Sinon il faudra dire que les styles de Rousseau, Labruyère (sic), Montesquieu, Flaubert et tant d’autres, qui sentent la rhétorique et le travail, ne sont pas de l’art ; et il n’y aurait de vrais artistes que ceux qui n’ont pas médité leurs phrases, qui n’ont pas cherché leurs épithètes, qui n’ont pas combiné leurs mots, qui n’ont pas travaillé leurs expressions.
La frêle et triste créature « qui chante en gémissant Itys, toujours Itys », a la sensibilité souffrante, les longs souvenirs d’une femme offensée, et en même temps la fierté innocente et le langage élégant d’un artiste. […] Ces peintures de La Fontaine, si courtes, valent les plus grands tableaux ; car tout le talent de l’artiste consiste à saisir le trait exact, qui montre dans un objet le caractère intime. […] Il a la sensation de l’ensemble, lentement ou promptement, il n’importe ; c’est cette sensation qui fait l’artiste.
Bramante, Raphaël, Michel-Ange, les plus grands artistes furent prodigués aux plus grands pontifes pour concevoir et gouverner la construction de ce prodige de la puissance, de la richesse et du génie. […] De plus grands hommes dans tous les arts ne sont pas nés et ne renaîtront jamais : architectes, artistes, pontifes, poètes, tailleurs de marbre, peintres, sculpteurs, mosaïstes, ont été réunis en faisceau de foi, de puissance, de conception, de richesse, de génie, de volonté, d’inspiration, d’enthousiasme pour enfanter ce miracle ! […] ô artistes !
Mais dans sa grossièreté, notre France féodale et chrétienne a un principe de grandeur morale que la Grèce artiste et mythologue n’a pas connu. […] Il n’est pas un artiste : il ne sait ce que c’est que plasticité du style, rythme expressif des vers. […] Ils n’ont pas fait une phrase d’artiste, et peu de vers de poète.
Je laisse les maladifs Goncourt, chez qui la sensation littéraire semble déjà, elle-même, une souffrance, et qui, ne fussent-ils pas torturés comme hommes, le seraient déjà comme artistes ; je n’alléguerai pas le calvaire de leur Germinie, à la fois héroïque et infâme, qui, parmi les hontes et la folie de son corps, garde un si grand coeur et, dans ses « ténèbres », pour parler comme Tolstoï, la pure flamme d’un absolu dévouement. […] Est-ce parce que ces écrivains sont de plus grands artistes que les nôtres ? […] L’espèce de volupté que nous cause la forme chez nos grands artistes, il est certain que ni Eliot, ni Tolstoï, ni Ibsen, ne nous la procureront jamais.
Soit gouttes de vapeur condensée sur ses longs cils noirs, soit larmes de l’esprit montées aux yeux par l’excès de l’émotion d’artiste, quelques gouttes de cette pluie de l’âme brillaient et tombaient aux bords de ses paupières sur la cascade sans qu’elle les sentît couler, en sorte que le Vellino roulait à la mer, avec ses ondes, une goutte chaude et virginale du cœur d’une jeune fille de Paris : larmes sans amertume qui baignent les joues, mais qui ne sont pas des pleurs ! […] La gloire attire les yeux, mais fait peur au sentiment ; à moins d’être très-inférieur et d’accepter humblement son infériorité, ou à moins d’être très-supérieur et de ne craindre aucune éclipse, on redoute d’épouser ces grandes artistes qui introduisent la publicité dont elles rayonnent dans le ménage, qui ne veut que le demi-jour. […] Son salon, autrefois si peuplé, n’était plus que l’atelier d’un grand artiste.
Non content, dans ses ouvrages, de reproduire et de décrire les objets et les scènes qui étaient à sa portée, il s’est attaché d’une égale ardeur à rechercher curieusement dans le passé les maîtres desquels il pouvait relever, et qui, en suivant la même route, avaient laissé des traces remarquables dans les divers arts ; et c’est ainsi qu’en remontant dans l’École française de peinture, après avoir traversé les brillantes séries du xviiie siècle, où la nature elle-même, la plus simple, la plus inanimée ou la plus bourgeoise, a son éclat et sa vivacité de couleur dans les toiles de Chardin, il est allé s’arrêter de préférence devant des artistes bien moins en vue et moins agréables, devant les frères Le Nain, appartenant à la première moitié du xviie siècle, qui lui ont paru chez nous les premiers peintres en date de ce qu’il appelle la réalité. […] Ce sera l’artiste de la famille.
