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2162. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

La lumière, âme de la nature, harmonie des êtres, foyer de toute vie, source de toute inspiration et de toute culture, telle est désormais la divinité supérieure, le type transfiguré d’Apollon. […] Ces nouveaux venus qu’elles ont vus naître et croître, les voilà qui insultent leurs doyennes dans la vie divine. — « Jeune dieu ! […] Celui qui nous présente des mains pures, jamais notre colère ne se jette sur lui, il passe une vie saine et sauve. […] La légende de Pallas est chaste comme une vie de Sainte. […] Toute sa vie sociale et morale s’empreint de l’image qu’il se forme d’eux.

2163. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

Ce sont évidemment, en effet, deux travaux d’un caractère fort distinct, que d’étudier, en général, les lois de la vie, ou de déterminer le mode d’existence de chaque corps vivant, en particulier. […] Le problème général de l’éducation intellectuelle consiste à faire parvenir, en peu d’années, un seul entendement, le plus souvent médiocre, au même point de développement qui a été atteint, dans une longue suite de siècles par un grand nombre de génies supérieurs appliquant successivement, pendant leur vie entière, toutes leurs forces à l’étude d’un même sujet. […] Il est donc évident que, pour étudier convenablement les phénomènes sociaux, il faut d’abord partir d’une connaissance approfondie des lois relatives à la vie individuelle. […] Il serait facile, en effet, de rattacher cette sous-division au principe de classification que nous avons constamment suivi, puisque les phénomènes de la vie animale se présentent, en général du moins, comme plus compliqués et plus spéciaux que ceux de la vie végétale. […] La connaissance des lois générales de la vie, qui doit être à nos yeux le véritable objet de la physiologie, exige la considération simultanée de toute la série organique sans distinction de végétaux et d’animaux, distinction qui, d’ailleurs, s’efface de jour en jour, à mesure que les phénomènes sont étudiés d’une manière plus approfondie.

2164. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Cet homme rare, qui n’était bien connu que de ses amis, a rendu dans sa vie de grands services aux Lettres, mais des services qu’il se plaisait en quelque sorte à ensevelir : il aimait à perdre ses travaux dans la renommée de ses amis. […] Promeneur amusé de Munich à Vienne, de Vienne à Venise, de Venise à Milan, et se reprochant les agréments mêmes du séjour, un certain charme de sociabilité qu’il rencontrait d’autant mieux chez les autres qu’il le portait avec lui, il écrivait encore : « Dans le voyage de la vie, il ne faut pas trop s’approcher aux stations de passage où l’on ne peut pas compter de retourner, parce qu’après tout, et avant tout, il faut compter sur le poste final de la famille et des vieux amis, où nous attendent le dernier banc au soleil ou à l’ombre, et nos derniers tisons. » Il a eu son dernier banc au soleil. […] Patin en publiait un dans le Journal des Débats : il y rendait un juste et complet témoignage à l’ami de toute sa vie. […] Il suffit que je sois bien d’accord avec vous pour me réjouir de ces bonnes aventures de parole, de ces victoires de renommée, récompense de votre vie courageuse et laborieuse, — et pour vous en souhaiter, comme je l’espère, beaucoup de semblables.

2165. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

Qui sait jusqu’où l’on pourra porter cette puissance d’analyse, qui, réunie à l’imagination, loin de rien détruire, donne à tout une nouvelle force, et, semblable à la nature, concentre dans un même foyer les éléments divers de la vie ? […] Le charme du style dispense de l’effort qu’exige la conception des idées abstraites ; les expressions figurées réveillent en vous tout ce qui a vie, les tableaux animés vous donnent la force de suivre la chaîne des pensées et des raisonnements. […] Les ouvrages purement littéraires, s’ils ne contiennent point cette sorte d’analyse qui agrandit tous les sujets qu’elle traite, s’ils ne caractérisent pas les détails, sans perdre de vue l’ensemble ; s’ils ne prouvent pas en même temps la connaissance des hommes et l’étude de la vie, paraissent, pour ainsi dire, des travaux puérils. […] l’amour constant pour une réputation de près de vingt années, pour un homme qui, redevenu par son choix simple particulier, a traversé le pouvoir dans le voyage de la vie, comme une route qui conduisait à la retraite, à la retraite honorée par les plus nobles et les plus doux souvenirs !

2166. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Le Chevalier, qui n’a cherché pendant toute sa vie d’autre illustration que l’estime, et d’autre récompense que l’utilité, l’utilité souvent ingrate, mais qui finit toujours par être appréciée à la mesure de ses services. […] Mais si l’on considère de l’humanité son âme, son intelligence, sa moralité, sa destinée évidemment supérieure à cette vie et à cette mort entre lesquelles elle s’agite, sa connaissance de Dieu, l’hommage qu’elle rend à ce maître suprême de ses destinées individuelles ou collectives, la transition entre le fini et l’infini dont elle paraît être le nœud par sa double nature de corps et de pensée, sa conscience, faculté involontaire, révélation, non de la vérité, mais de la justice, son instinct évidemment religieux, son inquiétude sacrée qui lui fait chercher son Dieu, avant tout créature sacerdotale, chargée spécialement par l’Auteur des êtres de lui rapporter en holocauste les prémices de ce globe, la dîme de l’intelligence, la gerbe de l’autel, l’encens des choses créées, la foi, l’amour, l’hymne des créations muettes, la parole qui révèle, le cri qui implore, l’obéissance qui anéantit le néant devant l’Être unique, le chant intérieur qui célèbre l’enthousiasme, qui soulève comme une aile divine l’humanité alourdie par le poids de la matière, et qui la précipite dans le foyer de sa spiritualité pour y déposer son principe de mort et pour y revêtir d’échelons en échelons sa vraie vie, son immortalité dans son union à son principe immortel ! […] Le Chevalier édite aujourd’hui pour ceux qui estiment la science comme le premier devoir de ceux qui veulent profiter de la vie.

2167. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

J’ai mis dans mon livre ma foi en la vie. […] Que les poètes le veuillent ou bien qu’ils le refusent, que font-ils sinon d’établir une vie divine ? […] Est-il possible de dire vraiment que les panégyriques d’Orphée, les stances dialogiques de Virgile, les sonores sonnets de Pétrarque, les drames éloquents de Shakespeare, les lyriques discours de Hugo, ou les élégies séraphiques de Lamartine ne révèlent pas les mêmes vertus, la même vie secrète et sacrée, la même mélancolie intime, la même foi profonde et sévère que les cris de l’âcre Ézéchiel ou que la soumission de Job, que les contes du bon Saint Mathieu ou que les sentences de David, que toutes les pages des Évangiles ou de la Bible ? […] Nous ne nous contenterons pas d’écrire des poèmes délicieux, nous avons l’auguste ambition de rendre à la vie sa beauté plastique.

2168. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Cette notion de l’espèce sociale a, d’ailleurs, le très grand avantage de nous fournir un moyen terme entre les deux conceptions contraires de la vie collective qui se sont, pendant longtemps, partagé les esprits ; je veux dire le nominalisme des historiens48 et le réalisme extrême des philosophes. […] Puisque la nature de toute résultante dépend nécessairement de la nature, du nombre des éléments composants et de leur mode de combinaison, ces caractères sont évidemment ceux que nous devons prendre pour base, et on verra, en effet, dans la suite, que c’est d’eux que dépendent les faits généraux de la vie sociale. […] On comprend en effet que les phénomènes sociaux doivent varier, non pas seulement suivant la nature des éléments composants, mais suivant leur mode de composition ; ils doivent surtout être très différents suivant que chacun des groupes partiels garde sa vie locale ou qu’ils sont tous entraînés dans la vie générale, c’est-à-dire suivant qu’ils sont plus ou moins étroitement concentrés.

2169. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VIII. Du mysticisme et de Saint-Martin »

Il n’a point laissé de trace et de ciment parmi eux, comme Swedenborg, cet autre mystique qui passa aussi sa vie dans la contemplation et dans l’obscurité, mais dont le système plus hardi et plus exprimé a jeté un éclat qui rappelle les aurores boréales de son pays. […] Voilà le plus grand événement de sa vie, dit-il, et il a raison. […] Voilà pourquoi il faut être implacable pour ces tentateurs d’une perfection impossible, et quand ils ont, comme Saint-Martin les avait, les séductions de la pureté dans le talent et dans la vie, il faut l’être pour leur génie, et même jusque pour leurs vertus. […] — Essai sur la vie et les doctrines de Saint-Martin, le philosophe inconnu, par M. 

