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1536. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

S’il se plaint que nous avons renchéri sur notre premiere critique, qu’il se souvienne que le but de cet Ouvrage est de tendre à la perfection ; & s’il nous accusoit de contradiction à son sujet, qu’il apprenne que se corriger n’est pas se contredire, & qu’en fait de jugemens littéraires, comme en matiere de testamens, les derniers sont toujours les meilleurs.

1537. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

Par la première de ces fictions le souvenir est aboli du lien qui fait de chaque être individuel une conséquence de l’acte métaphysique par où la représentation phénoménale fut inaugurée.

1538. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Rayons et les Ombres » (1840) »

Dans ses poèmes il mettrait les conseils au temps présent, les esquisses rêveuses de l’avenir ; le reflet, tantôt éblouissant, tantôt sinistre, des événements contemporains ; les panthéons, les tombeaux, les ruines, les souvenirs ; la charité pour les pauvres, la tendresse pour les misérables ; les saisons, le soleil, les champs, la mer, les montagnes ; les coups d’œil furtifs dans le sanctuaire de l’âme où l’on aperçoit sur un autel mystérieux, comme par la porte entr’ouverte d’une chapelle, toutes ces belles urnes d’or, la foi, l’espérance, la poésie, l’amour ; enfin il y mettrait cette profonde peinture du moi qui est peut-être l’œuvre la plus large, la plus générale et la plus universelle qu’un penseur puisse faire.

1539. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Il faudrait se souvenir que Boileau lisait toujours dans l’original et que Racine savait par cœur le Sophocle et l’Euripide grecs.

1540. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes.

1541. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

« Je me souviens du long silence où nous tombions lorsque, lieue après lieue, nous retrouvions toujours les têtes rondes des chênes, les files d’arbres étagées et la senteur de l’éternelle verdure. » Cependant, il suivait les cours d’une petite école dirigée par un M. 

1542. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

Ces insulaires avaient la plus grande réputation ; ils étaient accueillis chez les rois et conservaient le souvenir de tout ce qui se faisait de grand dans le nord.

1543. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Les recherches des délateurs nous ont ôté jusqu’à la liberté de parler et d’entendre, et nous eussions perdu le souvenir même avec la voix, s’il était aussi facile à l’homme d’oublier que de se taire44. » Il se représente ensuite, au sortir du règne de Domitien, comme échappé aux chaînes et à la mort, survivant aux autres, et, pour ainsi dire, à lui-même, privé de quinze ans de sa vie, qui se sont écoulés dans l’inaction et le silence, mais voulant du moins employer les restes d’un talent faible et d’une voix presque éteinte, à transmettre à la postérité et l’esclavage passé, et la félicité présente de Rome.

1544. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre III. Combinaison des deux éléments. »

On refuse d’admettre que la raison et la tradition puissent ensemble et d’accord défendre la même citadelle ; dès que l’une entre, il faut que l’autre sorte ; désormais un préjugé s’est établi contre le préjugé  À la vérité, Voltaire « le patriarche » ne veut pas se départir de son Dieu rémunérateur et vengeur395 ; tolérons en lui ce reste de superstition en souvenir de ses grands services ; mais considérons en hommes le fantôme qu’il regarde avec des yeux d’enfant. […] Les vibrations qu’ils lui transmettent font ses sensations ; une sensation réveillée ou renaissante est un souvenir ; des sensations, des souvenirs et des signes, font toutes nos idées.

1545. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

.) — Souvenirs manuscrits par le chancelier Pasquier. […] Souvenirs manuscrits du chancelier Pasquier. […] Comte de Vaublanc, Souvenirs, I, 117, 377.

1546. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

XVII L’Italie, par la noblesse légitime de sa race, par le prestige éternel de ses souvenirs, par l’intelligence exquise de ses peuples, et par l’énergie, non pas nationale, mais individuelle, de ses fils, souffrait depuis longtemps de sa subalternité politique en face des grandes puissances militaires librement constituées qui prédominaient en Europe. […] Elle se dira, dans sa sagesse, ceci : Le mouvement libéral, national, né de lui-même, de son sol et de sa pensée en Italie, est beau de souvenir et d’espérance. […] XXII Que les États du souverain pontife modifient leur gouvernement par leur libre et propre volonté ; que les Romains se donnent un gouvernement politique romain, au lieu d’un gouvernement étranger ; que Rome veuille être une patrie, au lieu d’être un concile ; que la souveraineté traditionnelle du pontife se combine avec la souveraineté civile de la nation romaine par des institutions représentatives et par des administrations laïques, ou même que Rome concilie, comme le voulaient Pétrarque, Rienzi, Dante, les souvenirs de sa république avec le séjour d’un pontife roi d’un empire spirituel, qu’avons-nous à nous immiscer dans les transactions du peuple et des princes ?

1547. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Il y a au fond du cœur des hommes nés sensibles une passion ou une maladie de plus que dans les autres hommes : c’est la passion ou la maladie des lieux qui les ont vus naître et dont le nom, le site, le ciel, les montagnes, les mers, les arbres, les images, évoqués tout à coup par un puissant souvenir, se lèvent devant leur imagination avec une telle réalité et une telle attraction du cœur, qu’il faut mourir ou les revoir. C’est une sorte de mirage moral qui suscite des horizons de verdure, de fontaines et de lacs de l’aridité du désert ; c’est le coup qui frappe au cœur le soldat du Tyrol ou de l’Helvétie, quand il entend, à mille lieues de son pays, une note du chant du pasteur des Alpes rassemblant ses troupeaux, et qui le fait languir et se consumer de désir, jusqu’à ce qu’il ait respiré de nouveau une haleine de sa première patrie ; c’est cette nostalgie, véritable démence du souvenir, surajoutée à une autre démence, qui dirigeait instinctivement et comme à son insu le Tasse vers le royaume de Naples. […] On peut se figurer son bonheur en se retrouvant ainsi sous le toit paternel, et jouissant d’un bien-être qu’il n’avait jamais goûté que dans ses souvenirs et à une époque où son jeune âge l’empêchait de l’apprécier comme aujourd’hui.

1548. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

La nef qui disjoint nos amours, N’a eu de moi que la moitié, Une part te reste, elle est tienne, Je la fie à ton amitié Pour que de l’autre il te souvienne ! […] À son retour en France, l’ambassadeur avait amené Rizzio avec lui, à la cour de François II ; attaché à un des seigneurs français qui avait escorté Marie Stuart en Écosse, la jeune reine l’avait demandé à ce seigneur pour conserver auprès d’elle, dans ce royaume où elle se sentait moins reine qu’exilée, un souvenir vivant des arts, des loisirs et des délices de la France et de l’Italie, pays de son âme ; musicienne elle-même autant que poëte, charmant souvent ses tristesses par la composition des paroles et des airs dans lesquels elle exhalait ses soupirs, la société du musicien piémontais lui était devenue habituelle et chère. […] Ainsi vostre beauté, seulement apparüe Quinze ans en nostre France est soudain disparüe, Comme on voit d’un esclair s’évanouir le trait, Et d’elle n’a laissé sinon que le regret, Sinon le desplaisir qui me remet sans cesse Au cœur le souvenir d’une telle princesse.

1549. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

On s’y plaisait toutefois, soit par le souvenir de l’ignorance passée, soit par le dégoût des affirmations violentes. […] Depuis la Renaissance, les plus grands esprits ne sont que des érudits de génie, et l’esprit français se forme, se discipline, s’enrichit, à l’école des idées et des souvenirs des deux antiquités. […] Descartes a eu la gloire d’apprendre aux Français leur véritable génie ; cette gloire durera tant que ce génie se souviendra de ce qu’il a été.

1550. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

En France, elle ne s’imposera jamais tout entière à notre tempérament et ne nous fera jamais oublier notre fidélité à d’anciens souvenirs. […] XIV : Rheingold, souvenirs d’une répétition (août 1884). […] Si on ne présente ni Gounod ni Bizet, certains méritent d’être rappelés à notre bon souvenir.

1551. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

» — On sait ce qui reste du poème rêvé par André Chénier sur la nature vue à travers la science moderne : un amas de notes où se marque le plan qui va toujours grandissant dans la tôle du poète, où l’on sent partout, à travers une prodigieuse variété de lectures, de citations, de souvenirs, un souffle irrésistible qui les anime et les soulève, et sous ce souffle impérieux et fécond des germes qui ne demandent qu’à éclore, et parmi ces semences pressées de l’ouvrage futur, quelques-unes qui lèvent déjà, qui éclatent avant le temps, par une sorte d’impatience, produisant des fragments admirables, ou des vers d’une vitalité prématurée, de ces vers qui vivent, bien qu’isolés, d’une vie propre et qui entrent d’emblée dans la mémoire des hommes, où ils ne meurent plus. […] Malgré les plaintes touchantes de la Voix qui ne cesse de faire appel à des idées moins sombres, à tous les sentiments, à tous les souvenirs enchanteurs, à toutes les joies honnêtes et pures qui consolent l’homme de porter le poids et le joug de ces lois si dures, le Chercheur continue son enquête. […] Le culte du sonnet, appliqué à de pareils sujets, est un reste du vieil homme, un souvenir du parnassien dans M. 

1552. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

MM. de Goncourt se sont trop souvenus qu’ils sont poètes en voulant faire de la réalité moderne, de la réalité prosaïque. […] Il en a souvent beaucoup, quand il ne se souvient pas trop du système contre lequel il le cogne et le casse ici, comme le clown de son roman se casse les jambes contre son tonneau… Je n’aurais pas même insisté sur cet ouvrage, inférieur aux autres livres de l’auteur, quoique dans le même sentiment de vacuité et de détails descriptifs odieux, minutieux, imperceptibles, mais M. de Goncourt s’est réclamé et même vanté dans sa préface de ce système. — Réalisme ou Naturalisme, comme on voudra ! […] Qui a répondu à cette question, en présence de cette Faustin telle qu’elle est ici, sans trait distinctif, sans personnalité reconnaissable, sans que rien n’agrafe le souvenir et nous rappelle nettement quelqu’un ?

1553. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Il me souvient que notre cher maître M.  […] Qu’il ait regret à moi, pour son dernier supplice ; Et que mon souvenir jusque dans le tombeau Attache à son esprit un éternel bourreau ! […] C’est par de tels exploits qu’il était devenu le très peu honorable (selon nos idées modernes) souverain de Valence, où aujourd’hui pourtant son souvenir est en honneur et en vénération, presque en odeur de sainteté. […] Quand vous m’avez reproché mes vanités, et nommé le comte de Gormas un capitan de comédie, ne vous êtes-vous pas souvenu que vous avez mis un A qui lit au-devant de Lygdamon ? […] Il vous souvient que Corneille n’avait pas été toujours aussi prudent.

1554. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Il mourut peu d’années après, sans laisser, paraît-il, de longs regrets à sa femme ; car on ne trouve pas le plus léger souvenir de lui dans les lettres assez nombreuses qu’elle écrivit plus tard. […] Le souvenir des violences passées, un présent troublé et agité, l’inquiète appréhension de l’avenir : voilà pour des années notre climat moral, notre horizon intellectuel. […] Le souvenir même se trouvait exempt de la pourriture des morts. […] Mais quand il lui souvenait qu’elle était si haute dame, de si bonne vie et si nette qu’il n’en pourrait jamais jouir, sa douce pensée amoureuse se changeait en grande tristesse. […] À l’époque où Hugues Capet fonda sa dynastie, un long respect s’attachait déjà dans l’esprit des peuples au nom et aux souvenirs de l’empire carlovingien ; on avait le sentiment de la valeur de l’hérédité monarchique, comme principe de stabilité et d’ordre.

1555. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Quelle tristesse ce doit être de ne plus pouvoir ouvrir un livre sans se souvenir de tous les autres et sans l’y comparer ! […] Si c’est elle qui a apporté la fortune, elle ne s’en souviendra point, car « tout ce que la femme apporte elle-mesme sont au mary comme au seigneur ». […] Elle se souvient à propos que le fameux comte Briquet dont le baron se vante d’être le fils, a laissé des enfants un peu partout. […] Il se promène dans la vie comme dans un rêve magnifique, et la réalité, même contemporaine, ne lui apparaît qu’à travers des souvenirs de mythologie, des voiles éclatants et transparents qui la colorent et l’agrandissent. […] Il porte au cœur un amour unique, le souvenir de sa jeune femme morte ; et c’est pourquoi il repousse durement les avances de Louise de Savoie, amoureuse mûre et d’autant plus ardente.

1556. (1897) Aspects pp. -215

Il y flotte des souvenirs et des regrets — et pourtant c’est d’une parfaite simplicité. […] … Je me souviens d’un conte du danois Andersen : les Habits neufs du Grand-Duc. […] De ces écrivains, deux viennent de publier leurs souvenirs ; M.  […] Je me souviens de l’avoir éprouvé avec une intensité au moins égale. […] Gregh chantent à mi-voix et racontent volontiers des souvenirs d’enfance quasi éteints et très exquis.

1557. (1905) Propos littéraires. Troisième série

Non ; mais je me souviens presque que de son temps on le lui reprochait beaucoup. […] Flaubert n’en a pas effacé ici entièrement le souvenir. […] Je ne sais pas écrire une lettre… » — C’est ainsi que Renan se jugeait comme « épistolier » dans les Souvenirs d’enfance et de jeunesse. […] C’a été pour moi une grande joie de revoir cette belle route qu’elle aimait tant et où chaque pas, à la lettre, me rappelait un souvenir d’elle. […] Telles autres paraissaient languissantes, ternes, malgré le brillanté du style, brouillées, souvenirs vagues et nébuleux.

1558. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Il serait mort sur la place ; mais, par bonheur, il se souvient que sa maîtresse lui a ordonné de s’éloigner, et trouve encore des forces pour accomplir son commandement. […] Oserai-je traduire ces songes d’amoureux et de peintre, ces charmantes imaginations païennes et chevaleresques où Pétrarque et Platon semblent avoir laissé leur souvenir ? […] Cet amas d’idées, de souvenirs tronqués, d’images ébauchées qui gisent obscurément dans tous les coins de son esprit, s’ébranle, s’organise, et tout d’un coup se développe comme une fleur. […] Quand nous voyons son chevalier de la Croix combattre un monstre demi-femme, demi-serpent, et défendre Una, sa dame chérie, nous nous souvenons vaguement que si nous pénétrions à travers ces deux figures, nous trouverions sous l’une la Vérité et sous l’autre l’Erreur. […] Le nombre des morts excède de beaucoup tout ce qui vit ; ce que le monde a vécu dépasse beaucoup ce qui lui reste à vivre, et chaque heure ajoute à ce nombre grandissant qui ne sait s’arrêter une seule minute… D’ailleurs l’oubli enlève au souvenir une large part de nous-mêmes, même lorsque nous sommes vivants encore.

1559. (1925) Dissociations

Cette manière d’attirer l’attention l’attire vraiment trop ; on préfère risquer le tout pour le tout, et je me souviens qu’un touriste, ayant à s’y faire envoyer de l’argent, demanda qu’on glissât les billets de banque dans une simple enveloppe comme lettre ordinaire. « Comme cela, dit-il, cela m’arrivera peut-être !  […] Darwin, inconsciemment guidé par ses souvenirs bibliques, a fait traditionnellement de l’homme le couronnement de la création, même de la création naturelle, mais le savant de bonne foi et sans préjugés est troublé quand il regarde la main humaine, et ensuite la main batracienne ou la main saurienne. […] Les journaux ont dit que cette température fut pareille en février 1887, mais je n’en ai aucun souvenir. […] On s’en apercevra peu d’abord, mais surtout on s’y habituera si vite qu’on ne se souviendra plus des temps où un bateau devait faire le détour par le cap Horn. […] Le souvenir de Moréas que j’accompagnais là me guide et nous arrivons en vue d’un tombeau recouvert d’une bâche.

1560. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le cardinal de Bernis. (Fin.) » pp. 44-66

Notons-y seulement au passage cette main invisible qui n’est pas dans Horace et à laquelle Bernis se confie, et sachons que, lorsque viendront les heures d’adversité sérieuse et de ruine, le cardinal-archevêque, de ce séjour à Rome où il apprend les dépouillements successifs et rigoureux dont il est menacé ainsi que tout le clergé de France, écrira à M. de Montmorin : Vous avez pu remarquer, monsieur, que, dans cent occasions, il n’y a jamais eu d’évêque ministre du roi à Rome plus modéré que moi, plus ami de la paix, ni plus conciliant ; mais, si on me pousse à bout par des sommations injustes et peu délicates, je me souviendrai que, dans un âge avancé, on ne doit s’occuper qu’à rendre au Juge suprême un compte satisfaisant de l’accomplissement de ses devoirs. […] Quoique je ne me fie nullement à ce moine, et que, s’il vous en souvient, je ne m’y sois jamais fié, je sais positivement qu’il n’aime pas les Jésuites, qu’il croit leur destruction nécessaire, qu’il y travaille tout seul.

1561. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

J’ai voulu citer cette expression fidèle d’un regret d’amateur, parce qu’elle se rattache à un sentiment plus général, à celui que porte tout antiquaire et tout ami des souvenirs dans l’objet favori de son culte, dans ce coin réservé du passé où l’on a mis son étude, son investigation sympathique et pieuse, une part de son imagination et de son cœur, et où l’on ne voudrait appeler que ceux qui sont dignes d’en tout apprécier et comprendre. […] Mais je ne sais personne qui en ait mieux parlé dans la pure nuance et la juste mesure qu’un auteur du commencement de ce siècle, que je cite quelquefois, et à qui la France doit un souvenir, puisqu’il est du petit nombre des étrangers aimables qui ont le mieux écrit en Français : Malgré les treize lustres qui pèsent sur ma tête, écrivait M. 

1562. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Il montre à quoi se réduisent pour l’homme naturel et grossier, commandé par le besoin, par la faim de chaque jour, tous ces sentiments compliqués et souvent enchanteurs que l’homme civilisé prolonge et orne à plaisir de rêveries, de souvenirs ou d’espérances. […] » Pour nous, qui ne pouvons juger M. de Meilhan que par ses écrits, nous avons cru n’être que juste en lui accordant un souvenir, en lui assignant un rang élevé parmi les moralistes pour ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787), et, parmi les politiques, pour son ouvrage Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution (1795).

1563. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Cependant, cher Passé, quelquefois un instant La main du Souvenir écarte tes longs voiles, Et nous pleurons encore en te reconnaissant. […] Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd : Tu peux, lorsqu’il le plaît,, loin des sphères mortelles Les élever à toi dans la Grâce et l’Amour ; Tu peux parmi les chœurs qui chantent tes louanges A tes pieds, sous tes yeux nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes Anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant ; Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle, Nous rendre le désir que nous avions perdu ; Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?

1564. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Gaza en a fait de même ; car, soit pour éviter de renouveler de fâcheux souvenirs, soit tout autre motif, les maisons même ne sont pas fermées, et, par mesure de sûreté, nous avons cru devoir planter nos tentes dans le milieu de la grande place, malgré de gros nuages suspendus sur notre tête. […] Horace et sa caravane, avant d’arriver à ces lieux consacrés par tant de souvenirs, ont fait la rencontre du gouverneur de Jérusalem en personne qui tenait la campagne à la tête d’un corps de cavalerie, pour aller châtier quelque bicoque du voisinage ; ce gouverneur les invite poliment au passage, et les oblige, un peu malgré eux, de s’arrêter à son bivac, d’un aspect d’ailleurs des plus mélodramatiques et des plus bigarrés.

1565. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Les souvenirs de Malouet laissent fort à désirer ici pour la précision. […] On y mit pourtant de la réflexion et du temps ; près de dix mois s’écoulèrent, et je ne m’explique pas bien ce retard, cette longueur d’entracte, dont Malouet ne nous rend pas compte et qui semble disparaître à ses yeux dans le raccourci de ses souvenirs.

1566. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Tous les deux travaillent à leur manière philosophiquement ou historiquement, par les prévisions ou par les souvenirs, à orner sur de larges surfaces et à de grandes hauteurs le monument de la société présente qu’ils acceptent, qu’ils saluent non sans réserve, mais qu’ils sont surtout faits eux-mêmes pour honorer. […] n’oublie jamais qu’elle va aujourd’hui de Pythéas jusqu’à M. de Chateaubriand, et il s’en souvient avec bonheur pour éclairer tout d’abord, chemin faisant, Rutilius, par exemple, ou Lactance.

1567. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

D’abord on écrivait peu ; ensuite les souvenirs qu’avaient pu conserver les mémoires des pontifes et les autres monuments publics ou particuliers, ont presque tous péri dans l’incendie de Rome…, pleraque interiere. […] Comme goût, même dans ce genre spécial, j’aimerais parfois un peu moins de luxe d’érudition en certaines parenthèses, qui font trop souvenir l’irrévérencieux lecteur de ce joli mot de Bonaventure Des Periers : « Que, comme les ans ne sont que pour payer les rentes, aussi les noms ne sont que pour faire débattre les hommes. » Enfin on se passerait très-bien çà et là de quelques petits mouvements comme oratoires, qui sortent de l’excellent ton critique, et qui semblent dire avec Scipion : Montons au Capitole !

1568. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Un cri d’homme arraché par le souvenir de sa jeune femme échappa au mourant. […] Le lendemain, on la conduisit au tribunal, accompagnée de vingt-quatre accusés de tout âge et de tout sexe, choisis pour inspirer au peuple le souvenir et le ressentiment de la cour.

1569. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Je la connus plus tard, sous les auspices de mon ami ; j’en fus très-favorablement reçu, comme jeune homme vierge en politique, qui faisait des vers non imprimés, mais récités, et qui rapporterait un jour quelque lointain souvenir de Racine aux descendants de Louis XIV. […] Sa figure, sans être belle, était perçante ; il était impossible d’apercevoir dans un théâtre ou dans un salon cette figure de fils des preux, fière, gracieuse, accentuée, sans demander quel était ce jeune gentilhomme, et sans se souvenir de lui.

1570. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

On a tort de croire que l’imagination ait manqué à Boileau ; il a du moins celle-là, qui n’est que souvenir et rappel des sensations anciennes. […] il se souvenait.

1571. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Les plus savants se souvinrent aussi de l’origine latine de ce nom, et firent une perle de celle dont les poètes faisaient une fleur. […] Mais ne fut-il demeuré de Marguerite de Valois que le souvenir de cette influence, elle aurait droit à une place dans l’histoire de la littérature française.

1572. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Il peignait à loisir et d’une main tranquille, sûr de retrouver le lendemain le modèle de la veille, ni pressé par le temps, ni troublé, comme la Rochefoucauld, par des souvenirs qui avaient pu être des blessures. […] Ses deux devanciers n’avaient pensé qu’à se rendre compte à eux-mêmes, celui-ci de ses souvenirs et de la morale qu’il en voulait tirer, celui-là de ses motifs d’abdiquer et de se réfugier dans la foi.

1573. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Nous nous trouvions une demi-douzaine, parmi lesquels Cazals, autant qu’il m’en souvient. […] Les critiques du Décadent n’auront que l’art pour critérium ; ils sont trop indépendants pour que des souvenirs hostiles ou amis puissent influer sur leur tempérament : leurs verdicts seront donc définitifs et sans appel ! 

1574. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Il a entendu parler de la découverte du savant, il est patriote, il a eu un fils tué dans la dernière guerre, et de grosses larmes tombent, à ce souvenir, sur sa large face, aussi disparates que si elles roulaient sur le masque d’un Polichinelle. […] On se souvient des étranges théories élucubrées par l’auteur, dans une de ses brochures, sur les amours de Caïn avec les guenons du pays de Nod.

1575. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Les plus beaux souvenirs de la race humaine se rattachent à ces époques glorieuses où les peuples qui ont civilisé le monde, et qui n’ont point consenti de passer sur cette terre en s’ignorant eux-mêmes, et comme des instruments inertes entre les mains de la Providence, ont brisé leurs fers, attesté leur grandeur morale, et laissé à la postérité de magnifiques exemples de liberté et de vertu. […] Il se plaisait à indiquer que le ministère dont il était chef, que lui-même en particulier, prenait volontiers sur lui tout l’odieux des lois proposées, et que d’autres recueilleraient un jour le fruit plus facile de ces rudes journées de lutte et de labeur. — « On nous fera responsables, on s’attaquera à nous, nous deviendrons le bouc émissaire de la société ; soit. » Il en prenait hautement son parti, et d’un ton demi-railleur, accentué de dédain, il faisait beau jeu à l’avance aux amis douteux ou aux adversaires : Pendant ce temps, disait-il, les périls s’éloigneront ; avec le péril, le souvenir du péril passera, car nous vivons dans un temps où les esprits sont bien mobiles et les impressions bien passagères.

1576. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Camille Desmoulins a laissé un nom qui, de loin, excite l’intérêt : le souvenir de son dernier acte, de ces feuilles du Vieux Cordelier où il osa, le premier sous la Terreur et jusque-là presque terroriste lui-même, prononcer le mot de clémence, les colères qui excita chez les tyrans, l’immolation sanglante qui s’ensuivit, l’ont consacré dans l’histoire comme une espèce de martyr de l’humanité, et on ne se le représente volontiers que dans ce dernier mouvement de cœur et dans cette suprême attitude. […]  » Dans sa célébration de la nuit du 4 août, Camille entonne une sorte d’hymne où il commence par parodier les hymnes d’Église, et où il finit par se souvenir de la veillée de Vénus : Haec nox est… C’est cette nuit, Français, devez-vous dire, bien mieux que de celle du Samedi saint, que nous sommes sortis de la misérable servitude d’Égypte.

1577. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Elle disait souvent à Mme de Maintenon, dans cet intervalle où elle se disposait et s’aguerrissait à sa dernière retraite : « Quand j’aurai de la peine aux Carmélites, je me souviendrai de ce que ces gens-là (le roi et Mme de Montespan) m’ont fait souffrir. » Elle souffrait, de la part d’une rivale, ce qu’elle-même, si douce et si indulgente, avait pourtant fait souffrir à une autre. […] Bossuet, avant d’être un orateur, était un homme religieux, un véritable évêque, et, dans la circonstance présente, il sentit à quel point il convenait d’être grave, de ne prêter en rien au sourire, ni à l’allusion, ni à la malice secrète des cœurs, qui se serait complu à certains souvenirs et à certains tableaux.

1578. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Il était resté quelque chose de ces souvenirs de Lausanne dans l’esprit de Voltaire, lorsque, dix ans plus tard, il écrivait à Mme Necker, devenue grande dame à Paris, et qui réunissait alors à son dîner des vendredis les beaux esprits philosophes : Vous qui, chez la belle Hypatie, Tous les vendredis raisonnez De vertu, de philosophie, etc. […] Mais, même hors du cercle domestique, Mme Necker mérite d’obtenir dans notre littérature un souvenir et une place plus marqués qu’on ne les lui a généralement accordés jusqu’à cette heure.

1579. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Je ne sais si vous en trouverez le souvenir trop fréquent, mais vous serez injuste si vous me le refusez. […] Il avait pu écrire à son frère, en un jour de forfanterie et dans un parti pris de gaieté, ce mot significatif qui résume toute une philosophie d’abaissement et d’abandon : Au surplus, portez-vous bien, et souvenez-vous qu’il n’y a que fadaises en ce bas monde, distinguées en gaillardes, sérieuses, politiques, juridiques, ecclésiastiques, savantes, tristes, etc., mais qu’il n’y a que les premières, et de se tenir toujours le ventre libre, qui fasse vivre joyeusement et longtemps.

1580. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

Je voudrais présenter d’une manière claire et incontestable pour tout le monde la vraie situation de Carrel au National, dès l’origine en janvier 1830, et les diverses gradations d’idées, de sentiments et de passions par lesquels il arriva à la polémique ardente et extrême qui a gravé son image dans les souvenirs. […] Carrel n’approuvait pas cette manifestation ; il en donne les raisons en homme mûr : « L’ordre n’a peut-être rien à en craindre, comme cela a paru aujourd’hui, dit-il ; mais, pour qu’une chose soit raisonnable, il ne suffit pas qu’elle ne soit point dangereuse. » Il parle de cette démonstration de jeunes gens (dont nous étions nous-même) avec cette autorité qu’a un homme qui a risqué sa tête et qui apprécie son passé : Bien souvent, dit-il, entre hommes de bonne foi et qui avions couru comme eux la chance de porter nos têtes en place de Grève, nous nous sommes entretenus d’eux depuis huit ans, et, si nos souvenirs ne nous trompent point, c’était bien plutôt pour déplorer leur inutile trépas, que pour en glorifier notre cause.

1581. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Voltaire jeune a été seul, sans partisans, sans appui ; ce souvenir de sa vie si souvent brisée et agitée lui a fait sentir l’importance d’avoir à soi un parti et une armée ; il les voudrait organiser de loin sans trop aller au feu de sa personne ; il y pousse d’Alembert et ses amis. […] Une lettre qu’il écrivit dans ce train d’idées au président, lui valut une réponse qui restera mémorable dans l’histoire de sa vie, et qu’il faut mettre à côté de la noble lettre que le grand Haller lui adressa un jour pour faire cesser les manèges et les intrigues où il essayait de l’immiscer : Souvenez-vous, monsieur, lui disait de Brosses, des avis prudents que je vous ai ci-devant donnés en conversation, lorsqu’en me racontât les traverses de votre vie, vous ajoutâtes que vous étiez d’un caractère naturellement insolent.

1582. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Souvenez-vous du conseil que, dans Eschyle, l’Océan donne à Prométhée : sembler fou est le secret du sage. […] Au dedans de lui les conjectures, les systèmes, les apparences monstrueuses, les souvenirs sanglants, la vénération du spectre, la haine, l’attendrissement, l’anxiété d’agir et de ne pas agir, son père, sa mère, ses devoirs en sens contraire, profond orage.

1583. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

On se souvient du bâton de Solon levé sur Thespis. On se souvient du brandon d’Omar secoué sur Alexandrie.

1584. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Écrivain de bon ton, de si bon ton, il écrit un style pur, immaculé, virginal, que ne pollue aucun contact, un style propre, repassé, glacé, qui, en souvenir de Bourget, se fait blanchir à Londres — ou à Genève… M.  […] Il y a, toutefois de bons critiques d’art, parmi lesquels, certains pour échapper à ce reproche et conserver leur franc-parler, refusent les « souvenirs » et les « cadeaux. » Georges Lecomte, Charles Morice, Frantz Jourdain, Camille Mauclair, Gabriel Mourey, Marius-Ary Leblond, Tristan Leclère (Klingsor), Pierre Hepp, J.

1585. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

S’il ne prend pas l’esprit par la nouveauté, il le prend par les souvenirs et par les premières impressions que nous donna la littérature qui, dans l’ordre des temps, précéda immédiatement la littérature actuelle. […] C’est là quelque chose d’imposant, sans doute, mais franchement, nous aimons mieux encore nous en rapporter à nos impressions et à nos souvenirs !

1586. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Dans le Dévouement, qui n’est plus que la générosité de ce cœur exaspéré de solitude, — dans ce beau portrait d’une touche lumineuse et cependant si mélancolique, Toujours je la connus, pensive et sérieuse, où, sous la placidité familière des images, on sent l’agitation de l’âme qui voudrait se rasséréner dans ce calme de la raison et de la vertu ; dans L’Enfant rêveur, Le Creux de la vallée, En m’en revenant un soir d’été, après neuf heures et demie, La Gronderie, la Pensée d’automne ; dans la magnifique pièce, souvenir, allumé comme un candélabre, dans l’âme de tout ce qui eut vingt-ans : Les flambeaux pâlissaient, le bal allait finir, Et les mères disaient qu’il fallait s’en venir… où le néant de la vie se met à sonner tout à coup, dans ces deux poitrines rapprochées qui étouffent de la valse et du bonheur de se toucher, ce glas funèbre :                                      … Ah ! […] Le carabin s’est converti en abbé, mais en un abbé comme celui-là qui dit, avec un sentiment qui n’est pas de Port-Royal encore, dans Le Crucifix de M. de Lamartine, en prenant la croix sur le sein de la jeune trépassée : Voilà le souvenir et voilà l’espérance ;       Emportez-les, mon fils !

1587. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

On assure qu’en allant choisir à ce moment le père Lacordaire, dont elle aurait pu se souvenir plus tôt, elle a songé à autre chose encore ; je veux dire qu’elle a désiré voir appliquer ce beau talent d’orateur à un sujet qui lui était particulièrement cher, au panégyrique d’un éminent académicien mort avant l’âge et enlevé dans la ferveur de ses œuvres.

1588. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Que si ma pensée se reporte, non plus sur le poëte, mais sur l’homme auquel tant de liens de ma jeunesse m’avaient si étroitement uni et en qui j’avais mis mon orgueil, ressongeant à celui qui était à notre tête dans nos premières et brillantes campagnes romantiques et pour qui je conserve les sentiments de respect d’un lieutenant vieilli pour son ancien général, je me prends aussi à rêver, à chercher l’unité de sa vie et de son caractère à travers les brisures apparentes ; je m’interroge à son sujet dans les circonstances intimes et décisives dont il me fut donné d’être témoin ; je remue tout le passé, je fouille dans de vieilles lettres qui ravivent mes plus émouvants, mes plus poignants souvenirs, et tout à coup je rencontre une page jaunie qui me paraît aujourd’hui d’un à-propos, d’une signification presque prophétique ; je n’en avais été que peu frappé dans le moment même.

1589. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Quand il conversait, ses souvenirs se reportaient involontairement à l’époque brillante à laquelle l’aiguille de sa montre, en quelque sorte, s’était arrêtée ; même en s’adressant au jeune homme d’hier, il lui échappait de dire, comme entrée en matière, avec un clin d’œil d’allusion : « C’était en 1811 ; M.

1590. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Aujourd’hui tout cela n’est que souvenir ; tant de choses ont péri, tant d’autres sont en train de s’abîmer en se transformant, que c’est à peine convenable de venir ainsi rappeler ce qui est déjà si loin de nous. — Remercions du moins, en courant, les amis et les éditeurs de M. 

1591. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

de ces deux solutions si conformes mais si diversement exposées du même problème historique, l’une figure à mon esprit le spectacle de ces constructions géométriques, à la fois élégantes et hardies, qui sont nées comme de toutes pièces dans la tête de l’inventeur ; l’autre plutôt me rappelle ces mouvements gradués d’une analyse moins ambitieuse, ces transformations qu’on quitte et reprend à son gré, et auxquelles, chemin faisant, l’esprit se complaît si fort, qu’il ne se souvient du but qu’à l’instant où il l’atteint.

1592. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Sans elle, on aura beau s’abreuver de toutes les rhétoriques, se consumer sur les sujets particuliers qui s’offriront, on n’arrivera jamais qu’à se souvenir et à amplifier ; on n’aura jamais une façon d’écrire naturelle et personnelle.

1593. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Mais il faut auparavant donner un souvenir à un petit écrit qui n’est pas une traduction, et toutefois ne saurait être classé ailleurs que parmi les traductions : c’est le Contr’un de La Boétie, l’ami de Montaigne, le bon et par endroits délicieux traducteur des Économiques de Xénophon187.

1594. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

… Qui sait si elle ne se souvient pas de son enfance, de sa première communion ?

1595. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Ou plutôt idées, souvenirs, émotions, impressions, ce dont il se soucie le moins, c’est de les relier ; il les laisse se relier au hasard ou peut-être au gré d’on ne sait quelles associations très subtiles et qui échappent.

1596. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Et puis, pour en revenir à la peinture d’où nous sommes partis, souvenons-nous sans cesse de la règle d’Horace : Pictoribus atque poetis Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas ; Sed non ut placidis coeant immitia, non ut Serpentes avibus geminentur.

1597. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Le lecteur se souviendra de ce que nous avons déja dit, que la musique hypocritique présidoit à la saltation.

1598. (1897) L’empirisme rationaliste de Taine et les sciences morales

L’œuvre de la science consiste exclusivement à enregistrer le passé et à trouver des procédés mnémoniques qui permettent d’en garder plus facilement le souvenir.

1599. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Ils soulevèrent l’immense curiosité qui devait s’attacher naturellement aux souvenirs personnels et intimes d’un des lieutenants de Napoléon, et précisément de celui-là qui fut le malheur de son maître.

1600. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Ce futur savant de l’École franco-grecque, envoyé à Athènes par dévotion au paganisme pour nous en rapporter de pieux souvenirs, trouve piquant de tromper l’espoir de ses maîtres.

1601. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Et Leopardi n’a rien de tout cela, C’est un rhétoricien qui fait des vers à la petite mécanique de l’habitude et du souvenir.

1602. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Voilà la vraie gloire de style qui lui restera, et dont se souviendra la Critique quand le mépris aura chassé de l’attention des hommes les chimères qu’il nous donne comme les réalités de l’avenir.

1603. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Véron »

On en rit d’abord ; on en sourit ensuite. « Directeur du Constitutionnel, — (c’est le souvenir fixe et glorieux !)

1604. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Si Belmontet s’était contenté de nous dire qu’à côté des inspirations de la poésie individuelle il y avait, grâce à l’Empire et aux souvenirs  qu’il a laissés dans la mémoire des hommes, une autre source de poésie ouverte et coulant à pleins bords dans le xixe  siècle, nous n’eussions pas réclamé contre une telle poésie ; car rien n’est plus vrai.

1605. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Il en est d’un peuple qui entend parfaitement une langue, et de l’orateur qui lui parle, comme de deux amis qui ont passé leur vie ensemble, et qui conversent ; les lieux, les temps, les souvenirs attachent pour eux, à chaque mot, une foule d’idées dont une seule est exprimée, et dont les autres se développent rapidement dans l’âme sensible.

1606. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

En effet, l’imagination n’est que le résultat des souvenirs ; le génie ne fait autre chose que travailler sur les matériaux que lui offre la mémoire.

1607. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Mais ce n’était pas une comédie qu’ils jouaient, leur rôle était sérieux, ou plutôt ce n’était pas un rôle ; ils avaient le plaisir le plus profond et le plus noble qu’il soit donné à l’homme d’éprouver, celui de se sentir beau et glorieux, élevé au-dessus de la vie vulgaire, porté jusque dans les hauteurs et le rayonnement de l’Olympe par le souvenir des héros nationaux, par l’invocation des grands dieux, par la commémoration des ancêtres, par l’éloge de la patrie. […] Nous ne pouvons qu’avec une difficulté extrême nous figurer des esprits neufs qui n’avaient point lu, qui n’avaient point d’idées abstraites, en qui toute pensée était image, en qui tout mot éveillait des formes colorées, des souvenirs de gymnase et de stade, temples, paysages, côtes de la mer lustrée, un peuple de figures toutes vivantes et divines comme aux jours d’Homère, et peut-être plus divines encore. […] Pour l’apaiser, deux hommes de la ville, riches et nobles, vont en Asie s’offrir à Xerxès. — Quand arrivent les Perses, toutes les cités consultent l’oracle ; il ordonne aux Athéniens d’appeler leur gendre à leur secours ; ils se souviennent que Borée enleva Orythie, fille d’Erechthée, leur premier ancêtre, et ils lui bâtissent une chapelle près de l’Ilissus. […] Aux siècles de décadence, dans des statues comme celles du Tibre et du Nil, les sculpteurs anciens se souvenaient encore de l’impression primitive, et le large torse, l’attitude reposée, le vague regard de la statue montrent que, par la forme humaine, ils songeaient toujours à exprimer l’épanchement magnifique, uniforme, indifférent de la grande eau. […] Un rien, un arbre, une fleur, un lézard, une tortue, provoquent le souvenir de mille métamorphoses chantées par les poètes ; un filet d’eau, un petit creux dans le rocher, qu’on qualifie d’antre des nymphes ; un puits avec une tasse sur la margelle, un pertuis de mer si étroit que les papillons le traversent et pourtant navigable aux plus grands vaisseaux, comme à Poros ; des orangers, des cyprès dont l’ombre s’étend sur la mer, un petit bois de pins au milieu des rochers suffisent en Grèce pour produire le contentement qu’éveille la beauté.