Tout s’est assez bien passé d’abord : la comtesse s’est senti de la sympathie pour la grande artiste dont la présence se trouve suffisamment expliquée par une visite à des ruines voisines, à une tourelle gothique du parc, et elle a retenu les visiteuses pour ce soir-là au château. […] As-tu oublié ma honte et ma douleur premières à ces fatals soupers où tu réunissais, au milieu des bacchantes, artistes, écrivains, compositeurs, poëtes, où chacun excellait en quelque chose, les uns types modernes de la beauté an’ique, les autres étincelants de saillies, servant aux convives leur esprit toujours présent, celui-ci sa verve satirique, celui-là son intarissable gaîté de sublime bohème ; saturnales du génie, vrai paradis du vice !
Mais Ronsard eût renié ce grossier versificateur, si peu poète, si peu artiste. Il y avait du moins un art que ce barbouilleur entendait mieux que tous les artistes de la Pléiade : c’était l’art dramatique.
Le véritable artiste est digne de ne pas procéder ainsi ; et pour tous ceux qui ont de bonne heure connu et admiré Mme Sand, ç’a toujours été un sujet d’étonnement et une énigme inexplicable, que de la trouver si aisément crédule et, je lui en demande bien pardon, si femme sur un point : elle croit volontiers à l’idée des autres. […] La scène un peu idéale de labour, que l’auteur oppose à l’allégorie d’Holbein, est d’une magnificence à faire envie à Jean-Jacques et à Buffon ; c’est là que le souvenir de Virgile et du labourage romain revient manifestement : l’artiste qui peint ici l’attelage d’une charrue du Berry se souvient encore des bœufs du Clitumne.
Arsène Houssaye, le plus aimable de tous, rassemblait sous sa houlette dans son journal de L’Artiste, et auxquels la nouvelle Revue de Paris vient de rendre un asile. […] Il est impossible de passer auprès de ces poètes de l’ancien Artiste et de la nouvelle Revue de Paris sans remarquer et saluer au milieu d’eux M.
Dans la Conversation chez la comtesse d’Albany, à Naples (2 mars 1812), il agite cette question de savoir s’il y a un art de la guerre, s’il y a besoin de l’apprendre pour y réussir, s’il ne suffit pas qu’il y ait une bataille pour qu’il y ait toujours un grand général, puisqu’il faut bien qu’il y ait un vainqueur ; et il met dans la bouche du peintre Fabre sa propre opinion toute défavorable aux guerriers, tout à l’avantage des artistes, gens de lettres et poètes. […] » Il y a des moments pourtant où, voyant tant de choses réelles et mémorables se faire alentour, l’artiste en lui s’éveille et se dit : Je suis peintre aussi !
À chaque difficulté qui survient, il voit à l’instant tous les côtés de la question avec justesse, il les divise, les traite point par point, et les parcourt en les éclairant : puis dans son récit, l’artiste négociateur, l’artiste conseiller d’État se complaît à tout reproduire de ses raisons, et à les étaler en ordre et presque en bataille.
Ce sont ceux qui ne croient pas les femmes plus à leur place là qu’ici, — au bal masqué de l’Opéra qu’au bal de la littérature, — et qui souffrent dans la notion pure, élevée, délicate qu’ils ont de la femme, de ses vertus et même de sa gloire, — en la voyant se travestir comme Mme Stern, non plus seulement en artiste et en femme de lettres, mais mieux que cela, en philosophe ! […] On reconnaîtrait le bas-bleu, — le bas-bleu savant, — qui ne tient pas à être artiste ; qui trouve qu’il y a mieux que l’art, c’est la pensée philosophique, et qui croit l’avoir au fond de son creux, comme on a une perle au fond d’une cruche.
Dans ce volume, il y a en cause, à une seule exception près, si je ne me trompe, un nombre égal d’artistes et de littérateurs. Eh bien, dans ce volume qui contient Rossini, Ernest Renan, Émile Augier, Hérold, Jules Simon, Grisar, Scribe, Donizetti, Octave Feuillet, Weber, Ponsard, Boïeldieu, Adolphe Adam, Champfleury, Mozart, Henri Monnier (à propos du type de Prudhomme), et Shakespeare en profil (à propos d’Hamlet), il n’y a pas que les œuvres de ces écrivains et de ces artistes qui soient examinées ; il n’y a pas que leur génie, supérieur ou médiocre, qui soit caractérisé !
