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1215. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content […] Bientôt après arrive le roi de Rome ; Friant veut se lever, mais l’empereur lui posant la main sur l’épaule : « Restez, général Friant ; de vieux soldats comme nous ne se dérangent pas pour un enfant ; ce n’est pas à vous à donner cet exemple, on me le gâtera assez tôt. » L’impératrice entre alors ; même mouvement du général et de l’empereur qui, cette fois, dit au blessé : « Dans votre position, on ne se lève même pas pour les dames. » Puis se tournant vers l’impératrice, il ajouta d’un ton de considération : « Madame, c’est le général Friant. » En quelque occasion où Friant, parlant de ses fatigues et de la crainte qu’il avait de ne pouvoir suffire à de nouvelles campagnes, rappelait que plusieurs de ses anciens camarades étaient depuis longtemps au repos et pourvus de sénatoreries, l’empereur lui dit : « Friant, de braves gens comme nous doivent rester tant qu’il y a quelque chose à faire. » Je laisse à juger si de tels mots, qui n’ont l’air de rien, séduisaient et confirmaient le cœur10.

1216. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger, 1833. Chansons nouvelles et dernières »

Les Contrebandiers ne sont pas seulement, comme les Bohémiens, un délirant caprice de vie aventurière, de liberté sans frein et de migration sans but ; les Contrebandiers ne sont pas les enfants perdus et incorrigibles des races dispersées ; ce sont, comme Béranger le conçoit, les sentinelles avancées, les éclaireurs hasardeux d’une civilisation qui s’approche : Nos gouvernants, pris de vertige, Des biens du ciel triplant le taux, Font mourir le fruit sur sa tige, Du travail brisent les marteaux, Pour qu’au loin il abreuve Le sol et l’habitant, Le bon Dieu crée un fleuve ; Ils en font un étang. […] Quand Béranger dit que « le pouvoir est une cloche qui empêche ceux qui la mettent en branle d’entendre aucun son ; » et ailleurs « qu’il est des instants, pour une nation, où la meilleure musique est celle du tambour qui bat la charge ; » et encore, lorsqu’il compare les prétendus faiseurs de la révolution de Juillet à ces « greffiers de mairie qui se croiraient les pères des enfants dont ils n’ont que dressé l’acte de naissance ; » cela me paraît étonnamment rentrer dans le goût des locutions familières à Franklin.

1217. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

comme pour se rassurer dans les ténèbres et se fortifier contre lui-même ; vainement il montre de loin à son amie, dans le ciel sombre, la double étoile de l’Âme immortelle et de l’Éternité de Dieu ; vainement il fait agenouiller sa petite fille aînée devant le Père des hommes, et lui joint ses petites mains pour prier, et lui pose sur sa lèvre d’enfant le psaume enflammé du prophète : ni la Prière pour Tous si sublime, ni l’Aumône si chrétienne, ne peuvent couvrir l’amère réalité ; le poëte ne croit plus. […] J’ai besoin, pour me remettre, de m’étourdir avec le poëte au gai tumulte des enfants, à la folle joie de leur innocence, et de m’oublier au sourire charmant du dernier-né.

1218. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Ainsi dans Macbeth, quand on annonce à Macduff le massacre de sa femme et de ses enfants, et qu’il répond : « Tous mes jolis enfants !

1219. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le hasard a voulu que ce soit vous, Parisiens, qui soyez chargés de faire les réputations littéraires en Europe ; et une femme d’esprit, connue par son enthousiasme pour les beautés de la nature, s’est écrié, pour plaire aux Parisiens : « Le plus beau ruisseau du monde, c’est le ruisseau de la rue du Bac. » Tous les écrivains de bonne compagnie, non seulement de la France, mais de toute l’Europe, vous ont flattés pour obtenir de vous en échange un peu de renom littéraire ; et ce que vous appelez sentiment intérieur, évidence morale, n’est autre chose que l’évidence morale d’un enfant gâté, en d’autres termes, l’habitude de la flatterie. […] La seule différence, c’est que le Parisien, enfant de bonne maison, a pris l’habitude de se moquer de l’autre.

1220. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Le voilà enfin qui parle, quand il fait la langue vulgaire, dans les fabliaux, les mystères, les chansons de geste ; mais toute cette littérature s’arrête au milieu de sa poussée ; elle ne s’achève point ; elle n’a point son Dante ou son Boccace ; elle s’enfouit, s’efface de la mémoire des hommes ; les écrivains du dix-septième siècle n’en savent que deux ou trois noms, et les derniers, Villon, Marot, la reine de Navarre ; elle n’a été qu’un babil d’enfants malicieux et gentils. […] Il s’arrête devant un taudis, s’occupe des vieilles poutres enfumées, du bahut luisant, des enfants rougeauds qui se traînent par terre en grignotant des tartines, de la ménagère qui caquette, le poing sur les hanches, et gourmande son homme penaud.

1221. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

Ce qu’il vit cc jour-là, il ne le revit jamais ; il fut surtout frappé par des enfants allant à l’école, des pigeons au plumage changeant, voletant des toits au trottoir, des saïkis (gâteaux) saupoudrées de farine qu’une main invisible exposa sur l’appui d’une fenêtre. Tous ces objets tenaient du prodige : l’enfant courut vers un des pigeons et regarda bovine en souriant ; le pigeon secoua ses ailes et brilla au soleil au travers d’une fine poussière de neige, et un parfum de pain chaud se répandit par la fenêtre où apparurent les saïkis.

1222. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Quand nous lisons ou que nous entendons prononcer le mot de Tuileries, nous prenons tous l’idée du même lieu, du jardin qui borde la Seine entre le Carrousel et les Champs-Élysées : mais des images s’éveillent en outre les mêmes pour tous, des dômes de verdure, de grises statues parmi les feuillages verts ou jaunissants, des enfants et des joueurs de ballon ; selon notre âge, nous voyons se dessiner un palais ou des ruines ; certains de nous aperçoivent les hôtes disparus de l’édifice détruit, les fameuses journées que l’histoire y compte ; selon le caprice de nos goûts et de nos études, la salle des maréchaux ou la salle des machines nous reviennent en mémoire, et nous peuplons les allées de muscadins ou de petits-maîtres. […] Cependant l’épithète est juste et bien appliquée : mais elle évoque des images d’animaux en bois, en plomb, en fer-blanc revêtus de tons splendidement criards, comme en ont manié tous les enfants, des formes d’hommes et de bêtes, qu’on voit dans les rues de village, pendues à des tringles, se balancer au vent et faire éclater au soleil leur luisante peinture : jamais le naturel, le vivant n’est vernissé.

