Qu’il faut d’adresse pour passer avec rapidité de l’une à l’autre de ces situations, pour en marquer toutes les nuances, sans que trop d’exagération, ou dans la faiblesse ou dans la force, blesse la vérité ! […] La peine qu’il se donna de déguiser leurs noms ne fit que prêter de nouvelles forces à la malignité, puisqu’il leur en donna qui, tirés du grec, marquaient le caractère, les défauts, les ridicules de chacune de ses victimes. […] Je n’ai pu me procurer la pièce, parce que, m’a-t-on dit, les Juifs en achetèrent l’édition entière, et obtinrent du pape, à force d’argent, un ordre qui en défendait la représentation. […] Les farces qu’enfante une imagination sale et déréglée sont mauvaises, celles où l’auteur, armé du fouet du ridicule, poursuit les travers, le vice, et force à rire les hommes qu’il fustige, sont bonnes. […] Admirons en même temps et la force des exagérations et la finesse des concetti.
Est-ce à dire que l’amour n’ait en soi d’autre force qu’une force de perdition ? […] Les idées d’intelligence, de force, de lutte, y entrent dans l’idée même de bonté. […] Art Roë est disposé à apprécier la force et les chances de succès d’une armée. […] C’est à force d’émotion vraie, de patience et de conscience que le narrateur arrivait à cet accent de simplicité pénétrante. […] L’inédit est une grande force.
Par un principe de justice, nous devons rappeler ici que les Recueils de l’Académie Françoise offrent un grand nombre de Discours de Charpentier, dont quelques-uns sont écrits avec autant de naturel que de force & de bon sens.
Barbier plusieurs personnes, qui pourtant les admirent, n’y cherchent guère qu’un plaisir étrange, un tour de force inouï jusqu’à présent, des exploits pour les yeux, l’intrépidité extraordinaire dans les plus périlleuses images que jamais poëte ait tentées. […] Et pour répondre d’abord aux timorés qui vous diront avec Boileau qu’ils fuient un effronté qui prêche la pudeur, nous maintenons qu’il est dans la société actuelle, et derrière le vernis fragile de nos mœurs, des vices, des désordres, une corruption radicale qu’on peut ignorer à toute force, et, par là même, éluder avec bon goût dans la satire littéraire, mais qui, du moment qu’on y pénètre et qu’on les remue, salissent inévitablement le vers comme la plaie hideuse qu’il sonde salit le doigt de l’opérateur.
La plupart des femmes auxquelles des facultés supérieures ont inspiré le désir de la renommée, ressemblent à Herminie revêtue des armes du combat : les guerriers voient le casque, la lance, le panache étincelant ; ils croient rencontrer la force, ils attaquent avec violence, et dès les premiers coups, ils atteignent au cœur. […] Tout est dit alors ; on l’abandonne à ses propres forces, on la laisse se débattre avec la douleur.
Le doute vagabond de Montaigne ne serrait pas d’assez près ces dogmes si fortement liés ; il n’était pas de force à les dissoudre et à les faire écrouler. […] Mais il était intelligent, et à force d’intelligence il évita la petitesse de l’égoïsme.
Comme le hasard ne suscite après lui personne qui puisse faire équilibre aux circonstances par son tempérament, la force des circonstances l’emporte, et étouffe la tragédie. […] Admirateur enthousiaste et timoré de Racine, il conservera scrupuleusement les formes léguées par le xviie siècle ; il résistera de toutes ses forces aux doctrines subversives de La Motte qui voulait supprimer de la tragédie les confidents, les monologues, les récits, les unités, et le vers.
Chez lui, elle tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme ; belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car si elles devaient un jour le mettre en défaut aux yeux du physicien et du chimiste, elles lui donnaient sur son temps une force dont aucun individu n’a disposé avant lui ni depuis.
Guérir était considéré comme une chose morale ; Jésus, qui sentait sa force morale, devait se croire spécialement doué pour guérir. […] Des faits, aujourd’hui morbides, tels que l’épilepsie, les visions, ont été autrefois un principe de force et de grandeur.
A force de détacher l’homme de la terre, on brisait la vie. […] C’est par là, qu’il a été, comme le stoïcisme, mais avec infiniment plus d’ampleur, un argument vivant des forces divines qui sont en l’homme, un monument élevé à la puissance de la volonté.
Chapitre premier L’idée force du monde extérieur I. […] J’arrive ainsi à distinguer mon corps de tout autre et à supposer dans les autres corps tantôt volonté et douleur, tantôt simplement activité, pression, résistance, impénétrabilité, force motrice.
Cela est trivial à force d’être vrai. […] Voyez quel effet de surprise produit ce dernier vers, et avec quelle force, quelle vivacité ce tour peint la fuite et la timidité des moutons.
