Description brève de ce lieu de plaisir : le jardin éclairé par des verres de couleur, les bosquets, qu’on dirait en zinc découpé, la cascade et la grotte en carton sous laquelle on passe… Il remarque, parmi les promeneuses, une fille d’allure effarouchée, l’air minable, vêtue d’une méchante robe et coiffée d’un énorme chapeau, très voyant, qui fait que les hommes se retournent sur son passage avec des rires et des plaisanteries.
Ce qu’on aime, c’est la ciselure, le relief, la couleur, la sonorité du vers.
Il eût pu, à la vérité, emprunter d’autres couleurs sur la même palette, et jeter ici quelques bonnes pages bien philanthropiques, dans lesquelles — en côtoyant toutefois avec prudence un banc dangereux, caché sous les mers de la philosophie, qu’on nomme le banc du tribunal correctionnel — il eût avancé quelques-unes de ces vérités découvertes par nos sages pour la gloire de l’homme et la consolation du mourant ; savoir : que l’homme n’est qu’une brute, que l’âme n’est qu’un peu de gaz plus ou moins dense, et que Dieu n’est rien ; mais il a pensé que ces vérités incontestables étaient déjà bien triviales et bien usées, et qu’il ajouterait à peine une goutte d’eau à ce déluge de morales raisonnables, de religions athées, de maximes, de doctrines, de principes qui nous inondent pour notre bonheur, depuis trente ans, d’une si prodigieuse façon qu’on pourrait — s’il n’y avait irrévérence — leur appliquer les vers de Regnier sur une averse : Des nuages en eau tombait un tel degoust, Que les chiens altérés pouvaient boire debout.
Par exemple, si je récite la série des nombres, ou l’alphabet, si je repasse dans ma mémoire les notes de la gamme ou les couleurs du spectre, les phénomènes ne se déroulent dans mon imagination que dans un ordre unilatéral et sans aucune rétrogradation.
Delbousquet, ils apportent par un choix d’expressions locales plus de couleur à la langue nationale.
Quand il s’adresse au public, il prend des tons de général Bonaparte à la bataille des Pyramides ; en particulier, l’homme se montrait parfois aussi inquiet sur la durée de son œuvre qu’un grand artiste qui constate que les couleurs qu’il emploie détruiront sa toile et ne laisseront guère plus de traces du tableau que si un liquide corrosif y avait été jeté.
C’est ainsi qu’un homme, dont la vûë porte loin, reconnoît distinctement d’autres hommes à la distance de cent toises, quand ceux qui sont à ses côtez discernent à peine la couleur des habits des hommes qui s’avancent.
Les meilleures couleurs de nos palettes ne sont jamais que le sang qui coula de nos cœurs… Seulement, ce que je lui reproche, c’est de n’avoir pas assez de souvenirs.
Louandre n’a été ni assez philosophe ni assez poète ; il a été de l’entre-deux, et c’est dommage… Car, s’il avait pris les choses seulement par le côté poétique, il aurait pu nous donner un livre où la science du chroniqueur et de l’antiquaire se serait mêlée à ce qui fait vivre les livres plus que la science elle-même : le style, la couleur, l’émotion !
Une influence utile parvient difficilement à se faire jour. » À coup sûr on s’indignerait, en lisant cela, s’il n’était pas de mauvais goût de se fâcher contre ce bon docteur, qui ne voit là qu’un moyen d’attraper quelques votes d’esprits chagrins, et qui, une fois nommé, reverra en couleur de rose, comme toujours !
Le poète, amoureux pendant si longtemps de la couleur, de la ligne et des mille nuances de la lumière, qui voulait peindre, comme Titien, la chair d’opale de sa maîtresse et ses … cheveux dont l’or blême frisonne Et se poudre d’argent sous les rais du soleil… cesse tout à coup, dans le dernier livre de ses sonnets de jouer cette gageure enragée qu’exprimait Shakespeare quand il parlait de dorer l’or et de blanchir les lys, et le voilà qui n’a plus souci que de la seule qualité d’expression que Dieu ait permise aux poètes !
Belmontet55 Un livre de poésies, annoncé seul dans un bulletin bibliographique exclusivement consacré aux ouvrages en prose, doit produire un effet inattendu et un contraste, comme si l’on plaçait une pierre d’une autre espèce dans une mosaïque dont les marbres ne différeraient, jusque-là, que par les couleurs.
. — J’ai grondé le lis qui avait pris la blancheur de ta main, — et l’œillet qui avait dérobé la couleur de tes cheveux. — Les roses craintives étaient debout sur leurs épines ; — l’une rouge de honte, l’autre pâle de désespoir ; — l’autre ni rouge ni pâle, et qui à son double larcin — avait ajouté ton haleine. — J’ai vu encore d’autres fleurs, mais pas une — qui ne t’eût pris sa couleur ou son parfum201. » Mièvreries passionnées, affectations délicieuses, dignes de Heine et des contemporains de Dante, qui trahissent de longs rêves exaltés, toujours ramenés sur un objet unique. […] La mer entière passerait sur elles qu’elles garderaient la couleur du meurtre. « Ah ! […] Nous teignons de la couleur de nos pensées la nature entière ; nous faisons le monde à notre image ; quand notre âme est malade, nous ne voyons plus que maladie dans l’univers. « Cette admirable construction, la terre, me semble un stérile promontoire. […] Lorenzo enlevait Jessica, Shylock était frustré de sa vengeance, les amants de Portia échouaient dans l’épreuve imposée ; Portia déguisée en juge prenait à son mari l’anneau qu’il avait promis de ne jamais quitter : ces trois ou quatre comédies, détachées, confondues, s’embrouillaient et se déroulaient ensemble, comme une tresse dénouée où serpentent des fils de cent couleurs. […] De là cette psychologie involontaire et cette pénétration terrible qui, apercevant en un instant tous les effets d’une situation et tous les détails d’un caractère, les concentre dans chaque réplique du personnage, et donne à sa figure un relief et une couleur qui font illusion.
