L’idéal suprême, à l’instant où on le découvre, fait tomber le ciseau des mains de l’artiste ; mais il le reprend bientôt, et poursuit plus lent et plus sûr, ne perdant plus de l’œil la grande beauté.
. — La Beauté de vivre (1900).
Où prendrons-nous le parallèle, et la poésie chrétienne a-t-elle assez de moyens pour s’élever à ces beautés ?
Par leur science et leur culte de l’antiquité latine, ils servirent efficacement la cause de l’art classique ; par leur connaissance du grec, qui nulle part ne fut enseigné comme à Port-Royal, ils travaillèrent à mettre l’art classique en contact avec les plus parfaits modèles, à le rapprocher de la plus simple beauté ; ils lui offrirent un moyen de s’élever encore au-dessus de lui-même. […] Mais c’est cela même qui fit le succès du livre, et qui en fait encore aujourd’hui la beauté supérieure. […] C’est une œuvre de raison, non seulement parce que l’objet en est une démonstration et la méthode une suite de raisonnements, mais surtout parce que, selon la raison, elle ne nous parle jamais de son auteur, toujours de son sujet, et parce qu’elle a un caractère universel de vérité et de beauté. […] Où que son raisonnement le mène, il jette de triomphants coups de sonde : il ouvre à la pensée des voies fécondes, quand il définit l’éloquence ou le style, ou quand il jette quelques mots, obscurs et bizarres de prime abord, mais combien riches de sens, sur les caractères de la beauté.
» Il est irrésistible sur elles, il les trouble et il les enchante ; il les prend par sa beauté et par son mystère, par la vapeur de rêve qu’il exhale, par la licence et le vertige de son culte. […] Un miroir étrusque, d’une beauté divine, le montre amoureusement renversé, passant les bras autour du cou de sa mère, et recevant le baiser reconnaissant de l’Ombre sur sa bouche ouverte. […] Toutes les tristesses des deuils précoces, tout ce qu’il y a d’éphémère dans les beautés et les joies terrestres s’exprimait par ce corps charmant, languissamment renversé. […] Les Ménades, dépouillées de leur beauté païenne, découvrent de hideuses figures de sorcières.
Kallipaidia, de Kallos, beauté et paîs, enfant. […] Kallos, beauté et pugé, fesse. […] Quel saccage du jardin de la beauté. […] L’accort perruquier Léopold vante ses thériaques de beauté.
Il faudrait commencer par définir la laideur, puis chercher ce que le comique y ajoute : or, la laideur n’est pas beaucoup plus facile à analyser que la beauté. […] Quand nous parlons d’une beauté et même d’une laideur expressives, quand nous disons qu’un visage a de l’expression, il s’agit d’une expression stable peut-être, mais que nous devinons mobile. […] Si donc on voulait définir ici le comique en le rapprochant de son contraire, il faudrait l’opposer à la grâce plus encore qu’à la beauté. […] On se rappelle la réponse de Sganarelle à Géronte quand celui-ci lui fait observer que le cœur est du côté gauche et le foie du côté droit : « Oui, cela était autrefois ainsi, mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d’une méthode toute nouvelle. » Et la consultation des deux médecins de M. de Pourceaugnac : « Le raisonnement que vous en avez fait est si docte et si beau qu’il est impossible que le malade ne soit pas mélancolique hypocondriaque ; et quand il ne le serait pas, il faudrait qu’il le devint, pour la beauté des choses que vous avez dites et la justesse du raisonnement que vous avez fait. » Nous pourrions multiplier les exemples ; nous n’aurions qu’à faire défiler devant nous, l’un après l’autre, tous les médecins de Molière.
Tout cela est vrai, mais il n’est pas moins vrai que la beauté du vers célébré chez Virgile est empruntée d’Homère, qu’elle est empruntée et pour la pensée et pour la forme, mais empruntée d’une certaine manière qui n’est pas directe, qui n’est pas vulgaire, que Virgile seul a su introduire, et dont il vaut la peine de remettre ici sous les yeux une entière explication. […] Achille, de son côté, fait de même et se précipite au milieu des Troyens, frappant à droite et à gauche ; — nous y voici : « Il frappe d’abord Iphition, le vaillant fils d’Otrynte, chef de peuples nombreux, que la nymphe Néis avait engendré au valeureux Otrynte, au pied du Tmolus neigeux, dans le gras pays d’Hyda. » Achille le pourfend et s’écrie : « Gis ici, fils d’Otrynte, le plus effrayant des hommes, c’est ici qu’est ton trépas ; et ta naissance est au bord du lac Gygée, où est ton domaine paternel, près de l’Hyllus poissonneux et du tournoyant Hermus. » Nous avons là un exemple de la beauté homérique dans toute son étendue et son expansion : elle est volontiers éparse et non concise. […] Seulement cette répétition qui, chez Homère faisant parler Hector, accentuait un sentiment héroïque et belliqueux, Virgile, qui n’oublie rien et qui ne fait rien comme un autre, Virgile, en s’en emparant, la transpose aussitôt sur le mode sensible et pathétique ; il la dépayse si je puis dire, pour qu’elle ne soit pas trop reconnaissable : voilà un des traits de son art ; le coup de clairon redoublé est devenu, grâce à lui, un écho de flûte plaintive ; il a soin de le reporter, ainsi adouci, et de le confondre dans son imitation du guerrier mort, gisant si loin de son berceau : cette imitation s’en relève et prend un tour original qui n’est plus de l’Homère : c’est du Virgile, et l’on a un admirable exemple de plus du genre de beauté poétique qui lui est propre et qui se désigne de son nom.