La plus chère vertu de Mme Swetchine, de cette femme si femme, c’est la résignation, cette force de la faiblesse. […] L’expression, qu’elle a parfois très belle, et qu’elle ajoute au piquant ou à la force de l’observation quand l’observation la darde ou la secoue, suffit-elle pour faire croire à un talent littéraire, n’existant plus par petites places, mais organisé, articulé, vivant ?
Il a eu l’idée d’une telle histoire et il l’a dégrossie, mais il ne l’a pas chassée, toute vibrante, du bloc de travaux où elle sommeillait renfermée, et d’où une main plus violente, sinon plus vigoureuse que la sienne, ne la tirera qu’à force d’obstination et d’effort hardi. […] Puisque non seulement il s’occupe et se préoccupe de proverbes, mais de locutions proverbiales, pourquoi affiche-t-il un si vertueux mépris pour l’argot cette langue populaire, sinistre et masquée, aux effroyables beautés, mais aux beautés réelles, qui a déjà versé dans la langue du xixe siècle, sous la plume de quelques maîtres, des mots que le génie purifiera et qui y resteront comme des forces de plus ?
C’est cette raison humaine, philosophique, didactique, qui n’admet ou du moins ne veut admettre que ce qu’elle conçoit en elle-même ; c’est cette raison qu’il reconnaît, et qui fait la force, la beauté, la grandeur de histoire de Thucydide. […] Quelle peut être sur nous l’influence vivante et sincère de cet art, extérieur je le veux bien, mais dont la prétention est la simplification dans l’harmonie, alors que l’ambition de l’art, en ces derniers temps, est une concentration, aussi profonde qu’elle puisse être, dans l’harmonie aussi, mais dans une harmonie qui ne fond rien en elle pour tout unir, et, au contraire, donne la plus violente intensité à chaque détail et voudrait décupler les forces les plus vives de la vie !
Le mal économique, le mal qui vient d’une déperdition de richesses ou de forces productrices, voilà le mal réel, le mal suprême ! […] À lire son histoire, on dirait que sur ce point il y a force de chose jugée, et que le bronze de l’opinion publique ne peut être refondu et coulé dans un moule nouveau.
Assurément, en présence de ce prodigieux ascendant qui déconcertait Saint-Simon, et qui étonna si longtemps la France et l’Europe, nous ne nierons pas qu’il y eût des manèges infinis, mêlés à des abnégations sublimes, mais, abnégations ou manèges, dévouements et effacements ou entente de situation et habileté, quelle autre femme pourtant que madame de Maintenon, et toute-puissante comme elle, aurait eu la force d’âme romaine de jouer le rôle anonyme qu’elle consentit à jouer dans l’Histoire, et à s’enfermer modestement sous ses coiffes de veuve au lieu de vaniteusement resplendir sous la couronne qu’elle aurait pu porter ? […] Madame de Staël disait : « Ceux qui se ressemblent se devinent. » Aussi, pour que la gloire jaillisse bien, et dans toute sa force, du visage que l’historien a pour devoir d’éclairer, il faut, entre le peintre et le modèle, des pentes de nature, des analogies de tempérament au moins intellectuel, et de telles rencontres de génie ne se répètent pas à tous les siècles.
… C’est ce que la tradition catholique nous désigne sous le nom de vice originel, et ce qu’un examen approfondi trouve en nous et reconnaît avec la force d’une certitude. […] Égale absence de force réelle dans l’ensemble du livre et dans ses détails !
Le grand politique, — si réellement il y en avait un en lui, — le grand politique ignoré, qui avait la conscience de sa force, est mort trop tôt pour l’exercer. Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.
Le rire, comprimé par la Révolution, repartit, quand elle fut finie, avec une force de gaieté, la vraie furie française ! […] » Folâtre, jaloux, agaçant mais amusant, coq en colère, chien qui jappe, c’est toujours le Collé de la Chanson qui force son talent, c’est toujours le Collé de la parade, de la calembredaine, mais ce n’est pas le Collé du Journal et des Lettres inédites, et puisqu’on les publiait, ces Lettres inédites, c’est ce Collé-là qu’on était tenu de nous donner !
il nous en a assez coûté pour découronner cette Aimée au teint de topaze du poétique bandeau que l’imagination roule autour de sa tête avec les plis du cachemire… Les choses pittoresques et aimées du regard, les choses lointaines et naturelles ont tant de force et de prestige ! […] Ses opinions sur le poème qu’il a traduit sont naturellement empreintes de cet enthousiasme nécessaire sans lequel nul homme, nul Sisyphe, n’aurait la force ni l’envie de rouler jusqu’au sommet de l’Himalaya cette pierre énorme d’une traduction d’un poème sanscrit ; mais cet enthousiasme ne peut pas beaucoup influer sur la Critique, qui prend les idées et les sentiments pour ce qu’ils valent, et non pour ce qu’ils ont coûté de peines à ceux qui les ont exprimés.