Elle est lustrée, et, suivant le mot d’Homère, « éclatante, couleur de vin, ou couleur de violettes » ; les roches roussies de ses côtes enserrent sa nappe luisante dans une bordure ouvragée qui semble le cadre d’un tableau. […] Délicatesse de la perception, aptitude à saisir les rapports fins, sens des nuances, voilà ce qui lui permet de construire des ensembles de formes, de sons, de couleurs, d’événements, bref, d’éléments et de détails si bien reliés entre eux par des attaches intimes, que leur organisation fasse une chose vivante et surpasse dans le monde imaginaire l’harmonie profonde du monde réel. […] C’est la Troade, l’île d’Ithaque, les côtes de la Grèce ; encore aujourd’hui on le suit à la trace, on reconnaît les formes des montagnes, la couleur de la mer, les sources jaillissantes, les cyprès, les aulnes où nichent les oiseaux de mer ; il a copié la nature stable et subsistante ; partout chez lui on pose le pied sur le sol solide de la vérité. […] Rassasié et dispersé comme il est, il demande à l’art des sensations imprévues et fortes, des effets nouveaux de couleurs, de physionomies et de sites, des accents qui à tout prix le troublent, le piquent ou l’amusent, bref, un style qui tourne à la manière, au parti pris et à l’excès. […] D’autres traces de son origine étaient la couleur de ses yeux glauques et le choix de son oiseau, le hibou, dont les prunelles, la nuit, sont des lumières clairvoyantes.
D’une façon générale, nous préférerions le Voyage en Grèce de Pierre Lebrun qui se distingue par une plus franche couleur. […] La passion saigne et crie, et pourtant le symbolisme du sujet, la couleur orientale, prêtent à cette passion une ampleur, une dignité que la poésie personnelle eût difficilement atteinte. […] Corriger l’effet d’un scandale, atténuer par les teintes grises une couleur trop crue, telle est par trop visiblement l’intention de l’auteur. […] Victor de Laprade venait accomplir un rêve que ce même André Chénier n’avait qu’en partie réalisé : traiter des sujets antiques avec une forme et une couleur qui pussent se rapprocher des modèles grecs et revêtir de cette forme et de cette couleur des « pensers nouveaux », c’est-à-dire interpréter dans un sens moderne et philosophique des mythes anciens vraiment éternels. […] Toute l’inanité des grandeurs humaines tient dans ce poème où, par un phénomène remarquable, la couleur produit la rêverie.
Je partais de la manière harmonique, non plus mélodique, de ses poèmes que nous disions d’essai, et du passage de l’Avant-propos que résumait la phrase : « Dans une phrase passera la musique de la Vie : musique de saveurs, de couleurs, d’odeurs, de rumeurs ». […] Quant à la prétendue couleur que représente une lettre, et la pseudo-ressemblance entre le son et la nuance, les Parnassiens avaient inventé cet enfantillage. […] René Ghil, c’est que le son peut se traduire en couleur, et réciproquement la couleur en son : A éveille l’idée des orgues, E de la harpe, I des violons, O des cuivres, U des flûtes. […] De même qu’il entre-mêle les sons et les couleurs, il ne distingue guère mieux, tout à coup, les deux noms : André Gill et René Ghil l’explication en étant, que, sans souci du son « Gh », il devait prononcer « Gil » le mien. […] Ses couleurs n’ont point l’intensité lumineuse dont éclate Baudelaire : moins distinctes, elles se nuancent davantage, vont, concurremment avec le Verbe moins pleinement sonore, à une musicalité mélodieuse.
Et le beau valet Constant chevauchait un cheval baillet couvert d’un drap de couleur azurée, « etc., etc. […] Il a défini lui-même ses livres des « essais pimpants, irradiés de couleurs gaies, qui chassent de l’œil la monotonie du noir. » La définition est un peu subtile, mais elle dit bien l’auteur. […] En tels endroits, sa peinture n’est qu’une juxtaposition de couleurs qu’il n’a pris ni le temps, ni le soin de fondre. […] Il en est pour elle des couleurs comme des lignes : elle ne se représentera pas plus l’intérieur d’un kaléidoscope que les mille côtés d’un chiliogone106. […] L’abus de la pompe, l’étrangeté de la métaphore, un vocabulaire neuf où les harmonies se combinent avec les couleurs et les lignes : caractéristiques de toute renaissance… » (Manifeste des symbolistes.)
Tout en aimant beaucoup l’homme, impatienté par ce blasphème, je l’interromps soudain, et lui demande, à brûle-pourpoint, la couleur du papier de son salon. […] Un de mes amis, de couleur très rouge, voit dans ce qui se passe, une ère nouvelle. […] Il nous fait voir des esquisses des rues de Paris, du quartier Mouffetard, des abords de Saint-Médard, où l’enchantement des couleurs grises et barboteuses du plâtre de Paris semble avoir été surpris par un magicien, dans un rayonnement aqueux. […] Parfois au milieu de cette dévastation, la surprise de rencontrer, attaché à une maison demi-écroulée, un grand rosier grimpant, qui bouche du fleurissement de ses roses, de la gaieté fraîche de ses couleurs, les fissures béantes et les débris pendants. […] La ruine est magnifique, splendide, inimaginable : c’est une ruine, une ruine couleur de saphir, de rubis, d’émeraude, une ruine aveuglante par l’agatisation qu’a prise la pierre cuite par le pétrole.