1223. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Il a créé le ciel des âmes pures, où se trouve ce qu’on demande en vain à la terre, la parfaite noblesse des enfants de Dieu, la pureté absolue, la totale abstraction des souillures du monde, la liberté enfin, que la société réelle exclut comme une impossibilité, et qui n’a toute son amplitude que dans le domaine de la pensée. […] Pour nous, éternels enfants, condamnés à l’impuissance, nous qui travaillons sans moissonner, et ne verrons jamais le fruit de ce que nous avons semé, inclinons-nous devant ces demi-dieux.

1224. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre III »

Une histoire naturelle pour les enfants commence ainsi un chapitre : « Le nom du chœropotamos vient de deux mots grecs, choiros, porc, et potamos, rivière. » N’est-elle pas amusante cette explication, qui répète sans doute littéralement le raisonnement du savant inventeur de ce mot grotesque ? […] Buffon cependant, qui avait du génie, a écrit sur l’homme tout un volume, encore scientifiquement valable, et dans une langue qu’un enfant de douze ans comprend à la première lecture.

1225. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Mettre Pélion sur Ossa, labeur d’enfants à côté de cette besogne de géants : mettre le droit sur la vérité. […] L’enfant a pourtant besoin de savoir qu’il est homme, et le père qu’il est citoyen.

1226. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

J’en veux pour preuve sa Sainte Famille : Par un jour de sabbat, saint Joseph et la Vierge Marie sont allés promener l’enfant Jésus. […] Ils emmènent avec eux leurs femmes et leurs enfants.

1227. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Tantôt c’est à sa gloire future qu’il sacrifie son repos actuel, tantôt c’est à sa patrie, tantôt c’est à ses enfants, tantôt enfin c’est à une félicité dont les trésors ne peuvent s’ouvrir pour lui qu’au-delà du tombeau. […] Nous sommes semblables à cette femme désolée qui poussait de grands cris, et qui ne pouvait se consoler parce que ses enfants n’étaient plus.

1228. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Les femmes nées presque toutes pour le récit, quand elles sont littéraires, peuvent raconter avec beaucoup de charme, depuis celles qui font des contes aux enfants jusqu’à celles qui en font aux hommes. […] D’initiative dans les idées, Mme Sand n’en a pas plus, d’ailleurs, que Mme de Staël et que toutes les femmes ; car on fait, pour qu’elles en aient, des idées aux femmes comme on leur fait des enfants !

1229. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Mme André Léo22 I C’est un nom, fait avec les deux noms de ses enfants. […] Elle y a suprêmement ce ton maîtresse d’école, faisant la classe à la Démocratie, cette enfant terrible qui a tant besoin de leçons !

1230. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Les abbés Trublet sont des capacités honnêtes, quoique Voltaire, qui ne l’était pas, s’en soit moqué dans des vers charmants comme ce serpent d’homme savait en siffler ; mais, pour que la compilation mérite le petit salut de la critique en passant, il ne faut pas qu’elle ressemble au pêle-mêle des numéros d’un sac de loto qu’un enfant viderait sur une table. […] Mais les magots qui allaient trôner sur les cheminées de Ferney n’étaient pas seulement une amusette pour ce vieil enfant pervers.

1231. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Nous comprenions bien que ce dernier panorama du désert, que ces dernières fantasias d’un peuple équestre et nomade, seraient un spectacle que ne verraient pas nos enfants ; mais nous nous disions aussi que toute cette poésie qui doit céder à la prose, que ces mœurs éloquentes qui seront un jour — un jour plus prochain qu’on ne croit, — remplacées par les habitudes étriquées et plates des temps modernes, auraient du moins ici leur daguerréotype ineffaçable et fidèle, et que l’image qu’elles y auraient laissée en consacrerait le souvenir. […] Elle est la primogéniture de la patrie, la fleur de l’élite de ses enfants.

1232. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Lord Byron, cet enfant terrible de génie, s’était fait jacobin pour faire pièce à la société élevée de son pays dont il était mécontent ; mais il n’a pas paru à Barot un jacobin assez solide. […] Il a pour eux ce que j’appellerai des faiblesses… Savage Landor, ce républicain insensé (et c’est son excuse), qui légua sa fortune à celui qui assassinerait Napoléon III (un utilitaire de la démocratie), l’insulteur de Pitt et de Fox à la fois ; Thomas Hood, l’auteur du chant socialiste de la Chemise, que Barot nous traduit comme une merveille ; madame Browning, l’auteur du Cri des enfants, qui, par parenthèse, n’est pas naïf comme l’enfance ; Swinburne, le transfuge de l’aristocratie dans le camp populaire ; Alfred Austin, le satirique contre les rois et les prêtres ; madame George Eliot, madame Beecher-Stowe, tout ce menu fretin littéraire s’ils ne lui paraissent pas des colosses, lui paraissent cependant plus grands qu’ils ne sont en réalité.

1233. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Après lui, ses enfants, et, entre tous, Jacques Cœur, l’archevêque de Bourges, dévoués à cette mémoire qui avait illustré leur race et qui allait fonder une maison de plus parmi les grandes maisons de France, demandèrent à plusieurs reprises la révision de son procès. […] N’était ce dernier coup d’œil jeté sur l’effort perdu des enfants de Jacques Cœur pour réhabiliter, comme on dit aujourd’hui, sa mémoire, Clément, fidèle au titre de son livre, n’aurait point dépassé la limite de sa double biographie.

1234. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vacquerie » pp. 73-89

Lui n’écrivit que la vie de Johnson, mais il disait peut-être, comme Macbeth : « Il n’a pas d’enfants !  […] Il a joué enfant avec les rimes.