Il savait autant que personne que la beauté est faite pour aimer la jeunesse, et qu’elle peut tout au plus consoler un vieillard. […] Malgré son âge, elle conservait assez de beauté pour avoir encore des adorateurs. […] Le duc, qui la vit, ne put tenir contre cette jeune beauté et quitta bientôt la mère pour la fille.
malheur à qui, avec les instincts infinis et le besoin de croire aux consolations éternelles, a senti trop amoureusement cet idéal d’humaine beauté, ce paganisme immortel qu’on appelle la Grèce ! […] Qu’il suffise de dire que le respect des dignes adversaires eux-mêmes pour l’abbé de Rancé n’en subit aucune atteinte ; que Nicole, approuvé en cela par Arnauld, s’écriait qu’il se ferait plutôt couper le bras droit que d’écrire contre M. de la Trappe, et que Bossuet, souvent pris pour arbitre en ces querelles révérentes, ne parlait des écrits de Rancé, de ceux-là mêmes en apparence excessifs, que comme d’ouvrages où « toute la sainteté, toute la vigueur et toute la sévérité de l’ancienne discipline monastique est ramassée. » Ce fut Bossuet qui le contraignit à publier le livre de la Sainteté et des Devoirs de la Vie monastique ; lisant ce livre en manuscrit au retour de l’Assemblée de 1682 : « J’avoue, écrivait-il à Rancé, qu’en sortant des relâchements honteux et des ordures des casuistes, il me falloit consoler par ces idées célestes de la vie des solitaires et des cénobites. » Le style de Rancé, quand il ne s’agit pas d’une simple discussion dans laquelle il a hâte de couper court et d’en finir, ce qui lui arrive souvent, mais quand ce style s’applique comme ici à des traités de doctrine et d’édification, a de l’étendue et de la beauté : « Je ne vois rien, a dit un contemporain, de plus égal, de plus naturel, ni de plus fleuri. […] « Voici qu’un matin quelque chose de presque insensible se glisse sur la beauté de cette passion, comme une première ride sur le front d’une femme adorée.
Ils lui indiquaient, par leur sentier quelquefois laborieux, un retour au simple, à l’antique, aux beautés de la Bible et d’Homère. […] Près du drapeau que dans l’ombre on replie, Au fond du verre où l’infortune oublie, Autour du punch et des jeunes gaîtés, Même au cou nu des folâtres beautés, Oh ! […] Il ne sait pas le latin assurément ; mais, à l’entendre parfois discourir du théâtre et remonter de Molière, Racine ou Shakspeare aux tragiques de l’antiquité, je suis tenté de croire qu’il sait le grec, qu’il a été Grec, comme il le dit dans le Voyage imaginaire, tant cet ordre de beauté et de noble harmonie lui est familier.
Et si l’on descendait à son style et à l’harmonie de sa versification, on y suivrait des beautés du même ordre restreintes aux mêmes limites, et des variations de ton mélodieuses sans doute, mais dans l’échelle d’une seule octave. […] Il ne dirait pas dans ses chœurs, quand il fait parler l’impie voluptueux : Ainsi qu’on choisit une rose Dans les guirlandes de Sarons, Choisissez une vierge éclose Parmi les lis de vos vallons : Enivrez-vous de son haleine, Écartez ses tresses d’ébène, Goûtez les fruits de sa beauté. […] Ainsi, quand Racine a risqué le vers fameux, Brûlé de plus de feux que je n’en allumai, il ne faisait sans doute que se souvenir de son cher roman et du passage où Hydaspe, sur le point d’immoler sa fille et de la placer sur le bûcher ou foyer, se sent lui-même au cœur un foyer de chagrin plus cuisant : je traduis à peu près ; les curieux peuvent chercher le passage : Racine, enfant, avait retenu ce jeu de mots comme une beauté, et il n’a eu garde de l’omettre dans Andromaque.
Mais ce qui nous donne à songer plus particulièrement et ce qui suggère à notre esprit mille pensées d’une morale pénétrante, c’est quand il s’agit d’un de ces hommes en partie célèbres et en partie oubliés, dans la mémoire desquels, pour ainsi dire, la lumière et l’ombre se joignent ; dont quelque production toujours debout reçoit encore un vif rayon qui semble mieux éclairer la poussière et l’obscurité de tout le reste ; c’est quand nous touchons à l’une de ces renommées recommandables et jadis brillantes, comme il s’en est vu beaucoup sur la terre, belles aujourd’hui, dans leur silence, de la beauté d’un cloître qui tombe, et à demi couchées, désertes et en ruine. […] Prémunis par là contre bien des agitations insensées, sachons nous tenir à un calme grave, à une habitude réfléchie et naturelle, qui nous fasse tout goûter selon la mesure, nous permette une justice clairvoyante, dégagée des préoccupations superbes, et, en sauvant nos productions sincères des changeantes saillies du jour et des jargons bigarrés qui passent, nous établisse dans la situation intime la meilleure pour y épancher le plus de ces vérités réelles, de ces beautés simples, de ces sentiments humains bien ménagés, dont, sous des formes plus ou moins neuves et durables, les âges futurs verront se confirmer à chaque épreuve l’éternelle jeunesse. […] L’amour du marquis pour dona Diana, l’assassinat de cette beauté et surtout le mariage au lit de mort, sont d’un intérêt qui, dans l’ordre romanesque, répond assez à celui de Bérénice en tragédie.
