un autre qu’il remplace, qu’il supplée, dont il a reçu la première sève, dont il conserve encore plus ou moins le charme et les illusions.
Andrieux, ce goût qui, avec la meilleure volonté du monde, reste le plus opposé aux habitudes, aux lenteurs et à la bonne foi germaniques, et comme il savait spirituellement le définir, quand il disait : « Les Français sont dans une situation singulière avec la littérature allemande ; ils sont tout à fait dans la position de l’adroit renard qui ne peut rien tirer du vase à la longue encolure : avec la meilleure volonté, ils ne savent que faire de nos livres ; ce que nous avons travaillé avec art n’est pour eux qu’une matière brute qu’ils doivent remanier. […] Un grand écrivain, observe à ce propos Eckermann, peut nous servir de deux manières : en nous révélant les mystères de nos propres âmes, ou en nous rendant sensibles les merveilles du monde extérieur. […] N’oublions pas sa belle-fille, Mme de Gœthe, Ottilie : elle lui sert volontiers de lectrice ; elle a fondé un Journal polyglotte à Weimar, le Chaos, où toute la société weimarienne écrit ; les jeunes gens anglais ou français qui y séjournent, surtout les dames, tout ce monde collabore et babille dans cette Babel, chacun dans sa langue. […] Le monde est si grand et si riche, la vie si variée, que jamais les sujets pour des poésies ne manqueront.
Il en parlait admirablement et de manière à la faire revivre tout entière sous les yeux avec tout son monde de théologiens, de professeurs, d’érudits et de poètes. […] Un des dignes amis, témoins de ses derniers instants, écrivait à un autre ami peu de jours après sa mort : « Je ne sais si vous avez connaissance d’un fait bien remarquable qui a empreint d’un sceau de douleur l’un des derniers jours que Manuel a passés en ce monde. […] D’où je conclus que, puisqu’il en est ainsi, et que la littérature critique (car il s’agit d’elle surtout) se trouve en présence d’un monde nouveau et d’un public qui n’est plus dans les conditions d’autrefois, qui n’est plus un cercle d’amateurs studieux, vibrant aux impressions les plus fines et les plus fugitives ; puisqu’elle-même serait bien embarrassée à ressaisir cette légèreté et cette grâce fondues dans la magie unique du talent, il y a nécessité pour elle de se renouveler d’ailleurs, de se fortifier par d’autres côtés plus sûrs, de ceindre courageusement ses reins comme pour une suite de marches fermes et laborieuses. […] Il écrivait dès ce temps-là dans la Revue indépendante, dans la Revue des Deux Mondes, le National, la Liberté de penser… Vers, prose, littérature, philosophie, il s’essayait en tous sens, et plus d’un de ses collègues de la vieille roche s’effrayait des nouveautés d’aperçus ou de sujets qu’il introduisait dans l’enseignement normal.
C’est un brave homme, mais un franc ignorant, attaché à la vieille routine, qu’il sait au bout du doigt, et dont il ne sortirait pas pour tous les biens du monde. […] Ainsi, écrivant à sa sœur naturelle, la princesse de Holstein, qu’il fit dans un temps venir en France et qu’il pilota au début, il disait, non sans finesse, mais en exagérant un peu, je l’espère : « Comme il est d’usage en France que les femmes marchent comme les capucins, deux à deux, je ferai venir de Paris sur votre route une femme qui s’appelle Mme de Narbonne, qui est de fort bonne compagnie, et qui, ayant vécu toujours dans le grand monde français, en connaît parfaitement les usages ; elle a le bon ton, a été très riche, a de l’esprit, avec tout cela fort peu de cervelle ; mais c’est la chose du monde la plus rare dans ce pays-ci, et dont on fait le moins de cas. » Voilà pour le compte des femmes. […] L’on veut de la franchise, de la gaîté, un air naturel et ouvert ; sans cela, personne ne vous parle, et tout le monde est sur ses gardes. » Et encore, dans une lettre au comte de Bruhl (16 septembre 1741) : « Je dois avertir Votre Excellence que M. de Loss n’est pas l’homme propre à traiter avec le Cardinal et les Français ; il a de cette finesse allemande que l’on voit du premier coup d’œil et qui n’inspire que de la méfiance, ce qui nuit plus que chose du monde aux affaires.