Musset savait mieux que personne ce que valait la couleur locale ainsi comprise ; il venait de faire sa description du Tyrol, dans La Coupe et les Lèvres, avec un vieux dictionnaire de géographie. […] Ainsi, chez Théophile Gautier, l’épithète est presque toujours purement matérielle, n’exprimant que la forme ou la couleur. […] Au travers de ces agitations, que Musset a peintes avec beaucoup de couleur, une sombre tragédie se déroule dans une âme éperdue, qu’elle remplit d’horreur et de désespoir. […] Et là-haut, il y a toutes ces femmes blondes, blanches, parées, couleur de rose, des plumes, des grosses boucles de cheveux, des bouquets, les épaules nues. […] Le poète emplumé croit posséder l’oiseau de ses rêves, assorti à sa couleur comme à son génie.
J’indique la précaution à prendre en lisant Saint-Simon ; il peut bien souvent y avoir quelque réduction à faire dans le relief et dans les couleurs. […] Est-ce à dire qu’un autre observateur et un autre peintre placé à côté du premier, mais à un point de vue différent, ne présenterait pas une autre peinture qui aurait d’autres couleurs, et peut-être aussi quelques autres traits de dessin ? […] Le paysage, en se réfléchissant dans ce lac aux bords sourcilleux et aux ondes un peu amères, dans ce lac humain mobile et toujours plus ou moins prestigieux, s’y teint certainement de la couleur de ses eaux.
Ils se figurent pour ainsi dire le monde mental avec le seul sens de la vue, comme un monde de formes, de dessins et de couleurs, le tout lumineux, mais sans chaleur, sans consistance et sans vie. […] Les phénomènes qu’étudient les sciences vraiment objectives — pesanteur, son, couleur, etc. — sont toujours, sans doute, des phénomènes pour un être sentant, pour un sujet auquel ils apparaissent ; mais, comme il n’importe nullement que ce sujet soit Pierre ou Paul, comme de plus ce n’est pas la relation au sujet qui est à étudier ici, mais au contraire l’objet, dépouillé autant que possible de cette relation, il en résulte qu’on abstrait la relation et qu’on la néglige. […] L’aveugle-né ne sait pas ce que c’est que l’écarlate, mais il peut d’avance se figurer, grosso modo, l’élément intensif de l’écarlate, abstraction faite de son élément qualitatif, si on lui dit que c’est une couleur plus intense que le vert ou le lilas.
Le désert lui fournit son sujet, son immensité, ses couleurs, ses images, son style. […] … Sous un soleil de plomb la terre ici fondue Pour unique ornement n’a que son étendue ; On n’y voit pas bleuir, jusqu’au fond d’un ciel noir, Ces neiges où nos yeux montent avec le soir ; On n’y voit pas au loin serpenter dans les plaines Ces artères des eaux d’où divergent les veines Qui portent aux vallons par les moissons dorés L’ondoîment des épis ou la graisse des prés ; On n’y voit pas blanchir, couchés dans l’herbe molle, Ces gras troupeaux que l’homme à ses festins immole ; On n’y voit pas les mers dans leur bassin changeant Franger les noirs écueils d’une écume d’argent, Ni les sombres forêts à l’ondoyante robe Vêtir de leur velours la nudité du globe, Ni le pinceau divers que tient chaque saison Des couleurs de l’année y peindre l’horizon ; On n’y voit pas enfin, près du grand lit des fleuves, Des vieux murs des cités sortir des cités neuves, Dont la vaste ceinture éclate chaque nuit Comme celle d’un sein qui porte un double fruit ! […] VI Tel que le nageur nu, qui plonge dans les ondes, Dépose au bord des mers ses vêtements immondes, Et, changeant de nature en changeant d’élément, Retrempe sa vigueur dans le flot écumant, Il ne se souvient plus, sur ces lames énormes, Des tissus dont la maille emprisonnait ses formes ; Des sandales de cuir, entraves de ses piés, De la ceinture étroite où ses flancs sont liés, Des uniformes plis, des couleurs convenues Du manteau rejeté de ses épaules nues ; Il nage, et, jusqu’au ciel par la vague emporté, Il jette à l’Océan son cri de liberté !
Pourquoi, par exemple, la couleur d’une fleur serait-elle plus sujette à varier dans certaines espèces d’un genre, si les autres, qu’on suppose avoir été créées séparément, ont des fleurs de couleurs diverses, que sitoutes les espèces du genre n’ont que des fleurs de même couleur ?
