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815. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Les établissements de l’espèce des cafés ne dataient guère que de ces années-là, et remplaçaient avantageusement pour les auteurs et gens de lettres le cabaret, où s’étaient encore enivrés sans vergogne Chapelle et Boileau. […] Avec un auteur aussi peu naïf que Jean-Baptiste, chez qui tout vient de labeur et rien d’inspiration, il n’est pas inutile de rechercher, avant l’examen des œuvres, quelles furent les idées d’après lesquelles il se dirigea, et de constater sa critique et sa poétique. […] présentement (1716), qui sache faire des vers marqués au bon coin. » Au même moment, il traite l’auteur du Diable boiteux comme un faquin du plus bas étage : « L’auteur, écrit-il, ne pouvoit mieux faire que s’associer avec des danseurs de corde : son génie est dans sa véritable sphère. » Réfugié à Bruxelles en 1724, il prie son ami l’abbé d’Olivet de lui envoyer un paquet de tragédies ; en voici la liste : elle serait plus complète et plus piquante, si Rotrou ne s’y trouvait pas : Venceslas, de Rotrou ; Cléopâtre, de La Chapelle ; Géta, de Péchantré ; Andronic, Tiridate, de Campistron ; Polyxène, Manlius, Thésée, de La Fosse ; Absalon, de Duché. […] Le pire, c’est que l’auteur manque d’idées et qu’il se traîne pour en ramasser de toutes parts. […] Juin 1829 Cet article, dont le ton n’est pas celui des précédents ni des suivants, et dont l’auteur aujourd’hui désavoue entièrement l’amertume blessante, a été reproduit ici comme pamphlet propre à donner idée du paroxysme littéraire de 1829.

816. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

L’auteur du Mondain, on le voit, était d’accord avec lui-même, et donnait raison à ses vers. […] « Il y a bien des moments où il est furieusement auteur. » Il y a bien des soupers qu’on n’égaie qu’en mettant sur le tapis l’abbé Desfontaines ou Jean-Baptiste Rousseau : « Oh ! […] Elle fut jouée : le public mourut d’ennui, et l’auteur de chagrin. » Voilà bien de l’esprit hors de propos. […] Elle mourut donc le 12 décembre 1758, en partie victime de sa sensibilité d’auteur. Lorsqu’elle passait à Cirey vingt ans auparavant, elle ne se doutait pas, en jugeant l’excès de susceptibilité de Voltaire, qu’elle serait un jour elle-même auteur à ce point.

817. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Le seul guide qui ne trompera pas, c’est une conscience affinée, respectueuse des âmes, et, pour tout dire, le tact chrétien de l’auteur. […] Il conduit les auteurs à ces mièvreries dont les petites pensionnaires elles-mêmes devinent le mensonge, puisqu’elles ne les relisent pas. […] L’auteur n’a pas eu l’ambition d’écrire pour un public d’adolescentes. […] À qui n’avons-nous pas entendu dire, non pas une fois, mais dix-fois : « Ce livre est mal fait, il a trop de descriptions. » À qui n’est-il pas arrivé de tourner négligemment trois ou quatre pages descriptives, et de reprendre plus loin, en corrigeant l’auteur, la narration interrompue ? […] C’est précisément ce qui a lieu lorsqu’un personnage de roman est amené par un auteur dans la clairière de la forêt.

818. (1887) La banqueroute du naturalisme

On n’ose plus être naturaliste ; on se défend de l’avoir été ; les plus ignorés eux-mêmes de ses disciples, les imitateurs qu’il ne se savait point, ont déjà commencé de trahir « le Maître. » Déjà, l’auteur de Charlot s’amuse et celui du Bilatéral, déjà MM.  […] Zola par lui-même, et de son naturalisme : à l’étude exclusive et continue des fonctions du cerveau, l’auteur de Pot-Bouille et de La Terre a substitué l’étude non moins exclusive et non moins continue des fonctions du ventre. […] Si le souvenir de Restif, dont je parlais tout à l’heure, troublait encore les nuits de l’auteur de Pot-Bouille, l’auteur de La Terre peut maintenant dormir tranquille : il a surpassé son modèle. […] Rosny, l’auteur du Bilatéral, médiocre imitation des mœurs et surtout du langage de Germinal et de L’Assommoir. […] En retirant sa faveur et son admiration à l’auteur des Rougon-Macquart le public les retirera-t-il à tant d’autres qui ne réussissent qu’aux mêmes conditions, par les mêmes moyens, et avec un peu plus d’habileté seulement que M. 

819. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

L’auteur est déjà un fort brillant écrivain. […] L’auteur n’y semble pas ignorer son originalité. […] Il ne prononça qu’une parole. » Mais l’auteur ne nous dit pas laquelle. […] L’auteur lui-même a dû le reconnaître. […] Elle avait été limitée d’avance par son esprit même, et par le rôle que l’auteur avait assumé.

820. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Les notes que l’auteur y avait jointes, écrites en 1820, et dans un esprit de justification religieuse et monarchique, servaient à séparer l’Essai de ce qui a suivi plutôt qu’à l’y rattacher. […] Dans les pages datées de 1811, comme dans celles de 1833, l’auteur de la grande tentative chrétienne et monarchique se sent toujours, mais il ne se pose pas en travers. […] L’illustre auteur s’occupe en ce moment, je pense, à compléter cette dernière partie de sa narration par l’histoire des deux ou trois années écoulées entre juillet 1830 et son premier départ pour Prague. […] Ces Mémoires sont de temps en temps entrecoupés par des prologues qui marquent les dates et les  situations contrastantes où l’auteur les composa. […] Mirabeau, avec qui l’auteur a diné plusieurs fois, et qu’il a souvent entendu, est peint de génie à génie.

821. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Pasdeloup dirigeait, pendant la première partie du concert ; l’auteur lui a succédé, pendant la seconde partie. […] Tout d’abord, il y a une remarque à faire, d’une simplicité presque naïve ; il est incompréhensible que ces auteurs ne l’aient point faite. […] On peut ne point accepter la théorie de Wagner, on peut la combattre ; mais encore faudrait-il commencer par la comprendre ; il faudrait prendre son auteur tel qu’il est, simplement, sans prévention. […] Il faut encore féliciter l’auteur de l’honnête et belle hardiesse avec laquelle il nous parle de certains Diafoirus de la chronique et du feuilleton, grotesques pontifes que révère la niaiserie ambiante : il était temps de raconter au public leurs sottises et leurs polissonneries. […] Et puis si on dit avec certains auteurs Yseult, il aurait fallu les suivre pour les autres noms et écrire Brengien, Morhout, Gouvernail ou Gorvenal…[NdA] 2.

822. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

L’auteur de ce roman a longtemps vécu en Italie et y a beaucoup aimé le séjour de Rome, l’impression majestueuse et sévère des ruines, le profil encore conservé des caractères antiques sous la frivolité des mœurs et l’épicuréisme des sentiments. […] Par malheur, dans le roman, tel que l’a écrit l’auteur, la place manque aux développements. […] Nous soumettons, sans prétendre les lui appliquer dans toute leur extension, ces remarques à l’auteur éclairé de Sextus.

823. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

L’Auteur du Siecle de Louis XIV, prétend que ce Livre n’est pas de M. […] Mallebranche avoit raison de se plaindre : mais pouvoit-il ignorer que cette méthode a été de tout temps la ressource favorite de tous les Auteurs qui ont voulu établir leur réputation sur les débris de celle des autres ? […] En se bornant à ce genre de travail, cet Auteur auroit obtenu, du consentement unanime de la postérité, le titre de Grand, que ses seuls partisans ont eu le courage de lui donner.

824. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 100-104

Il y passe en revue la plupart des Auteurs de nos jours qui ont fait quelque sensation dans le Monde littéraire ; & si ses portraits n'ont pas toujours le mérite de la ressemblance, la touche en est du moins vigoureuse, hardie, & originale. […] Nous l'avons dit ailleurs, & nous croyons devoir le répéter ici en faveur des Esprits foibles ou peu réfléchis : l'accusation de malignité ne peut tomber avec justice que sur le Censeur caustique qui s'exerce à mortifier l'amour-propre des Auteurs, sans se proposer d'autre but que celui de mortifier ; le nôtre a été constamment d'instruire & de corriger, s'il étoit possible. […] C'est au Public honnête, impartial & éclairé, que nous laissons le soin de donner à ces Auteurs les épithetes qu'ils méritent.

825. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Ces auteurs ne le croyaient pas, mais ils l’ont fait croire. […] Avis aux auteurs. […] L’auteur l’écrivit vers l’âge de dix-huit ans. […] Au reste, notre auteur s’est exposé à de telles imputations. […] Une très importante, si l’auteur l’eût bien marquée.

826. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

On doit choisir avec un soin scrupuleux ses auteurs & ses exemples. […] On lit les livres avec l’esprit des bons auteurs. […] C’est pourquoi on dit, un homme, un auteur, des maximes de poids, pour homme, auteur, maximes graves. […] On ne le dit pas d’un auteur qui a écrit sur des choses hors de doute. Il seroit ridicule d’appeller Euclide, Archimede, des auteurs graves.

827. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

L’auteur de Coppet et Weymar est la même personne qui publiait, il y a trois ans, une correspondance de Mme Récamier, dont nous n’avons point à parler ici, et cette personne, on la connaît, malgré sa voilette. […] comme c’est l’usage, du reste, l’auteur de Coppet et Weymar n’a tenu nul compte de la critique, et elle continue son petit commerce de correspondances et de souvenirs. […] Et encore si Mme Le Normand, l’auteur de Madame de Staël et de la Princesse Louise, l’avait dit franchement, eh bien ! […] D’ailleurs, n’y a-t-il que des illusions dans le fait de l’auteur de Coppet et Weymar et de Madame de Staël et la Princesse Louise ? […] Madame de Staël et la Grande-Duchesse Louise. — Par l’auteur des Souvenirs de Madame Récamier. — Chez Lévy.

828. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Victor Hugo, qui nécessairement, avec le nom de son auteur, devait faire explosion, mais qui l’a faite comme un canon crevant par la culasse, la poudre du talent n’a pas parlé. […] Tour à tour éclatante et profonde, cette notice sur Carlyle serait véritablement un petit chef-d’œuvre, si l’auteur n’y posait pas abstraitement sa théorie de la critique pour, à trois pas de là, la renverser. […] Jusqu’à l’Étude sur Stuart Mill, où il s’affirme davantage, l’auteur des Philosophes français, depuis qu’il avait renoncé au scepticisme et à la moquerie, n’avait guère, en philosophie absolue, montré nettement que des tendances. […] Taine, que le critique ajoute à son âme naturelle et nationale cinq à six âmes artificielles ou acquises, et que sa sympathie flexible… (rappelez-vous le fameux vers d’Auguste Barbier, qui ne le disait pas de la Critique) : Ouvrant à tout venant et sa jambe et son cœur, l’introduise en des sentiments éteints ou étrangers… « Le meilleur fruit de la Critique — dit encore l’auteur du Carlyle — est de nous déprendre de nous-mêmes, de nous contraindre à faire la part du milieu où nous sommes plongés, de nous enseigner à démêler les objets eux-mêmes à travers les apparences passagères dont notre caractère et notre siècle ne manquent jamais de les revêtir… » Telles sont les propres paroles de M.  […] Comme Jean-Paul, dont il n’a pas d’ailleurs les suavités au milieu des extravagances, Carlyle est l’auteur de livres très singuliers comme le Sartor Resartus, Les Héros, un livre sur Cromwell, un autre sur la Révolution française, etc., etc., pleins de ténèbres et de clartés vives, d’un langage à lui comme le langage des solitaires… Intuitif et visionnaire tout à la fois, Carlyle est également mystique et grossier, ivre de ses idées comme on l’est de gin, mais voyant dans l’ivresse comme tous les ivrognes, qui ont dans l’ivresse détonnantes et d’inexplicables perceptions.

829. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

… L’auteur de cette biographie de Milton, de cette biographie inattendue, qui n’a été demandée, je vous en réponds ! […] Edmond de Guerle, l’auteur du livre sur Milton dont je cherche la raison d’être, est, si je ne me trompe, d’excellente race de traducteur. […] C’est un livre désintéressé du moment présent et qui ne relève que de la préférence et du choix de son auteur. […] Sans le Paradis perdu, je vous le demande, que serait maintenant le secrétaire de Cromwell, le polémiste contre Saumaise, le républicain, le saint d’Israël de la République d’Angleterre, l’auteur de la Doctrine chrétienne retrouvée en 1823 et qui ne nous intéresse un peu que parce qu’elle est de l’auteur du Paradis perdu ; car que nous fait, à nous, hommes du xixe  siècle, que Milton fût, aux regards de l’Église protestante, orthodoxe ou hétérodoxe, trinitaire ou unitairien ?

830. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Aujourd’hui qu’il n’est plus et que la popularité de l’auteur du Juif errant est fort diminuée, lui fabriquera-t-on une gloire de meilleur aloi et de plus de résistance ? […] Malgré le tapage qu’elles ont fait quelques jours, les siennes sont médiocres ; et nous le disons quand l’auteur des Sept Péchés capitaux est encore en possession d’une renommée dont le flot tout à l’heure va baisser. […] Doué d’un tempérament qui lui permettait l’excès du travail et l’excès en tout, l’auteur de romans si divers n’a pourtant jamais eu d’inspiration personnelle. […] L’auteur du Juif Errant et des Mystères de Paris commença par être antiphilanthrope, aristocratique à se faire lapider par les égalitaires ; artiste, oh ! […] L’auteur du Juif Errant n’aura pas même cette justification dernière de la duperie de son esprit, car il ne fut pas dupe.

831. (1914) Une année de critique

Elle n’existait plus ; les journaux n’en voulaient plus, les auteurs n’en écrivaient plus. […] Il n’est plus question d’« auteur gai ». […] Léon Bloy, un auteur sacré. […] L’auteur dépouille tous les ornements et poursuit désespérément l’expression la plus concise. […] Julien Benda apparaît, quand on n’est point dupe de la phraséologie de l’auteur.

832. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Malheur à tout ouvrage dont l’auteur ne cherche qu’à passer son temps, ou à obtenir cinq ou six suffrages déjà assurés avant la lecture. […] Pour terminer ces réflexions, je souhaiterais que quelque auteur célèbre voulut nous décrire philosophiquement le temple de la renommée littéraire. […] Peut-être deviendra-t-il enfin si ridicule, que nos auteurs se trouveront plus ridicules encore de l’avoir adopté, et qu’ils en reviendront au vrai et au simple. […] Dans la seconde classe des Mécènes sont ceux qui aspirent eux-mêmes à la gloire d’être auteurs. […] On ne doit point au reste exiger des critiques une injustice aussi basse que la flatterie ; mais il est au moins permis de les exhorter à distinguer l’ouvrage et l’auteur.

833. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

C’est un ridicule de plus, qui ne doit pas empêcher un auteur de peindre les bourgeois avec les mœurs bourgeoises. […] Quel parti doit prendre l’auteur ? […] On ne peut cependant pas nier que ce ne soit un auteur original qui a parfaitement réussi dans ce genre d’écrire. […] Combien d’auteurs célebres doivent leur fortune à d’obscurs écrivains qu’ils n’ont jamais daigné nommer ? […] Le même auteur a fait voir le contraire dans la fable du chat & du rat.

834. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Mais, de plus, je ne crois pas que la bonne façon de juger des livres et des auteurs soit de les voir sous l’éclair des tempêtes publiques. […] Pour cela, il est trop à la merci de son courant général d’opinion ; ou, quand ce courant l’abandonne, il est trop à la merci de son auteur ; il ne réagit pas contre lui, il ne lui résiste pas. […] M. de Pontmartin, qui s’est chargé plus d’une fois de venger marquis et marquises contre les railleries et les trivialités des auteurs modernes de romans et de comédies, serait fort embarrassé des grossièretés de style de ce marquis-là. […] M. de Pontmartin n’est pas seulement une plume fertile en articles critiques ; il est auteur de nombreux romans, et de romans qui ont la prétention de reproduire les mœurs et le ton du monde, et de respecter la saine morale. […] Dans quel siècle l’auteur croit-il donc vivre ?

835. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Il eut pourtant, du milieu de l’oubli qu’il cultive, le pouvoir d’exciter çà et là quelques admirations vives, secrètes, isolées, dont plusieurs sont venues vibrer jusqu’à lui, mais dont le plus grand nombre, sans doute, ne se sont jamais révélées à leur auteur. […] L’auteur les avait composées deux ans auparavant, tout en se promenant chaque jour dans le parc d’un château où il passait quelques mois. […] Charles Nodier a débuté par des romans passionnés et déchirants, lambeaux arrachés d’un cœur tout vulnérable ; mais, à la différence d’Oberman, l’auteur du Peintre de Saltzbourgne s’est pas replié obstinément dans la vie intérieure. […] L’auteur des Libres Méditations y touche en effet, et si, comme nous aimons à le croire, il a dit là son dernier mot, le progrès philosophique le plus avancé qui se pût déduire des Rêveries et d’Oberman est visiblement accompli. […] Les retours indirects de l’auteur sur lui-même sont attachants et pleins d’inductions à tirer pour le lecteur averti.

836. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

L’auteur de Marie pourtant a gardé chaste et noué le long vêtement de la Muse ; espèce de Bion chrétien, de Synésius artiste, en nos jours troublés ; jeune poëte alexandrin qui a maintenant rêvé sous les fresques de Raphaël, et qui mêle sur son front aux plus douces fleurs des landes natales une feuille cueillie au tombeau de Virgile. […] Son ami, l’auteur des Iambes, et aujourd’hui du Pianto, a osé beaucoup : proférant des paroles ardentes, et d’une main qui n’a pas craint quelque souillure, il a fouillé du premier coup dans les plaies immondes, il les a fait saigner et crier. […] On ne devra pas demander de pensée de ce genre à un Spectacle dans un Fauteuil, que M. de Musset vient de publier, bien que ce livre classe définitivement son auteur parmi les plus vigoureux artistes de ce temps ; mais l’esprit de l’époque, en ce qu’elle a de brisé et de blasé, de chaud et de puissant en pure perte, d’inégal, de contradictoire et de désespérant, s’y produit avec un jet et un jeu de verve admirables en toute rencontre, et qui effrayent de la part d’un si jeune poëte. […] Mérimée, et pour mieux distinguer un talent contemporain qu’on n’a pas eu encore l’occasion d’analyser avec plus de détail, on citera ici un passage du Globe (janvier 1831) ; il y faut faire la part de la phraséologie légèrement saint-simonienne : « En relisant le Théâtre de Clara Gazul, toutes les autres productions de l’auteur me sont revenues à l’esprit, et je me suis confirmé dans l’idée que c’était l’un des artistes les plus originaux et les plus caractéristiques de cette époque souverainement individuelle. […] Ces personnages mêmes, l’artiste les a poussés d’ordinaire au profil le plus vigoureux et le plus simple, au langage le plus bref et le plus fort ; dans sa peur de l’épanchement et de ce qui y ressemble, il a mieux aimé s’en tenir à ce qu’il y a de plus certain, de plus saisissable dans le réel ; sa sensibilité, grâce à ce détour, s’est produite d’autant plus énergique et fière qu’elle était nativement peut-être plus timide, plus tendre, plus rentrée en elle-même ; elle a fait bonne contenance, elle s’est aguerrie et a pris à son tour sa revanche d’ironie sur le siècle : de là une manière à part, à laquelle toutes les autres qualités de l’auteur ont merveilleusement concouru. — Esprit positif, observateur, curieux et studieux des détails, des faits, et de tout ce qui peut se montrer et se préciser, l’auteur s’est de bonne heure affranchi de la métaphysique vague de notre époque critique, en religion, en philosophie, en art, en histoire, et il ne s’est guère soucié d’y rien substituer.

837. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Ce sera assez pour nous de causer librement de Boileau avec nos lecteurs, de l’étudier dans son intimité, de l’envisager en détail selon notre point de vue et les idées de notre siècle, passant tour à tour de l’homme à l’auteur, du bourgeois d’Auteuil au poëte de Louis le Grand, n’éludant pas à la rencontre les graves questions d’art et de style, les éclaircissant peut-être quelquefois sans prétendre jamais les résoudre. […] Au collège, Boileau lisait, outre les auteurs classiques, beaucoup de poëmes modernes, de romans, et, bien qu’il composât lui-même, selon l’usage des rhétoriciens, d’assez mauvaises tragédies, son goût et son talent pour les vers étaient déjà reconnus de ses maîtres. […] Le drame mis à part, on peut considérer Malherbe et Boileau comme les auteurs officiels et en titre du mouvement poétique qui se produisit durant les deux derniers siècles, aux sommités et à la surface de la société française. […] A ceux qui l’accuseraient encore d’avoir jeté la pierre aux statues de Racine et de Boileau, l’auteur, pour toute réponse, a droit maintenant de faire remarquer qu’en écrivant les Larmes de Racine et la Fontaine de Boileau, il a témoigné, très-incomplètement sans doute, de son admiration sincère pour ces deux poëtes, mais qu’en cela même il a donné bien autant de gages peut-être que ne l’ont fait certains de ses accusateurs. […] On s’est attaché à fixer le texte de chaque auteur ; on en a dressé des lexiques.

838. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Nous ne lui demandons pas ce que nous devons penser d’un auteur ou d’un ouvrage ; qu’il nous mette seulement en main les pièces qui nous permettront de juger par nous-mêmes. » Le malheur est que cette parfaite indifférence est. impossible. […] Qu’ils étaient simples et commodes les procédés de ceux qui se mêlaient autrefois de juger les auteurs ! […] Le Timocrate de Thomas Corneille reçut du public un accueil enthousiaste qui n’empêche pas l’auteur de n’être pour nous que le frère du grand Corneille. […] L’auteur a-t-il abondance de pensées fines, de raisonnements bien enchaînés ? […] § 7. ― Nous n’avons rien dit encore de la forme, sinon qu’elle a une extrême importance, étant l’intermédiaire indispensable entre l’âme de l’auteur et celle des lecteurs ou auditeurs.

839. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Comment a-t-on compris l’auteur en question ? […] On verra aussi tout à coup quelque auteur, ignoré ou dédaigné durant des siècles, obtenir une vogue éclatante. […] Les auteurs qu’on exhume deviennent des êtres agissants. […] Dans le nôtre surtout, une foule d’auteurs gardent la trace de ce commerce avec les maîtres qu’ils se sont donnés. […] On voit, à certains moments, un auteur s’engager dans une voie nouvelle, parce qu’un autre vient d’y réussir.

840. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq, Le Château de Duncam ou l’Homme invisible, an VIII, 1800 ; l’auteur ne l’a signé que par ses initiales, ou plutôt il ne l’a pas signé du tout. […] Il ne se peut de préface plus modeste, et qui sente moins l’auteur en effet, que celle que M.  […] Si peu auteur qu’on soit, on ne le devient jamais impunément. […] On l’a beaucoup mis à contribution, on l’a beaucoup pillé ; il a été pour les auteurs de profession une mine féconde. […] C’est qu’à François aussi, en un clin d’œil, l’amour-propre d’auteur lui est venu.

841. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Les huit ou neuf volumes publiés ont été payés à l’auteur trente mille francs, je crois. […] Quand l’auteur retarde d’un jour, les belles dames et les femmes de chambre sont en émoi, et M. […] Les procureurs du roi de chefs-lieux d’arrondissement et même les présidents de cour sont émus et correspondent avec l’auteur pour lui soumettre leurs idées et discuter les siennes ; il répond dans les Débats très-officiellement et sans rire à ces missives qui lui donnent un caractère respectable et qui servent à couvrir son jeu. […] C'est, comme tout ce que fait l’auteur, assez vif, entraînant, amusant à moitié, mais gâté par l’incomplet, par le négligé, par le commun.

842. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Quoique le Père Joseph et le juge Laubardemont ne soient pas fort à respecter, encore n’est-il pas permis, ce nous semble, d’en agir avec eux aussi lestement que fait notre auteur. […] Quant aux individus, l’auteur les construit comme il construit ses scènes, avec d’autres souvenirs qu’il rapproche non sans effort. Loin que ces hommes-là soient fondus d’un seul et même jet comme dans la vie, ils se composent d’une suite de paroles qu’ils ont dites, d’actions qu’ils ont faites, auxquelles se joignent les intercalations trop peu graduées de l’auteur : ils ne sont guère, en un mot, que des pièces de marqueterie historique. […] Par malheur, le langage résiste souvent à la pensée et se plie avec peine à l’inspiration : de là quelque chose de prétentieux, ou, comme d’autres disent, de romantique, surtout dans les préambules où l’auteur parle en son nom, plusieurs fois même dans le dialogue ; lorsque Cinq-Mars et Marie de Gonzague s’entretiennent, on s’aperçoit trop que M. de Vigny est en tiers avec eux.

843. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

Je n’y chercherai donc qu’une occasion d’exprimer de nouveau au plus cher de mes maîtres spirituels mon admiration reconnaissante, et aussi d’avertir les personnes frivoles d’une des erreurs où elles tombent le plus aisément au sujet de l’auteur des Origines du Christianisme, de protester enfin contre une légende fâcheuse et très mal fondée : celle du scepticisme de M.  […] L’auteur de la Vie de Jésus est, depuis vingt-cinq ans, professeur d’hébreu au Collège de France. […] Comme l’auteur des Origines du christianisme étudiait une matière obscure et était souvent amené à douter des faits, on a lestement transformé son scepticisme historique en scepticisme moral. […] Je ne pense pas que personne, dans aucun temps, ait pris plus sérieusement la vie que ce petit Breton de vingt-cinq ans dont l’enfance avait été si pure, l’adolescence si grave et si studieuse, et qui, au sortir du plus tragique drame de conscience, seul dans sa petite chambre de savant pauvre, continuait à s’interroger sur le sens de l’univers, — et cela, dans un tel détachement des vanités humaines, que ces pensées devaient rester quarante ans inédites par la volonté de leur auteur.

844. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il est étrange de songer que ce cerveau, en qui la réalité avait reflété des images si nettes, qui avait su interpréter, ramasser, coordonner ces images avec une vigueur et dans des directions si décidées, et nous les renvoyer, plus riches de sens, à l’aide de signes si fortement ourdis, n’ait plus, à partir d’un certain moment, reçu du monde extérieur que des impressions confuses, incohérentes, éparses, aussi rudimentaires et aussi peu liées que celles des animaux, et pleines, en outre, d’épouvante et de douleur, à cause des vagues ressouvenirs d’une vie plus complète ; et que l’auteur de Boule-de-Suif, de Pierre et Jean, de Notre Coeur, soit entré, vivant, dans l’éternelle nuit. […] Songez qu’Homère n’est peut-être pas le nom de l’auteur de l’Iliade, et dès lors qu’est-ce que la gloire du chantre d’Achille ? […] Or, pour en revenir à l’auteur de Bel Ami, sans doute la gloire de son œuvre sera de longue durée ; mais nous voyons que pour lui, la jouissance n’en aura même pas été viagère. […] Et, parmi son nihilisme, l’auteur n’en jouissait pas moins du monde physique avec une intensité extraordinaire et avec une franchise d’« avant le péché ».

845. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

. — Tout au plus est-il malheureux dans le choix qu’il fait de Tartarin comme exemple des créations les plus prochainement périssables de cet auteur. […] On exalte, sans y regarder, la Fille Élisa, roman écrit, selon la déclaration de l’auteur, pour « parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs » et auquel, en effet, les parlementaires ont pu s’intéresser sans effort, roman dont l’émotion demeure à la préface, livre pauvre d’humanité et mince de littérature, bien loin, ce me semble, des chefs-d’œuvre que fabriquait, avec son frère, M.  […] Vous négligez la genèse de l’auteur et vous vous en tenez aux Rougon. […] Les livres du professeur Fournier sont achetés par des collégiens, pour les pires motifs ; est-ce la faute de l’auteur ?

846. (1890) L’avenir de la science « VII »

Des travaux entrepris sans ce grand esprit peuvent même servir puissamment au travail de l’esprit humain, indépendamment des intentions plus ou moins mesquines de leurs auteurs. […] Tout travail scientifique conduit suivant une saine méthode conserve une incontestable valeur, quelle que soit l’étendue des vues de l’auteur. Les seuls travaux inutiles sont ceux où l’esprit superficiel et le charlatanisme prétendent imiter les allures de la vraie science et ceux où l’auteur, obéissant à une pensée intéressée ou aux rêves préconçus de son imagination, veut à tout prix retrouver partout ses chimères. […] L’impression profondément triste que produit l’entrée dans une bibliothèque vient en grande partie de la pensée que les neuf dixièmes des livres qui sont là entassés ont porté à faux, et, soit par la faute de l’auteur, soit par celle des circonstances, n’ont eu et n’auront jamais aucune action directe sur la marche de l’humanité.

847. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Selon l’âge et les circonstances, ces trois mobiles varient et prennent dans l’esprit de l’auteur la première ou la dernière place ; mais ils n’en subsistent pas moins. […] Oter aux jeunes gens la permission de s’inspirer, c’est refuser au génie la plus belle feuille de sa couronne, l’enthousiasme ; c’est ôter à la chanson du pâtre des montagnes le plus doux charme de son refrain, l’écho de la vallée… « Il m’a toujours semblé qu’il y avait autant de noblesse à encourager un jeune homme, qu’il y a quelquefois de lâcheté et de bassesse à étouffer l’herbe qui pousse, surtout quand les attaques partent de gens à qui la conscience de leur talent devrait, du moins, inspirer quelque dignité et le mépris de la jalousie. » Nous avons tenu à donner ces fragments dont la finesse et la vérité sont aujourd’hui trop oubliés des critiques et des auteurs. […] Les véritables gens de lettres gémissent envoyant cette nuée de jeunes auteurs qui auraient peut-être du talent s’ils avaient quelques études. […] Nous ne voulons nommer personne, mais nous conseillons à un lecteur oisif d’établir une petite statistique, après enquête, des auteurs lettrés et de ceux qui croient découvrir le monde, avant de savoir marcher.

848. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Le public justifia bien la prédiction de l’auteur de l’art poëtique, et depuis long-temps les françois citent le Misantrope comme l’honneur de leur scéne comique. […] Des auteurs citez par Aulugelle avoient écrit que des cens comédies composées par Menandre, il n’y en avoit eu que huit assez heureuses pour remporter le prix que les anciens donnoient au poëte qui avoit fait la meilleure piece de celles qui se représentoient à l’occasion de certaines solemnitez. […] On a donc tort de mettre Euripide et Menandre à la tête des poëtes dédaignez par les spectateurs, afin de consoler par l’égalité des destinées ceux de nos auteurs dramatiques, sur les ouvrages desquels le public s’explique quelquefois hautement et désagréablement. […] Dans Rome et sous le regne de Tibere, celui de tous ses princes qui sçut le mieux se faire obéïr, il y eut des principaux officiers de la garde de l’empereur tuez ou blessez dans le théatre en voulant y empêcher le désordre, et pour toute punition le sénat donna permission aux préteurs de releguer les auteurs de pareils tumultes.

849. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

Il fut un temps où il paraissait de bon goût de railler l’auteur de Clovis et d’Arbogaste. […] Là encore, il est de l’École de Voltaire, de l’auteur de l’Essai sur les mœurs. […] L’ouvrage qu’il publie aujourd’hui et où il a résumé en un corps de récit toute son Étude ecclésiastique et politique depuis saint Pierre jusqu’à Innocent III, depuis la barque du pêcheur jusqu’aux gloires du Vatican, n’eût peut-être jamais paru, si l’auteur n’avait en quelque sorte été provoqué et piqué personnellement.

850. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 260-264

En effet, l’Evêque de Clermont est, dans son genre, aussi tendre, aussi moëlleux, aussi élégant, aussi soutenu, que l’Auteur d’Athalie. […] Le seul trait de ressemblance qui existe entre eux, est que le Prédicateur a été, parmi nous, le pere de l’Eloquence chrétienne, comme l’Auteur de Cinna l’a été de la Tragédie. […] La rapidité de la composition & l’objet que se proposoit l’Auteur, sont peut-être suffisans pour le justifier sur ces petits défauts, dont d’ailleurs peu d’esprits sont susceptibles.

851. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Avant lui, la raison n’ose guère se séparer de l’autorité, ni le nouveau de l’ancien ; tout se prouve par des témoignages discutés et interprétés, par des livres, par des auteurs ; toute argumentation est historique. […] Pascal dit de la lecture des bons auteurs : « Quand on lit des écrits naturels, on est tout étonné et ravi ; car on s’attendait de voir un auteur, et on trouve un homme. » Quel est cet homme ? […] Je n’imagine pas que Pascal eût été ravi d’apprendre d’un auteur par quoi cet auteur différait de lui, ni de le voir estimer ces différences au point d’en entretenir la postérité. […] Quel guide moins sûr qu’un auteur qui fait une égale estime de toutes ses pensées, qui professe la doctrine que la langue de son pays en doit être la servante, et qu’où elle fait défaut, le patois peut y suppléer ! […] Mais sous l’empire de cette règle, qui ne gêne que nos défauts, la prose française allait recevoir de grands accroissements de la variété des sujets et du génie propre de chaque auteur.

852. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

L’auteur fut déçu dans son essai de pèlerinage classique. […] Y a-t-il une autre mesure pour les auteurs ? […] Il arrive de même que les critiques professionnels lisent, de préférence aux auteurs, les lecteurs qui ont lu les auteurs et qui en ont écrit. […] Les auteurs ont le droit de louer, non de condamner. […] Critique, lui, non des auteurs, mais des essences.

853. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Or, suivant une remarque très-fine et très-juste du Père Tournemire, on n’admire jamais dans un auteur que les qualités dont on a le germe et la racine en soi. […] Le petit Racine en vint rapidement à lire tous les auteurs grecs dans le texte ; il en faisait des extraits, les annotait de sa main, les apprenait par cœur. […] D’un autre côté, Boileau, ami fidèle et sincère, défendait Racine contre la cohue des auteurs, le relevait de ses découragements passagers, et l’excitait, à force de sévérité, à des progrès sans relâche. Ce contrôle journalier de Boileau eût été funeste assurément à un auteur de libre génie, de verve impétueuse ou de grâce nonchalante, à Molière, à La Fontaine, par exemple ; il ne put être que profitable à Racine, qui, avant de connaître Boileau, et sauf quelques pointes à l’italienne, suivait déjà cette voie de correction et d’élégance continue, où celui-ci le maintint et l’affermit. […] Il rompit directement avec Port-Royal ; et, à propos d’une attaque de Nicole contre les auteurs de théâtre, il lança une lettre piquante qui fit scandale et lui attira des représailles.

854. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Rarement, au xve  siècle, les auteurs de mystères sont sortis de l’histoire religieuse. […] L’auteur servait de son mieux ceux qui le payaient ; du reste, il était peuple lui-même, et s’amusait des mêmes choses. […] Cette fois, les auteurs ne se sont pas contentés d’indiquer la situation : ils ont pris la peine de la traiter. […] L’auteur est inconnu : la nature du sujet fait conjecturer qu’il était basochien et voulait amuser les gens du Palais. […] L’auteur est Jehan d’Abondance, basochien et notaire royal de Pont-Saint-Esprit.

855. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ce que Diderot avait cru jeter aux vents est venu, dans ces dernières années, par un retour des choses, témoigner en faveur de l’homme contre ses écrits publics, et montrer, ce qui n’est pas le seul exemple au dix-huitième siècle, un auteur qui vaut mieux que ses ouvrages. […] J’aurais été de ceux qui demandaient à l’auteur, au temps de la grande faveur de Paul et Virginie, s’il était vrai que ce couple charmant eût fait une si cruelle fin. […] René ne doit pourtant pas faire tort à un autre petit ouvrage du même auteur, qui parut le premier et qui fit plus de bruit, Atala. […] Cependant, à en croire l’auteur, il a regretté d’avoir écrit René 126. […] Ce livre, où il n’y a d’épargnés que les oubliés, fait penser avec effroi que l’on courait le même péril à être des amis de l’auteur que de ses ennemis.

856. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

L’auteur y consentit, et l’on eut, au lieu d’une métaphore ridicule, une insulte de plus, une allusion sanglante. […] Bref, il y mit une vanité d’auteur, et une vanité telle qu’il fut choqué de n’en pas être complimenté à la Cour avant tous les autres, soit ministres, soit généraux, et qu’il devint dès ce moment un collègue intraitable. […] Les adversaires, émus d’une si vive attaque, firent remarquer « que l’auteur de ces articles ne différait en rien, dans ses opinions, de tels rédacteurs de La Minerve et du Constitutionnel », et ils avaient raison. […] Depuis la publication du Congrès de Vérone et des Mémoires, ce point de vue qui porte sur le caractère même nous est apparu dans toute sa lumière, et l’auteur a pris soin de mettre en saillie toutes les faiblesses de l’homme. […] Aujourd’hui il n’y a plus moyen, et jamais auteur de mémoires, en se posant, n’a plus fait pour se diminuer.

857. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

… Leur muse ne pardonnera de longtemps à l’auteur des désastres de tous. […] Toutes ces excuses sont vaines : la lecture de nos meilleurs auteurs les réfute. […] On ne niera pas que le sujet se fût autrement animé si l’auteur l’eût relevé partout comme en ce court passage. […] Ce poème ne veut pas moins d’art, mais plus de force, de patience et de ressources dans le génie de l’auteur. […] Remarquez que ces descentes aux enfers furent imitées par les plus habiles des auteurs épiques.

858. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Dubochet, et pour lesquelles l’éditeur s’était procuré le concours d’habiles artistes et particulièrement de l’excellent paysagiste genevois Calame, avaient nationalisé en France le nom de l’auteur. […] On peut dire de lui ce que l’auteur a dit de certains dessinateurs d’après nature, qu’il réussit à exprimer ses vues et ses impressions « sinon habilement, du moins avec une naïveté sentie, avec une gaucherie fidèle. » L’habileté est de la part de l’auteur qui se cache si bien derrière. […] Si l’auteur a voulu montrer dans ce ministre (et il l’a voulu en effet) combien avec un esprit juste, avec un cœur pur et droit, exercé par la pratique chrétienne, guidé par les inspirations de l’Écriture, et muni d’une vigilance et d’une observation continuelles, on peut se trouver en fin de compte plus avisé que les malicieux, plus habile que les habiles, et véritablement un maître prudent et consommé dans les traverses les plus délicates de la vie comme dans les choses du cœur, il a complètement réussi. […] Profitant de sa situation excentrique en dehors de la capitale, il s’était fait un mode d’expression libre, franc, pittoresque, une langue moins encore genevoise de dialecte que véritablement composite  ; comme l’auteur des Essais, il s’était dit : « C’est aux paroles à servir et à suivre, et que le gascon y arrive, si le françois n’y peut aller. » Cette veine lui est heureuse en mainte page de ses écrits, de ses voyages ; il renouvelle ou crée de bien jolis mots. […] Bernier le ton exact d’un ministre évangélique, l’auteur a, en quelques endroits, multiplié les termes familiers aux réformés, et qui ne les choquent pas comme étant tirés des vieilles traductions de la Bible qu’ils lisent journellement.

859. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Les impuissances de l’auteur servent au développement du critique : il essaie le roman et la poésie, de façon à connaître le métier. […] L’auteur nous a présenté un groupe historique, nullement une espèce morale : il y a là autant d’espèces que d’individus. […] En second lieu, elles se hiérarchisent selon « le degré de convergence des effets », entendez : selon leur puissance d’expression, c’est-à-dire selon la puissance d’invention et d’exécution de l’auteur. […] L’auteur dit ses surprises, ses découvertes, ses dépits, ses ravissements devant des tableaux : c’est un peintre qui saisit la facture, les procédés, et qui, dans la technique, atteint le génie des maîtres. […] Comme Sainte-Beuve dans un livre, Fromentin, dans un tableau, retrouve l’auteur, son développement personnel, ses hésitations, ses recherches, ses acquisitions, toutes les influences qui l’ont modifié, mais aussi et d’abord l’irréductible fond de l’individualité.

860. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Je sais aussi que les auteurs sont mal satisfaits pour l’ordinaire. […] C’est, sans doute, le rôle du critique de louer les auteurs, mais c’est son rôle aussi de les faire penser aux qualités qu’ils n’ont pas. […] Quand les auteurs improvisent et n’attachent qu’un prix temporaire à leurs œuvres, les critiques ont-ils donc à se gêner si fort ? […] Parce qu’on fait tort à l’auteur ? […] Si j’estime excellent Peints par eux-mêmes, ce n’est pas pour faire ma cour à l’auteur.

861. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Chefs-d’œuvre de la littérature française (Collection Didot). Hamilton. » pp. 92-107

Parmi les auteurs célèbres de notre langue, tous pourtant ne sont pas propres indifféremment à nous rendre l’impression et à nous montrer l’image de cette parfaite netteté. […] J’y rencontre même, au début, l’incomparable auteur des Mémoires, Saint-Simon, et un conteur unique avec lequel je m’arrêterai à causer aujourd’hui, le très aimable Hamilton. […] En attendant, c’est profit de se remettre en goût de temps en temps avec ces auteurs faciles qu’on a sous la main, et qui n’ont rien de vieux. […] Je compte bien, à propos des réimpressions modernes de nos classiques, me donner ainsi la permission de revenir de temps en temps sur ces auteurs d'autrefois qui, de tous, sont encore les plus vivants. […] Malgré toutes les recherches de l’ingénieux auteur, ce sont encore des vues critiques plutôt que des faits nouveaux.

862. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Sous un air de facilité et presque d’abandon, sous une simplicité de récit qui fait de l’auteur un Tallemant des Réaux élevé, chez qui la convenance est tempérée par le sourire, et qui veut être reçu chez les honnêtes gens et y plaire, le livre de Renée est conçu avec beaucoup d’art. […] Lui, l’auteur, ne veut peser sur rien. […] L’auteur, pour ne pas vouloir être un pédant, de moralité comme d’autre chose, n’est jamais inconsistant. […] L’auteur des Nièces de Mazarin est un Aristophane historique discret, qui s’arrête à temps, et qui vous enlève une figure sans la faire grimacer jamais. […] L’auteur, qui est un esprit très littéraire, a rencontré de la littérature dans son remue-ménage historique.

863. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Ce devait être un livre à part, comme son auteur, — qui ne fut point un écrivain dans le sens notoire et officiel du mot, qui n’en eut ni les mœurs, ni les habitudes, ni l’influence, ni l’attitude devant le public. […] Dans une notice pénétrante et concise, Prosper Mérimée a gravé l’épitaphe de l’auteur du Rouge et Noir avec le couteau de Carmen. […] Elle confirme par les confidences de l’intimité ce que les écrits de l’auteur nous avaient appris, c’est que toute sa vie Stendhal fit une guerre, publique et privée, à la puissance que les faibles adorent, à l’Opinion. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être sans à l’instant même se rompre, en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir. […] Au moins Goethe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et de l’Egmont, et, quand le Christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a passé par un cœur : il en reste toujours quelque chose.

864. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Ce devait être un livre à part, comme son auteur, — qui ne fut point un écrivain dans le sens notoire et officiel du mot, — qui n’en eut ni les mœurs, ni les habitudes, ni l’influence, ni l’attitude devant le public. […] Mérimée a gravé l’épitaphe de l’auteur de Rouge et Noir avec le couteau de Carmen. […] Elle confirme par les confidences de l’intimité ce que les écrits de l’auteur nous avaient appris, c’est que toute sa vie Stendhal fit une guerre, publique ou privée, à la puissance que les faibles adorent, à l’Opinion. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être, sans, à l’instant même, se rompre en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir. […] Au moins, Gœthe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et du D’Egmont, et, quand le christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a à passer par un cœur : il en reste toujours quelque chose.

865. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Beuchot paraît attribuer à notre auteur, mais qui fut désavoué dans le temps (1818). […] La lettre, adressée au citoyen Fontanes, a pour signature l’auteur du Génie du Christianisme ; ce livre tant annoncé n’avait point paru encore. […] Dans Delphine, l’auteur a voulu faire un roman tout naturel, d’analyse, d’observation morale et de passion. […] Mme de Staël, pour qui le mot de rancune ne signifiait rien, amnistia plus tard avec grâce l’auteur des Lettres de l’Admireur, lorsqu’elle le rencontra chez M. […] Schlegel et Benjamin Constant, etc. » Il n’est pas inutile de se figurer l’auteur galant de cette peinture.

866. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

. — un auteur comique a naitre […] Il y avait ici des circonstances aggravantes : le feuilleton de Janin était léger, inexact, hostile ; la rapidité même avec laquelle on l’a inséré (sans attendre le lundi d’habitude) était une hostilité et une désobligeance de plus ; mais un auteur a toujours mauvaise grâce à venir défendre son ouvrage critiqué et à dire : mon sonnet est fort bon. […] Tel qu’il est et dans la disette d’auteurs dramatiques, Dumas a son prix ; il a de l’entrain, de la gaieté, de la dextérité et de la charpente ; son drame a du jarret et la planche joue sous lui ; il manie et remue assez bien la comédie d’intrigue, sans pourtant jamais s’élever jusqu’à la vraie comédie digne de ce nom, à celle qui atteint et stigmatise les vices actuels, les ridicules du présent.

867. (1875) Premiers lundis. Tome III « Viollet-Le-Duc »

Dans l’ouvrage qu’il publie aujourd’hui, l’auteur, en décrivant à la manière des bibliographes sa collection précieuse, trouve surtout dans ce travail un prétexte à des renseignements biographiques, à des appréciations littéraires, à des citations. […] Si nous avions à joindre quelque remarque critique générale aux éloges de détail que mérite presque constamment le modeste et ingénieux travail, ce serait surtout en ce que l’auteur, qui sait si bien les époques poétiques antérieures, semble méconnaître et vouloir ignorer trop absolument celle-ci. […] L’auteur, par  quelques lignes pleines de grâce et de fine malice, a raison de se rendre à lui-même, en finissant, ce témoignage que dans sa tâche, plus méritoire pourtant qu’il ne veut bien le dire, il a réussi comme il l’entendait ; en se livrant, non sans complaisance, aux douceurs presque paternelles de la propriété, il aura servi d’une manière durable la littérature.

868. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

La troisième règle de l’auteur comique, c’est de ne pas se peindre lui-même. […] Voilà la dernière règle : quel poète a su s’effacer derrière ses personnages avec autant d’art et de modestie que l’auteur du Tartuffe, d’Harpagon et des Femmes savantes, plus prompt aux métamorphoses que le Protée de la fable antique256 ? […] Nulle vraisemblance, une complication d’incidents bizarres, une exagération, une caricature presque continuelle, un dialogue étincelant de verve et d’esprit, mais où l’auteur paraît plus que le personnage ; voilà le fond de ses comédies267.

869. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Philippe Gille C’est dans la Salammbô de Flaubert, à côté de l’Annonciateur des lunes, que l’auteur des Chauves-souris , M. de Montesquiou-Fezensac, a choisi le titre de son volume de vers. […] Il y a quelque chose de spécialement irritant à voir ces gros volumes vides ; on sent fort bien que l’auteur a tout recueilli, même les moindres bredouilles de sa plume, pour faire une massivité d’élégances à nous étonner. […] Ajoutons encore deux volumes de prose, Roseaux pensants et Autels privilégiés, où, par un goût très rare, l’auteur se plaît à évoquer des physionomies d’artistes oubliés ou méconnus.

870. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 453-457

Les Journaux seuls peuvent offrir des ressources sûres pour retablir l’ordre & repousser les usurpations ; presque tous sont aujourd’hui dévoués aux corrupteurs du goût & de la morale : il n’y a guere que l’Année Littéraire & les Annonces & Affiches pour la Province, où l’on ose les combattre & les ridiculiser, encore même les Auteurs de ces Feuilles, aussi patriotiques que littéraires, sont-ils souvent exposes aux persécutions de l’amour-propre des Auteurs blessés de leurs censures, &c….. […] Ne seroit-il donc pas plus digne du zele des Protecteurs de la Littérature, & de ceux à qui la police en est confiée, d’encourager les bons Critiques, & de n’autoriser que ceux qui, comme l’Abbé Grosier, ont fait preuve d’attachement pour les vrais principes, de courage & de talent pour les défendre, plutôt que de prêter l’oreille aux clameurs de quelques petits Auteurs qui emploieroient plus utilement leur temps à se corriger, qu’à se plaindre ?

871. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Préface Les essais qui forment ce livre sont consacrés à six écrivains de nationalités diverses, introduits, accueillis et devenus célèbres en France pendant ces cinquante dernières années et qui marquent ainsi un des traits particuliers de l’histoire de notre littérature : l’influence qu’y ont exercée des auteurs étrangers de race, de langue, de tournure d’esprit à tout ce que l’on considère comme le propre du génie gallo-latin. […] Puis on vint aux auteurs exotiques eux-mêmes, à Walter Scott, d’abord, à d’autres Anglais, aux contes d’Hoffmann. […] Considérant ensuite l’œuvre de chacun d’eux comme compréhensible et admirable seulement pour des esprits dont elle exprime les penchants et qui se trouvent être ainsi dans une certaine mesure, les pareils moralement de son auteur, nous saurons à la fois et ce qu’ont de particulier les écrivains que nous sommes allés adopter à l’étranger, et ce que signifient les adhésions qu’ils ont recueillies eux et les artistes qui les imitent en France ou qui leur ressemblent.

872. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Paul Nibelle »

Un autre livre de Nibelle, mais qui nous a paru très inférieur aux Légendes de la Vallée, est un petit volume de Récits antiques réunis sous le titre collectif et assez mystérieux de la Fin d’un Songe 7… Nous acceptons le titre comme excellent s’il veut dire que ces récits n’ont pas d’autre valeur qu’un rêve de rhétorique, et que l’auteur, éveillé de cette griserie au souper de Nicias, n’y reviendra plus. […] Sensible et vibrant comme il l’est, avec ce beau flot de sang vermeil qui ne bout pas, mais qui circule si largement dans ces Légendes de la Vallée où les tièdes impressions de la réalité nous montent au front comme des émanations de vie, l’auteur de Berthe et du Chercheur de Rives n’a-t-il donc pas mieux à faire qu’à se plonger, masque de païen sans visage, dans l’odieuse tristesse d’Épicure ? […] Grâce à cette faculté caméléonesque, que, de tous les penseurs dans l’art et dans l’humanité, Shakespeare eut au degré le plus incomparable, et que Walter Scott, son descendant en ligne directe, et Gœthe, son descendant en ligne collatérale, eurent tous les deux après lui, l’auteur du Prométhée put singer puissamment la vie de cette société morte, dont les beaux Vampires de la Renaissance avaient tari le cadavre de leurs lèvres brillantes et enivrées.

873. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Souvent un auteur, une œuvre, sont appréciés d’un mot, mais ce mot est décisif et porte coup. […] Jamais auteur ne fut plus populaire dans le vrai sens du mot. […] » Maintenant Paul de Kock est devenu un auteur historique. […] Picot, peintre d’histoire, l’auteur de l’Amour et Psyché. […] Ce tableau valut à l’auteur une médaille d’or et fut acheté par le roi.

874. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Tant d’œuvres, tant d’auteurs, un tel engouement du public, et, sauf Patelin, pas une œuvre d’art ! […] — elles auraient alors une valeur relative —, ou dit-il simplement une manie des auteurs ? […] De tous les auteurs dramatiques, deux seuls nous intéressent, mais ceux-là sont considérables : Augier et Dumas fils. […] Parmi les auteurs les plus récents, Léon Frapié me semble apporter une œuvre particulièrement intéressante. […] L’auteur a lu Benedetto Croce et cherche à « lier les genres ensemble dans la recherche de l’idée dominante ».

875. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

L’auteur de ce roman dirige la mort vers Dieu. […] Entre le héros et l’auteur, il y a quelque désaccord. […] Il nous enchante ; et il enchante notre auteur. […] L’auteur s’amuse à imiter ce style virginal. […] Mais notre auteur le traite à sa manière.

876. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Invitation à la danse120 Donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans ce chapitre, aux sons du violon de Jean-Paul, le bal humoristique et romantique du dogmatisme littéraire121. […] Première contredanse L’auteur comique vulgaire, pygmée grimpé sur des échasses, attaque et poursuit vaillamment de pauvres misères individuelles125 : l’avarice, l’amour-propre, la vanité aristocratique ou bourgeoise, l’ignorance et la pédanterie, les charlatans, les précieuses, les coquettes, les dupes, les imposteurs, les cuistres, etc., etc. […] Le comique est le contraire du sublime. — Dansons ici, auteur et lecteurs, dansons, le balancier en main, sur la chaîne de fleurs d’un syllogisme bien tendu138. — Le sublime ambitionne les termes généraux qui ont de la noblesse : le comique doit donc rechercher les expressions individuelles à l’adresse des sens139. […] Le Titan du même auteur est divisé en Périodes du Jubilé et les périodes du jubilé en Cycles. […] Voici comment Jean-Paul conclut le Prologue-Programme de son Titan : Maintenant donnons-nous la main, auteur et lecteurs, et dansons ensemble dans cet ouvrage ce grand bal de la vie ; moi à la tête d’un quadrille, et vous en sautant en mesure derrière moi, accompagnés par le chant des Muses et par la lyre d’Apollon, dansons de volume en volume, de cycle en cycle, de digression en digression, d’une pensée à une autre… (Traduction de M. 

877. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Craven11 I L’auteur de ce roman, couronné par l’Académie, est coutumier du fait des romans couronnés par l’Académie… Il n’était pas, dans l’origine, une femme de lettres… Mme Augustus Craven avait le bonheur et l’honneur de n’être pas un bas-bleu. […] Depuis le succès de son Récit d’une sœur, Mme Craven, — une femme du faubourg Saint-Germain, — avait, dans son monde, une situation originale et superbe, et d’autant plus belle que ce n’était pas une position d’auteur, laquelle a toujours son pédantisme et sa disgrâce. […] L’auteur, qui n’a ni invention nouvelle ni observation profonde à son service, y combine, ou plutôt y recombine tous les faits connus des romans vertueux, ayant le même train d’amours malheureux, contenus ou transparents, de dévouements et de dévotions. […] C’est un livre qui rappelle les romans qu’on écrivait il y a soixante ans, et auxquels le terre n’est pas légère, car elle pèse assez sur eux pour qu’ils n’en sortent pas, et qu’ils soient parfaitement oubliés… Afin de ne pas imiter Mme Sand, l’auteur d’Indiana et de Valentine, ces décrépites à la vieillesse affreuse, et qui aura prochainement le même sert, Mme Craven a sauté par-dessus jusqu’à Mme de Montolieu. […] Que sont devenus les romans de Mme de Flahaut, de Mme de Genlis, de Mme Sophie Gay, de Mme de Duras, l’auteur d’Ourika et d’Édouard, de petits Livres d’or, disait Sainte-Beuve, ce critique-femme des femmes ; de Mme Desbordes-Valmore, qu’on reconnaissait poëte encore quand elle écrivait des romans ?

878. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Louis XVI et sa cour37 I Par un hasard qu’il a certainement le droit d’appeler heureux, Amédée Renée eut, dit-il, l’honneur inespéré d’être choisi pour finir, par un dernier volume, cette histoire de Sismondi que son auteur devait conduire jusqu’à la Révolution française, quand, arrivé au règne de Louis XVI, il fut emporté par la mort. Si, à défaut d’une identité impossible, continuation implique ressemblance ; si finir un livre commencé est, de rigueur, se substituer plus ou moins à l’auteur dans l’esprit et la manière de son ouvrage, l’honneur qu’on fit à Renée dut tout d’abord lui causer beaucoup d’embarras. […] L’auteur de Louis XVI et sa Cour 38, qui fut aussi le traducteur de Chesterfield et de Cantu, est d’instinct, d’éducation et d’étude, un esprit vraiment littéraire, qu’on aime à retrouver présent dans l’historien alors qu’il manie avec le plus de préoccupation les choses de l’histoire, et dans un temps surtout où, comme dans le nôtre, la Spécialité est entrain d’assassiner, avec un si grand succès, la littérature ! […] Lorsque, à la dernière page de son volume, qui se ferme quand les États-généraux s’ouvrent et quand ils deviennent les vrais rois devant le roi, déjà, de ce moment, décapité, l’auteur examine, avant de terminer, cette question, qui reviendra d’ici longtemps sous toute plume tourmentée du besoin de l’action politique : la Révolution était-elle inévitable ? […] « Il n’avait pas plus — selon Renée — l’ascendant et la force de consommer une grande réforme, que de conduire une révolution. » Et voilà par quel dernier mot l’auteur de Louis XVI le cloue dans une irrémédiable faiblesse et parachève l’histoire qu’il a faite, une par une, des débilités de ce roi sans force, qui n’eut pas même celle d’abdiquer !

879. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Nous croyons que la Curiosité, cette mère de la Science, et la piété de l’Exactitude, qui en est la sœur, ont mis l’auteur des Quinze années du règne de Louis XIV dans la voie qui lui convenait le mieux, et nous ajouterons qu’elles peuvent y mener loin un esprit clair, laborieux et distingué comme le sien. […] L’auteur y a concentré heureusement, dans l’intérêt de la vérité historique, agrandie par son propre effort, à lui, et par sa recherche, les deux livres modernes qui ont versé le plus de jour sur les hommes et les faits d’une époque qu’il retrace à sa manière, je veux dire les Mémoires de Mignet sur la succession d’Espagne, et les Mémoires militaires du général Pelet, aussi intéressants que les premiers, mais moins connus. […] Cette histoire, après tout, intéressante, renseignée, d’une expression preste et svelte (l’expression, la meilleure qualité de l’auteur !) […] L’auteur des Quinze ans du règne de Louis XIV rencontrera-t-il plus tard, sur l’homme et le règne dont il a commencé de raconter le déclin, une idée qui dépasse toutes celles qu’on trouve dans la majorité des esprits ? […] L’auteur a, pour ainsi dire, une perspicacité raccourcie.

880. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Malgré des instincts charmants et bons, malgré une délicieuse limpidité de conscience, l’auteur de la Paix de Dieu est un enfant du xixe  siècle. […] L’auteur de la Trêve de Dieu donne ce fait remarquable comme une preuve des extrémités où le royaume était réduit, et en cela il peut avoir raison, mais ce n’est pas, comme il l’ajoute, « une preuve de l’abaissement de la royauté ». […] Si l’auteur de la Trêve de Dieu ne plonge pas avant dans les horizons qui cernent son sujet et s’il ne voit pas la déduction des faits qui est la loi logique de l’histoire, en sa qualité de juriste il sait compulser des actes législatifs, évoquer des textes et rapprocher des décisions. […] Nous l’avons dit déjà, l’auteur de la Paix et la Trêve de Dieu ne voit pas la déduction des faits et leur ensemble, mais, ce qui est bien plus grave encore, il n’a pas le sentiment de l’importance de chacun de ces faits que sa fonction d’historien l’appelle à juger. […] Ce livre, dans lequel l’auteur a développé la nécessité de l’intervention des évêques dans les temps processifs de notre histoire, temps qui furent périodiques à travers les crises et surtout les changements de race, ce livre a répondu nettement une fois de plus à l’imbécile accusation d’usurpation cléricale que les ennemis de l’Église n’ont pas cessé de faire entendre, et de faire croire, qui plus est.

881. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

Malgré ces noms de Sixte-Quint et de Henri IV, dont il a étoilé le front de son ouvrage, l’auteur n’est pas un biographe à la manière de notre Audin, le grand et délicieux biographe qui n’est pas encore estimé ce qu’il vaut, et dont la gloire, comme les chênes, est si lente à venir ! […] L’auteur du Sixte-Quint et Henri IV, qui fait de la critique ici plus qu’il n’écrit l’histoire, ou, pour parler avec plus de précision, qui fait de l’histoire contre de l’histoire et répond personnellement à Poirson et à Michel ; l’auteur du Sixte-Quint, ancien rédacteur de l’Univers, n’a dans son livre ni flammes, ni dureté, ni morsure, ni amertume ulcérée… Il est doux comme un condamné à mort ; car il en est un au fond de sa pensée. […] Au milieu des raisonnements politiques, appuyés de faits, qui sont le fond de cet ouvrage, évidemment écrit pour des lettrés qui savent ou doivent savoir l’histoire, et où il n’y a jamais le terre-à-terre d’une narration, se dressent, peintes, deux à trois figures, auxquelles l’auteur attache l’éclair qu’il a mis à la figure de Henri IV, ce sensé, qui n’eut jamais, en faisant le huguenot, une seule des passions huguenotes, qui voyait clair en se cachant, et honora toujours l’Église, même quand il l’insultait ! […] L’auteur du Sixte-Quint nie absolument ces deux circonstances que nous aimons comme des légendes ; car les légendes sont l’idéal du vrai, et non pas le faux, comme le croient d’imbéciles philosophes.

882. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

L’auteur de ce livre est arrivé de l’étude sur Gœthe à l’étude sur Diderot, qui l’a complétée… Seulement, tout d’abord, il n’a pensé qu’à Gœthe, — à cette immense personnalité de Gœthe, qui remplit jusqu’aux bords le xixe  siècle et bouche tous les horizons de la pensée moderne de son insupportable ubiquité. […] Publiée immédiatement après nos défaites, l’étude sur Gœthe fut regardée par les journaux allemands de ce temps-là comme une vengeance tardive de vaincu ; mais les opinions qui y étaient exprimées n’étaient pas de la veille à l’état fixe dans la tête de l’auteur, et pas n’était besoin de la guerre pour les en faire sortir. […] Un jour, l’auteur de l’étude que voici — à propos du livre d’Eckermann qui venait de paraître — risqua sur Gœthe un premier mot dont ce livre sera le second. […] Immédiatement justice fut faite, et la porte du journal où il écrivait fut fermée à l’auteur de l’article, pour avoir manqué, dans l’auguste personne de Gœthe, à la littérature française et au gouvernement français3 ! […] Franchement, l’auteur de cette étude ne le croit pas.

883. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

Encore une fois, vient-elle de l’auteur ou vient-elle du sujet du livre ? […] Elle est jusque dans la dédicace de cette Étude, que l’auteur a pieusement dédiée à son père, et dont la prétention est de faire une gloire à des fils insurgés contre les leurs. […] » C’est cette admiration pour l’Amérique, tempérée par un scepticisme dû à la nature un peu molle de l’esprit de l’auteur, qui donne au livre de Xavier Eyma ce caractère incertain et chancelant, lequel est, pour les esprits amoureux de netteté, la chose la plus antipathique. […] Enfin, car il faut en finir, je voudrais, après avoir passé par toutes ces brumes pointées de petites lueurs, et par toutes ces petites lueurs clignotant dans ces brumes, savoir, en fermant ce livre de faits incohérents et d’opinions confuses, si l’auteur de La République américaine croyait à l’avenir de sa République, quand, préalablement, il nous a avoué que le passage aux affaires d’un homme comme le général Jackson pourrait détruire de fond en comble le système américain, et qu’il est convenu de la justesse du mot de l’orateur anglais qui prétendait que Jackson avait fait passer un char attelé de quatre chevaux à travers cette pauvre Constitution américaine ! […] J’aurais dit que souvent, dans son livre, Florian pille Salvandy… Mais j’aime mieux finir par un regret qui eût fait, s’il eût vécu, peut-être réfléchir l’auteur de La République américaine.

884. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Car l’auteur qui l’a revu et qui le prend à sa charge devant le public y a mis certainement toute sa force de tête, qu’il soit une vérité ou un mensonge, et si c’est un mensonge il en aura, certes ! […] Nous n’avons voulu voir aujourd’hui que l’auteur de ce fameux Cours de 1828 qui fit tant de bruit. […] Seulement, nous l’avons dit déjà, aucun de ces divers écrivains qui furent le même, n’a eu, relativement à ses facultés, un moment de talent aussi complet que l’auteur de l’Introduction à la Philosophie de l’histoire, quoiqu’il l’ait traitée galamment de blague dans un style délicieux ! […] Si ces livres, comme nous le pensons, du reste, ne se distinguent que par des qualités inférieures à celles du livre actuel de Cousin, ne les aura-t-on pas jugés implicitement déjà, eux et leur auteur, en jugeant l’auteur (et son livre) de cette Introduction à la Philosophie de l’histoire !

885. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Une seule chose m’attirait vers l’auteur futur des Réveils. […] Certainement, il n’y a pas partout de la poésie, en ces Réveils, mais enfin il y en a assez pour faire mesurer ce qu’il y en aurait si l’auteur s’était abandonné à sa nature, et n’avait pas versé dans des idées et des doctrines qui rongent et diminuent les poètes, mais qui ne sont pas de force à complètement les supprimer ! […] Ces insupportables idées de l’auteur des Réveils, d’autres poètes que lui, du reste, les ont déjà exprimées, et, disons-le, avec une audace d’originalité très supérieure à la sienne. […] Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place,· — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de La Chanson des Gueux, — qui couvait son volume des Blasphèmes, — Richepin le toréador, qui prétend traiter Dieu comme le vil taureau auquel on passe une épée à travers le ventre, Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du Christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle, et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore. […] Et quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité.

886. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

Amédée Pommier, l’auteur des Crâneries, des Assassins, des Océanides, du Livre de sang, des Fantaisies, et qui n’a pas eu peur (il n’a peur de rien, et il a raison !) […] Armand Pommier, l’auteur de La Dame au manteau rouge, dont il va être question aujourd’hui, n’est pas un débutant littéraire ; mais, sauf erreur, c’est encore un nouveau venu. […] Armand Pommier, l’auteur de La Dame au manteau rouge, était une de ces fulgurances incontestées qu’on appelle un homme de génie, La Dame au manteau rouge pourrait-elle être une grande œuvre humaine, malgré la monstruosité du sujet ? […] Je crois que l’auteur de La Dame au manteau rouge ne l’a pas comprise. […] Et à l’auteur, qui vaut mieux que son livre : — Repassez avec un livre vrai !

887. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il serait singulier que cette ardeur de retraite qui le poussait vers les chartreux se fût, à un an seulement de distance, retournée en ferveur d’admiration et d’enthousiasme pour l’auteur des Essais : c’est ce qui semblerait cependant ressortir des faits. […] Ce livre de controverse par un catholique royaliste eut du succès : l’évêque de Cahors, entre autres, messire Antoine Hébrard de Saint-Sulpicel, sur la seule lecture de la première édition, voulut en rapprocher de lui et en posséder l’auteur ; il n’eut point de cesse qu’il n’eût établi Charron dans sa maison épiscopale avec charge et fonction de prêcher en son église les dimanches et fêtes. C’est tout en vaquant à cette charge publique de prédication que l’auteur trouva le temps de répondre, dans une seconde édition (1593), aux critiques que les Protestants avaient faites de son livre. […] Il ne songe pas plus à dérober Montaigne qu’il ne songe à dépouiller tous ces auteurs latins dont les mots et les sentences, en leur langue, nourrissent, soutiennent à chaque instant son discours, et qu’il fait entrer continuellement dans sa trame sans les citer. […] [NdA] Il y aurait aussi à voir si du Vair et Charron, se rencontrant si bien, n’ont pas sous les yeux un même auteur et exemplaire ancien qu’ils traduisent.

888. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Mais ce n’est pas une raison pour passer à l’auteur de Corneille historien son épigraphe, qui ne tendrait à rien moins qu’à faire du grand poète un politique pratique et un habile. […] Desjardins, Napoléon, s’entretenant de Corneille et au sortir sans doute de quelque belle représentation dramatique, aurait dit : « Si Corneille eût vécu de nos jours, j’en eusse fait mon premier ministre. » Bien d’autres, avant notre auteur, sont allés redisant cette parole. […] Taschereau dans la Bibliothèque elzévirienne, travail dès l’abord fort estimable que l’auteur a de plus en plus complété et nourri, revint mettre sous les yeux toutes les pièces biographiques, précédemment ou plus récemment connues, et fournir tous les éléments pour l’étude du caractère dans un portrait futur, et qui reste à faire, du brusque et altier tragique. […] Un soir, Mme de Motteville, le célèbre auteur de Mémoires, était dans le salon de la duchesse de Bouillon et s’oubliait à rêver, tandis qu’on jouait autour d’elle aux propos interrompus. […] Ne subtilisons pas sur nos grands auteurs ; n’imitons pas les érudits qui dissèquent à satiété les odes d’Horace et qui disent : « Ceci est plaqué, et ceci ne l’est pas. » Qu’en savent-ils ?

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