Le grand politique, — si réellement il y en avait un en lui, — le grand politique ignoré, qui avait la conscience de sa force, est mort trop tôt pour l’exercer. Dieu lui a épargné de vieillir, de porter longtemps cette force désespérée et vaine qui n’a pas d’autre emploi que de nous peser sur le cœur.
Qu’ils se taisent donc et dévorent leur mépris, mais qu’ils comprennent enfin qu’où il n’y a plus de religion d’État, il n’y a plus d’indissolubilité religieuse possible ; et puisque nous n’avons su la défendre, cette religion d’État qui fit la force morale et la gloire de la France, ce n’est pas sans elle que nous sauverons le mariage chrétien. […] Dumas n’a pas inventée, mais qu’il a répétée, remâchée, rabâchée en quatre cent dix-sept pages, sans rien ajouter à sa force, qui n’avait pas besoin de lui !
nous sommes arrivés à une époque où ceux qui aiment, vénèrent et se dévouent à propager les vérités du catholicisme, peuvent laisser là les argumentations inutiles, qui n’imposent plus au scepticisme même quand elles l’étonnent, et se contenter de reproduire les textes sacrés, d’où la lumière jaillit sur le monde des anciens sophistes et doit rejaillir de la même force sur les nouveaux. […] Depuis cette époque, beaucoup d’évêques et de prêtres, dans la mesure diverse de leurs forces et de leur génie, ont tenté de remplir cette tâche délicate et grande que l’abbé Brispot s’est imposée et qu’il a remplie (du moins jusqu’ici) avec un rare discernement.
Ce sont des personnages curieux, qui eurent beaucoup, les uns, d’esprit, les autres, de talent, et qui remuèrent les surfaces de leur société, mais qui ne laisseront pas le grand sillon dans cette mer d’airain de l’histoire, dont l’airain ne s’entame qu’à la force du poignet de la gloire ! […] Trop fin toujours, et ne pouvant être que cela quand il a du talent, il a choisi — mais pour cette fois-là sans finesse — des portraits historiques à faire pour lesquels il fallait impérieusement toutes les qualités qu’il n’a pas : la force, l’éclat, la profondeur, toutes les vaillances !
Et les faits même, j’aurais voulu les voir brasser au docteur Favrot avec cette force que je sais en lui… Tel qu’il est, cependant, son livre peut certainement être utile. […] je ne crois pas que dans ce siècle de progrès, qui fait des questions de toutes choses et qui s’imagine être un grand améliorateur du sort des hommes, il y ait question plus importante, plus pressante, plus menaçante, plus épouvantable que celle-là, si nous avions la force virile de regarder fixement dans cet abîme, et si, comme des femmes, nous n’en détournions pas les yeux.
Il n’a pas cette force aquiline qui perce le bleu de l’éther. […] à force d’y tomber, les feuilles mortes peuvent tuer les racines.
C’est par là, en effet, — c’est par les attaches, les articulations, la grâce des mouvements, — et il n’y a jamais de force sans grâce, — que pèche le vers de M. […] Dans le moindre canevas (ses Soldats ne sont qu’un poème de quelques pages), il entasse deux cents tours de force qui ne sont pas des tours d’adresse.
donnez-moi la force et le courage De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût ! […] Ce qui empêchera le désastre de ce poison, servi dans cette coupe, c’est sa force !
Lamartine est le Virgile de la civilisation chrétienne par la profondeur des sentiments, et c’est un Virgile d’une bien autre force poétique par les facultés. […] Seulement, elle ne fut pas de force à monter avec le poète jusqu’à la hauteur de ses Harmonies, et comme, plus tard, il devait rester au plafond où il avait voulu siéger seul, le poète resta seul aussi dans son ciel… Ce qu’il y avait d’amour humain dans ses Méditations avait saisi toutes les âmes et touché tous les cœurs, mais l’amour de Dieu est d’une grandeur et d’une beauté plus incompréhensibles à la majorité des hommes.
Et cependant, il n’est pas pour cela, et il est impossible de le croire, une originalité pure, une spontanéité, une force de talent vierge ; il ne s’est pas donné seulement la peine de naître, il s’est donné celle de bien autre chose ! […] Jules Janin, réduit aux forces personnelles de son esprit, n’aurait pas probablement trouvée tout seul.