Mireille contient des pages étincelantes de poésie, riches d’images brillantes ; il n’y manque ni couleur, ni saveur exotique ; on se souvient, en lisant plus d’un chant de Mistral, que les Maures ont longtemps campé en Provence. […] le style d’Edmond de Goncourt est comme un maillot pour la pensée, il en moule les moindres accidents, il en conserve la couleur naturelle dans ses teintes les plus fugitives. […] … » Eline, à qui les couleurs revenaient dans les battements de sa respiration un moment interrompue, s’appuya au petit balcon, la main au-dessus des yeux, rougissante et nimbée de lumière. […] Au-dessus, la console est étroite et ne porte Qu’un vase du Japon couleur de feuille morte, Où sont peints dans du bleu les rayons d’un souci. […] On n’est pas de l’Académie si l’on s’imagine que ce vidangeur — aménité tout académique — sait écrire avec plus de couleur que M. de Falloux et avec plus de charme que le dernier des ducs admis en la noble compagnie, grâce aux titres littéraires que l’on sait, ou plutôt que l’on ne sait pas.
Les couleurs s’effacent en se multipliant. […] Il a trouvé, pour la peinture des Alpes des couleurs vraies, éclatantes sans crudité, variées sans mensonge, des lignes grandes sans monotonie, des masses imposantes sans exagération. […] Le presbytère de Valneige demandait d’autres couleurs, des nuances plus délicates, distribuées avec plus d’avarice ; M. de Lamartine n’a pas failli à cette partie de sa tâche. […] Son imagination, une fois rassasiée de couleur et de bruit, s’est renfermée sans regret dans le modeste enclos de Valneige. […] La diffusion, en atténuant la crudité des couleurs, ajoute à l’harmonie de la composition, et rend la lecture à la fois plus rapide et plus facile.
Les statues, les peintures, même les ruines, l’intéressent moins que les montagnes, les torrents, les champs, les couleurs du ciel et la mer. […] Fidélité absolue à la couleur des temps et à l’esprit des civilisations diverses. […] Mais faites attention que l’oreille et les yeux de ce sauvage sont merveilleusement sensibles à l’harmonie et à la couleur des mots. […] Il se défie de la couleur locale qui, selon lui, est une impasse où l’art n’a plus qu’à s’arrêter et à mourir. […] C’est la saison des couleurs ardentes ; qui s’éteignent vite, des renoncements qui dépouillent les cœurs et aussi des vendanges.
Les ennemis de Ramus le peignirent des plus odieuses couleurs. […] D’abord on ne peignoit qu’à fresque & à détrempe, avec un petit nombre de couleurs. […] Celle de peindre avec du crayon de couleur est une invention de nos jours(*). […] Montholon fut aussi mal reçu à vouloir défendre la société, que La Martelière fut applaudi pour la peindre des couleurs les plus affreuses. […] Ces mêmes religieuses qu’Arnauld avoit représentées comme des modèles de vertu, furent peintes des plus odieuses couleurs.
La dernière scène de son drame, la scène de la cathédrale (par parenthèse, la plus belle de toutes), est empruntée aussi à cet ordre de faits qui grandit Gœthe et, en lui communiquant de sa grandeur, montre combien naturellement il est petit par lui-même, ce caméléon littéraire qui se teint de la couleur de toutes les zones qu’il traverse. […] C’est cette absence d’âme, bonne pour la vie, mais un peu moins bonne pour le talent, qui probablement l’empêcha d’être coloré, dans ses livres, d’une couleur à lui, broyée sur une palette à lui. […] Quant à son Optique, sa Théorie des couleurs et sa Critique de Newton, la plus grande prétention de toute la vie de Gœthe, il faut voir dans son livre ce qu’en pense le professeur Faivre, malgré le coup de gong sur ses nerfs. […] Marat, avant d’être Marat, et n’étant encore que le médecin du chenil de Versailles ; Marat, qui, comme Gœthe, avait des aptitudes scientifiques, et qui a fait sur le feu, la lumière, les couleurs, des recherches qu’on respecte encore à ce qu’il paraît.
Clarté sans couleur, correction sans caractère, chaleur sans inspiration, c’est toute cette école. […] Freytag de prêter à sa ruine une couleur plus sinistre en y ajoutant le déshonneur. […] Freytag sait manier les couleurs sombres. […] Freytag sa couleur ; c’est la poésie qui forme le fond des caractères et des récits. […] Freytag, et c’est celui qui est peint des couleurs les plus vives : là est la comédie, là est le drame.
que la rose s’ouvre, étalant ses couleurs !
Il le surpasse de beaucoup par le ton et la couleur, lorsque, parlant d’une femme de sa connaissance que mademoiselle Voland jugeait coquette, il dit : « Vous vous trompez ; elle n’est point coquette ; mais elle s’est aperçue que cet intérêt vrai ou simulé que les hommes portent aux femmes, les rend plus vifs, plus ingénieux, plus affectionnés, plus gais ; que les heures se passent ainsi plus rapides et plus amusées ; elle se prête seulement : c’est un essaim de papillons qu’elle assemble autour de sa tête, le soir elle secoue la poussière qui s’est détachée de leurs ailes, et il n’y paraît plus. » C’est avec madame Legendre surtout que notre philosophe aime à marivauder, comme il dit, à l’égal de la fée Taupe de Crébillon.
C’est l’homme tel qu’on le voit, tel qu’il se montre ; ce sont les fortes couleurs, les beaux contrastes du vice et de la vertu ; mais on ne trouve dans l’histoire ancienne, ni l’analyse philosophique des impressions morales, ni l’observation approfondie des caractères, ni les symptômes inaperçus des affections de l’âme.
Il n’y a que des nuances à côté de cette couleur, et les poètes anciens ont si bien senti ce que cette situation avait d’épouvantable, que s’aidant, pour la peindre, de tous les contes allégoriques de la mythologie, ce n’est pas la souffrance seule du remord, mais la douleur même de la passion qu’ils ont exprimée dans leurs tableaux des enfers.