1235. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Très jeune à l’âge où les autres jeunes gens se dissipent, à l’âge des coups d’épée (il en donna un), il se fait rendre compte judiciairement par son père de la gestion de sa fortune, en proie aux plus affreuses dilapidations, rachète la terre de Buffon que ce bourreau d’argent avait vendue, et le garde tendrement chez lui, ce bourreau qui se remarie, et dont il garde également et élève les enfants ! […] Assurément, nous ne croyons pas que jamais il sorte de cette critique de l’amour qui est la sienne quand il s’agit de Buffon, et qu’il puisse entrer dans cette impartialité froide qui est la vraie température de toute critique ; mais rendons-lui justice, et convenons que pour lui l’enfant de Buffon, le cartésien comme Buffon, l’homme incessamment occupé à brosser comme un diamant la gloire de Buffon, pour qu’elle brille davantage, il a cependant dans le regard une fermeté qui étonne quand il le porte sur son maître.

1236. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

La sienne, qui n’est pas la leur, produit l’effet le plus inattendu à ceux qui savent que cette variété d’athée était, de sentiment et de doctrine, le pessimiste le plus absolu qui ait jamais existé et qui avait inventé cette raison pour que l’homme ne fût pas supérieur au singe : c’est qu’il n’aurait pu résister à l’horreur de la vie… La morale de Schopenhauer, — bien trop philosophe pour ne pas accrocher à la caisse de son système les deux roues d’une esthétique et d’une morale qui devaient le faire mieux rouler, — l’incroyable morale de cet homme qui ne croit pas au devoir : « bon pour des enfants et les peuples dans leur enfance », est, le croira-t-on ? […] Il a cru, comme tous les métaphysiciens, que la métaphysique est une science, et non un exercice… et il s’est trouvé semblable à l’enfant qui fait avec un jeu de dominos des constructions superbes, qui toujours s’écroulent… Il ne reste jamais que des dominos !

1237. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

La Méditation — cette Muse réfléchie — ne l’a pas ingénieusement combiné, et ce n’est pas non plus une volonté laborieuse et tenace qui l’a arraché de l’esprit de l’écrivain comme on arrache l’enfant du sein de sa mère. […] La première communion, dans la vie d’un enfant catholique, n’est-ce pas le premier amour… pour Dieu ?

1238. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Il y a de petites femmes, toutes faibles, qui n’en finissent pas d’avoir des enfants et qui peupleraient plusieurs hôpitaux. Mais, en littérature, la gestation est volontaire, et si malheureusement il en était de même pour la gestation de l’enfant par la mère, depuis longtemps le monde ne serait plus !

1239. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Pour que, de toutes les dissonances il résulte une plus étonnante harmonie, il y a dans ce livre des teintes plus tendres que des nuances, des rêveries d’esprit qui ressemblent à des rêves, des amours d’enfants de douze ans veloutés des premières fleurs que la vie emporte sur ses ailes, et tout cela (ces impondérables) est exprimé, qui le croirait ? […] Le combat de la vocation religieuse contre la vocation de la mère de famille qui se révèle avec tant d’énergie dans la scène, au village, où Éliane est obligée, par les combinaisons du roman, à tenir un enfant dans ses bras, — scène magnifique, d’un contenu excessivement émouvant, et que Stendhal seul aurait pu écrire s’il avait été chrétien, — le triomphe enfin de la vocation de l’épouse, le discours de la mère Saint-Joseph qui clôt le roman dans une souveraineté de raison éclairée par la foi, et surtout, surtout, la réalité de la sœur Saint-Gatien, qui représente l’être surhumain, l’ange gardien d’Éliane, et qui s’en détache si humainement et si vite quand elle lui a préféré, pour s’appuyer, le cœur d’un homme, — trait cruel que Wey n’a pas manqué, — voilà les beautés de la troisième partie de ce livre, écrit avec une sûreté de main et une maturité de touche qui n’ont fait faute à l’auteur de Christian qu’une seule fois.

1240. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

C’est toujours le mot si comique de madame de Staël, de madame de Staël avec laquelle pourtant l’Autorité avait le droit de se montrer plus sévère que la Critique n’a le droit de se montrer distraite avec Gravillon : « Si vous avez des enfants, monsieur, — disait-elle en riant au colonel de gendarmerie qui la reconduisait à la frontière de Suisse, — apprenez-leur ce que le talent rapporte et dégoûtez-les d’en avoir !  […] Arthur de Gravillon aime la langue française à la fureur, et c’est comme cela qu’il faut l’aimer, et il lui fera de fiers enfants, s’il ne s’amuse pas à madrigaliser avec elle dans toutes ces préciosités que je lui ai reprochées et qu’il a, du reste, comme tous les amoureux qui commencent.

1241. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

— il est bon d’une bonté d’enfant qui ne boude pas, se gronde soi-même, ne demande qu’à caresser ceux qui l’ont battu. […] Mais l’honneur commande ; l’enfant aura le droit du nom. […] Elle est le foudroiement et la caresse ; son tonnerre se tait tout de suite pour ne pas effrayer les petits enfants. […] Par l’enfant de dix-sept ans que j’étais alors fut fondée la Revue fantaisiste. […] Il est mort, le pauvre enfant.

1242. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Détaché des croyances surnaturelles, initié aux merveilles de la Philologie par d’excellents prêtres qui jouaient avec l’exégèse comme les enfants jouent avec le feu, il crut invinciblement à la puissance de l’esprit humain. […] La première mère qui enterra dans une fosse ou brûla sur un bûcher le corps périssable de son enfant, crut à l’immortalité de l’âme. […] Nos exigences se sont accrues, comme celles des enfants, à mesure que nos caprices étaient satisfaits. […] Ils ont eu des parents, des amis, des compatriotes, des enfants, qui ont agi sur eux par mille prises quotidiennes et imperceptibles. […] Son œuvre grandiose et douloureuse est bien la confession d’un enfant du siècle.

1243. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Châtillon, Auguste de (1808-1881) »

Il y est entré presque sans s’en douter, comme ces braves et subtils enfants des campagnes qui quittent leur besogne et jettent leurs outils pour aller babiller et partager leur pitance avec les soldats d’un régiment en marche, emboîtant le pas tout naturellement.

1244. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Magre, Maurice (1877-1941) »

Et cette vision, pour être celle d’un enfant, vive mais sans profondeur, n’en est pas moins attachante.

