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734. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Le roman, ainsi, ne sera plus la confidence d’un individu et souvent le jeu de sa fantaisie : il sera ce que sa définition veut qu’il soit, un miroir de l’âme humaine, un tableau de la vie. […] Le jeu raffiné de l’esprit autour de la foi et de la morale évangéliques, ce goût intellectuel pour la simplicité du cœur qui n’est encore qu’une perversion de plus dans nos incohérentes natures, ont trouvé en M. 

735. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Mugnier ; mais ce jésuite était un brave homme qui calmait M. le Prince quand le petit duc avait trop perdu au jeu et qui avait pour son élève d’assez grandes tolérances, comme on le voit par ce passage impayable d’une de ses lettres : « Quelques scrupuleux de Dijon, même de nos Pères, m’ont reproché tels divertissements (les mascarades) à cause du masque. […] Et, par-delà le champ de bataille, ce qui est en jeu, ce dont on décide d’un mot, d’un geste, c’est l’intérêt, l’honneur, le bonheur de plusieurs millions d’autres hommes aujourd’hui et dans l’avenir.

736. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Elle est en butte à plusieurs catégories de séducteurs : le visionnaire d’abord, qui la peut déconcerter et conquérir par surprise ; l’imaginatif pur, dont le capricieux esprit indiscipliné en soupçonne plus long sur la réalité que n’en saurait la réalité elle-même, tant il a refait les mêmes voyages par tous les chemins praticables, tant il s’est rendu supérieur dans le jeu des rapprochements, des souvenirs et des rapports, et, en un mot, s’est ménagé de points de repère et d’entrecroisement ; l’intellectuel qui conçoit mathématiquement, par voie de déductions, et qui tisse un ouvrage de subtilité rare, à force de persévérance et de repliement sur soi ; enfin, le professionnel, que représentent d’ailleurs la généralité des hommes, — puisque être, c’est penser, — lequel voit et pense. […] En lui, la pensée est prompte et le jeu du système, mental éclectique et fortuit ; si bien qu’à son esprit aussi peu soucieux des privautés qu’il s’accorde, qu’inconscient de sa fière et significative indigence, l’expression répugne en raison même de la violence qu’il se fait pour emmailloter sa rudesse dans des formes inaccomplies.

737. (1890) L’avenir de la science « II »

D’ailleurs, le pas n’est plus à faire : l’humanité s’est définitivement émancipée, elle s’est constituée personne libre, voulant se conduire elle-même, et supposé qu’on profite d’un instant de sommeil pour lui imposer de nouvelles chaînes, ce sera un jeu pour elle de les briser. […] Le lieu où l’humanité s’est proclamée, le jeu de Paume, sera un jour un temple ; on y viendra comme à Jérusalem, quand l’éloignement aura sanctifié et caractérisé les faits particuliers en symboles des faits généraux.

738. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Elle a transformé certaines maisons mondaines en bureaux d’esprit, en antichambres ou en succursales de l’Académie, et, du nombre des amateurs, qui l’appréciaient comme un jeu, elle a fait sortir parfois de grands écrivains. […] Le jeu de l’amour et du hasard.

739. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Quinault même n’était pas loin du moment où il dirait : Je n’ai que trop chanté les jeux et les amours ; Sur un ton plus sublime il faut me faire entendre. […] » Dans le monde voué à la corruption, on verra pulluler les directeurs, qui sont en guerre avec les confesseurs ; on verra le gros jeu s’allier à cette prétendue dévotion.

740. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Et l’abbé de Choisy qui la vit alors et depuis, et qui la goûta à tous les âges, nous dit : Les Jeux et les Ris brillaient à l’envi autour d’elle : son esprit était encore plus aimable que son visage ; on n’avait pas le temps de respirer ni de s’ennuyer quand elle était quelque part. […] Elle serait aussi hébétée au jeu que vous le voudriez ; elle travaillerait si sagement !

741. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

On voulut prendre jusqu’à trois de ces personnes de parade pour mieux cacher le jeu, Mlle de Pons, Mlle de Chemerault, et Mlle de La Vallière. […] Mme de La Vallière avait appris, par la confidence d’une amie, quelque chose des manèges de Madame et de son jeu avec le comte de Guiche ; elle ne le dit point au roi.

742. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Dans le donjon de Vincennes, il écrivait pour lui seul, dans son cahier de notes et d’extraits, divers passages de Plaute, qu’il lisait beaucoup alors, et il en faisait l’application à sa félicité perdue ; tout ce joli passage du Pseudolus, par exemple, qui fait partie de la lettre d’une maîtresse à son ami : Nunc nostri amores, mores… « Voilà que nos plaisirs, nos désirs, nos entretiens, avec les ris, les jeux, la causerie, le suave baiser… tout est détruit ; plus de voluptés ; on nous sépare, on nous arrache l’un à l’autre, si nous ne trouvons, toi en moi, moi en toi, un appui salutaire. » Mais j’aime mieux cet autre passage, également emprunté de Plaute, où le sentiment domine : « Lorsque j’étais en Hollande , écrit Mirabeau, je pouvais dire : Sibi sua habeant regna reges, etc. », et tout ce qui suit, « Rois, gardez vos royaumes, et vous, riches, vos trésors ; gardez vos honneurs, votre puissance, vos combats, vos exploits. […] Cette intelligence vaste, féconde et puissante, revêtue d’une si admirable et si soudaine faculté de mise en œuvre par la parole, lui échappait, et il ne voulait voir que l’apparence, le jeu, le coup de théâtre, l’appareil sonore, sans rendre justice à l’âme réelle qui unissait, qui inspirait et passionnait tout cela.

743. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

Si nous trouvions à redire à ce langage, ce serait plutôt à l’ironie du ton et à cet accent de dédain envers ceux mêmes qu’on défend, accent qui est trop naturel à Rivarol, que nous retrouverons plus tard à Chateaubriand, et qui fait trop beau jeu vraiment à l’amour-propre de celui qui parle. […] [NdA] Rivarol avait connu André Chénier et l’estimait hautement ; par un jeu cruel de plume, et comme par mégarde, il désignait quelquefois Marie-Joseph par ces mots : « Le frère d’Abel Chénier. » (Voir Le Spectateur du Nord, 1797, t. 

744. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

., de pose, de motif et de jeu de scène, de ces choses que la musique traduira aussi bien que la parole. […] Louis XVI, quand il prit cette décision, était au jeu : ce fut sur une carte, sur un sept de pique qu’il écrivit au crayon, avec le crayon dont on marquait les bêtes 30, cet ordre inconcevable d’enlever Beaumarchais et de le conduire à Saint-Lazare (7 mars 1785).

745. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Il s’y rendit lentement par la Hollande et par Lübeck, se faisant le long du chemin des amis ; car il avait de l’attrait, du charme et une ingénuité touchante, des trésors de sensibilité et de cœur quand sa susceptibilité n’était point en jeu. […] Leurs jeux paisibles, la solitude du lieu, le bruit de la mer me donnaient une image de ces premiers temps où les filles de Noé, descendues sur une terre nouvelle, firent encore part, aux espèces douces et familières, du toit, de la table et du lit.

746. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

La mise en jeu fréquente de tout un groupe de sentiments par un spectacle fictif, par des idées irréelles, par des causes qui ne peuvent pousser ces sentiments jusqu’à fade ou à la volition, affaiblit très probablement, par la désuétude de cette transition, la tendance des émotions réelles à se transformer de la sorte ; et les sentiments esthétiques étant dénués, à proprement parler, de souffrance, étant agréables et pouvant être provoqués à volonté quand on a appris à en jouir, on ne désire plus en ressentir d’autres ; le rêve dispense de faction. […] La première, en décomposant les œuvres d’art en leurs éléments, et en étudiant le jeu des bons moyens d’expression et des émotions exprimées, fournira à l’esthétique un grand nombre de faits et permettra de fonder les généralisations futures de cette science sur de larges assises d’observations.

747. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Chacun se rappelle cette grande planche qui représente une maison de jeu. […] Sans doute, cette composition, comme tout ce qui sort de Carle Vernet et de l’école, manque de liberté ; mais, en revanche, elle a beaucoup de sérieux, une dureté qui plaît, une sécheresse de manière qui convient assez bien au sujet, le jeu étant une passion à la fois violente et contenue.

748. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

En laissant de côté l’histoire et la psychopathie et en s’appuyant sur la simple physiologie, il ne serait pas impossible de prouver que la continence, étant anormale, ne peut pas, comme tout ce qui s’oppose au libre jeu des fonctions vitales, ne pas perturber l’organisme, et par conséquent la pensée qui en est la fleur. […] Entraîné par le courant de mon idée néo-païenne du sexe, et profondément pénétré de l’importance du jeu normal de cet élément au point de vue de la vie toute entière, j’avais négligé d’étendre suffisamment ma thèse jusqu’à ses contingences.

749. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Je reconnais d’ailleurs que les fonctions supérieures de l’intelligence se relâchent pendant le sommeil, et que, même si elle n’y est pas encouragée par le jeu incohérent des images, la faculté de raisonner s’amuse parfois alors à contrefaire le raisonnement normal. […] Comme le rêve a pour essence de ne pas ajuster exactement la sensation au souvenir, mais de laisser du jeu, contre la même sensation de rêve s’appliqueront aussi bien des souvenirs très divers.

750. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Sous le feu de la forge, sous la rayonnante ciselure, que d’émotion encore dans l’âme du poëte, quel charme nouveau dans sa peinture de l’enfance, dans sa plainte d’être dérangé, dans sa joie d’être inspiré par les jeux et les bruits de ses petits enfants ! […] Je les vois reverdir dans leurs jeux éclatants,’ Mes hymnes parfumés comme un chant de printemps.

751. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Mais il n’est jamais donné aux hommes de recommencer ainsi exactement leur vie ; le jeu serait trop aisé, la partie serait trop belle.

752. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

Les bourgeois ont pris la place de l’ancienne aristocratie, et, dans le jeu de la machine représentative, doivent en remplir la fonction.

753. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VII. De la littérature latine, depuis la mort d’Auguste jusqu’au règne des Antonins » pp. 176-187

Vainement la plupart des féroces empereurs de Rome montrèrent-ils un goût excessif pour les jeux et pour les spectacles ; aucune pièce de théâtre digne d’un succès durable ne parut sous leur règne, aucun chant poétique ne nous est resté des honteux loisirs de la servitude.

754. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Il a une âpreté qui donne du sérieux à l’épigramme et par la sûreté des applications, par la nerveuse perfection de la forme, il a su agrandir ce jeu d’esprit : il en a fait un appareil de condensation de la critique littéraire ; ses meilleures pièces sont comme des extraits concentrés et mortels.

755. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Le bibelot d’écriture, la joliesse plastique, de même que les jeux de phrases et les notations de nuances sentimentales semblaient seuls préoccuper les auteurs.

756. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Vielé-Griffin exprime avec un sourire d’aisance et de plénitude l’enchantement de ce pays où des prairies, une courbe de fleuve, une ligne de peupliers suffisent par le jeu de la lumière au décor le plus émouvant.

757. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

La force, la ruse, les jeux heureux ou tricheurs du commerce et des affaires, le mensonge de l’or richesse représentative acceptée comme richesse réelle, l’usure : voilà quelques-uns des nombreux éléments de la réponse.

758. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

En effet, nul doute que les jeunes écrivains eussent tout à fait pris goût à ces jeux de rythme et de sentiment où se complaisaient nos aînés, si les aventures de la mort, de la déroute et de l’émeute n’avaient communiqué une tragique véhémence à nos âmes, élevées dans ces souvenirs.

759. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Lorsque ce comique en donnoit, que le peuple y couroit en foule, & que Socrate disoit le moindre mot contre la pièce & l’auteur, les défenseurs de celui-ci l’accusoient d’avoir mis en jeu tous les ressorts imaginables pour arrêter l’enthousiasme des Athéniens, & nuire à l’illusion théâtrale.

760. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

La Fontaine pour nous dédommager d’avoir fait une fable aussi mauvaise que l’est la précédente, lui fait succéder un apologue excellent, où il développe avec finesse et avec force le jeu de l’amour-propre de toutes les espèces d’animaux, c’est-à-dire de l’homme, dont l’espèce réunit tous les genres d’amour-propre.

761. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Elles sont du Pere Bougeant, connu par son ingénieux Amusement sur le langage des bêtes : jeu d’esprit qu’il n’auroit pas dû se permettre, mais que des ennemis ardens traiterent avec trop de rigueur.

762. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Applaudissez aux poëmes divins de Virgile ; promenez-vous dans une ville immense, où les chefs-d’œuvre de la peinture, de la sculpture et de l’architecture suspendront à chaque pas vos regards d’admiration ; assistez aux jeux du cirque ; suivez la marche des triomphes ; voyez des rois enchaînés ; jouissez du doux spectacle de l’univers qui gémit sous la tyrannie, et partagez tous les crimes, tous les désordres de son opulent oppresseur.

763. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Je répugne au catholicisme romain, à cause de son administration formidable et parce qu’il ne laisse pas assez de jeu à la libre interprétation de l’Univers par chaque individu.

764. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Ce qui n’eût été qu’un jeu pour Albert Thibaudet nous a demandé une assez longue application. […] Et que Chateaubriand se soit rendu, comme ministre, impossible à Louis XVIII, que dans sa bataille contre Villèle il soit difficile de prendre parti pour le fier écrivain, cela n’enlève rien à la force du style, à la magie des images, au jeu combiné de l’ironie et de l’éloquence qu’on peut admirer dans ses articles de journal. […] Quel jeu de massacre allant et gaillard ! […] À seize ans, Victor Hugo a écrit une tragédie, a obtenu une mention de l’Académie pour une ode, a fait couronner des poésies aux Jeux floraux de Toulouse, et il fonde à dix-sept ans la première en date des jeunes revues le Conservateur littéraire (1819-1821) mis habilement dans le sillage du Conservateur politique de Chateaubriand.

765. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

Benjamin Constant y est venu de son côté ; à ce moment, l’Assemblée des notables, les conflits avec le parlement, excitent un vif intérêt ; la curiosité universelle est en jeu, et celle du nouvel arrivant n’est pas en reste. […] Le fait est que l’ouvrage dont parlait Mme de Staël ne devait déjà plus être le même que celui qui s’esquissait sur un jeu de cartes à Colombier. […] Benjamin Constant excellait à ce jeu-là. […] Cette idée se fortifia, je supportais paisiblement l’ennui du jeu, l’ennui du souper, et j’attendais avec toute l’impatience imaginable le moment où je rejoindrais la personne indéterminée que je désirais si vivement. […] Cependant le jeu et l’or que je vois rouler me causent quelque émotion.

766. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Assurément, cette fois, avec l’héroïne d’un Cœur de femme, avec madame de Tillières, elles ont beau jeu pour faire des confidences voilées et des allusions secrètes. […] C’est un jeu plein de complications et de difficultés ; un jeu très élégant. […] Et c’est pour cela qu’il n’y a pas de jeu plus cruel ni plus immoral. […] Ce n’était qu’un amusement, le jeu d’une jeune fée ; mais ceux qui connaissent le dédain de madame Judith Gautier pour la gloire sont tentés d’y voir un trait de caractère. […] Mais dans le jeu infiniment varié des formes sous lesquelles l’univers apparaît à notre âme étonnée, ses lois, toujours certaines, gouvernent la matière qui sommeille et la matière qui s’anime, le cristal et l’homme, la terre et les astres.

767. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Jeux suprêmes, si l’on veut, de l’Idée créatrice des vaines Apparences sous lesquelles il sied d’analogies la retrouver éternelle  par un a priori d’intuition du Moi participant d’elle. […] Si j’étais de vous, je pousserais cela, dans le prochain effort, jusqu’à la pensée et au chant, sauf à reprendre mais alors maîtrisé votre jeu complexe et en effet symphonique. […] Ils ne sont même que de l’art et, oui encore, un Jeu poétique. […] Jeux d’allusion aux plus minimes réalités, « l’idée » si l’on peut dire, apparaissant le contentement d’arriver à évoquer cette réalité (commode, rideau, vase ou guitare) sans la nommer ! Jeux, hélas !

768. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Un jour, étant sans le sou, il détrousse au jeu le comte de Caméran. « Est-ce qu’après la figure qu’il a faite, Grammont peut plier bagage comme un croquant ? […] ce jeu-là est trop insipide, Il en est blessant. —  Et se jouer de mon honneur est encore plus blessant. —  Quelle impudence admirable ! […] et vous l’êtes ; mais vous n’avez plus besoin de vous parjurer : autant jouer franc jeu. —  Ô horrible ! […] Les voilà donc qui vont au lever, assistent au dîner, reviennent pour le bal, s’assoient pour le jeu, sont là au coucher. […] Nulle part nous ne pensons mieux qu’en société : le jeu des physionomies nous excite ; nos idées si promptes naissent en éclairs au choc des idées d’autrui.

769. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

» puis reprennent tranquillement leurs jeux. […] Par acquit de conscience, et comme dans le jeu d’un rôle, une de ces femmes laisse-t-elle échapper : « C’est bien triste !  […] Un véritable effet d’apothéose, avec ces jeux de lumière, cette transfiguration lumineuse des choses, cette gloire du couchant, ce ciel d’or, tout craquant d’artifices. […] Il y a eu des morts par la dysenterie, par l’albuminurie, par le scorbut, mais personne n’est mort de la poitrine. » « Mon cher, reprend-il, le curieux, c’est qu’au bout de trois jours, au milieu de ces hommes dépiotés de tout en entrant, il y avait des jeux de dames faits avec des mouchoirs, où l’on avait noirci des carreaux noirs, et avec des rondelles de drap de deux couleurs ; il y avait des jeux de jonchets, faits avec des brindilles de balais ; il y avait des jeux de jacquet, avec des dés en savon ; il y avait des jeux de dominos, faits avec je ne sais quoi, et quand on nous a donné de la viande, il s’est trouvé des artistes qui ont fabriqué, avec les os, des couteaux, des couteaux qui se fermaient avec un système de ressort, en ficelle tressée, qui était un chef-d’œuvre… enfin, figure-toi qu’à la fin, de ces cordes avec lesquelles on essuie le pont, et qu’on volait, tout le monde avait des pantoufles, des calottes en ficelle. » « Nous avons passé trois mois dans la batterie, sans monter sur le pont, trois mois, où, sauf la première semaine, où l’on nous a donné deux fois du lard, nous n’avons pas eu de viande, et avons été nourris seulement de pois et de haricots, ce qui, par parenthèse, vous procurait des inflammations buccales bien désagréables. » « Par exemple, au bout de trois mois, la première fois qu’on est monté là-haut, et qu’on a respiré de l’air vrai, on est monté à quatre pattes, et l’on étouffait, comme si tu te trouvais en ballon, à 6000 pieds, au-dessus de la terre. » « Il existait toutes sortes de sociétés : la société des grinches avec la Volige, le garçon le plus facétieux de la terre ; la société des maquereaux, présidée par Victor, l’imagination la plus cocasse. Il avait inventé un jeu de main chaude des plus spirituels, et dans le jeu de Monsieur le Président, il y mettait quelque chose tenant de l’improvisation des pièces italiennes, et de ce que j’ai lu dans un de tes livres sur Nicholson.

770. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

De nombreuses déviations dues à leurs tendances propres, aux erreurs de l’instinct, à la poussée de l’égoïsme, au jeu incoordonné des idées et des sentiments ont fait parfois marcher les religions et les philosophies contre l’instinct social. […] Mais, plus loin, plus haut, les choses se compliquent et la philosophie a beau jeu. […] Plus large chez quelques-uns, elle admet le libre jeu de plus de pensées et de plus de désirs.

771. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Cet homme intérieur, parfois extrêmement différent de l’homme social, on ne peut le connaître que par ses actes libres, ses actes non intéressés, par le choix de ses plaisirs, par le jeu de ses facultés inutiles. […] Que l’on néglige les cas de la Renaissance en France et du XVIIIe siècle en Angleterre où des causes politiques et perturbatrices sont en jeu ; ce qui s’est passé à Rome dès le premier éveil de la littérature, ce qui s’est passé en France au XVIIe siècle pour la tragédie, au XVIIIe pour la philosophie et pour le roman, au XIXe pour la poésie lyrique, ne peut être éclairé par aucune des lois de l’ancienne critique sociologique. […] Mais une fois le génie, né, développé, productif, commence un jeu d’attractions et de répulsions qui nous est accessible.

772. (1914) Boulevard et coulisses

On y arrivait par toutes sortes de petites intrigues, par le jeu des relations, par les marches et les contremarches. […] Ordinairement, ils causaient pendant tout le repas des coups surprenants qu’ils avaient subis la veille et échangeaient des considérations sur le jeu. […] Je veux m’arrêter au seuil de ce Paris-là et ne pas me livrer davantage au jeu un peu puéril des comparaisons entre le présent et le passé.

773. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Bientôt vos tristes pantomimes Devront tout au jeu de l’auteur. […] Son prologue des Jeux séculaires au-devant d’Hésione, passe, dit-il, pour un très-bon ouvrage, & peut être comparé à celui d’Amadis de Quinault. […] Quant aux Eglogues, plusieurs avoient été couronnées aux Jeux floraux.

774. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

A ses yeux, le théâtre qui ne démontre pas ce que l’écrivain croit être la vérité n’est qu’un jeu de patience, indigne d’occuper un artiste sérieux. […] C’est qu’aussi bien cette étude mettait en jeu sa double faculté de moraliste et d’auteur dramatique. […] Personne ne resta plus étranger que lui aux jeux du dilettantisme et de la virtuosité. […] Mettre cette idée en vers, qu’est-ce alors, sinon un jeu de difficulté vaincue ? […] Et puis, elle sait trop que le rêve n’est qu’un rêve, le jeu d’un fantôme, une ombre vaine.

775. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Dans aucune de ses pièces, d’ailleurs, Shakespeare ne s’est montré aussi sobre de jeux de mots. […] De tels rapprochements sont presque toujours de vains jeux d’esprit qui ne prouvent rien, si ce n’est l’opinion personnelle de celui qui juge. […] Les jeux de mots, bien que fréquents dans cette pièce, y sont beaucoup moins nombreux que dans quelques autres drames d’un genre plus sérieux, et ils y sont infiniment mieux placés. […] On n’y trouve d’ailleurs presque point de jeux de mots, et, sauf dans un petit nombre de passages, assez peu de poésie. […] Les allégories, les digressions, les arguties sentimentales, les jeux de mots, les pédanteries de dialectique, règnent seules dans ces premiers ouvrages de Shakspeare.

776. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Dans la presse, lorsqu’un nouveau livre important paraît, il est d’ordinaire examiné ou agité par cinq ou six des plus habiles feuilletonistes ou chroniqueurs littéraires qui tous, dans l’espace de quelques semaines, y viennent tour à tour s’exercer, tournoyer, jouter, pousser ou briser une lance comme à un jeu de bague ou dans une quintaine. […] Il les montre, les premiers des martyrs, ouvrant la porte à tous ceux qui sont venus depuis, et accueillis là-haut, dès leur entrée, par toute la cour du Paradis qui leur fait honneur et fête : Que d’applaudissement, de rumeur et de presse, Que de feux, que de jeux, que de traits de caresse Quand là-haut, en ce point, on les vit arriver ! […] Le Chœur était tout, à l’origine, dans la tragédie ; l’action ne vint que peu à peu, introduisant et mettant en jeu un petit nombre de personnages devant un autel : le Chœur et ses chants, même quand ils ne parurent plus qu’un entracte dans l’action, restaient donc une partie intégrante de la tragédie antique. […] L’agora manquait ; il n’y avait pas de jeux Olympiques.

777. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Ce fut comme le premier but de son sarcasme et de son dédain, dès que sa propre nature se déclara ; ce fut le jeu de ses premières armes. […] Il est curieux de suivre tout ce dont est capable un grand esprit piqué au jeu, et de voir, en désespoir de cause, la philosophie se faisant drame, la critique, à ce degré de puissance, devenue créatrice. […] Les barrières ayant été renversées et les hauteurs rasées, tout le monde est en plaine, l’air du dehors excite, l’examen pénètre partout ; le pour et le contre sollicitent chaque matin ; à ce jeu, l’esprit s’aiguise vite, en même temps que les convictions s’épuisent. […] Cependant, ayant pris goût au jeu, il se passa encore la fantaisie de faire une Saint-Barthélemy (1826), dans le genre des scènes publiées cette même année par M. 

778. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

La gaieté comique, au contraire, est inoffensive et douce ; le jeu varié d’une intrigue, les incidents imprévus, les contrastes bizarres, voilà les matières où elle s’exerce10, et, si quelquefois elle se moque des travers des hommes, c’est d’une manière si générale qu’elle fait rire tout le monde sans offenser personne. […] Le spectateur, qui est dans cet état, aime à promener ses regards vaguement, sans but et sans suite, sur une infinie diversité de choses, et si le poète ose lui faire violence, en exigeant de lui la disposition sérieuse qui ne convient qu’au spectateur de la tragédie, je veux dire en voulant arrêter jusqu’à la fin ses yeux sur un objet unique, sans incidents, sans interruptions et mélanges bizarres de toute nature pour le distraire, sans jeux d’esprit ou mots piquants pour réveiller à toute minute, sans inventions inattendues, hardies, pour le tenir sans cesse en haleine, la gaieté tombe, le sérieux reste et le comique s’évanouit. […] Une comédie d’intrigue n’est qu’un jeu dont il ne nous reste rien. […] Non, Molière, la philosophie « n’apprend point à bien faire un potage », mais elle aurait dû vous apprendre à respecter le savoir, et à ne point faire de petits jeux de mots contre le raisonnement, qui, bien loin de « bannir la raison », lui fait apercevoir par la voie des conséquences logiques tant de choses qu’on n’aurait jamais soupçonnées !

779. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

C’était vraiment d’une opposition charmante, sur l’antiquaille des murs, et pour ainsi dire, sur la pourriture des tapisseries, ces deux frais enfants, assis sur deux petites chaises, l’un en face de l’autre, le petit garçon avec son visage et son teint à la Murillo, la petite fille sous son petit bonnet blanc : tous deux entourés des jeux de petits chiens, qui semblaient former avec eux une famille du même âge. […] Il avait si bien combiné son pas, sur le jeu de la chaîne, qu’il était arrivé à courir. […] Mais l’attirant de ce monde neuf, qui a quelque chose de la séduction d’une terre non explorée, pour un voyageur, puis la tension des sens, la multiplicité des observations et des remarques, l’effort de la mémoire, le jeu des perceptions, le travail hâtif et courant d’un cerveau qui moucharde la vérité, grisent le sang-froid de l’observateur, et lui font oublier, dans une sorte de fièvre, les duretés et les dégoûts de son observation. […] « Cela est nettement et clairement démontré par la lecture de trois cents volumes, que j’ai le premier lus et coupés, — vous m’entendez, messieurs, coupés — les trois cents volumes du Corps Législatif, dans lesquels aucun historien n’a mis le nez, et qui étaient, ce que sont de nos jours, les distributions… Oui, il m’est arrivé de baiser la page, où est l’historique du serment du jeu de Paume… Maintenant ces hommes qui ont fondé une société civile, étaient-ils capables de fonder une société politique.

780. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Tantôt elle se fera dans l’action même, et par la mise en jeu tout automatique du mécanisme approprié aux circonstances ; tantôt elle impliquera un travail de l’esprit, qui ira chercher dans le passé, pour les diriger sur le présent, les représentations les plus capables de s’insérer dans la situation actuelle. […] Nous prenons conscience de ces mécanismes au moment où ils entrent en jeu, et cette conscience de tout un passé d’efforts emmagasiné dans le présent est bien encore une mémoire, mais une mémoire profondément différente de la première, toujours tendue vers l’action, assise dans le présent et ne regardant que l’avenir. […] Mais tandis que notre perception visuelle était celle d’un tout continu, le mouvement par lequel nous cherchons à en reconstituer l’image est composé d’une multitude de contractions et de tensions musculaires ; et la conscience que nous en avons comprend elle-même des sensations multiples, provenant du jeu varié des articulations. […] À chaque syllabe prononcée correspond donc l’entrée en jeu d’un ensemble de mécanismes, tout montés dans les centres médullaires et bulbaires.

781. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

C’est un jeu d’une algèbre conventionnelle et invariée, dont la sûreté en impose au spectateur.

782. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Bailey répond, comme on pouvait s’y attendre, que c’est notre ignorance de toutes les causes en jeu qui fait que les événements volontaires ne sont pour nous que probables : si nous les connaissions toutes, il y aurait une certitude parfaite.

783. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Voiture s’était fait remarquer, dès l’âge de quinze ans, par une longue épitre au roi, ouvrage de jeune homme, mais où, parmi les antithèses et les jeux de mots, on ne peut s’empêcher de reconnaître de l’esprit, du talent et surtout de l’élévation.

784. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Toutefois, qu’on ne l’oublie pas, l’intelligence n’est pas ici seule en jeu, il s’agit de la réalité phénoménale qui d’ailleurs conditionne, on l’a vu, l’intelligence.

785. (1865) Du sentiment de l’admiration

Mais de nos jours combien d’hommes, tristes fanfarons de scepticisme, se font un jeu cruel d’ébranler toutes les convictions, « Ubi soliludinem faciunt sapientiam appellant. » Le mot terrible de Tacite suffit à les définir ces artisans de ruines qui ne s’arrêtant devant aucun objet de croyance se gardent bien de ménager le culte du génie : race éternelle des iconoclastes en qui je reconnais ces soldats d’Alarik qui, violents contemplateurs des Phidias et des Praxitèle, trouvaient leurs plus doux plaisirs à décapiter les marbres des dieux.

786. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes pensées bizarres sur le dessin » pp. 11-18

De là vous observerez tout le jeu extérieur de la machine ; vous verrez comment certaines parties s’étendent, tandis que d’autres se raccourcissent, comment celles-là s’affaissent, tandis que celles-ci se gonflent ; et perpétuellement occupés d’un ensemble et d’un tout, vous réussirez à montrer dans la partie de l’objet que votre dessin présente, toute la correspondance convenable avec celle qu’on ne voit pas, et ne m’offrant qu’une face vous forcerez toutefois mon imagination à voir encore la face opposée ; et c’est alors que je m’écrierai que vous êtes un dessinateur surprenant.

787. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Je ne me souviens point d’avoir lû dans l’histoire grecque ou romaine rien qui ressemble aux duels gothiques, hors un incident arrivé aux jeux funebres que Scipion l’afriquain donna sous les murs de la nouvelle Carthage en l’honneur de son pere et de son oncle.

788. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 18, reflexions sur les avantages et sur les inconveniens qui resultoient de la déclamation composée des anciens » pp. 309-323

Leur jeu ne sçauroit être naturel, et du moins il doit devenir froid.

789. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Le mouvement fut digne de ceux qui l’avaient inspiré ou qui le fomentèrent, de ces principaux chefs de la Gironde, proscrits du « déplorable 31 mai », comme dit Vaultier, collégiens réussis qui furent des politiques manqués, et qui, le doux Vaultier lui-même l’affirme, n’ont compris ni les hommes, ni les événements, ni le jeu des intérêts sociaux : rien que cela !

790. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Le Journal des Débats, qui est un journal grave, un vieux bohème de la grande espèce, plein de jours et de profondeur, a pensé que ses légers confrères de la petite ne mettaient pas assez au jeu contre nous en n’y mettant que la monnaie de singe de leurs grimaces, et lui, qui a des théories à revendre, s’est cavé contre nous d’une théorie.

791. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Ce sont des descriptions matérielles de nerfs, de moelle, d’alvéoles, de jeu d’organes, enfin toute la boutique à vingt-cinq sous du matérialisme contemporain, étalée là pour étayer la conclusion dernière de ce matérialisme qu’on sent partout, qui déborde partout, et dont Taine ne donne pas plus la formule définitive et hardie (ah !

792. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Huysmans a retrouvée, et qu’il a peinte dans un livre d’une originalité presque monstrueuse, — mais qui, certainement, n’est pas un paradoxe, une nouvelle manière de battre les cartes, dans le roman, pour en renouveler le jeu, aujourd’hui si commun et si cruellement ennuyeux.

793. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les hymnes qu’Horace fit pour les jeux séculaires de Rome, ont le mérite de la délicatesse et du goût ; mais combien elles sont au-dessous du sujet !

794. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Du temps de Cicéron et de César, on avait vu fleurir l’éloquence républicaine animée par la liberté et de grands intérêts ; sous les premiers empereurs, une espèce d’éloquence monarchique, fondée sur la nécessité de flatter et de plaire ; vers les temps de Marc-Aurèle, l’éloquence des sophistes, qui, n’ayant aucun intérêt réel, était un jeu d’esprit pour l’orateur et un amusement de l’oisiveté pour les peuples.

795. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Ce n’est qu’un jeu de mandarin ?… C’est un jeu savant. […] Si l’on casse tout, le jeu sera fini. […] Sans lui, la vie serait un jeu maniaque de virtuoses. […] La littérature est premièrement un jeu ; elle est frivole, de nature.

796. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Pascal, continuant son jeu d’esprit à la Montaigne, admet avec les sceptiques l’incertitude absolue d’une autre vie. […] Absorbé qu’il est dans le jeu intérieur de ses fantaisies sentimentales, il ne regarde pas le jeu intérieur des forces parmi lesquelles il doit lutter, et c’est ainsi que les triomphes de Lamartine s’achèvent sur une lamentable déroute, — déroute dans sa vie littéraire, déroute dans sa vie politique, déroutes dans sa vie privée. […] Cela vaut mieux que d’aller au café ou de perdre son argent au jeu… Mais à quoi cela sert-il ? […] Sa théorie de l’art pour l’art l’y avait conduit par un jeu de logique dont lui-même s’étonna toute sa vie. […] Sa besogne est achevée quand il a décomposé le jeu de ces causes, et ce jeu est borné à l’intérieur de l’âme.

797. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

— Avez-vous appris, disait un autre, que Paul Temitch a perdu vingt mille roubles au jeu ? […] Par comparaison avec ses anciens travaux, la tâche nouvelle qui lui était imposée n’était qu’un jeu. […] Klimof le regarda en clignant les jeux et en souriant, puis il passa la main dans ses cheveux ébouriffés. […] La pauvre fille refusa longtemps de jouer ce jeu cruel, puis finit par céder. […] Le matin, selon son habitude, elle avait tiré les cartes, et avait réuni du premier coup, dans son jeu, quatre valets ; excellent augure !

798. (1886) Le roman russe pp. -351

Il a compris ce qu’il y avait de factice dans la sympathie humaine de ses devanciers ; sympathie doublée d’une haine, pur jeu d’antithèses qui relevait les misérables pour faire d’eux une machine de guerre contre la société. […] À lire la prose et les vers qu’ils déclamaient à l’Ermitage, on croit entendre de beaux esprits, réunis pour un jeu de société qui les distrait de leurs véritables affaires. […] Elle avait beau jeu. […] Ils jouèrent au conspirateur en enfants ; le jeu finit tragiquement ; les conjurés allèrent expier leur espoir chimérique en Sibérie ou en exil. […] Il était piqué au jeu, d’ailleurs, par un rival qui l’avait devancé ; comme on le verra, Terres vierges est une réponse indirecte aux Possédés, de Dostoïevsky.

799. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

C’est le procédé de la nature dans les organismes animaux où les énergies mises en jeu sont utilisées toutes et toutes ordonnées. […] Il exprime cette nécessité imaginative, sans laquelle toute création d’art n’est que jeu arbitraire. […] Ce qui n’était pas un jeu, c’était votre critique de la Science et votre réfutation du Scientisme. […] Qu’a-t-elle de commun avec les intérêts en jeu ? […] Hier ils pouvaient compliquer à leur fantaisie le jeu de leur pensée.

800. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le simple spectacle du jeu des idées et les études de littérature générale ont peu d’attraits. […] À défaut de jeux d’esprit, j’ai cherché avec amour la vérité et des raisons de croire en notre époque. […] Un peintre, avant de songer à la composition d’un tableau déterminé, se plaît au jeu des couleurs, simplement parce qu’il s’agit de couleurs. […] Chaque fois qu’un jeu de mots le démange, il faut qu’il nous le jette à la figure. […] 3º Ce jeu des accents forts et faibles achève d’animer le mouvement rythmique.

801. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

exécute bien vite ce que tu viens de nous promettre ; et ne t’irrite pas ainsi, ne te mets pas en colère contre ton enfant, car il changera par la suite. » La rivalité de Junon et de Vénus, au premier livre de l’Énéide, a certes plus de grandeur ou de gravité, et elle domine tout le poëme ; mais ici les scènes d’un ton moins élevé, qui interviennent comme ressort secondaire, ont beaucoup de grâce ; elles sont d’un jeu habile, ingénieux, et tout le sérieux de la passion va se retrouver dans les effets. […] Le fol Amour s’est échauffé au jeu : « tenant contre sa poitrine la main gauche toute pleine des osselets d’or qu’il venait de gagner, il était debout, triomphant : une molle rougeur fleurissait le teint de ses joues. […] Les Modernes ont très-habituellement admis le jeu et le mensonge de l’amour, ce qu’ils aiment aussi à en appeler l’idéal, — les Anciens, jamais ; ils sont restés naturels.

802. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

Rien n’est plus propre d’ailleurs à faire juger de ce que je puis faire en ce genre… Et encore : J’ai fait hier une importante découverte sur la théorie du jeu en parvenant à résoudre un nouveau problème plus difficile encore que le précédent, et que je travaille à insérer dans le même ouvrage, ce qui ne le grossira pas beaucoup, parce que j’ai fait un nouveau commencement plus court que l’ancien… Je suis sûr qu’il me vaudra, pourvu qu’il soit imprimé à temps, une place de lycée ; car, dans l’état où il est à présent, il n’y a guère de mathématiciens en France capables d’en faire un pareil : je te dis cela comme je le pense, pour que tu ne le dises à personne. Le mémoire, qui fut intitulé Essai sur la théorie mathématique du jeu, et qui devait être terminé en une huitaine, subit, selon l’habitude de cette pensée ardente et inquiète, un grand nombre de refontes, de remaniements, et la correspondance est remplie de l’annonce de l’envoi toujours retardé. […] Le mémoire sur la Théorie mathématique du jeu, alors imprimé, donna au savant examinateur une première idée assez haute du jeune mathématicien.

803. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre troisième. La connaissance de l’esprit — Chapitre premier. La connaissance de l’esprit » pp. 199-245

. — Étant donné le mécanisme du souvenir, son jeu est ordinairement sûr. — À l’image actuelle, nette et circonstanciée, correspond presque toujours une sensation antécédente, dont l’image est le reliquat. — À l’emplacement apparent de l’image refoulée correspond presque toujours l’emplacement réel de la sensation antécédente. — Véracité générale de la notion que nous avons de nos facultés. — L’expérience incessante la contrôle, la rectifie et la consolide. — Cohésion de ses éléments. — Il faut des circonstances exceptionnelles pour les disjoindre ou y en insérer d’étrangers. — Raison générale de la concordance de nos pensées et des choses. […] Morale ou physique, la forme que nous appelons régulière a beau être la plus fréquente, c’est à travers une infinité de déformations possibles qu’elle se produit. — On peut comparer la sourde élaboration dont l’effet ordinaire est la conscience à la marche de cet esclave qui, après les jeux du cirque, traversait toute l’arène un œuf à la main, parmi les lions lassés et les tigres repus ; s’il arrivait, il recevait la liberté. […] Nous l’admettons et sans grand scrupule, sinon sur une démonstration directe, du moins d’après un cortège de confirmations innombrables et comme une hypothèse que justifie tout l’ensemble de l’expérience, des vérifications et des prévisions humaines. — Cela posé, il nous suffit de l’expliquer, et nous n’avons qu’à regarder le mécanisme décrit pour comprendre la justesse presque infaillible de son jeu.

804. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Ne serait-ce pas que l’esprit des Romains, exclusivement absorbé jusque-là par le rude exercice de la liberté, qui est un travail, par le jeu des factions populaires, par les guerres civiles, n’avait ni le loisir ni le goût des choses d’esprit, mais qu’au moment où des hommes comme César et Auguste font taire le sénat, les tribuns, la place publique, sous leur éclatante servitude, les esprits se détendent des affaires politiques et se précipitent avec une énergie impatiente de repos dans l’occupation et dans la gloire des lettres ? […] Le jour, ces collines semblent arides et calcinées par le soleil romain ; le soir, le jeu de l’ombre qui grandit et de la lumière qui se retire les revêt d’une apparence de fertilité qui caresse agréablement le regard ; on dirait aussi qu’elles se meuvent dans le lointain bleuâtre de l’horizon comme des vagues sombres de la haute mer au souffle d’un vent du soir. […] Si jeune encore et si loin de la grondeuse vieillesse, ne dédaigne pas les danses et les amours ; montre-toi sans honte au champ de Mars ou dans ces promenades publiques où l’on entend, aux heures convenues, les doux chuchotements des mystérieux entretiens ; épie cet éclat de rire folâtre qui trahit l’asile où la jeune fille s’est cachée dans ses jeux, et ravis-lui, après une feinte lutte, son bracelet ou son anneau. » XXII Tout portait l’âme d’Horace, en ce temps-là, à la sérénité, à l’insouciance des affaires publiques et aux plaisirs de la ville ou des champs.

805. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il faut pour ces jeux de situation des murs perméables, et surtout une absence innocente de précautions, qui facilite ces entrées et ces sorties dont l’entre-croisement amusait tant le public espagnol. […] La comédie proprement dite n’était qu’un jeu d’esprit dont s’amusaient, comme des enfants aux marionnettes, ceux qui devaient plus tard fournir la matière de la vraie comédie, le jour où un homme de génie la créerait en mettant le parterre lui-même sur la scène. […] Arnolphe se pique au jeu.

806. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Jeu bien inutile, passe-temps bien oisif : car, si je sais d’avance que ce qui m’est enseigné est la vérité absolue, pourquoi me fatiguer à en chercher la démonstration ? […] La critique n’a guère été conçue jusqu’ici que comme une épreuve dissolvante, une analyse détruisant la vie ; d’un point de vue plus avancé on comprendra que la haute critique n’est possible qu’à la condition du jeu complet de la nature humaine et que, réciproquement, le haut amour et la grande admiration ne sont possibles qu’à la condition de la critique. […] Voulez-vous un type de cette manière irrévérencieuse de traiter la science, de la prendre comme un jeu d’esprit, bon à délasser d’une vie défleurie ou à faire naître ce rire inepte, si recherché de ceux à qui est interdit le rire de bon aloi, lisez le Journal de Trévoux et en général les ouvrages scientifiques sortis de la même Compagnie, laquelle, pour le dire en passant, n’a pu produire un seul savant sérieux (Kircher peut-être excepté, lequel a bien aussi ses folies ; mais ces folies étaient celles de son siècle) et a produit par contre quelques types incomparables du charlatanisme scientifique, Bougeant, Hardouin, etc.

/ 1884