2170. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Écrire l’histoire du passé n’est donc pas remuer pieusement des ossements arides, c’est préparer aussi l’avenir ; c’est, en quelque sorte, avec la mort semer la vie. […] Theiner, qui, par la nature de son esprit autant que par les habitudes de sa vie, doit incliner aux méditations profondes, avant d’écrire son Clément XIV aura-t-il pensé à tout cela ? […] En choisissant pour nous la raconter la vie de Clément XIV, ce pontificat de quatre années qui ne contient guères qu’une seule chose : la suppression de l’Ordre des jésuites, et en élevant, à propos de ce fait si lamentablement fameux qui contrista tous les cœurs dévoués à la cause du catholicisme, un monument de louange et de respect au pontife de l’abolition, le P.  […] Ces hommes inouïs et calomniés par l’esprit de parti ou par l’ignorance, ces hommes attachés immuablement à ce qui doit rester immuable dans les principes et les institutions, et qui ont en mourant dit d’eux-mêmes, par la bouche de leur général, à qui on proposait la vie : Sint ut sunt, aut non sint , avaient pourtant à un suprême degré ce qui distingue si éminemment l’aristocratie anglaise, — la plus politique des aristocraties, — l’entente de l’heure qui sonne, cet instinct du moment qui gagne les batailles et qui sauve aussi les nations.

2171. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

C’est un homme de talent et de connaissances à coup sûr, un de ces archers intellectuels qui ont plus d’une corde à leur arc et dont l’esprit, à tendances multiples, a trop de mouvement et de vie pour s’enfermer dans le cercle d’une spécialité, — comme nous disons dans le welche du xixe  siècle. […] Monsieur de Cupidon — comme dit la vieille petite nudité de ce nom — est, on s’en doute bien, cet Amour que le xviiie  siècle avait conçu et réalisé, dont la monographie est depuis longtemps trop connue pour que nous la recommencions, et qui, revenu après sa mort sous la forme d’un dandy moderne, traverse le monde et retrouve tous les personnages de sa vie antérieure, affublés comme lui de formes nouvelles : Voici monsieur Dubois plaisamment fagoté ! […] Il nous a donné une notice, bibliographiquement assez complète, sur Rétif de la Bretonne13 ; mais, selon nous, l’idée de raconter, d’atténuer ou d’excuser la vie d’un pareil homme, ne pouvait venir qu’à un écrivain chez lequel le xviiie  siècle a fait fléchir un peu le sens moral. On n’écrit pas la vie de Messaline : on la flétrit ; et Rétif de la Bretonne est la Messaline mâle du xviiie  siècle.

2172. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

il faut bien faire quelque chose de son talent, lorsqu’une fois on l’a développé ; il vous reste et vous sollicite, même après que la fraîcheur ou l’ardeur première du sentiment s’est dissipée ; car, tout poëte élégiaque l’a dû éprouver amèrement, ce n’est pas tant la vie qui est courte, c’est la jeunesse. […] Levons notre tête affranchie, Et que le printemps de la vie S’embellisse toujours du printemps des vertus186 ! […] Dans l’habitude de la vie, surtout vers la fin, il restait assez volontiers silencieux, et pouvait paraître mélancolique, ou même quelquefois sévère. […] « Fontanes m’a fait faire un dîner fort gai dans ma vie. […] La vie d’un soir était douce encore.

2173. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Laissez cela à notre ancien ami Eugène Sue, qui a étudié les trivialités de la populace toute sa vie pendant que vous étudiiez les mondes dans les étoiles ! […] De souffrance en souffrance il arriva peu à peu à cette conviction que la vie était une guerre, que dans cette guerre il était le vaincu. […] Le colonel s’imagine qu’il leur doit la vie. […] C’est véritablement l’héroïsme de la vertu, le martyre nécessaire, mais mortel, de tout ce qui est humain dans l’homme, contre tout ce qui est divin, la vérité, aux dépens de la vie. […] Enfin, il y a bien des choses que je ne puis pas dire, je ne vais pas vous raconter ma vie, un jour on saura.

2174. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « a propos de casanova de seingalt  » pp. 510-511

Quant aux personnages spirituels, aventureux, pleins de ressources et de souplesse, que ces derniers penchants tout extérieurs emportent sans contre-poids à travers la vie, rien n’est plus rare que de les voir unir la moralité et la véracité rigoureuse à une curiosité si courante et si dissipée. […] dans la réalité pratique de la vie, ce rôle est en grande partie dévolu à l’homme de bien.

2175. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Herold, André-Ferdinand (1865-1940) »

. — Le Livre de la Naissance, de la Vie et de la Mort de la Bienheureuse Vierge Marie (1896). — Les Perses, tragédie, traduite d’Eschyle (1896). — La Cloche engloutie, de Gérard Hauptmann, traduction en français (1897). — Images tendres et merveilleuses (1897). — Sâvitri, comédie héroïque en deux actes et en vers (1899). — Au hasard des chemins (1900). […] Hérold est l’un des plus objectifs parmi les poètes nouveaux ; il ne se raconte guère lui-même ; il lui faut des thèmes étrangers à sa vie, et il en choisit même qui semblent étrangers à ses croyances ; ses reines n’en sont pas moins belles ni ses saintes moins pures.

2176. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Ce n’est pas qu’il n’eût pu illustrer un autre nom : sa Traduction de l’Abrégé de la Philosophie d’Epicte par Arrien, & la Vie qu’il nous a donnée de ce Philosophe Stoïcien, sont deux Ouvrages très-estimables, qu’on a réimprimés depuis peu. […] Mais comment voudroient-ils, à travers les dangers, Poursuivre ma vengeance en des bords étrangers, Eux, que leur intérêt & l’amour de la vie Ont à peine arrachés du sein de leur patrie ?

2177. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Brenet » p. 257

Les besoins de la vie qui disposent impérieusement de nous égarent les talens qu’ils appliquent à des choses qui leur sont étrangères et dégradent souvent ceux que le hazard a bien employés. […] Je rencontre sur mon chemin une femme belle comme un ange ; je veux coucher avec elle, j’y couche ; j’en ai quatre enfants, et me voilà forcé d’abandonner les mathématiques que j’aimais, Homère et Virgile que je portais toujours dans ma poche, le théâtre pour lequel j’avais du goût ; trop heureux d’entreprendre l’ encyclopédie à laquelle j’aurai sacrifié vingt-cinq ans de ma vie.

2178. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Marc-Aurèle avait dit dans ses Pensées : « Il faut passer cet instant de vie conformément à notre nature et nous soumettre à notre dissolution avec douceur, comme une olive mûre qui, en tombant, semble bénir la terre qui l'a portée et rendre grâce au bois qui l’a produite. » L’esclave Blandine faisait ce qu’a dit Marc-Aurèle, et elle le faisait au milieu des tortures subies au nom de Marc-Aurèle. […] Ses ouvrages d’ailleurs sont des plus intéressants par les côtés historiques ; ils sont riches en détails de toutes sortes sur la vie littéraire, sur ce monde des rhéteurs et des grammairiens, et sur les nuances précises qui séparaient les uns des autres, sur la vie domestique, sur les mœurs de cette société avancée qui ne songe qu’à couler la vie dans de charmantes villas, sur les rives du Rhin et de la Moselle, et qui s’amuse à analyser ses jouissances en vue des Barbares qui déjà s’amoncellent, et à la veille de la grande invasion qui va déborder sur le monde. […] La correspondance entre Ausone et Paulin à cette date, les pièces de vers qu’ils s’adressent mutuellement, sont pleines d’intérêt : c’est une controverse piquante, non sans grâce, et qui nous initie à la vie nouvelle qui sera celle de toute une race pieuse qui se retrouvera dans l’avenir. […] Posthumianus, qui a visité les moines de la Thébaïde dans leurs solitudes, fait d’abord un récit de tout ce qu’il y a vu ; après quoi, s’adressant à Sulpice, il le prie de lui raconter les traits de la vie de saint Martin, qu’il avait omis dans sa biographie de ce saint ; mais Sulpice, écartant de lui cette tâche, la rejette sur Gallus, comme particulièrement apte à la remplir eu sa qualité de disciple du saint évêque. […] Il y avait également des chants ou chansons en latin, très-profanes, appliqués aux divers usages de la vie domestique (le pendant des scholies des Grecs) ; appropriés à la danse ou aux chœurs, aux noces, aux banquets.