Telle est la marque distinctive du livre présent de MM. de Goncourt, — la tension qui fausse et casse tout ; la violence qui n’est que la force de la faiblesse. […] A force de vouloir lui faire faire ce à quoi répugne son génie vigoureux, net, leste et d’une sobriété si fière, la langue française un jour n’y tiendra plus, et il ne leur en restera que le panache et les caparaçons dans la main.
D’ailleurs, le régime de la terreur était dans toute sa force, et les inquiétudes causées par les affaires publiques ôtaient toute importance aux intérêts privés. […] Ses traits étaient beaux, et la majesté et la douceur mêlée de force de sa physionomie inspiraient tout à la fois le respect pour sa personne et un vif désir de le connaître. […] David était pâle, sans forces, au moment où il obéit à la voix de Doyen. […] « Que cette image, imposante par son caractère de force et de simplicité, porte en gros caractères sur son front : Lumière sur sa poitrine : Nature, Vérité ; sur ses bras, Force, Courage. […] La réaction du parti royaliste contre la révolution agissait sourdement, mais avec force.
Et ce fut d’une telle force, que malgré le temps écoulé, sa blessure est toujours sensible. […] C’est sans grande force, joli, délié, un peu menu, aux teintes effacées. […] Il déclama une ode du jeune poète, avec un son de voix contrefait et force simagrées. […] Là où le soleil est plein de force naissent les pierres vertes ou noires, et dans les lieux sombres, les rouges. […] Je trouve bien ici mes pas avec les siens, Mais non pas, dans mes vers, sa force et son génie !
Nous n’aimons pas les tours de force et nous pensons qu’ils ne portent profit à personne. […] Il a été ingénieux, passionné, dans la mesure de ses forces. […] Elle était tout ce qu’elle devait être pour réaliser vos prévisions ; mais pour réaliser celles du poète, elle attendait le surcroît de force qu’il vient de lui donner. […] Il est seul, ignoré ; il n’a pas encore eu le temps ou la force de se révéler ; il rêve la gloire et ne sait pas s’il l’atteindra. […] Oui, le poète et le critique, lorsqu’ils fondent chacun leur puissance, vivent dans une égalité fraternelle ; et cette égalité fait leur force.
La route de Châtillon était déserte, le crépuscule tombait, il aurait très bien pu m’empoigner de force et m’emporter. […] Avec ma turbulence ordinaire, je m’élançai pour la pousser et j’appuyai, de toute ma force, mes deux mains contre la vitre. […] En attendant, ils te prennent de force. […] Elle voulut me repousser, mais les sanglots l’étouffaient et lui ôtaient toute force. […] Flaubert lui-même était attendri ; leur influence fut vaine et je dus céder à la force.
C’est avec des déductions de cette netteté et de cette force que M. […] Une force n’agit pas sur soi-même, mais sur d’autres forces. […] Une petite nouveauté venant de très loin peut fort bien valoir, en force utile, une innovation plus considérable, mais d’origine trop prochaine. […] A force de comparer les vierges à des colombes, les chrétiens avaient fini par voir la métamorphose de la vierge en colombe. […] Que de belles leçons de simplicité et de force il en eût tirées !
Tout le monde convient déjà qu'il est impossible de réunir plus de connoissances, de sagacité, d'érudition, plus de force & de clarté dans l'expression, qu'il en a mis dans les Discours & les Notes qui accompagnent cette Traduction.
La vivacité de son esprit & la force de son imagination rendoient son style pittoresque.
Il a manqué de cette force de génie qui, si elle ne résout pas les problèmes, les pose du moins avec tant d’autorité que l’esprit humain, même en désespérant de les résoudre, n’en peut pas détourner les yeux. […] Qui fait la force des religions, si ce n’est la tradition et l’unité ? […] L’homme supérieur, qui s’est fait des disciples par quelque vue de son sens propre, n’a plus la force de les retenir dans la tradition. […] Il critique l’acquisition de Strasbourg : il eût fallu, selon lui, faire réparation à la Hollande pour la guerre de 1672. rendre Valenciennes, Cambrai, Strasbourg, quoique Louis XIV les eût moins conquises par ses armes que reçues de la force des choses. […] Où Bossuet cesse de voir la vérité, on sent que c’est notre nature qui fléchit, comme sous une recherche au-dessus de ses forces.