1608. (1881) Le roman expérimental

Pour eux, l’idée ne venait qu’au second plan, et l’on se souvient de cette école de l’art pour l’art, qui était le triomphe absolu de la rhétorique. […] Il faut se souvenir de la publication de la Vie de Jésus. […] Alphonse Daudet se souvient de ce qu’il a vu, et il revoit les personnages avec leurs gestes, les horizons avec leurs lignes. […] Son livre entier est fait de souvenirs. […] Comme il le dit lui-même, il a fait « de l’imagination dans du rêve mêlé à du souvenir ».

1609. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Les salles ont, jusqu’à ce jour, gardé les glaces, les lustres, le décor doré des fêtes du Corps Législatif, et le mourant, qui se souvenait, dit à Mme Masson : « Là, à la place même où je suis, c’était le buffet !  […] Sur des volets réduits en charbon, et où la trace du pétrole est encore visible, on lit écrit à la craie : Français, souvenez-vous ! […] Intercaler là-dedans le souvenir angélique de nuits d’amour, passées à l’hôtel de Flandres, à Bruxelles, nuits semblant bercées par l’orgue de l’église mitoyenne. […] À garder pour une étude provinciale, le souvenir du Pinchinat. […] Cette nouvelle me renfonce, toute la soirée, dans le passé de la famille, dans le souvenir de notre jeunesse, écoulée ensemble.

1610. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Lorsqu’il eut à faire l’éloge de la reine d’Angleterre, il lit appel aux souvenirs de Mme de Motteville, et fonda sa peinture du courage de la princesse sur les faits contenus au Mémoire, qui lui fut remis. […] Ailleurs il utilise, il invoque ses souvenirs personnels. […] Bourdaloue Bossuet étant descendu des chaires de Paris dans toute la force de l’âge et du talent, le souvenir de sa prédication, que ne soutenait pas l’impression, se perdit vite au milieu de tant de titres de gloire que son activité paisible lui acquérait incessamment.

1611. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Il y voit son plus beau titre, la plus grande faveur de son étoile, dans cette épître où, parlant de tout ce qui lui est arrivé d’heureux, il dit : Mais des heureux regards de mon astre étonnant Marquez bien cet effet encor plus surprenant, Qui dans mon souvenir aura toujours sa place, Que de tant d’écrivains de l’école d’Ignace Étant, comme je suis, ami si déclaré, Ce docteur toutefois si craint, si révéré, Qui contre eux de sa plume épuisa l’énergie, Arnauld, le grand Arnauld fit mon apologie. […] Si la reconnaissance de Boileau est si vive, c’est qu’il y entre un souvenir du secours qu’il avait tiré de la discipline et de l’influence d’Arnauld. […] On peut croire aussi, sans faire injure à la charité de Nicole, qu’il s’est souvenu, dans certains endroits, de quelques avis conciliants donnés à son ami, et repoussés.

1612. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

On se souvient qu’à la scène deuxième du premier acte des Meistersinger, David, l’apprenti d’Hans Sachs, énumère les tons et les modes qu’il faut connaître pour se faire recevoir dans la maîtrise de Nuremberg :          « Le bref, le long, le traînard, la tortue,         La plume d’or, l’écritoire d’argent, L’azuré, l’écarlate et le vert de laitue, L’aubépin parfumé, le plumage changeant, Le tendre, le badin et les roses fleuries,         Le ton galant et le mode amoureux,         Le romarin, la reine des prairies,         Les arcs-en-ciel, le rossignol joyeux,         Le mode anglais, la tige de canelle         Les pommes d’or, la fleur de citrouille, La grenouille, le veau, le gai chardonneret,           L’ivrogne qui chancelle, L’alouette des blés, le chien d’arrêt,           Les plaintes de la tourterelle, La peau de l’ours, le pélican fidèle,           Enfin le cordonnier modèle. » Ces appellations burlesques qu’on croirait inventées à plaisir par quelque parodiste en belle humeur, se retrouvent dans le livre de Wagenseil avec le nom de leurs ingénieux inventeurs. […] Alfred Ernstsur les Souvenirs de Richard Wagner, traduits par M.  […] Mendès n’en reprend qu’un seul passage reconstitué à partir de ses souvenirs de lecture.

1613. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mars 1886. »

Si vous persistez, nous serons avec vous pour défendre l’œuvre d’art et rien qu’elle, en la dégageant de la question mesquine d’une personnalité dont le souvenir irrite encore un si grand nombre. […] L’art, dans sa haute sérénité, peut devenir une consolation aux plus grandes douleurs, mais c’est à la seule condition qu’il n’y ait point de rapports entre lui et d’éternels souvenirs … Pour moi, lorsque j’entends la musique de Wagner, j’entends la marche des soldats du vainqueur, le chant de ses triomphes, les sanglots de la défaite. […] Par le souvenir de cette histoire douloureuse, Albert Wolff rappelle à Carvalho qu’il n’a pas les moyens de renouveler cette mauvaise expérience qui risquerait cette fois d’être d’autant plus violente que la menace prend un tour politique que n’avait pas « l’affaire Van Zandt ».

1614. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Cependant la presse, avec une sympathie dont nous avons gardé le souvenir, combattait le refus de M.  […] C’est ce souvenir qui nous a donné, à mon frère et à moi, l’idée du transport de Paul de Bréville, blessé, chez Mme Maréchal. […] Elle retrace enfin avec des souvenirs bien personnels et vécus — l’expression est acceptée aujourd’hui — des sentiments qui ont le mérite de représenter rigoureusement, à la scène, les sentiments humains et contradictoires de deux hommes d’âge différent, confondus et mêlés dans une même existence.

1615. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

Vendredi 17 février Très souffrant, et d’une faiblesse à ne pas me tenir sur les jambes, et tout à fait incapable de travailler, je rouvre mon testament et m’amuse à laisser des bibelots de souvenir, aux gens que j’aime sur la terre. […] Jeudi 21 septembre La princesse était, ce soir, dans les souvenirs mauvais et tristes de sa vie. […] * * * — Très amusants, les Souvenirs de Banville.

1616. (1914) Boulevard et coulisses

Je leur demande la permission de mêler leurs noms à ces souvenirs légers. […] Mais je ne veux point me laisser entraîner à des souvenirs trop personnels. […] » C’est donc un examen de conscience et une évocation de souvenirs que vous avez suscités en moi, par votre appel.

1617. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XII : Distribution géographique (suite) »

Je me souviens quelle fut ma surprise lorsqu’en collectionnant pour la première fois dans les eaux du Brésil j’ai dû constater que les insectes, les coquillages et autres organismes des eaux douces du pays avaient, avec ceux des îles Britanniques, les plus grandes analogies, fait d’autant plus étrange que les espèces terrestres étaient complétement différentes de nos espèces européennes. […] Parce que nous savons que beaucoup d’espèces, naturalisées par l’intermédiaire de l’homme, se sont répandues avec une étonnante rapidité sur des contrées nouvelles, nous sommes disposés à en inférer que la plupart des espèces doivent se répandre de même ; mais il faut se souvenir que des formes qui se sont ainsi naturalisées en de nouvelles contrées n’étaient pas en général très proche-alliées des habitants indigènes, mais sont, au contraire, des formes très distinctes, et qui appartiennent, même en beaucoup de cas, à des genres jusque-là complétement inconnus dans ces mêmes stations, ainsi que l’a démontré M.  […] Résumé de ce chapitre et du précédent. — Dans ces deux chapitres, j’ai essayé de montrer que, si nous tenons compte de notre ignorance quant aux effets si divers que peuvent avoir produits les changements de climat ou les oscillations de niveau du sol qui ont certainement eu lieu depuis une période récente, et de tous les autres changements qui peuvent s’être opérés pendant le même temps ; si nous nous souvenons encore combien nous savons peu de chose des nombreux moyens de transports occasionnels, parfois si extraordinaires, qui existent, et qui offrent un sujet inépuisable d’investigations et d’expériences qui n’ont pas encore été convenablement tentées ; si nous songeons combien il peut être arrivé souvent qu’une espèce se soit étendue sur de vastes régions continues, et qu’elle se soit ensuite éteinte dans quelques stations intermédiaires ; il ne reste plus de difficulté insurmontable qui empêche d’admettre que tous les individus de la même espèce, en quelque lieu qu’ils vivent actuellement, ne soient descendus des mêmes parents.

1618. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Aimé Martin l’a bien senti lui-même, et fidèle à son rôle d’hagiographe, il proteste que cette aventure, « loin de dissiper la tristesse de M. de Saint-Pierre, ne fit que le troubler davantage, en altérant la pureté de ses souvenirs ». […] Mais dans ce dernier roman, dont sans doute le souvenir est encore dans toutes les mémoires, il y a quelque chose de plus : la thèse religieuse reparaît ; et puisqu’enfin c’est sur elle et d’après elle qu’il semble qu’on ait surtout jugé Feuillet, il nous faut bien en dire ici quelques mots. […] En ce sens, on retrouve dans sa dernière manière le souvenir de sa première, et la fin de son œuvre en rejoint le commencement. […] Oui ; s’ils étaient quelque chose de plus que des anecdotes ou des tableaux de genre ; que des faits divers qui ne se dépassent pas eux-mêmes, pour ainsi dire ; que des histoires dont la dernière efface le souvenir de la précédente, la réputation en égalerait le nombre ! […] Et, au fait, c’est à peu près ainsi que l’on parle aujourd’hui couramment d’une conscience inconsciente, ou d’une mémoire qui ne se souvient point.

1619. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Je ne suis pas d’ici, moi, et vous me l’avez trop laissé comprendre. » Mais tout de même, dans le fond, elle sent ce qui lui fait défaut ; elle a le respect et la superstition du seul luxe qui manque aux rois de l’or du nouveau monde : l’ancienneté des noms et des souvenirs, une tradition, des meubles et des portraits de famille, et les façons d’être qui sont liées à cette ancienneté. […] Lorsque dans la chambre de Bobette, au petit jour, Costard raconte à son amie dans quelles circonstances il a « pincé » sa femme, et que, durant dix minutes, charmée par ce récit, Bobette, en chemise de nuit, fait des sauts de carpe parmi le désordre des draps et des couvertures, ce tableau d’extrême intimité nous effarerait peut-être un peu, si nous ne nous souvenions que nous sommes à Guignol et que nous assistons aux ébats de deux marionnettes. […] Il ne serait pas fâché de s’offrir l’étoile en exploitant les anciens souvenirs ; mais, douce et grave, un peu solennelle et faisant paraître dans ses discours la hautaine mélancolie d’une âme supérieure, la grue arrivée lui explique qu’il y a des souvenirs si poétiques, si frais, si « ailes de papillon », qu’il ne faut pas commettre ce sacrilège de les dévelouter.

1620. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Et longtemps, il nous décrit le pays avec une mémoire qui a le souvenir du jour, du vent, du nuage : une mémoire locale inouïe, mettant avec la couleur de sa parole, sous nos yeux, les tournants du Nil, les aspects des pylônes, les silhouettes des petits villages, les lignes cahotées de la chaîne Libyque — comme s’il nous en montrait les esquisses. […] » Eh bien non, au bout de deux ou trois ans, j’en retrouve le souvenir rigoureux. » Mercredi 10 mars On déplore, ce soir, l’abaissement du goût intellectuel et artistique des classes supérieures. […] J’emporte de ce logis de la rue Rousselet, comme le souvenir d’un lettré de race dans la débine. […] Et quand la femme semble amollie par l’éveil amoureux de la nature, soudain, évoquant le souvenir de la dernière guerre, cette femme se montre toute prête à se livrer furieusement à lui, non pour faire l’amour, mais pour qu’il naisse et jaillisse de leurs embrassements, un vengeur.

1621. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

SOUVENIR VIVANT. […] « Le bal terminé, Mariette prit le bras de Gérard et le pria de la reconduire chez elle ; Gérard était trop plein d’émotion et de souvenir pour parler. […] Champfleury a très bien décrit leurs jeux, leurs terreurs, leurs lâchetés ; est-ce souvenir, est-ce observation ? […] Le petit mari sauve un jour sa fiancée qui allait se noyer, de là une affection plus grande, plus sincère, et la jeune fille plus lard se souvient de l’affection de son enfance. […] Il est généreux, sans doute, parce que, vis-à-vis des autres, il ne se souvient guère de son individu ; mais il est plus souvent injuste, précisément parce qu’il fait chez les autres abstraction de l’individu.

1622. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Denne-Baron, qui est mort le 5 juin dernier, a réveillé, en disparaissant, chez les hommes de lettres ou poètes ses confrères, des souvenirs qu’il serait injuste de ne point recueillir et fixer.

1623. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Il n’est peut-être point de tyran, même le plus prospère, qui ne voulut recommencer avec la vertu, s’il pouvait anéantir le souvenir de ses crimes : mais, d’abord, il est presque impossible, quand on le voudrait, de persuader à un coupable qu’on l’absout de ses forfaits, l’opinion qu’un criminel a de lui-même est d’une morale plus sévère que la pitié qu’il pourrait inspirer à un honnête homme ; si, d’ailleurs, il est contre la nature des choses qu’une nation pardonne, quand même son intérêt le plus évident devrait l’y engager.

1624. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Personne ne se souvient de Lo Ipocrito, et nous sommes des premiers, peut-être, à faire un parallèle que les deux œuvres appelaient si naturellement.

1625. (1890) L’avenir de la science « XI »

Le livre sacré pour les nations antiques était le dépositaire de tous les souvenirs nationaux ; chacun devait y recourir pour y trouver sa généalogie, la raison de tous les actes de la vie civile, politique, religieuse.

1626. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

« Souvenez-vous, dit-il, de ces cabinets qu’on regarde encore avec tant de vénération, où la vertu était révérée sous le nom de l’incomparable Arthénice, où se rendaient tant de personnes de qualité et de mérite, qui composaient une cour choisie, nombreuse, sans confusion, modeste sans contrainte, savante sans orgueil, polie sans affectation. » La causticité du duc de Saint-Simon ne l’a pas empêché de rendre justice à la maison de Rambouillet.

1627. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

Ajoutez cet autre fait rapporté par madame de Caylus dans ses Souvenirs, page 89 : « L’aînée des enfants de madame de Montespan mourut à l’âge de trois ans. » (C’est l’enfant que Saint-Simon nomme Madame la duchesse, t. 

1628. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Et à présent on ne se souvient plus de lui.

1629. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Telles les assonances, telles les âmes — dans le soir — passent, s’éloignent et ne plane plus alors qu’un souvenir très pâle.

1630. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Un bonheur absolu nous ennuie ; un malheur absolu nous repousse : le premier est dépouillé de souvenirs et de pleurs ; le second, d’espérance et de sourires.

1631. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

Les formes connues changent à son égard : ses révolutions sont tour à tour racontées avec la trompette, la lyre et le chalumeau ; et le style de son histoire est lui-même un continuel miracle, qui porte témoignage de la vérité des miracles dont il perpétue le souvenir.

1632. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Je ne me souviens point d’avoir lû dans l’histoire grecque ou romaine rien qui ressemble aux duels gothiques, hors un incident arrivé aux jeux funebres que Scipion l’afriquain donna sous les murs de la nouvelle Carthage en l’honneur de son pere et de son oncle.

1633. (1762) Réflexions sur l’ode

Je me souviens d’en avoir lu il y a quelques années de françaises, faites par un Italien de beaucoup d’esprit ; les idées en étaient nobles, la poésie facile, correcte, et pourtant mauvaise.

1634. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Son souvenir, la pile de Volta de ce siècle, a frappé au cerveau toutes les organisations magnétiques des poètes et des artistes, et leur a fait rendre, sous le coup de son influence, les plus belles et les plus puissantes choses qui aient jamais vibré et qui aient jusqu’ici été écrites sur sa personne.

1635. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

… Il était supérieur, ce clown… Le revoyez-vous par le souvenir, avec sa face immobile et pâle, — sa face de craie, glacée et figée, — son geste précis et coupant, — tout à la fois bouffon et sinistre ?

1636. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

On en fait de nobles exemples pour les générations qui suivent et de grands souvenirs pour l’histoire.

1637. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

… Cache-leur le secret de cette beauté profonde qui me luit aux heures mystérieuses », et autres hugoteries semblables, hémistiches souvenus des Feuilles d’automne.

1638. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Je ne m’en souviens pas. […] si je m’en souviens ! […] Leroux… Ici mes souvenirs s’arrêtent. […] Souvenirs du temps sacré. […] Il est joli, du reste, et abondant en souvenirs et anecdotes caractéristiques.

1639. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Quant à discuter pour mon compte cette méthode, je le ferais volontiers, n’était un souvenir qui me gêne. […] Vous souvient-il qu’il y a quelques années le mot d’ordre était parmi les jeunes : « Guerre à l’esprit !  […] Il suffit de s’en souvenir pour comprendre tous ses jugements. […] sent se réveiller dans son cœur un vieux souvenir et il vous en fait part généreusement. […] On dirait d’un Stendhal attendri qui aurait été femme dans une autre vie et qui s’en souviendrait.

1640. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

On se souvient peut-être qu’il y a quelques années Brown-Séquard et Landouzy imaginèrent l’opothérapie. […] Favre de répondre : « Je ne puis le dire, je ne me souviens pas… » Et voilà, n’est-ce pas une observation dans laquelle on peut avoir pleine confiance ? […] Sans ces livres, ils n’auraient rien vu, et sans eux ils ne se souviendraient de rien. […] vous en aurez peut-être l’illusion, mais ce ne sera pas vrai, car les jours, au moment qu’ils s’évanouissent dans la nuit, emportent avec eux un peu des visages des hommes comme souvenir. […] Un souvenir.

1641. (1900) Molière pp. -283

Weiss, dont le souvenir se perd ou s’est effacé, celui qui se révélait avec tant d’imprévu et de charme dans la causerie sérieuse comme dans les propos familiers ; un J. […] Nous ne nous souvenons plus de Scarron ; c’est la faute de Scarron ; pourquoi n’a-t-il pas fait ses Hypocrites de façon à ce qu’ils fussent impérissables ? […] Les trois années (1857 à 1860) que Weiss y passa lui laissèrent un délicieux souvenir : le jeune professeur (il avait alors vingt-huit ans) prenait la parole devant une assemblée composée d’avocats, de magistrats, de rentiers éclairés, même de dames, qui savaient leurs classiques et s’intéressaient aux choses de l’esprit. […] Ne te souvient-il plus que tu descendais de Vénus ? […] (Voyez les Souvenirs d’âge mûr de M. 

1642. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Et il n’y a pas cinquante ans de cela… Qu’il y ait cinquante ans ou mille siècles, ces jours sont affreusement loin de nous, loin comme les choses dont on ne se souvient pas, comme une langue dont le sens est perdu. […] Cette classe de rhétorique est demeurée un de mes chers souvenirs ; car c’est alors que, sous votre éloquente et pittoresque parole, je sentis, pour la première fois, mon esprit s’ouvrir à l’intelligence du Beau. […] Je me souviens de ces paroles. […] Il le faudrait, tant les dramaturges paraissent l’oublier, et les critiques prennent peu souci de les en faire souvenir ! […] et digne du souvenir… » Savez-vous ce qui « place auprès de lui le témoin des Trente-deux duels de Jean Gigon, A. 

1643. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

On m’a, s’il m’en souvient, tant jeté à la tête Ronsard, que j’ai de la peine à ne pas dire mon Ronsard. […] Cela n’est pas générer de vous faire souvenir d’un service en vous en demandant un autre. […] Même quand Mme de La Fayette n’alla plus à Versailles et n’embrassa plus en pleurant de reconnaissance les genoux du roi, même quand M. de La Rochefoucauld fut mort, elle garda son crédit, sa considération : « Jamais femme sans sortir de sa place, nous dit Mme de Sévigné, n’a fait de si bonnes affaires. » Louis XIV aima toujours en elle la favorite de Madame, un témoin de cette mort touchante et de ces belles années avec lesquelles elle restait liée dans son souvenir, n’ayant plus guère reparu à la cour depuis.

1644. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Quand on ferme le livre, on croit fermer la porte sur le mystère un moment entrevu du ciel ; mais on se souvient de ce qu’on vient de voir, on emporte un rayon, un espoir, une joie, une paix. […] Souvenez-vous, mon fils, de ces paroles ! […] Je vous bénis, Père céleste, Père de Jésus-Christ, mon Seigneur, parce que vous avez daigné vous souvenir de moi, pauvre créature.

1645. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il lui fait peur des damoiseaux, des chaudières du diable ; il lui reproche son origine, la pauvreté d’où il l’a tirée : il pense la toucher, et il ne fait que rendre plus doux à Agnès, par la comparaison, le souvenir des tendresses d’Horace. […] Molière eût pu trouver dans l’observation de la nature un moyen de la lui arracher une dernière fois ; mais soit fatigue après cinq actes si pleins, soit pitié pour la passion d’Arnolphe et souvenir de son propre cœur, Molière termine la pièce par un dénoûment postiche : il fait retrouver à Agnès un père dans un personnage venu d’Amérique, et son fiancé dans son amant. […] Et l’intrigue, — ce fil léger qui nous fait souvenir que la scène a d’abord été un théâtre de marionnettes, — il n’y en a pas, si ce n’est dans la tête de certains commentateurs de Molière, qui ne souffrent pas de comédie sans intrigue.

1646. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Enfermé à Vincennes, il emploie ses loisirs à cultiver des œillets, et Mlle de Scudéry, qui va plus tard comme les badauds parisiens visiter la cage de l’aigle, écrit ce quatrain : En voyant ces œillets qu’un illustre guerrier Arrosa d’une main qui gagna des batailles, Souviens-toi qu’Apollon bâtissait des murailles Et ne t’étonne pas de voir Mars jardinier. […] Mais qu’on le voie du rivage ou qu’on la revoie par le souvenir, c’est alors qu’on en peut apprécier l’horrible beauté, c’est alors qu’on peut songer aux moyens de la rendre sensible aux autres. […] Ainsi le souvenir de l’Empire inspire poètes et historiens que sa présence a étouffés.

1647. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Parmi ces amantes, revient dans ses souvenirs une femme prise d’un vrai sentiment pour lui, et qu’il a toujours respectée à cause de relations avec sa famille. […] Une chose bien caractéristique de notre nature, c’est de ne rien voir dans la nature qui ne soit un rappel et un souvenir de l’art. […] Il semble mâcher des restes d’idées, de souvenirs, de mots.

1648. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

C’est drolatique, le souvenir que réveille chez moi, cette lettre bordée de noir. […] Lundi 8 novembre Ces jours-ci, j’ai eu vraiment une jouissance d’esprit et de cœur, à me plonger dans un paquet de lettres de mon frère, retrouvé chez Louis Passy, un paquet de lettres de sa jeunesse, et qui me remontrent, en pleine lumière, des morceaux de notre vie, à demi effacés, et comme sortant tout à coup du brouillard, qu’apportent les années aux souvenirs d’un vieux passé. […] Elles ont évoqué chez moi, tout vivant et tout réel, le souvenir de ma blonde petite sœur Lili.

1649. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Les critiques, qui ont parlé du roman de Feuillet, ont tous cité, avec transport, des « propos à faire rougir un singe, sans se souvenir que cette phrase avait été jetée cinquante fois au public, cette année même. […] » Et Daudet ajoute : « Cet homme sans tenue, se livrant à ce débordement canaille, était superbe. » Puis un moment, absorbé dans le souvenir de la beauté du jour, de la grandeur du paysage, de la sérénité des choses, Daudet dit, qu’au milieu de cela, ces deux êtres, avec leurs mouvements désordonnés pour se tuer, lui semblaient tragiquement comiques. […] Il me parle aussi de l’espèce de vacillement, que le bromure apporte à sa mémoire, le forçant, dit-il, de se raccrocher à des jambages de souvenirs ; et à ce propos, il émet une observation curieuse, il affirme que la lutte de Flaubert avec les mots, a dû venir de la masse énorme de bromure qu’il avait absorbée.

1650. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Molière, qui était incapable de vengeance, était capable d’une profonde affliction et d’un amer souvenir. […] Ces deux hommes laissèrent la froideur de la faute et du souvenir s’établir entre leurs âmes. […] Elle eut un si grand succès, que le souvenir n’en est pas encore effacé.

1651. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Avec Spon, avec Falconnet et ses amis de Lyon, avec Gabriel Naudé son ami de jeunesse, il est plein de chaleur, de cordialité, d’un souvenir inaltérable et fidèle. […] Mais il est évident, à qui le lit jusqu’au bout, que ses prédilections et ses souvenirs le reportent plus naturellement à l’âge des Grotius et des Saumaise ; et dans la dernière lettre imprimée qu’on a de lui (janvier 1672), on lit : Je viens d’apprendre du jeune Vanderlinden que M. 

1652. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Il désavoue toute autre passion antérieure récente, et celle même de Rome qui a fait de l’éclat : « Ne soyez plus jalouse de la princesse de Hanovre, je n’ai jamais rien senti pour elle qui approche de ce que je sens pour vous. » Si on avait à être jalouse de quelqu’un, ce serait du seul souvenir et de l’ombre de Marianne : La mort et bien des années ne pouvaient, sans vous, effacer de mon cœur le seul amour qu’il ait jamais senti avant que de vous aimer ; il durerait encore si je ne vous avais point connue : je ne sais pas même si tout celui que j’ai pour vous l’a bien éteint ; et, si vous avez à être jalouse, c’est de cet amour que vous devez l’être. […] Je tiens ce détail d’un homme de ce temps-là et du nôtre, plein de littérature et de bons souvenirs, M. 

1653. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

Lorsqu’il renonça trop tôt (1813) à ce rôle d’informateur et de critique littéraire de l’Antiquité, emploi qu’il avait plutôt effleuré que rempli, et dans lequel aucun grand incident de polémique ni aucun grand fait d’exposition n’avaient signalé son passage, il laissa cependant des regrets et de vifs souvenirs. […] L’illustre De Candolle, dans ses Mémoires et Souvenirs récemment publiés, raconte qu’allant en Angleterre, en 1816, il avait des lettres de recommandation pour sir Charles Blagden, secrétaire de la Société royale.

1654. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

On ne parle plus de ceux de Voltaire, il les garde : on s’est souvenu du mot de M. le duc d’Orléans, à qui il demandait justice sur pareils coups, et le prince lui répondit : « On vous l’a faite. » » L’évêque de Blois a dit : « Nous serions bien malheureux si les poètes n’avaient point d’épaules. » On dit que le chevalier de Rohan était dans un fiacre lors de l’exécution, qu’il criait aux frappeurs : « Ne lui donnez point sur la tête !  […] Nous nous souvenons d’avoir vu quelque chose de tel, nous autres romantiques, dans la guerre contre les vieux classiques qui se disaient pourtant libéraux et qui en référaient sans cesse à l’autorité.

1655. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

C’est ainsi que, dans ses Considérations sur les Romains, il a devancé en bien des pensées Montesquieu, et sans obliger à ce qu’on se souvînt de lui, sans marquer sa trace. […] Souvenirs du président Bouhier, publiés par MM. 

1656. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

En introduisant ainsi les reflets d’alentour, en entr’ouvrant chez Rancé la porte aux souvenirs, l’illustre biographe a moins encore obéi à un dessein suivi qu’à un retour irrésistible. […] » En vain, au début du livre, par manière de prélude, il se disait en une de ces paroles, telles que seul il les sut trouver : « La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel. » À deux pas de là, il oubliait cette vieillesse que les dieux de la Grèce ne connaissaient pas, ou il ne s’en souvenait que pour s’écrier : « Ô Rome !

1657. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Nicolas-Éloy Lemaire, tant vanté, s’il m’en souvient, par M. […] Mais tout cela, plus loin, se rachète par des traits d’esprit vifs, des souvenirs bien placés, quelque prise à partie intéressante, beaucoup d’acquis bien mis en œuvre.

1658. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Et laissez-moi vous rappeler un souvenir à propos de Balzac. […] De toutes les paroles qui m’ont assailli dans une autre circonstance et dont je n’ai gardé aucun amer souvenir, une seule, je vous l’avouerai, m’est restée sur le cœur.

1659. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Prenez des femmes qui ont faim et des hommes qui ont bu ; mettez-en mille ensemble, laissez-les s’échauffer par leurs cris, par l’attente, par la contagion mutuelle de leur émotion croissante ; au bout de quelques heures, vous n’aurez plus qu’une cohue de fous dangereux ; dès 1789 on le saura et de reste  Maintenant, interrogez la psychologie : la plus simple opération mentale, une perception des sens, un souvenir, l’application d’un nom, un jugement ordinaire est le jeu d’une mécanique compliquée, l’œuvre commune et finale437 de plusieurs millions de rouages qui, pareils à ceux d’une horloge, tirent et poussent à l’aveugle, chacun pour soi, chacun entraîné par sa propre force, chacun maintenu dans son office par des compensations et des contrepoids. […] Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 371-391.

1660. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

Il se souvient qu’il a été appelé au trône lui-même par Samuel, qui l’avait rencontré cherchant les ânesses de son père. […] « “Et alors, quand vous serez roi, souvenez-vous de votre servante !

1661. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Encouragés, attirés par l’admiration qu’excitait leur habileté, les harpeurs bretons commencèrent à promener par les provinces anglo-normandes et françaises les fictions où s’étaient déposés les antiques croyances et les chers souvenirs de leur race : de notre Bretagne, du pays de Galles, des deux pays plutôt que de l’un des deux, ils venaient pins nombreux chaque jour dire aux barons et aux dames des lais d’Arthur ou de Tristan, de Merlin ou de saint Brandan, chantant peut-être les paroles originales de leurs mélodies, mais sans doute coûtant en français, dans leur français celtique, qui parfois était un étrange jargon, les parties de simple prose. […] Mais le roi reprend sa femme, et Tristan s’en va errant aux pays lointains : les années passent, il aime encore, mais il doute, il se croit dupe et trahi, il se laisse persuader d’épouser une autre femme : le cœur tout navré de doux souvenirs, il prend comme une image de la bien-aimée une Yseult comme elle, et blonde comme elle.

1662. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Les souvenirs lointains de la féodalité rurale se mêlent aux rêves littéraires d’un retour à la simplicité primitive, de l’âge d’or. […] Et puis, il se souvient à peine de la chute ; Homère l’emporte sur l’Évangile dans son imagination ; il voit la nature innocente, bonne, heureuse en son premier état.

1663. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Pour qui connaît les grands écrivains du dix-septième siècle, ce qui reste dans l’esprit comme dernier souvenir, c’est comme un portrait général de l’homme, auquel tous ces grands peintres ont travaillé. […] Mais c’est le défaut a une qualité supérieure ; et quand on critique le défaut, il est prudent de se souvenir de la qualité.

1664. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Et ma mère, dont la pensée autrefois était mon soulagement dans mes peines, cette fois, c’était mon souvenir le plus douloureux. […] Cette vie me serait bien douce si de pénibles souvenirs, des inquiétudes trop bien fondées, et surtout un terrible isolement n’y mêlaient encore bien des peines.

1665. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Il en est de même de nos Philosophes : ils se croient les Etres les plus importans de ce globe ; la gloire de la Nation Françoise est perdue, depuis mes attentats sur leur réputation ; depuis que le Fabricateur des Bijoux indiscrets, l’Auteur de Bélisaire, le Compositeur de l’Essai sur les femmes, le Chantre des Saisons, &c. ont été relégués dans la classe qui leur convient, il n’existe plus dans l’Europe aucun souvenir des chef-d’œuvres des Grands Hommes qui ont illustré le génie François ; nous n’avons plus à vanter à l’Etranger, des Descartes, des Mallebranche, des Bossuet, des Fénélon, des Bourdaloue, des Massillon, des d’Aguesseau, des Cochin, des Corneille, des Racine, des Moliere, des Vertot, des Pascal, des la Bruyere, des Montesquieu, des Lafontaine, des Despréaux, &c. […] Helvetius, que le souvenir de l’amitié qu’il avoit pour moi me rendra toujours chere, je crois devoir déclarer que je ne le regarde point comme l’Auteur de l’Ouvrage qui m’a fourni cette citation, & qui n’a paru que deux ans après sa mort.

1666. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Si je fais quelque chose de bien dans tout le temps qui me reste à vivre, je suis sûr que le souvenir de M. de Malesherbes animera mon âme. […] [NdA] Autre trait de nature : il aimait les enfants ; une personne aimable et distinguée, après avoir lu cet article dans Le Constitutionnel, me fait l’honneur de m’écrire quelques-uns des souvenirs que réveille en elle cette lecture : Je me rappelle qu’un jour ce noble vieillard tenant par la main une petite fille de cinq ans, et se promenant, avec elle dans les jardins de Malesherbes, lui proposa de jouer à la cachette, et que cette petite fille croyait que son vieil ami y prenait autant de plaisir qu’elle-même.

1667. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

En un mot, nous fûmes très raisonnables à la fin d’une journée où nous avions joué à colin-maillard. » Pour tranquilliser le lecteur sur la source d’où je tire ces paroles de Sophie, je dirai que c’est du cahier manuscrit des Dialogues, dans lesquels Mirabeau, enfermé deux ans après à Vincennes, se plaisait à revenir sur les origines de leur liaison et à se repaître des moindres souvenirs de ces premiers temps heureux. […] Je me souviens que vous m’avez promis de nouvelles preuves de votre indifférence pour Belinde, et j’ai quelque envie de vous sommer de votre parole.

1668. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Il réclame la punition énergique, exemplaire, des coupables ; il fait entendre de grandes vérités : « Souvenez-vous que rien n’est plus humain, plus indulgent, plus doux, que la sévère inflexibilité des lois justes ; que rien n’est plus cruel, plus impitoyable, que la clémence pour le crime ; qu’il n’est point d’autre liberté que l’asservissement aux lois. » Un caractère essentiel à noter dans ces articles de prose d’André Chénier, c’est que si le poète s’y marque par l’élévation et la chaleur du sentiment, par le désintéressement de la pensée et presque le détachement du succès, par une certaine ardeur enfin d’héroïsme et de sacrifice, il ne donne pourtant au style aucune couleur particulière. […] On y voit, dans un rythme aussi neuf qu’harmonieux, le sentiment de la nature et de la solitude, d’une nature grande, cultivée et même pompeuse, toute peuplée de souvenirs de grandeur auguste et de deuil, et comme ennoblie ou attristée d’un majestueux abandon.

1669. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Le spectre de cette passion le rend insensible au jeune amour de Louise Roque, entrave sa liaison avec Rosanette et brise, on s’en souvient, son mariage avec Mme Dambreuse. […] À Chavignolles, le comte de Faverges oublié qu’il est royaliste pour ne se souvenir que de sa haine contre les d’Orléans et faire cause commune avec le peuple, le curé Jeuffroy bénit l’arbre de la liberté ; il glorifie, au nom de l’Évangile, les principes de la Révolution, et à Paris M. 

1670. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

Nombre d’aventures et de détails évoquent en outre des souvenirs de l’histoire grecque ou romaine : Le dévouement de Yamadou Hâvé rappelle celui du Romain Décius, du Grec Codrus ou du Suisse Arnold de Winkelried. […] C’est en souvenir de ce démenti donné à ma première opinion que je n’avance que sous réserves les convictions que je me suis formées en matière de folklore, préférant n’être formel qu’en cas de certitude absolue.

1671. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

Ailleurs, des distinctions effacées par la loi restent inscrites dans les mœurs, Il arrive que le souvenir des hiérarchies légalement bouleversées survit pendant des siècles. […] Des groupements multiples, officiellement reconnus ou comme sous-entendus, devaient y résulter, non pas seulement des souvenirs des plus lointains ancêtres, mais de l’accession des contemporains les plus éloignés ; les associations d’origine étrangère venaient s’y mêler aux associations d’origine traditionnelle.

1672. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

» À l’Académie française, où il allait quelquefois, et le plus souvent qu’il le pouvait, il a laissé d’assez bons souvenirs : « Il paraissait, a dit d’Alembert, s’intéresser à nos exercices, opinait avec autant de goût que de dignité sur les questions qui s’agitaient en sa présence, et finissait toujours par témoigner à la compagnie les regrets les plus obligeants de ce que la multitude de ses autres devoirs ne lui permettait pas de s’acquitter, comme il l’aurait voulu, de celui d’académicien. » Un jour, dans un de ces moments d’effusion comme il en avait volontiers, il demanda à ses chers confrères la permission, ne pouvant être aussi souvent qu’il l’aurait voulu parmi eux, de leur être présent au moins en peinture et de leur envoyer son portrait.

1673. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Le marquis d’Argenson, lisant plus tard le volume des Œuvres de l’abbé de Pons, se souvenait d’avoir connu autrefois l’auteur, et en parlait en ces termes, n’écrivant que pour lui seul23 : Je crois que c’est chez Mme la marquise de Lambert que je l’ai vu.

1674. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

» Il est une chose à laquelle je tiens beaucoup, même dans l’éloignement entre amis et dans le relâchement des liens, c’est qu’il y ait et qu’il reste bienveillance réelle et souvenir affectueux, et sans amertume.

1675. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Ce Moretum, si l’on s’en souvient, est le nom d’une espèce de sauce ou de brouet à l’ail que faisaient les paysans ; à propos de cette sauce et de sa préparation, la vie pauvre et misérable que menaient les gens de campagne se trouve décrite, dès l’aube du jour, avec un détail et une réalité qui semblerait n’appartenir qu’à la poésie d’aujourd’hui, à celle de Crabbe, par exemple, ou encore à celle de Regnier.

1676. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Relation inédite de la dernière maladie de Louis XV. »

Si l’on veut connaître le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, sa vie est partout, son souvenir revit dans de nombreuses institutions de bienfaisance.