2179. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Mettez-moi d’abord en paix sur l’origine et la sanction de la morale ; apprenez-moi au nom de qui vous l’enseignez ; persuadez-moi qu’une autre vie m’attend, où il me sera fait selon mes mérites. […] Cette censure des grands désordres dans de grandes conditions ne nous atteint pas dans notre obscurité et dans nos passions, bornées comme notre vie. […] Bossuet les a vus et suivis dans leur passage à travers cette vie ; il n’a pu les fréquenter sans faire amitié avec eux. […] Il faut que cela s’écrive sur le tard, ou par un homme de génie qui a su dès sa jeunesse toute la vie humaine. […] On peut, avec ces parcelles de la vie de Vauvenargues, le ressusciter et se le rendre présent ; on le voit et on l’aime.

2180. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Wagner ne possédait pas seulement la science de la langue, grâce aux études philologiques qui durant toute sa vie furent sa joie ; il avait l’instinct sûr d’un vrai poète, et chaque mot est choisi avec un art presque infaillible41. […] Wagner donne comme exemple ces deux phrases : « l’amour enfante la joie, et la douleur » et « l’amour donne le bonheur et la vie ». […] On ne sait pas combien il est douloureux à quelqu’un qui connaît et qui aime Wagner, d’être contraint à s’occuper de cette triste parodie de l’art qui fait une des joies de sa vie. […] Cette phrase suffirait à nous induire profondément dans l’essence mémo de cette vie musicale qui désormais nous initiera à la vie dramatique plus intimement encore que la poésie et la mimique. […] Elle est mentionnée au premier acte lorsque Kundry raconte la vie de Parsifal.

2181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Au ton de confiance de cet auteur on eût dit qu’il avoit pâli toute sa vie sur le Grec. […] Il donna des scènes de fanatisme sur la fin de sa vie, qui l’ont plus fait connoître que tous ses ouvrages. […] Après avoir vécu en philosophe, toute sa vie, il se démentit à la mort. […] quels portraits des différens états de la vie ! […] quelle image vive & naturelle de la vie ordinaire des hommes !

2182. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Cela dit, prenons-le par ses bons côtés, par ses saillies qui souvent vont fort loin dans le vrai et dans le sérieux, prenons-le dans sa parfaite connaissance de la vie, du monde et des hommes. […] Comme il ne croit pas que son souverain, l’empereur Joseph, soit en mesure de la commencer assez vite, il demande à être provisoirement au service de la Russie : « Après avoir fait quelques sottises dans ma vie, dit-il à ce propos, j’ai fini par faire une bêtise. » Le voilà donc sans rôle défini, en qualité de militaire à moitié diplomate, et d’officier général à demi conseiller et très peu écouté, côte à côte avec le prince Potemkine, qui le caresse et le joue : « Je suis confiant, moi, je crois toujours qu’on m’aime. » On assiège Otchakov ; Potemkine n’est rien moins que militaire, et il veut le paraître. […] Le prince de Ligne, malgré sa douceur de mœurs habituelle, ne pouvait s’empêcher d’avoir quelque accès de misanthropie ; il en voulait aux engouements et à toutes ces contrefaçons de talent ou d’esprit qui usurpent la réputation des originaux et des véritables : « Il se fait, disait-il, dans la société un brigandage de succès, qui dégoûte d’en avoir. » Mais il était plus dans sa nuance de philosophie et dans les tons qui nous plaisent, lorsqu’il écrivait cette pensée qui résume sa dernière vue du bonheur : Le soir est la vieillesse du jour, l’hiver la vieillesse de l’année, l’insensibilité la vieillesse du cœur, la raison la vieillesse de l’esprit, la maladie celle du corps, et l’âge enfin la vieillesse de la vie. […] On en souffre tout le reste de sa vie. […] On ne sait pas assez ce que serait la vie humaine avec une irréligion positive : les athées vivent à l’ombre de la religion.

2183. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Une histoire de la vie et des ouvrages de Massillon nous manque : ce serait un sujet heureux. […] Vers la fin de sa vie, il aimait à s’y reporter en imagination, et il regrettait quelquefois cette cellule où il avait passé dans la ferveur d’une paix mystique une ou deux saisons heureuses2. […] Les critiques que fait ce lecteur dont j’ignore le nom, un peu minutieuses parfois, sont la plupart d’une grande justesse : il y relève des inexactitudes et des irrégularités d’expression, des phrases embarrassées, des répétitions (le mot de goût, par exemple, répété à satiété) ; il y fait sentir les faiblesses et les incertitudes du plan, surtout vers la fin ; il y reconnaît aussi et y loue les belles parties, le tableau si vif du prince de Conti à la journée de Neerwinden, et surtout la peinture animée des grâces, de l’affabilité et du charme habituel qui le faisaient adorer dans la vie civile. […] Il a pourtant d’agréables et justes passages, comme celui-ci par exemple, qui peint Louis XIV dans son caractère de familiarité grave et de haute affabilité : De ce fonds de sagesse sortait la majesté répandue sur sa personne : la vie la plus privée ne le vit jamais un moment oublier la gravité et les bienséances de la dignité royale ; jamais roi ne sut mieux soutenir que lui le caractère majestueux de la souveraineté. […] Tous ces points restent à éclaircir. — L’abbé Bayle en a déjà éclairci quelques-uns dans la Vie de Massillon (1867) ; l’abbé Blampignon, dans son édition des Œuvres complètes du grand sermonnaire, nous promet le reste.

2184. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

S’il ne les avait pas lus lui-même, il s’était fait lire quelque chose de Tite-Live, de Langey, de Guichardin (dont il a oublié le nom, mais qu’il appelle un bon auteur) : « Il me semblait, dit-il quelque part, lorsque je me faisais lire Tite-Live, que je voyais en vie ces braves Scipions, Catons et Césars ; et quand j’étais à Rome, voyant le Capitole, me ressouvenant de ce que j’avais ouï dire (car de moi j’étais un mauvais lecteur), il me semblait que je devais trouver là ces anciens Romains. » Voilà le degré de culture de Montluc ; c’était assez, avec son esprit naturel et son amour de la gloire, pour le mener, sans imitation directe, à être l’émule de ces anciens qu’il connaît peu. […] Voyant Montluc près de lui, il se baissa pour l’embrasser et le fit chevalier sur l’heure : « dont je me sentirai toute ma vie honoré, nous dit celui-ci, pour l’avoir été en ce jour de bataille, et de la main d’un tel prince. » Un mécompte amer suivit de près cette joie ; Montluc demanda pour grâce au prince d’être chargé de porter la nouvelle de la victoire au roi : cela lui était bien dû. […] Il dit qu’il partirait dans huit jours, et à ce terme précis il se mit en route, se traînant jusqu’à Montpellier et passant outre, malgré les médecins de la Faculté qui lui prédisaient qu’il n’arriverait pas en vie jusqu’à Marseille : « Mais quelque chose qu’ils me sussent dire, je me résolus de cheminer tant que la vie me durerait, à quelque prix que ce fût ; et, comme je partais, m’arriva un autre courrier pour me faire hâter ; et, de jour à autre, je recouvrais ma santé en allant, de sorte que quand je fus à Marseille, je me trouvai sans comparaison mieux que quand j’étais parti de ma maison. » Montluc débarqua en Italie pendant l’été (1554). […] Le combat s’était passé tout ainsi qu’il l’avait craint ; M. de Strozzi avait été complètement battu, et, blessé lui-même, on le croyait en danger de la vie.