À force, vous cédez et finissez par consentir à communier ma douleur. […] Le symboliste a conservé la force de s’indigner en face des lieux communs bourgeois, de pourfendre les images banales, de pulvériser le plâtre des métaphores creuses, et sa poésie se dresse devant nous comme le plus noble effort tenté depuis le romantisme pour rajeunir le verbe, calquer le mot sur l’état d’âme correspondant, serrer jusqu’au contact la sensation. […] Désormais on ne fera plus subir à la pensée de cruelles mutilations pour la comprimer de force dans une forme préétablie. […] Il invente un système de notations arbitraires, qui sont comme les leviers par où l’activité humaine plonge dans les choses et, avec une force centuplée, les plie à ses desseins. […] Gustave Kahn avait déjà émis la même idée, presque banale à force d’évidence : « N’est-il pas étonnant qu’au milieu de l’évolution perpétuelle des formes, des idées, des frontières, des négoces, des forces motrices, des hégémonies, d’un perpétuel renouvellement du langage…, seul le vers reste en général immobile et immuable ?
Nous voulons savoir comment, étant donnés un jardin et des abeilles, une ruche se produit, quels sont tous les pas de l’opération intermédiaire, et quelles forces générales agissent à chacun des pas de l’opération.
Le premier Ouvrage est caractérisé principalement par la force du raisonnement, l’enchaînement des preuves, la grande méthode qui y regne, & par un style plein de chaleur & d’énergie.
Le principal caractere de sa Poésie, n’est ni la force ni l’enthousiasme, qualités cependant nécessaires au genre lyrique ; elles sont remplacées, autant qu’elles peuvent l’être, par la pureté, l’élégance, l’harmonie, le naturel & l’aisance de la versification.
FORCE, [Charlotte-Rose de Caumont, Demoiselle de la] née en Guienne en 1650, morte à Paris en 1724.
On voit, dans une de ses Pieces, intitulée la Force du sang, une fille enlevée de chez son pere, au premier acte, qui, au second, paroît dans la maison du Ravisseur ; elle accouche d’un fils, au troisieme ; ce fils, au quatrieme, se trouve âgé de sept ans, & au cinquieme acte, est reconnu par son pere.
La lecture des Vers de Racine & de Boileau, lui auroit inspiré ce goût qui manquoit à ses talens ; & à en juger par les morceaux d’élévation & de force, qu’on admire dans son Poëme, il occuperoit un des premiers rangs parmi les Poëtes sublimes.
Il imite parfaitement le tour d’expression, le nombre, & l’abondance quelquefois verbeuse de Cicéron, qu’il s’étoit proposé pour modele ; mais il n’a ni la force, ni l’éloquence, ni la richesse des pensées de l’Orateur Romain.
Pour se tirer d’un pareil sujet, il eût fallu la force d’idées, de couleurs, et d’imagination de Rubens, et tenter une de ces machines que les Italiens appellent opera da stupire.
Pour Buffon, la nature paraît être l’ensemble des forces dont se compose la vie de l’univers. […] Je sentais cette inconséquence dans toute sa force. […] … La baleine a cédé à la force de l’impression… Empreintes délicieuses, que je vous baise mille fois ! […] La piquante Claire, à force d’avoir été la confidente et la complice des amours de Julie, s’est brûlée à la flamme. […] Il faut substituer la loi à l’homme ; armer les volontés générales d’une force réelle, supérieure à l’action de toute volonté particulière.
Cette exaltation à toute force et à tout propos de l’esprit français par Nisard finit par impatienter et par jeter dans l’excès contraire. […] Ils prennent l’inhumanité pour le signe de la force. […] La force sociale, dans ces sortes de remuements, est sourde ; elle agit comme ferait une loi physique. […] Sa fureur de plaisirs lui retirait de ses forces. […] La force et l’activité avant tout !
Ce qui fait la force de ce groupe si vivant, c’est la richesse et la diversité. […] Rency, mais il vaut surtout par la force des émotions, leur extrême abondance, leur singulière pureté. […] Son héros cependant ne s’intéresse pas à ses occupations, il a la secrète conscience que son âme habite loin de lui, que toutes ses forces virtuelles ne sont pas utilisées. […] Il s’est voué à l’étude des poètes anciens, sa verve s’est desséchée quelque peu et, à force d’avoir trop de scrupules, il s’est souvent stérilisé. […] On le devine facilement ; son but véritable, son but immédiat était de ternir la mémoire napoléonienne, d’abaisser cette ancienne gloire, dont le troisième Empire tirait sa force et tout son éclat.
Après sa querelle avec le cardinal, son peu de fortune le force à rentrer à Rouen. […] Ce sont gentillesses de même force que celles de Lazarille de Tormes, si vous voulez. […] Et, comme Minerve donne à Ulysse la sagesse et la force, l’énigmatique abbé livre à Dantès le trésor du cardinal Spada. […] D’où le drame : Au-dessus des forces humaines, qui passe pour son chef-d’œuvre. […] Zola, cet accablement même nous fait sentir, je ne sais comment, la force du peintre.