Quant à Clive et Hastings, les faits y sont et y roulent, exagérés comme le théâtre indien sur lequel ils se produisent avec la grandeur qui leur est propre, mais nous ne voyons ni se bomber ni se creuser ces deux individualités énormes, Clive et Hastings, que l’on peut montrer de deux manières : par le relief ou par l’intaille, selon qu’on est un artiste ou un penseur ! […] Drapée de comparaisons merveilleuses et qui sont bien plus que des images, car ce sont presque des tableaux, cette critique savante, éclatante, artiste, ornée sans être surchargée, orientale d’éclat, comme un châle de Cachemire semé d’arabesques, a le bon sens aussi, qui mêle sa solidité aux splendeurs de sa trame… Je ne sais pas de quelle race descend Macaulay, mais il a ce bon sens normand qui vainquit à Hastings, et qui s’est coulé, pour les calmer, dans les veines saxonnes de la sanguine Angleterre.
Un penseur immense et charmant, un charmant et immense artiste, voilà la double nature de cet homme qui a fait des livres trop gros, dit-on, et les intitulait de ce grand mot sec, qui ne l’était pas pour lui : L’Infaillibilité ! […] Mais quand on le pourrait, on se priverait encore de la beauté que le philosophe, grand artiste toujours, donne au développement de ses idées, et de la force qu’il imprime à leurs conséquences.
Il y a, parmi la réalité, du médiocre : l’artiste est bien tenté de l’éconduire. […] C’est pourquoi Caërdal est artiste. […] Un tel symbole, l’artiste le substituait à lui-même : et, quoi ! nous demandons encore l’artiste, sa présence, le bavardage de l’artiste, pour traduire le symbole ? […] Non la besogne de l’artiste !
« Ce dernier trait, dit Sainte-Beuve, (tel que M. de Balzac l’emploie) peut être vrai d’un artiste sculpteur ou peintre qui, au lieu de se mettre à l’œuvre, passe son temps à disserter et à raisonner ; mais, dans l’ordre de la pensée, cette parole du romancier, qui revient souvent sous la plume de toute une école de jeunes littérateurs, est à la fois (je leur en demande bien pardon) une injustice et une erreur.
l’artiste aura fait comme font les gens pauvres, comme la ville de Paris et le gouvernement qui mettent des papiers mâchés dans les monuments publics.
Un prince, qui fut un grand artiste décadent et qui eût été un excellent rédacteur de la Revue indépendante, s’est noyé une nuit, dans un lac des Niebelungen, parmi ses cygnes.
Nous avons eu successivement les snobs du roman naturaliste et documentaire, les snobs de l’écriture artiste, les snobs de la psychologie, les snobs du pessimisme, les snobs de la poésie symboliste et mystique, les snobs de Tolstoï et de l’évangélisme russe, les snobs d’Ibsen et de l’individualisme norvégien ; les snobs de Botticelli, de saint François d’Assise et de l’esthétisme anglais ; les snobs de Nietzsche et les snobs du « culte du moi » ; les snobs de l’intellectualisme, de l’occultisme et du satanisme, sans préjudice des snobs de la musique et de la peinture, et des snobs du socialisme, et des snobs de la toilette, du sport, du monde et de l’aristocratie, — lesquels sont souvent les mêmes que les snobs littéraires, car les snobismes s’attirent invinciblement entre eux et se peuvent donc cumuler.
Inégal mais artiste, M.
En ce cas, on remarquerait tout d’abord que, dans la galerie des types ou des artistes célèbres de la commedia dell’arte, plusieurs ne figurent point parmi ceux que j’ai passés en revue.
Cette troupe réunit un bon nombre d’artistes distingués.
Quand on voit ces grands artistes, entre trois ou quatre expressions, se décider presque toujours pour la plus forte, n’a-t-on pas le droit de traduire ce fait en formule et de tirer un conseil de ce procédé ?
Mais si nous ne revenons pas sur le mérite, historique ou littéraire, d’un livre qui ne peut plus être loué que par Janin, — et dans l’Artiste, encore !
Enfin il y a la portée des vrais brouteurs de thym, la portée des artistes, comme George Sand, à laquelle il faut en ajouter une autre tardivement arrivée, tardivement aperçue, mais charmante, celle des philologues comme Renan, laquelle commence à dresser de si jolies oreilles en faisant sa cour à l’Aurore.
Bien rares, en France, sont les savants, les écrivains, les artistes et même les artisans qui s’absorbent dans la matérialité de ce qu’ils font, qui ne cherchent pas à extraire — fût-ce avec maladresse, fût-ce avec quelque naïveté — la philosophie de leur science, de leur art ou de leur métier.