1245. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Enfant, j’allais au hasard par les prés, une baguette flexible arquée dans mes mains. […] Toute la fraîcheur des claires fontaines ne brille-t-elle pas au creux des mains de l’enfant altéré ? […] Pour l’enfant, tout est vie et substance. […] L’oisiveté me faisait peur, qui m’eût laissé en proie à cette heure pesante où je me sentais si respecté. » C’est assez dire que l’enfant commença à se chercher dans une joie studieuse. […] Que de matière précieuse gâchée en vue de confectionner des jouets à de grands enfants !

1246. (1905) Promenades philosophiques. Première série

Il est animiste à la manière des enfants, donne une volonté à l’eau, au vent. […] À nous autres vieux enfants gâtés par l’art, il nous faut encore autre chose : nous avons le goût de la perfection. […] Comme ce médecin qui enseignait l’art d’avoir de beaux enfants, il enseigne l’art d’avoir un beau style. […] Mais l’élève n’existe pas ; il y a, chez les hommes comme chez les enfants, des personnalités plus ou moins différenciées, assez sensibles pour que l’on n’ait jamais rencontré ni deux hommes identiques, ni deux enfants tout pareils. […] Anfant (enfant).

1247. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIII » pp. 206-208

Voici la suite : « Enfant par la foi, vieillard par l’expérience, homme par le cerveau, femme par le cœur, géant par l’espérance, mère par la douleur et poëte par les rêves ; à toi qui es encore la Beauté, cet ouvrage où ton amour et ta fantaisie, ta foi, ton expérience, ta douleur, ton espoir et tes rêves sont comme les chaînes qui soutiennent une trame moins brillante que la poésie de la pensée, que le poëme gardé dans ton âme, semblable à l’hymne d’un langage perdu dont les caractères irritent la curiosité des savants. »

1248. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

L’enfant qui recueille sur des tablettes les dernières paroles de Socrate me paraît très beau et de caractère, et de couleur, et de simplicité, et de lumière.

1249. (1763) Salon de 1763 « [À mon ami Monsieur Grimm. » pp. 171-182

C’est que la musique faisait partie de l’éducation libérale : on présentait une lyre à tout enfant bien né.

1250. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Voici par exemple une fable de Phèdre ; il lui manque bien peu pour être vive et jolie : « Un jour, dans un pré, une grenouille vit un boeuf ; et, envieuse d’une telle grandeur, elle enfla sa peau ridée, puis demanda à ses enfants si elle était plus grosse que le boeuf. […] Que l’on m’amène un âne, un âne renforcé          Je le rendrai maître passé          Et veux qu’il porte la soutane. »165 « Tout parle en cet ouvrage, et même les poissons. » C’est le propre du poëte de s’oublier lui-même, pour faire place aux enfants de son cerveau, « invisibles fantômes », qui le font taire et s’agitent, s’élancent, combattent, vivent en lui comme s’il n’était pas là. […] Je nourris celui-ci depuis longues années ; Il n’a sans mes bienfaits passé nulles journées, Tout n’est pas pour lui seul : mon lait et mes enfants Le font à la maison revenir les mains pleines ; Même j’ai rétabli sa santé, que les ans          Avaient altérée, et mes peines Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin. […] C’est que, tous tant que nous sommes dans notre misérable pays, nous avons fait serment de ne plus habiter avec nos femmes, afin de ne plus mettre au monde des malheureux, mais bien pis, de tuer nos propres enfants, afin de ne pas les laisser entre les mains de tyrans si cruels ; car enfin nous aimons beaucoup mieux qu’ils meurent avec leur liberté, que de les voir languir dans la servitude. » (Il y a de la ressource dans cette idée, mais quel style ! […]     Quant à nos enfants déjà nés, Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés : Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime.

1251. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Pitt pendant les anxiétés patriotiques du camp de Boulogne, était mort récemment ; sa mère, qui n’avait d’autre enfant que cette fille, lui avait donné une instruction grave et des talents de peinture et de musique qui dépassaient la portée de l’amateur. […] Cet enfant, né sous les plus heureux auspices, échappa comme ma fille, en mourant jeune, à sa triste destinée. […] Ma femme, fière de son bel enfant, et trop frêle pour pouvoir le nourrir longtemps, fut remplacée par une paysanne de la Maurienne, au teint de rose, aux dents d’ivoire ; mais, hélas ! l’enfant dépérissait sur ce sein de neige : on n’achète pas la vie, Dieu la donne ou la refuse. […] La grande-duchesse, sa femme, sortait quelquefois de son appartement contigu, un de ses enfants dans les bras, pour venir, comme une simple mère de famille, s’asseoir gracieusement à ces entretiens.

1252. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il s’en va aussitôt se mettre à la disposition de la cour, en s’écriant : « Il ne convient pas que les deux plus grands fous du royaume soient du même côté. » C’est l’emblème de la constance et de la gravité que les hommes du temps portent pour la plupart dans les affaires publiques ; et voilà pourquoi le nom d’un jeu d’enfants désigne encore cette effervescence de surface d’où ne se dégage aucune direction générale. […] Dans la Journée des barricades, on rencontre des enfants de cinq à six ans avec des poignards à la main. […] C’est en vain que Néron prospère ; Tacite est déjà né dans l’Empire ; il croît inconnu auprès des cendres de Germanicus et déjà l’intègre Providence a livré à un enfant obscur la gloire du monde. » Dès lors c’est un ennemi qu’il faut frapper. […] N’y eut-il pas un professeur pour appliquer vers par vers au roi de Rome la quatrième églogue de Virgile et pour annoncer au monde le retour de l’âge d’or ramené par cet enfant miraculeux ? […] Il faut économiser le temps et la peine des enfants du peuple, qui n’ont que peu d’années à consacrer à l’école, et c’est ainsi que, servant les intérêts de la démocratie, des réunions d’instituteurs, des comités formés à Paris, en Belgique, en Suisse, travaillent à la suppression des pièges sans nombre dont est semée notre orthographe.

1253. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Une tante de l’enfant était religieuse dans cette célèbre maison de Port-Royal. […] Mais c’était un enfant roidissant ses faibles muscles pour rappeler l’hercule du théâtre. […] S’immoler pour son nom et pour son héritage, D’un enfant d’Israël voilà le vrai partage : Trop heureuse pour lui de hasarder vos jours ! […] Mais ce n’était pas, dans l’esprit de Racine, une tragédie : c’était une idylle simple à la portée des jeunes filles et des enfants qui devaient en être les acteurs ; comme poésie de style, images, langue, sonorité, douceur et majesté, c’est la Bible elle-même non traduite, mais transvasée comme un rayon de miel d’Oreb sur la langue des femmes et des enfants d’une autre Sion !