Montaigne nous en donne un peu à garder ici : il a corrigé, plus d’une fois, et fort heureusement, non pas même toujours pour la justesse de l’idée, mais pour la beauté de l’expression. […] En fait de style, sa règle est déjà : rien n’est beau que le vrai : et c’est par la beauté des choses qu’il estime la beauté des mots.
L’Église aura des indulgences pour les égarements du cœur, et puis il est si commode à la fatuité aristocratique de croire que la masse du genre humain est absurde et méchante et d’avoir sous la main une lourde autorité pour couper court aux raisonnements de ces impertinents philosophes, qui osent croire à la vérité et à la beauté. […] Si l’on s’assujettit à la tyrannie des rieurs vulgaires, si l’on tient compte de leurs fadaises, l’on se défend toute beauté morale, toute haute aspiration, toute élévation de caractère ; car tout cela peut être ridiculisé. […] En faisant au scepticisme moral la plus large part en supposant que la vie et l’univers ne soient qu’une série de phénomènes de même ordre et dont on ne puisse dire autre chose, sinon qu’il en est ainsi en accordant que pensée sentiment, passion, beauté, vertu ne soient que des faits, excitant en nous des sentiments divers, comme les fleurs diverses d’un jardin ou les arbres d’une forêt (d’où il résulterait comme Goethe et Byron le pensaient, que tout est poétique) en admettant que, parvenu à l’atome final, on puisse, librement et à son choix, rire ou adorer, en sorte que l’option dépende du caractère individuel de chacun, même à ce point de vue, dis-je, où la morale n’a plus de sens, la science en aurait encore.
À ses yeux, « les beautés de ce poëte consistent principalement dans le nombre, dans l’arrangement des paroles ». […] Avec vous, toute chose aimable et douce vient aux mortels, soit la sagesse, soit la beauté, soit la gloire : et les dieux mêmes ne président pas, sans les Grâces majestueuses, aux danses et aux banquets ; mais, intendantes de tout ce qui se fait aux Cieux, sur leurs trônes qu’elles ont placés près d’Apollon à l’arc d’or, elles adorent l’éternelle gloire du père de l’Olympe. […] Ce ne sont pas, en effet, seulement quelques formes d’imagination, quelques beautés de style, qui se rencontrent dans ce parallèle.
Car il y a dans les littératures anciennes des œuvres d’un intérêt humain, d’une beauté universelle, où l’intérêt et la beauté ne sont pas indissolublement liés à la langue et au mètre, et dont l’intelligence n’exige pas une forte préparation archéologique.
C’est qu’elle n’offrait plus aux écrivains un idéal absolu, un « canon » de beauté, sur lequel ils devaient « patronner » leurs œuvres : elle était comme le canal qui amenait en leur conscience les résultats, les hypothèses ou les méthodes de l’histoire, de la philosophie, de la science. […] Puis, la théorie explique Pradon et Racine : elle explique même, je le veux bien, pourquoi Racine, helléniste, janséniste, a mis dans son œuvre ce que Pradon, ignorant et galant, ne mettait pas dans la sienne ; mais la différence d’intensité, d’énergie dans les esprits, de beauté dans les ouvrages, d’où vient-elle ?
Il est vrai que le labeur, l’excès même et, finalement, la sincérité de cette parade a sa beauté. […] Elle consiste dans une foi absolue, imperturbable, à la suprématie physique et intellectuelle, à l’esprit à la beauté, à l’élégance, au « je ne sais quoi » des hommes et des femmes du faubourg Saint-Germain.
Mais si l’attrait de la beauté subjugue l’homme de Lettres, il ne sera pas du moins avili, il brisera ses fers s’ils sont honteux, il sera semblable au lion enchaîné, qui ne paroît pas esclave au moment même où il se trouve captif. […] Jouissez toujours du don flatteur de la beauté qui adoucit l’homme le plus sauvage, & qui est l’heureux lien de la Société, mais connoissez aussi vos autres avantages.
Il y a une beauté dans L’Assommoir et dans La Belle Hélène aussi bien que dans le Phédon et dans Cymbeline. […] … Il y a la critique d’enthousiasme, la « critique des beautés ».
. — Un homme ne peut avoir exactement la même manière de sentir la beauté qu’un autre ; de là un individualisme esthétique. — Un homme ne peut avoir exactement les mêmes intérêts qu’un autre ; de là un individualisme économique. — Un homme ne peut avoir exactement la même puissance, ni par conséquent le même droit qu’un autre ; de là un individualisme juridique ou antijuridique, comme on voudra. — Ainsi dans les différents ordres de pensée et d’activité, l’individualisme uniciste nie tout idéal collectif : idéal intellectuel, sentimental, moral, esthétique, économique, juridique, politique. […] Il représente, dans l’ordre intellectuel, un effort vers la plus grande science, dans l’ordre esthétique, un effort vers la plus grande beauté, dans l’ordre économique un effort vers la plus grande richesse considérée elle-même comme un moyen pour la plus grande puissance ; dans l’ordre politique, un effort vers la plus grande initiative et la plus grande responsabilité chez les maîtres et les créateurs de valeurs ; dans l’ordre moral, un effort vers une affirmation plus intense de la vie, de la grandeur humaine et de l’orgueil humain.
