/ 1788
1095. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Ils sont pleins de tours et d’expressions qui ne sont pas dans le style des discours de Jésus, et qui, au contraire, rentrent très-bien dans le langage habituel de Jean.

1096. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

L’auteur traite les deux premiers points en simple physiologiste ; et j’ai regretté, pour ma part, que le langage ne soit étudié nulle part dans cet ouvrage, comme faculté psychologique.

1097. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XV, l’Orestie. — les Choéphores. »

En exécutant l’ordre d’Apollon, il prend son langage : il ne discute pas, il décrète ; on croit entendre la voix de l’Oracle répercutée par la grotte d’airain de son temple. — « C’est le destin, mon enfant, qui est le seul coupable ! 

1098. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

A l’actif de cette pièce, si froidement positive qu’on peut lui appliquer le langage des affaires, il faut porter, avec la scène émouvante et vraie de l’abandon du prologue, les deux premiers actes fortement conduits, et où chaque situation fait coup double.

1099. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

M. de Lamartine commet là un anachronisme qui n’est pas seulement un anachronisme de langage, mais qui en est un au moral.

1100. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Enfin, une doctrine très-répandue assigne à la faculté du langage articulé un siège spécial dans le cerveau ; mais cette dernière question mérite par son importance une étude particulière.

1101. (1761) Apologie de l’étude

Tel sera infailliblement le langage de tous ceux qui, n’ayant point attaché leur existence à la culture des lettres, n’y cherchent et n’y trouvent qu’un délassement sans prétention, peu fait pour amener le dégoût, et pour éveiller l’envie.

1102. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Tels sont, en dernière analyse, les véritables termes de la question ; et c’est ainsi que nous aurions voulu la voir présenter dans le discours préliminaire du secrétaire perpétuel de l’Académie française Et maintenant, comment l’auteur d’un travail aussi important, comment cet homme assez érudit, et en même temps assez intelligent, pour concevoir et conduire à fin, seul, une entreprise de cette taille, le premier répertoire complet du langage français ; ce savant qui à la qualité d’érudit intelligent et laborieux réunissait à un haut degré la verve originale du romancier, le goût dans la critique, la vivacité d’esprit du pamphlétaire ; comment cet homme a-t-il pu descendre dans un aussi complet oubli ?

1103. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Ici, Madame Récamier n’est pas remplacée, parce qu’elle n’est pas peinte, parce que la personne qui tient le dé pour elle dans ce livre de Souvenirs n’a pas plus pénétré cette femme et ne l’a pas plus reproduite que ne l’aurait fait la première venue qui sait écrire quatre lignes de narration française, dans cette société myope de regard et effacée de langage qu’on appelle la bonne compagnie ; parce qu’enfin sur cette femme, dont la supériorité fait l’originalité la plus rare et la plus exquise, on n’a eu à dire que des banalités élégantes, qui roulent sur tous les parquets depuis qu’il y a au monde des parquets !

1104. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Le langage exprimera le fait en disant que A se meut, ou que c’est B.

1105. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre premier. Table chronologique, ou préparation des matières. que doit mettre en œuvre la science nouvelle » pp. 5-23

On n’a point assez remarqué cette loi, faute d’en savoir comprendre le langage.

1106. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

D’autres sujets, un autre langage. […] Ce procédé si simple, et qu’il expose si simplement dans le Discours de la Méthode, il le mettra successivement, dans les Méditations, dans les Réponses aux objections, dans les Principes, sous les formes les plus diverses ; il l’accommodera, s’il le faut, au langage de l’école pour l’y faire pénétrer. […] Ainsi un homme de bien laisse régler l’ordre des successions et de la police aux lois civiles, comme il laisse régner le langage et la forme des habits à la coutume. […] La vérité est la fille, la parole, j’allais dire le verbe éternel de Dieu, si la philosophie peut emprunter ce divin langage à cette sainte religion qui nous apprend à adorer Dieu en esprit et en vérité. […] Nous en avons assez dit pour être autorisé à conclure que le langage humain et les sentiments qu’il exprime sont inexplicables, si l’on n’admet pas la distinction essentielle du bien et du mal, de la vertu et du crime, du crime fondé sur l’intérêt, de la vertu fondée sur le désintéressement.

1107. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Il feint d’être exaspéré de la prétention et de la pose qu’on sent en effet sous ce beau langage. […] cela est joli ; et le pire langage à tenir à une mère en deuil est de lui dire de jolies choses. […] Il faut songer encore à cette délicieuse impression, pour parler le langage des peintres à propos d’un peintre, qui s’appelle Dans l’église de *** 82. […] Un artisan des villes, une femme du peuple développe sans cesse, et aime entendre les gens qui savent développer. « Bien parler » dans le langage populaire ne signifie pas autre chose qu’avoir le génie du développement. […] « Les idées de tout le monde dans le langage de quelques-uns.

1108. (1885) L’Art romantique

Gautier, c’est l’amour exclusif du Beau, avec toutes ses subdivisions, exprimé dans le langage le mieux approprié. […] Elle emprunte au poème, non pas le mètre et la rime, mais la pompe ou l’énergie concise de son langage. […] Il a parlé le langage du comptoir, le langage des gens du monde, croyant parler celui de la vertu. […] Il est bon de remarquer en passant le parallélisme de la sottise, et que les mêmes excentricités de langage se retrouvent dans les écoles extrêmes. […] Je vais au plus pressé, et je parle le langage des bonnes gens.