Avant d’aborder sa psychologie, il est utile de rappeler qu’elle ne saurait porter que sur un artiste. […] Celui qui use en artiste de la mystification en met un peu partout, ne la concentre nulle part. […] L’idéalisme est une vérité de philosophe, non une vérité d’artiste. […] » Et son génie divinatoire d’artiste sert mieux ici Villiers que sa fantaisie d’érudition. […] Telle qu’elle est, elle fait un enchantement d’artiste.
Jamais enfance ne fut moins solitaire, moins instinctive et intérieure, moins propre à former un artiste, et, en effet, elle ne le fut point. […] Ni les rêveurs n’y tiennent fort, ni les contemplateurs et artistes, ni les paresseux, ni les sots, sauf ceux qui, tout en étant des sots, sont des agités. […] Elle ne s’aperçoit pas qu’Aristophane est un grand artiste. […] Dans un pays chrétien, ils ont été les disciples d’artistes païens. […] Il en est lui-même la preuve, puisqu’en lui l’artiste a, sinon contredit, du moins infiniment dépassé, et dans tous les sens, le théoricien.
Le jugement de l’artiste en matière d’art est un amalgame de sensations et de superstitions. […] L’artiste est celui qui ment supérieurement, au-dessus des autres hommes. […] On appelle cela « l’écriture artiste » […] — Ce que je pense de l’écriture artiste ? […] Sa réponse est d’une ingénuité presque divine : « J’ai voulu analyser ce qu’on nomme l’écriture artiste.
De telles circonstances annonçaient et préparaient non un artiste, mais un écrivain. […] Il est dangereux pour un artiste d’être excellent théoricien ; l’esprit qui crée s’accommode mal avec l’esprit qui juge ; celui qui, tranquillement assis sur le bord, disserte et compare, n’est guère capable de se lancer droit et audacieusement dans la mer orageuse de l’invention. Ajoutez que Dryden se tient trop dans le juste milieu des tempéraments ; les artistes originaux aiment uniquement et injustement une certaine idée et un certain monde ; le reste disparaît à leurs yeux ; enfermés dans une portion de l’art, ils nient ou raillent l’autre ; c’est parce qu’ils sont bornés qu’ils sont forts. […] Il errait sur les confins des deux théâtres, et ne convenait ni à des artistes demi-barbares ni à des gens de cour finement polis. […] Cette gaminerie amère de courtisane et d’artiste est sublime.
I J’ai réservé le plus grand et le plus anglais de ces artistes ; il est si grand et si anglais qu’à lui seul il nous apprendra sur son pays et sur son temps plus de vérités que tous les autres ensemble. […] Ils ont beau être artistes, ils sont observateurs. […] Nous restons à genoux devant les sanctuaires où pendant trois mille ans a prié l’humanité ; nous n’arrachons pas une seule rose aux guirlandes dont elle a couronné ses divines madones ; nous n’éteignons pas une seule des lampes qu’elle entassait sur les marches de son autel ; nous contemplons avec un plaisir d’artistes les châsses précieuses où, parmi les candélabres ouvragés, les soleils de diamants et les chapes resplendissantes, elle a répandu les plus purs trésors de son génie et de son cœur. […] Chacun des deux modèles a sa beauté et ses taches, l’artiste épicurien comme le politique moraliste1307 ; chacun des deux montre par ses grandeurs les petitesses de l’autre, et, pour mettre en relief les travers du second, lord Byron n’avait qu’à mettre en relief les séductions du premier. […] » — « Cultive ton jardin, resserre-toi dans un petit cercle, rentre dans le troupeau, deviens bête de somme. » — « Redeviens croyant, prends de l’eau bénite, abandonne ton esprit aux dogmes et ta conduite aux manuels. » — « Fais ton chemin, aspire au pouvoir, aux honneurs, à la richesse. » Ce sont là les diverses réponses des artistes et des bourgeois, des chrétiens et des mondains.
C’est lui qui achète et qui paie ; c’est son admiration qui se monnaie et qui fait vivre l’artiste. […] Nous avons donc sujet de rechercher le secret de son laisser-aller, et nous croyons l’avoir trouvé dans une idée assez commune aujourd’hui parmi les artistes de tous genres : c’est que l’on doit produire simplement, bonnement, dans la forme qui vous vient la première à l’esprit, et avec les pensées que le ciel vous a données. […] Un pareil système fit pourtant des sectateurs, et on ne saurait s’en étonner ; il chatouillait les secrets penchants de l’artiste à l’endroit le plus sensible, en concédant de prime abord le privilège magistral à tel qui aurait dû rester sur les bancs longtemps encore. […] D’ailleurs c’est une âme très artiste. […] Janin est plus artiste que le grand nombre de ceux qui l’attaquent ; il a, dans un degré bien supérieur, la sensation du beau qui est tout autre chose que le jugement ; la nature l’a doué de sens exquis sous ce rapport : c’est un malheur qu’elle ait oublié aussi complètement de le pourvoir des facultés sérieuses de l’écrivain.