1254. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

L’ancien régime aurait peut-être pensionné ce vieil enfant. […] Elle n’a qu’une idée, qu’un rêve : avoir des enfants. […] Ça n’est pas ainsi qu’on apprend quoi que ce soit à des enfants, et surtout à ses enfants. […] Un enfant safre. […] — C’est à vous tous ces enfants-là ?

1255. (1925) Portraits et souvenirs

Nerval était l’enfant de bohème du romantisme, son enfant gâté, son enfant perdu … Cette situation privilégiée, Gérard de Nerval l’a conservée auprès de la postérité. […] On va faire appel chez l’enfant à ce qu’il donne le plus péniblement, je veux dire son attention. […] Une vieille demoiselle, dans Mlle Clocque, un enfant qui observe et qui rapporte ce qu’il a vu, dans la Becquée et dans l’Enfant à la Balustrade, lui suffisent à grouper une série de menus faits où se révèle, peu à peu, l’existence provinciale en ses habitudes, ses sentiments, ses préférences, ses intérêts. […] Les enfants sont singuliers. […] La troupe se compose de mon arrière-grand-père, de sa femme et de cinq enfants, dont l’aînée avait une dizaine d’années et la plus jeune quelques mois.

1256. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Mais Robert Maturin avait une femme et des enfants. […] Les plus anciens monuments de la littérature d’Erin révèlent d’une façon éclatante ce génie emphatique et imagé qui s’est perpétué parmi ses enfants. […] En quelques jours, la noblesse offrit deux millions pour le rachat des enfants de France qu’il avait laissés en otage. […] Les enfants du roi sont rachetés au prix de 1 million deux cent mille écus. […] bouderie d’enfant gâté !

1257. (1923) Au service de la déesse

Mais, dire que tous les « arrivistes » d’à présent sont enfants de Balzac, non, véritablement non. […] Qui « a laissé trois enfants en France », ce n’est point Manon ! […] Or, il a fallu qu’on vînt chercher ce pauvre enfant et qu’on l’emmenât sur une brouette. […] — Il a dit qu’il faut coucher l’enfant tout de suite. — La diphtérie ? […] Beaucoup de parents mettent leurs enfants à des travaux qui ne comportent pas d’apprentissage ; ils n’ont qu’un souci, que l’enfant gagne un peu d’argent, le plus d’argent possible, tout de go.

1258. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Il en jouit ou bien il en souffre, à la manière des enfants et des sauvages. […] L’enfant souffre dans ses appétits matériels que le grand exercice physique ne dompte pas. […] Il n’est pas davantage attiré par la poésie de la religion, si puissante pour les enfants à imagination tendre, ni par le mystère de la philosophie, si fascinateur pour les enfants à imagination morale. […] Un enfant s’endort à son côté dans une diligence, et la Léïla de Byron lui apparaît. […] D’autres presque dorées et pourtant fraîches faisaient songer à la grâce un peu morbide d’une enfant blonde.

1259. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fleury, Albert (1875-1911) »

Il a voulu devenir l’enfant qui souffre et qui tremble, fébrile et troublé de l’émoi d’une première passion.

1260. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Châtiments » (1853-1870) — Au moment de rentrer en France. — 31 août 1870 »

Tu me permettras d’être en sortant des ténèbres                                Ton enfant ; Et tandis que rira ce tas d’hommes funèbres                                Triomphant, Tu ne trouveras pas mauvais que je t’adore,                                En priant, Ébloui par ton front invincible, que dore                                L’Orient.

1261. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bellengé » p. 204

Sur la panse de ce vase des enfants qu’on a groupés, sont très-bien, ils ont bien souffert du feu.

1262. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

À un an de là, à la Malmaison, en janvier 1801, le premier consul disait aux sénateurs Laplace et Monge, et à Roederer, au sujet même des injures qu’on s’était permises au Tribunat contre le Conseil d’État pour la loi sur les tribunaux spéciaux : « Je suis soldat, enfant de la Révolution, sorti du sein du peuple : je ne souffrirai pas qu’on m’insulte comme un roi. » Il disait dans un autre moment : « Il faut que le peuple français me souffre avec mes défauts, s’il trouve en moi quelques avantages : mon défaut est de ne pouvoir supporter les injures. » Vers le même temps à Paris, toujours au sujet de la même affaire, comme Roederer lui disait : Les parlements autrefois parlaient toujours aux rois dans leurs remontrances des conseils perfides qui trompaient Leur Majesté, mais leurs séances n’étaient pas publiques. — Et d’ailleurs, reprenait vivement le premier consul, ces choses-là les ont renversés ; et moi j’ose dire que je suis du nombre de ceux qui fondent les États, et non de ceux qui les laissent périr. […] Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. Mais, comme il ne fallait point non plus surcharger l’esprit des enfants, il en résultait qu’en enseignant trois ordres de sciences à la fois, il y avait à réduire la dose de chacune, à ne la donner pour ainsi dire que par couches très minces.

1263. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle fut de celles-là, et à ce titre elle mérite d’être citée en exemple aux femmes auxquelles leur situation donne des loisirs et peut engendrer par là même plus de regrets : L’âge, disait-elle, — et sans transition on la retrouve ici à plus de trente ans de distance ; elle avait vécu, souffert, aimé dans l’intervalle ; elle avait élevé sa famille et marié ses enfants ; — l’âge, disait-elle donc, ne nous enlève que des choses qui nous deviennent successivement inutiles, et qui sont remplacées par d’autres qui valent souvent beaucoup mieux. […] Je suis allé rôder avec les enfants. […] Nous avons de bonnes nouvelles de nos enfants.

1264. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Représente-toi, sur un monceau de plus de cent cadavres de femmes et d’enfants, que les Kabyles dépouillaient ou achevaient lorsqu’ils respiraient encore, un sergent et un soldat du 17e leur disputant, les armes à la main, un pauvre petit être de quatre ans, encore attaché au corps de sa mère morte. […] Je n’aurais pas balancé à t’apporter cet embarras, si une autre idée ne m’était venue : c’est d’en parler à Madame Adélaïde : ce serait digne d’elle de faire élever un enfant pris sur le champ de bataille où son neveu a été fait lieutenant général. […] Quelques instants après, il s’approcha tout à coup de moi, et me dit à l’oreille : « Il faut que nous fassions un échange, moi aussi je sais improviser. » Comme j’étais naturellement très-curieux de savoir ce qu’il entendait par là, il me répondit : « C’est mon secret. » Mais c’est un véritable enfant, et il ne sut pas garder son secret un quart d’heure.