1677. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

La vie, le sentiment de la réalité, y respirent ; de frais paysages, l’intelligence poétique symbolique de la nature, une conversation animée et sur tous les tons, l’existence sociale du xviiie  siècle dans toute sa délicatesse et sa liberté, des figures déjà connues et d’autres qui le sont du moment qu’il les peint, d’Holbach et le père Hoop, Grimm et Leroy, Galiani le cynique ; puis ces femmes qui entendent le mot pour rire et qui toutefois savent aimer plus et mieux qu’on ne prétend ; la tendre et voluptueuse madame d’Épinay, la poitrine à demi nue, des boucles éparses sur la gorge et sur ses épaules, les autres retenues avec un cordon bleu qui lui serre le front, la bouche entr’ouverte aux paroles de Grimm, et les yeux chargés de langueurs ; madame d’Houdetot, si charmante après boire, et qui s’enivrait si spirituellement à table avec le vin blanc que buvait son voisin ; madame d’Aine, gaie, grasse et rieuse, toujours aux prises avec le père Hoop, et madame d’Holbach, si fine et si belle, au teint vermeil, coiffée en cheveux, avec une espèce d’habit de marmotte, d’un taffetas rouge couvert partout d’une gaze à travers la blancheur de laquelle on voyait percer çà et là la couleur de rose ; et au milieu de tout ce monde une causerie si mélangée, parfois frivole, souvent souillée d’agréables ordures, et tout d’un coup redevenant si sublime ; des entretiens d’art, de poésie, de philosophie et d’amour ; la grandeur et la vanité de la gloire, le cœur humain et ses abîmes, les nations diverses et leurs mœurs, la nature et ce que peut être Dieu, l’espace et le temps, la mort et la vie ; puis, plus au fond encore et plus avant dans l’âme de notre philosophe, l’amitié de Grimm et l’amour de Sophie ; cet amour chez Diderot, aussi vrai, aussi pur, aussi idéal par moments que l’amour dans le sens éthéré de Dante, de Pétrarque ou de notre Lamartine ; cet amour dominant et effaçant tout le reste, se complaisant en lui-même et en ses fraîches images ; laissant là plus d’une fois la philosophie, les salons et tous ces raffinements de la pensée et du bien-être, pour des souvenirs bourgeois de la maison paternelle, de la famille, du coin du feu de province ou du toit champêtre d’un bon curé, à peu près comme fera plus tard Werther amoureux de Charlotte : voilà, et avec mille autres accidents encore, ce qu’on rencontre à chaque ligne dans ces lettres délicieuses, véritable trésor retrouvé ; voilà ce qui émeut, pénètre et attendrit ; ce qui nous initie à l’intérieur le plus secret de Diderot, et nous le fait comprendre, aimer, à la façon qu’il aurait voulu, comme s’il était vivant, comme si nous l’avions pratiqué.

1678. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Il serait temps que la loquacité de nos hommes d’État se souvînt de ces grands et sobres exemples.

1679. (1874) Premiers lundis. Tome II « Quinze ans de haute police sous Napoléon. Témoignages historiques, par M. Desmarest, chef de cette partie pendant tout le Consulat et l’Empire »

Dans un temps où nous sommes affligés de la plaie des Mémoires, où le vrai et le faux, l’authentique et l’apocryphe, se confondent de plus en plus et deviennent presque impossibles à discerner ; quand le moindre contemporain et témoin du drame impérial s’autorise de quelques souvenirs, qui tiendraient en peu de pages, pour recommencer la chronique générale et desserrer volume sur volume ; il est précieux de trouver un homme qui a vu longtemps et de près, qui a manié et surveillé les plus secrets ressorts, et qui raconte avec sobriété les seules portions dont il se juge bien instruit.

1680. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Sainte-Beuve ait confondu, dans ses propres souvenirs, avec cet article du National qu’on vient de lire.

1681. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Si l’on se reporte au temps où il arbora ce principe, si l’on se souvient des inconséquences étroites et puériles des libéraux les plus francs, de leur intolérance hostile contre tout ce qui était catholique en religion, Allemand ou Anglais en poésie, on comprendra que la marche suivie par le Globe fût à la fois une nouveauté très-originale et un progrès très-réel.

1682. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Je vais, suivant la règle de l’école dogmatique française, disparaître moi-même derrière eux, et je prie instamment le lecteur de vouloir bien se souvenir que jusqu’à la Conclusion ce n’est plus moi qui parle, et qu’un auteur comique n’est point responsable des sottises que débitent ses personnages.

1683. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre VI. Du raisonnement. — Nécessité de remonter aux questions générales. — Raisonnement par analogie. — Exemple. — Argument personnel »

Sa mère, dont le nom fait battre tout son cœur, dont l’image emplit son cerveau, qui est présente dans tous ses souvenirs et dans toutes ses espérances, lui a recommandé, dans des termes qu’il sait par cœur, dans une lettre écrite sur certain papier, qu’il a dans sa poche, et dont son esprit aperçoit sans cesse la dimension, la forme et la couleur, de ne pas dire ni à tel et tel, qu’elle nomme, ni à personne, qu’elle lui a envoyé cinq louis d’or, qu’il a tenus entre ses doigts et qu’il a fait rouler un peu vite : tout cela forme un ensemble unique et compact d’idées et d’images.

1684. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre I. Influence de la Révolution sur la littérature »

Cela vaut par l’ironie acérée, par la netteté des formules dans le décousu du développement et l’incertitude de la pensée générale, par l’esprit qui revêt la violence, par un accent de passion sincère où la déclamation emphatique et les souvenirs classiques mettent seulement la date.

1685. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Guy de Maupassant »

Mais je me souviens nettement que Flaubert me parla avec enthousiasme de son jeune ami et qu’il me lut, de sa voix tonitruante, une pièce qui figura, quelques mois après, dans le premier volume de Maupassant : Des vers.

1686. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

Elle va plus haut et plus loin ; c’est sa beauté de défier les esprits symétriques qui, pour la comprendre, se souviennent encore d’eux-mêmes.

1687. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Les grands moralistes, ni Fénelon, ni l’abbé de Saint-Pierre, ne savaient dépeindre une échoppe ; ils inventaient de souvenir flou.

1688. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

Tandis que derrière leur soir Un souvenir de Train qui roule Au loin propage l’inespoir.

1689. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Conclusions » pp. 169-178

Lépine avait aussi, quand il voulait, le sourire, mais il lui arrivait trop souvent de prendre une grosse voix d’ogre et sa barbiche impériale, dans le feu des manifestations, était susceptible d’évoquer aux Parisiens de fâcheux souvenirs.

1690. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Puis se déroulent le double sommet qui domine Mageddo, les montagnes du pays de Sichem avec leurs lieux saints de l’âge patriarcal, les monts Gelboé, le petit groupe pittoresque auquel se rattachent les souvenirs gracieux ou terribles de Sulem et d’Endor, le Thabor avec sa belle forme arrondie, que l’antiquité comparait à un sein.

1691. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Les Samaritains avaient, alors comme aujourd’hui, l’habitude de donner à toutes les localités de leur vallée des noms tirés des souvenirs patriarcaux ; ils regardaient ce puits comme ayant été donné par Jacob à Joseph ; c’était probablement celui-là même qui s’appelle encore maintenant Bir-Iakoub.

1692. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Tel paysage, qui nous a charmés, parce que nous l’avons traversé dans une heureuse disposition d’humeur, parce qu’il s’est trouvé ce jour-là en harmonie avec notre état d’esprit, se grave dans notre mémoire avec une énergie singulière et garde dans nos souvenirs une importance disproportionnée avec la durée pendant laquelle il a frappé nos regards.

1693. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Suleau, dont on se souvenait peut-être à cause de son horrible mort, que par parenthèse Michelet a excusée, fut le tribun d’une royauté qui s’était assez abandonnée elle-même pour avoir, comme le peuple, besoin de tribuns pour la défendre.

1694. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

À la lire, en beaucoup de ses écrits (particulièrement en ses Souvenirs et Impressions littéraires), elle s’est dite ignorante, inconsciente, spontanée, une pauvre tête poétique, quoiqu’elle ne soit pas aussi poétique qu’elle le dit, la rusée !

1695. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Les souvenirs de l’enseignement par lequel l’auteur du mémoire sur Dante a passé n’ont pas opprimé sa pensée, s’ils ont joué dans quelques détails de son livre.

1696. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Parti de lord Byron avec la fougue que lord Byron communique à tous ceux qui l’aiment, il a fini par aboutir, dans son ralentissement d’ardeur, à Gray et à sa mélancolie ; mais, dans ce détiédissement d’un rayon qui n’est plus que doux et qui avait été brûlant, il n’a jamais dépouillé cet air que j’appelle l’air poétique anglais, et qu’il a encore dans les cendres de son Couvre-feu quand il caresse la tête de ses deux enfants et qu’il rabat jusqu’à eux et à leur souvenir cette hautaine idée de la gloire comme nous l’avons dans la jeunesse.

1697. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Roger de Beauvoir »

Le bien que nous dîmes de ce recueil de poésies est peut-être oublié ; mais nous nous en souvenons toujours.

1698. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

La seule pièce élégiaque du recueil est le Manchy, — un souvenir créole, — et tous les détails de ce morceau, qui sont charmants et délicieusement rendus, sont descriptifs.

1699. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

mais comment ne pas s’en souvenir ?

1700. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

Il les juge un peu à la vapeur, mais aussi bien qu’un esprit attentif puisse faire dans ce lancé de locomotive ou de steamer que l’on appelle maintenant voyager, et en attendant la découverte d’un moyen d’observation supérieure en rapport avec la rapidité des voyages ; car la vapeur, qui nous donne la vitesse des aigles, ne nous en donne pas le regard… Quoi qu’il en soit, des notions exactes en bien des choses, mêlées à des souvenirs classiques dont nous aimerons toujours l’écho, un style animé, qui a quelquefois, il est vrai, comme une éruption d’épithètes, — mais certaines marques ne nuisent pas à certains visages expressifs, — telles sont tes qualités d’un livre sans prétentions et dont l’auteur, d’un goût parfait, ne s’exagère pas d’ailleurs la portée : « J’ai vu — dit-il — Athènes avec bonheur, Constantinople avec étonnement, le Caire avec une vive curiosité.

1701. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Souvenez-vous de vos serments… et prononcez selon ce qui conviendra le plus à votre intérêt et au mien. » Socrate s’arrête… les juges se lèvent pour recueillir les voix, et il est condamné.

1702. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Sous l’influence du siècle qui finit, tout imprégné des souvenirs classiques, on le croit tout d’abord. […] Dirai-je à ce propos que c’est ce qui parfois me gâte un peu son personnage, la tranquille assurance avec laquelle, quand il se souvient, il prétend qu’il invente ? […] Négligeons même Boileau, quoiqu’en fait de religion, dès le temps des Satires, on pût aisément montrer qu’il inclinait vers le jansénisme, et que les jésuites, encore aujourd’hui, s’en souviennent. […] On ne dira donc pas à l’homme d’essayer de s’en distinguer, mais au contraire de s’y conformer, d’en user avec elle comme les membres avec l’estomac, de se bien souvenir qu’étant en elle il ne vit que par elle, et de ne jamais enfin la traiter en puissance ennemie. […] Stat magni nominis umbra  : c’est le souvenir d’un grand monument, mais le monument n’a jamais existé.

1703. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

. ; dont l’intérêt n’est déjà plus d’entretenir le culte des souvenirs, mais de chatouiller la curiosité. […] Perrault et ses Réflexions critiques sur Longin, pour ne se souvenir que de ce qu’il y a de plus étroit dans son Art poétique. […] Montesquieu, qui doit beaucoup, aussi lui, à l’abbé Dubos, a oublié de s’en souvenir ; — et il s’est contenté de le réfuter. […] Et ceci — tu peux voir si j’observe ma loi, — Montaigne, il t’en souvient, l’avait dit avant moi. […] Il en a pu lui-même connaître encore quelques-uns ; et, sur la plupart des autres, il a les souvenirs de ceux qui les ont connus.

1704. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

L’intelligence se règle en effet sur des perceptions présentes ou sur ces résidus plus ou moins imagés de perceptions qu’on appelle les souvenirs. […] Je le demande à l’auteur de « La Mentalité primitive », et j’évoquerai un souvenir très ancien, à peine plus vieux cependant que notre vieille amitié. […] Je demande au lecteur d’interroger ses souvenirs. […] On appelle imaginatives les représentations concrètes qui ne sont ni des perceptions ni des souvenirs. […] Nous avons montré jadis que ce qui fait la réalité d’une perception, ce qui la distingue d’un souvenir ou d’une imagination, c’est, avant tout, l’ensemble des mouvements naissants qu’elle imprime au corps et qui la complètent par une action automatiquement commencée.

1705. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Deuxième série

Il fut hanté très probablement des souvenirs du Socratisme et du Stoïcisme. […] Il n’est jamais gêné par des souvenirs dans l’intrépidité de son affirmation et dans l’audace de ses constructions idéales. […] Parce qu’il a à remonter ; parce qu’il sent en lui le souvenir d’une chute, ce qui lui donne l’instinct de relèvement ; le souvenir d’un abaissement, ce qui lui donne l’instinct d’un redressement ; le souvenir d’une perte, ce qui lui donne l’idée d’une récupération. […] D’une part, de mythes antiques plus ou moins arbitrairement interprétés, d’autre part, de souvenirs et impressions de la Révolution française. […] Il est des siècles où il est une cause, et très puissante ; il en est où il n’est qu’un prétexte ; il en est où il n’est qu’un souvenir.

1706. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Je me souviens, à ce propos, d’une lettre que M.  […] Cette scène remuait-elle en lui l’amer souvenir de quelque lecture manquée ? […] Je me souvenais que j’avais dû à l’auteur des Messéniennes ma première impression littéraire. […] Laissez-moi rassembler mes souvenirs. […] Et des souvenirs de lectures viennent « poétiser » cet obscur instinct de la femme.

1707. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Il serait fort à désirer que la première moitié de la définition, suffisamment démontrée pendant plus de vingt siècles, passât enfin à l’état de glorieux souvenir. […] Consultons nos propres souvenirs. […] Il serait facile de suivre, dans ce qu’on sait de la vie de chaque compositeur, la psycho-physiologie de la musique ; mais le détail en serait long, je m’en fie à vos souvenirs. […] Était-ce en souvenir d’elle qu’il avait donné d’abord le nom de Léonore à l’opéra qui s’appela ensuite Fidelio ? […] Il peint l’Orient sans l’avoir vu, comme s’il s’en souvenait.

1708. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Mais Éloa n’appartient certainement qu’à Vigny, et il est bien difficile de croire qu’en écrivant la Chute d’un ange, Lamartine ne s’en soit pas souvenu. […] Lorsqu’il se publie deux cent cinquante ou trois cents romans l’an, s’il y en a dans le nombre, je dis une douzaine qui méritent qu’on les lise, qui fassent agréablement passer une heure ou deux, dont on se souvienne avec un plaisir mêlé de reconnaissance, c’est beaucoup, et l’année est bonne. […] Maurice Spronck qu’il nous souvient de l’avoir exprimée avant lui. […] Spronck, « ni même dans leurs confidences ou dans leurs souvenirs ». […] Leur crainte perpétuelle a été, comme le disait l’un d’eux, « d’abonder dans leur sens individuel », et leur effort de se souvenir que l’art était fait pour l’homme et non l’homme pour l’art.

1709. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Souvenez-vous comme Joinville conte, en six lignes, la fin de son pauvre prêtre malade qui voulut achever de célébrer sa messe, et « oncques puis ne chanta et mourut. » Ouvrez un mystère, celui de Théophile, celui de la reine de Hongrie : quand on veut la brûler avec son enfant, elle dit deux petits vers sur « cette douce rosée qui est un si pur innocent  » ; rien de plus. […] Point de jugement ni de réflexion personnelle ; il met les faits les uns au bout des autres, sans les lier autrement ; son livre n’est qu’un miroir qui reproduit les souvenirs de ses yeux et de ses oreilles. « Et tous ceux qui diront un Pater et un Ave Maria à mon intention, je les fais participants, et leur octroie part à tous les saints pèlerinages que je fis oncques en ma vie. » C’est là sa fin, appropriée au reste. […] Après tout, il faut bien que les nouveaux venus tiennent compte de leurs sujets : car ces sujets ont un cœur et un courage d’hommes ; les Saxons, comme les plébéiens de Rome, se souviennent de leur rang natal et de leur indépendance première. […] Nos rois, ont livré avec eux huit batailles, et se tenaient dans leurs rangs qui formaient l’infanterie de nos armées, tandis que les rois de France se tenaient au milieu de leur cavalerie ; le prince montrait ainsi des deux parts où était la principale force. » De pareils hommes, dit Fortescue, peuvent faire un vrai jury, et aussi voter, résister, s’associer, accomplir toutes les actions par lesquelles subsiste un gouvernement libre ; car ils sont nombreux dans chaque canton ; ils ne sont point « abrutis », comme les paysans craintifs de France ; ils ont leur honneur et celui de leur famille à conserver », ils sont bien approvisionnés d’armes, ils se souviennent qu’ils ont gagné des batailles en France160. […] On se souvient que, dans les ballades, le héros populaire, Robin Hood, ordonne à ses gens d’épargner les yeomen, les gens de travail, même les chevaliers, s’ils sont « bons garçons », mais de ne jamais faire grâce aux abbés ni aux évêques.

1710. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

On est souvent conduit à se souvenir que les fondateurs spirituels de la cité furent des disciples de Jean le bien-aimé, l’apôtre des hardis commentateurs et des croyants mystiques. […] Le souvenir s’est transmis jusqu’à nous d’une Inès de Castro, accueillie par des larmes unanimes. […] Aussi laisse-t-il, outre ses grands et illustres attachements, toute une jeune famille d’amis et de disciples dont la piété pour sa mémoire est vraiment religieuse et dont les souvenirs les plus encourageants se rapportent à lui. […] Les hommes, les lieux et les choses de la Grèce ont gardé pour moi l’ardent attrait des souvenirs de famille ; il m’a toujours semblé que leur histoire était le commencement de nos traditions nationales. […] Aujourd’hui encore ce souvenir me fait frémir d’horreur, et je ne recommencerais pas les dix années de ma vie d’écolier au prix des grandeurs réunies d’Alexandre et d’Homère, de Phidias et de Platon.

1711. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Ainsi que chacun fasse justice, s’il le peut, avant sa mort. » Regardez à côté de lui ces monstres qu’il détruit, derniers souvenirs des anciennes guerres contre les races inférieures et de la religion primitive, considérez cette vie dangereuse, ces nuits passées sur les vagues, ces efforts de l’homme aux prises avec la nature brute, cette poitrine invaincue qui froisse contre soi les poitrines bestiales, et ces muscles colossaux qui, en se tendant, arrachent aux monstres un pan de chair ; vous verrez, dans le nuage de la légende et sous la lumière de la poésie, reparaître les vaillants hommes qui, à travers les folies de la guerre et les fougues du tempérament, commençaient à asseoir un peuple et à fonder un État. […] Pêle-mêle ici, les idées s’enchevêtrent ; tout d’un coup, par un souvenir brusque, le poëte, reprenant la pensée qu’il a quittée, fait irruption dans la pensée qu’il prononce. […] De son côté un chef se leva dans l’assemblée, et dit : « Tu te souviens peut-être, ô roi, d’une chose qui arrive quelquefois, dans les jours d’hiver, lorsque tu es assis à table avec tes comtes et tes thanes. […] Il récrit le texte pour l’approprier à leur intelligence ; les jolis vers de Boëce, un peu prétentieux, travaillés, élégants, peuplés de souvenirs classiques, d’un style raffiné et serré, digne de Sénèque, se changent en une prose naïve, longue, traînante, et pourtant hachée, semblable à un conte de fées qu’une nourrice fait à un enfant, expliquant tout, recommençant et brisant les phrases, tournant dix fois autour d’un détail, tant il faut descendre pour se mettre au niveau de cet esprit tout neuf, qui n’a jamais pensé et ne sait rien70.

1712. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il faut se souvenir de quelle profondeur de désordre Louis XIV tira la France, en prenant en main les affaires. […] Louis XIV eut à entendre de sévères paroles sur « ces victoires et ces conquêtes qui remplissent ici-bas la vanité des histoires, auxquelles on élève des monuments pompeux pour en éterniser le souvenir, et qui ne seront regardées, au jour du jugement, que comme des agitations stériles ou le fruit de l’orgueil et des passions humaines255. » Il se vit représenter les malheurs que ses fautes, avaient en grande partie suscités ; des batailles perdues lors même que la victoire paraissait assurée ; des villes imprenables tombées à la présence seule des ennemis ; un royaume, le plus florissant de l’Europe, frappé de tous les fléaux que Dieu peut verser sur les peuples dans sa colère ; « la cour remplie de deuil, et toute la race royale presque éteinte : malheurs singuliers que Dieu préparait à Louis XIV pour purifier les prospérités de son règne256. » Il eut à se reconnaître dans la peinture de ces guerres « où l’on voit les disciples de celui qui vient apporter la paix aux hommes, armés du fer et du feu les uns contre les autres ; les rois s’élever contre les rois, les peuples contre les peuples ; les mers, qui les séparent, les rejoindre pour s’entre-détruire ; chacun voulant usurper sur son voisin, et un misérable champ de bataille, qui suffit à peine pour la sépulture de ceux qui l’ont disputé, devenir le prix des ruisseaux de sang dont il demeure à jamais souillé257. » Massillon, devant ce roi plus que sexagénaire, parlait déjà le langage sévère de l’histoire. […] Les souvenirs de la Fronde lui avaient laissé un fonds de défiance contre La Rochefoucauld. […] Louis XIV disait à Boileau, qui assistait avec Racine au siège de Gand : « Je m’en souviens, c’est vous qui étiez le brave. » 245.

1713. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Souvenirs et regrets, voilà que vous devenez une dépense une fois faite ! […] Il entre chez nous, se met à causer de son père, du premier Empire, allume un cigare, et pris par l’intérêt de ce qu’il raconte, par le souvenir du passé et de la famille, nous fait toucher les changements survenus dans les habitudes, les mœurs, le train de vie de la bourgeoisie marchande. […] Et les uns sur les bateaux, les autres sur des périssoires, semant le lac d’éclairs, en coupant de la rame ou des palettes l’eau scintillante, évoquent dans cette banlieue un souvenir d’un lac de cette Italie, dont la langue revient en musique, sur les lèvres des hommes et des femmes. […] Et maintenant lui écrivant, et ne lui parlant que des souvenirs de son cœur de douze ans, il ne vivait plus que de cette flamme passée !

1714. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

Après la lettre sincèrement louangeuse, écrite ce matin à Daudet sur La Petite Paroisse, je ne puis me retenir, ce soir, de lui dire que j’aurais voulu, que son livre finît après la nuit de réconciliation, où revient entre l’époux et l’épouse le souvenir inchassable de l’adultère, empêchant le rapprochement des chairs. […] » On monte en haut, prendre le café et les liqueurs, et ce sont des embrassades, des rappels à mon souvenir, de gens dont j’ai oublié le nom et la figure, des présentations d’Italiens, de Russes, de Japonais, des remerciements de Gungl, le fils de Lagier, pour les quelques lignes de mon Journal sur sa mère, des lamentations de Rodin, se plaignant de sa fatigue et de son besoin de repos, la demande par Albert Carré d’un rendez-vous, pour causer de Manette Salomon, enfin l’accolade de ce grand toqué de Darzens, qui m’a dédié un volume, dont il ne m’a jamais donné un exemplaire. […] Mercredi 22 mai Voici des mots de cette grosse Mme Aubernon, qui semblent vraiment originaires du xviiie  siècle : « Ce qui fait la quiétude de ma vie… c’est d’avoir aboli le souvenir. » « Oui, je regrette souvent ma mère… mais très peu à la fois. » Samedi 25 mai Exposition de la Révolution et de l’Empire. […] Vendredi 29 novembre C’est positif, en fouillant mes souvenirs, je ne trouve chez moi, pendant toute ma jeunesse, aucun désir de devenir une personnalité de premier plan, je n’avais que l’ambition d’une vie indépendante, où je m’occuperais paresseusement d’art et de littérature, mais en amateur, et non, ainsi que cela a été, en forçat de la gloire.

1715. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Quelques Souvenirs, poésies (h. c.). — Quelques Poètes de l’Hérault, essai de critique. […] — Les Mirages, in-18, 1899. — Le Recueil de Souvenirs, poèmes, 1899, in-8e. — Sur les chemins de la Vie, 1897, in-18 […] Œuvres. — Les Reflets et les Souvenirs, (poèmes), l’Occident, 1904, in-4 raisin. — Les Hôtes inattendus, éd. de l’idée Libre, 1904, in-4. […] — Les Pauvres Gens, poésies, 1890. — Le Château des Rêves, poésies, 1890. — La Maison des Souvenirs, poésies, 1906. — La Vieillesse de Pierrot, un acte en vers, 1892. — L’Amoureuse Chasteté, roman, 1897. — Le Ressuscité, tragédie, 1901. — Victor Gelu et son Œuvre, critique, 1899. — L’affaire Syveton, ouvrage documentaire, 1905. — La Comédienne, un acte en prose, 1895. — Inceste d’âmes, cinq actes en collaboration avec Jean Laurenty (Théâtre Libre, 1896).

1716. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

— Un dernier souvenir à l’un de nos anciens amis ou du moins à l’une de nos connaissances de jeunesse.

1717. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Parmi les personnages et portraits charmants déjà en foule échappés à sa plume, nous en savons un dont nous voudrions lui inculquer le souvenir, parce qu’en même temps qu’il est proche parent de Lélia pour les principales circonstances, il a, dans le caractère et dans l’expression, la mesure, la grâce, la nuance qu’on aime et qui attire tout lecteur : ce personnage est celui de Lavinia, que l’auteur a peinte dans une Vieille Histoire.

1718. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

Celui-là a oublié le cœur humain depuis Hélène et Ariane jusqu’à la religieuse portugaise, jusqu’à l’amante du Giaour ; celui-là n’a jamais voyagé jeune en des pays lointains, et n’y a jamais cueilli sur une tige fragile son plus délicieux souvenir.

1719. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !

1720. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Pour être juste, il faut se souvenir du temps où vivait Calvin.

1721. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

[Souvenirs personnels (1883).]

1722. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Il a commencé par subir la discipline parnassienne, et il s’en souvient jusque dans son dernier recueil, où telle vision antique fait songer à quelque pastiche de Ronsard.

1723. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

» Je n’ai souvenir ni de l’article, ni du critique.

1724. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

En même temps qu’ils conservaient les souvenirs et souvent les costumes et les attributs des grotesques antiques, ils inventaient des caricatures nouvelles, des parodies satiriques.

1725. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Ita, ita, je me souviens d’avoir encore plus de quatre écus.

1726. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « F.-A. Cazals » pp. 150-164

* *  * Cette fin d’année 1899 se marque d’un caillou noir, dans mes souvenirs.

1727. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

« Bien que mal fortuné déjà, j’avais mes mercredis, écrit Verlaine dans ses souvenirs.

1728. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Dans nos civilisations affairées, le souvenir de la vie libre de Galilée a été comme le parfum d’un autre monde, comme une « rosée de l’Hermon 504 », qui a empêché la sécheresse et la vulgarité d’envahir entièrement le champ de Dieu.

1729. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

D’un autre côté, mes petits-enfants ne se souviendront pas de moi comme d’un ivrogne imbécile.

1730. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

tous les souvenirs qui l’honorent le plus, évoquez vos vertus premières, vos agréments naturels ou étudiés (roulez donc, période, roulez donc !)

1731. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

— on le pria, si je m’en souviens bien, de nous dire des vers au dessert, et on s’attendait à quelque chose comme les Petites blanchisseuses ou toute autre gaîté un peu vive de cet esprit qui traite parfois la grâce comme lui-même… en la grisant, et qui lui fait faire… (voulez-vous que je dise : trop souvent ?

1732. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

En effet, excepté ce grand comte de Clarendon, qui occupe dans l’histoire de son pays — dit Guizot — une place presque aussi large que Cromwell, tous les personnages que l’illustre historien évoque aux regards de notre esprit dans ses études biographiques sont des hommes morts à jamais dans le souvenir de ceux qui, comme la postérité prise en masse, ne voient et ne peuvent se soucier que des résultats généraux et des hommes qui les représentent.

1733. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Autrefois (on s’en souvient), Ranke, préoccupé de l’action de la personnalité humaine dans ce qu’on appelle la politique, l’y recherchait avec avidité.

1734. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Attiré par ce nom de Silvio Pellico, — astre de popularité, un moment, sur lequel un nuage avait passé, il nous en souvenait, — attiré surtout par ce nuage que nous aimions plus que l’astre lui-même, nous avons ouvert ces lettres posthumes et nous y avons trouvé ce que tout d’abord nous n’espérions guères y rencontrer.

1735. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Les souvenirs de l’orateur, plus ou moins brillants, ne nous voilaient pas l’homme d’idée.

1736. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Attiré par ce nom de Silvio Pellico, astre de popularité, un moment, sur lequel un nuage avait passé, il nous en souvenait, attiré surtout par ce nuage que nous aimions plus que l’astre lui-même, nous avons ouvert ces lettres posthumes et nous y avons trouvé ce que tout d’abord nous n’espérions guères y rencontrer.

1737. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Chastel, Doisy, Mézières »

C’était le temps — on s’en souvient avec confusion — où l’Économie politique, cette grande fille niaise d’une mère madrée, la Philosophie, apportait, comme une fiancée, au monde charmé, dans un pli de ses théories, et l’abolition de la misère, et le droit au travail, et la richesse universelle, et toutes ces magnifiques inepties ouvragées si péniblement par la science, faux bijoux d’un écrin que nous avons enfin vidé !

1738. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Après Hegel, voici du Renan, ce lâche hégélien que Hegel aurait méprisé : « Nous nous consolons de passer à travers le souvenir de la pensée universelle, comme passent les êtres à travers la vie, dans l’immensité de l’inconnu. » « La dispute philosophique, — dit encore, par la plume d’Armand Hayem, le vaniteux mandarin des mandarins qui veut constituer à son profit l’aristocratie de l’écritoire, — la dispute philosophique est le privilège de quelques esprits, jusqu’aux temps où ils pourront ouvrir à l’humanité des vues et des destinées nouvelles.

1739. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Or, en définitive, quelle est celle d’Émile Augier, parmi les poètes actuels du xixe  siècle, dont le xxe ne se souviendra pas ?

1740. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Alfred de Vigny, le fond incommutable de son génie, l’âme qui a rayonné, — pressentiment ou souvenir, — dans tout ce qu’il a écrit et tout ce qu’il écrira jamais, s’il écrit encore !

1741. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

De même, dans le Dimanche des Rameaux où tout est peint d’un ardent et vif mouvement de brosse, tout, excepté l’intérieur de l’église qui importait plus que le dehors, le poète va chanter la Mère Godichon, ce qui soulève… et fait penser que, si le pauvre et noble Dépouillé se souvient de son blason pourpré de gentilhomme, en regardant la pourpre et l’or d’un beau soleil couchant, les poètes ont aussi leurs blasons, comme les gentilshommes, leurs blasons qu’ils doivent toujours regarder !

1742. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Mais cet Illuminé intérieur, ce Visionnaire du Paradis perdu, avait voyagé dans sa jeunesse, et il avait remporté dans ses souvenirs le ciel et le soleil de l’Italie pour en éclairer sa cécité et ses vers… Corneille n’avait besoin d’aucun soleil pour être le poète qu’il a été.

1743. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

les inventions que sa fantaisie produit ou dont sa mémoire se souvient ?

1744. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Feuillet de Gonches »

Désormais les enfants qui liront cet Arioste du coin du feu et à leur usage garderont, dans cette imagination qui se souvient toujours des premiers baisers qu’on lui donne, la trace des deux lèvres paternelles qui s’y seront appuyées et y auront laissé leur phosphore.

1745. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre V. Des Grecs, et de leurs éloges funèbres en l’honneur des guerriers morts dans les combats. »

Je vais tâcher d’en donner une idée ; mais il faut se souvenir que ce n’est ici qu’un extrait, c’est-à-dire, une copie faible et par lambeaux, dans une langue qui n’a ni la richesse et l’harmonie de la langue grecque, ni la mélodie des accents, ni l’heureuse composition des mots, ni cette foule de liaisons qui enchaînent les idées, ni cette liberté des inversions qui met tant de variété dans la marche, et qui permet à la langue de suivre avec souplesse, et de dessiner, pour ainsi dire, tous les mouvements de l’âme et des passions.

1746. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Oui, celle qui ne vous a jamais vu, qui n’a fait que vous lire, qui, sur un mot sorti un jour de votre âme, se met à croire en vous, à s’y attacher, à vous suivre dans toutes vos vicissitudes ; qui se hasarde, après des années, à vous le dire en tremblant, sans se nommer ; qui est prête, parce que vous l’avez consolée une fois, à accourir si vous souffrez, si vous êtes dans le malheur, si seulement l’ennui vous prend et le dégoût du monde, de ses flatteries ou de ses amertumes ; qui vous dit : « Le jour où vous en aurez assez des plaisirs, où vous sentirez que les bons instants sont devenus bien rares et que le dévouement d’une femme ou d’une fille vous fait défaut, ce jour-là, souvenez-vous de moi, appelez-moi, faites un signe, et je viendrai » ; celle-là, dût-on ne jamais user de ce sacrifice charmant, donne au poète, fût-il de l’âme la plus altière et un mépriseur d’hommes comme Byron, le plus flatteur des diplômes et des certificats de poésie, la plus chère conscience de lui-même et sa plus belle couronne. […] C’est donc un portrait chargé qu’on va lire ; tout à l’heure chacun sera en mesure de le rectifier, en ayant sous les yeux les pages mêmes de la Correspondance, avant que l’humeur de Rousseau ait eu le temps d’aigrir et de gâter ses plus innocents souvenirs : « Cette liaison commença, dit-il, par être orageuse, comme toutes celles que je faisais malgré moi ; il n’y régna même jamais un vrai calme : le tour d’esprit de Mme de Verdelin était par trop antipathique avec le mien. […] Après l’avoir étudiée de si près et dans ses propres confidences, je crois quelquefois, en vérité, qu’elle est là devant moi, intelligente et parlante ; je me la représente en personne, avec cette physionomie pétrie de tendresse, de finesse, de douce malice et de bonté : l’amour a passé par là, on le sent, non point précisément celui qui enflamme et qui ravage, mais celui qui brûle à petit feu et qui, toutes peines éteintes, laisse après lui une réflexion légèrement mélancolique et attendrie ; arrivée à cet âge où l’on n’espère plus et où l’on a renoncé à plaire, sans pour cela se négliger, dans sa mise de bon goût et simple, tout en elle est d’accord, tout se nuance, et s’assortit ; elle ne craint pas de laisser voir à son front et à ses tempes la racine argentée de ses cheveux où il a neigé un peu avant l’heure ; elle ne cherche pas à prolonger une jeunesse inutile et qui ne lui a donné que des regrets ; elle est aussi loin de l’illusion sentimentale et de l’éternelle bergerie d’une d’Houdetot, que de la sécheresse mordante et polie d’une Luxembourg ; elle a gardé la seule jeunesse du regard, l’étincelle aimante ; elle continue de sourire à cette vie qu’elle n’a guère connue que triste et amère ; elle rêve fidèlement à ce passé qui lui a valu si peu de douceurs, elle a le culte d’un souvenir, et si elle tient encore dans ses mains un livre à couverture bleue usée (comme dans ce portrait de femme attribué à Chardin), je suis bien sûr que c’est un volume de la Nouvelle Héloïse.

1747. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

L’idylle qui en est le tableau se rapporte au séjour de Théocrite dans l’île de Cos ; c’est un souvenir de ses années de jeunesse et de florissant bonheur qu’il veut consacrer, et qu’il dédie à ses amis, à ses hôtes. […] S’exaltant à ce poétique souvenir, le chanteur s’écrie : « Ô bienheureux Comatas, c’est bien toi qui as été l’objet de telles douceurs ! […] Désormais pourtant, entrée dans une maison dont le maître connaît tant de sages remèdes pour repousser les maladies funestes des mortels, tu habiteras dans l’aimable Milet parmi les Ioniens, afin que Theugénis soit signalée entre les femmes de son pays pour sa belle quenouille, et que toujours tu lui représentes le souvenir de l’hôte ami des chansons !

1748. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Le profond respect que les Chinois conservent pour la mémoire de leur sage par excellence, et pour tout ce qui peut contribuer à leur en rappeler le souvenir, leur fait regarder ce tronc aride comme un monument digne de toute leur attention. […] « Pour la consolation des disciples qui s’étaient fixés avec leurs familles dans les environs, et pour remettre en quelque sorte sous leurs yeux celui dont le souvenir leur était infiniment cher, outre son portrait, qu’on plaça dans le sépulcre nouvellement construit, on y déposa encore tous ses ouvrages, ses habits de cérémonie, ses instruments de musique, le char dans lequel il faisait ses voyages et quelques-uns des meubles qui lui avaient appartenu. […] Ce simple exposé suffirait pour faire porter un jugement sans appel, et sur leur nature, et sur l’objet qu’on se propose en les pratiquant ; mais, comme on a déjà beaucoup écrit sur cette matière, et que le pour et le contre ont eu des partisans outrés, je crois, tout bien considéré, qu’il est inutile de redire ce qui a été dit cent et cent fois. » Il les caractérise néanmoins parfaitement, dans un autre volume de ses Mémoires, comme des rites purement civils et honorifiques, n’impliquant d’autre culte que le culte des souvenirs et de la vénération pour la mémoire de Confucius.

1749. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Toutes les fois depuis que j’ai entrepris de traiter des sujets déjà traités par d’autres modernes, je n’ai voulu lire leur ouvrage qu’après avoir esquissé et versifié le mien ; si je l’avais vu au théâtre, je cherchais aussitôt à ne plus m’en souvenir, ou si malgré moi je m’en souvenais, je m’attachais à faire, autant que possible, le contraire en tout de ce qu’ils avaient fait. […] Une médaille fut frappée pour perpétuer le souvenir de cet événement ; sur l’une des faces, on voyait le portrait de Charles-Édouard, sur l’autre celui de la jeune femme, et la légende, inscrite aussi sur la muraille de la chapelle, portait ces mots en latin : Charles III, né en 1720, roi d’Angleterre, de France et d’Irlande. 1766.

1750. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Erckmann et Chatrian sont très-jeunes), c’est que ces jeunes gens, dis-je, aient pu avoir, à distance, une connaissance si vraie, si précise et si complète, et pour ainsi dire l’impression photographiée et toute vivante d’un souvenir personnel de ces événements. […] Goulden tira de l’armoire une bouteille de son vin de Metz, qu’il gardait pour les grandes circonstances, et nous soupâmes en quelque sorte comme deux camarades ; car, durant toute la soirée, il ne cessa point de me parler du bon temps de sa jeunesse, disant qu’il avait eu jadis une amoureuse, mais qu’en l’année 92 il était parti pour la levée en masse, à cause de l’invasion des Prussiens, et qu’à son retour à Fénétrange, il avait trouvé cette personne mariée, chose naturelle, puisqu’il ne s’était jamais permis de lui déclarer son amour : cela ne l’empêchait pas de rester fidèle à ce tendre souvenir : il en parlait d’un air grave. […] Et quand on lit cet évangile du pauvre peuple en 1814, et qu’on voit les enfants de ce peuple vaniteux épris d’un nom, qu’il a grandi, tantôt avec raison, plus souvent avec démence, oublier tant de misères pour ne se souvenir que de quelques grands jours marqués d’un bulletin menteur dans sa mémoire, proclamer qu’il n’a jamais été battu et qu’il a marché de triomphe en triomphe de Moscou, de Rome, de Madrid, de Lisbonne à Paris et à Fontainebleau ; niant Moscou, niant Eylau, niant Ulm, niant Leipzig, niant Salamanque, Vittoria et Abrantès, niant Montmartre, niant Waterloo, niant à peu près autant de mémorables revers qu’il a proclamé de victoires ; on est tenté de déchirer ces pages d’histoire falsifiée par des écrivains trompés ou trompeurs, et de ne reconnaître pour historiens vrais que deux noms et un romancier Erckmann Chatrian.