Théophile Gautier Chacun a lu Mirèio, ce poème plein d’azur et de soleil, où les paysages et les mœurs du Midi sont peints de couleurs si chaudes et si lumineuses, où l’amour s’exprime avec la candeur passionnée d’une idylle de Théocrite, dans un dialecte qui, pour la douceur, l’harmonie, le nombre et la richesse, ne le cède en rien au grec et au latin.
Le vers libre Je voudrais ici, sans m’attarder à des questions de technique, telles que la succession ou l’entrecroisement des Rimes féminines et masculines, la Consonne d’appui obligatoire, l’Hiatus proscrit sous couleur d’euphonie et autres entraves un peu byzantines, exposer quelques notions simples à propos du vers libre.
On donne, en Angleterre, le nom de théorie Berkeleyenne de la vision à celle qui distingue les perceptions naturelles de la vue (lumière, couleurs) des perceptions acquises (distance, mouvement, etc.), ces dernières étant induites et non perçues directement.
La violette disait à Julie : « Modeste en ma couleur, modeste en mon séjour, Franche d’ambition, je me cache sous l’herbe.
Le même Poëte qui peint les ravages des Barbares en Italie, n’a besoin que de changer de couleurs, pour tracer avec le même succès les douces & paisibles opérations de la Nature.
Le même Génie, si habile à dessiner les caracteres, étoit également supérieur lorsqu’il s’agissoit de leur donner les couleurs propres à les embellir.
Helmholtz a montré, dans son Optique physiologique, combien il y a de sensations visuelles dont nous ne nous apercevons pas : taches aveugles, mouches volantes, images consécutives, irradiation, franges chromatiques, changements marginaux de couleur, doubles images, astigmatisme, mouvements d’accommodation et de convergence, antagonisme des deux rétines, etc.
Outre ces couleurs affreuses dont on peignoit le duc dans la parodie, on y traita sa sœur indignement : Une sœur vagabonde, aux crins plus noirs que blonds, Va dans toutes les cours montrer ses deux tetons, Dont, malgré son pays, son frère est idolâtre.
Il n’y aurait point de manière ni dans le dessin ni dans la couleur, si l’on imitait scrupuleusement la nature.
Un mensonge superficiel et inanimé que n’a pu vivifier et réchauffer cette prétention à la couleur locale qui est une des ambitions du xixe siècle, et que l’écrivain a manquée comme tout le reste, précisément dans le sujet d’histoire qui semblait l’admettre le plus !
Ainsi, par exemple, au xviiie siècle, le roman sans couleur, sans profondeur et sans idéal, de l’abbé Prévost, dont le héros est un escroc et l’héroïne une fille de joie, n’a-t-il pas été vanté comme un modèle littéraire par l’immoralité reconnaissante d’une époque abominablement dégradée ?
Il avait essayé du rire, du rire à large fente, et il s’en est fait un comme à la scène on se fait une tête ; car naturellement, si j’en crois le livre que j’ai sous les yeux, il n’est pas un esprit gai ; il n’a pas la promptitude, et la sveltesse, et le pétillement et la couleur rose qui font ce qu’on appelle la gaîté, du moins comme on l’entend en France, le seul pays où on la comprenne.
L’art enfin des sous-entendus et des BLANCS (la critique en blanc : le blanc, c’est la couleur de l’innocence !)
Fénélon est sans nerf, sans pompe, sans couleur.
Mais, d’autre part, des surcharges de style, de fausses couleurs et quelques expressions douteuses renverraient l’ouvrage aux temps de décadence.
Il était déjà charmé de sa conversation ; mais il voulut le juger sur ses œuvres, et lui ayant remis des couleurs, du papier, des pinceaux, il l’invita à revenir bientôt avec un échantillon de son talent. […] Les pluies, que leurs pitons attirent, peignent souvent les couleurs de l’arc-en-ciel sur leurs flancs verts et bruns, et entretiennent à leur pied les sources dont se forme la petite rivière des Lataniers. […] Près de là croissaient des lisières de pervenche, dont les fleurs sont presque semblables à celles de la giroflée rouge, et des piments, dont les gousses, couleur de sang, sont plus éclatantes que le corail. […] Dès qu’elle paraissait, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu, quittaient leurs buissons ; des perruches, vertes comme des émeraudes, descendaient des lataniers voisins ; des perdrix accouraient sous l’herbe: tous s’avançaient pêle-mêle jusqu’à ses pieds, comme des poules. […] Des calebasses pleines de lait, des œufs frais, des gâteaux de riz sur des feuilles de bananier, des corbeilles chargées de patates, de mangues, d’oranges, de grenades, de bananes, de dattes, d’ananas, offraient à la fois les mets les plus sains, les couleurs les plus gaies et les sucs les plus agréables.
Ils jettent au hasard les formes et les couleurs, uniquement et sûrement guidés par une très fine sensualité des yeux. […] Mes dents, autrefois perles carrées, sont de couleur de buis et seront bientôt de couleur d’ardoise. […] Sarcey, et que j’altère indignement le tour et la couleur de sa parole vivante. […] Aussi ne trouverez-vous pas, dans Molière ni dans ses contemporains, beaucoup de morceaux de cette couleur. […] Il avait même une petite couleur philosophique ; et, si l’on me disait que M.