1265. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Puis, c’est une jeune femme, Atthis, qui, relevant d’une couche pénible, offre à Diane sa ceinture et sa tunique virginale pour la remercier d’avoir amené sain et sauf à la vie son enfant ; — c’est ensuite une autre accouchée qui consacre à Ilithyie, déesse des accouchements, les bandelettes de ses cheveux et son voile pour avoir mis au monde, et à terme, deux jumeaux. — Ou bien c’est un menuisier émérite qui consacre à Minerve ses outils : « Théris, l’habile ouvrier, consacre à Minerve une coudée bien droite, une longue scie courbée du côté du dos, une hache, un rabot bien coupant, une tarière avec sa courroie, outils d’une profession qu’il a cessé d’exercer. »     Il y en a même un second, Léonticus, qui s’acquitte du même vœu avec plus de détail encore. […] Elle a fait faire, à cette intention, un portrait grossier de son enfant, qu’elle place dans le temple : « La mère du petit Micythe, à cause de sa pauvreté, le consacre et le donne à Bacchus, ayant fait ébaucher son image. […] » Il n’y avait rien de banal dans cet éloge ; une seconde épigramme de Léonidas sur le même Aristocratès nous donne de nouveaux détails et nous apprend que cet homme gracieux et sensible avait eu, en mourant, un regret : c’était d’être resté célibataire, d’avoir eu sous les yeux, à sa dernière heure, un foyer bientôt désert et une maison sans enfants : « Une maison sans colonnes est triste à voir. » Mais, tout compte fait, et bien que sachant le mieux, il s’en était tenu au plus sûr : il avait craint la perfidie du sexe.

1266. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Des mots entrecoupés de ses dernières pages le révèlent : à son enfant, à son mari, vieillard accoutumé à cet appui et incapable de faire un pas de plus dans la vie sans elle ; à sa jeunesse vainement altérée d’amour, consumée dans le feu des ambitions politiques ; à ces amis dont l’image la poursuivait et lui faisait seule regretter la vie s’ils vivaient encore, aspirer à la mort s’ils l’avaient devancée dans l’éternité. […] “Tranquillise-toi, mon enfant, lui dit sa tante, je vais remonter sans doute dans un instant. — Non, citoyenne, reprirent rudement les geôliers, tu ne remonteras pas ; prends ton bonnet et descends.” […] On est fier d’être d’une race d’hommes à qui la Providence a permis de concevoir de telles pensées, et d’être enfant d’un siècle qui a imprimé l’impulsion à de tels mouvements de l’esprit humain.

1267. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Il était de la caste des nobles enfants de l’Œil-de-Bœuf. […] Il y a bien encore quelque trace de manière : « Quand un Siminole me raconta cette histoire (transmise de Chactas à René, et des pères aux enfants), je la trouvai fort instructive et parfaitement belle, parce qu’il y mit la fleur du désert, la grâce de la cabane, et une simplicité à conter la douleur que je ne me flatte pas d’avoir conservée. » Ce ton-ci, en effet, est bien moins de la simplicité que de la simplesse. Mais à côté se trouve le touchant tableau de la jeune mère indienne ensevelissant et berçant son enfant mort parmi les branches d’un érable.

1268. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Calas, à Toulouse, est roué comme assassin de son fils, qui s’est pendu : des juges catholiques ont cru sans preuve que ce calviniste avait mieux aimé tuer son propre enfant que de le laisser convertir. […] Il riposta en accusant Rousseau d’avoir mis ses enfants à l’hôpital555. […] On le voit mourant, enveloppé dans sa robe de chambre, coiffé de son bonnet de nuit, l’instant d’après se démenant, criant, se disputant avec sa nièce la grosse Mme Denis, s’emportant contre Jean-Jacques ou le président de Brosses qu’un maladroit a nommés, se moquant du Père Adam, un Jésuite qu’il a recueilli, disant des douceurs aux dames, à condition qu’elles soient parées et spirituelles, toujours capricieux et inégal comme un enfant, toujours plein d’humeur et de saillies, causant avec cet esprit étincelant qui enivrait le prince de Ligne.

1269. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Si mal que j’aie su distinguer la poésie et le romanesque, on a pu voir que le romanesque doit être principalement la poésie des créatures sentimentales, de celles qui connaissent peu la vie, qui n’éprouvent pas un grand besoin de vérité et pour qui l’art ne consiste pas avant tout dans l’expression : c’est-à-dire la poésie des enfants, des vierges et des jeunes femmes. […] … soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie..   […] Eu vain il expose sa vie une première fois pour sauver le chien favori de l’orgueilleuse et amère enfant.

1270. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Alexandre Dumas, dans la préface citée plus haut, rappelle que le divorce ne sépare pas seulement deux époux qui ne peuvent plus s’entendre, mais qu’il ôte aux enfants le nid dont leur faiblesse a encore besoin. Elle est assurément délicate et douloureuse, la situation des enfants tiraillés et partagés entre le père et la mère désunis. […] Est-il nécessaire de rappeler que certains auteurs, Alexandre Dumas fils, par exemple, se sont donné pour mission de corriger, non seulement les mœurs, mais les lois ; que la condition des femmes, celle des enfants naturels, voire les principes régissant l’héritage et la propriété ont été maintes fois débattus par le roman et le théâtre ; que des cas de conscience84, comme en présente par dizaines la profession du juge ou celle de l’avocat, se sont déroulés en savantes et émouvantes, péripéties ; que l’art, aux époques où il est militant, travaille à la préparation d’un code de l’avenir ?