1751. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Là, tous avaient part aux mêmes souvenirs, tous se glorifiaient des mêmes trophées 158 tous avaient contemplé la même Minerve et le même Jupiter. […] Vous avez pu chasser Voltaire de votre bibliothèque, vous ne le chasserez pas de votre souvenir ; car Voltaire, c’est vous-même. […] C’est un des bienfaits de l’Empire d’avoir donné au peuple des souvenirs héroïques et un nom facile à comprendre et à idolâtrer.

1752. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

La marquise, combinant des souvenirs d’Italie et d’Espagne, en traça le plan elle-même. […] Ces jeux peuvent avoir disparu depuis longtemps ; mais quelque dicton, quelque métaphore entrée dans le langage courant en conservent le souvenir. […] On peut le voir encore dans ces spectacles grandioses qu’en Suisse une ville ou un canton déroule sous la voûte du ciel, tantôt en l’honneur de l’agriculture, tantôt en souvenir de l’indépendance conquise et assurée.

1753. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

  « Ainsi nous nous sentions éloignés du monde ordinaire, par l’influence de l’atmosphère acoustique et optique sur notre sensibilité, et nous en avions conscience et souvenir lors de notre retour au jour… » C’est par ces paroles que Wagner termine sa lettre sur Parsifal. […] Ernst, qu’il faille négliger les souvenirs personnels de ceux qui ont eu le bonheur d’entendre le maître ; mais nous ne les acceptons que quand, comme ici, ils viennent d’un témoin digne de foi et qu’ils sont datés. […] Derrière cette joie il aperçoit la tristesse et reconnaît, comme dirait Schopenhauer, la « tromperie du corps », il aperçoit la souffrance que donne le désir (das sehnen, das furchtbare sehnen), et le secret du monde, la souffrance, lui apparaît dévoilé ; il se souvient d’avoir vu sur sa route des hommes qui souffraient, et sa propre souffrance, il la réunit avec la leur (Des Heilands Klage da vernehm ich, die Klage, ach !

1754. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

« Il n’y a qu’une réponse : c’est que, depuis d’innombrables générations, la vue du soleil couchant est associée au sentiment de la fin du travail, du repos, de la satisfaction. » C’est trop dire, sans doute ; les teintes mêmes du soir et sa fraîcheur ont un effet psychologique qui entre comme élément dans notre émotion ; nos souvenirs personnels y sont aussi associés, et non pas seulement les réminiscences ancestrales ; pourtant il est plausible d’admettre que le calme des heures de repos goûtées par le genre humain depuis des siècles descend en nous avec les ombres du soir. […] Au contraire, « la satisfaction de la volonté échappe par elle-même à la conscience », parce qu’elle ne produit aucun étonnement ; la volonté ne ressent que les satisfactions qui provoquent, par le contraste même, le souvenir d’expériences tout opposées, la comparaison, le souvenir, le raisonnement.

1755. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Toute représentation en fait nécessairement surgir une autre : point de perception présente sans quelque souvenir, sans quelque représentation du passé. […] C’est le rythme naturel à l’esprit que d’aller toujours du phénomène présent en arrière par le souvenir et en avant par l’attente. […] Sur ce thème fondamental et continu on peut broder toutes les harmonies imaginables ; on retrouvera toujours au fond le même accord essentiel : présent et avenir, souvenir et attente.

1756. (1909) De la poésie scientifique

En l’art de Moréas, à cette heure, venaient valeureusement s’unir, et la manière prosodique de Verlaine, devenue en lui plus complexe et mieux déterminée, et la pensée de Mallarmé, avec souvenir de Baudelaire de qui d’ailleurs Mallarmé avait procédé aussi, initialement. […] Le souvenir a gardé, reproduit et traditionnalisé l’expression phonétique en la nuançant sans cesse  Cette complexe vibration sensitive, représentative du divers phénomène universel et de ses rapports avec l’Etre qui s’en émeut, quand elle se mua dans la conscience en sentiment et en pensée s’est simplifiée et abstraite aux images schématiques de l’Idée. […] L’un d’hier, l’on s’en souvient, M. 

1757. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

… Tenez j’aurais voulu que vous fussiez mort, l’année dernière, vous m’auriez laissé au moins la mémoire et le souvenir d’un ami !  […] Un tel oubli et une telle absence, qu’on se dit deux fois : « Bonjour », sans se souvenir de la première. […] Souvenir de fange d’où l’on peut faire sortir du sublime !

1758. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Les sensations m’accablent… Il est des moments où les traits de mes amis, de mes parents, un lieu consacré par un souvenir, un arbre, un rocher, un coin de rue sont là devant mes yeux, et les cris d’un porteur d’eau de Paris me réveillent. […] Les fous et les criminels ont une vanité inconcevable, qui le plus souvent empêche chez eux le développement de tout sentiment altruiste ; ils tuent pour faire parler d’eux, pour devenir le personnage du jour, pour voir leur nom dans les journaux et se faire à eux-mêmes de la publicité, pour être craints ou plaints, ou même pour devenir un objet d’horreur. — Le crime accompli, ils tâchent d’en prolonger le souvenir de toutes les manières en le racontant avec les détails les plus horribles, en le mettant envers. […] Beaucoup de criminels sont artistes dans une certaine mesure : hantés par l’idée du meurtre ou du vol, ils en composent d’avance dans leur esprit les diverses péripéties, et tout cela devient ensuite pour eux une sorte d’épopée vécue dont ils s’efforcent d’éterniser le souvenir.

1759. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Si le souvenir du lecteur n’y aide pas, s’il ne reconnaît pas subitement ce qu’on lui indique, la plupart du temps cet effort échouera. […] On ne lit, on n’aime communément un livre que s’il agrée, s’il met en jeu un système de sentiments, d’idées, de souvenirs que l’on possède, s’il exprime peu ou beaucoup les inclinations, l’idéal, la manière de voir que l’on a. […] Cependant, il nous semble que les Intimités laissent au souvenir une émotion parente et celle qu’on éprouve en lisant l’Intermezzo.

1760. (1894) Textes critiques

A la fois joli, correct et classique, malgré cela on peut suivre le vol de ces ailes de lycénides sans l’escorte de souvenirs du XVIIIe siècle […] Minutes d’art II De Miss Cassatt, talent comme tous les féminins fait de réminiscences, gardons le souvenir des deux femmes aux épaules d’ablutions, couleur de bai sable de mer, et de peut-être aussi l’espalier encore chez Durand-Ruel1. […] Augier, Dumas fils, Labiche, etc., que nous avons eu le malheur de lire, avec un ennui profond, et dont il est vraisemblable que la génération jeune, après les avoir peut-être lus, n’a gardé aucun souvenir.

1761. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

A peine m’en souviens-je ; l’intérêt personnel l’a successivement affaiblie. […] Parce qu’un moment après, l’animal bienfaisant avait oublié le service rendu, le bestiaire était-il dispensé de s’en souvenir ? […] Je te dois la vie, si je m’en souviens ; la mort, si tu, m’en fais souvenir  ; rien, si tu m’as sauvé par vanité. […] « César dit : Je m’en souviens. […] Si je suis susceptible d’une indignation forte et momentanée, mon mépris s’évanouit avec le souvenir de ceux que j’ai méprisés.

1762. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

C’est une tête bien meublée pourtant, remplie de souvenirs classiques ; il lisait peu de livres, mais il les relisait beaucoup. […] On dirait un vieillard s’entretenant familièrement avec ses amis, laissant doucement couler les réflexions de son grand âge, les souvenirs de son expérience, les trésors de sa mémoire, il ne veut rien faire pour sa gloire de toutes ces richesses ; il en use pour son plaisir, il aime à conter comme tous les vieillards, et le souvenir de ce qu’il a lu, de ce qu’il a vu et entendu, s’entremêle à ses discours et en augmente le prix et le charme. […] Sa vie avait été déréglée ; il ne trouve pas que ce soit assez, et après avoir vécu en libertin, il faut encore qu’il donne à soi et aux autres le plaisir d’en perpétuer le souvenir. […] Était-ce chez Louis XIV souvenir de la Fronde, ou crainte de cet observateur pénétrant, dont la réputation était déjà grande, et dont une partie des Mémoires avaient paru en 1662 ? […] Mille exemples, présents à mon souvenir, s’élèvent à la fois contre elle.

1763. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Se souvient-on d’Aiol, le bon chevalier, l’ancêtre de don Quichotte ? […] La perfection morale n’y est représentée que par les saints et les martyrs, figures abstraites plutôt qu’idéales, effigies sans profondeur, taillées sur un patron convenu, qui n’ont pas assez de consistance pour rester debout dans notre souvenir. […] Mais les critiques du xviiie  siècle se souviennent trop de leur éducation pour perdre le souci des sages tempéraments. […] On aime à se souvenir qu’un autre réaliste, de plus de cœur et par là même de plus de pénétration — car c’est par le cœur que l’on comprend le peuple, bien plus que par l’esprit — Tolstoï, a fait l’apologie de l’âme populaire, si méprisée chez nous. […] L’Homme à la houe évoque fatalement le souvenir du Paysan de La Bruyère : sa rude architecture se soutient de la houe comme d’un contrefort, pendant qu’il prend un repos qui ne peut jamais être un délassement et se borne au répit ; une sorte d’hébétude lui serre le front comme aux griffes d’un étau.

1764. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Je suis encore là, avec les sensations organiques qui m’arrivent de la périphérie et de l’intérieur de mon corps, avec les souvenirs que me laissent mes perceptions passées, avec l’impression même, bien positive et bien pleine, du vide que je viens de faire autour de moi. […] Je puis, à la rigueur, écarter mes souvenirs et oublier jusqu’à mon passé immédiat ; je conserve du moins la conscience que j’ai de mon présent réduit à sa plus extrême pauvreté, c’est-à-dire de l’état actuel de mon corps. […] Il n’y a d’absence que pour un être capable de souvenir et d’attente. Il se souvenait d’un objet et s’attendait peut-être à le rencontrer : il en trouve un autre, et il exprime la déception de son attente, née elle-même du souvenir, en disant qu’il ne trouve plus rien, qu’il se heurte au néant. […] La conception d’un vide naît ici quand la conscience, retardant sur elle-même, reste attachée au souvenir d’un état ancien alors qu’un autre état est déjà présent.

1765. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’ai été assez étonné de lui trouver l’esprit si libre, et il m’a paru plus spirituel que je ne le croyais. » Et quelques jours après (25 mars) : « … Chateaubriand a parlé de religion chez Mme de Duras ; il la ramène sans cesse, et ce qu’il y a d’assez étrange, c’est le point de vue sous lequel il la considère : il en croit une nécessaire au soutien de l’État, il aime les souvenirs, et il s’attache à celle qui a existé autrefois dans son pays ; mais il sent fort bien que les restes auxquels il veut s’attacher sont réduits en poudre ; il croit nécessaire aux autres et à lui-même de croire ; il s’en fait une loi, et il n’obéit pas. […] J’évitais de toutes mes forces d’être confondu avec la nation dont je parle la langue, pendant ses triomphes ; mais je sens vivement, dans ses revers, combien je lui suis attaché, combien je souffre de sa souffrance, combien je suis humilié de son humiliation… Mille intérêts communs, mille souvenirs d’enfance, mille rapports d’opinion, lient ceux qui parlent une même langue, qui possèdent une même littérature, qui défendent un même honneur national.

1766. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Une autre règle pratique qu’il suivait dans ses doutes sur la langue et qu’il pose en principe général, c’est qu’en pareil cas « il vaut mieux d’ordinaire consulter les femmes et ceux qui n’ont point étudié que ceux qui sont bien savants en la langue grecque et en la latine. » Ces derniers, en effet, quand on les interroge sur un cas douteux qui ne peut être éclairci que par l’usage, compliquent à l’instant leur réponse, et en troublent, pour ainsi dire, la sincérité par le flot même de leurs doctes souvenirs, oubliant trop « qu’il n’y a point de conséquence à tirer d’une langue à l’autre. » Ainsi Erreur est masculin en latin, et féminin en français ; Fleur, de même ; c’est l’inverse pour Arbre. […] Mais, dans toute cette réponse, d’ailleurs, le bon sens se présente de plus en plus habillé de termes étranges et de souvenirs bizarres, tirés pêle-mêle de tous les tiroirs à la fois.

1767. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Vous courez à l’endroit d’où ils sont partis, et vous n’y trouvez que quelques plumes, seules marques de leur passage, que le vent a déjà dispersées : heureux le favori des Muses qui, comme le cygne, a quitté la terre sans y laisser d’autres débris et d’autres souvenirs que quelques plumes de ses ailes !  […] Si, dans l’Élégie intitulée Patriæ desiderium, il sut chanter en un latin agréable les souvenirs de l’Anjou, de son cher Liré et des rives de Loire, il fit mieux d’y revenir en français, et je ne sais pas de meilleure leçon de goût pour un jeune poète que de lui donner à lire la pièce latine, si élégante, de Du Bellay, en mettant à côté et en regard le même tableau qu’il a rendu en français dans ce petit chef-d’œuvre qu’on peut appeler le roi des sonnets.

1768. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Cela est moins facile à celui qui est engagé ; il semble que le mariage met tout le monde dans son ordre. » Ceux à qui ce calcul de célibat déplairait pour La Bruyère, peuvent supposer qu’il aima en lieu impossible et qu’il resta fidèle à un souvenir dans le renoncement. […] Je me trompe fort, ou de tels souvenirs domestiques furent un fait capital dans l’expérience secrète et la maturité du penseur.

1769. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Il s’emportait contre ces hommes « qui d’abord pleins de goût pour la vérité frappés ensuite d’aveuglement avaient profané de leur rire audacieux et sacrilège le gage sacré de la vie éternelle. » Rabelais s’en souvint en écrivant son quatrième livre. […] On se souvient du joyeux frère novice de Fontenay-le-Comte.

1770. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

La grâce y est plus rare ; j’entends par là l’expression naïve de sentiments personnels à l’homme, alors que, pour féconder un sujet imaginaire, il mêle aux formules de la poésie amoureuse de son temps le souvenir d’émotions qu’il a connues. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles.

1771. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Avant ce siècle, ainsi qu’il résulte des livres tant savants qu’écrits en langue vulgaire, l’idée de l’humanité est à peine touchée ; et, dans cette universelle préoccupation du présent, elle ne paraît guère qu’un souvenir involontaire qui se glisse parmi les pensées données aux choses contemporaines. […] Chemin faisant il parle à chacun selon ses besoins, s’aidant pour les persuader de tout ce qu’ils voient et de tout ce qu’ils aiment, tirant ses comparaisons des usages de leur vie, de leurs habitudes domestiques, de leurs souvenirs, rendant les enseignements sensibles en y intéressant leur imagination et leur cœur.

1772. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

Et en 1882, dans l’article daté de Venise, 1er novembre, et consacré au souvenir des représentations de Parsifal qui venaient d’avoir lieu, il écrit : « Oublier dans la contemplation de l’œuvre d’art — rêvée mais vraie — le monde réel du mensonge, c’est la récompense pour la douloureuse véracité qui nous a forcés de reconnaître que ce monde n’est que misère » (X, 395). — Nulle part, dans ce poème de Parsifal, nous ne touchons au monde réel. […] On se souvient que le Gral, dans le poème de Wolfram d’Eschenbach, n’est qu’une pierre précieuse, d’origine incertaine, « lapis exilis ».

1773. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

Le retour de ma santé ; les bontés que j’ai éprouvées de tout le monde ; ce bonheur, si indépendant de tout mérite, mais si commode et si doux, d’inspirer de l’intérêt à tous ceux dont je me suis occupé ; quelques avantages réels et positifs76 ; les espérances les mieux fondées et les plus avouées par la raison la plus sévère ; le bonheur public (on était alors sous le ministère Turgot), et celui de quelques personnes à qui je ne suis ni inconnu ni indifférent ; le souvenir tendre de mes anciens amis ; le charme d’une amitié nouvelle, mais solide, avec un des hommes les plus vertueux du royaume, plein d’esprit, de talent et de simplicité, M.  […] Trop maladif et trop irrité pour mériter jamais d’obtenir une place dans la série des véritables moralistes, son nom restera attaché à quantité de mots concis, aigus, vibrants et pittoresques, qui piquent l’attention et qui se fixent bon gré mal gré dans le souvenir.

1774. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

À peine s’il s’en souvient, et s’entretient-il d’eux, c’est avec un regard qui a l’air de fouiller la lointaine cantonade de ses souvenirs.

1775. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Et ce sont mille souvenirs qu’il évoque dans cette promenade, où il jette, de temps en temps, des poignées d’ironies, des croquis, des paysages, des villes trouées de boulets, saignantes, éventrées, des ambulances où les rats entament les blessés. […] » Dimanche 13 juin Le soir, après dîner, dans le jardinet de Charles Edmond, sur la petite terrasse contre la ruelle menant aux champs, Saint-Victor et nous, nous évoquons le passé, remontant aux Grecs et aux Latins, faisant de nos souvenirs de classe, jaillir les étincelles et les rapprochements, appréciant et commentant le latin de Tacite, le latin de Cicéron, le latin de M. 

1776. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Poutre, c’est pouliche ; on se souvient des « poutres hennissantes » de Ronsard. […] Se souvenir du latin pruna.

1777. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Si Balzac, le grand Balzac du xixe  siècle, — car il a pris à l’autre Balzac, à Balzac l’Ancien, le titre de grand qui ne lui sera, à lui, jamais ôté par personne, — si Balzac avait pensé à nous donner une duchesse de Longueville, comme il nous a donné une Catherine de Médicis, nous l’aurions là devant nous, animée d’une vie plus intense que la vie réelle, pénétrée du dehors au dedans et du dedans au dehors par une telle lumière, qu’elle resterait à tout jamais, — comme les grands portraits faits par les Maîtres, — rayonnante et fixe dans notre souvenir ! […] Cousin ne voudrait pas laisser pour souvenir à la jeune École, dont il est le chef, le spectacle de l’homme de l’avenir, devenu le galant des femmes du passé.

1778. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Du docteur Pusey et de son influence en Angleterre »

C’est depuis 1820 surtout que les prétentions du parti anglo-catholique, inspirées par d’impérissables souvenirs et appuyées sur la science, ont contracté un degré de netteté et d’influence légitime qu’il a été impossible, même aux plus fanatiques anglicans, de méconnaître. […] Au milieu de ces conversions qui se sont suivies, en vingt années, — comme certains éclairs se suivent à l’horizon, — avec une électricité silencieuse, Oxford, appuyée sur sa force séculaire, et d’ailleurs la vue affaiblie comme tous les pouvoirs qui ont fait leur temps, pouvait endormir ses inquiétudes dans le souvenir orgueilleux de son passé.

1779. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

En effet la solidarité humaine est limitée dans l’espace par des communautés d’intérêts, intérêts immédiats, plus forts encore que l’unité idéale ; ces intérêts résultent par exemple de la nature du sol, de ses produits, des relations personnelles, des institutions, de la langue, des souvenirs, en un mot d’un ensemble de faits acquis par l’histoire. — Quels que soient les rapports de l’individu avec le milieu où il vit, qu’ils soient d’hostilité négative, ou au contraire de sympathie agissante, ou simplement de passivité, le fait est que l’existence d’un individu est inséparable de l’existence d’un certain groupe de contiguïté. […] Si les groupes primitifs ont perdu peu à peu leur autorité politique, législative, coercitive, si par exemple le pater familias n’est plus qu’un souvenir, cela est dans la nécessité des choses, et c’est par une conception nouvelle des devoirs que nous conserverons à la famille, à la commune, à la province leur efficacité dans le développement total.

1780. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

L’histoire a daigné perpétuer le souvenir de ses bonnes fortunes. […] Il ne resta aux Grecs de cette conquête si brillante que le souvenir de l’avoir faite, & l’avantage de savoir écrire des Romans.

1781. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

— Rabelais et Scarron l’avaient fait rire autrefois, mais elle ne s’en souvenait plus ; elle n’avait que peu de mémoire pour tout ce qui était frivole ou de peu d’intérêt, et n’avait jamais rien oublié d’intéressant.

1782. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Au lieu de ces souvenirs classiques que M. 

1783. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

« Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse.

1784. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Qui sait si l’image offerte par la calomnie ne combat pas quelquefois contre la vérité des souvenirs ?

1785. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Son principe d’organisation lui est fourni par le souvenir toujours présent du xvie  siècle, et par la volonté de ne pas le recommencer.

1786. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Elle a été jadis assassinée par son mari, qui était aussi l’assassin de son père : aucun souvenir n’a donc à contraindre ses sentiments.

1787. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Rod ses meilleures pages : par exemple celles où, par un ciel gris de novembre, serré en vain contre sa compagne, il sent « le je ne sais quoi d’étranger qui subsiste quand même en eux malgré la fusion de leurs vies (p. 48-49) », et celles encore où il exprime le navrement de tout souvenir, quel qu’il soit, et aussi ce sentiment singulier qu’on est plusieurs êtres successifs qui semblent indépendants les uns des autres, et que le « moi » coule comme l’eau d’un fleuve ou le sable d’une clepsydre… (P. 54-55.)

1788. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Quelques-unes de ses couleurs familières ont passé de mode, qui furent à l’origine d’une teinte, je me souviens, excitante, cuisse-de-nymphe émue et même pâmée.

1789. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

Ceux qui virent la seule exposition un peu considérable de ses peintures s’en souviennent : c’était Le Chocolat, La Couturière bleue, La Femme aux chiffons, La Lampe.

1790. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Mais Nicolas n’avait de juif que le sang ; Josèphe déclare avoir été parmi ses contemporains une exception 130, et toute l’école schismatique d’Égypte s’était détachée de Jérusalem à tel point qu’on n’en trouve pas le moindre souvenir dans le Talmud ni dans la tradition juive.

1791. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite : Le serviteur n’est pas plus grand que son maître.

1792. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

L’auteur y oppose l’amour de la gloire qui, chez les peuples anciens, à Rome surtout, payait les plus grands services ; il s’exalte de nouveau et avec une éloquente chaleur au souvenir de ces grands hommes de la république romaine, dont il sent si bien la dignité.

1793. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

De tous les Vers qu'il a donnés au Public [& dont on ne se doute pas que le nombre soit aussi grand], on ne se souvient guere que de son Ode sur le Temps, & de son Epître au Peuple.

1794. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

» Un esclave eut ordre de se tenir debout derrière lui, à sa table, et de lui répéter par trois fois, pendant le repas ; — « Maître, souviens-toi des Athéniens ! 

1795. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.

1796. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Quels souvenirs et quelle expression dans le regret qui les accompagne !

1797. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VIII. Mme Edgar Quinet »

J’y ai trouvé d’abord la femme infusée dans l’époux, une Madame Denis de la démocratie faisant des livres avec des souvenirs personnels extrêmement flatteurs pour Monsieur Denis, et cette petite femme, je l’ai tout d’abord dégustée ; mais à présent je me régalerai, si vous permettez, du bas-bleu.

1798. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Il seyait à cette pure femme de n’être vue que dans le jour respectueux du souvenir de quelque grande amitié qui répondait pour elle, comme celle de Joseph de Maistre, par exemple, ou dans la lumière, émue et rougissante, dont les quelques gouttes tremblent d’une manière si charmante, dans ce peu de pages qu’elle nous a laissées.

1799. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Blaze de Bury, qui se souvient trop des types officiels et classiques quand il faudrait analyser, creuser ou peindre, appelle tour à tour madame de Platen Phèdre, Médée ou Messaline, pour nous donner une juste idée des fureurs d’amour, de jalousie et de vengeance, qui luttèrent en elle.

1800. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Albert Blanc se l’est peut-être mieux rappelé que Sainte-Beuve, dont la généreuse mémoire ne se souvient probablement que de ce qu’il a fait lui-même, et si Blanc se l’est rappelé, ce lui fait honneur, mais ce lui en eût fait davantage s’il en était convenu avec la noblesse de la bonne foi.

1801. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

si l’on peut dire œuvres de ces traits marqués en quelques mots, et par cela même plus durables, d’autant plus fixes dans le souvenir qu’ils sont plus brefs, comme ces insectes lumineux qui restent mieux immobiles sur leurs courtes ailes.

1802. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

Mais Prévost-Paradol, ce professeur trop parfumé des souvenirs de l’Antiquité (comme ils disent entre eux) pour n’en pas exhaler à chaque instant de rudes bouffées, Prévost-Paradol, qui, dans un autre endroit de ces Essais de littérature et de politique, compare Lamennais, le vieux Lamennais que nous avons tous connu, à Psyché, fait donner à certains moments à la rhétorique tout ce que la malheureuse peut donner.

1803. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Abailard et Héloïse »

Inspirer les angoisses de la jalousie aux autres femmes, voilà les paradis de sa pensée quand elle se souvient et quand elle rêve !

1804. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIX. Abailard »

Inspirer les angoisses de la jalousie aux autres femmes, voilà les paradis de sa pensée quand elle se souvient et quand elle rêve !

1805. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

Il est vrai que, depuis cette déclaration de catholicisme, il avait malproprement insulté la Vierge, justement dans cette lettre adressée à l’auteur de l’Appel au Christ, et ce souvenir nous a empêché de nous étonner beaucoup de ses insultes présentes.

1806. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

II Quant à moi, j’ai cherché vainement dans mes souvenirs de littérature quelque chose de comparable à ces pages enragées, écrites jour par jour d’agonie.

1807. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Vieille, — quand elle le sera tout à fait, — c’est avec les tremblements de tête d’une adorable vieille émue, que la langue française se retournera encore vers Ronsard, son mâle et impétueux premier-né, pour se rajeunir en se baignant dans le souvenir de cette aurore !

1808. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Comme beaucoup de nous, il a été, ainsi que l’a dit un moraliste énergique5, « le propagateur des vices dont il fut le produit. » Il les a si bien propagés, les vices sociaux du dix-neuvième siècle, que l’histoire littéraire ne se souviendra de lui que pour le condamner et le flétrir… Après cela, qu’on dise, si l’on veut, qu’il fut bon, sensible et cordial dans l’intérieur de sa vie, qu’importe !

1809. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

une fois la plume dans l’écritoire, le tempérament, les habitudes, l’amour du pittoresque sentimental ou plastique, la rage de montrer de l’esprit, — de celui qu’on a et… aussi de l’autre, — les éblouissements de la paillette, l’idolâtrie des pétards et des feux d’artifice, les admirations et les souvenirs, ces tyrans charmants de leur pensée, Chamfort, Rivarol, Marivaux, Diderot et même M. 

1810. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

Quoiqu’alors la Grèce fût esclave des Romains, on se souvenait encore des sentiments que l’ancienne liberté inspirait ; et quand l’éloquence trouvait une âme noble, cette éloquence faisait revivre les idées des Miltiade et des Périclès ; c’est ainsi que dans la populace de Rome moderne, il y a eu des temps où l’on entrevoyait les descendants des Scipions.

1811. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Un prince disait à son fils en mourant : « Je te lègue tout, mes armées, mes États, mes trésors, et le souvenir de ce que j’ai fait de bien ; mais je ne puis te léguer ma gloire ; si tu n’en as une qui te soit personnelle, la mienne n’est qu’un fardeau pour toi. » C’est ce que Henri IV mourant aurait dû dire à Louis XIII.

1812. (1890) Nouvelles questions de critique

Gaston Paris, autant qu’il m’en souvienne, est encore aujourd’hui de ceux qui lui attribuent une origine germanique. […] Le Petit se souvînt toutefois des propres paroles de M.  […] Mais combien sont-ils, ces prédicateurs dont l’histoire ait gardé le souvenir ? […] Emile Montrégnt, dans ses Souvenirs de Bourgogne, l’en a même loué comme de l’une de ses inventions les plus heureuses. […] On n’invoquera pas non plus les souvenirs de 1870.

1813. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Un seul fait en dira plus que beaucoup de phrases : il y a là des œuvres, dignes au moins d’une mention dans l’histoire, que Sainte-Beuve lui-même, si curieux, a fait comme s’il les ignorait, et des noms, dignes au moins d’un souvenir, qu’il n’a pas seulement prononcés. […] car il faut se souvenir qu’en 1734, en l’année même où paraissait Marianne, les critiques nous sont garants que Clélie, que Polexandre, que le Pharamond même de ce Gascon de La Calprenède continuaient d’être comptés au nombre de « nos meilleurs romans ». […] Ce n’était pas une idée nouvelle, elle m’était venue diverses fois dans le cours de ma vie… » Et nous aussi, plus d’une fois, l’idée nous est venue que Jean-Jacques était capable d’avoir romancé son existence avec les souvenirs de ses lectures ; — et nous croyons qu’au besoin nous pourrions le prouver. […] Logé chez le prince de Conti, il avait connu cette grande dame, et plus aimable femme encore, la marquise de Créqui, si digne de n’avoir pas écrit les Souvenirs qu’un faussaire a mis sous son nom, et, par elle, sans doute, ces deux modèles du bon goût et du meilleur ton : le bailli de Froulay et son inséparable, le chevalier d’Aydie. […] Je ne demanderais à sauver de l’oubli que l’Histoire d’une Grecque moderne, évidemment inspirée du souvenir encore alors vivant de Mlle Aïssé.

1814. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Avec quelle précision et quelle énergie il s’implante dans le souvenir et dans la croyance ! […] Pour philosopher sur l’homme, ce n’est pas assez d’une observation exacte, il faut encore une observation complète ; et la peinture du présent n’est point vraie sans le souvenir du passé. […] Souvenez-vous que Louis XIV passait sa vie en public, qu’il mangeait, se levait, se couchait et se promenait devant toute une cour. […] On se souvient des vers dignes de Fénelon où, son Joad recommande au nouveau roi la compassion et le soin du pauvre peuple. […] « Souviens-toi de l’étendue universelle ; quelle part en as-tu ?

1815. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Au moindre choc, leur cervelle entre en branle, après quoi ils retombent à plat, se dégoûtent de la vie et s’assoient moroses parmi les souvenirs des fautes qu’ils ont faites et des délices qu’ils ont perdues. « Mon pire ennemi, disait Burns, c’est moi-même. […] Ses premiers souvenirs s’étaient imprimés en lui à l’âge de trois ans, dans une ferme où on l’avait porté pour essayer l’effet du grand air sur sa petite jambe paralysée. […] La ferraille rouillée et le parchemin sale l’attiraient, remplissaient sa tête de souvenirs et de poésie. […] La fête serait belle, agréable à leurs souvenirs et à leurs principes nobiliaires. […] Je m’arrêterai à temps, je n’irai pas, comme lui, au-delà des souvenirs de son printemps.

1816. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

En grosses lettres il est sec, compact, tassé et lourd ; en petit texte il s’abandonne, il cause, il laisse abonder le flot pressé de ses souvenirs, il plaisante, avec sa bonhomie narquoise, malicieuse et prudente, et très souvent, presque toujours, il est charmant. […] Il fait des tragédies puisqu’il est le neveu des Corneille, des opéras puisque l’opéra est à la mode, des bergeries en souvenir de Segrais, et des lettres galantes en souvenir de Voiture. […] La Pluralité des Mondes est un ouvrage de savant, où il n’y a plus que des traces de pamphlet et des souvenirs d’opéra comique. […] Il suit l’évolution d’un sentiment, d’une passion, soutenant tel point de la chaîne d’une observation ou d’un souvenir, et comblant discrètement les lacunes avec quelques hypothèses. […] Il est conservateur beaucoup moins des souvenirs que des défiances, et beaucoup plus des remparts que du Palladium. — Il n’y a pas à s’y tromper : l’humanité qu’il a rêvée serait l’humanité ancienne, seulement un peu, je ne veux pas dire dégradée, un peu déclassée ; et la société qu’il a rêvée serait la société ancienne un peu nivelée, aussi comprimée.

1817. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

L’on se fait un tel jeu de le violer, que des femmes à la mode, dès le lendemain même de leur union, ne s’en souviennent plus. […] Il me souviendra toujours d’une histoire assez plaisante, concernant cet écrivain célebre. […] Comment se réjouiroit-on sous la tyrannie musulmane, où les plus grands seigneurs tremblent au souvenir du cordon ? […] Souvenez-vous bien, mon ami, qu’un auteur n’est pas toujours maître. […] … Il n’en reste donc plus que le souvenir, au point qu’on passe pour gotique ou pour villageois, si l’on paroît vouloir chanter…..

1818. (1900) La culture des idées

Je me souviens de n’avoir pu voir sans émotion ce que les calvinistes de Hollande ont fait de leurs cathédrales. […] L’utopiste est un type fort bien connu et que l’on peut dépecer de souvenir. […] de notre syntaxe, ne laisse pas que de nous troubler au souvenir, évoqué aussitôt, d’un célèbre jugement du roi Salomon. […] L’auteur, qui est israélite, devrait se souvenir qu’une petite tribu de Bédouins a imposé sa religion au monde entier. […] Il faut se souvenir que l’abbé Delille n’est pas du tout, comme on le croit, un poète de l’Empire.

1819. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

. — Zaïre, 1732 ; — et si Voltaire s’y est souvenu davantage de Bajazet ou d’Othello ? — La Mort de César, 1735 ; — et l’idée de la tragédie « sans amour ». — De quelques nouveautés introduites par Voltaire au théâtre français. — Les sujets de pure invention. — L’extension du lieu de la scène et le développement de la couleur locale : — Zaïre et le monde musulman ; — Alzire et l’Amérique ; — L’Orphelin de la Chine et le monde asiatique. — Les souvenirs nationaux ; — et, à ce propos, de l’influence de la Henriade sur la tragédie du xviiie  siècle. — L’abus des procédés romanesques dans la tragédie de Voltaire ; méprises et reconnaissances [Cf. à cet égard encore le théâtre de Crébillon]. — Du pathétique de Voltaire ; — et s’il mérite les éloges qu’on en a faits [Cf.  […] Hornung, Les Idées politiques de Rousseau, 1878 ; et André Lichtenberger, Le Socialisme au xviiie  siècle, 1895] ; — et que pour le bien entendre, il faut se souvenir que Rousseau est un plébéien ; — un protestant, — à qui l’idée de la souveraineté populaire est innée ; — et enfin un Genevois. — Dans quelle mesure, en concevant son Contrat social, Rousseau s’est inspiré de la constitution de Genève ; — et comment, en se la représentant d’une manière idéale, — il se l’est représentée plus tyrannique encore qu’elle n’était. — Qu’il ne faisait pas bon vivre à Genève au dix-huitième siècle. — Le calvinisme inconscient de Rousseau [Cf.  […] La tragédie nationale ; — et que c’est encore Voltaire, avec sa Henriade, et sa Zaïre, — que l’on retrouve aux origines de la « tragédie nationale » ; c’est-à-dire tirée de l’histoire de France ; — et dans l’intention principale d’en rendre les souvenirs familiers. — Les grands succès de De Belloy : Le Siège de Calais, 1765 ; — Gaston et Bayard, 1771 ; — Gabrielle de Vergy, 1777 ; — et qu’à peine l’objet de ces tragédies est-il dramatique ; — mais plutôt didactique [Cf. de Belloy, lui-même, dans ses Préfaces, Répertoire Petitot, t.  […] IV, 1851, X, 1854, et XIV, 1860 ; — Émile Montégut, Souvenirs de Bourgogne, 1874, Paris ; — F. 

1820. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

— Pendant les vingt ans qui suivent, l’irritation couve et grandit : les soldats de Rochambeau ont combattu côte à côte avec les libres milices de l’Amérique et s’en souviennent.

1821. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

« Vous vous souvenez, dit Balzac, du vieux pédagogue de la cour et qu’on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même, lorsqu’il était en belle humeur, le grammairien à lunettes et en cheveux gris… J’ai pitié d’un homme qui tait de si grandes différences entre pas et point, qui traite l’affaire des gérondifs et des participes comme si c’était celle de deux peuples voisins l’un de l’autre, et jaloux de leurs frontières.

1822. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Ferdinand Brunetière) toute cette « littérature personnelle », journaux, mémoires, souvenirs, impressions, est fort en faveur aujourd’hui.

1823. (1890) L’avenir de la science « VI »

Comment l’opinion publique serait-elle favorable à la science, quand la plupart ne la connaissent que par de vieux souvenirs de collège, qu’on se hâte de laisser tomber et qui ne pourraient d’ailleurs la faire concevoir sous son véritable jour ?

1824. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 32, que malgré les critiques la réputation des poëtes que nous admirons ira toujours en s’augmentant » pp. 432-452

Pour le dire en passant, comme Monsieur Gigli ne fait pas mention dans la préface de ce qu’il me souvient d’avoir lû autrefois dans quelque mémoire : que le Tartuffe étoit originairement une comédie italienne, et que Moliere n’avoit fait que l’accommoder à notre théatre, on peut bien en douter.

1825. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Les romans de Mme Craven ne sont point destinés à vivre, tandis que le Récit d’une sœur est destiné à ne pas périr… La vérité, qu’elle n’a pas faite, est plus puissante et plus durable que les pauvres fictions qu’elle a inventées… Mme Craven a trouvé presque la gloire sans la chercher, le jour où elle a rassemblé des souvenirs qui méritaient d’être immortels ; mais à présent qu’elle la cherche opiniâtrement et dans des voies où la vanité littéraire la promène, elle ne la trouvera plus.

1826. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Drames, romans, comédies, anecdotes, biographies, et jusqu’aux modes (si souvent le mensonge des mœurs), tout n’a-t-il pas été et n’est-il pas encore rempli des souvenirs et des reflets de cet éternel xviiie  siècle ?

1827. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

S’il avait été protestant comme le prince de Condé ou Jeanne d’Albret ; s’il y avait eu en lui une fibre qui eût saigné de protestantisme sacrifié, sous son lourd manteau du roi catholique, accepté au prix d’une abjuration, je comprendrais que lui, l’homme de la politique ambidextre, eût favorisé ses anciens coreligionnaires, étant le Roi, et eût fait encore ce crochet… Faiblesse de cœur, généreux souvenir de ses compagnons d’armes !

1828. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

Peut-être même ces têtes légères en riront-elles quelquefois, malgré les adroites paroles croquemitaines claquant si dru dans la préface, vous vous en souvenez : « Un pareil livre ne sera lu avec fruit que par des femmes honnêtes et des hommes d’honneur ! 

1829. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

… Elle est surtout faite de tableaux vus et souvenus… Et en la lisant tulle qu’ils l’écrivent, on se demande si c’est la société du xviiie  siècle qui reflète son art, ou si c’est l’art du xviiie  siècle qui reflète sa société, et quel des deux est le caméléon ?