2185. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Elle qui m’a confié toute son âme et toute sa vie, quand moi-même je lui ai voué dans mon cœur toute la tendresse qu’on a pour une épouse, souffrirais-je qu’une nature aussi honnête, aussi pure, aussi bien élevée, en vienne, par misère, à tourner mal ? […] mèneras-tu longtemps pareille vie ? […] On aura remarqué dans toute cette scène ce qui est partout ailleurs dans Térence, le sentiment et l’intelligence de la jeunesse, une parfaite indulgence pour cet âge où la vie est si belle et si propice qu’il lui faut bien passer quelque chose, s’il abonde et s’il excède dans sa joie. […] Il est bien le peintre de la vie, et même, quant à ce vis comica tant reproché, s’il ne se trouve pas en effet ici dans ce dialogue entre les deux frères, je n’y entends plus rien, je ne le vois nulle part. […] Térence peintre de l’homme, ce n’est rien d’absolu dans la morale ni dans la vie : c’est croire qu’on a toujours quelque chose à apprendre, toujours à modifier et à corriger selon l’âge, le moment, la pratique et l’expérience.

2186. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Brizeux aima mieux toute sa vie se soumettre à bien des gênes que de prendre sur son cours d’eau poétique un filet suffisant pour faire tourner quotidiennement le moulin. […] C’est, dit-il, ce qui l’a saisi le plus dans sa vie. […] Je le vois encore tel qu’il était à cette date et à cette époque fortunée, dans toute la force et la superbe de la seconde jeunesse, dans toute l’ampleur et l’opulence de la virilité ; aspirant la vie à pleins poumons, à pleine poitrine ; ayant sa mise à lui, et, sur cette large poitrine dilatée, étalant pour gilet je ne sais quelle étoffe couleur de pourpre, une cuirasse pittoresque, de même que Balzac avait eu dans un temps sa canne à la pomme merveilleuse. […] On sait mon nom ; ma vie est heureuse et facile ; J’ai plusieurs ennemis et quelques envieux ; Mais l’amitié, chez moi, toujours trouve un asile, Et le bonheur d’autrui n’offense pas mes yeux. […] Et dans le Gœthe de Weimar, dans ce personnage majestueux et paisible de la fin ou du milieu de la vie, qui donc reconnaîtra Werther ?

2187. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Guizot, dans cet ouvrage de sa jeunesse, a eu pour aide et pour auxiliaire, il le dit, cette première et si méritante compagne de sa vie, l’ingénieuse et studieuse Pauline de Meulan. […] C’est ce qui faisait dire à Saint-Évremond encore, lorsqu’il voulait marquer le contraste étrange qu’il y avait de Corneille composant et s’exprimant avec sublimité au nom de ses personnages, à ce même Corneille conversant assez brusquement ou platement pour son compte dans la vie commune : « Il ose tout penser pour un Grec ou pour un Romain : un Français ou un Espagnol diminue sa confiance ; et quand il parle pour lui, elle se trouve tout à fait ruinée. […] L’histoire de la Vie et des Ouvrages de Corneille, publiée de nouveau en 1855 par M.  […] Ainsi M. de Chateaubriand et ses imitateurs ; ainsi dans toutes les sphères de la vie. […] Jacques Grimm, l’un des deux illustres frères qui ont recherché si à fond et reproduit si fidèlement les vieux monuments de la race et de la vie allemande, écrivait à M. 

2188. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits par M.  […] Il s’adressa dans sa haute et froide impartialité à toutes les nuances, à toutes les couleurs d’opinions qui s’étaient dessinées depuis 1789 jusqu’au 18 brumaire, sans en exclure aucune, au côté droit comme au côté gauche des diverses Assemblées qui s’étaient succédé : il convenait pourtant que les Constituants lui donnaient plus de mal que d’autres à réduire et à employer ; les Conventionnels lui en donnèrent moins : ils avaient été amenés à comprendre mieux que les premiers que la liberté n’est pas tout, que le salut public doit passer même avant les principes, et que dans la vie des nations il y a telle chose qu’on ne saurait supprimer, le gouvernement avec ses nécessités à certaines heures. […] Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie  siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution ! […] Ces hommes de talent et d’ambition qui, la plupart, depuis l’Assemblée législative avaient déjà tâté de la vie politique et étaient chaque jour en scène, avaient des engagements pris, des liaisons, des antipathies vives, des amis et des ennemis déclarés : lui, il arrivait sur le grand théâtre, à l’état abstrait, pour ainsi dire, neuf, pur du moins de toute prévention personnelle, et l’on peut dire qu’à cet égard il offrait table rase. […] Ici commence une toute nouvelle partie de sa vie qui, pour moins de ressemblance encore avec la première, va en être séparée par un intervalle de captivité, d’épreuves et de souffrance.

2189. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Assujettir le corps aux exercices qui fortifient aussi l’âme, ne point le dépouiller de ses vêtements en présence des astres du jour ou de la nuit, n’y jamais introduire d’aliments impurs, le tenir toujours exempt de toute souillure, surtout ne pécher « ni par pensée, ni par parole, ni par action » ; pratiquer le repentir après la chute ; élever ses enfants ; ressembler, en un mot, à son bon Génie ou Fervers, type et représentation idéale de chacun, telle est la prière que le Persan adresse à Ormuz, « qui est toute pureté et toute lumière, esprit universel et source de toute vie. » Toujours, chez M.  […] Comme la vie politique n’est qu’une lutte entre les divers ordres de l’État et même entre les particuliers ; comme les tribunaux eux-mêmes sont à Rome une arène ouverte à toutes les passions, l’éloquence est un avantage que nul ne peut négliger, une arme qui sert à défendre son honneur ou sa fortune, à attaquer l’honneur ou la fortune d’autrui, et toujours à jouer un rôle dans la cité. […] La seule chose qui pourrait t’attacher à la vie serait l’espoir de faire partager aux autres tes sentiments ; mais tu vois quelle douleur c’est de ne trouver qu’opposition dans le commerce des hommes. […] César, à la fin, ne se donnait plus la peine de défendre sa vie ; il semblait dire : « Qu’ils la prennent, s’ils la veulent !  […] En ce qui est de Marc-Aurèle en particulier, une remarque ressort de l’étude de sa vie et de la lecture de ses Pensées : il ne faut pas être trop sage pour réussir en ce monde et pour enlever le genre humain.

2190. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Né, en 1621, à Château-Thierry en Champagne, il reçut une éducation fort négligée, et donna de bonne heure des preuves de son extrême facilité à se laisser aller dans la vie et à obéir aux impressions du moment. […] Pendant les six premières années de son séjour à Paris, et jusqu’à la chute de Fouquet, La Fontaine produisit peu ; il s’abandonna tout entier au bonheur de cette vie d’enchantement et de fête, aux délices d’une société choisie qui goûtait son commerce ingénieux et appréciait ses galantes bagatelles ; mais ce songe s’évanouit par la captivité de l’enchanteur. […] Génie instinctif, insouciant, volage et toujours livré au courant des circonstances, on n’a qu’à rapprocher quelques traits de sa vie pour le connaître et le comprendre. […] Sa vie, ainsi ordonnée dans son désordre, devint double, et il en fit deux parts : l’une, élégante, animée, spirituelle, au grand jour, bercée entre les jeux de la poésie, et les illusions du cœur ; l’autre, obscure et honteuse, il faut le dire, et livrée à ces égarements prolongés des sens que la jeunesse embellit du nom de volupté, mais qui sont comme un vice au front du vieillard. […] Il a écrit dans sa Vie d’Ésope : « Comme Planudes vivoit dans un siècle où la mémoire des choses arrivées à Ésope ne devoit pas être encore éteinte, j’ai cru qu’il savoit par tradition ce qu’il a laissé. » En écrivant ceci, il oubliait que dix-neuf siècles s’étaient écoulés entre le Phrygien et celui qu’on lui donne pour biographe, et que le moine grec ne vivait guère plus de deux siècles avant le règne de Louis-le-Grand.