1271. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

L’époque se rattache ainsi à la grande période classique qui commence à la Renaissance et va jusqu’au romantisme, période où l’imitation des Grecs et des Romains est un des traits essentiels de la littérature française, comme l’étude du grec et du latin est le fond de l’enseignement donné aux enfants de la noblesse et de la bourgeoisie riche. […] D’autre part, la tendresse des parents pour les enfants ne peut se montrer en public, surtout s’ils sont de condition noble, et il est bien remarquable que, dans l’Andromaque de Racine, le petit Astyanax, autour duquel pivote toute l’action, n’apparaît pas un seul instant. […] Seulement c’est une allégorie pour demander au roi une pension en faveur de ses enfants.

1272. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Maintenonest toute remplie de ces raffinements de modestie et de désintéressement en vue de la considération et de la gloire : ici la jeune enfant paya les frais des vertus de sa tante. […] Ce furent les deux derniers des sept enfants que le roi eut de Mme de Montespan : Je ne puis, ajoute Mme de Caylus, me refuser de dire ici une pensée qui me vient dans l’esprit : il me semble qu’on voit encore dans le caractère, dans la physionomie et dans toute la personne de Mme la duchesse d’Orléans, des traces de ce combat de l’amour et du jubilé. […] À considérer les soins extrêmes que prenaient les anciens pour donner à leurs enfants, dès le sein de la nourrice, ce tact fin et ce sens exquis, on est frappé de la différence avec l’éducation moderne.

1273. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Aussi vive et aussi impétueuse que sa mère était contenue et prudente, s’agitant à tous les souffles du siècle, et possédée d’un génie qui allait s’aventurer dans bien des voies, elle étonnait, elle inquiétait cette mère si sage, et elle lui suggérait cette pensée involontaire : « Les enfants nous savent ordinairement peu de gré de nos sollicitudes : ce sont de jeunes branches qui s’impatientent contre la tige qui les enchaîne, sans penser qu’elles se flétriraient si elles en étaient détachées. » M.  […] Peignant le bonheur de deux époux fidèles, et celui du père en particulier qui, se revoyant tout vivant dans les traits de ses enfants, y lit la pudicité de son épouse, la vérité de son émotion la fait arriver à l’expression parfaite et au coloris : Quelquefois même, un époux tendrement aimé se voit seul tout entier dans les traits de ses enfants.

1274. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Le prince de Conti, qui fut la tige de cette branche des Conti, la plus brillante, la plus délicate et la plus voluptueuse de ces branches princières parasites, était un spirituel, un aimable, terrible et fantasque enfant. […] Monsieur, frère de Louis XIV et duc d’Orléans, était le plus joli enfant et le plus efféminé jeune homme qu’il se pût voir ; également incapable de secret et de conseil, il ne songeait qu’aux jeux de l’enfance, surtout à ceux de l’enfance des femmes, et il n’élevait pas sa pensée au-dessus de la bagatelle. […] Un jour que Louis XIV lui a dit au siège devant Douai : « Mon frère, vous pouvez aller vous divertir, car nous allons tenir Conseil » ; Monsieur, tout mortifié de se voir traité en enfant, s’en va se plaindre à Cosnac qui lui dit : « Eh bien !

1275. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Elle allaitait un de ses enfants ; les quatre autres étaient rangés autour d’elle, gais et contents. […] Je ne pouvais me lasser de voir ces pigeons voler autour de la table, ces chèvres qui jouaient avec les enfants, et tant d’animaux réunis autour de cette famille charmante. […] Disons toute notre pensée : si Bernardin n’avait sollicité de la sorte qu’en ces années dont nous parlons, quand il en avait si absolument besoin, quand il était comme un père ou comme une mère voulant produire le fruit ignoré de son génie, l’enfant de ses entrailles, s’il n’avait pas conservé ces habitudes de plainte et de sollicitation jusque dans des temps plus heureux et fait alterner perpétuellement l’idylle et le livre de comptes, ce serait simplement touchant, ce serait respectable et sacré.

1276. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

— B…, toujours traité en enfant gâté, dont la volonté et les caprices sont des ordres, ne quittait guère le foyer paternel, où il prenait des habitudes d’oisiveté et de paresse. — N’ayant eu pour le soutenir ni l’affection, ni les conseils de sa mère ; mal surveillé, mal dirigé par un père trop faible qui, toujours en admiration devant son fils, lui passait tous ses caprices, excusait toutes ses fantaisies, à dix-huit ans B… était sceptique et frondeur, ne croyant ni à Dieu ni à diable. — Il était homme à ne reculer devant rien, à n’être arrêté par aucun scrupule. — Aveuglé par son amour paternel, C… ne suivit pas les progrès incessants du mal, cette gangrène morale qui s’empare du cerveau d’abord pour descendre ensuite au cœur. — Il faut que jeunesse se passe. » Voilà le genre. […] L’éducation, telle qu’elle est pratiquée depuis trois siècles sans modifications sérieuses, développe particulièrement le goût de la phrase toute faite ; et il importe peu qu’elle soit latine ou seulement française, puisque les auteurs français dont on « orne la mémoire » des enfants sont des succédanés des auteurs latins et leurs meilleurs traducteurs. […] On n’enseigne pas à regarder, mais à écouter ; il semble que les enfants ne devraient avoir des yeux que pour lire, des yeux postiches qu’ils remettraient dans leur poche, la leçon sue, comme le professeur, ses lunettes.

1277. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

il est enfant, ce vieillard. […] L’enfant redevient un vieillard, le vieillard redevient un homme. […] Demeurer après l’envolement de l’ange, être le père orphelin de son enfant, être l’œil qui n’a plus la lumière, être le cœur sinistre qui n’a plus la joie, étendre les mains par moments dans l’obscurité, et tâcher de ressaisir quelqu’un qui était là, où donc est-elle ?

1278. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Est-il vrai que le prophète Osée, pour montrer son amour de sa patrie, même tombée en opprobre et devenue infâme, ait épousé une prostituée, et ait nommé ses enfants Deuil, Famine, Honte, Peste, et Misère ? […] Carthage immole ses enfants par le glaive et Sparte sacrifie ses vierges par la nudité ; l’innocence est tuée ici, et la pudeur là. […] Admiration universelle, un grand peuple entre en frénésie, une grande ville tombe en pâmoison, on loue un balcon sur le passage du jeune homme cinq cents guinées, on s’entasse, on se presse, on se foule aux roues de sa voiture, sept femmes sont écrasées par l’enthousiasme, leurs petits enfants sont ramassés morts sous les pieds, cent personnes, un peu étouffées, sont portées à l’hôpital, la joie est inexprimable.