C’est la force attractive, pour ainsi parler, du type qui a une fois plu. […] Mais, naïf, ou emporté par la force de la vérité, Molière le dit lui-même ! […] Ne sachant plus nourrir la force du comique et des caractères, on a renforcé l’intérêt de l’amour. […] … Force-t-on vos filles à perdre leur temps en niaiseries ? […] Voulez-vous, pour ajouter cette pièce à votre thèse, habiller une de ces forces naturelles en préjugé ?
., toute une bande de jeunes poètes de la dernière heure qui rêvent, cherchent, essayent, travaillent de toute leur âme et de toute leur force, et ont au moins ce mérite de ne pas désespérer d’un art que semble abandonner le public.
C’est, au contraire, le nombre des cordes qui fait la force de sa lyre.
On trouve dans ses Odes, de la force, de l’enthousiasme, & de la poésie.
La méthode, le nombre, l’onction, & souvent la force unie à l’élégance, distinguent ses Ecrits de ceux des autres Ecrivains de Port-Royal, dont il se rapproche cependant quelquefois par la diffusion & le fond des principes défendus si opiniâtrément par cette Ecole célebre.
Elle a beau faire des tours de force pour justifier sa foiblesse, on n’y découvre plus que les prestiges d’une conscience qui veut s’étourdir sur ses fautes, mais qui n’en imposent point au Juge impartial qui doit les condamner.
C’est ainsi qu’il a écrit son Histoire de Venise, où il compare en ces termes, cette République à celle de Gênes : « C’étoient comme deux tourbillons qui, gênés l’un par l’autre dans leur rencontre, menaçoient incessamment de s’absorber l’un & l’autre par des forces incompatibles de leur expansion ; dominant l’un & l’autre sur deux mers opposées, l’endroit où elles se réunissent étoit pour eux un centre de concurrence, où ils ne portoient qu’une détermination décidée à se croiser. » Ce galimatias n’est-il pas du Diderot tout pur ?
L’Italie était alors le centre et comme la force motrice de la civilisation. […] Le sang du patriciat romain qui coule dans ses veines donne à son visage un caractère de force et de fierté. […] il me faut répandre ailleurs ma lyre, Et force m’est ici de me restreindre un peu. […] Presque aussitôt, dans un surprenant instinct de sa force, elle s’insurge contre toutes les oppressions qu’elle a subies depuis deux siècles. […] Comme tous les êtres bien doués de force et de jeunesse, Gœthe veut le bonheur.
Trois pourtant des sept cavaliers, les mieux montés, lui dirent adieu et, donnant de l’éperon, lui échappèrent ; les quatre autres le suivirent, non sans lui avoir mis en main la cornette blanche semée des croix noires de Lorraine, l’étendard principal de l’armée ennemie ; il n’était pas de force à la tenir longtemps, et il fut bientôt obligé de la confier à un page du roi qu’il rencontra. […] M. d’Andelot veut s’emparer de force de la cornette blanche qu’il voit aux mains du page, et qui est une dépouille d’honneur et de profit tout ensemble. […] Durant son voyage, les membres du Conseil des finances lui détachèrent de Paris mille crocs-en-jambe et mille obstacles : il ne se rebuta de rien, prit à partie les officiers qu’il inspectait, de gré ou de force se fit représenter les comptes de l’année courante et des trois précédentes, examina de près toutes les prétendues dettes et les arrérages, les titres et obligations de tous genres, tondit à son tour sur le vif au profit du roi, et fit tant qu’il rassembla bien cinq cent mille écus : De toutes lesquelles sommes ainsi par vous recouvertes vous fîtes dresser quatre petits bordereaux pour vos quatre généralités, où étaient spécifiées par recettes et natures de deniers toutes les sommes par vous voiturées, et iceux signés par les huit receveurs généraux des deux années dernières comme leur ayant été mis ès mains par les receveurs particuliers ; lesquels bordereaux vous portâtes toujours sur vous, et vous vinrent bien à propos… Vous aviez un équipage de soixante et dix charrettes chargées, pour ce que vous aviez été contraint de prendre quantité de monnaie ; à la suite desquelles étaient les huit receveurs généraux, accompagnés d’un prévôt et de trente archers pour l’escorte.
Entre en faire et en avoir, il y a loin ; mais c’est pourtant à force d’en faire qu’on en acquiert. […] Tout le monde connaît la force de l’espérance et de l’amour ; mais que peuvent ces vertus sans la foi, sans la confiance qui en doit être la base ? […] Fiez-vous à lui, mes très chers frères ; il vous guidera mieux, quand il s’agira de sentiment, que les grands raisonnements des philosophes, que la trompeuse expérience du monde, et que les sophismes dangereux de votre raison. » Ce bon frère continua, et je m’en allai parce qu’il commençait à m’ennuyer, et que mon instinct ne peut supporter l’ennui ; cependant j’ai entrevu dans son discours quelques vérités applicables à la petite fille… Ainsi traitait-on cette vieille enfant malade et qui avait tant abusé et mésusé dans sa jeunesse de la faculté d’aimer, qu’elle n’en avait plus la force ni la foi dans ses derniers jours : c’était du moins quelque chose, et mieux que rien, d’en avoir gardé, à ce point, l’inquiétude et le tourment.
