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1381. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

L’officier a dans la main un outil solide. […] Le lieutenant était là, tenant en main la décision du ministre. […] Toutes les mains en un instant se sont levées, et ce n’était qu’un seul cri : « Moi, moi !  […] Cette nuit, je veillerai sur vous, l’arme à la main ; vous savez qui veille sur moi ».

1382. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Sans doute on y assistait d’abord les armes à la main. […] Voilà pourquoi Homère arme la main de Neptune du trident qui fait trembler la terre . […] Ce Brutus, qui immole à la liberté ses deux fils, espoir de sa famille ; ce Scévola qui effraie Porsenna et détermine sa retraite en brûlant la main qui n’a pu l’assassiner ; ce Manlius qui punit de mort la faute glorieuse d’un fils vainqueur ; ces Décius qui se dévouent pour sauver leurs armées ; ces Fabricius, ces Curius, qui repoussent l’or des Samnites, et les offres magnifiques du roi d’Épire ; ce Régulus enfin, qui, par respect pour la sainteté du serment, va chercher à Carthage la mort la plus cruelle ; que firent-ils pour l’avantage des infortunés plébéiens ? […] De même que les Grecs, du mot χείρ, la main, qui par extension signifie aussi puissance chez toutes les nations, tirèrent celui de χύρια, dans un sens analogue à celui du latin curia.

1383. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Töpffer était né peintre, paysagiste, et son père l’était ; mais, forcé par les circonstances, et surtout par le mauvais état de sa vue, de se détourner de l’expression directe que réclamait son talent et où le conviait l’exemple paternel, il n’y revint que moyennant détour, à travers la littérature et plume en main : cette plume lui servit à deux fins, à écrire des pages vives et à tracer, dans les intervalles, des dessins pleins d’expression et de physionomie. […] Plus bas, en effet, la reproduction, le changement, le renouvellement nous entourent ; le sol actif et fécond se recouvre éternellement de parure ou de fruits, et Dieu semble approcher de nous sa main pour que nous y puisions le vivre de l’été et les provisions de l’hiver ; mais ici où cette main semble s’être retirée, c’est au plus profond du cœur que l’on ressent de neuves impressions d’abandon et de terreur, que l’on entrevoit comme à nu l’incomparable faiblesse de l’homme, sa prochaine et éternelle destruction si, pour un instant seulement, la divine bonté cessait de l’entourer de soins tendres et de secours infinis.

1384. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le jeune Villars, qui se tenait le plus près possible, ne put s’empêcher de s’écrier, de manière à être entendu de lui : « Voilà la chose du monde que j’avais le plus désiré de voir, le grand Condé l’épée à la main !  […] Voir le grand Condé un jour de bataille l’épée à la main, qui de nous (chacun dans son art) n’a point formé tout haut ou tout bas un pareil vœu ? […] Quiconque a dit : Et moi aussi je suis peintre, que ne donnerait-il pas pour qu’il lui fût permis de contempler un instant ou Michel-Ange ou Raphaël le pinceau à la main, et tout entier suspendu à sa toile ou à sa paroi sublime ?

1385. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

ii, p. 119), une lettre ou dissertation sur un vers de Catulle dans la pièce de La Chevelure de Bérénice, laquelle chevelure, coupée des mains de la belle reine en manière d’ex-voto pour son époux, était censée avoir été enlevée au ciel pour y devenir une constellation. […] je m’aperçois que je demande en ce moment à Guillaume Favre de faire ce qu’eût fait en sa place, sur un tel sujet, Ernest Renan, c’est-à-dire un savant doublé d’un artiste-écrivain. — Mais il aurait fallu pour cela dominer ses matériaux, les soumettre : Favre se borne à rassembler de merveilleux documents ; la maîtresse main s’y fait désirer. […] [1re éd.] il lisait tout, plume en main

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Pour écrire des lettres excellentes et durables en tant que pièces littéraires, je ne sais que deux manières et deux moyens : avoir un génie vif, éveillé, prompt, à bride abattue, et de tous les instants, comme Mme de Sévigné, comme Voltaire ; ou se donner du temps et prendre du soin, écrire à main reposée, comme Pline, Bussy, Rousseau, Paul-Louis Courier : — en deux mots, improviser ou composer. […] Lorsqu’on lui érigea de son vivant cette statue à laquelle il consentit sans l’avoir désirée, et qu’il aurait souhaité qu’on ne fît placer qu’après sa mort : « J’ai toujours pensé, écrivait-il à son vieil ami le président de Ruffey, qu’un homme sage doit plus craindre l’envie que faire cas de la gloire, et tout cela s’est fait sans qu’on m’ait consulté. » Cette statue, notez-le bien, lui fut érigée en manière de consolation et de dédommagement honorifique par ceux qui lui avaient fait un tort réel en obtenant sous main la survivance de sa charge d’intendant du Jardin du roi. […] Ce serait, jusque dans l’œuvre et la maison de Buffon, faire infraction et injure à ce fameux axiome ; « Le style, c’est l’homme même. » Car ces oiseaux sont d’une autre plume que la sienne : Le Paon est de Gueneau, Le Rossignol aussi ; Le Cygne, ce Cygne tant vanté, pourrait bien être du pur Bexon ; ce petit abbé l’a beaucoup peigné, en effet, avant qu’il passât sous la main du maître qui lui donna seulement son dernier lustre.