Louer à tout moment sa mère comme une femme de génie, comme un modèle de sensibilité expressive et de beauté, prenez garde, c’est déjà un peu se louer soi-même, surtout quand toutes ces louanges vont à conclure qu’on est en personne tout son portrait vivant. […] Le nuage d’Ossian se dissipe peu à peu au soleil d’Italie ; la beauté romaine se dessine.
Dès lors cet homme, cet ancien ami, ce poète inimitable, dont le style naïf et marotique fait tant d’honneur aux fables des anciens et ajoute de grandes beautés aux originaux 6, n’est plus qu’un misérable écrivain licencieux, auteur de contes infâmes, un Crétin mitigé, tout plein d’ordures et d’impiétés, un fauteur de débauche digne du bourreau ; Furetière pousse l’animosité jusqu’à reproduire à la suite de son libelle la sentence de police portant suppression de ses contes, et l’accuse, comme je l’ai déjà dit, de spéculer sur sa propre turpitude, en vivant de la prostitution de sa femme. […] « Bossuet blâma les meneurs de cette affaire… Il daigna informer Furetière que, si la chose dépendoit de lui seul, que s’il étoit chancelier, il lui accorderoit cent privilèges pour un, et il le combla d’éloges sur la beauté de son travail.
Ce magot révolté de cardinal de Retz, qui lui tire éternellement la jarretière dans ses Mémoires, parce qu’en s’allongeant de toute sa haine comme un serpent il ne lui vient jamais que là, le cardinal de Retz ne peut affecter ce visage, serein comme la Beauté Antique, des contorsions de son injure et des grimaces de son dédain. […] on ne dira pas de lui ce qu’on a dit de Cousin, le Tithon des aurores passées du xviie siècle, qu’il est le tardif amoureux des beautés dont il exhume les charmes.
Il parvint d’abord à en imiter parfaitement le style ; mais dans la suite, il y ajouta ces grâces piquantes que donne la cour, et ces beautés mâles que donne la philosophie. […] Le premier discours qu’il prononça à la mort de Julien ressemble moins à une harangue qu’à une espèce de chant funèbre ; le second offre des beautés d’un autre genre.
Tel était l’ascendant de sa beauté et de ses manières, qu’elle subjugua tous ceux qui l’entourèrent et la connurent : pour ses femmes de chambre, ses fournisseurs, et les hommes de cour, il n’y a rien que de simple ; mais le charme s’étendit plus loin : l’allier Mirabeau fut peut-être autant amolli par ses douces paroles que par cet acte impur qui pèse sur sa mémoire ; quelques heures de conversation au retour de Varennes lui conquirent à jamais Barnave ; un mot de sa bouche fit tomber à ses pieds Dumouriez en pleurs ; les femmes du 20 juin elles-mêmes furent émues quand elles la virent.
Ce caractère l’approprie et la réduit à la culture d’un certain esprit comme à la conception d’une certaine beauté.
Émile Blémont cette étrangeté sans laquelle la beauté ne serait rien pour nous.
Mais elle ne cessera point, dans les âges futurs, de retenir les hommes, charmés au crépuscule par son émouvante beauté, et qui pleureront avec elle que son chant, chaque soir, s’achève en un sanglot de deuil.
Freron, annoncent un Littérateur formé sur l’étude réfléchie des bons modeles, un Critique doué de l’esprit d’analyse, & d’une sagacité merveilleuse pour saisir les beautés & les défauts d’un Ouvrage ; un Ecrivain correct, zélé pour les vrais principes, & capable d’y ramener les esprits qui s’en écartent.
» Que de beautés dans cette prière !
Le poète a voulu faire reparaître ici la nature et le caractère orgueilleux de Gusman : l’intention dramatique est heureuse ; mais prise comme beauté absolue, le sentiment exprimé dans ce vers est bien petit, au milieu des hauts sentiments dont il est environné !
» Si La Bruyère revenait au monde, il serait bien étonné de voir cette religion, dont les grands hommes de son siècle confessaient la beauté et l’excellence, traitée d’infâme, de ridicule, d’absurde.
Ainsi Polybe se place entre le politique Thucydide et le philosophe Xénophon ; Salluste tient à la fois de Tacite et de Tite-Live ; mais le premier le surpasse par la force de la pensée, et l’autre par la beauté de la narration.
S’il ne fallait, pour être artiste, que sentir vivement les beautés de la nature et de l’art, porter dans son sein un cœur tendre, avoir reçu une âme mobile au souffle le plus léger, être né celui que la vue ou la lecture d’une belle chose enivre, transporte, rend souverainement heureux, je m’écrierais en vous embrassant, en jetant mes bras autour du cou de Loutherbourg ou de Greuze : Mes amis, son pittor anch’io.
On s’imagine entendre les reflexions de ces jeunes personnes sur la mort qui n’épargne ni l’âge, ni la beauté, et contre laquelle les plus heureux climats n’ont point d’azile.
Comme la musique n’ajoûte presque point d’énergie aux vers dont la beauté consiste dans des images, quoiqu’elle en émousse la force en rallentissant leur prononciation.