1109. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Son langage vous semblera peut-être rigoureux ; n’oubliez point que c’est un très grand psycho-physiologiste : « Le vieux Sixte, dont M.  […] Comme Marguerite (dont Goethe a pris en effet le langage dans la poésie populaire de l’Allemagne), la jeune paysanne bretonne répond à peu près : « Je ne suis demoiselle ni belle ». […] Cela même est d’un bon ouvrier du langage. […] La pythonisse parlait le langage de Walmiki ; elle n’en était plus à l’idiome primitif ! […] Si sa belle voix a paru trop faible par moments, c’est la faute du poème, — je crois qu’on dit le poème, en langage de théâtre.

1110. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Ludovic Halévy ont dit de cet homme de bien, dans un langage parfait, tout ce qu’il fallait dire, et je me tairais après eux si mon devoir n’était de porter témoignage à mon tour. […] Voilà une bien grande vérité exprimée en un bien vilain langage ! […] Il n’est d’abord pas supposable qu’ils procèdent tous également de leur père spirituel par le libéralisme de l’esprit, par le romantisme du langage et par le goût des voluptés ascétiques de la flagellation et du crucifiement. […] XXXIX, XLV). » Ce langage n’a rien qui puisse surprendre dans la bouche d’un croyant ; il est très convenable à un prêtre et à un moine. […] L’aristocratie du monde romain formée à l’École, experte en rhétorique, nourrie des chefs-d’œuvre de l’antiquité, n’aurait pas entendu sans dégoût le langage barbare et bas d’un Luc ou d’un Matthieu.

1111. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Que l’on se rappelle, de Ronsard et Du Bellay, leur travail de la langue poursuivi méthodiquement selon les lois mêmes d’évolution du langage, leur attention à la valeur musicale du Verbe, à la valeur des sons en leur essence phonétique, etc. […] Il est assez de dire que me guidèrent des aperçus sur le langage, de Renan, Max Muller22, Schleicher23, Hovelacque24, G. […] Ils tournent d’abord leur phrase comme tout le monde, en langage français et chrétien. […] que n’ai-je d’un langage approprié à ce genre ! […] « Vivacité et rigueur de langage surprenantes », appréciait un autre.

1112. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

» Considérez maintenant la place que ces artifices de langage occupent dans le discours. […] Le libertinage de la pensée ne se traduit, ni dans les lettres qu’elle écrit ni dans les lettres qu’elle reçoit, par la grossièreté du langage. […] Et la ligne et la couleur, évidemment, leur parlent un langage qu’elles ne nous parlent pas. Quels sont les éléments de ce langage, et quelle en est la grammaire ? […] par où confine-t-il au langage de la sculpture, et par où touche-t-il au langage de la littérature ?

1113. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

. —  L’imagination est l’organe par lequel nous percevons le divin1420. » En langage plus simple, cela signifie que tout objet, animé ou inanimé, est doué de forces qui constituent sa nature et produisent son développement ; que pour le connaître, il faut le recréer en nous-mêmes avec le cortége de ses puissances, et que nous ne le comprenons tout entier qu’en sentant intérieurement toutes ses tendances et en voyant intérieurement tous ses effets. […] Par elle, ils ont fait une linguistique, une mythologie, une critique, une esthétique, une exégèse, une histoire, une théologie et une métaphysique tellement neuves, qu’elles sont restées longtemps inintelligibles et n’ont pu s’exprimer que par un langage à part. […] » Le langage, la poésie, les arts, l’Église, l’État ne sont que des symboles. « Ainsi, c’est par des symboles1428 que l’homme est guidé et commandé, heureux ou misérable ; il se trouve de toutes parts enveloppé des symboles reconnus comme tels ou non reconnus. […] Pour ce cœur sauvage, plein de toutes les émotions, sans langage pour aucune émotion, elle pouvait sembler un petit œil, cette étoile Canope, qui le regardait du plus profond de l’éternité et lui révélait la splendeur intérieure. » Le culte du grand Lama, le papisme lui-même, interprètent à leur façon le sentiment du divin ; c’est pourquoi le papisme lui-même est respectable. « Qu’il dure aussi longtemps « qu’il pourra » (ceci est bien hardi en Angleterre), « aussi longtemps qu’il pourra guider une vie pieuse. » On l’appelle idolâtrie, peu importe.

1114. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Si une exécution très-nette est nécessaire, c’est pour que le langage du rêve soit très-nettement traduit ; qu’elle soit très-rapide, c’est pour que rien ne se perde de l’impression extraordinaire qui accompagnait la conception ; que l’attention de l’artiste se porte même sur la propreté matérielle des outils, cela se conçoit sans peine, toutes les précautions devant être prises pour rendre l’exécution agile et décisive. […] Ils viennent danser autour de ses cendres ; ils ont même retenu quelque chose de son langage : tant leur est douce la mémoire de ce Romain qui s’accusait d’être le barbare, parce qu’il n’était pas entendu du Sarmate !  […] Vous traversez une grande ville vieillie dans la civilisation, une de celles qui contiennent les archives les plus importantes de la vie universelle, et vos yeux sont tirés en haut, sursùm, ad sidera  ; car sur les places publiques, aux angles des carrefours, des personnages immobiles, plus grands que ceux qui passent à leurs pieds, vous racontent dans un langage muet les pompeuses légendes de la gloire, de la guerre, de la science et du martyre. […] Reste à expliquer l’utilité du cheval qui, dans le langage apocalyptique, peut fort bien symboliser l’intelligence, la volonté, la vie.