l’aimable artiste ! […] Elle n’est point très sensible aux critiques de second ordre, qui sont plutôt des ouvriers que des artistes, et qui s’accommodent de tout et s’ajustent à tout avec une égale médiocrité. […] On peut dire de tous en général ce qu’un poète moderne a dit de l’un d’eux : Artiste au front paisible avec les mains en feu. […] en quoi est-il artiste ? […] Marcel Prévost avec concours des artistes de la Comédie-Française : Jacques Nerval est fils de grands commerçants riches de Paris.
Mais en même temps c’est un artiste ou tout au moins un dilettante très distingué ; et Cela l’a gêné et inquiété dans ses opinions politiques. […] On le voit bien quand il se trouve par aventure en face d’un pur artiste. […] C’est une des imaginations intellectuelles les plus fécondes qui aient été ; c’est un artiste en idées et raisonnements. […] C’est un rêve de poète, si l’on veut, d’artiste, si cela vous fait plaisir, et d’illuminé à mon avis. […] L’artiste ici se soumet à l’objet avec une docilité parfaite et en même temps l’interroge avec passion.
Il était comme ces petits musiciens, enfants prodiges, qui, élevés au piano, atteignent tout d’un coup un doigté merveilleux, roulent les gammes, perlent les trilles, font voltiger les octaves avec une agilité et une justesse qui chassent de la scène les plus fameux artistes. […] Il n’est jamais franc, il est toujours occupé d’un rôle ; il contrefait l’homme dégoûté, le grand artiste indifférent, contempteur des grands, des rois, de la poésie elle-même. […] Une boucle de cheveux que l’on relève, un bras mignon qui sort d’un flot de dentelles, une taille penchée qui fait chatoyer les plis lustrés de la jupe, et le fin sourire demi-engageant, demi-moqueur de la bouche mutine, en voilà assez pour ravir un artiste. […] Il faut être vraiment mondain ou artiste, Français ou Italien, pour y répugner.
… Puisqu’il a pris charge d’histoire contemporaine, et c’est, à coup sûr, la plus lourde charge qu’un esprit résolu puisse porter, n’avait-il donc, comme un grand artiste qu’il est, qu’à mouler énergiquement et ressemblant ce visage de morte qu’on appelle les faits accomplis de l’histoire ? […] Ce n’est pas seulement une grande plume de lutte toujours prête, c’est un grand artiste en histoire, et c’est exclusivement comme artiste, d’une force littéraire peut-être supérieure à sa force politique, que nous avons à le juger. […] Puisqu’il est grand, cet art est varié comme ses modèles, tout en restant individuel comme l’artiste qui lui fait exprimer sa pensée.
Aussitôt qu’il est quitte d’une guerre si rude, il se réinstalle à Rheinsberg et s’y met à vivre de cette vie qui, sauf de courts intervalles, sera désormais la sienne, vie de luxe, de beaux-arts, de plaisirs raffinés, de conversation libre où les artistes étaient admis sur un pied de familiarité décente. […] [NdA] On lit, au tome ier des Souvenirs de Mme Vigée-Lebrun, un portrait du prince Henri, qui, venant d’une main si habile à faire des portraits au pinceau, d’un artiste si habitué à bien voir, a du prix et porte avec soi sa garantie de ressemblance : Lorsque la comtesse de Sabran me présenta chez elle au frère du grand Frédéric, je voyais ce prince pour la première fois, et je ne saurais dire combien je le trouvai laid.
Bonhomme est un érudit de la race des Nodier, Brunet, Peignot ; un artiste et un écrivain, on ne dit pas de quelle lignée, mais de la plus fine. […] J’ai entendu cet autre railleur d’une qualité si distinguée, si rare, l’inimitable Vivier, le lendemain d’une de ces soirées où l’étonnant artiste avait su, comme nulle lèvre humaine avant lui, attendrir les sons du cor et faire pleurer le cuivre ; je l’ai vu dans cette autre partie de lui-même, dans cette mimique délicate, dans ce jeu spirituel, ironique, d’un délicieux comique à huis clos, et je renonce à définir pour qui n’y a pas goûté cette moquerie en action, fine, pénétrante, légère.