Votre vernis, trop faible, répond mal à la vivacité de mes couleurs. […] C’était un Peintre auquel il ne manquait que la couleur. […] Quel riche mêlange d’objets & de couleurs ! […] Il fallait ces couleurs brutes & locales pour peindre ce pays barbare. […] Les termes, les couleurs les plus propres semblent prévenir son choix.
Dumas à celle de ces grands prosateurs, elle n’a plus ni correction, ni couleur, ni mouvement. […] Cela se sent à la conviction avec laquelle ils ont entassé les erreurs de couleurs et de formes. […] Tout s’anime sous leurs mains ouvertes, tout prend une couleur, une odeur, un son. […] Huysmans a un style merveilleux de couleur et de relief. […] Pourquoi exiger là un mensonge couleur de rose et accepter ici les férocités de l’existence ?
La première demandait à la seconde si elle voyait la couleur des voyelles ; et la seconde demandait à la première si elle était un opéra fabuleux. […] Non pas les paysages exotiques, surchargés de couleurs : mais les chênes d’Angleterre, et les gazons. […] La fiction parfois, la falsification jamais ; aucun grossissement de lignes ; fidélité absolue à la couleur des temps et à l’esprit des civilisations diverses. […] Sa robe qu’aucun lien ne resserre et qui la pare sans la gêner, brille de couleurs plus diverses et plus vives que celles dont Phoebus peint la nue, quand il s’y joue avec tous ses rayons. […] Ce n’est pas assez pour moi de peindre la nature de ses vraies couleurs ; je donne de la réalité à la fiction même, et je crée tout ce que j’imagine.
La Saksa, c’est-à-dire une haute et immense pagode d’un rouge sombre, et une tour à cinq étages de même couleur, dominant un préau d’arbres centenaires tout rempli de boutiques et de monde. […] Claretie a su donner toutes les couleurs de sa palette. […] Quelle vivacité de couleurs dans cette étrange source de lumière bleue, dans cette illumination verte du second soleil, et dans ce rayonnement d’or fauve du troisième ! […] À ma droite les marais s’étendaient à perte de vue, à ma gauche la mer couleur de plomb se perdait dans les brumes qui masquaient la côte. […] Prudhomme dans leur simple couleur de chair ordinaire, bien qu’un pinceau logique y eût glissé du vrai violet.
Celle de Gautier s’extériorise dans des contours et des couleurs. Quand il pense au pot de fleurs qu’il va nous peindre, il en voit la couleur et la matière, le dessin du vaisseau et sa décoration. […] À lutter de rendu avec le relief et la couleur de ses visions, il aperçoit cette grande vérité qui dominera désormais sa poésie : celle de l’échelle des images. […] C’est à sa piété pour l’Oriental qu’il doit cette couleur étrangement riche de son imagination et aussi à ses inconscients atavismes. […] De fait, ce premier amour de Henri Heine teinta de sa sanglante couleur ses premiers poèmes, — ceux qui précèdent l’Intermezzo.
C’est la même matière religieuse, littéraire, le même fonds d’inspiration mélancolique ; c’est quelque chose d’harmonieux, de lyrique, d’élégiaque. » Retournons donc, s’écrie le jeune auteur, retournons, il en est temps, aux idées religieuses ; les littérateurs et les artistes ne peuvent rien sans elles. » Et ce sont çà et là, en accompagnement de cette croyance, des couleurs de mythologie grecque, des essais de peintures homériques, évandriennes, pastorales ; Antigone, Eurydice, tous ces noms favoris y ont des autels. […] Un poëme qui n’a pas été connu autant qu’il méritait de l’être, et qui rentre assez par quelques tons dans la couleur des débuts de M. […] Ballanche, l’expression d’un vif regret de ce que notre philosophe a presque toujours préféré l’exposition poétique à l’exposition scientifique, la figure à la démonstration, la couleur à l’évidence : « Car, ajoute M.
Si en ce moment je cherche ce que cette expérience a laissé en moi, j’y trouve d’abord la représentation sensible d’un araucaria ; en effet, j’ai pu décrire à peu près la forme et la couleur du végétal. […] Sitôt que nous sommes pris de ce désir, un premier besoin se déclare ; il y a des lacunes dans nos idées ; il faut combler ces lacunes. — Par exemple, la notion qu’un homme ordinaire a du corps humain est fort pauvre et incomplète ; il ne le connaît qu’en gros ; pour lui, c’est une tête, un tronc, un cou, quatre membres, de telle couleur et de telle forme ; cela lui suffit pour la pratique. […] Le manuel qu’il livre aux commençants a mille pages, et il faudrait je ne sais combien d’atlas et de volumes pour contenir la figure et l’énumération de toutes les parties qu’à l’œil nu il a constatées. — S’il arme son œil du microscope, ce nombre se multiplie au centuple ; Lyonnet n’a pas eu trop de vingt ans pour décrire la chenille du saule. — Au-delà de notre microscope, des instruments plus puissants accroîtraient encore notre connaissance ; il est visible que dans cette voie la recherche n’a pas de terme. — Pareillement, voici un corps inorganique, de l’eau ; l’idée que j’en ai est celle d’un liquide, sans odeur ni couleur, transparent, bon à boire, qui peut devenir glace ou vapeur ; rien de plus ; du groupe énorme des caractères ou propriétés physiques et chimiques qui s’accompagnent et constituent l’eau, je ne sais pas autre chose.