1387. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] Un nouvel univers s’offrit, pour ainsi dire, à sa contemplation : il aperçut la chaîne invisible qui lie entre eux tous les êtres ; il vit une main puissante étendue sur tout ce qui existe ; le sanctuaire de la nature fut ouvert à son entendement, comme il l’est aux intelligences célestes, et toutes les plus sublimes idées que nous attachons à ce mot Dieu se présentèrent à son esprit. […] Après sa fuite de Motiers, après sa tentative manquée d’établissement en Angleterre, revenu en France, réfugié pendant quelque temps à Trie sous la protection du prince de Conti, il s’alarme, il se figure que la main du maître est insuffisante à le soutenir contre le mauvais vouloir des subalternes ; déjà il lit dans la contenance des habitants que la conjuration tramée contre lui opère : ce ne sont qu’allées et venues souterraines ; que va-t-il sortir des conseils caverneux de ces taupes ?

1388. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Avant cette époque, je ne lisais que des romans ; mais par hasard vos ouvrages me tombèrent dans les mains ; depuis je n’ai cessé de les lire, et n’ai voulu d’aucuns livres qui ne fussent aussi bien écrits et où il n’y eût autant à profiter. […] La première année de son mariage, elle n’avait lu que des romans, en effet, et de ceux qu’on ne lisait plus à cette date en France que dans les provinces, Tirant-le-Blanc en tête : Mme de Sévigné commença à l’en guérir ; Catherine dévora ses Lettres ; puis les œuvres de Voltaire lui tombèrent entre les mains, et dès lors elle mit plus de choix dans ses lectures, trop avide toutefois pour ne pas se jeter aux heures d’ennui sur tout ce qui était à sa portée, Brantôme et Péréfixe indifféremment, l’Histoire d’Allemagne du Père Barre et Platon, le Dictionnaire de Bayle quelle mit deux ans à lire (« Tous les six mois, dit-elle, je coulais à fond un tome »), que sais-je encore ? […] Je me baissai pour lui baiser la main à l’occasion d’un compliment aussi inattendu.

1389. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Les trois premiers furent pris dans l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ou dans la classe de l’Institut qui y répondait : Halévy fut le premier que l’Académie des Beaux-Arts eut l’idée de se choisir dans son propre sein, et elle eut la main heureuse. […] Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] Parés de leurs propres mains d’un laurier toujours vert, ils chantent le cantique de leur gloire et s’en enivrent à petit bruit.

1390. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Oui, en débarquant de l’île d’Elbe et quand cela était une arme entre ses mains, il a pu les dénoncer, les accuser ; mais à Sainte-Hélène il était rentré dans la sphère d’équité et d’indulgence ; il disait au contraire qu’il avait rencontré peu de traîtres dans sa vie : il n’en comptait même qu’un seul qui justifiât ce nom, Fouché. […] Napoléon avait achevé, ou à peu près, de dicter à bâtons rompus ce qui concernait son histoire, celle de ses campagnes, lorsqu’en 1819, des livres qui traitaient des grands capitaines de tous les temps tombèrent sous sa main, et il s’en saisit avec avidité ; il eut, à l’instant, l’idée de devenir historien et critique des autres. […] La bêche en main dès l’aurore avec tout son monde, il travailla à élever un épaulement en terre gazonnée contre le vent du sud-est qui brûlait toute végétation ; et, fort de cet abri, il transplanta ensuite quelques arbres, surtout un chêne, cet ombrage si désiré, et le seul élève de toute cette plantation qui vive encore.

1391. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

A un certain endroit de l’lliade, parlant de la blessure d’Agamemnon au bras ou à la main, et des douleurs aiguës qu’elle lui causait, Homère compare ces douleurs à celles qu’éprouverait une femme en travail d’enfant ; sur quoi Plutarque se récrie d’admiration : « Les femmes disent que ce n’est point Homère qui a écrit ces vers, mais la femme Homère, après avoir accouché ou pendant qu’elle accouchait encore » ; tant la douleur lancinante de l’enfantement y est bien rendue ! […] Je me trouvai tout à coup, — dans une gorge profondément encaissée et fort sauvage, — à dix pas d’un indigène qui était assis sur une pierre, un long fusil à la main. […] Nous partîmes ensemble, lui portant son fusil sur l’épaule, moi le mien couché le long du dos, horizontalement, appuyé sur le bras gauche, la main droite sur la gâchette.

1392. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Germond de Lavigne, s’est avisé (car toute cause trouve à la fin son avocat) de prendre en main la défense du continuateur anonyme de Don Quichotte, de celui qui avait essayé, dans l’intervalle des deux parties, de supplanter Cervantes et de se substituer en son lieu et place dans la faveur du public. […] Un jour, Philippe III, du balcon de son palais, voyant un étudiant qui, sur les bords du Mançanarès, lisait un livre et interrompait souvent sa lecture en se frappant de la main le front et en faisant des mouvements extraordinaires de plaisir et de joie : « Cet étudiant est fou, dit le roi, ou il lit Don Quichotte. » Les courtisans qui étaient là coururent vérifier le fait, et c’était vrai. […] Mérimée chez nous, ont déjà fait ces remarques essentielles sur le Don Quichotte primitif et sincère, tel qu’il est sorti des mains et de l’esprit de l’auteur.

1393. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

J’ai eu entre les mains, sous le titre de Première Babylone, un poëme tout à fait bizarre, par un homme de cœur, M. […] Le monde ne sait pas les sublimes ennuis Des rêves éveillés qu’on fait toutes les nuits ; Il ne sait pas, tandis qu’il voue une génisse, Ce qu’un vers sibyllin coûte à la pythonisse ; Tandis que le tribun parle et qu’on bat des mains Au forum, et qu’on lève et le poing et la chaîne, Elle écrit de son sang, sur ses feuilles de chêne, Vos grandes annales, Romains ! […] Tous les grands conquérants, les illustres guerriers fondateurs d’empire, ont été dans tous les temps matière à épopée, c’est-à-dire à des récits plus ou moins merveilleux, lesquels, accueillis, grossis par la bouche des peuples, colportés par des chanteurs toujours écoutés : Pugnas et exactos tyrannos Densum humeris bibit aure vulgus, se sont quelquefois résumés et fixés en œuvre durable sous la main d’un poëte de génie.