Leconte de Lisle et, en général, de tous les écrivains purement « artistes » (si moderne que soit d’ailleurs chez eux le fond de philosophie latente), il ne semble pas que M. […] En somme, le baudelairisme, le renanisme et le beylisme sont des habitudes et des goûts de son esprit, peut-être aussi des acquisitions préméditées d’un artiste qui s’est donné pour tâche de refléter et de porter en lui l’âme d’une certaine époque littéraire.
On s’accorde à y reconnaître des périodes brillantes et des moments crépusculaires, où les artistes tâtonnent et cherchent une voie nouvelle sans la trouver. […] Les ordres inférieurs de beauté (sensoriel, sentimental, intellectuel) sont en revanche, non seulement les plus accessibles à la généralité des hommes et des artistes, mais encore indispensables à la réalisation des beautés d’ordre supérieur. « C’est une nécessité pour l’œuvre d’art, a dit Sully Prudhomme33, de caresser les sens. » Et de là, pour le dire en passant, l’importance extrême de la forme.
Les antiquaires, les artistes, les poètes la maudissaient et la chargeaient d’exécration : lui, il l’absout et peu s’en faut qu’il ne la bénisse : car cette bande noire qui brise et pulvérise la terre, en met les morceaux à la portée d’un chacun, et, en faisant des propriétaires, elle fait, selon lui, d’honnêtes gens, c’est-à-dire des gens intéressés à l’ordre, à la paix, à la justice. […] Mais l’artiste était satisfait chez Courier, c’était assez.
Tourguénef est parmi les très rares et éminents artistes qui aient su connaître « un homme en particulier et non pas l’homme en général ». […] Il fut l’artiste de ses perceptions délicates et de ses sentiments compatissants, l’élégiaque du réalisme.
Malgré tout ce que je reconnais de supérieur et d’étonnant dans son livre, j’attendais plus encore de cet intuitif de regard et de cet artiste de main que des physionomies. […] Ernest Hello était un artiste de la même race que Chateaubriand, mais il avait une foi et une doctrine plus sévères que le grand seigneur du Génie du Christianisme, et voilà pourquoi il me paraît plus propre que Chateaubriand lui-même à écrire la vie des Saints.
Qu’on se figure cinq ou six jeunes gens d’élite sous la conduite d’un maître à la fois artiste et érudit, sous une direction telle que M.
Ils sont certainement pleins de chaleur et de lumière, et tout à fait inspirés du sujet qui faisait alors la préoccupation des plus grands poètes et artistes : la guerre de l’indépendance grecque.
Nous réserverons donc le côté purement littéraire de l’étude pour n’envisager que les qualités de précision technique propres au vocabulaire de chacun de nos artistes.
Viagère, elle reste douteuse, puisqu’elle n’est vraiment la gloire que lorsque le temps l’a consacrée ; et d’ailleurs nous voyons que la « notoriété » de très grands artistes est surpassée, de leur vivant, par celle de simples histrions.
Un magasin d’articles de toilette s’est ouvert à leur intention, galerie d’Orléans, au Palais-Royal, et des artistes peintres se font inscrire, sollicitant la gloire unique de les portraiturer.
Des enfants, des artistes presque sans lettres, se sont passionnés pour ce qui perce des beautés homériques à travers les traductions les plus infidèles. […] Depuis que j’ai lu ce livre-là, les hommes ont quinze pieds pour moi, et je n’en dors plus6. » Où l’artiste voyait des géants, l’homme de lettres regrettait de ne pas trouver des héros de roman, les mœurs de la fin du dix-septième siècle, la raison de Fontenelle et l’esprit de la cour de Sceaux. Il faut, pour bien juger Homère, le grand goût des hommes de génie, ou la naïveté de l’artiste, ou cette raison dont la connaissance de nous-mêmes est à la fois le fond et la première marque.
(En même temps que des artistes, soyons des hommes… Nous ne sommes ni mystiques, ni sceptiques…). […] Lacuzon est, en tous cas, un artiste puissant, et, s’il n’avait autant l’air de s’en rendre compte à travers son œuvre, on admirerait celle-ci sans restrictions. […] La dure tyrannie lui parut créer à l’artiste des loisirs meilleurs que la condescendance des sociétés républicaines.
Les artistes conscients et volontaires ont exercé des représailles. […] Il était philosophe et artiste, logicien et poète. […] D’abord en soi : comment un tel artiste s’avisait-il de se faire politicien ? […] Billy reconnaît, mais sans insister, que ce fut surtout un artiste. […] Il ne trouve pas Stendhal artiste.