1279. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

Il est inspiré par un goût naturel, par la mobilité de l’âme, par la sensibilité, c’est l’image même de l’âme rendue par les inflexions de la voix, les nuances successives, les passages, les tons d’un discours accéléré, ralenti, éclatant, étouffé, tempéré en cent manières diverses. écoutez le défi énergique et bref de cet enfant qui provoque son camarade. écoutez ce malade qui traîne ses accents douloureux et longs. […] Sur le devant, du même côté, un enfant noyé, étendu sur le rivage, et la mère qui se désole sur son enfant.

1280. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Les enfants de cette race élue pour les exceptionnels destins, ne sont pas rares parmi nous, et nous n’avons pas à craindre pour aujourd’hui l’extinction de cette aristocratie du non-sens. […] Des hommes comme Bruno, Spinoza, Schopenhauer, on se les représente difficilement comme maris et pères de famille ; ils seraient devenus autres, s’ils avaient eu femmes et enfants, plus prudents, plus circonspects, plus flexibles. » Descartes, Leibniz, Newton et Kant étaient aussi des célibataires, ajoute M.  […] Mais, pour grand que soit le malheur de n’avoir pas d’enfants, celui d’en avoir est, à coup sûr, cent fois plus grand et plus lamentable !

1281. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

Une mère qui dort à côté de son enfant pourra ne pas entendre des coups de tonnerre, alors qu’un soupir de l’enfant la réveillera. Dormait-elle réellement pour son enfant ?

1282. (1883) Le roman naturaliste

L’enfant grandit, on l’embarque, il s’éloigne à son tour ; le mousse devient marin ; chacun de ses voyages renouvelle au cœur de Félicité de terribles angoisses. […] Cependant la petite Virginie disparaît à son tour, emportée par une fluxion de poitrine, et, dans la maison vide d’enfants, il ne reste plus que la servante et la maîtresse unies d’une même douleur. […] Sa mère l’élève donc dans la crainte du Seigneur, et son père dans le métier des armes, chacun nourrissant à part soi l’espoir de voir un jour l’enfant archevêque ou capitaine. […] Daudet est chez nous presque le seul romancier qui sache mettre les enfants en scène et les faire parler ? […] Il fallait absolument le saisir ; à l’instant, l’enfant se mit à marcher à quatre pattes, étendant sa petite main pour s’emparer de ce jouet.

1283. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

. —  Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore.

1284. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

« Un jour, disait-il, je fus assailli par une troupe d’enfants qui me pourchassèrent à coups de pierres.

1285. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Il a de ces débuts enflammés qui tiennent des deux ivresses : ainsi, dans cet élan d’orgie ou de sérénade (c’était un peu la même chose chez les Anciens, comessatio), il veut courir à la porte de sa maîtresse, et s’adresse tour à tour à son serviteur pour qu’il allume le flambeau, et à lui-même pour s’enhardir : « Le dé en est jeté : allons, enfant, j’irai. — Allons, courage !  […] L’enfant est plus belle que toutes vos couronnes. » Si, dans un festin, la coupe a touché les lèvres de Zénophila, il s’écrie : « Le calice a souri de joie, il dit qu’il a touché la lèvre éloquente de l’aimable Zénophila : bienheureux ! […] Que si tu m’amènes la belle enfant, je te coifferai d’une peau de lion, ô moucheron sans pareil, et je te donnerai à porter dans ta main la massue d’Hercule129. » Nous avons épuisé le chapelet de femmes que Méléagre nous avait composé tout d’abord, et il ne nous reste plus qu’Héliodora : c’est celle aussi, le dirai-je ? […] « Fille de Tantale, Niobé, entends ma voix messagère de désastre, reçois la parole lamentable qui proclame tes angoisses ; délie le bandeau de tes cheveux, ô la malheureuse, qui n’a mis au monde toute une race de fils que pour les flèches accablantes de Phœbus : tu n’as plus d’enfants ! 

1286. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

N’étant pas un méchant homme, il trouve excessif de passer au fil de l’épée toute une population désarmée, les enfants et les femmes : mais il ne faut pas lui demander plus. […] Le personnage est intéressant : il aime les larges buveries, il est de toutes les sociétés joyeuses du Valois, des Fréquentants de Crépy, des Bons Enfants de Vertus, et s’intitule avec orgueil Empereur des fumeux ; il a une brusquerie joviale, la parole rude et salée, le rire sonore : la galanterie chevaleresque n’est pas son fait. […] Je ne sais comment il lui arriva de se marier : et il eut deux enfants : c’est, en vers au moins, le mari le plus grognon, le père le plus maussade qu’on puisse voir. […] Avec les femmes, les enfants, le ménage, il a en aversion les jolis courtisans, peut-être un peu parce que leur élégance mortifie sa vulgarité, mais surtout, à coup sur, parce que cette jeunesse vole aux vieux conseillers bourgeois du précédent règne, dont il est, la faveur de Charles VI et des princes, et les marques solides de cette laveur.

1287. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Ils sont comme un enfant qui, s’il a quitté la main de sa mère, court un instant joyeux et libre, et déjà revient vers elle pour régler de nouveau son pas sur le sien. […] On peut la supposer exquise avec une voix d’enfant comme elle incertaine et fragile, mais, sans compter qu’elle se confond bientôt avec la prose, un chant d’homme fier et grave exige pour son lyrisme un plus puissant soutien. […] Que le Rythme y demeure libre et souple, guidé par le désir du poète et prêt à se doucement courber ou à se raidir comme une barre de métal selon les inflexions de la voix ; mais jaillie des assonances et des allitérations, sans cesse mêlée au Rythme qu’elle absorbe et répercute en ses intérieurs échos, que l’Harmonie du verbe enrichisse la période. — Enfant de la durée, le Rythme au vol changeant s’élève à travers l’étendue qu’il conquiert ; il a tout l’espace pour domaine ; multiple et simple, geste dur et massif ou de lignes dégagées, il est pimpant et bref ou vastement élargi comme le sujet pensant, comme le vouloir, comme l’être mouvant qu’il désigne. […] Comparez, par exemple, le thème de Siegfried-Héros, dans la Gœtterdaemmerung avec le thème ingénu de Siegfried, ce thème de « l’enfant des bois », qui lui a donné naissance.

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