1115. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

A la vérité, c’est par le commandement même du roi que Bossuet lui tenait ce sévère langage : mais n’était-ce pas l’effet d’un secret mécontentement de soi-même que de commander à la voix la plus libre alors, à la voix de l’évêque, de lui parler de ses fautes ? […] Rien ne fut plus efficace pour rendre les esprits agréables, les mœurs polies, le langage civil et délicat. […] Louis XIV eut à entendre de sévères paroles sur « ces victoires et ces conquêtes qui remplissent ici-bas la vanité des histoires, auxquelles on élève des monuments pompeux pour en éterniser le souvenir, et qui ne seront regardées, au jour du jugement, que comme des agitations stériles ou le fruit de l’orgueil et des passions humaines255. » Il se vit représenter les malheurs que ses fautes, avaient en grande partie suscités ; des batailles perdues lors même que la victoire paraissait assurée ; des villes imprenables tombées à la présence seule des ennemis ; un royaume, le plus florissant de l’Europe, frappé de tous les fléaux que Dieu peut verser sur les peuples dans sa colère ; « la cour remplie de deuil, et toute la race royale presque éteinte : malheurs singuliers que Dieu préparait à Louis XIV pour purifier les prospérités de son règne256. » Il eut à se reconnaître dans la peinture de ces guerres « où l’on voit les disciples de celui qui vient apporter la paix aux hommes, armés du fer et du feu les uns contre les autres ; les rois s’élever contre les rois, les peuples contre les peuples ; les mers, qui les séparent, les rejoindre pour s’entre-détruire ; chacun voulant usurper sur son voisin, et un misérable champ de bataille, qui suffit à peine pour la sépulture de ceux qui l’ont disputé, devenir le prix des ruisseaux de sang dont il demeure à jamais souillé257. » Massillon, devant ce roi plus que sexagénaire, parlait déjà le langage sévère de l’histoire.

1116. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Quelle est l’origine du langage ? […] Quiconque, dans ce siècle, a tenté de le dire, y a échoué misérablement, parce que, ne pouvant concevoir l’homme sans la moralité, sans le langage ou en dehors de la société, ce sont ainsi les éléments mêmes de sa définition qui échappent à la compétence, aux méthodes, aux prises enfin de la science. […] Son langage n’a pas été moins net, ni moins conciliant, sur la question ouvrière.

1117. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Il la considère comme la conscience progressive que l’oreille a prise d’une forme de langage dont elle est apte à jouir. […] La prose est susceptible d’une harmonie délicieuse et très expressive ; peut-être depuis quelque temps appelez-vous un vers telle forme de langage qui charme l’oreille et que pourtant je persiste à nommer prose. […] Oui, il est incontestable que ce mode de langage qui a derrière lui une longue et sévère tradition ne peut pas se plier aux caprices, plus ou moins sérieux, et aux fantaisies peut-être irraisonnées, de réformateurs échevelés.

1118. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Aurélien Scholl a toujours eu le bon sens de se servir de l’esprit que la nature lui a donné, sans l’entraver, non plus que son langage, par l’inquiétude des soi-disant écoles nouvelles. […] Malgré sa défaillance, la duchesse reste sympathique, et n’était son langage que je n’aime pas beaucoup, on ne demande qu’à lui pardonner. […] Qu’on ne soit pas trop étonné de voir, le maître du vers parler le langage des savants ; il avait, chose à peu près ignorée, travaillé les mathématiques pour entrer à l’école polytechnique. […] Ainsi conclut l’abbé Jérôme Coignard, à qui il sera pardonné bien des libertés de langage et de pensée. […] Depuis de longues années déjà, nous suivons avec peine, chez quelques poètes, les ravages d’une sorte de maladie de nos rythmes et de notre langage, et, là encore, nous reconnaissons une influence étrangère.

1119. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il souhaite des chrétiens qui soient en même temps ce que le langage de son époque appelait d’honnêtes gens. […]  » Traduite en langage courant, cette formule signifie que, pour s’adapter aux exigences d’une certaine sorte d’activité, l’individu doit développer certaines de ses puissances, aux dépens de certaines autres. […] Second sens : être utile. » Le langage, cette intuition notée de l’âme populaire, en liant l’idée d’utilité à celle de soumission, a résumé dans un raccourci saisissant toute cette mystique de l’armée. […] Tout au plus l’une et l’autre apparaissent-elles comme des limites, — pour parler le langage mathématique, — vers lesquelles nous nous efforçons. […] Celle-ci avait vraiment des prérogatives à immoler sur les autels de l’Égalité, pour parler le langage d’alors.

1120. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

À force d’écrire des récitatifs, des duos et des quatuors, cette forme lyrique est dans leur langage ordinaire. […] *** Langage populaire. — Un ouvrier, — ayant eu, après boire, avec un de ses camarades, une de ces explications où, les arguments de la rhétorique épuisés, on a recours à ceux de la nature, — rentrait dans son ménage, — la figure contusionnée. […] Le jour, madame dort, — pour se reposer des fatigues de la nuit. — Si elle reçoit ce sera seulement pendant une heure ou deux, — et l’amant ne sera reçu qu’en visite officielle, confondu avec les galants, — auxquels la coquetterie de sa maîtresse accorde une audience, et à qui elle réservera ses meilleures câlineries de façons et de langage, — pour s’assurer une troupe de romains qui lui feront une entrée au prochain bal où elle doit aller. […] Le soir même, le directeur appela ces deux artistes et leur tint à peu près ce langage : — Mes enfants, soyez heureux, la claque est rétablie. — Votre amour-propre légitime fera ses frais tous les soirs, — et votre bourse fera des économies. […] Si tu as quelques minutes à perdre ou plutôt à gagner, ouvre les Caprices et Zig-Zags de Théophile Gautier, et tu y trouveras le tableau fidèle de la route de Greenwich à Londres, qui nous apparaît au premier détour de la rivière ; il est certaines formules vulgaires qui, mieux que toutes les recherches du langage académique, excellent à exprimer certaines impressions.