Taine ; les artistes pessimistes, comme M. […] C’est probable ; pourtant je ne crois pas qu’un peuple artiste soit jamais violemment égalitaire ni qu’un peuple égalitaire soit jamais extrêmement artiste. […] Qu’est-ce que ce rêve puéril d’artiste ? […] Et cela n’est donné ‘qu’aux penseurs qui sont en même temps des artistes, qu’aux artistes qui pensent en artistes, et qu’aux penseurs qui imaginent en même temps qu’ils pensent. […] Il n’a été, comme apologiste, qu’un artiste au service de l’Église.
Le romancier de Madame Bovary fut, avant tout, un artiste, et un artiste à la façon de Gautier. […] Le financier Mirès dînait avec des artistes et des littérateurs, qui croyaient flairer, à sa table, les truffes d’un nouveau La Popelinière. […] Tout autre que cet artiste accompli se fût gaspillé, émietté, anéanti à cette besogne, qui, selon les calculs de M. […] La probité de cet artiste scrupuleux était infinie. […] Sainte-Beuve loua sa Physiologie des écrivains et des artistes.
Mercredi 4 février Aujourd’hui j’achète chez Hayashi une poche à tabac de Gamboun, le figurateur spécialiste de la fourmi au Japon : un objet de la vie intime, au caractère d’un objet de sauvage, mais fabriqué par le sauvage le plus artiste de la terre. […] De Gakutei, de l’artiste des sourimono, du dessinateur de la femme sacerdotale, Hayashi me raconte cela. […] Réjane a été admirable : elle a dit la scène de l’apport de l’argent comme la plus grande artiste dramatique, ainsi que l’aurait pu dire Rachel. […] Ce n’est que lorsque je suis revenu à ma demande, qu’une fois il m’a dit : « Mais je crois en avoir vu chez vous, dans un recueil que vous avez. » Et c’est comme cela, que j’arrivais à faire connaître ce fameux portrait de l’artiste, authentiqué par son nom sur sa robe, et par l’inscription du poteau auquel il est adossé et qui porte : Sur une demande, Outamaro a peint lui-même son élégant visage. […] C’était pour lui une désillusion sur la grande artiste, et en sortant, il jetait à Dumas : « Je ne vous remercie pas !
Octave Feuillet a eu à rajeunir cet éternel sujet de la courtisane régénérée par l’amour, qui offre, il faut le croire, un bien vif attrait aux poëtes et aux artistes, puisque tous ou presque tous s’y sont laissé prendre. […] Depuis 1838, date des débuts de mademoiselle Rachel, jusqu’en 1843, date de Lucrèce, il n’y avait eu pour l’illustre artiste que de purs et nobles triomphes. […] Il est philosophe, c’est vrai ; mais, comme Platon, son maître, il est aussi artiste et poëte. […] aux obscurités, aux contradictions, aux écueils de la philosophie proprement dite, qui n’est que la glorification de l’esprit aux dépens de la matière, et que tous les écrivains, tous les artistes contemporains devraient prendre pour catéchisme et pour code. […] — Et cet artiste qui essaye de donner une forme à sa pensée, que lui dit-on si ses premières ébauches trahissent un germe de talent, une étincelle du feu sacré ?
Il fallut même, pour cette dernière, vaincre une sorte d’opposition des artistes de la danse, qui s’entendaient pour lui refuser toute espèce de talent. […] J’aime le pouvoir, moi ; mais c’est en artiste que je l’aime… Je l’aime comme un musicien aime son violon.
Mais à son retour en Allemagne, et lorsqu’il se croyait en voie de devenir un artiste et un peintre, une indisposition physique, résultat de ses fatigues et de ses marches forcées, l’arrêta brusquement : ses mains tremblaient tellement qu’il ne pouvait plus tenir un pinceau. […] Le bonheur de le voir, d’être près de lui, me troublait à tel point que je ne trouvais que peu ou rien à dire. » C’est l’émotion dont est saisi tout jeune poëte ou artiste qui se trouve pour la première fois face à face en présence de l’objet vivant de son culte, l’émotion de tel d’entre nous et de nos générations devant Chateaubriand ou devant Lamartine, l’émotion de Wagner abordant dévotement Beethoven.
Il est artiste, et il sent avec son âme : elle va nous rendre juste l’écho. […] Fragments inédits d’une histoire des artistes vivants par Théophile Silvestre.
Je me figure quelquefois, à mes jours de réflexion sombre et de découragement, que je suis, — que nous tous, écrivains de profession et à la fois écrivains de scrupule et d’inquiétude, nous sommes les artistes d’un art qui s’en va. […] On n’est pas de plain-pied avec l’artiste.