1830. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Et si nous disons, nous, chrétiens, qu’un jour nous aurons à répondre devant Dieu de nos actions et paroles oiseuses, nous demandons ce que ceux-là qui étaient nés et faits pour gouverner les hommes et qui passèrent ainsi toute leur vie dans des méditations ou des souvenirs de maîtres à danser, répondront, en attendant le jugement de Dieu, devant l’histoire… ?

1831. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Il est biblique, protestant, puritain, prédicateur comme les Caméroniens d’Old Mortality de Walter Scott, et, par-dessus le marché, universitaire, — universitaire anglais, — barbouillé de mythologie, bourré de souvenirs classiques, roulé dans les loques pédantesques que nous trouvons dans les plus modernes et qui traînaillent encore, en Angleterre, dans leurs plus beaux discours de Parlement.

1832. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Il eut dans le cœur, et sans défaillance, pendant ces longues années, l’enthousiasme, le courage, la pureté dans la passion, qui en est la vertu, la fidélité dans le souvenir et toutes les transcendances morales de l’amour le plus exalté et le plus délicat dans son dévouement et dans son expression.

1833. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Une des raisons probantes du génie d’Hoffmann que nous donne Champfleury dans cette introduction, est l’effet produit par les Contes fantastiques sur la mémoire des enfants : « Celui de mes lecteurs qui est assez jeune — dit-il — pour avoir lu Hoffmann étant enfant, doit avoir dans une des cases de son cerveau quelques personnages bizarres, quelque souvenir de maisons étranges », et, pour élever son idée à la majesté d’un axiome et glacer l’objection, qu’il ne glacera pas, il ajoute carrément : « Tout ce qui s’oublie n’est pas né viable », ce qui peut très bien être une fausseté, si ce n’est pas une simplicité, ce que les Anglais appellent un truism.

1834. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne.

1835. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Mais l’abbé Monnin, qui écrit pour les lettrés et ne leur marchande pas les longueurs de son histoire, n’a pas manqué de donner des exemples foudroyants de cette expression surnaturelle, et il les a donnés avec une profusion qui étonne, quand on songe que ces inspirations, qui forment des pages si nombreuses dans son livre (de la page 413 à la page 485 du second volume), ont été saisies à la volée, et quand on se demande quelle dut être leur beauté première pour avoir résisté si bien à la pâle dictée du souvenir !

1836. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Il importait dans sa pensée cette profondeur de rêverie que ne s’expliquait pas Chateaubriand et que Floquet explique, et ces couleurs mornes et désolées qu’il devait retrouver dans ses souvenirs.

1837. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Après Rabelais, après Callot, après Voltaire, après le xviiie  siècle, nul n’aurait osé, puisqu’il faut dire le mot, croire au diable, et Chateaubriand, on s’en souvient, eut besoin de toutes les magies de sa païenne rhétorique pour faire accepter le démon à l’imagination retiédie d’une époque cadavéreuse d’athéïsme, qui croyait que c’était bien assez de revenir vers Dieu !

1838. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Il fallait nous peindre, avec le noir de ses meurtrissures, la tête radieuse si prématurément meurtrie, au lieu de ce gracieux profil fuyant, qui fuit trop… Ce n’est là ni l’Alfred de Musset de nos curiosités, ni celui de nos rêves, ni même celui de nos souvenirs.

1839. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Je sais bien que José-Maria de Heredia a composé beaucoup de vers que je pourrais citer et dans lesquels il a su mêler au marbre impassible de Gautier une veine de sentiment superbe que Gautier ne connut jamais, — la veine rouge de la fierté humaine, — mais il n’en est pas moins certain que l’ensemble des poésies de ce poète, qui a cette noble veine, porte la trace ou le souvenir d’une admiration que je ne voudrais pas voir dans ses œuvres pour le grand pétrificateur de la poésie passionnée.

1840. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Je vois mieux ainsi ce sincère glorificateur du silence, ce trappiste de la Poésie, qui s’était créé comme une solitude monastique sous les rideaux et les persiennes de son salon de la rue des Écuries-d’Artois, si plein des portraits et des souvenirs de sa jeunesse, et dans lequel il s’était, de si longue main et de si bonne grâce, préparé à ce qu’il admirait le plus : — silencieusement mourir !

1841. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iv »

Songez que nos traditions remontent à plus de trois siècles et que la terre de France est pour nous peuplée de souvenirs.

1842. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Mais, si en rappelant le souvenir de ces batailles, monuments de deuil et de grandeur, si en retraçant les actions et la mort de tant de guerriers, on voyait une larme s’échapper de l’œil du souverain ; si l’orateur, s’interrompant tout à coup, la faisait remarquera la jeune noblesse qui l’écoute, croit-on qu’un jour, dans les combats, elle n’eût pas sans cesse présent le spectacle qui l’eût frappée dans son enfance ?

1843. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Dès aujourd’hui, que de souvenirs, que d’imitations, que de glorieux vestiges de l’ancien monde, de ses monuments, de ses capitales, de ses grands noms de tout genre, de ses arts, de quelques-unes de ses traditions antiques et de ses plus récentes inventions !

1844. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

D’abord, souvenons-nous de ce qu’Ésope disait de la langue, que c’est la meilleure et la pire chose du monde. […] Mais il ne se souvient pas de tout ce qu’il a lu, et il n’y a souvent, dans la pratique, aucune différence entre parler sur la foi du souvenir et parler sur la foi d’autrui. […] J’ai mes souvenirs : ils ne sauraient remplacer une nouvelle lecture, que je ne puis faire sans perdre certain courant de vie intellectuelle, courant qui peut seul alimenter mes sujets particuliers et singulièrement mon Fontenelle. […] Coïncidant avec un Génie, Génie du christianisme, Génie de Port-Royal, Génie d’un peuple (souvenez-vous du Tableau de la France de Michelet), d’une littérature ou d’un homme, on peut l’appeler critique d’intuition ou de sympathie. […] Il me souvient d’une analyse fort amusante du Docteur Pascal, contée sur ce ton par Faguet, recueillie dans ses Propos littéraires, et qui doit enlever aux lecteurs dépourvus de réaction toute envie de lire le livre.

1845. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Le baiser dont nous nous baisâmes, lors de cette rencontre, par ce jour de printemps, j’ose à peine parler de la félicité de ce souvenir ». […] Le moyen, c’est la suggestion : il s’agit de donner aux gens le souvenir de quelque chose qu’ils n’ont jamais vu ». […] Ces souvenirs, va-t-il falloir les retuer ? […] C’était (tu dois bien t’en souvenir) c’était aux plus beaux jours de ton adolescence. […] C’était (tu dois bien t’en souvenir) c’était aux plus beaux jours de ton adolescence.

1846. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

C’est là qu’il vit, entre sa fille, ses livres, ses amis très choisis et ses rares compatriotes, allant de temps en temps en Russie visiter ses propriétés et raviver dans son cœur les souvenirs de son heureuse enfance ; cosmopolite par sa résidence, Moscovite par son cœur, homme éminent par tout. […] C’étaient les premiers souvenirs et les mentions les plus fraîches de sa vie vagabonde d’enfance, devenues ainsi les annales pittoresques des steppes de son pays. […] — Ne vous souvenez-vous plus que vous voulez me marier ? […] Le veuve demanda à Gabriel s’il s’était souvenu de ses ordres, et le majordome se hâta de répondre qu’ils étaient exécutés. […] On se souvenait des facultés de travail du robuste muet ; on lui donna une faux, et il se mit à l’ouvrage comme par le passé, et il faucha de telle sorte que tous ses compagnons l’admiraient.

1847. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

La mémoire, comme nous avons essayé de le prouver 2, n’est pas une faculté de classer des souvenirs dans un tiroir ou de les inscrire sur un registre. […] Tout au plus des souvenirs de luxe arrivent-ils, par la porte entre-bâillée, à passer en contrebande. […] Nous ne saurions en revivre une parcelle, car il faudrait commencer par effacer le souvenir de tout ce qui a suivi. Nous pourrions, à la rigueur, rayer ce souvenir de notre intelligence, mais non pas de notre volonté. […] Si notre hypothèse est fondée, si les causes essentielles qui travaillent le long de ces divers chemins sont de nature psychologique, elles doivent conserver quelque chose de commun en dépit de la divergence de leurs effets, comme des camarades séparés depuis longtemps gardent les mêmes souvenirs d’enfance.

1848. (1923) Paul Valéry

Valéry s’en est sans doute souvenu lorsqu’il a écrit (par pur hasard et à la suite d’une commande pour le recueil d’Architectures) ce dialogue socratique d’Eupalinos ou l’Architecte, qui est un chef-d’œuvre de langue et de pensée. […] Souvenir, ô bûcher, dont le vent d’or m’affronte, Souffle au masque la pourpre imprégnant le refus D’être moi-même en flamme un autre que je fus. […] Il semble qu’un soleil se lève, qu’une terre se dessine, et que de vastes épaisseurs d’êtres, de souvenirs, de durée, se découvrent. L’ombre qui m’abandonne, impérissable hostie, Me découvre vermeille à de nouveaux désirs, Sur le terrible autel de tous mes souvenirs. […] Souvenez-vous de ce simple Toast de Mallarmé, à un banquet de poètes, toast qui, presque sans mots, plante son drapeau sur tant d’espace.

1849. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Te souvient-il du Huron que nous lisions ensemble ? […] Je m’en tiendrai pour l’ensemble au témoignage de Mme Necker de Saussure, qui, étant encore enfant, vit un jour à Genève Mme de Charrière, et fut fort frappée de la grâce de son esprit : « Ce souvenir, écrit-elle, m’a fait lire avec intérêt tous ses romans, et les plus médiocres m’ont laissé l’idée d’une femme qui sent et qui pense229. » Dès les années des Lettres Neuchâteloises et des Lettres de Lausanne, Mme de Charrière connut Benjamin Constant sortant de l’enfance. […] Le souvenir s’en est conservé.

1850. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Chez son oncle le chanoine, à Uzès, dans ce Midi encore espagnol, il fait cette remarque : « Vous savez qu’en ce pays-ci on ne voit guère d’amour médiocre ; toutes les passions y sont démesurées. » Peut-être se souviendra-t-il de ces Hermione et de ces Roxane à foulard rouge. […] Celles-là pensent l’honorer en continuant l’élégance de sa vie, en rendant publique l’élégance de leurs souvenirs ; en se conformant à l’idéal mondain exprimé dans ses livres, en se donnant l’air — piété touchante — d’être pareilles aux personnages que sa futilité affectionna. […] Il y a celles dont le défunt n’eut qu’une célébrité viagère, bruyante peut-être à son heure, mais d’ordre subalterne, et qui nous étonnent par le faste de leur culte, car nous ne savons déjà plus de quoi elles se souviennent.

1851. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Elle se souvint enfin, heureusement pour son fils, que le célèbre sir William Temple avait épousé une de ses parentes ; elle engagea Swift à tenter de ce côté la fortune. […] Car, mes frères, ne vous souvenez-vous pas d’avoir entendu comme moi, quand nous étions enfants, quelqu’un dire qu’il avait entendu le domestique de mon père dire que mon père donnerait volontiers le conseil à ses enfants de porter des galons d’or, aussitôt qu’ils auraient de l’argent pour en acheter ? Par Dieu, cela est vrai, crie l’autre ; je m’en souviens parfaitement bien, dit le troisième.

1852. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Grâce à la tombe refermée, nous avons le droit et même le devoir de choisir entre nos souvenirs. […] Gabriel Monod, directeur de la Revue Historique, ayant écrit à Richard Wagner pour lui dire son admiration à la Tétralogie et ses regrets de ce qu’Une Capitulation rendit difficile aux Français la juste appréciation d’elle, Richard Wagner lui répondit par une assez longue lettre datée de Sorrente, du 25 octobre 1876, dont la traduction a été publiée après la mort du Maître, par la Revue Politique et Littéraire, en février et reproduite par un grand nombre de journaux français et allemands, puis dans le volume de souvenirs de Richard Wagner publié par M.  […] Il nous souvient que Wagner et Tolstoï s’adressaient à Nous, à Nous voulaient donner le Bonheur, et nous nous rassurons, pensant que leurs livres, du moins, trop ridicules, ne sont point dangereux.

1853. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Qu’on me permette d’en citer un exemple dont je fus témoin dans mon enfance, et dont l’impression, quoique puérile, s’est retrouvée toujours dans mon souvenir. […] Comme dit Dante, le divin poète du surnaturel, semblable en cela à celui qui parle et qui sanglote à la fois , mes sanglots prenaient le rythme de ce glas funèbre, et je chantai ainsi en moi une ode de larmes à la mémoire de cette mère chérie et perdue, ode que je ne retrouverai jamais dans mes souvenirs, et que, si je l’y retrouvais, je n’écrirais pas, car l’extrême douleur a son mystère de pudeur comme l’extrême amour.

1854. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

— Allons, enfant, dit tout le monde en approuvant la bonne mère d’un signe de tête, fais honneur à la mariée et à sa famille ; enfle la zampogne, et qu’on se souvienne à Lucques de l’entrée de noce de la fille du bargello et de Placidio ! […] Je cherchai à me souvenir juste de l’air qu’Hyeronimo et moi nous avions composé ensemble, et petit à petit, note après note, dans nos soirées d’été du dimanche sous la grotte, et qui imitait tantôt le roucoulement des ramiers au printemps sur les branches, tantôt les gazouillements argentins des gouttes d’eau tombant de la rigole dans le bassin du rocher, tantôt les fines haleines du vent de nuit qui se tamise, en se coupant sur les lames des joncs de la fontaine, aiguisées comme le tranchant de la faux de mon père ; tantôt le bruit des envolées subites des couples de merles bleus, quand ils se lèvent tout à coup du fourré, avec des cris vifs et précipités, moitié peur, moitié joie, pour aller s’abattre sur le nid où ils s’aiment et où ils se taisent pour qu’on ne puisse plus les découvrir sous la feuille.

1855. (1841) Matinées littéraires pp. 3-32

Parmi les personnes qui m’écoutent, il en est peut-être qui viennent chercher ici des notions sur l’art d’écrire, avec l’intention de s’y exercer elles-mêmes ; il en est d’autres qui ne veulent qu’éclairer leur jugement, orner leur esprit et former leur goût ; mais le plus grand nombre, dont le jugement, l’esprit et le goût pourraient donner des leçons au lieu d’en recevoir, n’ont besoin que de se souvenir. […] Mais donnons-nous le temps, après en avoir embrassé l’ensemble, d’en examiner les détails, et de les comparer d’abord avec nos souvenirs, puis avec la nature.

1856. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Seuls, quelques lettrés se souviennent, pour les louer, des Inspiratrices de Balzac, Stendhal et Mérimée, portraits sympathiques et si vivants qu’on les croirait croqués d’après nature. […] Je me souviens de la joie que j’éprouvai il y a une dizaine d’années en ouvrant mon premier livre de Nietzsche.

1857. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Mais je ne voudrais pas contrister ceux qui leur ont dû quelques vives impressions d’enfance et leur gardent dès lors un souvenir reconnaissant. […] Ainsi, soit l’examen direct des effets produits par la science sur l’esprit, soit le souvenir des tentatives avortées d’un passé lointain ou voisin, tout semble démontrer que la science réduit sans cesse le domaine et menace même l’existence de sa rivale, et il n’est pas étonnant que certains savants, dignes pendants des littérateurs qui proclament la faillite de la science, aient gaillardement prononcé l’oraison funèbre de la poésie.

1858. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Lors des deux dernières reprises, la direction Stoumon et Calabresi rétablit la plupart des passages supprimés antérieurement, mais en dépit d’une brillante distribution95, l’exécution faiblit dans la suite et l’œuvre fut abandonnée après la représentation dans laquelle madame Albani chanta le rôle d’Elsa avec une supériorité dont les vrais connaisseurs ont gardé le souvenir (24 février 1880). […] Charles Wiener, est destinée à rappeler le souvenir.

1859. (1904) En méthode à l’œuvre

L’émotion a produit l’expression phonétique, et le souvenir l’a gardée et reproduite en la nuançant. […] Et, que s’en souvienne la voix savante, savante instrumentalement du Lecteur, — qui, lui qui sait vraiment lire, tout haut et en toutes les valeurs sonores et idéales que nous aurons voulues, interprétera l’Œuvre.

1860. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

Mme de Nittis disait qu’elle n’avait de ce temps qu’un souvenir, un seul. […] Les souvenirs affluent plus nombreux chez mon ami, Nittis se revoit tel qu’il s’est apparu, la première fois, qu’il s’est regardé dans une glace : une petite figure toute pâle, dit-il, de grands cheveux filasse, — lui maintenant si brun ; — une petite blouse noire à pois blancs.

1861. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Un enthousiasme trop dominant ressemble à ces yvresses qui mettent un homme hors de lui, qui l’égarent en mille images bizarres et sans suite, dont il ne se souvient point quand la raison a repris le dessus. […] J’avois intérêt de rapporter cette circonstance ; et je voudrois en effet que le lecteur s’en souvînt à chaque faute qu’il remarquera dans mes odes ; il en seroit plus disposé à me faire grace.

1862. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

La manière la plus commune, et par conséquent la plus défectueuse, d’amener une exposition, c’est de faire faire à un acteur, par un autre, tous les récits dont il a besoin, tantôt dans le dessein d’instruire un personnage qui n’est pas au fait, tantôt en lui rappelant ce qu’il peut avoir oublié, quelquefois même en lui disant qu’il s’en souvient, comme si c’était une raison de le lui redire. […] Cependant, malgré cet ordre, dès que l’empereur arrive à ces vers : Cinna, tu t’en souviens, et veux m’assassiner !

1863. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Il existe ici un homme qui, à la suite d’une violente attaque d’apoplexie, se souvenait bien des noms, mais avait entièrement oublié les verbes. — Les verbes qui sont des genres à l’égard de tous les autres, tels que : sum, qui indique l’existence, verbe auquel se rapportent toutes les essences, c’est-à-dire tous les objets de la métaphysique ; sto, eo, qui expriment le repos et le mouvement, auxquels se rapportent toutes les choses physiques ; do, dico, facio, auxquels se rapportent toutes les choses d’action, relatives soit à la morale, soit aux intérêts de la famille ou de la société, ces verbes, dis-je, sont tous des monosyllabes à l’impératif, es, sta, i, da, dic, fac ; et c’est par l’impératif qu’ils ont dû commencer. […] Tacite rapporte dans les Mœurs des Germains, que ce peuple conservait en vers les souvenirs des premiers âges ; et dans sa note sur ce passage, Juste-Lipse dit la même chose des Américains.

1864. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Lorsque je parlais, il y a quelques mois, dans Le Moniteur (20 avril 1857), des mémoires et Souvenirs du général Pelleport, je cherchais un nom, un type qui résumât avec gloire, aux yeux de tous, cette race d’hommes simples, purs, intrépides, obéissants et intelligents, les premiers du second ordre, les premiers lieutenants du général en chef, ses principaux exécutants et ses bras droits un jour d’action, et qui, tout entiers à l’honneur et au devoir, ne sont appliqués qu’à verser utilement leur sang et à bien servir.

1865. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Mais sur les trois ou quatre écrivains maîtres et rois du siècle, sur Montesquieu, sur Buffon, sur Voltaire, toutes les parts n’y sont-elles pas faites d’un coup d’œil élevé, d’une main sûre, et avec des expressions significatives qui restent dans l’esprit et dont on se souvient ?

1866. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Suivent quatre lettres (que l’on connaissait déjà) sur la vertu et le bonheur adressées par Jean-Jacques à Sophie, c’est-à-dire à Mme d’Houdetot ; il fait de la philosophie avec celle qu’il aime, et dont la vertu, dit-il, l’a ramené à la raison ; il s’en console et même il s’en félicite avec elle : « Si nous avions été, moi plus aimable ou vous plus faible, le souvenir de nos plaisirs ne pourrait jamais être, ainsi que celui de votre innocence, si doux à mon cœur… Non, Sophie, il n’y a pas un de mes jours où vos discours ne viennent encore émouvoir mon cœur et m’arracher des larmes délicieuses.

1867. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers »

Tandis que celui-ci était confiant jusqu’à l’exaltation, les chefs avaient, quelques-uns du trouble, d’autres des prévisions et des circonspections inaccoutumées ; ils avaient éprouvé les revers de la fortune et s’en souvenaient.

1868. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

ô Memmius, à cet affreux supplice Ajoute la fatigue et la honte du vice, D’un lâche égarement le cruel souvenir, La dette, affreux serpent qui ronge l’avenir, Un honneur chancelant, le remords implacable À revoir le passé forçant un cœur coupable.

1869. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Voici la vérité qu’au monde je révèle : Du ciel dans mon néant je me suis souvenu.

1870. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Avant d’arriver, en effet, à l’expression directe du sentiment qui l’émeut, le poëte érudit fait volontiers le grand tour ; il se souvient de tout ce qu’il a lu en diverses langues de plus ou moins analogue à ce qu’il sent ; il traverse laborieusement cette infinité de réminiscences ; il y réfracte mainte et mainte fois sa pensée primitive, et elle ne nous parvient, quand il l’exprime, que déjà détournée de sa route et dépouillée de son rayon.

1871. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « FLÉCHIER (Mémoires sur les Grands-Jours tenus à Clermont en 1665-1666, publiés par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont.) » pp. 104-118

On chercherait vainement de ces traits sur M. de Novion dans la pièce de vers latins, très-élégants, que Fléchier consacra à ces mêmes Grands-Jours ; les vers latins, pas plus que les oraisons funèbres, ne disent pas tout : « Ne vous souvenez-vous point de ce théâtre dressé dans la salle où il tenoit la comédie à mesdames ses filles, qui avoit toute la mine d’un échafaud, et dont l’aspect faisoit trembler tous ceux qui venoient le solliciter ?

1872. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Suivent une quantité d’anecdotes d’enfance comme chacun peut en trouver à plaisir dans ses premiers souvenirs, et qui sont ici données comme d’héroïques présages ; c’est d’une enfance de Spartiate qu’il s’agit.

1873. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Et, d’abord, on a droit de regarder comme non avenus, par rapport à La Fontaine et à son époque, les anciens poëmes français antérieurs à la découverte de l’imprimerie, si l’on excepte le Roman de la Rose, dont le souvenir s’était conservé, grâce à Marot, durant le xvie  siècle, et qu’on lisait quelquefois ou que l’on citait du moins.

1874. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Ce n’était pas seulement le souvenir si vif de la dernière séance et de ses piquantes péripéties qui avait attiré cette fois une affluence plus considérable encore, s’il se peut, sous la coupole désormais trop étroite de l’Institut : le sujet lui-même était bien fait pour exciter une curiosité si empressée, et il l’a justifiée complètement.

1875. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

L’Agésilas et l’Attila, se seraient offerts à nous escortés et protégés des souvenirs du Cid, de Pompée, des Horace.

1876. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval n’épargne pas les souvenirs et les hommages aux hôtes qui lui firent un accueil aimable.

1877. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Jusqu’à ce qu’enfin, après le long jour printanier de la vie, arrive le soir serein et doux ; toujours plus amoureux, puisque leur cœur renferme plus de souvenirs, plus de preuves de leur amour mutuel, ils tombent dans un sommeil qui les réunit encore ; affranchis ensemble, leurs paisibles esprits s’envolent vers des lieux où règnent l’amour et le bonheur immortel.

1878. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre IV. L’écrivain (suite) »

Lisez encore ces trois lignes, vous emporterez avec leur souvenir de quoi songer toute une heure, car elles enferment toute une vie : J’étais libre et vivais content et sans amour ; L’innocente beauté des jardins et du jour Allait faire à jamais le charme de ma vie.

1879. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Les choses n’apparaissent le plus souvent à ce poète érudit et gentilhomme qu’à travers des souvenirs de mythologie, de chevalerie et d’aventures héroïques.

1880. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Silvestre ne jouât un rôle que dans l’un des deux cas ; et, comme il est visible que ses incongruités l’amusent le premier, c’est donc en écrivant la Gloire du souvenir et les Ailes d’or qu’il se serait moqué de nous ?

1881. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Vous vous souvenez que, dans les Odeurs de Paris, il appelle M. 

1882. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Pensez-vous qu’un amant, même très lettré, ait jamais parlé ainsi à sa maîtresse   Et Thérèse à Le Ménil : « Méprisez-moi, si vous voulez, et si l’on peut mépriser une malheureuse créature qui est le jouet de la vie… Mais gardez-moi un peu d’amitié dans votre colère, un souvenir aigre et doux, comme ces temps d’automne où il y a du soleil et de la bise… Ne soyez pas dur à la visiteuse agréable et frivole qui passa à travers votre vie… », etc.

1883. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Nous prendrions les scherzi et les contrasti publiés après la mort d’Isabelle Andreini et qui contiennent certainement des souvenirs de ses rôles.

1884. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Voyant que son maître l’écoute avec assez d’attention, il s’enhardit, et poursuit en ces termes : « — Je me souviens d’avoir lu dans Homère, en son Traité pour empêcher que les grenouilles ne s’enrhument, que, dans Athènes, un père de famille ayant fait l’acquisition d’un cochon de lait, gentil, d’une agréable physionomie, de mœurs douces, dans sa taille bien pris, conçut tant d’amitié pour le petit cochon, qu’au lieu de le mettre en broche, il donna les plus grands soins à son éducation, et le nourrit avec des biscuits et du macaroni.

1885. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre III. L’antinomie dans la vie affective » pp. 71-87

Bergson, l’écrasement de la conscience individuelle (par le mot qui en est l’expression impersonnelle et sociale) n’est aussi frappant que dans les phénomènes du sentiment27. » Qu’une émotion profonde, une mélancolie indéfinissable, que le souvenir heureux ou triste d’une heure lointaine émergent du fond de notre passé et envahissent notre être tout entier ; le frisson de cette émotion ne pourra se propager dans l’atmosphère opaque qui nous sépare d’autrui de la même façon que se propage une onde lumineuse ou sonore.

1886. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « II »

Le Dauphiné, la Bresse, la Provence, la Franche-Comté ne se souvenaient plus d’une origine commune.

1887. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Un coffre ou arche portative, ayant des deux côtés des oreillettes pour passer des leviers, constituait tout leur matériel religieux ; là étaient réunis les objets sacrés de la nation, ses reliques, ses souvenirs, le « livre » enfin 84, journal toujours ouvert de la tribu, mais où l’on écrivait très discrètement.

1888. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XI. Le royaume de Dieu conçu comme l’événement des pauvres. »

Le mouvement démocratique le plus exalté dont l’humanité ait gardé le souvenir (le seul aussi qui ait réussi, car seul il s’est tenu dans le domaine de l’idée pure), agitait depuis longtemps la race juive.

1889. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

Quelques sentences bientôt recueillies de souvenir, et surtout son type moral et l’impression qu’il avait laissée, furent ce qui resta de lui.

1890. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre III : Théorie psychologique de la matière et de l’esprit. »

En effet, le courant de conscience qui constitue la vie phénoménale de l’esprit se compose non-seulement de sensations présentes, mais aussi de souvenirs et d’attentes ; il n’est pas borné au présent, il embrasse aussi le passé et l’avenir.

1891. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Mes premières vues m’y auraient peut-être conduite ; mais vous vous souviendrez, s’il vous plaît, que vous voulez que je demeure à la cour, et que je la quitterai dès que vous me le conseillerez… J’ai bien fait votre cour sur les soins que vous avez de nos enfants et sur les dessins que vous avez imaginés pour les fables d’Ésope ; vous êtes fort bien avec eux.

1892. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Le jour où l’on osa dire pour la première fois que la littérature de Louis XIV était une littérature admirable, mais ancienne, ce furent des cris et un scandale dont il me souvient encore.

1893. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VII. Le langage et le cerveau »

L’un continuera à parler des idées qui lui sont le plus familières et de sa science habituelle, et perdra le souvenir des mots les plus ordinaires, comme chapeau, parapluie59. — Un autre perdra la mémoire de toute une classe de mots ; par exemple, des substantifs, un autre des verbes60 ; un autre terminera tous ses mots par la même syllabe : il dira bontif pour bonjour, ventif pour vendredi.

1894. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 13, de la saltation ou de l’art du geste, appellé par quelques auteurs la musique hypocritique » pp. 211-233

Tous ceux qui ont lû les ouvrages des anciens dans les langues où ils ont été écrits, peuvent se souvenir qu’ils ont vû plusieurs fois le mot de saltatio, emploïé en des occasions où l’on ne sçauroit l’entendre d’une danse pareille à la nôtre.

1895. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Un jour de 1849 (il avait alors vingt-trois ou vingt-quatre ans), Rodolphe Bresdin sortait de Paris par la barrière Saint-Jacques, fuyant la Bohême, dont il n’a gardé que de mauvais souvenirs — et pas un ami.

1896. (1860) Ceci n’est pas un livre « Mosaïque » pp. 147-175

. —  Avant de partir, elle voulut emporter un souvenir de chacun d’eux.

1897. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VI. Du trouble des esprits au sujet du sentiment religieux » pp. 143-159

Quand nous sommes éloignés de la patrie, nous nous rappelons toujours avec délices les jours où nous vivions sous les arbres qui ombragèrent notre berceau ; nous aimons à retracer à notre mémoire et la prairie et le ruisseau et la forêt qui étaient près du toit paternel : nous visitons mille contrées fameuses ; nous admirons les aspects les plus variés d’une nature tantôt belle, tantôt agreste et sauvage ; mais nulle part il ne sort de la terre que nous foulons sous nos pieds des souvenirs animés ; nulle part nous ne reconnaissons et le vent et la lumière et les ombres.

1898. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Damiron et l’auteur de l’article du Globe du souvenir si plein de bienveillance qu’ils ont accordé à l’Essai sur les Institutions sociales, publié en 1818.

1899. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

. — Par l’auteur des Souvenirs de Madame Récamier. — Chez Lévy.

1900. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

On ne s’en souvient plus, peu de temps après qu’on les a lus.

1901. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

Nous comprenions bien que ce dernier panorama du désert, que ces dernières fantasias d’un peuple équestre et nomade, seraient un spectacle que ne verraient pas nos enfants ; mais nous nous disions aussi que toute cette poésie qui doit céder à la prose, que ces mœurs éloquentes qui seront un jour — un jour plus prochain qu’on ne croit, — remplacées par les habitudes étriquées et plates des temps modernes, auraient du moins ici leur daguerréotype ineffaçable et fidèle, et que l’image qu’elles y auraient laissée en consacrerait le souvenir.

1902. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Personne ne se souvenait qu’il y avait une traduction de Shakespeare par Guizot, faite en des temps anciens déjà… un à peu près de traduction, une toute de Shakespeare, le barbare chevelu, et de Le tourneur, ce second Barbare qui avait traduit le premier.

1903. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

— parce que les civilisations sont éteintes qu’il n’est pas permis au législateur d’en soulever l’image inanimée dans de nouvelles institutions, ou au philosophe politique d’en évoquer le souvenir et de l’imposer comme un modèle.

1904. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

À côté des souvenirs dormants de la Grande Charte, il s’était peu à peu établi dans l’opinion une notion de la royauté, laquelle impliquait au contraire une toute-puissance qui admettait peu de limites.

1905. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Mais il y eut pour elle plus difficile que de détacher les haines de son âme, ce fut d’en détacher son amour, d’en ôter un à un tous les rêves et les souvenirs de sa vie.

1906. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Mignet, qui passe pour un logicien historique, ne s’est pas souvenu dans son livre de la meilleure de ses facultés.

1907. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. H. Wallon » pp. 51-66

Il aurait peut-être été obligé de se servir à chaque minute de son épée de Taillebourg, pour faire (comme il disait) sa bonne et ronde justice, et pour dompter définitivement ces barons, qui se souvenaient toujours trop qu’ils avaient été indomptables.

1908. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Il a été philosophique, et dans sa manière philosophique d’envisager l’Histoire, il s’est souvenu de l’optimisme de Leibnitz, que l’éclectique Cousin en belle humeur trouvait une si belle chose !

1909. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Évidemment, un homme qui aurait eu une notion plus mâle de la famille n’aurait pas songé à publier ces lettres, qui ne sont pas adressées à son père, et il se serait souvenu davantage qu’il était Sabran, et non Boufflers… Mais ce ne sont pas là nos affaires… Le livre a paru, et c’est une chose charmante !

1910. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Mais si l’on en croit les Souvenirs de Ségur, l’amitié de Poniatowski pour Madame Geoffrin commença par la reconnaissance.

1911. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

On s’en souvient : ils avaient, au dix-huitième siècle, mis partout leurs trois dieux, Voltaire, Rousseau et Franklin, qu’ils appelaient le Flambeau de l’humanité dans le style du temps, sérieux et comique, déclamatoire et plat.

1912. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes, parce que Dieu, en l’habitant, l’avait élargi, elle devint, non pas uniquement la créature d’élection et de perfection surnaturelle, dont le souvenir plane encore sur le monde ému, mais aussi la première, la plus grande, la plus auguste des supérieures d’Ordres, ornée, avec toutes les vertus du Ciel, de toutes les qualités prudentes, politiques, humaines, de la terre !

1913. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Qui de nous ne se souvient douloureusement du jour où le P. 

1914. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Christophe »

L’abbé Christophe ne s’est peut-être pas souvenu, lui, prêtre français, que ce fut le clergé français qui transforma le concile de Bâle en un conciliabule d’insurrection, comme il avait été déjà la cause première du grand schisme d’Occident.

1915. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Il voit des sauts dans la nature, comme une vieille femme qui verrait des trous dans ses bas et ne saurait comment s’y prendre pour les remmailler. « Tout n’est pas progrès — dit-il — dans la nature et dans l’histoire. » Qu’il s’en souvienne pour une autre fois !

1916. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Stendhal et Balzac » pp. 1-16

Mais, pour ne pas parler de ces hommes trop rares dont nous avons le souvenir et dont nous n’avons plus la race, les Estienne, les Alde Manuce, les Elzévir, etc., il y en eut, au-dessous de ceux-là, beaucoup d’autres, qui avaient au moins l’art de leur industrie, et pour qui l’unique et suprême question n’était pas de vendre et de gagner, n’importe à quel prix !

1917. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

On reconnaît en lui la rancune de cette Revue, qui se souvient de ses anciens procès avec Balzac quand il s’agit de lui faire le sien.

1918. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Et plus tard, plus tard encore, ce sera du conteur que l’on se souviendra le plus ; car l’Imagination touchée est la plus reconnaissante des facultés qui composent l’ensemble de notre ingratitude, et c’est aussi l’écho qui brise le moins la voix qu’il renvoie à cette pauvre chanteuse, à l’écho qu’on appelle fastueusement la gloire.

1919. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

III Le véritable Arthur de Gravillon, — celui qui n’est le souvenir de personne, mais l’espérance de tous, l’espérance de tout ce qui aime la littérature et lui souhaite l’aubaine d’originalités inconnues, — le véritable Arthur de Gravillon a paru pour la première fois dans le livre de J’aime les Morts.

1920. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Ainsi, dans l’oraison funèbre de Henriette d’Angleterre, il dit, en parlant des princes, « Qu’ils s’imaginent avoir un ascendant de raison comme de puissance ; qu’ils mettent leurs opinions au même rang que leurs personnes, et qu’ils sont bien aises, quand on a l’honneur de disputer avec eux, qu’on se souvienne qu’ils commandent à des légions ».

1921. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

. — Mais s’agissait-il d’événements anciens, qu’aucun homme vivant n’avait pu voir et dont la tradition orale n’avait gardé aucun souvenir ? […] C’est le point le plus important : la seule observation exacte est celle qu’on rédige aussitôt dans les sciences constituées ; une impression notée plus tard n’est déjà plus qu’un souvenir, exposé à s’être mélangé dans la mémoire avec d’autres souvenirs. […] Un souvenir n’est qu’une image et n’est pourtant pas une chimère, il est la représentation d’une réalité passée. Il est vrai que l’historien, en travaillant sur les documents, n’a pas à son service des souvenirs personnels ; mais il se fait des images sur le modèle de ses souvenirs. […] Chacun de nous peut retrouver dans ses souvenirs la façon absurde dont il a conçu d’abord les personnages et les scènes du passé.

1922. (1895) Hommes et livres

On se souvient des doléances de Muret sur la grossièreté scandaleuse de ses auditeurs, et qu’on alla jusqu’à lui lancer des pommes dans sa chaire. […] Il se souvient encore abondamment des anciens et se fleurit de ses souvenirs : mais il a passé le temps des simples décalques ; il pense selon sa matière, sans trop s’inquiéter de ce qu’on a pensé avant lui, et note les émotions intimes qui naissent en lui du contact des choses. […] Qu’on se souvienne qu’il présenta son traité au garde des sceaux du Vair, homme pieux, s’il en fut, mais également pacifique et tolérant. […] Le groupe des contemporains d’Henri IV ne doit rien à l’Espagne ; ils en haïssent trop la politique pour en prendre le goût ; ils se souviennent de la Ligue. […] Aucun intérêt donc ne le pousse : mais, dans ce lointain passé, il revoit cette pétaudière, et ce souvenir le fait bondir.

1923. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Un jour, Delany, son biographe, l’ayant trouvé qui causait avec l’archevêque King, vit l’archevêque en larmes, et Swift qui s’enfuyait le visage bouleversé. « Vous venez de voir, dit le prélat, le plus malheureux homme de la terre ; mais sur la cause de son malheur, vous ne devez jamais faire une question. » Esther Johnson mourut ; quelles furent les angoisses de Swift, de quels spectres il fut poursuivi, dans quelles horreurs le souvenir de deux femmes minées lentement et tuées par sa faute le plongea et l’enchaîna, rien que sa fin peut le dire. « Il est temps pour moi d’en finir avec le monde… ; mais je mourrai ici dans la rage comme un rat empoisonné dans son trou965… » L’excès du travail et des émotions l’avait rendu malade dès sa jeunesse : il avait des vertiges ; il n’entendait plus. […] Il a gardé un souvenir confus des termes depuis qu’il a quitté l’université, mais il a perdu la moitié de leur sens, et les met ensemble sans autre motif que leur cadence, comme ce domestique qui clouait des cartes de géographie dans le cabinet d’un gentleman, quelques-unes en travers, d’autres la tête en bas, pour mieux les ajuster aux panneaux974. » Quand il juge, il est pire que quand il prouve ; témoin son court portrait de lord Wharton. […] Et je me souviens que lui-même en faisait l’aveu à une dame, exceptant toutefois la promesse qu’il lui faisait en ce moment, qui était de lui procurer une pension. […] Quand les tonneaux se vident dans son gosier et que les viandes s’engloutissent dans son estomac, l’on prend par sympathie part à tant de bien-être ; dans les ballottements de ce ventre colossal et dans le rire de cette bouche homérique, on aperçoit comme à travers une fumée les souvenirs des religions bachiques, la fécondité, la joie monstrueuse de la nature ; ce sont les magnificences et les dévergondages de ses premiers enfantements.