Mais aujourd’hui, je le dis sincèrement, ma joie est mêlée d’une grande inquiétude ; cette vérité historique dont j’ai eu la révélation première, ai-je bien la force et le talent qu’il faut pour la communiquer ? […] Il en triomphe par force, par adresse, car il n’est pas si violent qu’on le dit ; il fait si bien, il joue si serré qu’il y a tel moment, à la Paix d’Aix-la-Chapelle (1668), où Turenne est obligé de le louer devant le roi, et où Colbert le remercie. […] — terrible à force d’expédients, qui tond et écorche impitoyablement les provinces conquises ; — un Luxembourg, tout l’opposé de Vauban pour les mœurs, tournant agréablement ses cupidités en railleries, roué, insolent, inhumain et fanfaron d’inhumanité ; et Louvois badine avec l’un, et il n’est pas révolté des exactions, des extorsions de l’autre, puisqu’elles vont au profit du roi : il semble que tout soit permis et légitime sur le territoire ennemi.
À la longue et à force d’habiter l’Italie, il perdit un peu l’air de France et le fil des idées du temps ; à force de craindre la pédanterie, il en contracta une d’une espèce particulière : c’était de vouloir être plus vif que nature et de professer le naturel en des termes qui semblaient un peu cherchés. […] Andrieux, dont on vient de publier les Œuvres, est un élève de Voltaire, ingénieux, spirituel et sans force ; tel il s’est toujours montré dans ses comédies, dont une seule est restée au théâtre, les Étourdis et dans ses poésies légères. […] d’idées et de phrases convenues : « Je regarde Dussault, disait-il, comme le Fiévée du classicisme, le meilleur avocat d’une vieille platitude. » Il appelait de tous ses vœux un digne adversaire et un vrai contradicteur : « Prions Dieu que quelque homme de talent prenne ici la défense du classicisme, et force ainsi les romantiques à faire usage de tout leur esprit, et à ne laisser aucune erreur dans leur théorie. » Il écrivait cela de Milan en 1819, et en vue du romantisme italien de Manzoni.
Ducis, avec qui il avait quelque parenté de talent et d’origine, a dit dans un portrait qu’il a donné de lui : « Il aimait passionnément Molière, Montaigne et Shakespeare ; il y trouvait ce fonds immense de naturel, de raison, de force, de grâce, de variété, de profondeur et de naïveté qui caractérise ces grands hommes ; aussi, était-il né avec un sens exquis et une âme excellente : c’était tout naturellement qu’il voyait juste, comme c’était tout bonnement qu’il était bon. » On est sous Louis XVI, aux premières et belles années, sous un jeune roi plein de mœurs et de bon sens. […] C’est un de ces hommes comme il y en a eu de tout temps, qui n’ont pas assez de force pour être auteurs, mais qui valent mieux que la plupart des auteurs. […] C’était un athée vertueux, un M. de Wolmar, mais qui n’avait pas tout à fait la force de l’être et qui se dévorait lui-même.
Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] Ce ne fut pourtant qu’après 1848 et dans la réaction qui suivit que toutes les forces du parti se déployèrent, imposantes et déjà formidables. […] D’une part, je vois chaque année des milliers de jeunes gens qui sortent d’entre des mains ecclésiastiques, élevés avec soin et pourvus d’instruction sans doute, munis d’instruments précieux pour leur carrière, mais dénués aussi, je le crains, du sentiment fondamental de patrie et de nationalité, étrangers à toutes les notions et traditions qui faisaient depuis 89 ou même auparavant la force et la vigueur de nos pères, habitués par leurs maîtres à l’indifférence pour tout régime qui n’est pas le leur et dans leur sens ; car ce parti a une maxime commode, invariable : il adopte tout ce qui le sert et tant qu’on le sert, pas au-delà.
Les juges, à force d’examiner et de voir de près, achevèrent de se former. […] Diaz, dit-il, vit dans un petit monde enchanté où les couleurs s’irisent, où les rayons lumineux traversent des feuillages de soie, où les objets sont baignés d’une atmosphère d’or ; le ciel ressemble à l’or bleu du col des paons, les gazons se mordorent, la terre scintille comme un écrin, les étoffes miroitent ou s’effrangent en fanfreluches étincelantes, etc., etc. » Il vous montre, en un mot, Diaz tel qu’il était en cette première manière ; à force d’être exact, il le contrefait et le grime : voyez, jugez ensuite ! […] Car vous noterez encore que ce qui paraît un tour de force n’en est pas un pour lui : on croirait que ce style savant et dont chaque mot a sa valeur de ton est des plus travaillés, il est improvisé et facile ; il coule de source.