2191. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’on a dit que, dans la révolution de France, des spéculateurs barbares avaient pris pour bases de leurs sanglantes lois, des calculs mathématiques, dans lesquels ils avaient froidement sacrifié la vie de plusieurs milliers d’individus, à ce qu’ils regardaient comme le bonheur du plus grand nombre. […] Mais la morale a pour but chaque homme en particulier, chaque fait, chaque circonstance ; et quoiqu’il soit vrai que la très grande majorité des exemples prouve qu’une conduite vertueuse est en même temps la meilleure conduite à tenir pour le succès des intérêts de la vie, on ne peut affirmer qu’il n’y ait point d’exception à cette règle générale. […] Tout revient à l’intérêt, puisque tout revient à soi ; mais de même qu’on ne dirait pas : La gloire est de mon intérêt, l’héroïsme est de mon intérêt, le sacrifice de ma vie est de mon intérêt ; c’est tout à fait dégrader la vertu, que de dire seulement à l’homme qu’elle est de son intérêt, car si vous reconnaissez que ce doit être son premier motif pour être honnête, vous ne pouvez pas lui refuser quelque liberté dans le jugement de ce qui le concerne ; et il existe une foule de circonstances dans lesquelles il est impossible de ne pas croire que l’intérêt et la morale se contrarient. […] J’ai tâché de développer dans ce chapitre combien il importait de soumettre à la démonstration mathématique toutes les idées humaines ; mais quoiqu’on puisse appliquer aussi ce genre de preuve à la morale, c’est à la source de la vie qu’elle se rattache ; son impulsion précède toute espèce de raisonnement. […] La vertu est de ce nombre ; elle est fille de la création, et non de l’analyse ; elle naît presque en même temps que l’instinct conservateur de la vie, et la pitié pour les autres se développe presque aussitôt que la crainte du mal qui peut nous arriver à nous-mêmes.

2192. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

La Fontaine, entraîné par son goût pour le plaisir, suivait le torrent ; et cependant il avait déjà quelques pressentiments du nouveau système de vie qu’il devait professer plutôt qu’embrasser deux ans plus tard, système dont il reconnut la convenance quand il fut élu à l’Académie, et que madame de La Sablière se livra sans partage à la vie pieuse. […] Dans la même année, il écrivait à madame de La Sablière :                  « Les pensers amusants,                  « Les romans et le jeu, « Cent autres passions des sages condamnées « Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années. » Il finit par s’exhorter, il est vrai, sans grande espérance de succès, à embrasser un autre genre de vie : « Que me servent ces vers avec soin composés ? […] Voici nos observations sur la première : En 1677, quand Phèdre a paru, il y avait trente-deux ans que la société de Rambouillet était dissoute par le mariage de Julie : il y en avait douze que la marquise n’existait plus ; huit que la duchesse de Montausier, dernier reste de la famille passait au lit une vie malade et sans espérance ; si, qu’elle était morte. […] Benserade, comme Voiture, passait sa vie avec les grands.

2193. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Les disciples, pour peu qu’ils soient adroits, — et, en devenant Paul Bourget, Théodore Jouffroy avait troqué sa noblesse gauche contre un stock considérable d’habileté — ont une vie extérieure heureuse. […] Ou bien faut-il déclarer, en soulignant sévèrement les derniers mots : « Aimer d’un même amour la mère et la fille, c’est un crime, et qui a un nom : c’est un inceste. » En une dispute alternée que les Muses n’aimeront point, Malclerc et d’Audiguier, personnages sans vie, mais avocats tenaces et savants de toutes les subtilités connues, soutiennent les deux opinions. […] Que de temps exigerait la fastidieuse besogne d’éclairer l’une après l’autre les principales sottises prétentieuses accumulées par Bourget, jadis snob de la psychologie et de la vie mondaine, aujourd’hui snob du catholicisme… Il serait long aussi, et combien écœurant, d’étudier son style de bon élève et son écriture d’enfant sans imagination : le plus banalement coordonné des styles ; la plus grise des écritures. […] Large tableau d’histoire, il ressuscite la vie du xvie  siècle sans trop appauvrir cette énorme puissance combative. […] Chacun des drames rencontrés dans la vie contribue à former le futur dramaturge ; chacun des personnages vus et entendus se transforme en l’esprit du jeune Shakspeare, s’harmonise et grandit jusqu’à l’intensité tragique.

2194. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

La vie des hommes célèbres, de ceux qui ont percé et qui sont fils de leurs œuvres, de ces hommes dont Franklin offre le type, serait une des lectures les plus profitables. […] La vie de Bayard, extraite par M.  […] Les Vies de Plutarque fourniraient également un moyen de faire connaître de l’Antiquité ce qui est indispensable. […] Les Athéniens, vaincus en Sicile, rachetaient leur vie, leur liberté, ou ils obtenaient des vivres dans les campagnes, en récitant des vers du grand poète Euripide, dont les Siciliens étaient, avant tout, épris. Revenus à Athènes, ces soldats délivrés allaient trouver le poète et le remerciaient avec transport de leur avoir sauvé la vie.

2195. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Cependant cette longue vie avait dû se passer à bien des choses. […] Chaulieu dit quelque part qu’il eut toute sa vie la manie de ne respecter que le mérite personnel ; c’était une manie, en effet, dans le monde et le siècle où il vivait. […] Mais Chaulieu, qui n’avait guère besoin de cet apprentissage de franc buveur, revient surtout de là avec l’expérience consommée que la vie de société ne suffit pas à donner, et qu’on ne puise que dans le maniement d’une première affaire, même lorsqu’on n’y a pas réussi. […] Chaulieu tenait du dernier, il tenait surtout de Chapelle ; mais s’il renchérissait sur l’un et sur l’autre pour ses négligences comme rimeur, il se gouvernait mieux qu’aucun d’eux dans la vie, et, sous ses airs d’Anacréon, il savait toujours où il en était. […] La Fare, à cause du caractère sérieux et tout à fait politique de ses Mémoires, qui fait si fortement contraste avec sa vie dernière, prêterait encore mieux que Chaulieu à une telle étude.

2196. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

II Ainsi, ne nous y trompons pas et insistons tout d’abord sur ce caractère : — Conseil essentiellement pratique, petit catéchisme de l’amour à l’usage de la jeunesse, manuel d’entraînement de la femme vertueuse, introduction à la vie du ménage et recette infaillible de bonheur domestique, individuel et social, voilà le livre de Michelet ! […] Quand on a passé toute sa vie dans la chasteté du travail, dans le recueillement de l’étude, quand on est — par la science, du moins, — un moderne bénédictin de l’histoire, quelle fin à faire que le livre de Michelet ! […] Mais cette longue histoire, qui est sa vie et qui, s’il l’avait voulu, eût été sa gloire, ne suffit pas à la pétulance de ses facultés, et de temps à autre il l’interrompt par toutes sortes de publications inattendues. […] Trublet leste, jamais ennuyeux comme le bêta dont se moquait Voltaire, mais comique plutôt ; car il a l’impayable émotion de cette science acquise hier et si contente d’être aujourd’hui, qui, comme l’Ève de Milton, mais plus drôle qu’elle, se régale des premières ivresses de la vie ! […] Or, voici un échantillon de celui qu’il a obtenu : « … Dès l’origine, àtâtons, — dit-il, — la vie, en cherchant la force, semblait confusément rêver la future création d’un axe central qui serait l’être un et remplacerait le mouvement.

2197. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il ne s’agit pas d’enlever un édifice au culte catholique, mais de soustraire la France à l’emprise sacerdotale et papiste, à l’autorité soucieuse de conserver sa proie de consciences et de vies. […] Il faut vraiment toute la force, tout l’art de dissolvant du catholicisme pour parvenir à transformer ce centre rayonnant de la vie qu’est le cœur en un symbole aussi mesquin. De cet organe gonflé de sang, de cet abîme bouillonnant de vibrations et de passions, d’une liberté, d’une impulsivité, d’une richesse tout instinctive, de cette source d’action, de virilité, de cette région où la nature fait entendre ses voix chargées d’orages ou d’espoirs, de ce tumultueux abîme des plus violentes énergies et des plus authentiques clameurs humaines, l’Église catholique est parvenue à faire un triste néant mystique, un lamentable mélange de bassesse et d’absurdité, un odieux et puéril symbole autour duquel viennent s’agenouiller tous les stériles, tous les faibles, tous les déserteurs de la vie. […] Il semble apparaître enfin au jour, mais c’est pour tenter de reconquérir la vie qui lui échappe, qu’il sent s’éloigner de lui, et pour la possession de laquelle il luttera, plein d’une rage sourde, jusqu’à ses derniers instants. […] Ici nous n’apercevons plus le pied de la montagne ; la vie particulière a disparu de nos regards ; nous ne voyons plus que l’ensemble de Paris, sa personne collective, pareille à un Océan de lumière.