Tout d’abord Du Bellay a sur l’origine des langues une idée fausse, abstraite, rationnelle : « Les langues, dit-il, ne sont nées d’elles-mêmes en façon d’herbes, racines et arbres, les unes infirmes et débiles en leurs espèces, les autres saines et robustes, et plus aptes à porter le faix des conceptions humaines ; mais toute leur vertu est née au monde du vouloir et arbitre des mortels. » On voit l’erreur ; c’est déjà la doctrine du rationalisme appliquée aux langues. […] Il cite encore l’invention de l’artillerie ; il aurait dû ajouter la découverte du Nouveau Monde et Christophe Colomb : il n’était pas tenu de connaître déjà Copernic. […] L’histoire qu’il essaye, à cette occasion, de tracer de notre ancienne poésie française est courte et défectueuse, comme le sera celle que plus tard donnera Boileau : le Roman de la Rose est son bout du monde. […] Du Bellay nous offre là en quelque sorte l’idée d’un Racine anticipé, l’idée véritablement d’un Virgile français né et nourri exprès pour rivaliser de son mieux avec cet admirable prince des poètes ; et il arrive au juste conseil, au conseil fécond et opportun, s’il avait pu se suivre et s’appliquer avec feu, avec tact et maturité : « Choisis-moi (dans notre histoire) quelqu’un de ces beaux vieux romans françois comme un Lancelot, un Tristan ou autres, et fais-en renaître au monde une admirable Iliade ou une laborieuse Énéide. » On voit (et je reviens ici au reproche de M.
L’autre jour, il est arrivé à une personne de notre connaissance, à l’ancien gérant de cette Revue, d’être accusé d’un mot inouï : il se serait plaint, en plaisantant, d’avoir affaire à deux sortes de gens les plus indisciplinables du monde, les comédiens et les gens de lettres. […] Pour conclure : deux littératures coexistent dans une proportion bien inégale et coexisteront de plus en plus, mêlées entre elles comme le bien et le mal en ce monde, confondues jusqu’au jour du jugement : tâchons d’avancer et de mûrir ce jugement en dégageant la bonne et en limitant l’autre avec fermeté. […] On n’a pas hésité à glisser dans l’intervalle de ces portraits quelques articles de pure critique et même de polémique, tels que celui-ci, qui furent écrits dans la Revue des Deux Mondes, pour répondre à des besoins ou parer à des dangers du moment. […] Buloz, qui cumulait les soins de directeur de la Revue des Deux Mondes et les fonctions de commissaire royal près le Théâtre-Français, ayant été reçu en audience par Louis-Philippe, et celui-ci, selon son habitude peu royale, s’étant mis à se plaindre et à gémir sur les difficultés qu’il rencontrait à gouverner, M.
Xavier de Maistre l’a lui-même remarqué à propos de sa jeune Sibérienne : « L’étude approfondie du monde, dit-il, ramène toujours ceux qui l’ont faite avec fruit à paraître simples et sans prétentions, en sorte que l’on travaille quelquefois longtemps pour arriver au point par où l’on devrait commencer. » Ainsi Hamilton est aisé et simple de goût, comme l’est Voltaire. […] laissez, laissez le lecteur conclure sur la simple histoire ; il tirera la moralité lui-même plus sûrement, si on ne la lui affiche pas ; laissez-le se dire tout seul à demi-voix que ce Lépreux, dans sa résignation si chèrement achetée, est plus réellement heureux peut-être que bien des heureux du monde : mais que tout ceci ressorte par une persuasion insensible ; faites, avec le conteur fidèle, que cet humble infortuné nous émeuve et nous élève par son exemple, sans trop se rendre compte à lui-même ni par-devant nous. […] Ma vie est sans variété, mes jours sont sans nuances ; et cette monotonie fait paraître le temps court, de même que la nudité d’un terrain le fait paraître moins étendu. » Le simple et doux Lépreux fit son chemin dans le monde sans tant de façons et sans qu’on lui demandât, rien davantage ; il prit place bientôt dans tous les cœurs, et procura à chacun de ceux qui le lurent une de ces pures émotions voisines de la prière, une de ces rares demi-heures qui bénissent une journée. […] Il admire, comme on le peut penser, les ouvrages de son illustre frère, et, en toute tolérance, sans ombre de dogmatisme, il semble les adopter naturellement comme l’ordre d’idées le plus simple du monde ; il trouve que le plus beau livre du comte Joseph est celui de l’Église gallicane.