1121. (1887) George Sand

Certes elle parle un magnifique langage quand elle s’écrie : « L’amour, Sténio, n’est pas ce que vous croyez ; ce n’est pas cette violente aspiration de toutes les facultés vers un être créé, c’est l’aspiration sainte de la partie la plus éthérée de notre âme vers l’inconnu. […] Songez que, de ces deux âmes, l’une apporte cette indélébile habitude de manières, de langage et de ton, qui est devenue pour elle une seconde nature plus nécessaire que la première. […] La fraîcheur des eaux, les parfums des plantes, les harmonies du vent circulent dans le sang et les nerfs, en même temps que l’éclat des couleurs et la beauté des formes s’insinuent dans l’imagination. » La nature tout entière passe dans l’homme ; elle lui parle le langage le plus varié. […] L’auteur n’a fait que les dégager de leur rudesse native et les éclaircir par le langage. […] Il y a, à la vérité, tout un attirail d’idées extérieures, de sentiments factices, de langage, propre à chaque génération et qui nous fait l’effet, quand nous le revoyons au grand jour, d’une toilette défraîchie, d’un habit hors d’usage.

1122. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

J’ai trouvé ce sentiment-là exprimé avec bien de l’onction résignée et de la tendresse dans les strophes nées un soir au plus beau site de ces rivages et sorties d’un de ces nobles cœurs dont j’ai parlé, strophes dès longtemps publiées, qui ont fait le tour des rochers sonores et qu’on n’a pas lues ici : Pourtant, ô ma Patrie, ô Terre des montagnes Et des lacs bleus dormant sur leur lit de gravier, Nulle fée autrefois errant dans tes campagnes, Nul esprit se cachant à l’angle du foyer, Nul de ceux dont le cœur a compris ton langage, Ou dont l’œil a percé ton voile de nuage, Ne t’aima plus que moi, Terre libre et sauvage Mais où ne croît pas le laurier. […] Et quel moment mieux choisi, si on l’avait choisi, pour oser toutes les expériences de couleur et de poésie dans le langage !

1123. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Et en effet, ce n’était pas à son Éléonore, mais à une certaine Euphrosine, que le poëte tenait d’abord ce langage si leste et si peu amoureux. […] P. » On aura remarqué cette espèce d’aveu que fait Parny qu’il n’est pas maître, à certains moments, de ses idées, et que sa verve l’emporte : c’est qu’en effet, sous sa froideur apparente et sa sobriété habituelle de langage, il avait, jusqu’à la fin, de ces courants secrets et rapides de pensée qui tiennent aux poëtes ; aux saisons heureuses, et quand il ne fait pas encore froid au dehors, cela s’appelle la veine.

1124. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

La nature ne trompe jamais : la physionomie de Humboldt, seul langage par lequel le caractère d’un homme voilé se révèle à ceux qui savent y lire, n’avait de la véritable candeur que l’affectation. […] « Le langage est une partie intégrante de l’histoire naturelle de l’esprit ; et bien que l’esprit, dans son heureuse indépendance, se fasse à lui-même des lois qu’il suit sous les influences les plus diverses, bien que la liberté qui lui est propre s’efforce constamment de le soustraire à ces influences, pourtant il ne saurait s’affranchir tout à fait des liens qui le retiennent à la terre.

1125. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

La littérature n’est pas moins indispensable au récit qu’à l’action des grandes choses ; le peuple lui-même le plus illettré, quand il est rassemblé et élevé au-dessus de son niveau habituel, comme l’Océan dans la tempête par une de ces grandes marées ou par une de ces fortes commotions qui soulèvent ses vagues, prend tout à coup quelque chose de subitement littéraire dans ses instincts ; il veut qu’on lui parle, non dans l’ignoble langage de la taverne ou de la borne, mais dans la langue la plus épurée, la plus imagée et la plus magnanime que les hommes des grands jours puissent trouver sur leurs lèvres. J’ai eu l’occasion d’observer souvent par moi-même, pendant le long dialogue que le hasard d’une révolution avait établi entre moi et la foule, que plus j’étais lettré dans mes harangues, plus le peuple m’écoutait ; que la vulgarité du langage n’attirait que son mépris, mais que les paroles portées à la hauteur de ses sentiments par ses orateurs obtenaient sur ce peuple un ascendant d’autant plus sûr que ces orateurs élevaient plus haut le diapason de leur éloquence.

1126. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Le récit des guerres médiques n’est-il pas une sorte de poëme non-seulement pour le langage, qui rappelle Homère, mais surtout pour le fond des choses ? […] Thucydide a introduit le langage d’une prose sévère aussi bien dans ses harangues que dans ses récits.

1127. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Il imagine un cosmos plus clair et plus à la française que celui de M. de Humboldt : « Donnez ce livre à un poète, dit-il, à un homme familiarisé avec les ressources du langage, avec la valeur des mots, avec la science des effets, et il vous fera trois volumes plus amusants que tous les romans, plus intéressants que toutes les chroniques, plus instructifs que toutes les encyclopédies. » Cet agréable idéal que M. du Camp réclame, je crois voir qu’un de nos savants des plus lettrés, M. 

1128. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On était arrivé cependant, en examinant bien les divers écrits de Vauvenargues, à n’y pas voir seulement un jeune homme plein de nobles et généreux sentiments, de pensées honorables à l’humanité, doué d’un talent d’expression singulièrement pur, et d’une sorte d’ingénuité élevée de langage, — le meilleur des bons sujets et le modèle des fils de famille ; ce premier Vauvenargues qui se dessine, en effet, dans quelques réflexions et maximes souvent citées de lui, ce premier Vauvenargues que chaque âme honnête porte en soi à l’origine avant le contact de l’expérience et la flétrissure des choses, était dépassé de beaucoup et se compliquait évidemment d’un autre en bien des points de ses ouvrages.