2198. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Après avoir classé les parties et les opérations de ce corps vivant, et considéré quelque temps leurs rapports et leurs suites, je dégage un fait général, c’est-à-dire commun à toutes les parties du corps vivant, et à tous les moments de la vie : la nutrition ou réparation des organes. […] De chacun de ces groupes, on déduit un ordre de faits compliqués et ramifiés en détails innombrables, la vie privée, la vie publique, la vie de famille, la religion, la science et l’art. […] La matière et la pensée, la planète et l’homme, les entassements de soleils et les palpitations d’un insecte, la vie et la mort, la douleur et la joie, il n’est rien qui ne l’exprime, et il n’est rien qui l’exprime tout entière. […] Toute vie est un de ses moments, tout être est une de ses formes ; et les séries des choses descendent d’elle, selon des nécessités indestructibles, reliées par les divins anneaux de sa chaîne d’or.

2199. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

On sait bien peu de chose sur la vie du chevalier de Méré ; la date de sa naissance est restée incertaine comme le fut longtemps celle de sa mort. […] Pour être honnête homme (selon le chevalier toujours), il faut prendre part à tout ce qui peut rendre la vie heureuse et agréable, agréable aux autres comme à soi. […] Et parce que tout le monde veut être heureux, et que c’est le but où tendent toutes les actions de la vie, j’admire que ce qu’ils appellent vice soit ordinairement doux et commode, et que la vertu mal entendue soit âpre et pesante. […] Je ne vois rien de si beau que la noblesse du cœur et la hauteur de l’esprit ; c’est de là que procède la parfaite honnêteté que je mets au-dessus de tout, et qui me semble à préférer, pour l’heur de la vie, à la possession d’un royaume. […] Je serais étonné si ce n’était pas d’elle aussi qu’il veut parler : « Une personne, la plus charmante que je connus de ma vie… » (Page 152 des Œuvres posthumes.)

2200. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Dieu n’a laissé ni vide, ni lacune, ni mort dans son œuvre de vie. […] « Sur ma vie ! […] On sent cette verve musicale, cette ivresse de la vie jusque dans les oiseaux chantants. […] Depuis votre naissance, et bien avant, depuis mon mariage, j’ai fait certes assez de pénibles sacrifices et mené une vie assez dure pour entretenir, avec 25 fl. […] Ce jour est le plus triste de ma vie. — Je vous écris à deux heures du matin. — Il faut que je vous le dise : ma mère, ma mère bien-aimée n’est plus !

2201. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — France, Anatole (1844-1924) »

— La Vie littéraire (1888-1892). — Balthasar (1889). — Thaïs (1891). — L’Étui de nacre (1892). — Les Opinions de M.  […] J’y trouve une vive intelligence de l’histoire, une sympathie abondante, une forme digne d’André Chénier ; et je doute qu’on ait jamais mieux exprimé la sécurité enfantine des âmes éprises de vie terrestre et qui se sentent à l’aise dans la nature divinisée, ni, d’autre part, l’inquiétude mystique d’où est née la religion nouvelle.

2202. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

C’est l’Amoureux des « libres devenirs », c’est l’Amant de la Liberté, c’est le compagnon qui, dans le geste et l’ampleur de sa voix, de son chant, clame son dédain des vaines rhétoriques, des vaines formules de Vie. […] C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !

2203. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XX. Conclusion » pp. 499-500

Le jour où l’on aura su, ne fût-ce que dans la vie littéraire d’une nation, expliquer l’apparition et la disparition de tant de goûts divers, enchaîner l’une à l’autre les transformations subies par l’idée de beauté et les répercussions exercées par la littérature sur les autres branches de l’activité humaine, on aura certes accompli une œuvre dont la critique et la sociologie pourront tirer une grande utilité. […] Elle apprendra ainsi à gouverner, dans la mesure du possible, les forces obscures auxquelles jusqu’à présent elle a obéi sans le savoir et elle fera un pas vers cette liberté qui est seule à sa portée et qui consiste à connaître le jeu des lois naturelles pour commander aux puissances de la vie et pour les employer à la satisfaction de ses besoins matériels comme de ses plaisirs esthétiques.

2204. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre II. De l’Allégorie. »

Or, l’âme, dont la nature est la vie, a essentiellement la faculté de produire ; de sorte qu’un de ses vices, une de ses vertus, peuvent être considérés ou comme son fils, ou comme sa fille, puisqu’elle les a véritablement engendrés. […] Remarquez même que l’esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphyrs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles : c’est qu’il y a dans les arbres, dans l’eau et dans l’air un mouvement et un bruit qui rappellent l’idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l’âme.

2205. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Font-ils des décombres, elle y sème des fleurs ; entrouvrent-ils un tombeau, elle y place le nid d’une colombe : sans cesse occupée à reproduire, elle environne la mort des plus douces illusions de la vie. […] Sur les murailles on voyait des peintures, à demi effacées, représentant la vie de saint Bruno ; un cadran était resté sur un des pignons de l’église ; et dans le sanctuaire, au lieu de cette hymne de paix qui s’élevait jadis en l’honneur des morts, on entendait crier l’instrument du manœuvre qui sciait des tombeaux.

2206. (1763) Salon de 1763 « Sculptures et gravures — Falconet » pp. 250-251

La vie se décèle en elle par un souris léger qui effleure sa lèvre supérieure. […] Je conserve au Pigmalion son expression et son caractère ; mais je le place à gauche : il a entrevu dans sa statue les premiers signes de vie.

2207. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

L’originalité de B. de Saint-Pierre Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre595 d’après ses oeuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour bénir : c’était un nerveux, inquiet, chagrin, pétri de fierté et d’amour-propre, ambitieux, aventureux, toujours mécontent du présent, et toujours ravi dans l’avenir qui le dégoûtait en se réalisant, un solliciteur aigre, que le bienfait n’a jamais satisfait, mais a souvent humilié, un égoïste sentimental, qui aimait la nature, les oiseaux, les fleurs, et qui a sacrifié à ses aises, à ses goûts, les vies entières des deux honnêtes et douces femmes qu’il épousa successivement : il accepta ces dévouements béatement, sereinement, comme choses dues, sans un mouvement de reconnaissance, sans même les apercevoir. […] Sur le monde malade d’un abus d’esprit, lassé de la vie la plus artificielle qui fut jamais, disposé déjà par Jean-Jacques à goûter le sentiment plus que la pensée, cette églogue rafraîchissante tomba. […] Maury, Étude sur la vie et les oeuvres de B. de S.

2208. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Ysaye, le pianiste, quelques parents lointains dans une voiture avec Mme Jules Laforgue, Paul Bourget, Fénéon, Moréas, Adam et moi ; et la montée lente, lente à travers la rue des Plantes, à travers les quartiers sales, de misère, d’incurie et de nonchalance, où le crime social suait à toutes les fenêtres pavoisées de linge sale, aux devantures sang de bœuf, rues fermées, muettes, obscures, sans intelligence, la ville telle que la rejettent sur ses barrières les quartiers de luxe, sourds et égoïstes ; on avait dépassé si vite ces quartiers de couvents égoïstes et clos où quelques baguettes dépouillées de branches accentuent ces tristesses de dimanche et d’automne qu’il avait dites dans ses Complaintes, et, parmi le demi-silence, nous arrivons à ce cimetière de Bagneux, alors neuf, plus sinistre encore d’être vide, avec des morts comme sous des plates-bandes de croix de bois, concessions provisoires, comme dit bêtement le langage officiel, et, sur la tombe fraîche, avec l’empressement, auprès du convoi, du menuisier à qui on a commandé la croix de bois et qui s’informe si c’est bien son client qui passe, avec trop de mots dits trop haut, on voit, du fiacre, Mme Laforgue riant d’un gloussement déchirant et sans pleurs, et sur cet effondrement de deux vies, personne de nous ne pensait à la rhétorique tumulaire6. » Jules Laforgue représente le type accompli de l’intellectuel en 1880. […] C’est une autobiographie de mon organisme, de ma pensée, transportée à un peintre, à une vie, à des ambitions de peintre, mais un peintre penseur, Chenavard pessimiste et macabre. […] C’est le prophète de l’inconscient ; son esprit fatigue aspire au nirvanah, à n’être plus que l’algue flottante ou le madrépore sous-marin, à vivre de la vie végétative des plantes.