1924. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

L’éloge que je crois avoir lieu de faire en ce moment des objets de nos conférences, s’étendrait plus loin, si je ne me souvenais que je dois parler de la comédie, et si je ne pensais que cet art, fondé pour corriger les ridicules, m’avertit de les éviter le premier en enseignant ce qui les met en évidence. […] D’ailleurs il m’importe de détruire les préventions qu’elles ont répandues : car si je fus entravé dès mes premiers pas par divers obstacles, je n’en fus jamais découragé, et je ne perdis en aucun temps le souvenir de la faveur protectrice du public impartial dont je me regardai comme le disciple, l’ayant choisi pour mon seul maître. […] Vous souvenez-vous que cela parut être une multiplication exagérée quand j’en présentai le résultat ? […] Pourquoi se souviendra-t-on à jamais de l’Avare ? […] Ce seul changement dans le sujet lui donne un éclat d’invention qui, s’il n’efface le souvenir de la fable imitée, en rehausse incomparablement le prix.

1925. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Parmi les refrains, les satires crues, les souvenirs de projets avortés et de jouissances salies qui s’entassent comme dans un égout dans sa tête lassée, la crainte de la damnation fermente ; il meurt dévot à trente-trois ans. […] La comédie lui donnera les mêmes plaisirs que la vie ; il s’y traînera également dans la vulgarité et dans l’ordure ; il n’aura besoin pour y assister ni d’imagination, ni d’esprit ; il lui suffira d’avoir des yeux et des souvenirs. […] Son meilleur poëme, Cooper’s Hill, est la description d’une colline et de ses alentours, jointe aux souvenirs historiques que cette vue réveille et aux réflexions morales que cet aspect peut suggérer. […] Il rencontre ici une montagne, là-bas un souvenir des nymphes, souvenir classique qui ressemble à un portique de statues, plus loin le large cours d’un fleuve, et à côté les débris d’une abbaye : chaque page du poëme est comme une allée distincte qui a sa perspective distincte. […] Ce monde n’a laissé qu’un souvenir de corruption : cette comédie est demeurée un répertoire de vices ; cette société n’a eu qu’une élégance salie ; cette littérature n’a atteint qu’un esprit refroidi.

1926. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Le paysan qui évoque, le soir, au coin du feu, les légendes naïves du terroir ou les souvenirs familiaux, fait œuvre d’artiste au même titre que le poète, le musicien et le peintre qui s’inspirent des grandes traditions de l’humanité et cherchent à en traduire avec relief le sens émotif. […] C’est pourquoi le souvenir de notre amitié passée doit devenir plus sacré ! […] On a vu plus haut la part qu’il y accorde à la sentimentalité, au souvenir d’impressions antérieures ravivées par l’audition musicale. […] Chamberlain sur la subordination du musicien au poète, je me suis souvenu, après coup, d’un aveu très important de Wagner, que l’on trouvera dans une de ses dissertations les moins connues : Ueber dit Benennung Musikdrama. […] Voir les si intéressants Souvenirs de Richard Wagner par H. de Wolzogen.

1927. (1905) Promenades philosophiques. Première série

. — Vous ne vous souvenez pas de quelque année qui vous ait paru heureuse ? […] Car chacun a dans son souvenir des heures, quelquefois des jours, qu’il revivrait volontiers. […] C’est nous-mêmes que nous contemplons dans le spectacle des choses, nos souvenirs, nos désirs, nos habitudes. […] J’ai relevé sur un exemplaire du Paradisus animæ (Malines, 1840), cette annotation : « Souvenir de ma première visite à S. […] Se souvenir de l’aphorisme de Locke « tout ce qui est dans l’intelligence a passé par les sens » (1905).

1928. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Je me souviendrai toujours de la sensation extraordinairement suave que me causa, dans l’ardeur d’une fièvre violente, le contact de la glace sur mon front. […] Pour l’être doué du sens de la vue, le souvenir est une série de tableaux, c’est-à-dire d’images et de couleurs ; ces images se tiennent et s’appellent l’une l’autre. […] Elle ne souffrait que de son amour, et sentait son âme l’abandonner par ce souvenir, comme les blessés, en agonisant, sentent l’existence qui s’en va par leur plaie qui saigne. […] L’émotion que la poésie nous donne a ainsi la puissance du souvenir. […] Aicard par exemple, qui a tenté de faire la théorie de son art et défendu dans une préface la suppression de la césure classique, écrit des vers comme ceux-ci : Et j’aspire ton souvenir avec paresse...

1929. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Dans son récent volume, qui est un retour de souvenir vers le passé, M. de Vigny a laissé le poëte pour s’occuper du soldat, cet autre paria, dit-il, des sociétés modernes. […] L’auteur énonce, sur l’état arriéré des armées, sur leur transformation nécessaire, des idées miséricordieuses et équitables, les vues d’un philosophe militaire qui a profité de toutes les lumières de son temps et qui s’est souvenu de Catinat.

1930. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Les pauvres prisonniers et prisonnières, tout réjouis, se pressaient à leurs grilles, écoutaient les larmes aux yeux et me remerciaient, à mesure que je passais devant leur lucarne, de leur donner ainsi un souvenir de leur jour de fête. […] et que Dieu et ses anges te bénissent, murmura tout bas Hyeronimo ; mais souviens-toi qu’entre la liberté sans toi et la mort avec toi, je n’hésiterai pas une heure, fût-elle ma dernière heure !

1931. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les mœurs austères des premières nations chrétiennes auraient vu dans cette institution de plaisir intellectuel un souvenir de la bayadère des Indes ou de la courtisane de Rome. […] Les unes peignaient les douleurs d’une longue captivité, les autres l’isolement, la privation barbare des dernières ressources ; et ne craigniez-vous pas que ces mots : ils ont enlevé le fils à la mère, ne dévorassent tous les souvenirs dont vous retraciez la mémoire !

1932. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Les provinces avaient leur vie distincte et intense : comme elles eurent leurs chefs et leur histoire, leurs souvenirs glorieux ou douloureux, elles eurent leur épopée. […] Sauf les interpolations que la flatterie et l’intérêt peuvent introduire dans la rédaction des poèmes, les derniers événements dont le souvenir y soit élaboré en récits légendaires sont de cette époque.

1933. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Émery ; il n’y en avait, je crois, que deux qui eussent des souvenirs d’avant la Révolution. […] Garnier racontait ses souvenirs, parlait de M. 

1934. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Un homme qu’on ne sait comment classer dans son siècle, tant il est en dehors, et à la fois en arrière et en avant, le marquis de Mirabeau, ce mauvais coucheur de la philanthropie, très rare penseur après tout, avait une bibliothèque aux deux coins de laquelle il avait fait sculpter un chien et une chèvre, en souvenir de Socrate qui jurait par le chien et de Zenon qui jurait par le câprier. […] La Grèce se souvint de Salamine, où Eschyle avait combattu.

1935. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Le verbe, enfin, embrasse tous les temps, et crée le souvenir et la prévision. […] Que l’on se souvienne de ce que nous avons dit plus haut sur la difficulté d’inventer le langage sans l’écriture, et l’on sentira tous les inconvénients du système de l’invention du langage pur l’homme : mais ce système une fois rejeté, les cordonnets des anciens Égyptiens, si semblables aux quipos des Péruviens, peuvent, avec raison, être regardés comme le premier pas de l’invention de l’écriture.

1936. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Des cœurs respectueux et affligés, des hommes comme Vincent Bolgeni, comme le cardinal Simone, en ont conservé le souvenir pour l’éternelle et consternante édification des pouvoirs qui ne savent pas résister. […] honorez le souvenir d’un Pontife qui est moins indigne de votre estime qu’il ne mérite toute votre compassion.

1937. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Mais tout fut à peu près inutile, et je me souviens très bien du peu que lui et moi (car il m’avait associé à son travail, trouvâmes alors. […] Nous avons eu les souvenirs de Théophile Gautier.

1938. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Dutrey, m’écrivait : « … Ce n’est pas sans une vive émotion que j’ai retrouvé, dans ce que vous dites de lui, l’expression si fidèle des souvenirs que m’a laissés notre longue amitié.

1939. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Il nous semble, si le souvenir ne nous abuse pas, que les Feuilles d’Automne en contenaient moins et annonçaient un travail d’élaboration que les Chants du Crépuscule ne réalisent qu’en partie ; ou peut-être ces fautes ne nous choquent-elles ici davantage que par le caractère plus élégiaque des morceaux qui les entourent et les font ressortir, et aussi par la susceptibilité d’un goût malheureusement plus difficile et plus rebuté avec l’âge.

1940. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET (La Confession d’un Enfant du siècle.) » pp. 202-217

Il nous a montré, à partir de là, son héros défaisant à plaisir cet amour par des jalousies, des soupçons, de bizarres inquiétudes, des procédés violents ; il a dit : Voilà ce que c’est que d’avoir été débauché ; celui qui a été débauché gâte, souille par ses souvenirs, même l’amour pur.

1941. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Mademoiselle de Liron est, comme on sait, l’héroïne d’un roman bien connu de Delécluze, le critique d’art du Journal des débats, et l’auteur des Souvenirs de soixante années, auxquels M. 

1942. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Fortoul n’a pas manqué de le faire ; mais ici encore il luttait avec de présents et poétiques souvenirs, il rencontrait M. de Lamartine sur son lac consacré.

1943. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VII. Du style des écrivains et de celui des magistrats » pp. 543-562

l’amour constant pour une réputation de près de vingt années, pour un homme qui, redevenu par son choix simple particulier, a traversé le pouvoir dans le voyage de la vie, comme une route qui conduisait à la retraite, à la retraite honorée par les plus nobles et les plus doux souvenirs !

1944. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Souvenez-vous comment Joinville conte en six lignes la fin de « son pauvre prêtre malade, qui voulut achever de célébrer la messe et oncques puis ne chanta et mourut ».

1945. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Telle qu’elle est, la vie est « passable ». « Mieux vaut souffrir que mourir, c’est la devise des hommes. » Cette morale-là est bien gauloise ; nous plions sous l’énorme machine administrative qui nous façonne ; nous nous souvenons qu’en vain on l’a cassée, que toujours elle s’est raccommodée, et ne s’est trouvée que plus pesante ; bien plus, nous sentons que si elle se détraquait, nous ne pourrions vivre.

1946. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

Il avait dans le sang, il reçut parmi ses premières impressions d’enfance, quelque chose qui lui permit de comprendre la beauté antique : il la sentait toute voisine de lui et dans une parfaite harmonie avec son intime organisation ; où les autres ne voyaient que des souvenirs de collège ou des décors d’opéra, il saisissait sans effort les réalités concrètes.

1947. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

1948. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Il faut renon-cer aux grandes choses ; les généreuses pensées ne vivront plus que dans le souvenir des rhéteurs ; la religion ne sera plus qu’un frein que la peur des classes riches saura manier.

1949. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Premières tentatives sur Jérusalem. »

Seule, la colline de Mizpa, avec ses souvenirs de la plus vieille histoire d’Israël, soutient le regard.

1950. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Quand j’ai dit qu’il n’avait jamais eu de passion et d’excès, je me suis trop avancé : il a eu, à un moment, un excès de raison ; cette poésie lyrique, alors toute jeune et florissante, il la niait, il la raillait, s’il nous en souvient, et ne la notait au passage qu’avec ironie.

1951. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

S’en souvient-il ?

1952. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Elle soutient encore le principe, si peu justifié par l’expérience, de la division dans le pouvoir exécutif, et elle persiste à penser, malgré les souvenirs laissés par le Directoire, qu’un corps à plusieurs têtes vaut mieux pour gouverner l’État que le pouvoir d’un seul.

1953. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

Et n’est-ce pas à ces fins que nous ont préparés tous nos glorieux devanciers, grands initiés de tous les âges, prophètes et voyants, grands émancipateurs de la conscience humaine, dont nous ne pouvons évoquer le souvenir sans une étreinte au cœur, mais dont le verbe puissant sonne si haut tout au fond de notre rêve, que nous levons la tête pour les suivre ?

1954. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Ceux qui se souviennent des évenemens de guerre arrivez durant les troubles du Païs-Bas, lesquels ont donné naissance à la republique de Hollande, sçavent bien que l’infanterie composée de flamands, ne tenoit pas contre l’infanterie composée d’espagnols naturels.

1955. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Vous comparez ; vous rapprochez ; vous vous souvenez que Platon adore les mythes, c’est-à-dire les théories habillées en fables, en manière de poèmes épiques ; et vous vous dites que la rencontre d’un mythologue et d’un spiritualiste a produit cette théorie des idées vivantes, des abstractions qui sont des êtres, des abstractions qui sont des forces, des abstractions qui sont des dieux.

1956. (1912) L’art de lire « Chapitre V. Les poètes »

Il est rare que je me promène sans me réciter à moi-même quelqu’une des pièces suivantes : « Marquise si mon visage… » ; les deux Pigeons ; « Ô mon souverain roi me voici donc tremblante… », « Si vous voulez que j’aime encore… » ; la Jeune Captive ; le Lac ; la Tristesse d’Olympio ; le Souvenir ; plus souvent la Vigne et la Maison ; la Voie lactée de Sully-Prudhomme, l’Agonie du même.

1957. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Ce qu’il lui faut, c’est qu’on sache qu’elle a fait ce livre, — ce misérable livre où jusqu’à la personnalité du souvenir a été effacée, — et de pouvoir dire cependant, si cela lui plaît, qu’elle ne l’a pas fait.

1958. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle devint cette petite fourmi, comme elle s’appelle avec une grâce d’humilité délicieuse en une femme qui avait le cœur plus grand que tous les mondes parce que Dieu, en l’habitant, l’avait élargi ; elle devint, non pas uniquement la créature d’élection et de perfection surnaturelle dont le souvenir plane encore sur le monde ému, mais aussi la première, la plus grande, la plus auguste des supérieures d’Ordres, ornée, avec toutes les vertus du Ciel, de toutes les qualités prudentes, politiques, humaines, de la terre !

1959. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

La nature, il est vrai, ne nous donne que peu d’instants pour vivre, mais le souvenir d’une mort illustre est éternel : et si la gloire n’avait que la durée rapide et passagère de la vie, quel serait l’homme assez insensé pour l’acheter aux dépens de tant de périls et de travaux ?

1960. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Jamais ne meurent sou noble souvenir ni son nom ; mais, sous la terre qui le couvre, il est immortel celui que, dans le feu de la victoire, de la résistance, du combat pour la patrie et la famille, le terrible Mars a frappé.

1961. (1929) La société des grands esprits

Mais à leur tour Argos ou Thèbes perpétueront par le marbre ou le bronze le souvenir des défaites infligées aux Lacédémoniens. […] Cependant, en souvenir de son lointain aïeul et en raison de ses augustes parentés byzantines, on lui a fait apprendre le grec. […] Il insiste sur les Albigeois et ne semble pas se souvenir qu’ils furent impitoyablement anéantis. […] (Souvenirs d’enfance et de jeunesse.) […] J’avoue que j’en ai fait dans ma première jeunesse : j’en ai gardé un souvenir charmant.

1962. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

En souvenir de cet heureux événement et pour en conserver la mémoire, on avait institué une fête anniversaire. […] A ce souvenir, le sabre tombe des mains du mari offensé, qui s’écrie : « Ah ! […] Fuis de moi, femme, fuis ; et, cachant tes douleurs, Souviens-toi qu’un Romain punit jusques aux pleurs ? […] Un plaisant du parterre répondit pour elle : Ma foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère. […] Mais sa gloire et son corps n’ont qu’une même bière ; Et lorsqu’Abeille on nommera, Dame postérité dira : Ma, foi, s’il m’en souvient, il ne m’en souvient guère.

1963. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

L’infante, autant qu’il m’en souvienne, Était, sur ma parole, une adorable Hébé. […] Nous n’avons pas, au moment de lui dire adieu, à écarter, par respect ou bienséance, le souvenir d’une action douteuse ou d’un livre un peu suspect. […] Il y a — d’abord infiniment de talent et quelque de vérité là dedans, — mais aussi un souvenir peu effacé du Rodolphe des Mystères de Paris. […] Catulle Mendès de faire un drame, ou, si l’on veut, une fantaisie dramatique, avec le souvenir d’Albert Glatigny. […] Fontaine, ne faut-il, pour le redevenir, Que me mirer dans ta vasque et me souvenir ?

1964. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

C’est une fantaisie poétique qui passe devant notre imagination et disparaît, nous laissant le souvenir d’une brillante vision. […] parce que les scènes invraisemblables, le comique arbitraire, les cérémonies burlesques, les Turcs, la danse des dervis, dara, dara bastonnara, toutes ces charmantes folies enfin, qui sont comme un souvenir de la comédie ancienne, nous font sortir un peu de la réalité qui nous obsède dans les scènes avec le maître de philosophie et avec Nicole. […] Bien qu’ils aient beaucoup d’esprit, ils affectent de faire fi dans la comédie des bons mots comme tels ; ils méprisent le comique arbitraire ; pour le comique avoué, je ne crois pas qu’ils sachent même ce que c’est, et je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu dans leur conversation, ni lu dans leurs livres, l’éloge des ballets et des intermèdes, ces interruptions si éminemment comiques dans la suite naturelle des actes et des scènes, surtout lorsqu’elles n’ont aucun rapport avec le sujet de la pièce.

1965. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

On se perd dans les horizons du passé, on rêve aux choses ensevelies, on pense tout haut, on feuillette du souvenir les vieux chefs-d’œuvre, on retrouve et on retire de sa mémoire des citations, des fragments, des morceaux de poèmes, pareils à des membres de Dieux, sortant d’une fouille dans l’Attique. […] Puis, un long moment, elle regarde les choses, avec ces yeux de mourant qui paraissent vouloir emporter le souvenir des lieux qu’ils quittent, et la porte de l’appartement, en se fermant sur elle, fait un bruit d’adieu. […] Quelles figures fantasques, quels originaux, quelles silhouettes grotesques ou bizarres, puissantes ou tranchées, s’accusant dans les souvenirs, les légendes de famille, avec une verdeur, une saveur du cru, une turgescence de comique, qu’on ne trouve pas dans les bonshommes parisiens.

1966. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Le jardin de la rue Plumet combiné avec des souvenirs d’enfance est l’original du jardin du Paradou. […] Le psychologue est, lui aussi, un romancier : il imagine des caractères, des passions, des souvenirs, des volontés ; il se place par l’imagination dans telle ou telle circonstance ; il se demande ce qu’il ferait, ce qu’il a fait dans des circonstances analogues, ce qu’il a vu faire. […] Zola s’est évidemment, souvenu de la façon de conter de Jules Verne dans l’épisode du petit Jeanlin descendant dans le puits de mine abandonné, sa chandelle à la main.

1967. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Des moindres bibelots dont notre rêve d’artiste aime s’entourer et qui forment autant de souvenirs vivants, fusera une note, et des motifs de symphonie spirituelle s’ajouteront les uns aux autres, transposant à leur manière, et musicalement nos émotions intérieures, pour finir en un vaste concert psychique où nos propres motifs seront joués. […] Des souvenirs lointains, heures charmantes, attendries, remontent du fond de ma mémoire qui saigne. […] « Le poète ne sera plus lui-même la matière unique de ses chants ; il ne nous fatiguera plus du récit de ses bonnes fortunes ou du souvenir de ses débauches ; il ne sera plus Byron, ni Musset, ni Don Juan.

1968. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

En souvenir d’elle, attache-moi sa guirlande d’hier tout humide de parfums. […] Le crâne doit être dessiné sous tous les sens imaginables, afin qu’il ne puisse sortir du souvenir. […] On se souvient du jour terrible qu’il jette sur la fin mystérieuse de Madame Henriette. […] La Mort l’en fait souvenir ; elle soulève la pourpre du dais, et lui frappe brusquement l’épaule… Les cardinaux effarés partent déjà pour le conclave. […] Aucun souvenir d’une ère primitive, aucune nostalgie d’un pays natal.

1969. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Aussi, nous plaît-il de clore cette courte notice par un souvenir bien près de nous et déjà bien effacé au milieu de ces luttes, nous voulons dire l’apparition en 1887 du très curieux poème de H.  […] Mais le cher souvenir, feuilleté comme un livre, Nous fait dans le passé tout doucement revivre, Même quand nous touchons au sépulcre glissant ; Et qui donc vous a dit que la Mort éternelle Nous garde à tout jamais endormis sous son aile, Puisque nous revivons encore en vieillissant ? […] Jean Moréas, mon maître… Vous vous souvenez de l’émoi causé par la publication du Pèlerin passionné. […] Balluchon , page 381 (le Parcours du Rêve au Souvenir ; — Palmes).

1970. (1886) Le naturalisme

Du feu sacré si le ciel est avare, Va les ravir d’un vol audacieux ; Vole, jeune homme… Oui, souviens-toi d’Icare : Il est tombé; mais il a vu les cieux ! […] Qui se souvient aujourd’hui de ces féconds romanciers si goûtés de leur époque ? […] Le sujet de Madame Bovary, — qui a été si blâmé et qui a soulevé un tel scandale, — fut suggéré à Flaubert, à ce que déclare Maxime Ducamp, par le hasard, qui évoqua dans sa mémoire le souvenir d’une malheureuse femme qui vécut et mourut comme son héroïne. […] Un pays idolâtre de ses traditions et de ses propres souvenirs a bâti le piédestal sur lequel trône le peintre basque ; mais sa palette n’est riche qu’en demi-teintes et en couleurs claires, gracieuses, sans vigueur ni intensité. […] Ce qui augmente leur intérêt c’est qu’ils nous transmettent le souvenir des mœurs originales qui disparaissaient et des nouvelles mœurs ; en somme, ils sont le reflet d’une complète transformation sociale.

1971. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Mais ce n’est rien encore… Quels souvenirs de chevelures parfumées tu mets dans la brise languissante des soirs de printemps ! […] Ce temps pluvieux émeut en moi des souvenirs. […] J’arrivai au discours du vieillard : « Souviens-toi de ton père, Achille, égal aux dieux. […] bien, respecte les dieux, Achille : aie pitié de moi, au souvenir de ton père. […] Tous deux se livrent à leurs souvenirs : Priam regrette le glorieux Hector et pleure abondamment, prosterné aux pieds d’Achille.

1972. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

La mère, qui commence à se douter du sentiment né de la pitié et du malheur dans le cœur de son fils, prévient les objections qu’elle pressent dans l’esprit du père par les souvenirs de leur ménage, contracté sous les auspices de la Providence seule, au jour de la ruine, le lendemain du grand incendie de la ville. […] Je me souviens encore de ces poutres à demi brûlées et de ce soleil levant pourtant si beau, car ce jour-là m’a donné un mari, et à cette désolation m’est venu un fils !

1973. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

La plupart, dans ces réunions, s’épuisent en plaintes et en regrets amers au souvenir des plaisirs de la jeunesse, de l’amour, des festins et de tous les autres agréments de ce genre : à les entendre, ils ont perdu les plus grands biens ; ils jouissaient alors de la vie, maintenant ils ne vivent plus. […] « Je me souviens qu’étant un jour avec le poète Sophocle, quelqu’un lui dit en ma présence : — Sophocle, l’âge te permet-il encore de te livrer aux plaisirs de l’amour ?

1974. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Le vent et la légèreté de l’âge, la mauvaise renommée de la mère emportèrent ces serments ; mais Voltaire conserva toujours le tendre souvenir de ce premier attachement, et retrouva plus tard avec un tendre intérêt mademoiselle Dunoyer mariée au baron de Winterfeld. […] Il ne retourna un moment à Cirey que pour en déménager ses livres, ses manuscrits, ses habitudes, ses souvenirs.

1975. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Toutes ses œuvres irritent les plaies anciennes : quand tous les autres veulent l’oubli et l’union, il réveille tous les souvenirs capables de diviser. […] Le souvenir de Tacite, qu’il admire, l’aide à maintenir sa violence de sentiment dans les bornes d’une nerveuse et grave émotion.

1976. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Si, pour ceux qui sont jeunes, le Cid est l’idéal même de la passion qu’ils ont dans le cœur, ceux qui sont agités par les passions de l’âge mûr ou de la vieillesse n’y trouvent-ils pas le souvenir de ce qu’ils ont été, et l’image de ce qu’ils sont ? […] Il faisait, pour la première fois, parler son cœur encore ému de souvenirs personnels, et déjà le poète savait choisir entre les sentiments qu’avait éprouvés l’homme.

1977. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Aujourd’hui, toutes ces vieilles querelles de caste et de classe n’existent plus qu’à l’état de cendres et de souvenirs. […] Vous souvient-il de cette dame galante de Brantôme qui, au récit des licences et des saturnales de Venise, s’écrie, avec une mélancolie hystérique : « Hélas, si nous eussions fait porter tout nostre vaillant en ce lieu-là par lettre de banque, et que nous y fussions pour faire cette vie courtisanesque, plaisante et heureuse à laquelle toute autre ne saurait approcher, combien nous serions emperières de tout le monde ! 

1978. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

* * * — Moi, ma charogne m’est indifférente, et il m’importe peu de pourrir, mais si j’aimais une femme, et que je vinsse à la perdre, il me semble que cette dissolution humoreuse serait un tourment pour ma pensée et mon souvenir. […] Et il ajoute qu’il avait conservé de cette vie, un souvenir d’épouvantement si grand, que lorsqu’il s’est vu aveugle chez Dubois, et qu’il ne savait comment il mangerait, l’idée de retourner aux Quinze-Vingt lui avait causé une telle horreur, qu’on le faisait surveiller pour qu’il ne se tuât pas.

1979. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Il semble qu’au déclin des années les littératures, comme les hommes, aiment à se replier sur elles-mêmes : le soir est l’heure des souvenirs. […] Aujourd’hui on met de tout dans l’examen d’un livre ou d’une comédie ; on y glisse des anecdotes, des souvenirs personnels, des citations de Tibulle, de Virgile : peut-être bientôt, par amour de la nouveauté, y mettra-t-on même de la critique.

1980. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

En un mot, la singularité n’étonne que les hommes communs, C’est pourquoi on oublie si vite nos romans contemporains qui représentent des fous raffinés dans une ambiance de vide, tandis que nous gardons dans notre mémoire le souvenir des vieux contes sur les hommes communs dans un monde fou. […] Il écrit la biographie de Max Jacob et d’Apollinaire dont il a été l’ami et plusieurs recueils de souvenirs.

1981. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

Dans l’imagination et le souvenir de tout le monde, Proudhon, l’auteur de : La Justice dans la Révolution et dans l’Église, continue d’être le terrible incendiaire qui a bouté le feu — et qui s’en est vanté — « à toutes les broussailles de la Révolution, pour en faire lever les derniers marcassins qui s’y cachent ». […] Quelques personnes trop disposées en sa faveur l’ont, il est vrai, trouvé poétique, quand il fit, vous vous en souvenez ?

1982. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Il faudra remonter à la source même, ramener l’image dérivée, celle d’une mascarade, à l’image primitive, qui était, on s’en souvient, celle d’un trucage mécanique de la vie. […] Cette direction, on s’en souvient, était la seconde de celles qui s’offraient à nous à partir d’une image centrale.

1983. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Peut-être même devrions-nous pousser la simplification plus loin encore, remonter à nos souvenirs les plus anciens, chercher, dans les jeux qui amusèrent l’enfant, la première ébauche des combinaisons qui font rire l’homme. […] Combien de plaisirs présents se réduiraient pourtant, si nous les examinions de près, à n’être que des souvenirs de plaisirs passés !

1984. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Le président se jeta résolument au fort de ces difficultés, qui n’eurent d’autre effet sur lui que de le rendre « plus attentif à sa fortune et plus vigoureux au travail : Ce qu’il montra bien au voyage, nous dit Saumaise, et me souviens que séjournant à Calais pour attendre le vent, et craignant que cette longueur ne lui fît préjudice, il se fut embarqué contre vent et marée, si le pilote craintif l’eût osé hasarder.

1985. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Dans le journal, au contraire, écrit pour lui seul et pour servir de matière à ses souvenirs, il se montre toujours rempli sans doute d’admiration et de respect pour le personnage auquel il appartient, mais son langage n’y aide pas ; ses révélations sont de toutes sortes et sans choix ; il y a des trivialités et des platitudes qu’on regrette de rencontrer.

1986. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

(Voir là-dessus un chapitre des Souvenirs de l’amiral Tchitchagoff,1862.)

1987. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Certes, l’homme qui s’exprime ainsi n’est pas irréligieux : il me paraîtrait même conserver et introduire dans sa conclusion dernière une légère part de mysticisme ou d’indéterminé sous le nom d’idéal ; et je serais plutôt tenté, quand je considère l’histoire du monde, la vanité de notre expérience, la variété et le recommencement perpétuel de nos sottises ; quand je viens à me représenter combien de lacunes en effet dans ce cabinet des types et échantillons qu’il appelle magnifiquement la conscience du genre humain, combien de pertes irréparables et que de hasard dans ce qui a péri et ce qui s’est conservé, combien d’arbitraire et de caprice dans le classement de ce qui reste, et que ce restant dont nous sommes si fiers, si l’on excepte les tout derniers siècles qui nous encombrent, et dont, nous regorgeons, n’est, en définitive, qu’un trésor composé d’épaves comme après un naufrage ; — quand je me représente toutes ces interruptions, ces oublis, ces brusqueries et ces croquis de souvenirs, ces ignorances complètes ou ces à-peu-près, et à vrai dire, ces quiproquos qui ne sauraient pourtant revenir tout à fait au même, — je serais, je l’avoue, plutôt tenté de trouver que M. 

1988. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens, par M. Le Play, Conseiller d’État. »

que de saillies, de traits charmants et sensés, que de précieux ou de piquants souvenirs, que d’idées, que de trésors jetés aux quatre vents de l’horizon et qu’il ne recueillera jamais !

1989. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

Il y eut un revirement et un tour de faveur au dernier moment : l’ombre même de Mirabeau, le souvenir de cette illustre amitié, joint à une réputation intacte de patriotisme et de sagesse, désigna Frochot au choix du Premier Consul.

1990. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Dans une de ces réunions dont nous avons gardé souvenir, le noble et regrettable Jouffroy prenait l’idée d écrire le portrait de George Sand, idée piquante et heureuse, projet aimable, longtemps caressé par lui, et que tant d’autres soins, avant la mort, l’ont empêché d’exécuter.

1991. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

D’autres sans inquiétudes sur eux-mêmes, mais ne voulant point blesser les souvenirs de quelques-uns de leurs auditeurs, n’osaient parler avec enthousiasme de la justice et de l’équité ; ils essayaient de présenter la morale avec détour, de lui donner la forme de l’utilité politique, de voiler les principes, de transiger à la fois avec l’orgueil et les remords qui s’avertissent mutuellement de leurs irritables intérêts.

1992. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les peines de cette passion sont assez peu connues, parce que ceux qui les ressentent en gardent le secret, et que tout le monde étant convenu de mépriser ce sentiment, jamais on n’avoue les souvenirs ou les craintes dont il est l’objet.

1993. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre III. Des idées générales et de la substitution à plusieurs degrés » pp. 55-71

. — Pareillement, un compositeur qui vient de lire un air d’opéra ne se souvient pas des croches, des blanches, des clefs, des portées, et de tout le barbouillage noir sur lequel ses yeux se sont promenés, mais seulement de la série des accords qu’intérieurement il a entendus ; les signes se sont effacés, les sons seuls surnagent. — Quand il s’agit de mots, nous pouvons marquer les divers degrés de cet effacement.

1994. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Joséphin Soulary »

Or, voici un tout petit sonnet, quatorze petits vers, qui vous offrent, réduits à des proportions minuscules, le Lac, la Tristesse d’Olympio et le Souvenir de Musset.

1995. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Il a vécu comme un enfant toujours étonné et, malgré sa mort, son souvenir est un de ceux qui n’attristent pas.

1996. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Que l’ignorance confonde l’homme de Lettres avec ces hommes livrés à la paresse sous le nom de repos, qui se dérobent à l’agitation générale pour vivre dans le desœuvrement, qui dorment mollement sur des fleurs, en s’abandonnant au cours enchanteur d’une riante imagination ennemie du travail, & amie de la paix, dont la longue carrière peut être considerée comme un doux rêve, & qui tombent dans les bras de la mort, sans avoir daigné graver sur la terre le souvenir de leur existence ; cette injustice ne m’étonnera point, elle sera digne d’elle : mais l’œil qui aura suivi les travaux de l’homme de Lettres jugera différemment, il le verra souvent insensiblement miné par de longues études, périr victime de son amour pour les Arts, tomber en poursuivant avec trop d’ardeur la vérité, comme l’oiseau harmonieux des bois tombe de la branche au milieu de ses chants, ou plutôt comme ces illustres Artistes dont la main intrépide interrogeant dans la région enflammée de l’air le phénomene électrique, couronnent tout à coup leur vie par une mort fatale & glorieuse.

1997. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

C’est toi qui satisfais le penchant le plus digne de nous ; tu nous écartes des routes de la molesse pour nous faire marcher sur les pas des grands hommes ; tu ravis au néant le souvenir des nobles travaux ; sois toujours la passion la plus forte, la plus durable, la plus agissante dans l’homme de Lettres.

1998. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVII. Forme définitive des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

On se souvient que, selon les anciens sages, l’homme ne se survivait que dans ses enfants.

1999. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXI. Dernier voyage de Jésus à Jérusalem. »

Il y avait sur le mont des Oliviers deux grands cèdres, dont le souvenir se conserva longtemps chez les Juifs dispersés ; leurs branches servaient d’asile à des nuées de colombes, et sous leur ombrage s’étaient établis de petits bazars 954.

2000. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Tels sont les motifs entre lesquels a lieu le conflit : tantôt c’est entre deux motifs actuels qu’a lieu la lutte, tantôt entre un motif actuel et une idée, et celle-ci restera victorieuse, si le souvenir est assez vif pour que l’idéal remporte sur le réel, comme chez les gens très préoccupés de leur santé.

2001. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Ce nom, ce serment, les souvenirs de persécution religieuse attachés à ces circonstances avaient tait sur l’âme du jeune Agrippa une de ces impressions qui dans les familles se transmettent de général ton en génération, forment dans l’esprit des enfants qui se succèdent une idée fixe autour de laquelle les premières notions et les premiers sentiments de morale se rangent et s’impriment en caractères ineffaçables75.

2002. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Orpheline de bonne heure, elle ne sentit point la tendresse filiale ; elle ne parle jamais de sa mère ; une ou deux fois il lui arrive même de badiner du souvenir de son père ; elle ne l’avait point connu.

2003. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Souvenez-vous que cette représentation a été moins une représentation qu’une bataille, une espèce de bataille de Montlhéry (qu’on nous passe cette comparaison un peu ambitieuse) où les Parisiens et les Bourguignons ont prétendu chacun de leur côté avoir empoché la victoire, comme dit Mathieu.

2004. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

On se souvient encore, à Touts, d’un sermon qu’il s’avisa d’y prêcher étant jeune prêtre.

2005. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

., et se poussait à la cour, favorisée par le despotisme ombrageux de Louis XIV, que tenaient en alarme les souvenirs de la Fronde et de la faction des Importants.

2006. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

cette faculté est suprêmement celle de la sœur Emmerich, laquelle n’est pas seulement une Voyante qui vous fait voir ce qu’elle voit, mais une Ravissante qui vous prend et qui vous transporte au centre positif d’un monde que vous n’aviez jamais entrevu jusque-là que dans les lointains de la pensée indistincte ou la brume des souvenirs confus !

2007. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Cuvillier-Fleury aurait dit une chose que n’auraient certainement pas démentie ceux qui se souviennent de ce feuilleton de Janin, qui n’était pas tous les lundis, mais qui était, quelquefois, incomparable !

2008. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

. — Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’Université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé.

2009. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue… Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde, que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé.

2010. (1936) Réflexions sur la littérature « 1. Une thèse sur le symbolisme » pp. 7-17

Il s’est documenté dans deux livres de souvenirs, celui de Goudeau et celui de Byvanck.

2011. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Ses souvenirs d’enfance, écrits à quarante ans d’intervalle, ont le même caractère. […] Ce genre de distinction, qui consiste à ne concevoir le plaisir qu’entouré de fines jouissances artistiques et à mettre toujours un peu de beau dans le rêve que l’on fait ou le souvenir qu’on se retrace de la volupté, Stendhal l’a eu fort souvent, presque toujours, et s’est élevé ainsi de quelques degrés, vraiment, au-dessus du corps de garde. […] Ses Souvenirs, qu’il faut lire d’ailleurs en se souvenant qu’il était non seulement aigri, mais malade quand il les écrivit, sont pleins d’une amertume hautaine et véritablement blessante, même pour le lecteur, à l’égard d’une foule d’hommes qui n’étaient pas tous des aigles, mais qui étaient presque tous de fort braves gens. […] C’est un fils de René que hante le souvenir de Chateaubriand, comme l’autre est hanté par Napoléon. […] Souvenez-vous de cette comparaison si ingénieuse de saint Augustin : une syllabe de l’Iliade est douée, à un moment, d’âme et de vie.

2012. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

Elle entre dans la voie d’Ostie ; elle ne rencontre la pitié nulle part : la turpitude de sa vie et le souvenir de ses forfaits l’ont éloignée56. […] On avait apparemment oublié les premières années de Claude, et l’on ne se souvenait que des dernières. […] Le souvenir de ses éminentes qualités le fit longtemps regretter. […] La pureté de sa conscience et le souvenir de ses actions adoucissaient l’amertume des journées qu’il passait dans l’attente de la proscription. […] Elle en jouit peu d’années, gardant à Sénèque un souvenir digne d’éloge, et montrant, par la pâleur de son visage et la maigreur de ses membres, combien le principe de la vie s’était affaibli en elle.

2013. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Non de bêtes puantes, mais d’une fosse d’aisance, jadis opulente, puis désertée et dont subsistait le fade souvenir. […] Comme elle préoccupe et embringue tous ceux qui devraient pourtant se moquer d’elle, puisqu’elle est, à leurs yeux, néant, et que le néant abolit la souffrance, ainsi que tout souvenir de l’être, ainsi que toute préoccupation ! […] Il cultivait aussi la petite fleur bleue mais défraîchie, et oscillait de la catin espionne Païva à la « présidente » Léonie Léon, qu’on appelait, en souvenir des Liaisons dangereuses, une Tourvel pour corps législatif. […] J’ai assisté de près à de nombreuses brigues pour l’Académie française et pour l’Académie des Sciences et j’en ai conservé à la fois un souvenir amusé et écœuré. […] Autant que du déterminisme peut-être, c’est-à-dire un souvenir historique.

2014. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Avec un peu de complaisance, on découvrirait dans La Fontaine des souvenirs qu’il avait et des intentions qu’il n’avait pas. […] De sa dernière ladrerie, nul souvenir. […]          Le pédant, de sa grâce,          Accrut le mal en amenant          Cette jeunesse mal instruite, Le tout, à ce qu’il dit, pour faire un châtiment Qui pût servir d’exemple et dont toute sa suite Se souvînt à jamais comme d’une leçon.

2015. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Cheveux de sa mère sans doute, qu’il soignait en souvenir d’elle, ne voulant rien livrer aux ciseaux, de ce qui lui rappelait une image adorée de femme et de mère ! […] Il composait ses dessins avec cette poésie du cœur, et de la main qui attachait un souvenir à chaque fenêtre et une intention à chaque branchage. […] Vous souvient-il de saint Gervais et de saint Protais ?