Nous avons vu entrer en campagne, au profit du salut public, toutes les forces morales, qu’elles prissent naissance ici ou là, dans une religion, dans une philosophie ou dans une éducation ; tout se révéla excellent pour nourrir les âmes, et cette armée remplie de nos contradictions furieuses s’est montrée, face aux Allemands, unie et tout éblouissante de beauté spirituelle.
Les jeunes esclaves des amants de Pénélope, avec leur beauté, leurs grâces et leurs blondes chevelures, nous sont représentés tels que les recherche la délicatesse moderne. — 8.
C’est en eux qu’une époque puise son idéal de morale et de beauté. […] Ses tableaux ne font plus seulement appel à la ferveur religieuse, mais aussi au sens de la beauté. […] Je ne songe pas à nier que, aux mains de Verlaine, cette méthode poétique ne donne parfois des résultats de la plus grande beauté. […] Charles Morice dit de Mallarmé : « De l’œuvre d’un poète, comme il l’a dit lui-même, exclu de toute participation aux déploiements de beauté officiels, je n’ai pas à divulguer les secrets. […] … Toi qui me forces à rêver, toi qui me déconcertes, Et toi surtout que j’aime, Émail, Beauté, Poème, Femme.
C’est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu’à la plus pure élévation et jusqu’à la passion la plus ardente. […] » Il y a donc eu trois pages écrites dans cette note et qui sont de la plus grande beauté. […] M. de Laprade excelle à saisir l’insaisissable, à renfermer dans des vers d’une grande beauté plastique des idées qui semblent ne pas donner prise à l’expression. […] L’homme adore Dieu dans sa propre figure divinisée ; il l’adore dans des chants immortels comme dans des poèmes de marbre qui ne sont que des hymnes variés à la grandeur et à la beauté humaines. […] Il a trois ans, il a quatre ans ; une inquiétude se mêle à notre admiration. — Que lui manque-t-il donc à cet enfant, si plein de vie et de beauté ?
L’héroïsme lui-même, la plus grande et la plus pure de toutes les beautés, l’héroïsme, vu de près, a ses misères. […] Toute beauté réelle, quelle qu’elle soit, pâlit devant l’idéal de beauté qu’elle nous révèle. […] La beauté de l’art est supérieure à la beauté naturelle de toute la supériorité de l’esprit de l’homme sur la nature. […] Que ces idées passent dans le monde et en font l’harmonie, la beauté et la bonté. […] Cette mesure, qui fait la vraie grandeur, fait aussi la vraie beauté.
Votre beauté vous réjouit. Mais voilà où mène la beauté ! […] Voilà où mène la beauté ! […] la beauté ! […] La beauté, c’est notre perte !
C’est qu’aussi bien il était beau, nous disent à l’envi ses biographes, d’une beauté que l’on remarquait, sur laquelle on se retournait ; et la beauté, qui ne semble plus être aujourd’hui d’un grand secours à l’homme dans le combat pour l’existence, était encore au xviiie siècle un des plus sûrs moyens qu’il y eût de « parvenir ». […] Lisez encore à cet égard un Voyage à Cythère ou l’Hymne à la Beauté. […] Mais en vain voudra-t-on le consacrer à la réalisation de ce qu’on appelle emphatiquement « la Beauté pure », et il faut toujours bien que cette beauté soit prise elle-même de la nature et de l’humanité. […] Mais la beauté, qui n’était qu’un mot pour les romantiques, et un mot qu’ils ne comprenaient pas, était une réalité pour l’auteur des Poèmes antiques. […] La science ou l’art, par exemple, la recherche de la vérité ou la réalisation de la beauté, sont-ils de ces « buts objectifs ou abstraits » ?
La renommée de Catherine, impératrice de Russie, et la beauté de sa figure lui donnèrent les illusions de la vanité et de l’amour. […] Une douce mélancolie répandue sur ses traits exprimait la beauté de son âme ; elle semblait plaindre tous les malheureux et leur annoncer un consolateur. […] À leur silence, à la naïveté de leurs attitudes, à la beauté de leurs pieds nus, on eût cru voir un groupe antique de marbre blanc, représentant quelques-uns des enfants de Niobé. […] s’écriait-il ; la beauté de votre âme a passé dans votre ouvrage. […] Mais combien ce site étranger a de charmes par sa beauté naturelle !
C’est l’œuvre maîtresse de Taine par la force et l’originalité des idées, par la solidité de la construction, par la fermeté et l’austère beauté du style. […] Très sensible au talent, à la beauté, la vérité lui importait bien davantage. […] On ne fabrique pas à volonté un style de cette beauté, solide, éclatant, tantôt vibrant de nervosité, tantôt s’épanchant en périodes d’une large et majestueuse harmonie. […] Une phrase, un mot, prirent pour lui une valeur extraordinaire ; il y trouva des richesses infinies, des sens profonds, des beautés inconnues. C’était l’intensité de son désir qui créait ces beautés, par une illusion semblable à celle de l’amour : l’homme affamé trouve savoureux tous les aliments, même les plus insipides.
C’est que le grand Félibre ne cherchait pas la gloire ; il ne vécut que pour la Beauté.