« Et je chemine solitaire pendant que mes cheveux changent de couleur, pensant en moi-même à ce qu’elle est aujourd’hui, et en quel séjour elle réside, et quelle félicité favorise ceux à qui il est donné de contempler sa ravissante vision. » V Mais en voici un qui porte sa date et son origine dans les exclamations de l’amant veuf de son amour, en revoyant vide le site où il a aimé. […] maintenant je t’aime, maintenant je t’honore, parce qu’avec la couleur de ta chevelure tu as enfin changé ta vie ! […] Je n’ai plus cet embonpoint et ces belles couleurs que vous m’avez vues à Venise.
Les romans modernes sont descriptifs, pittoresques, analytiques ; conçus généralement en une langue graphique et peinant à l’être, s’appliquant à dépeindre exactement et magnifiquement, en couleur et en relief, les lieux où se passe l’action, ils tendent surtout à présenter une image précise et impartiale de l’âme humaine conçue comme complexe, variable, aussi intéressante dans ses parties inférieures ou honteuses, dans ses laideurs, ses vices, ses passions, qu’en ses vertus et son énergie ; ils tendent encore à donner la connaissance minutieuse et renseignante du milieu social ou professionnel dans lequel se meut le protagoniste, du monde qui l’entoure, des intérêts qu’il prend du département de la vie commune auquel il participe ; et tous ces renseignements et ces analyses sont mis bout à bout au moyen d’une intrigue la plus simple, la plus ordinaire possible, réduite à n’être plus qu’une sorte de prétexte à lier entre eux les tableaux, les scènes, les traits de caractère, de façon que l’œuvre soit plutôt une étude de personnage et de mœurs, qu’un récit romanesque ou une effusion personnelle de l’auteur. […] Pickwick, dans Le Magasin d’antiquités, Dickens aborde le chapitre des comédiens errants ; dans Olivier Twist, il décrit le monde des voleurs et des filles de Londres ; dans les Temps difficiles, ce sont des ouvriers et une troupe d’écuyers ambulants ; chacun de ces tableaux de mœurs est assurément peint avec les couleurs les plus fausses et les plus faibles, et quand Dickens veut parler du grand monde, c’est encore en homme qui s’est plu à s’en faire une idée directement contraire à la réalité ; l’école de M. […] Dans La Petite Dorrit, quand Arthur Clennam, au retour d’une longue absence, parcourt la sombre et décrépite maison de sa mère, c’est l’idée que ce morne édifice est tombé en léthargie qui le hante et, s’il constate que tout, dans les silencieuses chambres, est terne, c’est pour se demander à quelle fleur, quel papillon, quelle gemme sont allées les couleurs mortes au mur.
Si nous étions encore poète, nous dirions : « Il y a dans la famille des végétaux, des plantes, des arbres, des arbustes à doubles fleurs dont la sève ne se noue jamais en fruits, précisément parce que la fleur double épuise l’arbuste ; plantes dont la seule destination est de peindre la terre d’un arc-en-ciel de riantes couleurs étendues sur les pelouses, les parterres, les forêts, et d’embaumer le printemps en livrant au vent d’été leurs corolles stériles. […] Il attira autour d’elle, dans un centre de société cosmopolite, le comte de Grammont, l’abbé de Saint-Réal, historien superficiel, mais entraînant, précurseur de Voltaire dans l’art de donner de la couleur et du mouvement au récit, Hamilton, le Saint-Évremond anglais, Waller enfin, l’Anacréon de la Grande-Bretagne. […] Cette beauté de madame Malibran existait par elle-même sans avoir besoin de formes, de contours, de couleurs pour se révéler.
Vouloir, par un calque minutieux et servile, prendre les images et les couleurs de Pindare ou de Sophocle afin d’en couvrir la simplicité évangélique, c’était un faux travail, un sacrilège pour le goût plus encore que pour la foi. Mais un meilleur dessein de ce même sophiste grec et de son fils, des deux Apollinaire et de leurs disciples, c’était de vulgariser dans la langue grecque le génie hébraïque, d’où sort, en partie, le christianisme même ; c’était d’enrichir la Grèce, en lui apportant un nouveau reflet des couleurs et des feux de l’Orient. […] Par le langage même, par une couleur d’expression toute païenne, Synésius, sous une réminiscence involontaire, s’éloigne encore plus du christianisme qu’il professe.
Il y a plus : en écrivant ce qui nous frappe, nous donnons des couleurs aux idées. Les couleurs se perdent avec le temps, et l’esprit, ne trouvant plus dans la mémoire que des objets décolorés, se ternit.
. ; et cependant, jusqu’à présent, du moins à mon avis, elle a été reproduite avec de fausses ou de vulgaires couleurs. […] L’une de celles qui me troublent le plus l’esprit vient du mélange d’histoire proprement dite avec la philosophie historique ; je n’aperçois pas encore comment mêler ces deux choses (et il faut pourtant qu’elles le soient, car on pourrait dire que la première est la toile, et la seconde la couleur, et qu’il est nécessaire d’avoir à la fois les deux pour faire le tableau) ; je crains que l’une ne nuise à l’autre, et que je ne manque de l’art infini qui serait nécessaire pour bien choisir les faits qui doivent, pour ainsi dire, soutenir les idées ; en raconter assez pour que le lecteur soit conduit naturellement d’une réflexion à une autre par l’intérêt du récit, et n’en pas trop dire, afin que le caractère de l’ouvrage demeure visible.