1394. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Il y a eu les traits plus violents et même envenimés, comme ceux que Chamfort, tout académicien et lauréat d’académie qu’il était, aiguisa, tailla, assembla en faisceau, pour en faire un instrument de mort aux mains de Mirabeau, qui devait frapper le coup. […] Au moment de pire souffrance, un volume de Bernardin de Saint-Pierre tomba sous la main du jeune homme ; il n’avait rien lu ; ce fut comme un rayon consolateur qui vint luire à ses yeux et lui révéler un monde nouveau. […] Molé, qui l’avait sous la main, l’ouvrit, le commenta : plus d’un auditeur en a gardé le souvenir, comme d’une agréable leçon.

1395. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Sur la seigneurie de Blet, 810 arpents, divisés en 511 parcelles, aux mains de 120 censitaires, sont dans ce cas, et leur cens total annuel consiste en 137 francs d’argent, 67 boisselées de froment, 3 d’orge, 159 d’avoine, 16 gelines, 130 poules, 6 coqs et chapons ; le total est évalué 575 francs. Sur la terre des Brosses, 85 arpents, divisés en 112 parcelles, aux mains de 20 censitaires, sont dans ce cas, et leur cens total annuel est de 14 francs d’argent, 17 boisselées de froment, 32 d’orge, 26 gelines, 3 poules et 1 chapon. […] En Bourbonnais, les fiefs, même possédés par des roturiers, ne doivent au seigneur, à chaque mutation, que la bouche et les mains.

1396. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Il lui fallut paraître au balcon ou s’en retirer à la voix d’une populace furieuse, et, dans ces flux et reflux de l’orage populaire dont elle s’efforçait de deviner le sens, elle ne sentait bien qu’une seule chose, l’étreinte de la main de sa mère qui la pressait contre elle avec le froid de la mort. […] Un des commissaires chargés de visiter la jeune princesse au Temple l’a représentée dans son attitude digne, souffrante et appauvrie ; tricotant, assise près de la fenêtre et loin du feu (car elle ne voyait pas assez clair pour son travail près de la cheminée), les mains enflées par le froid et pleines d’engelures (car on ne lui donnait pas assez de bois pour la chauffer à cette distance). […] » s’écrièrent les généraux en levant la main. — « Je ne vous demande pas de serments, répliqua-t-elle avec un geste de pitié dédaigneuse ; on m’en a fait assez, je n’en veux plus 12. » Ce mot altier, elle avait droit de le dire, et certes peu de personnes ont vu de leurs yeux plus qu’elle jusqu’où peuvent aller, selon les temps, ou la méchanceté ou la versatilité des hommes.

1397. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Il conduisit ses deux filles à l’une des représentations, et il disait dans sa verve d’enthousiasme, en les voyant pleurer : « Si elles n’avaient pas fondu en larmes, je les aurais étranglées de mes mains. » C’est là un mot à la Diderot ; Ducis, sans s'en douter, a beaucoup d’un Diderot resté innocent et vertueux. […] L’ouvrage tournait finalement à la vertu, puisque Farhan n’est pas le vrai frère de Saléma, et Abufar pouvait dire en finissant à tout ce qui l’entoure : Donnez-vous tous la main, et soyez tous heureux ! […] Les lettres qu’on a de lui mériteraient d’être recueillies à part dans un volume ; elles disposent à être moins sévère pour ses tragédies, elles y révèlent la trace de talent qui s’y noie trop dans le mauvais goût du siècle, et on en vient à reconnaître qu’avec tous ses défauts, et en usant d’une moins bonne langue, Ducis, dans la série de nos tragiques, va tendre la main à Rotrou par-delà Corneille.

1398. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Par les portes lentement ouvertes, les inconnus qui pénètrent avec des airs de spectres se résolvent en hommes charnels, vicieux et riants ; les maisons sont hantées et profanées par devrais assassins aux mains humides d’un sang qui glue ; la justice reçoit la victime qu’elle exige, d’un magistrat court, bouffi, jaune, fumeur de cigarettes, et sa cruauté dialectique, aux prises avec la rude énergie du meurtrier, dans un duel dont l’âpre et croissante horreur n’a pas d’exemple, s’exerce entre des murs blanchis, dans un bureau où des fonctionnaires entrent. […] Des colères vésaniques le saisissent, dans lesquelles il crie, insulte, serre les poings et grince des dents avec des grondements de dogue ; puis il s’affaisse et se considère ; la misère de tout son pauvre être lui apparaît et il geint encore comme une bête domestique, et cherche avec des yeux lourds une main qui le flatte. […] Les criminels, les débauchés, les filles séduites et les filles souillées, les petites méchantes gens, toute la saleté et les pustules du corps social, sont oints et pansés de ses maigres mains ; avec de simples paroles de compassion, ils sont consolés et attendris par l’articulation de leur sourd et gros murmure.

1399. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Si par quelque faiblesse ils l’avaient mendiée, Si leur haute vertu ne l’eût répudiée, Ma main bientôt sur eux m’eût vengé hautement De l’affront que m’eût fait ce mou consentement. […] Nous sommes en horreur ; on est glacé d’effroi : Qui daignera me tendre une main protectrice ? […] Quelques années après, le frère de cette princesse arrive dans ce pays ; il est saisi par les habitants et sur le point d’être sacrifié par les mains de sa sœur.