Théodore de Banville Ce poète qui, quand il était jeune, n’a pu obtenir rien de ce qu’il désirait, si ce n’est le don d’écrire de beaux vers, a tout obtenu dans son âge mûr ; popularité, gloire, honneurs et même la beauté, car le succès, le contentement intérieur, la joie du devoir accompli ont éclairé sa tête naguère souffrante, poli l’ivoire de ses joues, allumé son regard et rendu ses lèvres aussi spirituelles, ses fiers sourcils — qui, très victorieusement, le dispensent de toute chevelure — aussi beaux que ceux de Boileau.
Paul Stapfer Ce qui fait l’incomparable beauté du Lac de Lamartine, c’est l’humanité, c’est l’amour qui vivifie et illumine le tableau.
Après avoir étouffé le goût des beautés vraies & solides, il ouvre une libre carriere aux prétentions les plus bizarres.
L’Oraison funebre de M. de Turenne peut être regardée comme un chef-d’œuvre, par la maniere dont les différentes qualités du Héros sont développées, & par la chaleur du style, la beauté des traits qui s’y succedent sans appareil, sans gêne, comme la vraie peinture de chaque objet.
Enfin tous les vocabulaires techniques ont trouvé dans le grec des mots faciles à franciser et immédiatement acceptables ; je citerai glène, galène, malacie, lycée, mélisse, en renvoyant aux premières pages de cette étude où l’on trouvera les raisons de leur beauté analogique.
D’Aucour commence par convenir de tout le bien qui s’y trouve : mais, après avoir analysé l’ouvrage, après en avoir décomposé toutes les parties, séparé le vrai du faux, le solide du superficiel, le beau du brillant, on voit clairement que le mauvais domine, que les défauts l’emportent sur les beautés, & que l’éloge se réduit à rien.
Voilà deux avantages que nous reconnaissons, et qui peuvent, à quelques égards, justifier vos principes, et balancer les beautés de la fable.
Lorsque, avec la grandeur du sujet, la beauté de la poésie, l’élévation naturelle des personnages, on montre une connaissance aussi profonde des passions, il ne faut rien demander de plus au génie.
On remarque dans ces derniers une beauté où l’imagination des artisans qui ne les avoient point vûs, ne pouvoit pas atteindre.
Ils ne comprennent qu’une seule espèce de beauté ; ils n’établissent de préceptes que ceux qui peuvent la produire ; ils récrivent, traduisent et défigurent sur son patron les grandes œuvres des autres siècles ; ils l’importent dans tous les genres littéraires, et y réussissent ou y échouent selon qu’elle s’y adapte ou qu’elle ne peut s’y accommoder. […] Prenez l’ensemble du poëme ; c’est une bouffonnerie en style noble ; lord Petre a coupé une boucle dans les cheveux d’une beauté à la mode, mistress Arabella Fermor ; il s’agit de faire de cette bagatelle une épopée, avec les invocations, les apostrophes, l’intervention des êtres surnaturels et le reste des machines poétiques ; la solennité du style contraste avec la petitesse des événements ; on rit de ces tracasseries, comme d’une querelle d’insectes. […] Pope dédie son poëme à mistress Arabella Fermor avec toutes sortes de révérences ; la vérité est qu’il n’est pas poli ; une Française lui eût renvoyé son livre en lui conseillant d’apprendre à vivre ; pour un éloge de sa beauté, elle y eût trouvé dix sarcasmes contre sa frivolité. […] Voici ces vers si beaux traduits en prose ; j’ai beau traduire exactement, de toutes ces beautés il ne reste presque rien : Connais-toi donc toi-même, et ne te hasarde pas jusqu’à scruter Dieu. — La véritable étude de l’humanité, c’est l’homme. — Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, — sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, — avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, — avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, — il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, — s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, — s’il doit préférer son esprit ou son corps, — ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, — sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, — soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, — chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, — toujours par lui-même abusé ou désabusé, — créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, — souverain seigneur et proie de toutes choses, — seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, — la gloire, le jouet et l’énigme du monde. […] Bon résumé, bon morceau, bien travaillé, bien écrit, voilà ce qu’on dit, et rien de plus ; évidemment la beauté des vers venait de la difficulté vaincue, des sons choisis, des rhythmes symétriques ; c’était tout, et ce n’était guère.
À vous, en qui brillent dans une si parfaite harmonie l’honnêteté, le génie, l’honneur, la beauté, la gloire ! […] » Cependant le souvenir de la perte de Léonora d’Este occupait si peu son cœur que, pendant le carnaval de 1587, à Mantoue, la beauté d’une des jeunes femmes de cette cour parut faire une impression puissante sur son esprit. […] En vérité, si ce n’était la crainte de paraître trop impressionnable ou trop inconstant en faisant un nouveau choix, j’aurais réfléchi sur laquelle de ces beautés je devais porter mes pensées. » La grande-duchesse de Toscane, sans doute à l’instigation de la jeune princesse de Mantoue sa fille, envoya au poète un riche présent en argent, pour payer le voyage qu’il se proposait de faire à Florence. […] Mais le Tasse est presque toujours faux quand il fait parler le cœur ; et, comme les traits de l’âme sont les véritables beautés, il demeure nécessairement au-dessous de Virgile. […] Malheur aux poètes qui refont leurs œuvres : la poésie est de premier mouvement, ce n’est pas le travail et la réflexion qui la donnent, c’est l’inspiration ; on ne respire pas à midi le souffle matinal de l’aurore ; la jeunesse dans le poète fait partie du charme ; le génie est comme la beauté, il a son instant.