1129. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Dans cette matière si éloignée des habitudes de son esprit, Bourdaloue emploie avec une exactitude si rigoureuse, quoique non affectée, les termes justes, et ils s’appliquent si bien à ce qu’il veut dire, qu’il n’y a pas un des hommes de son temps auquel il ne rendît sensible sa pensée… L’adresse avec laquelle il varie les formes du langage pour soutenir et reposer l’attention de l’auditeur est véritablement merveilleuse.

1130. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

C’est ici qu’il me faudrait la plume d’un Théophile Gautier pour traduire à mon tour ces dessins et les montrer à tous dans un langage aussi pittoresque que le leur ; mais je ne sais nommer toutes ces choses, je n’ai pas à mon service tous les vocabulaires, et je ne puis que dire que ces dessins me semblent fort beaux, d’un tour riche et opulent, qu’ils ont un caractère grandiose qui renouvelle (je répète le mot) l’aspect de ces humbles Contes et leur rend de leur premier merveilleux antérieur à Perrault même, qu’ils se ressentent un peu du voisinage de l’Allemagne et des bords du Rhin (M. 

1131. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Il dut cette faveur d’exception aux nombreux témoignages qui arrivèrent en foule du Midi, à la franchise de son langage, à l’originalité de sa personne, et, qui sait ?

1132. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

L’exactitude du compte rendu et le soin des informations s’y joignent à la justesse des idées, à la rectitude des jugements, à la sobre fermeté du langage.

1133. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

L’épouse alors devient maussade, la mère négligente : elle ne se rend compte ni de l’objet de son trouble, ni du but de son anxiété ; mais son humeur, son langage, s’altèrent… » — « Mais le remède, le remède !

1134. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Le langage, chez elle, est plus éteint, plus uni, plus poli, plus harmonieux ; elle est là dans la tradition, comme pour tout le reste.

1135. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Bossuet est à l’aise pour la reconnaître dans le langage enthousiaste et vague des prophètes, dans ce verbe de feu, sous ces images figurées qui se transmettaient de bouche en bouche et se renouvelaient sans cesse.

1136. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Racine ce que j’apprenais et le priai de former lui-même le langage que je tiendrais aux personnes qui m’en parleraient comme me croyant son ami.

1137. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ici tout est net, juste, bien frappé ; toute ambiguïté de langage a disparu.

1138. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Certes, le grand Condé, lors même qu’il badinait, devait écrire autrement ; et que diraient les Bussy, les Saint-Évremont, les La Rochefoucauld, les Clerembaut, les Grammont, de cette étrange qualité de langage ?

1139. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Son influence vint de ce qu’il proposa des mesures importantes et raisonnables au moment opportun, et cela dans un langage singulièrement clair et élégant ; ce qu’avait d’élevé sa situation sociale ajoutait encore à l’effet de sa conduite et de son intervention.

1140. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Comme ils sont naturellement penseurs et méditatifs, ils placent leurs idées abstraites, et les développements et les définitions dont leurs têtes sont occupées, dans les scènes les plus passionnées ; et les héros, et les femmes, et les anciens, et les modernes tiennent tous quelquefois le langage, d’un philosophe allemand.

1141. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

On a dit souvent, dans le cours de la révolution de France, que les Aristocrates et les Jacobins tenaient le même langage, étaient aussi absolus dans leurs opinions, et, selon la diversité des situations, adoptaient un système de conduite également intolérant.

1142. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Lorsque les comédiens italiens allaient représenter à Versailles, à Saint-Germain-en-Laye, à Chambord, à Fontainebleau, ils avaient des gratifications ou ce qu’en langage technique on nommerait des feux.

1143. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Le symbolisme ésotérique » pp. 91-110

Il a pris sa doctrine à l’Église, mais non sa révérence, ni les fleurs du beau langage.

1144. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Sous la minorité de Louis XIV, le burlesque est en plein épanouissement et le burlesque consiste proprement à rabaisser de grands personnages par la trivialité des pensées, du langage et des actes qu’on leur prête.

1145. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

Par une illusion de langage, nous nous imaginons être capables de contempler un monde qui n’entre point dans notre propre existence mentale.

1146. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Dans son magnifique langage, Bossuet aime à associer, à unir les plus grands noms, et à tisser en quelque sorte la chaîne d’or par laquelle l’entendement humain atteint au plus haut sommet.

1147. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Ses informations secrètes lui ont tout donné, — tout, excepté la note juste du langage de ce temps-là.

1148. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

La Fontaine & quelques personnes de la même société s’imposoient pour peine d’en lire une certaine quantité, lorsqu’on avoit fait une faute contre le langage.

1149. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Au bout de quelques mois au contraire, les parties antérieures et supérieures se développent avec plus d’énergie que les autres parties, et alors commencent pour l’enfant l’attention, la réflexion, le langage, en un mot les facultés vraiment rationnelles.

1150. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

L’art de discuter les témoignages, d’interroger les monuments, de faire parler aux traditions leur véritable langage : voilà plus qu’il n’en faut pour retrouver de grands sujets de gloire.

1151. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Voilà une occasion de regarder de près une de ces images fraîches au moment même où elle descend dans le mécanisme de notre pensée et s’incorpore à l’habitude de notre langage.

1152. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

le sentiment a ses regards, son ton, ses mouvements, son langage, qu’on ne devine pas, qu’on n’imite point.