Élevé à Juilly, au collège de l’Oratoire, puis venu à Paris pour ses études de droit et répandu alors dans des sociétés diverses, particulièrement dans le monde parlementaire, M. de Barante père garda toujours ses premières impressions contre le coup d’État Maupeou. […] Il voyait le monde dans l’intervalle de ses études, et côtoyait parfois quelques petits tourbillons renaissants de coteries littéraires, sans s’y trouver attiré. […] De bonne heure il avait pu voir la vie sous ses différents aspects ; il savait déjà le monde, et dans les lettres, dès qu’il y appliquerait son regard, il devait chercher de l’étendue et un libre horizon. […] Joinville est simple, naïf, candide ; sa parole lui échappe, colorée de fraîcheur, et sent encore son enfance ; il s’étonne de tout avec une bonne foi parfaite ; les choses du monde sont nées pour lui seulement du jour où il les voit.
En 1500 paraissent à Paris les Adages d’Érasme ; c’est toute la lumière de l’antiquité qui se répand à flots sur le monde : dans ce petit livre est ramassée la quintessence de la sagesse ancienne, la fleur de la raison d’Athènes et de Rome, tout ce que la pensée humaine suivant sa droite et naturelle voie peut trouver de meilleur et de plus substantiel, avec cette forme exquise et simple qui s’était perdue depuis tant de siècles. […] Sa science ne l’éloigne ni du monde ni des affaires. […] Mellin de Saint-Gelais172, qui fut après lui le plus en vue des poètes de cour, était son aîné : mais homme du monde, plus qu’écrivain, il ne recherchait pas la gloire littéraire ; il ne s’exposait pas volontiers au public. […] Mais à travers cette folie d’invention on rencontre sans cesse une ferme réalité : des amours « exécutés » tels qu’ils le peuvent être dans le train le plus commun du monde, et plus rapidement même, de positives conclusions qui suivent, et parfois précèdent les vaporeuses adorations, une franchise d’accent, presque une brusquerie délibérée d’humeur chez ces chimériques héros, qui leur donne un peu de consistance et l’air de la vie.
Et notez que le jésuite pousse des cris de montagne en travail pour accoucher de ce moucheron de la petite presse, et qu’il refait les tirades du Rodin d’Eugène Sue, lorsque, mordant de sa dent jaune dans son radis noir, il piétinait la carte du monde aplatie sous ses gros souliers. […] Il allonge ses bras jusqu’au bout du monde ; il lui prête la puissance et l’ubiquité d’un Vieux de la Montagne monastique. […] Déjà, dans les Effrontés, il nous montrait un entrefilet de la Conscience publique chassant du monde une grande dame calomniée. […] Voilà donc ce coquin marqué, cet escroc véreux, ce déclassé de la pire espèce, ce baron de Wormspire en gants jaunes, reçu avec transport, au moment où il est expulsé du monde, dans le giron de la Compagnie !
La petite Bettina n’aurait pas pris ce mot pour une injure : « Ce que d’autres appellent extravagance est compréhensible pour moi, disait-elle, et fait partie d’un savoir intérieur que je ne puis exprimer. » Elle avait en elle le démon, le lutin, la fée, ce qu’il y a au monde de plus opposé à l’esprit bourgeois et formaliste, avec qui elle était en guerre déclarée. Restée Italienne par son imagination, qui était colorée, pittoresque et lumineuse, elle y combinait la rêverie et l’exaltation allemande, qu’elle semblait pousser par moments jusqu’à l’hallucination et l’illuminisme : « Il y a en moi, disait-elle, un démon qui s’oppose à tout ce qui veut faire de la réalité. » La poésie était son monde naturel. […] La mère de Goethe habitait Francfort ; Bettina se lia avec elle, et se mit à aimer, à étudier et à deviner le fils dans la personne de cette mère si remarquable, et si digne de celui qu’elle avait mis au monde. […] Quand il voyait quelqu’un malade, triste et préoccupé, il rappelait de quelle manière il avait écrit Werther pour se défaire d’une importune idée de suicide : « Faites comme moi, ajoutait-il, mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Sa mère savait également la recette ; elle écrivait un jour à Bettina, qui avait perdu par un suicide une jeune amie, la chanoinesse Gunderode, et qui en était devenue toute mélancolique : Mon fils a dit : Il faut user par le travail ce qui nous oppresse.