Il ne se déguise rien de l’abaissement des caractères individuels de l’armée, d’un côté ; de la beauté des dévouements, de l’autre. […] « Ce n’est pas une foi neuve, un culte de nouvelle invention, une pensée confuse ; c’est un sentiment né avec nous, indépendant des temps, des lieux, et même des religions ; un sentiment fier, inflexible, un instinct d’une incomparable beauté, qui n’a trouvé que dans les temps modernes un nom digne de lui, mais qui déjà produisait de sublimes grandeurs dans l’antiquité, et la fécondait comme ces beaux fleuves qui, dans leur source et leurs premiers détours, n’ont pas encore d’appellation. […] « L’Honneur, c’est la conscience, mais la conscience exaltée. — C’est le respect de soi-même et de la beauté de sa vie porté jusqu’à la passion la plus ardente. […] Toujours et partout il maintient dans toute sa beauté la dignité personnelle de l’homme. […] Ce principe, que l’on peut croire inné, auquel rien n’oblige que l’assentiment intérieur de tous, n’est-il pas surtout d’une souveraine beauté lorsqu’il est exercé par l’homme de guerre ?
Diego rougit beaucoup, et sa beauté s’accrut d’une façon merveilleuse. […] Il se passa encore d’autres particularités sur lesquelles je ne m’étendrai point ; je dirai seulement que l’admirable Jules Romain, en regardant l’un de nous qui était près de lui, plus occupé que les autres des beautés qu’il avait devant les yeux, se tourna vers Michel-Ange, et lui dit : Mon cher Michel-Ange, votre nom de corneille est bien appliqué à ces dames, quoiqu’elles soient moins belles que le beau paon qui se déploie devant elles. […] « Derrière les dames était un espalier de jasmins naturels, qui faisait tellement ressortir leur beauté, et surtout celle de Diego, qu’il m’est impossible de l’exprimer ; c’est ainsi que nous fîmes la meilleure chère du monde. […] « Étant entré dans l’hôtellerie, je montai dans une chambre où se trouvaient à table plusieurs gentilshommes, et une dame de la plus rare beauté. […] Pendant la nuit, m’apparut en songe un jeune homme d’une beauté merveilleuse, qui me dit, en ayant l’air de me gronder : Tu sais qui t’a donné la vie, et tu veux la quitter avant le temps.
La belle Pénélope, dont le rang, la beauté, les richesses excitaient l’ambition d’une foule d’autres chefs de la Grèce, était obsédée dans son palais par des prétendants à sa main. […] Mais tout cela n’est-il pas rendu dans ces vers avec tant de vérité que cela frappe vos imaginations comme si vous assistiez pour la première fois à cette scène d’intérieur, et que la simplicité même des détails et des expressions en relève à vos yeux la naïve beauté ? Cela ne vous apprend-il pas qu’il y a autant d’intérêt et de ce qu’on appelle poésie dans la domesticité d’une maison bien tenue que dans la solennité des actes de la vie héroïque, et que tout le génie de celui qui raconte une histoire ou un poème comme celui-là est de faire sortir, par la fidélité de sa description, ce que Dieu a mis de grâce, de beauté, de dignité et de sentiment en toute chose humaine ? […] ˮ Jurez-moi, nourrice, de ne rien dire à ma mère bien-aimée avant le onzième ou douzième jour après mon départ ; je craindrais trop qu’en pleurant elle perdît sa beauté ! […] non, dîmes-nous tous en chœur, et même elle nous touche davantage. — Vous voyez donc bien, reprit-elle, que votre père avait raison de vous le dire : la beauté du récit n’était pas dans la condition des personnages, mais dans la vérité et dans l’émotion de la peinture : un haillon ici est aussi beau qu’un diadème.
Au moment où il serait sur le point de succomber à certains enchantements assez vulgaires de la beauté italienne, et comme pour se mettre en précaution contre lui-même, Maurice Barrès écrivait en septembre 1893 : « Poésie ! […] Ce livre, déjà plein d’aromates si étranges, il a su l’enrichir de beautés et de raretés nouvelles. […] C’est le royaume de la fièvre ; c’est « une beauté irrespirable. » D’autres corrections appartiennent plutôt à l’ordre des curiosités et doivent être signalées à ces psychologues qui s’occupent de l’invention littéraire. […] Je me déchire sur leur beauté. […] À la seule page 48 d’Almaïde, je souligne : M. de Voltaire, scepticisme indulgent, culte de la beauté.
Parallèlement à la restauration de la beauté formelle de la langue se poursuit celle de la versification740 . […] La Chute d’un ange offre bien des longueurs ; Jocelyn aussi, mais elles y sont rachetées par de grandes beautés. […] Lamartine n’a pas voulu sacrifier le présent ni l’univers : il a tout effacé en idéalisant tout ; il n’a mis la beauté partout qu’en émoussant le caractère. […] Mais que la pensée soit haute, le sentiment puissant, l’expression s’enlève, acquiert une plénitude, une beauté incomparables.