Et pour n’en citer qu’un exemple, dès la seconde strophe, Corydon suppose un jeune chasseur qui dédie à Diane la tête d’un sanglier et les cornes d’un cerf ; et, si ses chasses continuent à être heureuses, il promet à la déesse, au lieu d’un buste, un socle de marbre, d’où elle s’élancera en pied avec le cothurne couleur de pourpre. […] Pour peu qu’on prenne la peine de suivre et de refaire par soi-même, devant son Homère et son Virgile ouverts en regard, le petit travail délicat que je viens de décrire, on arrivera, comme moi, à rendre parfaitement compte de ce procédé accompli de la poésie studieuse et réfléchie du tendre Virgile : deux ou trois couleurs qui viennent se fondre en un seul rayon, deux ou trois sucs divers qui ne font qu’un seul et même miel.
Mme Des Houlières, qu’on voit de loin dans un costume couleur de rose, était triste : c’est une des personnes qui, avec le plus de moyens naturels d’être heureuse, eurent aussi le plus à se plaindre de la fortune. […] Elle-même avait pu assister déjà au changement de couleur de ses rubans, et elle essayait de les reteindre.
Mais on en conclurait à tort que le public verra juste ; car il reste encore à examiner l’état de ses yeux, s’il est presbyte ou myope, si, par habitude ou par nature, sa rétine n’est pas impropre à sentir certaines couleurs. […] Quand Corneille et Racine, à travers la pompe ou l’élégance de leurs vers, nous font entrevoir des figures contemporaines, c’est à leur insu ; ils ne croyaient peindre que l’homme en soi ; et, si aujourd’hui nous reconnaissons chez eux tantôt les cavaliers, les duellistes, les matamores, les politiques et les héroïnes de la Fronde, tantôt les courtisans, les princes, les évêques, les dames d’atour et les menins de la monarchie régulière, c’est que leur pinceau, trempé involontairement dans leur expérience, laissait par mégarde tomber de la couleur dans le contour idéal et nu que seul ils voulaient tracer.
Mais il s’y ajoute alors une raison nouvelle, la curiosité de démêler les variétés des sentiments et des mobiles, la curiosité de l’homme en soi : et tous les mémoires — ou les meilleurs — prennent alors tout naturellement la couleur d’un document psychologique. […] Il a une propriété, une vivacité singulières d’expression : plus de corps et de couleur que de délicate élégance, de la vigueur même dans la finesse ; de longues périodes chargées d’incidentes et de participes, un large emploi des pronoms, souvent bien éloignés du nom qu’ils ont charge de suggérer, des archaïsmes, de libres tournures : à ces dernières marques surtout, on reconnaît un style formé avant les Provinciales.
— Oui, je sais que la poésie n’est que sentiment, couleur et musique, et qu’elle n’a presque pas besoin de pensée. […] quelle couleur !
On sent des réminiscences du Giaour et du deuxième chant de Don Juan ; réminiscences habilement déguisées d’ailleurs sous des couleurs nouvelles. […] Parmi des refrains de Bohême, les hurlements de l’ours et le cliquetis incessant de sa chaîne ; partout des haillons aux couleurs criardes : ici des enfants et des vieillards à demi nus, là des chiens qui hurlent et aboient ; le violon ronfle, les roues grincent sur le sable, tout est sauvage, misérable, désordonné… » Sous le titre de Boris Godounov, Pouchkine a composé un drame historique dans la forme de ceux de Shakespeare, avec l’aventure du premier des faux Démétrius.
Le style, correct sans couleur, est ferme sans accent. […] Tout est couleurs, murmures, parfums, dans cette prose opulente comme la nature qu’elle décrit.
La mauvaise couleur d’un mouvement n’est jamais un argument décisif. […] De là vient un fait caractéristique, la couleur savante, poétique, littéraire de ce mouvement, depuis Arndt, Kleist, Sand, jusqu’à cette assemblée de docteurs, dont la maladresse et la gaucherie ont pu faire sourire l’Europe et compromettre, mais non perdre, une idée désormais fondée.
. — Tandis qu’elle versait sur la terre son sang couleur de safran, d’un trait de ses yeux elle saisit de pitié les sacrificateurs, belle comme dans les peintures ; et on voyait qu’elle voulait leur parler, comme aux jours où elle charmait par ses douces paroles les riches festins paternels. […] Il descend donc de son char ; il passe sur ce tapis dont la couleur crie le meurtre.
Il se lit traduire cet abécédaire national, et voici ce qu’il signifiait : — « La couleur et l’odeur s’évanouissent. — Dans notre monde, que peut-il y avoir de permanent ? […] Sa plaisanterie est de haute graisse, son impudence est haute en couleur, il rend en lazzi plaisants le vin qu’il avale.
M. de Chateaubriand, en 1814, était moins désabusé en effet qu’il ne voudrait le paraître, il espérait encore beaucoup, il espérait tout, et parlait de Louis XVIII en conséquence : « Il marche difficilement, disait-il de lui avec toutes les ressources et les complaisances du langage, mais d’une manière noble et touchante ; sa taille n’a rien d’extraordinaire ; sa tête est superbe ; son regard est à la fois celui d’un roi et d’un homme de génie. » Plus tard il empruntera, pour peindre Louis XVIII, quelques-unes des couleurs de Béranger ; mais alors, quand il attendait encore de ce roi impotent sa fortune politique, il le voyait ainsi dans sa majesté. […] Cet homme, qui s’est vanté depuis de n’avoir aucune affection pour les races royales, se déploya alors dans tout l’appareil de la sensibilité, se pavoisa de toutes les couleurs de l’oriflamme, pour exploiter politiquement, et au profit d’un parti, ce grand deuil monarchique.