1400. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

C’est l’indignation de voir cet enseignement piétiner dans sa routine qui nous a mis la plume à la main ; ce sont les mauvaises méthodes qui nous ont donné l’idée d’en proposer une qui fût meilleure, ou du moins qui fût profitable. […] Albalat a lu, la plume à la main, annoté, disséqué les pages de tous nos écrivains français ; et, les textes sous les yeux, il explique comment on peut s’y prendre pour écrire sans recherche, mais avec précision, goût, sobriété et, si possible, de façon originale6. »‌ M. de Gourmont lui-même le reconnaît :‌ « Ce livre, dit-il, est bien meilleur que son titre, en ce sens qu’il soulève toutes sortes de questions de psychologie linguistique, alors qu’ou aurait pu s’attendre à un simple manuel scolaire… L’œuvre garde des parties excellentes ». […] Ils nous balaient d’un sourire, nous jugent d’un haussement d’épaules, nous exécutent d’un tour de main.

1401. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Gustave Droz, l’auteur d’Autour d’une source, a vu dans les derniers faits miraculeux qui ont réjoui les cœurs catholiques et que des plumes catholiques ont attestés, un prétexte, non pas à discussion, mais à roman, et il a fait le sien, d’un point de vue humain qui pourrait très bien être… Il a supposé que l’ardente Spéculation moderne, qui met ses mains avides sur tout, pouvait se servir d’un miracle, ou plutôt du mirage d’un miracle, pour faire ses affaires impudemment, malhonnêtement, abominablement, et il a construit un récit dans ce sens qui pourrait être vrai, qui ne l’est pas encore dans l’histoire de nos mœurs, mais qui pourrait l’être, et en construisant ce récit — rendons-lui cette justice !  […] Pour lui, on n’aura pas besoin, comme on l’a tenté pour Machiavel, l’homme sans âme qui écrivit avec la main de bronze du Destin sous la dictée des Perversités de son siècle, — et ce qu’on vient de renouveler pour Flaubert, talent sans âme non plus, — on n’aura pas besoin d’inventer une ironie d’après coup, qui n’existe pas dans leurs œuvres glacées. […] Quelle poignante réalité, sous cette main potelée qui sait l’étreindre !

1402. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Louis XV ne mourut pas comme Sardanapale, il mourut comme mourra plus tard Mme Dubarry, laquelle, on le sait, montée sur l’échafaud, se jetait aux pieds du bourreau en s’écriant, les mains jointes : « Monsieur le bourreau, encore un instant !  […] Nous reproduisons la copie qui est entre nos mains, sans chercher à y apporter même la correction, ni à plus forte raison, l’élégance.

1403. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Ils me peignaient la vertu, et leurs images m’échauffaient ; mais j’aurais encore mieux aimé voir mon amie, la regarder en silence, et verser une larme que sa main aurait essuyée ou que ses lèvres auraient recueillie. […] C’est en vain qu’elle tendra les mains au ciel et qu’elle appellera sa mère ; le ciel ni sa mère ne l’entendront plus ; ses cris seront perdus dans la forêt ; personne ne viendra qui la délivre du satyre ; et quand le satyre l’aura surprise une fois aux environs de sa demeure, elle y retournera pour être surprise encore.

1404. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Par des extraits de voyages, par des traductions et des analyses d’ouvrages étrangers, par des études de toute espèce sur le passé, le Globe cherchait à mettre sous la main de ses lecteurs les principaux éléments des questions ; à leur représenter les travaux antérieurs et l’état de la science contemporaine sur chaque point de controverse ; à leur apporter et à leur distribuer en ordre les matériaux les plus complets pour les solutions les plus larges et les plus conciliantes. […] Car, nous y insistons, il y a, depuis le premier numéro du Globe jusqu’au dernier, dans sa pensée première, dans le but général qu’il poursuivait, dans une portion constante de sa direction et de ses travaux, une raison profonde pour qu’il ait suivi la marche qu’il a suivie, pour qu’il ait passé par ses transformations diverses, et pour qu’il soit aujourd’hui aux mains dans lesquelles il est.

1405. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Le grand acte de la vie publique de Saint-Simon fut son ambassade de 1722 : mission tout honorifique qui consistait à demander au roi d’Espagne la main de l’infante pour Louis XV. […] Ayant eu entre les mains, vers 1730, le journal de Dangeau, il revit jour par jour la vie du grand roi et de la cour ; tous ses souvenirs, ses froissements, ses haines d’autrefois, remontèrent à sa mémoire, échauffèrent son imagination ; la sécheresse, la courtisanerie de Dangeau le dégoûtèrent ; et il se mit à l’annoter, mettant sous chaque fait, sous chaque nom, tout ce que sa lecture avait remué en lui d’anciennes impressions.

1406. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Un jour enfin, tout à fait par hasard, Mademoiselle Fifi me tomba sous la main. […] Ce que je dis là, il est aisé de le constater dans ses deux derniers romans et jusque dans son dernier volume de nouvelles : la Main gauche.

1407. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Tandis que sa main frôleuse glisse le billet doux, son regard et ses lèvres sourient des promesses ou des malices et par le mot excitant qu’elle souffle à l’oreille on ne sait si elle raccroche pour elle ou pour sa maîtresse. […] [René Maizeroy] Tomber des habiletés énervantes de Mendès aux maladresses de René Maizeroy : lourde chute, Des mains expertes et amusées d’une parfumée aimable on passe à la hâte grossière d’une fille qui, après trente ans d’exercice, ne sait même pas encore grimacer le sourire et feindre la joie.