2016. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Voici un exemple de ces aventures: Le fils de la reine d’Imirette vivait retiré, sous la protection du pacha turc, mais ce jeune homme se souvenait de la beauté merveilleuse de la princesse caucasienne, fille de la reine, qu’il avait vue dans son enfance. […] Le roi s’éveilla au bout d’une heure, et voyant ce musicien toucher du luth comme auparavant, il se souvint de l’ordre qu’il avait donné à son favori contre lui, et s’étant fort emporté contre ce jeune seigneur, il commanda au grand maître de leur couper à tous deux les mains et les pieds. […] J’en demandai le sujet à un seigneur qui était là présent. « C’est par grandeur, me répondit-il, et pour garder davantage le respect de la majesté royale ; et puis, ajouta-t-il en riant, on se souvient de ce qu’un de ses compatriotes fit à une célèbre audience qu’il eut du feu roi. » Je demandai aussitôt ce que c’était.

2017. (1903) Le problème de l’avenir latin

Cet afflux de sang jeune, revivifiant le monde gallo-romain, va lui faire perdre le souvenir de son existence d’hier encombrée de choses vieilles et flétrissantes. […] Mais il y aurait aussi le danger que l’édifice et l’atmosphère qui y flotte, que les souvenirs dont il est rempli, ne fussent plus forts que l’œuvre nouvelle et ne la fissent avorter, les âmes se trouvant reprises malgré elles par les ataviques croyances dont le reflet demeure aux pierres mêmes.‌ […] Le pouvoir appartenant à un Comité pourrait obvier à cet inconvénient : toutefois le souvenir du Comité de Salut public qui aboutit à Robespierre et à Bonaparte est encore assez cuisant. […] Il faut se souvenir qu’on a chez nous le respect, parfois même exagéré jusqu’au servilisme — de la force et de la maîtrise. […] Et le souvenir qu’il laissera ne pourra jamais s’effacer.

2018. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Il y a une grande différence entre se souvenir et juger, entre s’enrichir de mots ou de choses, entre alleguer des autoritez ou des raisons. […] Que feroit-il aujourd’hui à un rhéteur qui lui liroit l’iliade de Mr De La M . heureusement quand je recitai un de mes livres à Me D elle ne se souvint pas de ce trait. […] Mais on ne fait pas toutes ces distinctions ; on se laisse entraîner à des principes vagues et dénuez d’application ; et dès que Me D a dit que c’est un usage très-juste de loüer les originaux que l’on traduit, si on les a bien choisis, on conclut sans se souvenir de mes raisons, que j’ai tort de n’avoir pas fait le panégyrique d’Homere. […] Il n’y a pas moyen d’éviter un inconvénient, sans tomber dans un autre ; il faut opter, mais se souvenir toûjours, s’il m’est permis de badiner, que la raison même a tort dès qu’elle ennuye. […] Me D se souviendra donc, s’il lui plaît, que je ne suis pas aussi amoureux de mes vers qu’elle le dit : que je les retranche volontiers, quoique je les croye bons, quand l’interêt de tout l’ouvrage le demande : et j’en ai bien supprimé d’autres dans les endroits mêmes où l’on m’accuse quelquefois avec raison de trancher trop court, parce que j’ai craint d’interrompre des actions vives, par des détails qui ne me paroissoient pas intéressans.

2019. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Le jeune Saint-Simon fut donc élevé auprès d’une mère, personne de mérite, et d’un père qui aimait à se souvenir du passé et à raconter mainte anecdote de la vieille Cour : de bonne heure il dut lui sembler qu’il n’y avait rien de plus beau que de se ressouvenir. […] Il tournait depuis longtemps le dos au nouveau siècle, et il habitait dans ses souvenirs.

2020. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Il se souvient qu’il a là une douzaine d’étudiants, ses amis, qui ont fantaisie de se battre pour quoi que ce soit, qui n’est ni la monarchie légitime, ni la royauté d’occasion de 1830, ni la république proprement dite, forme définie de gouvernement, mais un je ne sais quoi, qui s’appelle tantôt la démocratie, tantôt l’idéal, en réalité le drapeau rouge. […] Cosette se dépitait quelque peu du petit effort inutile que faisait son souvenir.

2021. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

S’il en est ainsi, c’est pour la race de Banquo que j’ai souillé mon âme ; c’est pour ses enfants que j’ai assassiné cet excellent Duncan ; pour eux seuls j’ai mêlé d’odieux souvenirs la coupe de mon repos, et j’aurai livré à l’ennemi du genre humain mon éternel trésor pour les faire rois ! […] Lisez, relisez, et ne fermez le livre que pour vous en souvenir éternellement.

2022. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Goethe cependant l’avait précédé de bien des années ; mais Goethe, dans une vie plus calme, se fit une religion de l’art, et l’auteur de Werther et de Faust, devenu un demi-dieu pour l’Allemagne, honoré des faveurs des princes, visité par les philosophes, encensé par les poètes, par les musiciens, par les peintres, par tout le monde, disparut pour laisser voir un grand artiste qui paraissait heureux, et qui, dans toute la plénitude de sa vie, au lieu de reproduire la pensée de son siècle, s’amusait à chercher curieusement l’inspiration des âges écoulés ; tandis que Byron, aux prises avec les ardentes passions de son cœur et les doutes effrayants de son esprit, en butte à la morale pédante de l’aristocratie et du protestantisme de son pays, blessé dans ses affections les plus intimes, exilé de son île, parce que son île antilibérale, antiphilosophique, antipoétique, ne pouvait ni l’estimer comme homme, ni le comprendre comme poète, menant sa vie errante de pays en pays, cherchant le souvenir des ruines, voulant vivre de lumière, de lumière éclatante, et se rejetant dans la nature comme autrefois Rousseau, fut franchement philosophe toute sa vie, ennemi des prêtres, censeur des aristocrates, admirateur de Voltaire et de Napoléon ; toujours actif, toujours en tête de son siècle, mais toujours malheureux, agité comme d’une tempête perpétuelle, en sorte qu’en lui l’homme et le poète se confondent, que sa vie intime répond à ses ouvrages ; ce qui fait de lui le type de la poésie de notre âge. […] Et remarquez qu’il y avait eu avant ces Pères de l’Église, et qu’il y avait en même temps qu’eux, des âmes généreuses qui souffraient comme eux du même mal, mais qui, n’ayant pu apercevoir l’étoile nouvelle, mais encore petite et obscure, de l’avenir, cherchaient leur lumière dans le passé éteint, et se réfugiaient dans le stoïcisme, dans les souvenirs de la république, ou dans les mystères.

2023. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il porte au front cette tristesse où la philosophie chrétienne a reconnu le souvenir d’une chute, et qui suit nos joies de plus près que l’ombre ne suit le corps. […] Après sa mort, on trouva ce parchemin cousu à la doublure de son pourpoint, « Il le gardait très soigneusement, dit une note du père Guerrier, pour conserver le souvenir d’une chose qu’il voulait avoir toujours présente à ses yeux et à son esprit, puisque depuis huit ans il prenait soin de le coudre et découdre à mesure qu’il changeait d’habit. » Édition des Pensées, de M. 

2024. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Mais de tous ces Lyriques, on ne se souvient que de Ronsard, encore ce souvenir rappelle beaucoup de ridicule.

2025. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

On a en tort ; elles l’aideront, à moins toutefois qu’il ne soit assez aveugle pour se jeter sur leur route dans l’espoir insensé de les arrêter ; dans ce cas, en effet, osant du droit de légitime défense, elles lui passeront sur le corps et l’écraseront si bien qu’il n’en restera plus rien qu’un glorieux souvenir. […] Qu’il fasse appel à toutes ses vaillances, qu’il ne recule devant aucun obstacle et qu’il se souvienne toujours de ce lieu-commun qu’on ne saurait trop répéter : L’avenir est en avant et non pas en arrière.

2026. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Lhuys vous décrira comment les impressions sensitives, irradiées des centres de la couche optique au milieu des réseaux de la substance corticale, y prennent une forme distincte, se déposent à l’état de souvenirs, et se transforment en idées, en jugements, en raisonnements. […] L’homme sent, perçoit, se souvient, imagine, juge, veut par le cerveau proprement dit, comme il éprouve par les nerfs l’impression des objets, comme il se meut par les muscles et dirige ses mouvements parle cervelet.

2027. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il s’adressait d’ailleurs à une population déjà exercée et aguerrie ; dès avant son arrivée et au premier cri de cette indépendance menacée, la population de Sienne, et les femmes les premières, avaient eu l’idée de s’organiser pour la défense et d’y aider de leurs mains : à ce souvenir et à la pensée de ce que lui-même a vu de bonne grâce généreuse et patriotique en ce brave et joli peuple, Montluc s’émeut ; son récit par moments épique redouble d’accent ; quelque chose de l’élégance et de l’imagination italienne l’ont gagné : Il ne sera jamais, dames siennoises, que je n’immortalise votre nom tant que le livre de Montluc vivra : car, à la vérité, vous êtes dignes d’immortelle louange, si jamais femmes le furent.

2028. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Je ne me souviens point que les Romains en aient vu un tel ; car leurs armées n’ont guère passé, ce me semble, quarante ou tout au plus cinquante mille hommes ; et il y avait hier six vingt mille hommes ensemble sur quatre lignes. » Il faut lire toute cette description.

2029. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

Une autre pièce, qui a longtemps attiré rattention de la sous-commission et du jury, est un conte dont la scène se passe en Normandie, et qui sent tout à fait sa littérature familière du xviiie  siècle, poésie courante, négligée, gracieuse toutefois et spirituelle, dernier souvenir d’un genre ancien et qui s’efface.

2030. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Cette mauvaise fortune, et cette extrême délicatesse morale qu’il y conserve, le rendent un peu susceptible dans ses rapports avec Saint-Vincens ; et lorsque celui-ci, qui paraît encore plus aimé de Vauvenargues qu’il ne l’aime, et qui est assez irrégulier dans ses lettres, tarde un peu trop à lui répondre, Vauvenargues s’alarme, il suppose que le souvenir de l’argent prêté entre pour quelque chose dans ce ralentissement, que son ami en a besoin peut-être et n’ose le lui dire ; il se plaint, il offre de s’acquitter, et il a ensuite à se justifier envers son ami qui a cru voir de l’aigreur dans la chaleur de ses reproches : Je te supplie, du moins, de croire qu’en t’offrant, comme j’ai fait, de m’acquitter avec toi, je n’ai jamais été fâché un seul moment de te devoir.

2031. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

C’est ce souvenir toujours présent de 1814 et de l’endroit faible par où toutes les énergiques combinaisons de l’empereur avaient manqué, c’est la leçon cruelle de l’expérience qui a amené, vingt-six ans plus tard, la détermination de fortifier Paris.

2032. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Ces sortes de journaux qui, à quelques années de distance, deviennent nécessaires aux contemporains eux-mêmes, s’ils veulent apporter de l’ordre et de la précision dans leurs souvenirs, augmentent de prix, au bout d’un siècle, pour la postérité qui y apprend quantité de choses qu’on ne sait plus, et que presque personne n’a songé à écrire.

2033. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Je me souviens de l’y avoir entendu parler deux fois avec un talent remarquable.

2034. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Nourrissez votre enthousiasme du souvenir des prodiges qu’il a produits durant la guerre ?

2035. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Veuillot a beaucoup écrit, et je ne puis parler de tous les livres qu’il a composés : le volume les Français en Algérie (1845) résume avec intérêt les souvenirs d’un voyage qui remonte à 1841, et dans lequel il fut l’hôte, le commensal et presque lesecrétaire du maréchal Bugeaud, nouvellement nommégouverneur général.

2036. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

les berceaux, la couronne, L’avenir… Maintenant, quand je songe à ces biens, J’ignore si je rêve, ou si je me souviens.

2037. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Il y aura pourtant des endroits nouveaux tout à fait charmants, qui méritent qu’on s’en souvienne, des tendresses de grand’maman pour sa petite-fille.

2038. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Bien moins de son travail que de son souvenir.

2039. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Dumont, de Genève, un des préparateurs de Mirabeau, publia ses Souvenirs en 1832 et raconta comment cela se passait autour du grand tribun, sans prétendre d’ailleurs le diminuer ; mais le cri en France fut presque unanime, comme si Dumont avait commis un sacrilège.

2040. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Pour nous tous, qui sommes déjà d’autrefois, pour ceux qui, comme nous, ont été nourris des lettres dès l’enfance et qui sont plus volontiers critiques qu’artistes, plus des hommes de livres que des curieux de marbres et de statues, ce sont nos figures préférées, nos formes à nous, toutes poétiques et littéraires, lesquelles aussi, comme les trois ou quatre beaux groupes antiques conservés, nous apparaissent toutes les fois que nous regardons en arrière et décorent nos fonds de lectures et de souvenirs.

2041. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Cette intolérance de Bossuet, inévitable peut-être dans sa situation et commandée par sa foi, par son caractère, éclate aujourd’hui à tous les yeux ; et quand on lit l’ouvrage éloquent où il s’est si bien passé de Richard Simon, il est impossible d’en séparer désormais le souvenir de ce savant qui le gênait, qui lui était une épine au pied, et qu’il supprimait autant qu’il lui était possible.

2042. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Il y a, pour moi, une mesure qui ne trompe guère pour apprécier ces divers mondes du passé, et quand je dis moi, je parle pour tout esprit curieux qui s’intéresse aux choses anciennes et qui, sans y apporter de parti pris ni de prévention systématique, est en quête de tout ce qui a eu son coin d’originalité et de distinction, son agrément particulier digne de souvenir ; il est une question bien simple à se faire : Voudrions-nous y avoir vécu ?

2043. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Dumont (de Genève) la tenait de sa bouche, et il l’a racontée dans ses Souvenirs.

2044. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

La tragédie de Goetz de Berlichingen, et quelques romans connus, sont remplis de ces souvenirs de chevalerie si piquants pour l’imagination, et dont les Allemands savent faire un usage intéressant et varié.

2045. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Mais, de ce que cette irruption de l’antiquité a été, voilà trois siècles et demi, soudaine (autant que peuvent l’être ces choses), irrésistible et telle qu’elle a fait perdre à nos aïeux l’amour et presque le souvenir de leur passé, il s’ensuit qu’aujourd’hui, bien que plus éloignés de la foi religieuse du moyen âge que les hommes d’il y a trois cents ans, nous sommes cependant beaucoup plus capables de goûter et de comprendre son art et sa littérature et nous nous en sentons même beaucoup plus près.

2046. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

S’il en est ainsi, il ne pouvait mieux faire que de quitter son titre : c’était le meilleur moyen pour qu’on l’en fît continuellement souvenir.

2047. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Ils se souviennent de l’immense série de jugements faux portés par leurs prédécesseurs contre d’admirables artistes qu’ils saluent aujourd’hui avec respect, et devant toute tentative nouvelle, même s’ils n’y comprennent rien, ils sont saisis du scrupule très honorable de ne pas se préparer des mea culpa pour l’avenir.

2048. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Préface ; Souvenir à Louis II et à Liszt (H.

2049. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

M. a résolu de communier… Elle m’a commandé de l’en faire souvenir. » 109.

2050. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il nous recommande encore : « N’interrogeons plus ceux qui fuyaient en silence aux premières questions, mais notre propre cœur, qui renferme en même temps la question et la réponse, et qui peut-être un jour se souviendra de celle-ci. » À plusieurs reprises, il proclame « la vaste loi qui ramène en nous, un à un, tous les dieux dont nous avions rempli le monde ».

2051. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Vous espérez triompher de ma paresse en appelant à votre secours les souvenirs de notre enfance : vous me parlez de ce jour où, tous les deux blottis derrière une charmille, je vous lisais la terrible Barbe-Bleue, quand tout à coup apparut à nos yeux avec son tablier et son bonnet blancs, et son large couteau, le grand cuisinier de votre mère, qui venait nous chercher… pour dîner. — Vous demandez si je me rappelle encore la frayeur qu’il nous causa ?

2052. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

On se souvient encore à Montpellier de l’impression qu’il y fit.

2053. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

De très-bonne heure l’homme a dû être attentif à ces phénomènes si frappants et qui l’intéressaient de si près ; il a dû en garder le souvenir : de là les contes, les traditions, les fables, qui sont les origines de l’histoire ; de là l’histoire elle-même, qui a pour objet l’étude du passé de l’humanité.

2054. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

L’inimitié de Colbert, le peu d’habileté de La Fontaine à faire sa cour, un talent peu fait pour être apprécié par le roi, de petites pièces qui paraissaient successivement, ne pouvaient avoir l’éclat d’un grand ouvrage, et semblaient manquer de cette importance qui frappait Louis XIV ; des contes un peu libres, dont on avait le souvenir dans une cour qui commençait à devenir dévote : toutes ces circonstances s’étaient réunies contre La Fontaine, et l’avaient fait négliger.

2055. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

[Du patriotisme littéraire] À la fin du siècle dernier un jeune poète, à l’imagination enthousiaste, à la sensibilité frémissante, à l’âme vraiment lyrique, reportait son souvenir et sa pensée sur les beautés naturelles de notre pays qu’il avait parcouru en tous sens, depuis Marseille jusqu’à Paris, depuis Narbonne jusqu’à Strasbourg.

2056. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

On ne lui pardonneroit jamais une énumeration pareille ; s’il fait cette énumeration dans ses premiers livres, le lecteur ne s’en souviendra plus, et il ne sentira pas les beautez dont l’intelligence dépend de ce qu’il aura oublié ; s’il fait cette énumeration immediatement avant la catastrophe, elle deviendra un retardement insupportable.

2057. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Je regrette de ne pouvoir citer dans son intégralité, car c’est ainsi qu’elle vaut, la page 222 sur le style et le talent de Sterne, et le passage sur les deux espèces d’imagination chez les hommes de génie : celle qui éjacule et celle qui se concentre ; celle qui invente par sa propre virtualité et celle qui, pour inventer, se souvient.

2058. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

C’est à travers le flot des puériles légendes, des naïves ignorances, des obscures allégories, charrié par le moyen âge, — et qui sont pour l’humanité comme ces jeux de la première enfance dont l’individu conserve un souvenir confus, — c’est, orné de cette végétation mystique, qu’il entrevoit le monument où l’humanité d’hier pétrifia son rêve du divin, et qu’il en exalte la signification tout à la fois d’orgueil et d’humilité.

2059. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Souvenons-nous d’ailleurs que ce qu’elle veut dire directement expliquer, ce n’est pas l’invention des théories, égalitaires par tels individus, mais leur adoption par telles sociétés.

2060. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Il se fit romain, stoïcien, « citoyen. » Après vingt-cinq ans d’absence et d’aventures, il se souvint que Genève était sa patrie. […] On pourrait le croire, au souvenir des jeunes générations qui, depuis lui, ont joué de la désespérance. […] Parfois, parmi ses contemplations, la flèche d’un souvenir frappe son cœur d’une courte défaillance. […] L’âme la plus solide ne défaille-t-elle pas, au souvenir des journées perdues, à l’imagination de ce qui aurait pu être ? […] non pas sans doute d’une vie réelle de chair et de sang, mais d’une vie forcée et presque hagarde de fantômes, que l’art d’un magicien sait, en dépit de toute impossibilité naturelle, dessiner inoubliablement dans le souvenir.

2061. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Il avait coutume de comparer son cerveau à un vaste casier à tiroirs numérotés qu’il tirait selon le cours de la conversation, pour y puiser les souvenirs d’histoire, de poésie, de philologie et de sciences, qui s’y trouvaient en réserve. […] Certains souvenirs des républiques grecques y figurent et trahissent à la fois l’inexpérience et la générosité du jeune homme. […] Du reste aucun événement proprement dit, ayant trait à la vie extérieure de M. de Maistre en ces années, n’a laissé de souvenir ; sa situation était plus que jamais assise, un mariage vertueux avait achevé de la fixer ; il aurait pu consumer, enfouir ainsi dans l’étude, dans la méditation, dans ces sortes d’extraits volumineux qu’on fait pour soi-même et auxquels manque toujours la dernière main, cette foule de pensées et de trésors dont on n’aurait jamais démêlé le titre ni le poids ; il aurait pu, en un mot, ne jamais devenir le grand écrivain que nous savons, quand la Révolution française éclata et vint dégager en lui le talent, en frapper l’effigie, y mettre le casque et le glaive. […] Souvenez-vous de ce qui se passa lorsqu’on établit l’Église constitutionnelle.

2062. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Comme il y a un élément musculaire dans nos sensations, spécialement dans celle de l’ordre le plus élevé, toucher, vue, ouïe, cet élément doit, d’une façon ou d’une autre, trouver sa place dans la sensation idéale, dans le souvenir. » Depuis cette époque, la question de la nature des images a été étudiée sérieusement et avec fruit, et résolue dans le même sens26. […] « Lorsque je veux me représenter le plus clairement possible un souvenir ou une image, j’éprouve un sentiment de tension tout à fait analogue à celui de la vision ou de l’audition attentive. […] Tandis que, dans la vision attentive des objets réels aussi bien que des images consécutives, la tension est sentie par devant, et qu’en appliquant l’attention aux autres domaines sensoriels, il n’y a que la direction vers les organes extérieurs qui change, le reste de la tête ne donnant aucun sentiment de tension : dans le cas des souvenirs et des imagés,  j’ai la conscience que la tension se retire tout à fait des organes extérieurs des sens et qu’elle paraît plutôt occuper la partie de la tête que le cerveau remplit. […] Enfin, à un degré plus faible encore, il est en repos dans sa tanière ; l’image indécise d’une proie, c’est-à-dire le souvenir de celles qu’il a dévorées, traverse son esprit, l’élément moteur est très peu intense, à l’état naissant, et il ne se traduit par aucun mouvement visible.

2063. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Renan veut donner un peu plus de fond à cette immortalité illusoire, et il nous fait espérer de survivre dans le souvenir de nos amis (souvenir aussi fragile que nous-mêmes) ou bien dans nos pensées, ce qui réserve l’immortalité à un bien petit nombre d’hommes, car combien d’entre nous peuvent se flatter que leurs pensées méritent de leur survivre ? […] Taine, qui a essayé de réhabiliter l’école empirique et sensualiste (ce qui, dans une certaine mesure, pouvait avoir quelque utilité), devrait bien se souvenir de la règle fondamentale de cette école ; ne pas réaliser d’abstractions. […] Vacherot est aussi opposé que possible à tous ceux qui veulent faire dériver l’âme des forces inférieures de la nature et composer le plus parfait avec le moins parfait, ce dont, pour le dire en passant, il devrait se souvenir un peu plus lui-même dans sa théodicée.

2064. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

L’obligation morale Le souvenir du fruit défendu est ce qu’il y a de plus ancien dans la mémoire de chacun de nous, comme dans celle de l’humanité. Nous nous en apercevrions si ce souvenir n’était recouvert par d’autres, auxquels nous préférons nous reporter. […] Le souvenir de ce qu’elles ont été, de ce qu’elles ont fait, s’est déposé dans la mémoire de l’humanité. […] Amour qui pourra aussi bien se transmettre par l’intermédiaire d’une personne qui se sera attachée à eux ou à leur souvenir resté vivant, et qui aura conformé sa vie à ce modèle.

2065. (1881) Le naturalisme au théatre

Je me souviens de ma jeunesse passée dans une petite ville. […] Ainsi, je me souviens d’avoir souvent étudié, aux concerts populaires de M.  […] On se souvient des termes crus dans lesquels le Paris sceptique jugeait l’héroïne du drame, avant l’ouverture des débats. […] Madame Sarah Bernhardt n’a, en somme, que répété une fugue célèbre de madame Arnould Plessy, sous le souvenir de laquelle on l’a écrasée, dans le rôle de Clorinde ; et M.  […] On se souvient des espérances qui avaient accueilli M. 

2066. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Te souvient-il bien qu’autrefois Nous avons conclu d’une voix Qu’il allait ramener en France Le bon goût et l’air de Térence ? […] Son Remerciement, qu’il fit imprimer, fut, en même temps que l’expression de sa reconnaissance envers le Roi, sa première vengeance contre certains courtisans, qui, par rancuneux souvenir et par ton, avaient voulu organiser la cabale contre sa pièce. […] « Je me souviens toujours, dit Élise, du soir que Célimène eut envie de voir Damon, sur la réputation qu’on lui donne et les choses que le public a vues de lui. […] Molière l’en fit adroitement souvenir, et cette circonstance, si frivole en apparence, en associant le prince à la gloire du poète, ne fut peut-être pas étrangère à la détermination que celui-là prit plus tard d’autoriser la représentation de ce chef-d’œuvre, malgré les menées d’une cabale puissante. […] D’aucun trait plus galant se peut-on souvenir ?

2067. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Au contraire, l’admiration du commentateur pour son poëte va presque en raison du nombre des imitations qu’il découvre en lui, et elle n’a plus de bornes lorsqu’il le voit dans l’Avare mener, à ce qu’il dit, jusqu’à cinq imitations de front, et être là-dessous, et à travers cette mêlée de souvenirs, plus original que jamais. […] Chapelle, resté pur gassendiste par souvenir de collège, comme quelque ancien barbiste de nos jours qui, buveur et paresseux, est resté fidèle aux vers latins, Chapelle disputait à tue-tête dans le bateau sur la philosophie des atomes, et Molière lui niait vivement cette philosophie, en ajoutant toutefois, dit l’histoire : Passe pour la morale ! […] J’ai cherché à soutenir ailleurs que chaque esprit sensible, délicat et attentif, peut faire avec soi-même, et moyennant le souvenir choisi et réfléchi de ses propres situations, un bon roman, mais un seul ; j’en dirai presque autant du drame.

2068. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Je devine l’idée qui traverse vos esprits ; vous vous souvenez de certains pamphlets publiés par un Vigneron, et qui ne tendent à rien moins qu’à déconsidérer tout ce qu’il y a au monde de plus respectable, tout ce qu’il y a de considérable parmi les hommes, je veux dire les choix de l’Académie des Inscriptions et l’admission si mémorable dans ce Corps savant, de MM.  […] Où trouver le secret d’éloigner de telles répugnances de l’esprit de ces Français aimables qui brillèrent à la cour de Louis XVI, que M. de Ségur fait revivre dans ses charmants souvenirs, et dont le Masque de Fer peint en ces mots les idées d’élégance ? […] Savez-vous, monsieur, que je ne trouve pas dans mes souvenirs que depuis bien des années il me soit arrivé d’écrire en un jour quatre lettres pour la même affaire.

2069. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Le ménage se décide, et le gras Chabouillet, dont j’ai gardé le souvenir, comme un Louis XVI, en pantalon de nankin, fait un trou dans le plafond, y conduit le serpentement d’un petit escalier tournant, et voilà installée la salle à manger ordinaire de Murger, de Bartet, de Scholl, de Monselet, etc., etc. […] Tout à coup il s’arrête, la clef encore dans la serrure, et me dit : « Quand j’ai pris possession de cette propriété, on m’a remis cette clef, et quand je l’ai mise dans la serrure de cette grille, où il y avait au-dessus un coup de soleil, dans le moment, à la fois un peu distrait, un peu pensant à autre chose, j’ai été surpris par le souvenir d’un bruit… oui, d’un bruit, du temps que j’avais six ans. […] Aujourd’hui, une femme en deuil dépose chez moi une lettre, avec une photographie du garçonnet du bois de Boulogne, et qu’elle m’envoie, comme une carte de souvenir de l’enfant, dont j’ai tracé un si charmant portrait, me remerciant d’avoir fait revivre l’être bien-aimé.

2070. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

S’il se bat comme un lion, « c’est, dit-il à son frère, que chaque grade gagné me rapproche de vous et de mes enfants » ; et plus tard : « Il vaut mieux pour mes enfants qu’ils soient orphelins d’un colonel que d’un chef de bataillon. » En versant ainsi son sang en Afrique, en prodiguant sa vie, il ne cesse d’être occupé des siens : « Moi, je n’ai que votre souvenir pour me soutenir. […] Il n’est pas insensible à ces souvenirs des temps anciens.

2071. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — La représentation sensible est un résidu de plusieurs souvenirs émoussés et confondus. — Le nom est un son significatif, c’est-à-dire lié à ce que toutes les perceptions et représentations sensibles des individus de la classe ont de commun, et à cela seulement. — À ce titre, il est le correspondant mental de leur portion commune et se trouve idée générale. — Mécanisme de cette liaison exclusive. — Observations sur les enfants. — Analogie de l’invention enfantine et de l’invention scientifique. — En quoi l’intelligence humaine se distingue de l’intelligence animale […] De nos expériences nombreuses, il nous reste le lendemain quatre ou cinq souvenirs plus ou moins distincts, qui, oblitérés eux-mêmes, ne laissent en nous à demeure qu’une représentation unique, décolorée et vague, dans laquelle entrent comme composants diverses sensations ressuscitantes, toutes affaiblies, inachevées et avortées. — Mais cette représentation n’est pas l’idée générale et abstraite.

2072. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Combien un écrivain, qui sait puiser dans la vie familière le pathétique simple des scènes intimes, et fait d’une veillée entre un vieillard, un enfant et le souvenir d’une mère morte, un drame muet qui remue le cœur dans des millions de poitrines, combien, disons-nous, un tel écrivain doit-il être, à son gré, le maître des cœurs, ou l’apôtre des vérités ou le roi des sophismes ! […] Il en avait l’instinct ; il en épela assez les principes pour composer plus tard le Devin du village, idylle grecque écrite et chantée par un pasteur suisse qui se souvient, en notes, du ranz des vaches de son hameau.

2073. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Des auditions plus variées, plus fréquentes, de fragments Wagnériens, quelques correspondances « transrhénanes » (des échos de Représentations Solennelles dans la ville de Bayreuth, de Cycles Wagnériens à Munich, à Vienne, à Berlin) découvrirent, ensuite, un génie musical, acceptable… Des insultes de Wagner à la France, on sut ce qu’il fallait penser : et, quant à cette fameuse haine contre la France, nul n’en trouva la marque, ni dans les livres, ni dans les lettres, ni dans les paroles de Richard Wagner ; Richard Wagner avait combattu, dans ses écrits, l’influence de l’esprit français ; mais c’était là tout une autre affaire ; et quiconque avait lu ses lettres et ses livres, quiconque l’avait entendu causer, rapportait aux Parisiens ébahis, que Wagner aimait la France, et Paris, et ses vieux souvenirs de 1842, et ceux, aussi, de 1860, ses amis Français, les compagnies qu’il avait traversées, les rues, les maisons même, où s’était traînée sa misère ; et l’on connut, dans le cœur du rude Ennemi, de délicieuses tendresses, pour le pays qui l’avait bafoué. […] A l’esprit qui les écoute, elles ôtent le sentiment de tout péché ; et nous éprouvons toujours, — lorsque, après elles, nous nous retournons au monde de l’Apparence, — comme le souvenir douloureux d’un Paradis évanoui.

2074. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Mais notre travail sera possible, en une certaine mesure, si au lieu d’entendre cette œuvre musicale, nous la revoyons, seulement, dans le souvenir. […] L’œil intérieur du Maître aperçoit, alors, l’apparition consolante, à lui seul reconnaissable (Allegro 6/8), où le désir arrive à un jeu attendri et gracieux avec lui-même ; l’image du rêve intérieur se réveille, dans le plus aimable souvenir.

2075. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

C’est pour cela même qu’il peut devenir partie intégrante du souvenir : il y a déjà de la mémoire dans l’éclair de sensation le plus instantané : ce qui n’aurait aucun retentissement, aucune persistance, si petite qu’elle soit, aucune durée, ne laisserait aucune trace, ne naîtrait que pour mourir en un même instant. […] On peut lui répondre, il est vrai, qu’en ce cas, il y a toujours comparaison, non d’une première lettre avec une seconde, mais de chaque lettre avec des souvenirs de poids qui, dans la mémoire, forment comme une échelle dynamométrique inscrite à l’avance.

2076. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre deuxième. L’idée de l’espace. Son origine et son action »

Malgré cela, tant que la main est immobile, le tout est encore très vague ; mais, si elle se meut le long d’une ligne ou d’une surface, le souvenir juxtapose les sensations et en fait apparaître l’ordre sériel. […] Donc, ce sont les motions jointes aux sensations et aux souvenirs de sensations associées qui forment la perception.

2077. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Je me souviens toujours du saint vertige qui me saisit la première fois que des fragments de cette poésie sanscrite tombèrent sous mes yeux. […] Thierry : « Tu te souviens peut-être, ô roi », dit un chef saxon à son prince, « de ce qui arrive quelquefois dans les jours d’hiver quand tu es assis à table avec tes capitaines, qu’un bon feu brille dans le foyer, que la salle est chaude, mais qu’il pleut, qu’il neige et qu’il gèle au dehors.

2078. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

L’épi est utile, mais l’alouette vit, le grillon chante, la brise pleure, le cœur sympathise, la mémoire se souvient, l’image surgit, l’émotion naît ; avec l’émotion naît la poésie dans l’âme. […] Ces deux poèmes, sortis d’océans de souvenirs dans lesquels venaient se recueillir et se conserver les traditions religieuses, héroïques, nationales, populaires de l’Inde, sont le Mahabarata et le Ramayana.

2079. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Je me souviens que mon excellente mère avait la même idée : je la comprends parfaitement, tout en disant pourtant que tous ces chagrins donnent à la vertu un caractère si touchant et si désintéressé, qu’on ne peut disconvenir que le bien ne soit à côté du mal.

2080. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Cependant, poussé avant tout par l’instinct de voyageur, et de voyageur de montagnes, il commença de bonne heure à parcourir l’Alsace et les Vosges, associant partout les souvenirs de l’histoire aux impressions de la nature.

2081. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Ses animosités, ses rancunes personnelles et ses haines, ses indignations patriotiques et généreuses, ses tendres souvenirs des amis, des maîtres et des compagnons regrettés et pleurés, il y introduisit successivement tout cela par une suite d’épisodes coupés et courts, la plupart brusquement saillants avec des sous-entendus sombres, et il était permis à ceux qui restaient en chemin dans la lecture et qui ne la poussaient point au-delà d’un certain terme, de ne pas apercevoir dans l’éloignement la figure rayonnante de Béatrix et de ne pas lui faire la part principale et souveraine qui lui revient.

2082. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Il y a cependant des détails assez agréables, et je n’en veux pour preuve que cette comparaison qui termine le premier chant, et qui nous montre la mère ayant déposé à contre-cœur le berceau flottant, et ne s’en éloignant qu’avec anxiété et avec lenteur : Telle que, dans l’horreur d’une forêt épaisse, Une biche craintive, et que la soif oppresse, Quitte à regret son faon depuis peu mis au jour, Quand pour chercher à boire aux fosses d’alentour, Ayant au moindre bruit les oreilles tendues, On la voit s’avancer à jambes suspendues, Faire un pas, et puis deux, et soudain revenir, Et de l’objet aimé montrant le souvenir, Montrer en même temps, par ses timides gestes, Le soupçon et l’effroi des images funestes Qui semblent l’agiter pour autrui seulement ; — Telle fut Jocabel en son éloignement.

2083. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

[NdA] Notice et souvenirs biographiques, du comte Van der Duyn (ancien ambassadeur et administrateur hollandais), recueillis et publiés par le baron de Grovestins ; — imprimés à Saint-Germain-en-Laye (1852), p. 379.

2084. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il y a quelque chose dans la nature, soit qu’elle rie et se pare dans les beaux jours, soit qu’elle devienne pâle, grise, froide, pluvieuse, en automne et en hiver, qui émeut non seulement la surface de l’âme, mais même ses plus intimes secrets et donne l’éveil à mille souvenirs qui n’ont, en apparence, aucune liaison au spectacle extérieur, mais qui sans doute entretiennent une correspondance avec l’âme de la nature par des sympathies qui nous sont inconnues.

2085. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Barbey d’Aurevilly qui a pris soin lui-même de relever mon omission dans un article inséré dans le journal Le Pays (décembre 1860), et il l’a fait en auteur qui se montre fort piqué qu’on ne garde pas souvenir de ses paroles et de ses phrases.

2086. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Si vous-même vous êtes né pauvre et assujetti, si, aux prises avec la vie commune, vous ne rougissez pas d’en nommer les moindres détails, et si vous ne vous rebutez pas aux misères mêmes de la réalité ; si, en revanche, vous ne faites pas fi des joies bourgeoises ou populaires, si les souvenirs de l’enfance n’ont pas cessé de vous émouvoir, si l’aspect de la vallée ou de la montagne natale, le seuil de la ferme où vous alliez, enfant, vous régaler de laitage et de fruits les jours de promenade, rit en songe à votre cœur, alors vous trouverez votre compte avec Rousseau, même dans ces quelques lettres qu’on nous donne ici ; vous lui passerez bien des préoccupations vulgaires en faveur des élans de sensibilité et d’âme par lesquels il les rachète ; vous l’aimerez pour ces accents de cordialité sincère que toute son humeur ne parvient pas à étouffer.

2087. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Louis-Philippe tira un couteau de sa poche, en disant : « Quand on a été, comme moi, un pauvre diable vivant à quarante sous par jour, on a toujours un couteau dans sa poche. » Mais ce souvenir de sa misère ancienne le poursuivait trop quand il disait à M. 

2088. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Delécluze, recueille dans sa vieillesse ses Souvenirs, les publie alors, dépeigne à ses contemporains de ce temps-là les gens avec qui il a dîné trente ou quarante ans auparavant, cherche même à les montrer en laid et à se donner le beau rôle, il n’y aurait rien à cette façon de faire que d’assez simple, d’assez conforme à la loi des amours-propres et d’assez reçu, en effet, dans cette libre et babillarde république des Lettres.

2089. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il y a bien, au fond, un peu du souvenir de Mâtho dans ces redoublements d’inquiétude et d’exaltation de la jeune fille, qui se croit, comme beaucoup de ses pareilles, plus idéale et plus mystique qu’elle ne l’est : il y a pour elle, derrière le voile si ardemment invoqué, autre chose encore que la déesse.

2090. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Je voudrais que, tout en conservant sa dignité acquise, elle se souvînt tout bas quelquefois du point d’où elle est partie.

2091. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Il aimait à raconter ses aventures, j’aimais à les entendre, ce qui avait un grand charme pour lui ; car je soupçonne que ce que j’entendais pour la première fois, les gens de sa Cour l’entendaient pour la centième… « Je me souviens de l’impression que me firent les récits du prince ; j’étais étonné de l’entendre parler sans fiel de ses ennemis, et sans reconnaissance pour ses amis : c’était un vrai Stuart.

2092. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Que l’on me permette cependant de ne pas fuir l’illustre souvenir et de l’aborder même de front, résolument : sans prétendre établir aucun rapprochement en effet, il y a lieu de se rendre compte de la différence des temps, de celle des points de vue, et d’apprécier de nouveau et en tout respect, mais aussi en pleine connaissance de cause, la plus mémorable des œuvres qu’a laissées Bossuet après ses Oraisons funèbres.

2093. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

La difficulté et le péril aiguisèrent sa verve ; il fut ironique et piquant dans sa propre cause : il fit un joli feuilleton, le seul qui mérite qu’on s’en souvienne.