Esprit, bon sens, propriété d’expression, raison piquante, grâce naïve, tout cela coulait sans étude entre des dents d’ivoire et des lèvres rosées : force était de s’y résigner. » Le portrait est brillanté, mais convenez qu’il est des plus jolis. […] Il y a bien longtemps que je ne vous ai écrit ; mais aussi je ne touche guère la plume depuis un mois, et je crois que je prends quelques-unes des inclinations de la bête dont le lait me restaure : j’asine à force et m’occupe de tous les petits soins de la vie cochonne de la campagne. […] Dis-moi, connais-tu des moments plus doux que ceux passés dans l’innocence et le charme d’une affection que la nature avoue et que règle la délicatesse, qui fait hommage au devoir des privations qu’il lui impose, et se nourrit de la force même de les supporter ?
Le moment sera affreux, mais j’ai du courage, et pourvu que les honnêtes gens nous soutiennent sans s’exposer inutilement, je crois avoir assez de force en moi pour en donner aux autres. […] Adieu, mon cœur… » Je ne sais trop si, en effet, dans les premiers jours de cette installation à Paris, la famille royale ne crut pas avoir été amenée par force à prendre le meilleur parti et si la reine elle-même ne se flatta point de pouvoir agir de près sur les esprits ; mais on dut vite s’apercevoir que la situation était et restait affreuse. […] Je reconnais bien là votre cœur, et je vous remercie de toutes mes forces ; mais, pardonnez-moi, je vous en conjure, si je continue à me refuser à votre conseil de quitter : songez donc que je ne m’appartiens pas ; mon devoir est de rester où la Providence m’a placée et d’opposer mon corps, s’il le faut, aux couteaux des assassins qui voudraient arriver jusqu’au roi.
C’est par de telles recherches et par les jours nouveaux qu’elles procurent plus sûrement que par des saillies paradoxales et par des tours de force de diction qu’on parvient à rajeunir de vieux sujets. […] A l’âge où le génie doit être dans toute sa force et fructifier dans sa maturité, ils ont déjà comme épuisé la nature, et ils tendent les bras à la muse, qui s’enfuit plus vite encore que la jeunesse. […] Je n’admettrai jamais qu’en poésie (autrement qu’une fois par hasard et comme tour de force) on se mette à peindre des pots cassés, des chaudrons, ou, si vous voulez, des porcelaines, uniquement pour le plaisir de les peindre.
Il y a plus de force qu’il ne semble dans cette tenue constante de caractère, de méthode et d’école, au milieu d’une époque si diversement agitée. […] De quelque côté qu’on se place pour le juger, je le répète, il y a de la force dans cette réserve. […] Sa persévérance si remarquable et cette force réelle dont j’ai parlé consistaient plutôt à suivre sa ligne en tenant compte habilement des obstacles, et même à s’en faire au besoin des points d’appui, des occasions de diversité.
Certes, une femme qui, mêlée dès sa jeunesse aux Ménage, aux Godeau, aux Benserade, se garantit, par la seule force de son bon sens, de leurs pointes et de leurs fadeurs ; qui esquive, comme en se jouant, la prétention plus raffinée et plus séduisante des Saint-Évremond et des Bussy ; une femme qui, amie, admiratrice de Mlle de Scudéry et de Mme de Maintenon, se tient à égale distance des sentiments romanesques de l’une et de la réserve un peu renchérie de l’autre ; qui, liée avec Port-Royal et nourrie des ouvrages de ces Messieurs, n’en prise pas moins Montaigne, n’en cite pas moins Rabelais, et ne veut d’autre inscription à ce qu’elle appelle son couvent que Sainte liberté, ou Fais ce que voudras, comme à l’abbaye de Thélème ; une telle femme a beau folâtrer, s’ébattre, glisser sur les pensées, et prendre volontiers les choses par le côté familier et divertissant, elle fait preuve d’une énergie profonde et d’une originalité d’esprit bien rare. […] Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre. […] « La joie de l’esprit en marque la force, » écrivait en ce temps Ninon à Saint-Évremond.
Parmi les courtes Réflexions chrétiennes tracées de sa main, il en est sur les passions, la force, l’indulgence. […] » Plus loin elle implore la crainte de Dieu comme un aiguillon de la paresse et de la langueur ; elle demande la force, car, dit-elle, ce manque de force est un des grands dangers des conversions tardives.