1408. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

On admiroit ces coups de maître où le fils le plus amoureux sacrifie son amante à son père ; où ce même fils entre chez sa maîtresse qui vient de promettre sa main au vainqueur de son amant. […] On a dit qu’il avoit sa place marquée toutes les fois qu’il alloit au spectacle, qu’on se levoit pour lui & qu’on battoit des mains.

1409. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Madame Therbouche Un homme, le verre à la main, éclairé d’une bougie. tableau de nuit, morceau de réception, de 3 pieds 6 pouces de haut, sur 3 pieds de large. C’est un gros réjoui, assis devant une table, le verre à la main.

1410. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 5, des études et des progrès des peintres et des poëtes » pp. 44-57

Raphaël fit son essai d’imitation en peignant le tableau qui représente un miracle arrivé à Bolséne, où le prêtre qui disoit la messe devant le pape, et qui doutoit de la transubstantiation, vit l’hostie consacrée, devenir sanglante entre ses mains. […] Le prêtre qui doutoit de la présence réelle, et qui a vû l’hostie qu’il avoit consacrée devenir sanglante entre ses mains durant l’élevation, paroît penetré de terreur et de respect.

1411. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 9, de la difference qui étoit entre la déclamation des tragedies et la déclamation des comedies. Des compositeurs de déclamation, reflexions concernant l’art de l’écrire en notes » pp. 136-153

Peut-on souffrir, ajoute Lucien, qu’Hercule couvert d’une peau de lion, et sa massuë à la main, vienne fredonner sur un théatre les vers qui contiennent le recit de ses travaux. […] L’exercice et l’habitude qui suit l’exercice, sont par rapport à la voix, ce que l’archet et la main du joüeur d’instrument sont par rapport au violon.

1412. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Les Philippiques de la Grange-Chancel35 I Voici une publication curieusement entreprise et de nature à faire trembler sur la destinée de toute gloire faite, en un tour de main, par les engoûments de haine ou d’amour d’une époque qui dispensent de tout, même de talent. […] S’il n’avait pas, comme Alain Chartier, reçu le baiser d’une reine sur ses lèvres endormies, il avait, tout éveillé, senti sur son jeune front la main étonnée de Louis XIV.

1413. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Ce livre-ci ne porte pas de trace de cette main svelte, spirituelle, patricienne qui écrivit les Césars, et qui s’est déplorablement empâtée… L’histoire de Rome et la Judée n’est pas un livre, c’est un travail (surtout pour qui le lit), et un travail lourd. […] Il reste terre à terre, portant le poids de son sujet, un sujet magnifique qui a été touché par des mains sans force ou indignes, mais qui n’a jamais été écrit.

1414. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Il peut y avoir les Shakespeares de l’Histoire, qui embrassent et brassent r tout de leurs bras forts et de leurs mains puissantes. […] Délicieux soufflet, appliqué d’une main si leste, et qui ferme si bien le bec aux solennels et aux faiseurs de philosophies de l’histoire dont nous sommes recrus.

1415. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Intellectuellement orateur, mais empêtré dans un corps qui ne l’était pas, — car le corps, c’est la moitié de l’orateur, — sagace comme le bel œil noir, un peu couvert, de son portrait, le dit, mais lourd, épais et gauche de tournure et de mains, comme le dit son portrait encore, cet indigéré de discours accumulés au fond de sa pensée et qui ne passaient pas assez vite dans ses organes pour qu’il les dardât de la tribune à ses adversaires, il les expectorait dans ses pamphlets, et Dieu sait avec quelle abondance, quelle facilité, quel jet de salive ! […] Sa plume allait plus vite en besogne et griffait ses adversaires sur le papier, qu’elle griffonnait avec une incroyable verve de main.

1416. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Mais entre amis et dans l’intimité des relations et des sentiments, elle n’est plus un écrivain du tout, et elle a sa plume à la main ! […] Mais la plume à la main, on les retrouvait !

1417. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

ce n’est pas même un livre… Ce sont des esquisses jetées d’une main vibrante et rapide sur les feuillets d’un album emporté à la chasse, et qu’on en rapporte tout parfumé de la senteur des fleurs sauvages cueillies dans les bois, des fumets du gibier et de l’odeur de cuir du carnier au fond duquel l’auteur a l’habitude de le porter. […] En effet, qu’y a-t-il de commun entre un grand tableau à la détrempe, vrai de couleur, de dessin et de perspective comme une enseigne, fait pour les myopes ou les organes grossiers, et les petits chefs-d’œuvre à la sanguine, grands comme l’ongle, où le sentiment, malgré l’exiguïté du cadre, a une puissance infinie, et qui rappellent ces noyaux de pêche que Properzia di Rossi a ciselés avec tant de passion dans la fantaisie et tant de précision dans la main !

1418. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Le poète, qu’il le veuille ou non, qu’il y pense ou qu’il n’y pense pas, est un lakiste, un lakiste attardé qui mêle la description, la description éternelle à l’éjaculation lyrique, et qui malgré ses prétentions à la force, à l’expression simple et à pleine main, a parfois les gaucheries et les vulgarismes de Wordsworth sans en avoir la longue et magnifique rêverie… M. de Laprade veut être naïf ; mais on ne veut pas être naïf, on l’est quand on peut. […] Son jeune chien, fou de joie,          Court, aboie, Lèche ses mains, son cou blanc ; Dans l’herbe qu’ils éparpillent,          Ils sautillent Et roulent flanc contre flanc.

1419. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Louis Bouilhet. Festons et Astragales. »

Bouilhet n’apparaît pas en ses poésies, et on ne l’y trouve que comme un atome et le microscope à la main ! […] Voilà qui dit suffisamment le goût du poète, sa tendance, son éducation, son école, tout ce qui n’est lui que de seconde main.