Et de là, si l’on a un peu de bonheur, on peut monter, traverser tous les mondes ou même y séjourner successivement, connaître les bourgeois, les marchands, les bohèmes, les artistes, les politiques et ceux qu’on appelle les gens du monde. […] Qu’est, auprès de celle-là, l’action du poète ou de l’artiste ?
À dire vrai, et pris en leur ensemble, ce furent d’honnêtes et probes artistes que ces Parnassiens. […] Ils substituèrent le calque au dessin et le moulage à la sculpture et furent plus, peut-être, des artisans que des artistes.
Elle lui rendait surtout, et utilement pour son talent d’artiste, les impressions et la fraîcheur du passé qu’il avait perdues dans sa vie un peu factice : « Mes souvenirs de jeunesse connaissent tout ce que tu me dis, lui écrivait-il ; cela me fait l’effet du lointain qu’on se rappelle tout à coup distinctement, quoiqu’on l’ait pendant longtemps oublié. » Il ne se prodigue pas pour elle, mais jamais il ne la rebute ; il lui donne la réplique tout juste assez pour qu’elle ne se décourage pas et qu’elle continue. […] Je laisse là les beaux hussards français, les jeunes artistes de Munich, à qui elle prêche l’art, l’art sensible, italien, et non vaporeux ; mais les grands rivaux de Goethe dans cette jeune âme enthousiaste, c’est le héros tyrolien Hofer, c’est le grand compositeur Beethoven.
Partie des salons de la haute aristocratie sous la Restauration, de ces salons exclusifs où elle gardera toujours un pied et où elle aura ses entrées franches, Mme de Girardin se trouve, à un moment, jetée dans le monde tout artiste, tout littéraire et, à sa manière, artificiel aussi, du journalisme. […] Si nous croyions à la métempsycose, nous dirions que l’âme de quelque peintre de paysage, malheureux en amour, avait passé dans le corps de ce noble cerf, tant il s’est montré artiste dans toutes ses promenades et jusque dans sa chute… Tout cela est poussé un peu loin, un peu marivaudé peut-être ; le conteur s’amuse et abuse : il tient à son joli dire, et, une fois mis en train, il ne le lâche pas.
Lettres italiennes Futurisme et néoprimitifsai Tokineaj « L’art c’est la mode… La mode c’est l’atmosphère dans laquelle se meuvent, vivent et respirent les artistes véritablement créateurs d’une époque » écrit A. […] André Rouveyre (1879-1962), artiste, dessinateur et caricaturiste proche ami d’Apollinaire, dont il a illustré Vitam Impedere Amori.
. — Création de l’Artiste.
Consolez-vous, personne n’a vécu dans la familiarité de M. de Vigny, pas même lui. » Mais M. de Vigny manquait de mémoire le jour où il écrivait cette note, et je puis dire que je le connaissais alors et l’avais étudié assez à fond, comme poète du moins et comme artiste.
Nous recommandons plus particulièrement à ceux que la pensée politique préoccupe, et qui aiment à voir le talent des artistes s’en faire l’auxiliaire et l’organe, cette troisième partie où sous le nom de Salvator, le génie mécontent, sinistre et découragé, est repris, remontré par l’homme du peuple en ces termes magnanimes : Du peuple il faut toujours, poëte, qu’on espère, Car le peuple, après tout, c’est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour ; C’est ce sillon doré qui fume au point du jour, Et qui, empli do séve et fort de toute chose, Enfante incessamment et jamais ne repose.
En présence de l’Apollon du Belvédère, j’avais vu notre guide, l’excellent sculpteur Fogelberg279, qui le visitait presque chaque jour depuis vingt ans, laisser échapper une larme ; et cette larme de l’artiste m’avait paru, à moi, plus belle que l’Apollon lui-même.
Marillac est une des plus gaies figures que romancier de nos jours ait rencontrées : artiste avant tout, ayant pour le bourgeois le mépris du grognard de l’empire pour le pékin ; peintre, chanteur de salon, dramaturge en second ou en tiers, bousingot s’il n’y prend garde, jeune-france d’atelier sur toutes les coutures, en un mot vraie lune de Gerfaut : chaque grand homme de nos jours a son Marillac près de lui.
Aussi, le don naturel est-il ici si fort, qu’il ne semble pas que l’imitation de l’antique ait détourné nos artistes de la direction originale vers laquelle ils inclinaient.
L’artiste, comme l’auteur le comprend, qui prouve la vitalité de l’art au milieu d’une révolution, le poëte qui fait acte de poésie entre deux émeutes, est un grand homme, un génie, un œil, ὀφθαλμός, comme dit admirablement la métaphore grecque.