La sensation, l’intuition du contemporain, du spectacle qui vous coudoie, du présent dans lequel vous sentez frémir vos passions et quelque chose de vous…, tout est là pour l’artiste… Un siècle qui a tant souffert, le grand siècle de l’inquiétude des sciences et de l’anxiété du vrai…, un siècle comme cela, ardent, tourmenté, saignant, avec sa beauté de malade, ses visages de lièvre, comment veux-tu qu’il ne trouve pas une forme pour s’exprimer ? […] Une composition serrée peut contribuer à la beauté d’une œuvre ; il s’en faut qu’elle la constitue toute seule. […] Mais il est peut-être vrai aussi qu’un roman doit être plus logique, plus lié, plus clair que la réalité, et que MM. de Goncourt se sont dispensés plus qu’il n’aurait fallu des règles les mieux fondées de la composition, de tout ce qui, dans une œuvre d’art, produit, pour employer leurs expressions « la tranquillité des lignes » et l’air de « santé courante », donne une impression de grandeur et de beauté, délivre de toute inquiétude l’émotion esthétique et mêle à l’admiration un sentiment de sécurité. […] On semblait vouloir reconnaître dans sa façon de peindre la beauté de son âme.
C’était plaisir et merveille d’en regarder la beauté. […] Quènes de Béthune, l’ami de Villehardouin, propre à mille emplois, à celui d’ambassadeur comme à celui d’ingénieur et de constructeur de navires, ou de défenseur de Constantinople, avait commerce avec les Muses ; il savait ce que c’était que le siège de Troie, et, dans une de ses chansons, il se moque très satiriquement d’une beauté surannée qu’il compare à cette ville antique et célèbre.
Ainsi, en montant le pic du Midi, le voyageur arrivé à une certaine élévation se trouve avoir atteint à un beau réservoir d’eau appelé le lac d’Oncet, et où la nature commence à prendre un grand caractère ; il en fait voir en peu de mots l’encadrement, et en quoi ce nouveau genre de beauté consiste : C’est un beau désert que ce lieu : les montagnes s’enchaînent bien, les rochers sont d’une grande forme ; les contours sont fiers, les sommets hérissés, les précipices profonds ; et quiconque n’a pas la force de chercher dans le centre des montagnes une nature plus sublime et des solitudes plus étranges prendra ici, à peu de frais, une idée suffisante des aspects que présentent les monts du premier ordre. […] Il ne disait pas assez en parlant ainsi ; il ne disait pas que dans ses propres écrits comme dans ceux d’un bien petit nombre de savants exacts, il était entré quelque chose de la beauté de l’art et de la magie du talent, et qu’il y aurait à citer des disciples de premier ordre dans la postérité de Buffon : lui-même, fût-il le seul, en serait la preuve.
- » — « Fine, rouge, sans une seule couture. » — Que si elle se décide à l’aller entendre, c’est qu’elle veut, dit-elle, contempler sa beauté, pour voir s’il lui plaira et s’il la regardera de quelque regard aimable : car elle est résolue à se faire aimer de tous. […] Si la première partie de la scène est méthodique et un peu compassée, cette fin est belle, belle de la beauté morale de l’Évangile même.
On le voit plein des secrets de Dieu, mais on voit qu’il n’en est pas étonné comme les autres mortels à qui Dieu se communique : il en parle naturellement, comme étant né dans ce secret et dans cette gloire ; et ce qu’il a sans mesure, il le répand avec mesure, afin que notre faiblesse le puisse porter. » Ces pages sont de toute beauté. […] La vie de Jésus, le scandale qu’il cause par sa prédication et sa vertu même, l’attentat commis en sa personne par la Synagogue, sa condamnation et son supplice, sont résumés en une page touchante : « Le Juste est condamné à mort : le plus grand de tous les crimes donne lieu à la plus parfaite obéissance qui fut jamais. » — Autant j’ai pu paraître en garde précédemment, autant je dirai ici en toute conviction que ces pages admirables par la simplicité et la beauté morale de l’expression sont en bonne partie vraies, de quelque côté qu’on les envisage.
Si la beauté leur assure des succès, la beauté n’ayant jamais une supériorité certaine, le charme de nouveaux traits peut briser les liens les plus doux du cœur ; les avantages d’un caractère élevé, d’un esprit remarquable, attirent par leur éclat, mais détachent à la longue tout ce qui leur serait inférieur.
Écrivains et artistes ont conscience d’être un même monde, de poursuivre pareilles fins par des moyens divers ; et ces rapports tendent à rendre aux écrivains le sens de l’art, leur rappellent qu’ils sont créateurs de formes et producteurs de beauté. […] Cela revenait à mettre la beauté dans le caractère, comme avait indiqué déjà Diderot.
Il maudit cette échelle fatale qui devait causer la perte de son élève ; il dit que le ciel lui inspire une bonne pensée, qu’il va trouver l’impudique beauté qui attire son élève, lui reprocher l’énormité de son crime et la ramener par ses sages exhortations dans la bonne voie. […] Alors le sage précepteur s’arrête et décrit complaisamment tous les charmes d’une beauté enchanteresse.
À la vérité s’ils m’émeuvent davantage, c’est que la beauté de leur objet m’est plus familière, par les lyriques grecs et siciliens, et que ma sensibilité mieux avertie comprend mieux. […] Chénier à qui l’on doit, réparation tardive, élever une statue, Chénier, l’un des plus grands prosateurs français (comme Lamartine est un de nos plus beaux orateurs), a marqué dans ses quelques pièces de vers un sentiment autrement vif de la beauté grecque.