1420. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

Avec l’amour qu’il a pour ses conspirateurs, qu’il épouse des deux mains dans leurs faits et gestes et qu’il admire, il serait, certes ! […] Mais sous la main féconde et puissante d’un véritable romancier, ce sujet, lieu commun d’histoire, pouvait devenir une grande œuvre, humaine, profonde et palpitante.

1421. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Sans doute Platon, quand il composa ses dialogues, était frappé de la même admiration pour Socrate ; il avait été son disciple et son ami, il l’avait vu traîner dans les fers, il avait vu la ciguë broyée par la main de l’envie, et le fanatisme prenant d’elle la coupe empoisonnée pour la présenter à son maître. […] Juges qui condamnez les hommes, vous pouvez immoler un sage et flétrir un instant l’homme que la calomnie poursuit, le glaive est dans vos mains ; vous frappez, mais l’œil inévitable du temps vous observe et vous juge.

1422. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Lorsque la barbarie antique reparut au moyen âge, on coupait la main droite au vaincu, quelque juste que fût sa cause. […] On ne peut croire que Plaute ait voulu mettre sur le théâtre des dieux qui enseignassent le parjure au peuple ; encore bien moins peut-on le croire de Scipion l’Africain et de Lélius, qui, dit-on, aidèrent Térence à composer ses comédies ; et toutefois dans l’Andrienne, Dave fait mettre l’enfant devant la porte de Simon par les mains de Mysis, afin que si par aventure son maître l’interroge à ce sujet, il puisse en conscience nier de l’avoir mis à cette place.

1423. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Mais bientôt l’élévation morale reparaît dans le vœu du chrétien, pour que le nouveau jour qui lui est accordé passe irréprochable, que la langue n’y fasse pas de mensonge, que la main, que les yeux n’y pèchent pas. […] Tout échappe de nos mains, et ce qui prend fin n’a pas de retour.

1424. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Bref, un si rare objet m’est si doux et si cher Que ta main seulement me nuit de te toucher. […] La satire n’enfonce pas, et le trait, lancé d’une main négligente, ne pénètre jamais bien avant. […] Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi ; (Elle passe sa main sur ses yeux.) […] Je demeurai plus de vingt-quatre heures la bouche attachée sur le visage et sur les mains de ma chère Manon. […] Je rompis mon épée pour m’en servir à creuser, mais j’en tirai moins de secours que de mes mains.

1425. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Le maître n’était autre que l’époux, qui m’ayant prise par la main, me mena dans le bois. […] Les types de la comédie de Marivaux sont à portée de notre œil ou de notre main. […] Il a forcé la main à Malesherbes, et avec quel art ! […] Malesherbes est obligé de leur prêter la main. […] Il refuse constamment un privilège à Fréron ; c’est qu’il veut le tenir plus immédiatement sous sa main.

1426. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Elles n’indiquent pas du geste l’avenir, mais étendent la main vers le passé. […] Il travaille comme un mécanisme qu’une main maladroite a mis en branle et n’est plus capable d’arrêter. […] Elle avait trois lis à la main, et les étoiles dans sa chevelure étaient au nombre de sept ». […] Dans la main de la « damozel » Rossetti met trois lis, autour de sa tête il entrelace sept étoiles. […] si ce sont des mains de rêve, Tant mieux, ou tant pis, — ou tant mieux.

1427. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il s’en allait visiter les pauvres des environs, monté sur un âne et un livre à la main. […] Quelques vers que j’avais faits alors tombèrent par hasard entre les mains de quelques personnes d’esprit. […] Il la critiqua dans une dissertation adressée à une dame, mais destinée à passer de main en main. […] Bajazet et Atalide sont entre les mains de Roxane, et Roxane est sous la main du sultan. […] ta vie est entre mes mains.

1428. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

La figure est sans expression, le cou défait, les pieds rigides, la main droite se crispe sur la poitrine ; quant au bras gauche, il vient en avant, tendu tout roide vers le spectateur, et la main tombe à angle droit, comme cassée. […] Sa mère a pris de ses mains la broderie qu’elle lui avait confiée et elle a le doigt posé sur la soutache inachevée. […] En effet, c’est un jeu futile d’esprit et de main. […] Ses ailes ouvertes s’étendaient sur le mur, ses mains allongées descendaient jusqu’à terre. […] Il a le cœur sur la main, et le donne à Pierre, son sauveur, dès le premier instant.

1429. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Jusques dans les mains d’Uranie Il osait ravir le compas. […] Quelques-autres fabulistes tenaient en main des recueils de leurs ouvrages qui, entr’eux tous, pouvaient fournir la matiere d’un recueil agréable. […] Je contemple, & mon cœur soupire ; De ma main tombe le pinceau. […] La nature entiere est sous sa main, & c’est en maître qu’il doit lui commander. […] On aurait peine à croire que ces divers morceaux fussent de la même main.

1430. (1881) Le naturalisme au théatre

Quand une formule tombe aux mains des imitateurs, elle disparaît vite. […] Montigny a voulu utiliser mademoiselle Legault, qu’il avait sous la main. […] On écrit, on peint, on sculpte, uniquement parce que la main vous démange. […] Je tâtonnais encore, j’allais donc mettre enfin la main sur la vérité. […] Pour obtenir du réel, il faut avoir surtout du réel plein les mains.

1431. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article »

Ce sont de vieilles armes abandonnées à la rouille ; il n’y a que la main d’un habile Artiste qui puisse les garantir de ce mépris.