1153. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Ils n’ont pas besoin, comme les Français, qu’on leur développe les idées, qu’on les explique en beau langage clair, qu’on les modère et qu’on les lie346. […] On n’a jamais vu de peuple qui se soit imbu si profondément d’un livre étranger, qui l’ait fait ainsi pénétrer dans ses mœurs et dans ses écrits, dans son imagination et dans son langage. […] Mais dans les grandes angoisses, dans les sourdes agitations de l’esprit inquiet et vide, aux funérailles de ses proches, les fortes paroles du livre le retrouveront sensible ; car elles sont vivantes354 et ne s’arrêtent pas dans les oreilles comme le langage mort : elles entrent jusqu’à l’âme, et sitôt que l’âme est remuée et labourée, elles y prennent racine. […] Maintes fois j’ai écouté les orateurs populaires, ceux qui s’adressent aux bourses, et prouvent leur talent par leurs recettes ; c’est de cette façon qu’ils haranguent, avec des exemples circonstanciés, récents, voisins, avec les tournures de la conversation, laissant là les grands raisonnements et le beau langage. […] Nous interdisons à la foi tout langage franc, tout geste hardi, toute fougue et tout élan d’action ou de parole ; nous sommes scandalisés des gros mots de Luther, des éclats de rire qui secouent sa puissante bedaine, de ses colères d’ouvrier, de ses nudités et de ses ordures, de la familiarité audacieuse avec laquelle il manie son Christ et son Dieu376.

1154. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Un tel langage indique assez que l’on n’entend pas, au nom de la science, ériger l’atomisme en vérité absolue. […] Cependant, si, en regard de cette induction, on place le langage habituel des physiologistes mêmes qui travaillent à la justifier, il semble que les résultats ne répondent pas encore aux intentions. […] Cependant, il se peut que ces savants continuent simplement à employer le langage reçu, de même que l’astronome continue à parler du mouvement du soleil autour de la terre, du lever ou du coucher de cet astre. […] La psychologie associationniste prend les données du langage pour les éléments de la vie intérieure, dont ils ne sont qu’une grossière représentation. […] Le psychique ne serait ainsi qu’une expression, une traduction, en un langage spécial, de certains phénomènes physiques.

1155. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Mais c’est un langage naturel, uni et aimable, aussi éloigné que possible de toute affectation et qui fleure la bonne compagnie. […] Il faut, quand on le lit, tenir compte de la crudité de langage du temps et ne pas se laisser rebuter par les injures dont ses œuvres satiriques sont parsemées. […] — Ce n’est, dit le moine, que pour orner mon langage. […] Mais deux ou trois fois, faisant parler ses personnages sympathiques, et par conséquent ne faisant aucune parodie, il leur donne un langage affecté qui détonne fort. […] Par conséquent vous êtes élu ou réprouvé d’avance en langage humain, vous êtes élu ou réprouvé, simplement, en langage divin, puisque d’avance en Dieu ne signifie rien.

1156. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Il rudoie le poète qui le consulte avec une brusquerie tellement vive, qu’il semble ne chérir que les seuls intérêts du langage et de la raison. […] Luigi et Paolo prennent l’attitude et le langage d’Étéocle et de Polynice : ils passent rapidement de la raillerie à l’injure, et Luigi finit par chasser Paolo. […] Mason, aussi difficile à tromper que Sharon Turner ou Augustin Thierry, signale, dans les poèmes de Rowley, de nombreux anachronismes de langages. […] Et je n’ai pas besoin d’ajouter que l’action, poétiquement comprise, s’applique aussi bien au langage qu’aux gestes. […] La vérité locale et chronologique des costumes, du langage et des actions, n’est qu’une question subalterne devant la question humaine.

1157. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Il est remarquable que, dans cette situation extraordinaire où toutes les facultés habituelles de son talent demeuraient suspendues et comme anéanties, une idée de chant, de poëme lui soit seule venue en manière d’entretien et de soulagement : tant la poésie en vers répond effectivement à la souffrance la plus intérieure, en est la plainte instinctive, l’harmonieux soupir naturellement désiré ; tant ce langage aux souveraines douceurs excellerait, quand tout le reste se tait, à exprimer et à épancher nos larmes. […] Rien n’empêche aujourd’hui d’inventer de nouveaux mots, lorsqu’ils sont devenus absolument nécessaires ; mais nous ne devons plus inventer de nouvelles figures, sous peine de dénaturer notre langue ou de blesser son génie. » Il y eut à cette étrange assertion une réponse directe de la Décade, qui me paraît être de Ginguené : le critique philosophe se trouve induit à être tout à fait novateur en littérature, pour réfuter le critique des Débats, dont l’esprit ne veut pas se perfectionner : « S’il y avait eu des journalistes du temps de Corneille, qu’ils eussent tenu un pareil langage, et que Corneille et ses successeurs eussent été assez sots pour les croire, notre littérature ne se serait pas élevée au-dessus de Malherbe, de Regnier, de Voiture et de Brébeuf. […] Suard rédigeait alors, le Publiciste, bien qu’il eût pu, d’après ses habitudes littéraires, chicaner légitimement Delphine sur plusieurs points de langage et de goût, n’entra pas dans la querelle, et se montra purement favorable dans un article fort bien senti de M. […] Plusieurs journalistes, dont on connaît d’avance l’opinion sur un livre d’après le seul nom de son auteur, se sont déchaînés contre Delphine ou plutôt contre Mme de Staël, comme des gens qui n’ont rien à ménager… Ils ont attaqué une femme, l’un avec une brutalité de collége (Ginguené paraît avoir imputé à Geoffroy, qu’il avait sur le cœur, un des articles hostiles que nous avons mentionnés plus haut), l’autre avec le persiflage d’un bel esprit de mauvais lieu, tous avec la jactance d’une lâche sécurité. » Après de nombreuses citations relevées d’éloges, en venant à l’endroit des locutions forcées et des expressions néologiques, Ginguené remarquait judicieusement : « Ce ne sont point, à proprement parler, des fautes de langue, mais des vices de langage, dont une femme d’autant d’esprit et de vrai talent n’aurait, si elle le voulait une fois, aucune peine à revenir. » Ce que Ginguené ne disait pas et ce qu’il aurait fallu opposer en réponse aux banales accusations d’impiété et d’immoralité que faisaient sonner bien haut des critiques grossiers ou freluquets, c’est la haute éloquence des idées religieuses qu’on trouve exprimées en maint passage de Delphine, comme par émulation avec les théories catholiques du Génie du Christianisme : ainsi la lettre de Delphine à Léonce (xiv, 3e partie), où elle le convie aux croyances de la religion naturelle et à une espérance commune d’immortalité ; ainsi encore, quand M. de Lebensei (xvii, 4e partie), écrivant à Delphine, combat les idées chrétiennes de perfectionnement par la douleur, et invoque la loi de la nature comme menant l’homme au bien par l’attrait et le penchant le plus doux, Delphine ne s’avoue pas convaincue, elle ne croit pas que le système bienfaisant qu’on lui expose réponde à toutes les combinaisons réelles de la destinée, et que le bonheur et la vertu suivent un seul et même sentier sur cette terre.