Ses amis d’alors, à cette époque si regrettable de sa jeunesse, au moment où il entrait si brillamment dans le monde (1770), nous l’ont peint sous cette première forme intéressante et expansive, se multipliant à plaisir, se distribuant volontiers à tous : M. de Condorcet est chez madame sa mère, écrivait Mlle de Lespinasse à M. de Guibert ; il travaille dix heures par jour. […] Il croyait tenir la clef du bonheur des hommes et des races futures ; il distribuait et prêtait volontiers cette clef à tous ; mais quand on a une telle confiance dans la justesse d’une seule de ses propres vues, qui embrasse l’avenir du monde, on peut être ensuite facile et sans trop de prétentions sur le reste : la vanité, sous un air de bienveillance, a en nous un assez bel et assez haut endroit où se loger. […] Turgot croit à une intelligence suprême et ordonnatrice du monde ; il croit à une continuation d’existence au-delà de cette vie ; il croit à une morale plus ferme et plus fondée en principe que ne le fait Condorcet. […] Jamais il ne s’est vu de délire plus éclairé en apparence et mieux enchaîné, de délire plus raisonneur : « Mais ces gens-là ont beau faire, disait quelqu’un assez gaiement, ils oublient toujours que les sept péchés capitaux subsistent, et que c’est eux, sous un nom ou sous un autre, qui mènent ou agitent le monde. » On était à la veille du 20 juin (1792) et de cette insurrection hideuse à laquelle les Girondins poussaient ou prêtaient les mains, afin de se ressaisir du pouvoir.
Au sortir du collège, sa mère n’était plus ; il pouvait se croire orphelin dans le monde et délaissé ; mais non, c’eût été une injustice, lui-même nous le dit : Car de l’école à peine eus-je franchi les grilles, Que je tombai joyeux aux bras de deux familles. […] Dès son premier pas dans le monde, et hors de son premier cercle, il trouva également de l’appui. […] Dans cette agonie universelle, il n’y eut qu’un seul oiseau, le plus petit, le plus humble de tous, le roitelet, qui ne se découragea point, et qui voltigea tant et si bien, qu’il alla jusqu’au haut des cieux ressaisir l’étincelle pour la rapporter au monde. […] Lui-même, dans une pièce À mon âme, l’exhortant à s’envoler vers les cieux, et à laisser ce corps qu’il a trop souillé, il lui dit : Fuis, âme blanche, un corps malade et nu ; Fuis en chantant vers le monde inconnu !
Je n’ai fait qu’effleurer le La Harpe converti ; mais, avant de le développer sous cet aspect, je demande à rappeler devant des générations qui les ont oubliées, ou qui même peut-être ne les ont jamais sues, quelques-unes des anecdotes qui couraient le monde littéraire il y a cinquante ans, et qui ne sont pas toutes sans agrément. […] Dépendant du monde, des salons et même des libraires, il lui aurait fallu un grand art, un esprit d’adresse et de conciliation pour s’élever insensiblement au degré d’autorité où il aspirait, et il n’avait pour lui qu’une grande âpreté et rigueur de caractère : Impiger, iracundus, inexorabilis, acer, a-t-on dit de lui comme d’Achille. […] Quand La Harpe était à Paris, il ne résistait pas au monde qui le reprenait, et, en homme qui se gouvernait peu lui-même, il se laissait aller à ses goûts, à son faible pour la table, sauf ensuite à se repentir de ses rechutes. […] Au dessert, les vins de Malvoisie et de Constance ajoutaient à la gaieté de bonne compagnie cette sorte de liberté qui n’en gardait pas toujours le ton : on en était alors venu dans le monde au point où tout est permis pour faire rire.