1432. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Ce qui m’étonne le plus, c’est que, une fois converti, on le mette dehors avec vingt francs dans la main et sans plus s’occuper de lui. […] Les enfants ne sortent des mains de la sage-femme que pour passer dans celles d’une nourrice. […] S’il avait eu une fronde, lancerait-il de la main une pierre avec tant de roideur ? […] Notre faux Huron ne pouvait s’empêcher ni de la désirer, ni de l’abdiquer en des mains aristocratiques. […] Je remets mon cœur sous ta garde et mes désirs en ta main.

1433. (1887) George Sand

Occupons-nous moins d’aimer l’humanité de l’avenir que les hommes qui sont près de nous, à la portée de notre main et de notre cœur. […] Mais tout changeait quand elle avait la plume à la main. […] D’ailleurs, le roman est toujours là, toujours à sa portée et sous sa main ; il se prête à remplir certaines heures où l’homme, en tête-à-tête avec lui-même, ne sait que penser. […] Que deviendrai-je si, à la place du breuvage exquis, votre main impitoyable me verse une seconde fois le breuvage vulgaire dont je suis rassasié ? […] C’est ainsi que, sous sa main habile, la réalité devenait de l’art et souvent du grand art.

1434. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Franck, Félix = Frank, Félix (1837-1895) »

Alphonse Lemerre Le dernier volume publié par Félix Frank, La Chanson d’amour (1885), qui annonce plus de maturité et une plus grande sûreté de main comme exécution, est une œuvre chaude et colorée, qui semble remonter au paganisme dans sa modernité.

1435. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » p. 114

Abelli,[Louis] Evêque de Rhodez, né dans le Vexin François, en 1604, mort à Paris en 1691, plus connu par ce Vers de Boileau, Que chacun prenne en main le moëlleux Abelli.

1436. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Roslin et Valade »

La main qui pose sur la robe est bien coloriée.

1437. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Chaque fois que Bonaparte reconnaît sa main dans les blessures faites à son pouvoir, elle en éprouve une sorte de satisfaction. […] « Je te baptise carpe », prononce dom Gorenflot en étendant la main sur un magnifique faisan. […] Ils sont de tempérament brutal : la colère leur met aussitôt une arme à la main ; ils saisissent celle que leur profession tient à leur portée. […] La famine, qui fait sortir le loup du bois, met un couteau dans la main de l’homme. […] Et, puisque le malheur des temps ne lui laissait pour arme que sa plume, du moins elle deviendrait entre ses mains la massue du pirate et le fusil du Chouan.

1438. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Pourquoi dès lors tient-il son arc à la main, ses armes étant la dernière chose qu’il ceindra ou qu’il prendra avant de monter sur son char ? […] C’est donc une faute de mise en scène que de faire paraître Hippolyte un arc à la main. […] Au lieu de cela, on voit simplement entrer par les côtés un certain nombre de lévites tenant un glaive à la main. […] Au lever du rideau, le peuple est à genoux, tendant ses mains suppliantes vers le palais d’Œdipe. […] Je ne sais si celle-ci se rend bien compte de l’arme puissante que les révolutions de l’esprit remettent entre ses mains.

1439. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il faut se souvenir de quelle profondeur de désordre Louis XIV tira la France, en prenant en main les affaires. […] Les plus hautes têtes s’abaissèrent sous cette jeune main, dans laquelle un fouet de chasse fit un moment l’office du sceptre. […] Où trouver plus de plaisirs pour les yeux et plus de sujets pour la pensée, que dans cet horizon tracé de la main du grand roi ? […] Tout était donc prêt pour la comédie ; Louis XIV lui avait préparé un théâtre de ses mains. […] La chaire ne réussit à courber les têtes que quand déjà les événements, ou plutôt la main même de Dieu, par les événements qu’elle dirige, les a frappées.

1440. (1927) Des romantiques à nous

Mais, revenu sur les lieux, il s’apaisa et tendit à Jean-Jacques une main amie. […] Il tenait à la main la Jeanne d’Arc de Joseph Delteil. […] Cet écrivain n’entrerait pas dans l’art comme un homme des bois, il s’en faut de tout ; mais il n’aurait pas la main sûre, tout en l’ayant fort hardie. […] Mais c’était plaisir de l’entendre et de le suivre, tant le mouvement de son âme triomphait des gaucheries de sa main. […] Grand causeur, il prit l’habitude d’illustrer ses propos de citations qu’il paraissait puiser à pleines mains chez le philosophe francfortois.

1441. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Dites-lui, chère tante, que je l’embrasse mille et mille fois, que je lui baise les mains et le prie de pardonner cet impardonnable oubli. […] Tous les deux ont de belles mains aristocratiques et soignées. […] Je vous prenais pour un monument public, pour une propriété nationale… Imaginez-vous l’Arc de Triomphe ou le Louvre passés en des mains particulières. […] les horribles mastodontes, des gens qui ont des poses et des mains comme sur les vieux mauvais portraits. […] Comme ce document est de ma main, vous seriez bien aimable en me le renvoyant.

1442. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gaudin, Félix »

Félix Gaudin, auteur de Poésies chrétiennes (1864), âme honnête, éprouvée, reconnaissante, que l’injustice a atteinte, que la foi a relevée et consolée, humble acolyte en poésie, et qui, dans le pieux cortège, me fait l’effet de psalmodier ses rimes à mi-voix, en tenant à la main le livre de l’imitation, d’on la joie et la paix lui sont revenues.

1443. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Madame Vien » p. 232

J’aimerais bien autant un portefeuille d’oiseaux, de chenilles et d’autres insectes de sa main, que ces objets en nature rassemblés sous des verres dans mon cabinet.