2209. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

Et lorsque tu l’auras trouvé, lorsque tu auras écarté les Apparences et les Prestiges qui en défendent l’approche, il jaillira éperdu, en strophes heureuses et variées, où sonneront tous les timbres, où éclatera toute la vie. « Car le rythme, c’est la vie elle-même. […] « Et puis, que t’importe : tu auras produit une œuvre, l’œuvre qu’une société vraie admettrait pour ta contribution au labeur commun, puisque tu auras créé de la vie à ton image.

2210. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Adam s’éveille à la vie, ses yeux s’ouvrent : il ne sait d’où il sort. […] Alors commence ce fameux drame entre Adam et Ève, dans lequel on prétend que Milton a consacré un événement de sa vie, un raccommodement entre lui et sa première femme. […] si ce souffle de vie qu’il a reçu de Dieu ne pouvait périr ?

2211. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

De plus, comme dans l’Écriture tout a un rapport final avec la nouvelle alliance, on pourrait croire que les élégies de Job se préparaient aussi pour les jours de deuil de l’Église de Jésus-Christ : Dieu faisait composer par ses prophètes des cantiques funèbres dignes des morts chrétiens, deux mille ans avant que ces morts sacrés eussent conquis la vie éternelle. […] « Pourquoi le jour a-t-il été donné au misérable, et la vie à ceux qui sont dans l’amertume du cœur95 ?  […] Le style le plus recherché ne peindrait pas la vanité de la vie avec la même force que ce peu de mots : « Il vit peu de temps, et il est rempli de beaucoup de misères. » Au reste, tout le monde connaît ce passage où Dieu daigne justifier sa puissance devant Job, en confondant la raison de l’homme ; c’est pourquoi nous n’en parlons point ici.

2212. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Beaucoup n’ont, dans l’Histoire, que le bruit de leur vie répercuté par la foule des esprits médiocres, qui, comme tous les échos, ne comprennent pas ce qu’ils répètent. […] nous excusons facilement bien des genres d’illusion dans un homme, et l’illusion de la jeunesse, et l’illusion de l’admiration pour l’être supérieur qui fascine jusqu’au point de faire croire qu’on est digne d’en écrire la vie, et l’illusion même du plus mince talent, dont les premières révélations portent dans l’âme un trouble qui ne manque pas de grâce quoique demain cela doive être de la vanité ; mais à laquelle de ces illusions innocentes devons-nous l’histoire d’Émile Bégin ? […] … À côté de ce superbe cadre d’événements dans lequel peut tenir cette fresque historique à tant de groupes (la vie de Napoléon, sa famille, son époque), on pourrait être beaucoup plus grand que lui et paraître petit encore… Mais, franchement, ce n’est pas même sous le coup terrible du contraste qu’il se rapetisse, se fond et disparaît.

2213. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Je sais bien que la valeur ne s’aune pas au tirage seul, mais enfin, il faut bien convenir que les « ancêtres » ont la vie dure ! […] Cette conque superbe nous redira en échos de libre Beauté les murmures, les rumeurs et les clameurs et la vie du Rhône. […] » L’art accomplit aujourd’hui chez la plus jeune génération un retour admirable et évident vers la vie. […] Cette formule écarte à la fois le ratiocinement classique, la sentimentalité romantique, la réduction naturaliste aux fonctions physiques de l’humanité, et réunissant en un unique faisceau ces trois éléments, par une exaltation de la vie intérieure, c’est-à-dire, proprement, de la vie humaine, nous permet d’exprimer, vers un idéal, tout l’homme par tout l’art. […] La musique, quand c’est un maître qui parle, parvient plus aisément que la poésie à cette réalisation splendide de la vie.

2214. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Ce ne fut pas un seul instant de sa vie l’opinion du jeune Hebbel. […] Vous savez assez que George Sand a eu toute sa vie la passion du théâtre. […] — Jamais de la vie ! […] Je les connais ; j’ai passé ma vie avec eux, et je les ai dépeints comme je les ai vus. […] L’art veut ces études impartiales et ces contrastes, qui sont dans la vie.

2215. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Cette fois, tous les rôles sont changés dans la vie humaine. […] Voilà donc comment se passait la vie à Versailles. […] L’admirable avantage, cependant, qui a été donné au poète-comédien sur toutes les grandeurs dont il fut entouré dans sa vie ! […] Lauzun donne son congé à madame de Montespan, de la part du roi : — « Notre gracieux roi vous permet de quitter Versailles. » Bragelone déclame contre les vanités de la vie et de l’amour : — « Quel grand philosophe que la vie !  […] « La vie est un ennui que chacun trompe à sa manière.

2216. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

. — Scènes de la vie des courtisanes, de Lucien (1894). — Ariane (1894). — La Maison sur le Nil (1894). — Les Chansons de Bilitis (1894). — Aphrodite (1896). — La Femme et le Pantin (1898). — Les Aventures du roi Pausole (1900). […] C’est avec une netteté de composition absolue, dans la langue la plus savoureuse, la plus concise, la plus transparente sur les sensations aiguës que se déroule la vie, apparue par aspects familiers ou passionnels, de la petite courtisane grecque.

2217. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mérat, Albert (1840-1909) »

En se promenant, sans autre compagne même que sa rêverie ou cette vague musique que les poètes écoutent en leur cœur, dans le bruit et le silence des choses, comme il regarde, comme il devine tout, comme tout l’intéresse, l’émeut des mille détails de la vie qui passe ! […] Sa journée est faite de ces riens insaisissables à d’autres, et sa vie.

2218. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Philoxène Boyer Charles Nodier, qui joua les mille et un personnages de la vie du lettré, aima les vers par-dessus tous les autres divertissements de sa pensée. […] En avançant dans la vie, il modula, sur un ton plus humble, des inspirations plus charmantes.

2219. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Ollivier » pp. 299-300

Une femme a ses enfans égorgés à ses pieds, et elle est assise, tranquille dans la position et avec le caractère d’une vierge qui médite sur les événemens de la vie. […] Et puis Ollivier a cru qu’il n’y avait qu’à tuer, tuer, tuer des enfans, et il ne s’est pas douté qu’un de ces enfans qui conserverait la vie par quelque instinct de la tendresse maternelle, me toucherait plus qu’un cent qu’on aurait tués.

2220. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « Appendice »

Car si à la vérité nous délivrions Ou renvoyions toi maintenant, Certes et dans la suite tu viendrais Vers les vaisseaux rapides Des Achéens Ou devant espionner, Ou devant combattre ouvertement ; Mais si dompté par mes mains Tu venais à perdre la vie, Toi tu ne serais plus jamais Un fléau pour les Argiens ensuite. […] Si nous acceptons le prix de ton affranchissement et si nous te renvoyons, certes, tu reviendras auprès des nefs rapides des Akhaiens, pour espionner ou combattre ; mais, si tu perds la vie, dompté par mes mains, tu ne nuiras jamais plus aux Argiens ?

2221. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Édouard Fleury »

., et cette classification, presque dramatique, donne beaucoup d’intérêt, de vie et de clarté à un livre qu’on lirait encore avec la passion que les récits qu’il contient inspirent, fussent-ils empilés, sans art, comme des matériaux dans un chantier. […] cornélien de la princesse de Lamballe, — qui le dit si bien sous la pique des bourreaux des Carmes, quand ils lui marchandaient la vie au prix d’une lâcheté, — ce fi !

2222. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

Ils se jouent d’un homme désespéré qui craint également la vie & la mort, empressés de faire des expériences. […] Soulager les pauvres, voilà quelle fut l’occupation de sa vie. […] Toutes les autres particularités de sa vie sont très-connues. […] En récompense, le bénédictin, sans s’être dévoué à un genre de vie aussi cruel, avoit plus de modestie. […] Leur vie est moins une vie monastique que cléricale.