1158. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

La situation est très bien posée ; les caractères se dessinent à merveille ; chaque acteur parle le langage qui lui est propre : maintenant, il s’agit de tirer M.  […] de voir ce beau rôle de Rodolphe, tant d’honnêteté et de droiture, un si austère et si profond sentiment de l’honneur, un langage à la fois si sévère et si sage, aboutir à quoi ? […] Villemain nous parlait de la littérature dans cet irrésistible langage dont rien n’a dépassé le charme et la grâce, lors même que M.  […] … » — Et ainsi de suite : toute la préface est écrite de ce style, qui fait un singulier effet à côté du simple et ferme langage de M.  […] Mignet, une parenté visible ; tous deux mériteront de compter parmi les plus ingénieux conciliateurs des idiomes savants et du langage littéraire, parmi ces initiateurs faciles qui font une monnaie courante d’une valeur morte.

1159. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Y aura-t-il trois langages littéraires : le vers, gardant son allure parnassienne, éternellement, sur la chute des sociétés et des empires, puis le poème en prose et la prose, ou bien le vers libre, englobant dans sa large rythmique les anciennes prosodies, voisinera-t-il avec le poème en prose baudelairien, et la prose propre ? […] Vicaire et Bauclair ne tinrent point ce langage, n’étant ni naïfs ni occultistes et mages, mais ils agirent ainsi ; et le gai déjeuner de soleil qu’ils servirent à leurs contemporains aux dépens de quelques poètes, outre qu’il est fané, paraît incompréhensible, à force de peu parodier les vers connus et classés du symbolisme. […] Nul n’apparut avec un geste moins dominateur et un langage plus uni ; nul ne fut moins comédien, moins personnage littéraire ; ce qui n’empêcha la littérature d’être toute sa vie. […] On ne peut, dans la quête du vrai, prendre à son compte le langage des héros grandiloquents. […] Un errant, plus ou moins musicien, raconte aux passants, en langage populaire et poétique, avec des refrains, des faits, et il appuie son dire en exhibant une image populaire.

1160. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

La grande consolatrice lui apparaît sous les traits de celle qu’il a aimée. « La fille très-belle et très-sage de l’empereur de l’univers, nous dit-il dans le langage hyperbolique du temps, celle à qui Pythagore a donné le nom de Philosophie », vient à lui et l’exhorte. […] On disait dans le langage du temps que les sept arts y brillaient comme les sept chandeliers de l’Apocalypse, et qu’entre tous y brillait la théologie. […] Renouvelant les excentricités du Père Hardouin, qui attribuait la Comédie à un adepte de Wiclef, un écrivain contemporain voit dans les Cantiques le mystérieux langage d’un sectaire. […] Ton langage te déclare manifestement Citoyen de cette noble patrie À laquelle, peut-être, je fus trop rigoureux. […] Je ne viens pas ici de moi-même, lui répond l’Allighieri, qui le reconnaît aussitôt à son langage et à la nature de son supplice.

1161. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

De quart de siècle en quart de siècle, on pourrait constater le travail continu qui modifie le langage. […] Une œuvre d’art est, comme on dit, en langage scientifique, une moyenne entre l’auteur, le public et le sujet ; ou bien c’est, comme on dit encore, une résultante de ces trois termes. […] Michelet, « est le pays des beaux parleurs, abondants, passionnés (au moins pour la parole), et, quand ils veulent, artisans obstinés du langage ; ils ont donné Massillon, Mascaron, Fléchier, Maury, les orateurs et les rhéteurs. […] Pourquoi, chez ces peuples si divers de races, de mœurs, de religions, les classes élevées imitent-elles dans leurs vêtements, dans leurs usages, dans leur théâtre, dans leur langage, les modèles qui viennent de Paris ? […] Les arts s’interprètent les uns les autres, et expriment les mêmes idées dans des langages différents.

1162. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Seulement c’est par une infirmité de langage et une infirmité d’intelligence que nous appelons réelles les choses et abstraites les idées. […] C’est une véritable impropriété de langage que de l’appeler ainsi. […] Cette science, c’est la métaphysique ou, pour parler en langage platonicien, c’est la dialectique. […] En langage commun, c’est à peu près cela. En langage platonicien, ce n’est pas cela tout à fait.