1444. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Tous les ressorts des machines diverses, il les a touchés ; tous les plans et les projets jaillissant d’un front sublime, il les a eus sous les yeux, entre les mains ; et le travail qu’il a fait lui-même en s’en rendant compte, le plaisir qu’il a ressenti en les découvrant, il nous le reproduit, il nous le communique avec largesse et lucidité. […] C’était dans l’émigration la portion instruite, acceptant la Charte par nécessité, mais ayant pour les choses de l’esprit un goût aussi ancien que la noblesse française ; c’étaient, parmi les amis de la liberté, des hommes nouveaux, acceptant les Bourbons comme les autres la Charte, par nécessité, mais très disposés à recevoir la liberté de leurs mains, et résolus à leur être fidèles s’ils étaient sincères ; c’étaient, dans les partis mécontents, les révolutionnaires, les militaires, les partisans de l’Empire, se déguisant en amis de la liberté, et le devenant sans s’en apercevoir.

1445. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Thiers et à lui arracher des mains le triste récit de Waterloo ? […] C’est un spectacle, moralement des plus intéressants, que de voir agir et opérer, dans un espace fermé de quelques lieues, et s’exerçant sur douze ou quinze mille sujets, avec un millier de soldats en main, cette organisation puissante qui, la veille, ébranlait et gouvernait le monde.

1446. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Quand vous avez regardé cette bonne et ouverte face d’honnête savant que porte Rabelais, passez à Calvin : ce profil fin et dur, ces lèvres minces, cette jolie main effilée et nerveuse, qui se lève impérieusement pour enfoncer un argument, vous donnent la sensation de l’homme. […] Calvin n’emploie-t-il pas quelque part 8 ou 9 pages184 à comparer l’Église des fidèles au corps humain, à y chercher ce qui est veines, nez, chair, mouvement, chaleur, main, pied, coude ?

1447. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Il a trop demandé aux choses ; il a voulu d’un trait, âprement et avidement, savourer toute la vie : il ne l’a point cueillie, il ne l’a point goûtée ; il l’a arrachée comme une grappe et pressée, et froissée, et tordue ; et il est resté les mains salies, aussi altéré que devant. […] Gustave Larroumet Il n’y a pas une pièce de Scribe qui ne soit supérieure comme conduite et tour de main aux meilleures comédies de Musset.

1448. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Il rentre en l’éternel abri, l’âme vieillie peut-être, mais se confiant « aux mains de son destin », renonciateur de l’éphémère réalité. […] Remy de Gourmont M. de Régnier est un poète mélancolique et somptueux : les deux mots qui éclatent le plus souvent dans ses vers sont les mois or et mort, et il est des poèmes où revient, jusqu’à faire peur, l’insistance de cette rime automnale et royale… M. de Régnier sait dire en vers tout ce qu’il veut, sa subtilité est infinie ; il note d’indéfinissables nuances de rêve, d’imperceptibles apparitions, de fugitifs décors ; une main nue qui s’appuie un peu crispée sur une table de marbre, un fruit qui oscille sous le vent et qui tombe, un étang abandonné, ces riens lui suffisent, et le poème surgit, parfait et pur.

1449. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

La pièce abonde en morceaux de bravoure, en motifs spirituellement traités, en tirades brillantés ; mais tout y est en scène ; nous avons mis la main sur un auteur dramatique, sur un homme qui a le don. […] Rostand consente à se brider lui-même et à se tenir en main.

1450. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

Corneille et Molière existeraient indépendamment l’un de l’autre, si Shakespeare n’était entre eux, donnant à Corneille la main gauche, à Molière la main droite.

1451. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

La curiosité de voir les deux hommes les plus célèbres de leur siècle en venir aux mains, étoit extrême. […] Néanmoins il respecta la main qui le frappoit, se désista de son appel, & ne déposa le sujet de ses larmes que dans le sein de Pierre le vénérable.

1452. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Cette Comédie qui ne contenait qu’un Acte, et quelques autres de cette nature, n’ont point été imprimées : Il les avait faites sur quelques idées plaisantes sans y avoir mis la dernière main ; et il trouva à propos de les supprimer, lorsqu’il se fut proposé pour but dans toutes ses pièces d’obliger les hommes à se corriger de leurs défauts. […] Toutes ses Pièces n’ont pas d’égales beautés, mais on peut dire que dans ses moindres il y a des traits qui n’ont pu partir que de la main d’un grand maître, et que celles qu’on estime les meilleures, comme Le Misanthrope, Le Tartuffe, Les Femmes savantes, etc. sont des chef-d’œuvres qu’on ne saurait assez admirer.

1453. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

A l’autel, le souverain fléchit le genou, et sa tête s’incline sous la main du prêtre, comme celle du moindre des esclaves ; tous sont égaux dans l’enceinte où il préside, l’église. […] Le prêtre est intolérant et cruel ; la hache qui mit en pièces Agag 102 n’est jamais tombée de ses mains.

1454. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

Je ne crois pas qu’il y ait de plus impatientant procédé que celui-là, commun, du reste, à tous les diplomates, que cette suppression impertinente qui rappelle celle que le cant anglais opéra un jour, par les mains de Thomas Moore, sur les Mémoires de Lord Byron. […] Le désespéré, c’était Donoso, le plus ardent, le plus religieux, le plus saint des deux, que Guizot, qui avait ses raisons pour ne pas vouloir de prophètes, appelait, par dérision, un Jérémie ; et l’espérant, c’était Raczynski, lequel persiste (dit-il dans sa Correspondance) à croire « que le jour viendra où la France tendra les mains vers Henri V », mais sans donner de cette foi une seule raison historique, et qui a espéré non pas jusqu’à la fin, mais sans fin, et qui a vu la fin de sa vie avant la fin de son opiniâtre espérance !

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