2223. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Mais cette vie en quatre volumes, est-elle exacte pour les faits ? […] La vie du roi de Prusse fut un tableau exposé au grand jour qu’on a vu pendant nombre d’années. […] Un empoisonnement est si atroce, qu’on doit au moins emprisonner pour la vie celui qui s’en est rendu coupable. […] J’embrassai le brave Prussien, il partoit pour l’Allemagne, & tel est le sort de la vie. […] Pauvre métier que celui de passer sa vie à faire des libelles !

2224. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

S'il y a sous cette solitude et ce silence une vie intérieure, pontificale, à petit bruit, c’est un pouls de vieillard : on continue. […] On y passe la vie à être d’accord avec soi-même, sans contradiction de personne.

2225. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gregh, Fernand (1873-1960) »

Quant à moi, si ce livre me passionne, c’est surtout parce qu’il résume une époque de vie et qu’il traduit, de manière quasi définitive, une heure sentimentale. […] Fernand Gregh, en le qualifiant de menu chef-d’œuvre, il l’inséra dans son article (La Vie et les Livres, 3e série).

2226. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Guérin est particulièrement noble et éloquente ; je recommande à ceux qui ouvriront son livre la série des poèmes intitulés : Fenêtres sur la vie. […] Il est certes dangereux d’évoquer les noms sacrés et les œuvres définitives à propos de quelqu’un d’entre nous, fût-ce le meilleur, et cependant je voudrais redire que j’ai goûté ici, grâce à l’aisance du rythme et à l’art d’animer les choses familières d’une puissante vie intérieure, un peu du charme puissant et doux qui fait des Contemplations un livre à part en notre langue.

2227. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 467-471

Pourquoi cet Auteur, qui a joui d’une si grande réputation pendant sa vie ; que Vaugelas consultoit comme l’oracle de la Langue Françoise ; à qui Despréaux & Racine s’empressoient de lire leurs Ouvrages, comme à un juge plein de lumieres & de goût ; pour qui l’Académie avoit une déférence qui tenoit du respect ; qu’on regardoit au Barreau, comme un des Orateurs les plus éloquens ; pourquoi est-il aujourd’hui totalement oublié ? […] Malgré la pureté du langage, qui constitue le mérite de ses Plaidoyers & de ses Lettres, faute de cette chaleur & de cette raison qui donnent la vie aux Ecrits, on ne s’empresse plus de les lire, & son nom seul est resté dans notre souvenir.

2228. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Nisard »

Ce qu’on ne savait pas, c’était l’importance que trois pédants colossaux devaient retrouver, dans ce temps, aux yeux du moins de l’écrivain qui se dévouait à écrire leur vie oubliée. […] Il prétendait, comme on sait, descendre de Totila, roi des Goths, et se faisait appeler Altesse et duc de Vérone, avec un aplomb que rien dans sa vie ne déconcerta, ni les moqueurs, ni les ennemis, ni les incrédules.

2229. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Un écrivain d’une grande érudition littéraire, méconnu, un de ces hommes presque universels, qui sont poursuivis pendant toute leur vie par je ne sais quelle malignité de la fortune et de la renommée, M.  […] « J’ai reçu, dit-il, la vie et la lumière dans le Nouveau-Monde. […] Dans mon ignorance, je leur prêtais une vie supérieure à la mienne ; mon respect, mon amour pour ces choses inanimées datent d’une époque que je puis à peine me rappeler. […] Je communiquai à mon excellent père le sujet de mon chagrin : ces essais qui disparaissaient entre mes mains, ces animaux si agiles et si frais pendant leur vie, et livrés après leur mort à une si triste métamorphose. […] Le premier est porteur d’une calebasse remplie de vers qu’il garde en vie dans de la terre humide ; le second a renfermé dans une bouteille une cinquantaine de sauterelles, également en vie ; le troisième n’a rien du tout pour amorcer, mais il empruntera à son voisin.

2230. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

C’est la privation d’un homme habitué à boire des petits verres, qui ne trouve plus dans son gousset les trois sous, pour continuer à aimer la vie. […] Je le trouve couleur d’un vieux cierge d’église, les yeux ayant perdu l’allumement de la vie, la voix sans résonance, se plaignant d’affreuses névralgies des reins ; et l’esprit encore plus malade que le corps, et me disant : « Je crois bien avoir le foie atteint, aux tristesses affreuses que j’éprouve !  […] » Un moment il dit : « Je tape trop sur le fer, je ferraille… il y a chez moi de l’indécision sur ce que je veux faire… je ne tire pas de suite, comme Laurent. » Et il ajoute qu’il veut se battre trois fois, après quoi, il trouve que ce sera satisfaisant, et qu’il cherchera un joint pour rentrer dans la vie ordinaire. […] Samedi 24 juillet Les embêtements de la vie prennent, l’été, une intensité particulière. […] Des entractes où l’on n’entend ni parler, ni remuer, ni souffler même : une salle en pénitence, un monde consterné, appréhendant de se livrer à la moindre manifestation de vie quelconque, comme si on allait le gronder.

2231. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

L’esprit plane sur les sommets comme s’il avait des ailes ; d’un regard, il embrasse les plus vastes horizons, toute la vie humaine, toute l’économie du monde, le principe de l’univers, des religions, des sociétés. […] Quand on prend la vie de la sorte, un philosophe avec toutes ses idées est aussi nécessaire dans un salon qu’un lustre avec toutes ses lumières. […] Les souverains, au milieu de leur magnificence et au plus fort de leurs succès, l’appellent chez eux pour goûter une fois dans leur vie le plaisir de la conversation libre et parfaite. […] 456. — Vicomtesse de Noailles, Vie de la princesse de Poix, née de Beauvau. […] Merlin de Thionville, Vie et correspondance, par Jean Reynaud.

2232. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

C’était l’heure des adieux suprêmes à tout ce qu’on a vu, touché, aimé, vénéré dans la vie. […] que sont devenus ces compagnons et ces compagnes de ma vie ? […] Qui aura l’ingratitude et le courage de lui ôter aujourd’hui la vie avec la faim ? […] Nous glissâmes sur ces suprêmes douleurs de notre vie. — Non, cela n’est pas possible, dirent-elles toutes à la fois. […] Mon bonheur lui appartient comme ma vie.

2233. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Vive image de sa mission parmi les hommes auxquels il devait distribuer la parole, ce pain de vie ! […] Les récits adressés par l’ambassadeur français à sa cour représentent ce mariage comme l’union de deux amants s’effaçant l’un l’autre par leurs charmes, et s’enivrant dans des fêtes prolongées du premier bonheur de leur vie. […] » — « On vous dira, écrit à Catherine de Médicis Paul de Foix, son envoyé à Holyrood, la vie gracieuse et aisée de ladite dame, employant tous les matins à la chasse et le soir aux danses, musiques et mascarades !  […] Tremblant pour son trône, pour sa liberté, pour sa vie et pour celle de l’enfant qu’elle portait dans son sein, elle entreprit de séduire à son tour l’époux outragé dont la colère semblait s’être tout à coup éteinte dans le sang de son rival. […] Puis me donna une autre dure allarme Et me pensa ôter vie et frayeur !

2234. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Elle veillait seule en lui, quand toutes les autres facultés de son âme sommeillaient, ou plutôt elle était son âme tout entière, réveillée par quelque apparition des beautés admirées toute sa vie et qu’il s’était comme incorporées. […] Destinée unique, vie qui recommence après un demi-siècle, et pour un demi-siècle encore ; je ne m’étonne pas que, de tant de conditions heureuses, il soit sorti un livre à beaucoup d’égards parfait, par la convenance de l’entreprise au but et de l’œuvre à l’ouvrier. […] Mais jeune, il la cherchait ; vieux, elle lui est naturelle ; c’est un fruit mûr, en sa saison, du travail et de la vie. […] Fontenelle n’avait pas impunément passé la première moitié de sa vie parmi des modèles de simplicité ornée et de justesse éloquente. […] Nous continuons à douter qu’il soit dans les desseins de Dieu que nous étouffions de nos mains la lumière qui luit en chaque homme venant au monde ; mais nous demandons à Pascal son secours pour apprendre dans le christianisme la science de nous-mêmes et la règle de notre vie.

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