1163. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Et la raison sans doute en paraîtra assez forte, si l’on se rend compte qu’il n’y aurait autrement ni société, ni langage, ni littérature, ni art. […] Non, en vérité, si, pour penser, on se sert de mots, si même on ne pense qu’au moyen des mots, si le langage enfin est la condition de la pensée, je ne conçois pas comment « le travail du style » en pourrait être « la profanation ». […] Aspirer à la mort, dans le langage de Schopenhauer, ce n’est point se suicider soi-même, ni conseiller aux autres d’en faire autant, — comme on l’a dit en croyant ainsi ridiculiser la doctrine, — mais c’est leur conseiller, et c’est soi-même s’efforcer d’anéantir en soi ce qu’il appelle la volonté de vivre. […] Et sous chaque mot, presque sous chaque mot — jusque dans ses vers descriptifs — comme on retrouve, pour parler le langage dont il faut bien se servir, puisqu’il traduit ici quelque chose de nouveau, l’impression vécue ! […] Mais non ; et j’entends bien le langage de M. de Goncourt.

1164. (1930) Le roman français pp. 1-197

Le milieu est la « Cour », rien que la « Cour », et une Cour où chacun fait assaut de raffinement dans les habits, dans le langage, dans tout ce qui peut, tout ce qui doit « distinguer » l’homme de Cour de celui qui n’en est point. […] Je ne répugne nullement à ce qu’on emploie, au lieu de vocables prétendus scientifiques, le langage de tout le monde. […] Ce grand artiste — au fond demeuré un grand romantique — renouvelait le romantisme en lui prêtant un nouveau langage, adapté à cette intellectualisation de la sensibilité. […] J’entrevois la possibilité d’un Barrès traduit dans cinquante ans, plus tôt peut-être, en des langages lointains, n’ayant aucun rapport avec les nôtres, et déchaînant un enthousiasme, des ardeurs éteintes chez nous. […] Pas d’art en effet plus international que la musique, dont le langage est universel.

1165. (1888) Études sur le XIXe siècle

Dante-Gabriel avait été élevé dans le culte de cette superbe époque où l’âme humaine semblait apte à des sentiments plus profonds et plus riches, et dans celui de sa mystérieuse poésie, dont le sens enveloppé, les images empruntées à des visions plutôt qu’à des impressions réelles, les préoccupations transcendantes, les habitudes de langage qui font disparaître toute démarcation entre l’amour profane et l’adoration mystique, nous échappent souvent. […] Mais il se borne à imiter ses prédécesseurs en les surpassant selon ses moyens ; et bientôt un autre le laissera loin derrière lui en renversant toute la boutique des opéras à clinquant et en élevant un monument lyrique dans lequel la poésie, la musique, l’action et les décors seront combinés en vue d’un effet commun. » Il est difficile d’annoncer le Parsifal en langage plus clair. […] Il faudra donc qu’elle s’adresse à des arts définis, qu’elle explique ses paysages par des décors, les sentiments qu’elle développe par le développement d’une action, les nuances qu’elle note dans son langage particulier par les mots et les phrases du langage habituel. […] Et ceux qui savaient bien ce qu’ils faisaient ont été pour plus d’une moitié dans sa vogue56… » Garibaldi aurait été certainement fort étonné d’un tel langage tenu par le blessé de Vicence. « Hé quoi ! […] Il occupe parmi les véristes italiens une place correspondante à celle qu’occupent en France, parmi les naturalistes, certains outranciers épris de la bizarrerie du langage et du byzantinisme de la pensée.

1166. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome IV pp. -328

A-t-on besoin des uns ou des autres, on change de langage. […] Ils parlent le langage de la plus sublime philosophie, & conviennent que leur dictionnaire a été le sujet d’un grand scandale, moins par leur faute toutefois, que par celle de leurs ennemis, auxquels ils pardonnent leur intention seulement, & non leur succès. […] Disant que c’est langage d’hérétiques. […] Le cardinal de Richelieu, dont les vues sublimes s’étendoient à tout ce qui pouvoit contribuer à la gloire de la France, avoit fort à cœur qu’elle acquît, pour le langage, la même supériorité qu’elle avoit déjà pour tout le reste sur les nations voisines. […] Quelle pouvoit être la fin de tant de libèles, de satyres, de nouvelles scandaleuses, d’estampes outrageantes, de vaudevilles impies, de pièces où les mystères de la grace & la matière des sacremens sont travestis en un langage burlesque, sinon de couvrir d’opprobre le Dieu, le prêtre & l’autel ?

1167. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

Les mots d’odeur, de froid, de chaud, restent ambigus et désignent, dans le langage commun, tantôt l’un, tantôt l’autre ; c’est la seconde localisation qui commence et qui avorte. […] » — C’étaient des dames avec des châles rouges. — Il fallait sans cesse lui traduire dans le langage tactile qu’elle entendait la langue inconnue que son œil lui parlait. — Comme, avant l’opération, elle savait dire d’où venait la lumière, elle était probablement déjà capable de diriger à peu près sa tête et ses yeux du côté où apparaissaient les objets éclairés ; mais chez elle cet art était tout à fait rudimentaire. […] À la vérité, pour l’intérieur de la bouche, c’est la seconde représentation qui nous sert le plus, parce que la langue fait l’office de main ; par exemple, nous ne discernons et imaginons que par des images tactiles et musculaires les mouvements qu’il nous faut faire pour proférer les divers sons et les articulations du langage.

/ 1788