La question, dans ces derniers temps, s’est ranimée avec une singulière vivacité, mais je ne suis point tenté d’y entrer le moins du monde. […] C’est l’homme du précepte orné et sensé, qui ouvre à l’école une fenêtre du côté du monde : Et, quoique en robe, on l’écoutait, a dit de lui Voltaire. […] Les générations d’aujourd’hui sont positives, sans rêverie, sans tristesse ; radicalement guéries du mal de René, elles ont en elles l’empressement d’arriver, de saisir le monde, de s’y faire une place, et d’y vivre de la vie qui leur semble due à chacun à son tour : générations scientifiques ou industrielles, peu idéales, avides d’application, estimables pourtant en ce que la plupart font entrer le travail dans leurs moyens et ne reculent point devant les études spéciales qui mènent au but. […] Il faut, en un mot, des vues et un langage que je ne me charge pas de trouver, que quelques-uns sont en voie de découvrir peut-être, mais qui auraient pour effet ce qu’il y a de plus difficile au monde : créer de nouveau un besoin élevé, réveiller un désir !
Je prends donc celui que j’appelle le premier Cosnac, et j’en veux donner une idée à nos lecteurs d’aujourd’hui, qui ont un peu oublié ce que c’était alors, pour un jeune abbé de qualité, que faire son chemin à la Cour et dans le monde. […] Ce qui frappe et attriste en le lisant, c’est de voir combien tout ce monde, que de loin on se figure si élégant et si spirituel, et qui l’était, a des vues basses et toutes domestiques. […] Alors, piqué sans doute de ce que je lui résistais devant tout le monde, il ajouta : « Je ne m’étonne pas, monsieur, si cela est nouveau pour vous, ce n’est pas un point de théologie. » — « Monsieur, lui répondis-je fièrement, je crois être de qualité à savoir non seulement la théologie, mais de quelle manière on vit dans le plus grand monde, et j’espère que Sa Majesté sera satisfaite lorsqu’elle saura que je n’ai rien fait qui ne soit conforme à ses déclarations, à ses règlements et à ses arrêts ; mais, comme ce sont des arrêts et des règlements faits dans un temps où vous n’aviez pas encore les emplois que vous avez aujourd’hui, je ne m’étonne pas si vous me blâmez. » — Cela dit, je me retirai. […] » — « Sire, lui répondis-je, je ne suis venu que pour pouvoir me vanter d’avoir vu le plus grand roi du monde s’exposer comme un soldat. » Louis XIV, pourtant, ne savait pas bon gré à Cosnac de ses conseils qui tendaient à faire de son frère quelque chose et quelqu’un.
Chaque fois qu’il levait les yeux, un monde nouveau entrait en lui et n’en sortait plus qu’au jour des incantations imaginaires. […] Seuls, les Shakespeare, plus faciles à compter, résistent à la prostitution du génie, parce que, redevenus pareils à la nature qu’ils représentent, ils offrent aux hommes moins une source d’imitation qu’une source d’art, un monde nouveau et second où l’on peut puiser sans honte et sans peur, éternellement. […] Peut-être y a-t-il aussi des images inusables, des clichés en diamant, des phrases toutes faites depuis sans doute le commencement du monde et encore belles et jeunes. […] Voici encore « le progrès des lumières — les progrès de notre décomposition sociale — le progrès incessant vers l’avenir » ; dans ce monde-là il n’est question que de « mettre le fer rouge sur nos plaies — sur le chancre qui nous dévore — sur la gangrène du parlementarisme » ; en 1840, on conseillait « d’extirper la gangrène jésuitique qui ronge la société ».
Il n’est que logique de supposer dans le monde moral des phénomènes analogues de vibration sympathique ou, pour parler le langage psychologique, de détermination réciproque, de suggestion et comme d’obligation mutuelle. […] Le raisonnement peut être abstrait des choses sans être le moins du monde abstrait de notre, personnalité, abstrait de nous-mêmes ; on peut se mettre tout entier dans un théorème, et par là, ajoutons-le, on y fait bien entrer quelque chose du monde concret, et même tout le monde que nous portons en nous. […] Notre sensibilité s’élargit de toute l’étendue du monde créé par la poésie.