2094. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Évidemment Mme de Maintenon avait agi sous main : elle se souvenait que le pauvre Scarron avait été l’un des pensionnés de Fouquet ; elle eut du moins ce mérite de n’oublier jamais son passé.

2095. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Si l’objet qui vous est cher vous est enlevé par la volonté de ceux dont elle dépend, vous pouvez ignorer à jamais ce que votre propre cœur aurait ressenti, si votre amour, en s’éteignant dans votre âme, vous eût fait éprouver ce qu’il y a de plus amer au monde, l’aridité de ses propres impressions ; il vous reste encore un souvenir sensible, seul bien des trois quarts de la vie ; je dirai plus, si c’est par des fautes réelles dont le regret occupe à jamais votre pensée, que vous croyez avoir manqué le but où tendait votre passion, votre vie est plus remplie, votre imagination a quelque chose où se prendre, et votre âme est moins flétrie que si, sans événements malheureux, sans obstacles insurmontables, sans démarches à se reprocher, la passion par cela seulement qu’elle est elle, eût, au bout d’un certain temps, décoloré la vie, après être retombée sur le cœur qui n’aurait pu la soutenir.

2096. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

On put lire en 1587 ses Discours politiques et militaires, où il avait versé toute son expérience et tous ses souvenirs ; Français autant que protestant, il réclamait énergiquement la paix et la tolérance, seuls moyens de rétablir le royaume et les impurs : il s’adressait aux catholiques autant qu’aux protestants ; car l’union dépendait des deux partis, mais surtout de celui qui avait la majorité du peuple et la faveur du roi.

2097. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

La génération qui s’est élevée entre les souvenirs du terrible passé, et les secousses d’un présent encore troublé, ces hommes des conspirations contre Richelieu et de la guerre de Trente Ans, sont de fortes, même de rudes natures, peu disposées à s’amuser aux enfantillages de la vie sentimentale, capables et avides d’action : Richelieu, Retz sont les formes supérieures du type.

2098. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Elle n’a pas de « sensations d’art » : ce qui l’attache, ce sont les souvenirs historiques, les idées auxquelles les choses servent d’appui ou d’occasion.

2099. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Le souvenir de Paul Verlaine, errant d’hôpital en hôpital et promenant dans les rues son masque socratique et sa défroque presque misérable, s’est moins imposé à la sollicitude des bourgeois de Paris que celui de Schaunard ou de Colline, bien qu’il fût plus récent.

2100. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Jamais prêtre païen n’avait dit au fidèle : « Si, en apportant ton offrande à l’autel, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande devant l’autel, et va premièrement te réconcilier avec ton frère ; après cela viens et fais ton offrande 258. » Seuls dans l’antiquité, les prophètes juifs, Isaïe surtout, dans leur antipathie contre le sacerdoce, avaient entrevu la vraie nature du culte que l’homme doit à Dieu. « Que m’importe la multitude de vos victimes ?

2101. (1903) Zola pp. 3-31

Avec un peu de Taine mal compris et peut-être de Claude Bernard mal lu, et peut-être avec le souvenir d’une boutade de Sainte-Beuve : « Je fais l’histoire naturelle des esprits », il se dit que l’homme était le produit de sa race et un peu de son milieu, et il se dit qu’il serait intéressant de faire l’histoire d’une famille de 1840 à 1870.

2102. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

S’il fut de cette école, une plus large fatalité de refléter tout ce qui l’environne, d’accaparer inconsciemment toutes les tendances a fait de lui (c’est sa personnalité, si l’on veut) un candide et très sérieux incohérent : symboliste par Mallarmé, impressionniste par sa fréquentation des peintres pointillistes, scientifique, philosophique, et même teinté du socialisme puéril qui court les rues, lorsque s’avérèrent scientifiquement mes Théories de philosophie et d’art, et aussi parce qu’un de ses amis s’occupe de sciences transcendantes — en même temps qu’il est pénétré inéluctablement de son hérédité sémite compliquant encore l’hétérogénéité, Il arrive enfin, après de prolixes et diffus articles, à cette déclaration éminemment neuve que le Rythme est en tout, à cette erreur scientifique que tout est cyclique, — et pour œuvre, il donna ce livre, les Palais nomades, qui trahit ses velléités de lui donner un lien méthodique, et où ce moderniste à outrance fait à chaque page surgir des souvenirs de Palestines et des Tribus, de Babylones et d’Afriques, parmi des gestes de Mages : et, pour le développement des Rythmes, en pressant les images en chaos et les mots et les phrases sans nul effet à satiété répétés, simplement il allongeait ou raccourcissait extraordinairement l’alexandrin, dont il a sainte horreur pour n’en comprendre pas la mathématique savante.

2103. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

Ce n’est pas le préjugé d’une philosophie spéculative qui le fait parler, c’est le souvenir vivant de l’expérience personnelle.

2104. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Lisez son Premier-Né, Le Jour de l’An en famille, les Vieux souvenirs, Les Petites Bottes, — qui rappellent, mais en vieux et en usé, le frais soulier de la Gudule dans Notre-Dame de Paris, — les Bébés et papas et la Première culotte, et voyez si dans tout cela l’enfant n’est pas toujours ajusté, toujours compris de la même manière, aimé pour le plaisir et la peine qu’il donne, — car il y a aussi l’épicurisme de la douleur, — et si la moitié du sentiment paternel, celle que Dieu élargit en la doublant du sentiment de son être, n’est pas restée, pure lumière, étouffée sous le boisseau de la chair !

2105. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Homme d’observation sur place ou sur souvenir, — c’est du moins ainsi qu’il s’est donné et qu’on l’accepte, — l’auteur des Païens innocents n’a point cette force d’invention qu’eut Balzac dans ses nouvelles les plus courtes, mais il est vrai de dire qu’il s’applique à peindre des milieux beaucoup plus que des caractères.

2106. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Vous avez présent et vivant dans le souvenir tel livre d’Alphonse Daudet, de George Sand, d’André Theuriet, de Cherbuliez, telle nouvelle de Loti ou même de Maupassant, qui n’est pas seulement une belle histoire, mais une bonne histoire, parfaitement saine en chacune de ses parties.

2107. (1887) La banqueroute du naturalisme

Si le souvenir de Restif, dont je parlais tout à l’heure, troublait encore les nuits de l’auteur de Pot-Bouille, l’auteur de La Terre peut maintenant dormir tranquille : il a surpassé son modèle.

2108. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Peu à peu l’on ne se souvient plus que de cela. […] La destinée curieuse de ce philosophe consiste en ceci qu’on a oublié son système pour ne se souvenir que de sa méthode et qu’on a pris sa méthode pour son système. […] Mais encore, on se battait à armes égales ou qui semblaient l’être, rendant coups pour coups et ne frappant que par souvenir d’avoir été frappé ou crainte de l’être. […] La réaction anticléricale de la troisième république a pour un de ses fondements le souvenir de l’Assemblée monarchique de 1871 et le souvenir des tentatives monarchiques du 24 mai 1873 et du 16 mai 1877. […] On se faisait une popularité vers 1840 en agitant les souvenirs de l’Empire et en jetant toujours, par métaphore, l’épée de la France au-delà des frontières.

2109. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Les objets qui font sur nous des impressions, sont toujours acompagnés de diférentes circonstances qui nous frapent, et par lesquelles nous désignons souvent, ou les objets mêmes qu’elles n’ont fait qu’acompagner, ou ceux dont elles nous réveillent le souvenir. […] souvenez-vous de notre convention, c’est-à-dire, observez notre convention : Seigneur, ne vous ressouvenez point de nos fautes, c’est-à-dire, ne nous en punissez point, acordez nous en le pardon : je ne vous conois pas, c’est-à-dire, je ne fais aucun cas de vous, je vous méprise, vous êtes à mon égard come n’étant point. […] Ce dernier vers fait allusion à la malheureuse conspiration du maréchal De Biron ; il en rapèle le souvenir. […] Nous disons en françois je me repens, je m’aflige de ma faute : je est le sujet de la proposition, c’est le nominatif du verbe : en latin on prend un autre tour, les termes de la proposition ont un autre arangement, je devient le terme de l’action, ainsi, selon la destination des cas, je se met à l’acusatif ; le souvenir de ma faute m’aflige, m’afecte de repentir, tel est le tour latin,(…). […] On a la liberté d’ajouter ou de retrancher ce qui est nécessaire au dessein qu’on se propose ; mais on doit conserver autant de mots qu’il est nécessaire pour rapeler le souvenir de l’original dont on emprunte les paroles.

2110. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Pour retrouver une semblable accumulation de souvenirs mythologiques, c’est à Ronsard tout justement qu’il faut que l’on remonte, jusqu’à l’ode fumeuse Au chancelier de l’Hospital. […] Il se souvient également qu’un jour, comme il demandait au cardinal Duperron s’il faisait encore des vers, celui-ci lui a répondu « qu’il ne fallait plus que personne s’en mêlât, après un gentilhomme de Normandie, établi en Provence, nommé Malherbe ». […] Et, enfin, idées générales ou souvenirs classiques, pour lier ensemble tout cela, des « passages », comme on disait alors, des « transitions », comme nous disons aujourd’hui, qu’un enfant même au besoin trouverait. […] Il faut toutefois qu’il me donne une septième, et, d’avoir en passant parlé du livre du père Rapin, comme il s’est souvenu de celui d’Arnauld sur la Fréquente Communion, c’est de là qu’il la tire. […] c’est le contraire, et ce grand homme s’en souvint trop — fut une « des principales causes de la ruine de César ».

2111. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

On le quitte avec une profonde estime pour son caractère, une vive sympathie pour les qualités de son cœur, et le souvenir d’une des plus belles joutes de dialectique dont on ait jamais eu le spectacle. […] Il n’y a pas si longtemps qu’Edgar Quinet, au cours d’un long ouvrage sur la Révolution française, avait sans cesse le regard sur elle, la nommant dès la première page, toujours préoccupé de la réfuter, et comme gêné de son souvenir. […] Ni les troubadours, avec leurs chansons d’amour et de guerre, ni les trouvères avec leur Charlemagne, ou avec leurs fées et leurs enchanteurs, ou, notez-le, avec leurs souvenirs confus de l’antiquité païenne, ne sont très chrétiens dans leurs vers. […] Elle semble se souvenir sans cesse que M.  […] C’est à cette faute initiale que Mme de Staël revient toujours, parce que (sans qu’elle l’ait dit) son esprit est toujours dominé par le souvenir de l’empire.

2112. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

Elle forme donc un groupe tranché parmi mes souvenirs et mes prévisions ; elle se distingue des autres par le degré précis d’intensité de la première sensation musculaire composante, par le degré précis de durée de la seconde sensation musculaire composante, et en outre par la nuance particulière de la sensation de tact adjointe ; le pouvoir de provoquer ce groupe est ce que nous nommons la résistance et l’étendue de la table. — D’où l’on voit que toutes les propriétés sensibles des corps, y compris l’étendue, par suite la forme, la situation et le reste des qualités tangibles, ne sont, en dernière analyse, que le pouvoir de provoquer des sensations. […] C’est cette série, plus ou moins courte, d’états successifs compris entre un moment initial et un moment final, et définis seulement par leur ordre réciproque, que nous nommons le mouvement pur. — Or nous avons toutes les raisons du monde pour l’attribuer à ces inconnus que nous nommons des corps, pour-être certains que, de l’un, elle passe à l’autre, et pour poser les règles de cette communication ; car l’analogie qui nous permet d’accorder à telle forme animale des sensations, perceptions, souvenirs, volontés semblables aux nôtres, nous permet également d’accorder à cette balle des mouvements semblables aux nôtres.

2113. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Ce souvenir vivifie mon cœur rajeuni et me détourne de la mort ! […] … songez à moi quelquefois un petit moment ; j’aurai assez de temps pour me souvenir de vous !

2114. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

J’en eus un jour une preuve bizarre qui ne s’effacera jamais de mon souvenir. […] À six cents lieues de distance, les idées de famille, les souvenirs de l’enfance me ravissent de tristesse.

2115. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Des souvenirs d’antiquité, au hasard de ses lectures, imprégneront ses réminiscences patriotiques, et la bourgeoisie genevoise prendra dans son esprit la couleur des démocraties antiques. […] Diderot nous offrait quelques saillies : mais ici dans cette lettre, Rousseau a écrit d’un bout à l’autre l’un des plus émouvants poèmes d’amour que nous ayons en notre langue, le poème des souvenirs et des regrets.

2116. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Il a visité les enfers et se souvient de ses transmigrations. […] Or il était évident que cette pensée venait d’éclore de son cerveau, en se combinant peut-être de quelque souvenir d’almanach.

2117. (1926) L’esprit contre la raison

L’exaltation de l’intelligence rationnelle est brandie contre les avant-gardes : même Rivière dans ses articles — et il faut se souvenir qu’en 1920, il est en dialogue dans La NRF avec Breton, avec Artaud sur cette question de la préséance de l’intelligence logique et de la raison— défend l’idée d’une union sacrée des militants de l’Intelligence. […] Accrochés au souvenir, aux faits, jamais ils ne connaîtront cette exaltation de qui a renoncé à la joie du ventre, à cet espoir dont Paul Valéry nous disait qu’il n’est que la méfiance de l’être à l’égard des prévisions de son esprit… Le poète, lui, au contraire, ne flatte ni ne ruse.

2118. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IX : Insuffisance des documents géologiques »

Si l’on se souvient ensuite de cette observation si judicieuse de Lyell, que l’épaisseur et l’étendue des formations de sédiment sont le résultat des dégradations que la terre a subies autre part, et peuvent en donner la mesure, quelle somme énorme de dégradation n’indiquent pas les dépôts stratifiés de quelques contrées ! […] Je me souviens d’avoir été vivement frappé des traces de dénudation que présentent certaines îles volcaniques, qui ont été lentement rongées par les vagues, au point d’être entourées aujourd’hui d’une ceinture d’escarpements perpendiculaires d’une hauteur de 1, 000 à 2, 000 pieds : l’inclinaison en pente douce des torrents de lave refroidie dont ces îles sont formées indiquant, au premier coup d’œil, jusqu’où leur lit rocheux avait dû s’étendre un jour dans la mer.

2119. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Ce rideau du fond, si je m’en souviens bien, fait assez mal, et n’imite pas trop l’étoffe de soye. […] Je me souviens qu’une femme qui doutoit un peu de la bonté de mes yeux me demanda son portrait que j’entamai sur-le-champ et qu’elle n’eut pas le courage de me laisser finir ; elle me ferma la bouche avec une de ses mains.

2120. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Les lettres profanes, les arts plastiques, les souvenirs de l’antiquité, les manuscrits grecs, et jusqu’à l’imprimerie, ont à ses yeux, d’ordinaire si clairs et si purs, l’importance qu’ils ont aux yeux troublés de la génération présente. […] Mais ces notes, — fixés d’impression qu’il devait reprendre et féconder avec cette force de souvenir qui a peut-être plus de relief que la réalité même, — sont des ébauches trop hâtées et trop incomplètes pour qu’il soit convenable de les publier.

2121. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Il ne me souvient point d’avoir vu ni dans l’histoire, ni dans la fable même, de couple plus étroitement uni que celui-là.

2122. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Nous sommes ici dans l’école la plus opposée à celle d’Anne de Bretagne et de Mme de Maintenon, si l’on se souvient de la classification de Roederer.  

2123. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

[NdA] Souvenirs de Berlin, par Thiébault, tome III, page 56, 4e édit.

2124. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

La Motte en triomphe dans sa réponse : « Heureusement, disait-il en rapportant le passage, heureusement quand je récitai un de mes livres à Mme Dacier, elle ne se souvint pas de ce dernier trait. » La Motte, en effet, répondit et se donna les avantages de la forme, ce qui est si important en France.

2125. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Bossuet, dans la sphère supérieure de l’épiscopat, demeurait l’oracle, le docteur, un Père moderne de l’Église, le grand orateur qui intervenait aux heures funèbres et majestueuses ; qui reparaissait quelquefois dans la chaire à la demande du monarque, ou pour solenniser les Assemblées du clergé, laissant chaque fois de sa parole un souvenir imposant et mémorable.

2126. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

[NdA] Souvenirs du lieutenant général comte Mathieu Dumas (1839), tome III, p. 363.

2127. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Je me souviens que lui ayant dit, en le quittant, que j’espérais le retrouver en meilleure santé le lendemain, il me répondit, le plus haut qu’il put : Mort, mort !

2128. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

En redevenant ainsi poète mâconnais, il ne se doutait pas qu’il travaillait peut-être plus sûrement pour sa mémoire que s’il fût resté poète à Versailles, comme perdu et noyé parmi tous ces demi-dieux et ces naïades ; car en étant d’un lieu et d’une cité particulière, et en y laissant sa tradition, il a trouvé, après plus d’un siècle, des investigateurs curieux et presque des fidèles pour en recueillir le souvenir, et il a eu cet honneur que M. de Lamartine, tout jeune, entendant réciter de ses vers marotiques a fait un dizain à sa louange et un peu à son imitation.

2129. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il se souvenait toujours d’avoir été condamné par le parlement de Toulouse à être tiré à quatre chevaux et d’avoir été exécuté en effigie.

2130. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

» Si après de tels hommages presque excessifs et de telles réparations souverainement gracieuses, le prince Henri se souvenait encore, pour s’en offenser et s’en ulcérer à loisir, de quelques brusqueries de Frédéric, c’est qu’il avait l’âme incomparablement moins grande.

2131. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

L’adversité a cela de particulier, qu’elle donne à Frédéric le sentiment du droit, qu’il n’a pas toujours eu très présent et très vif en toutes les circonstances de sa vie : en cette crise d’alors, il se considère comme iniquement assailli et traqué, lui le champion d’une grande et juste cause, le soutien de la liberté de l’Allemagne et de l’indépendance protestante : « L’Allemagne est à présent dans une terrible crise : je suis obligé de défendre seul ses libertés, ses privilèges et sa religion ; si je succombe, pour le coup, c’en sera fait. » Il ajoute ces remarquables paroles, qui ont dans sa bouche une singulière autorité et dont il paraît s’être mal souvenu dans d’autres temps : A-t-on jamais vu que trois grands princes complotent ensemble pour en détruire un quatrième qui ne leur a rien fait ?

2132. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Geffroy, et qui, à la rigueur, se peuvent suffire à elles-mêmes, ont surtout mis en lumière les commencements et les préliminaires de la mission de la princesse des Ursins en Espagne ; c’est le côté neuf de la publication (je suppose des lecteurs au courant et qui se souviennent de l’ancien recueil de 1826).

2133. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Paris en a vu, depuis 1815, un certain nombre à caractère marqué et dont il se souvient.

2134. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

M. de Tocqueville, s’il m’en souvient, commença son discours de réception par ces mots : « Messieurs, tout est nouveau en France, excepté l’Académie.

2135. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

« La camarera-mayor, naturellement rigide, ajoutait de nouvelles peines à cette contrainte, et semblait vouloir effacer tout d’un coup jusqu’aux moindres choses qui auraient pu lui laisser quelque souvenir de la douceur et des agréments de son pays. » On essaya de lui inspirer d’abord une entière aversion pour la reine mère, dont cette camarera-mayor craignait l’influence qui s’annonçait comme prête à renaître.

2136. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Le Roi est l’homme que les érudits auraient choisi pour bibliothécaire de la ville de Versailles s’ils avaient été consultés ; toutes ses publications sont consacrées à repeupler de ses souvenirs cette belle résidence un peu déserte.

2137. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Enfin, Monsieur, souvenez-vous que c’est en votre seule considération et à celle de ma sœur que nous envoyons cet enfant à la campagne.

2138. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Et ici, ce grand nom de Milton prononcé, laissons-nous reporter, comme contraste, au souvenir de ces premiers chants du Paradis qui assiègent notre pensée, depuis que nous lisons ces balbutiements informes du vieil auteur dramatique inconnu.

2139. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Louis Paris ait rappelé le souvenir de l’Œdipe-Roi de Sophocle ; mais, ce qui est moins naturel, il s’est mis, à force de vouloir admirer la scène du mystère, à la préférer presque à la situation et à la conception de l’antique : «  La seule différence dans le sujet, dit-il, consiste dans la continuelle innocence d’Œdipe : ses crimes sont involontaires ; écrasé sous le poids de la fatalité, le malheureux Œdipe ne cesse d’être vertueux.

2140. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Quand Virgile prenait Énée pour son héros, il était plein d’Auguste et plein aussi des souvenirs de la vieille Rome.

2141. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Rousseau, revenant plus tard sur cette époque de sa vie et ressassant ses souvenirs, croyait voir à travers ces légèretés de Deleyre les trames et les noirceurs de Diderot.

2142. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

 » Ce sont là de ces passages qui ravissaient Fénelon : « Tout ce que l’esprit ajouterait à ces simples et touchantes paroles ne ferait, disait-il, que les affaiblir. » Le vœu de Tibulle se voyant en idée au lit de mort et tenant de sa main défaillante la main de son amie, Didon adjurant Énée au nom de tout ce qu’il y a plus doux et de plus sacré dans le souvenir, nous reviennent en mémoire ; mais Térence ici n’a rien à craindre à la comparaison.

2143. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Je crois me souvenir que Traerbach n’a point été réuni nommément, mais que Veldenz ayant été réuni avec ses dépendances, Traerbach, qui en relève, a dû être aussi réuni du jour de l’arrêt de Veldenz.

2144. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Les souvenirs et les antécédents de la Constituante et de la Législative ne l’embarrassaient pas.

2145. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Tout le monde s’aperçut que la reine avait pleuré ; et je me souviens que lorsque Narcisse prononça ce vers : Que tardez-vous, seigneur, à la répudier ?

2146. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune.

2147. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée, par M. le chevalier Alfred d’Arneth et à ce propos de la guerre de 1778 »

Toute ma constance m’abandonne à ce souvenir… » Elle semble avoir eu vent de la note désapprobative, et des effets qu’elle a produits, lorsqu’elle écrit le 6 avril : « Je vous suis tendrement obligée de l’intérêt que vous prenez à ma situation.

2148. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Pour le fournir lui-même, Loss n’avait pas assez présents ses souvenirs ; il n’avait vu la princesse Josèphe qu’encore trop enfant.

2149. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

La Fontaine Dans ces rapides essais, par lesquels nous tâchons de ramener l’attention de nos lecteurs et la nôtre à des souvenirs pacifiques de littérature et de poésie, nous ne nous sommes nullement imposé la loi, comme certaines gens peu charitables ou mal instruits voudraient le faire croire, de mettre en avant à toute force des idées soi-disant nouvelles, de contrarier sans relâche les opinions reçues, de réformer, de casser les jugements consacrés, d’exhumer coup sur coup des réputations et d’en démolir.

2150. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

« Pour la partie historique de la Fortune des Rougon écrit-il à la suite de la déclaration précitée75, je me suis adressé au livre de Ténot sur les événements tragiques qui se passèrent dans le Var, en décembre 1851 ; et je me souviens que ce fut Jules Ferry qui me fournit les notes dont j’avais besoin pour faire vivre dans la Curée, les transformations de Paris du baron Haussmann.

2151. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre I. Composition de l’esprit révolutionnaire, premier élément, l’acquis scientifique. »

Condillac montre en outre que toute perception, souvenir, idée, imagination, jugement, raisonnement, connaissance, a pour éléments actuels des sensations proprement dites ou des sensations renaissantes ; nos plus hautes idées n’ont pas d’autres matériaux ; car elles se réduisent à des signes qui sont eux-mêmes des sensations d’un certain genre.

2152. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Boileau ne sortit pas indemne de toutes ces polémiques : il en garda un fâcheux renom de pédant et de cuistre, qui mit son œuvre en défaveur ; et même aujourd’hui, après tant d’années, quand depuis si longtemps le combat a cessé, et qu’il ne reste plus même que le souvenir des anciens partis, nous ne sommes point encore revenus des préjugés créés contre lui par l’acharnement qu’on mit au temps du romantisme à rendre sa doctrine responsable des misérables productions de l’art pseudo-classique.

2153. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Prévost a fait cette simple histoire avec quelques souvenirs de sa vie orageuse : il l’a contée rapidement, sans dissertations et sans gros effets, avec un naturel qui donne la sensation de la vie même.

2154. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Ce sont des souvenirs du passé, presque toujours plus forts que les esprits qui s’en inspirent ou s’en autorisent.

2155. (1886) De la littérature comparée

Marc Monnier, autant que sa personne, ont laissé parmi vous un profond souvenir.

2156. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Je n’ai plus rencontré le grotesque rictus sans revoir en mon souvenir les lèvres lourdes de mystère.

2157. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Et cette femme, après tout, il ne se souvient point de l’avoir aimée.

2158. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Sans prétendre compter les amours de Chaulieu, il est impossible, du moment qu’on touche à ce chapitre, d’oublier sa passion de vieillesse pour la spirituelle Mlle de Launay, passion dont elle a consacré le souvenir dans ses Mémoires, et qu’attestent de jolies lettres de Chaulieu qui s’y joignent ordinairement.

2159. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Marie-Adélaïde de Savoie, duchesse de Bourgogne, qui fut mariée au petit-fils de Louis XIV, et qui fut la mère de Louis XV, a laissé un bien gracieux souvenir après elle.

2160. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Droz n’était point ainsi ; il avait respiré et non cueilli la jeunesse dans sa fleur ; il eut le fruit, et il se disait avec Montaigne, et goûtant comme lui chaque chose en sa saison : « J’en ai vu l’herbe, et les fleurs, et le fruit ; et j’en vois la sécheresse : heureusement, puisque c’est naturellement. » Je l’ai entendu un jour, à quelqu’un qui se plaignait de l’ennui de vieillir, exposer les douceurs et les avantages de la vieillesse, en homme qui ne se souvenait pas du traité de Cicéron, mais qui le retrouvait.

2161. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Son habileté et son bonheur seront au comble s’il parvient seulement à mettre en harmonie d’anciens préjugés avec les nouveaux, les intérêts qui précédèrent et ceux qui suivirent la Révolution : fragile mais désirable alliance de l’autorité monarchique et de la liberté, contre laquelle lutteront sans cesse les souvenirs, soit de la toute-puissance royale, soit de l’indépendance révolutionnaire… Il pressentait combien le génie français, toujours dans les extrêmes, et composé d’insouciance et d’impatience, était peu propre à cette lutte continuelle, à cet équilibre qui exige suite, vigilance, et modération jusque dans le conflit.

2162. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

[NdA] Il y a ici un souvenir de Montesquieu, Esprit des lois, livre II, chap. 

2163. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

. — C’est Stanislas Girardin qui note ainsi l’embarras de Portalis, en reproduisant toute cette curieuse conversation dans le tome Ier de ses Souvenirs, p. 310.

2164. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Elle les varie par des souvenirs d’histoire ancienne.

2165. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

C’est avant tout l’inspiration, c’est-à-dire « certaines combinaisons mentales, que le sens intime, le moi ne saurait avouer comme nôtres, c’est-à-dire qui se sont faites à notre insu, sans que notre volonté y fût pour rien » ; c’est l’enthousiasme, le délire, suivant la doctrine de Platon ; c’est « plus de rapidité dans les conceptions, plus d’élan, de spontanéité dans l’imagination, plus d’originalité dans le tour de la pensée, dans les combinaisons de l’esprit, plus d’imprévu et de variété dans les associations d’idées, plus de vivacité dans les souvenirs, d’audace dans les élucubrations de l’imagination, et aussi plus d’énergie, d’entraînement dans les instincts, les affections, etc. » Empruntant à un poêle illustre sa définition du génie, on nous apprend que c’est « la vigueur de la fibre humaine aussi forte que le cœur de l’homme peut la supporter sans se rompre », Ajoutez à cela que, parmi les hommes de génie, dont l’auteur invoque l’exemple, ceux qu’il cite de préférence sont les illuminés, les enthousiastes, les révélateurs de toute espèce.

2166. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Bref, si la vigueur et l’utilité d’un mouvement peuvent se mesurer à l’injustice des attaques dont il est la cible, nous aurions pu être fiers ; mais une sage modestie nous faisait nous souvenir que les romantiques, les parnassiens et les naturalistes en avaient reçu tout autant sur le coin… de leur art.

2167. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

— En une certaine mesure au contraire, parce que c’était la façon dont, généralement, les auteurs classiques nous étaient montrés, qui nous les faisait prendre en horreur ; parce que Virgile et Horace ne pouvaient rester dans nos souvenirs qu’accompagnés de l’idée d’ennui ; et parce que, laissés de côté par les professeurs d’à présent, ils se présenteront aux écoliers dans toute leur beauté propre, avec leur charme inaltéré et, si j’ose ainsi parler, sans encrassement.

2168. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Fervaques est un esprit ardent, enthousiaste, remuant, sensitif, d’une vie littéraire dans laquelle palpite l’autre vie, — la vie réelle, — qui en est toujours le fonds et le tréfonds, et sans les passions, les souvenirs, les douleurs de laquelle le talent n’est pas.

2169. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Son idéal d’humanité est un idéal de Christ ou de Saint-François d’Assise ; l’évangélisme de Tolstoï est apparenté à sa doctrine. « L’idéal d’aujourd’hui, c’est peut-être simplement un souvenir des réalités d’autrefois… » dit M. 

2170. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

On oublia d’autres paroles très-expressives, trop expressives, qu’on avait autrefois jetées contre le christianisme, que les critiques n’osent citer, et dont tous les contemporains se souviennent.

2171. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Mais dans tous les cas, souvenez-vous de l’analyse.

2172. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

. — Portez-la dans l’art : l’art, méprisé, composé d’importations ou de dépouilles, réduit à l’utile, ne produit rien par lui-même que des œuvres politiques et pratiques, documents d’administration, pamphlets, maximes de conduite ; aidé plus tard par la culture étrangère, il n’aboutit qu’à l’éloquence, arme de forum, à la satire, arme de morale, à l’histoire, recueil oratoire de souvenirs politiques ; il ne se développe que par l’imitation, et quand le génie de Rome périt sous un esprit nouveau. — Portez-la dans la science : la science, privée de l’esprit scientifique et philosophique, réduite à des imitations, à des traductions, à des applications, n’est populaire que par la morale, corps de règles pratiques, étudiées pour un but pratique, avec les Grecs pour guides ; et sa seule invention originale est la jurisprudence, compilation de lois, qui reste un manuel de juges, tant que la philosophie grecque n’est pas venue l’organiser et le rapprocher du droit naturel.

2173. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Si son œil plonge dans la profondeur de son cœur, s’il se reporte aux souvenirs de son enfance pour chercher les principes que la société lui a donnés, afin de le préparer à ses lois, qu’y trouve-t-il ? […] Pour rappeler encore le souvenir des mythes antiques, cette femme de la Régence, n’est-ce pas Ève qui touche à l’arbre de la science avec une ardeur insensée ? […] Pour le riche, des inscriptions fastueuses, méprisées de ceux qui les lisent ; une phrase chrétienne auprès d’une phrase athée ; d’absurdes légendes d’un culte mythologique, des mots abstraits dont on a fait des divinités : et pour la multitude des pauvres, une fosse commune, qui engloutit en une minute tout souvenir d’eux.

2174. (1904) Zangwill pp. 7-90

Remarquez bien que je ne parle pas seulement de la vie dans l’opinion, de la réputation, du souvenir. […] C’est dans le souvenir de Dieu que les hommes sont immortels. L’opinion que la conscience absolue a de lui, le souvenir qu’elle garde de lui, voilà la vraie vie du juste, et cette vie-là est éternelle.

2175. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Le manque de lucidité dans la distribution des œuvres de Diderot, qui en étaient déjà à leur dixième volume quand nous écrivions ceci, ajoute un labeur nouveau à la rude besogne de la Critique, obligée de lire et déjuger, à un siècle de distance, des livres sans valeur absolue, écrits dans un intérêt de parti ou d’idées qui n’existe plus que par le terrible souvenir du mal que ces livres ont fait. […] Il n’était pas, d’ailleurs, besoin du souvenir de la révolution française, fille de la philosophie du xviiie  siècle, pour applaudir aux sifflets vengeurs de 1811. […] Si sa critique était ici simplement en cause, nous n’aurions que des applaudissements pour elle ; mais il faut se souvenir que dans cette étude sur Diderot on embrasse l’ensemble de l’homme.

2176. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

En 1828 j’étais encore trop près de mes souvenirs d’Allemagne pour que les grandes généralisations et les formules un peu altières auxquelles j’étais accoutumé ne déteignissent pas un peu, si on me passe cette expression, sur ma pensée et sur mon langage ; et il se peut que mes paroles aient quelquefois présenté à des esprits prévenus, ou peu familiers avec ces matières délicates, l’apparence d’une doctrine assez favorable au panthéisme. […] Mais ce n’étaient là que des considérations personnelles, et j’ai cru bien faire de les mettre à mes pieds pour ne songer qu’à faire mon devoir ; et j’ai regardé comme un devoir, aussitôt que la parole m’était rendue, d’en faire usage, de renouer la chaîne interrompue des traditions de l’École normale, de reparaître sur le théâtre de mes premiers travaux12, d’y rallier ceux qui se souviennent encore de moi, et de venir ici, aux dépens de ma vanité et de ma personne, servir la cause de la philosophie.

2177. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

L’exemple des mauvaises mœurs détruit les impressions religieuses, le temps en affaiblit le souvenir. […] « Je me souviens, dit Alexandre, que je suis un roi et non pas un marchand : Memini non mercatorem me esse, sed regem. […] Ses organes ne se déploient que dans la passion ; il doit avoir fort mal joué Catilina : quand il s’agira de Gengis, je me flatte que vous voudrez bien le faire souvenir que le premier mérite d’un acteur est de se faire entendre. » C’est en effet le fondement de tout l’art théâtral, comme savoir lire et écrire est le fondement de la littérature. […] Il se félicite de s’être souvenu si à propos de son Virgile, qu’il n’avait pas ouvert depuis cinquante ans ; sa lettre est d’une politesse douce, aimable, pleine d’une franchise naïve, qui fait pardonner l’amour-propre en ne prenant pas la peine de le déguiser. […] Voltaire s’en souvenait, et, bien loin d’en conserver une éternelle rancune contre la favorite, ce qui ne l’eût mené à rien, il fut assez philosophe pour tâcher d’avoir part aussi à ces précieuses faveurs.

2178. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Certains projets, tels que celui d’une confédération entre les États chrétiens et d’une sorte de grande république européenne, semblent avoir pris dans le souvenir de Sully et sous la plume de ses secrétaires, pendant les années de retraite et d’exil, plus de consistance et d’enchaînement qu’ils n’en durent jamais avoir dans ces libres conversations du monarque ; l’on ne saurait y voir de la part de Henri IV que des saillies et des souhaits tels qu’un roi de grand esprit en jette en causant.

2179. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Dans les mémoires indirects qu’il a donnés sous forme de romans, il n’est que sec et ne féconde rien : il n’a pas d’imagination, il n’avait que des souvenirs.

2180. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru, dans les dernières années, parlait sans doute volontiers des heures glorieuses qu’il avait passées dans le cabinet et sous la tente de l’Empereur ; on a recueilli de sa bouche quelques anecdotes plus d’une fois répétées : mais l’ensemble de ses souvenirs reste tout entier intact, et il n’appartenait qu’à lui de les écrire.

2181. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

car j’ai aimé les promenades rurales à travers les chemins creux d’un vert sombre, que tond de près la dent grapilleuse des brebis, et que borde un épais entrelacement de branches épineuses ; j’ai aimé la promenade rurale sur les collines, à travers les vallées et le long des rivières, depuis le temps où, enfant vagabond, je franchissais mes limites pour faire une école buissonnière sur les bords de la Tamise ; et toujours je me souviens, non sans regretter ces heures que le chagrin, depuis, m’a rendues bien plus chères, combien il m’arriva souvent, ma provision de poche épuisée, mais affamé encore, sans argent et loin de la maison, d’apaiser ma faim avec des baies d’églantier sauvage et avec le fruit pierreux de l’aubépine, ou de petites pommes rouges, ou la mûre noire comme le jais qui garnit la ronce, ou l’âcre petite prune qui se cueille dans la haie !

2182. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

La margrave, ayant précisément achevé d’écrire ses mémoires durant cette brouille (1744), se laissa aller à la prévention qui la dominait alors, et, en se ressouvenant du passé, elle y fit rejaillir quelque chose de l’irritation présente ; ses souvenirs se colorèrent au gré de son humeur.

2183. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Il se souvient toujours que ce digne homme a porté la soutane, ce que celui-ci oublie perpétuellement.

2184. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Je vous supplie donc de vous laisser persuader, et de vous souvenir que, la citadelle de Lille ayant l’honneur d’être votre fille aînée dans la fortification, il est juste que vous lui fassiez quelque prérogative. — Rien, disait-il encore en ouvrier amoureux de son ouvrage, rien n’est mieux conduit ni plus beau que toute cette maçonnerie ; l’on n’y voit pas le moindre défaut. » La maçonnerie était belle, mais on menait les maçons un peu rudement : « Pour empêcher la désertion des maçons, qui me faisait enrager, j’ai pris, sous votre bon plaisir, deux gardes de M. le maréchal (d’Humières), des plus honnêtes gens, qui auront leurs chevaux toujours sellés dans la citadelle, avec chacun un ordre en poche et un nerf de bœuf à la main ; les soirs, on verra ceux qui manqueront ; après quoi, dès le matin, ils les iront chercher au fond de leur village, et les amèneront par les oreilles sur l’ouvrage. » Est-il besoin d’avertir qu’il y a quelque plaisanterie dans cette rudesse un peu grossière ?

2185. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Voici, de tout le Journal, la page, selon moi, la plus caractéristique et la plus propre à nous faire juger de l’humeur excitée et charmante du voyageur excellent : « Je crois à la vérité, nous dit son secrétaire, que, s’il eût été seul avec les siens, il fût allé plutôt à Cracovie ou vers la Grèce par terre, que de prendre le tour vers l’Italie ; mais le plaisir qu’il prenait à visiter les pays inconnus, lequel il trouvait si doux que d’en oublier la faiblesse de son âge et de sa santé, il ne le pouvait imprimer à nul de la troupe, chacun ne demandant que la retraite, tandis que lui, il avait accoutumé de dire qu’après avoir passé une nuit inquiète, quand au matin il venait à se souvenir qu’il avait à voir ou une ville ou une nouvelle contrée, il se levait avec désir et allégresse.

2186. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

 » Muni de l’inventaire et plein des souvenirs du xviie  siècle qu’il a étudié dans toutes ses branches, M. 

2187. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

A ceux qui me reprochent de trop m’amuser au détail en de semblables sujets, je ne répondrai qu’en redoublant de soin pour laisser à ceux qui viendront après nous le plus de renseignements précis et le plus d’idées vivantes sur un passé déjà si enfui pour nous-mêmes et si lointain dans le souvenir.

2188. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Après tout, même dans ses malheurs et ses guignons récents, s’il se reportait en esprit à ses anciennes infortunes et à cette horrible captivité en Alger, Cervantes avait la ressource de se dire comme Ulysse : « Courage, mon cœur, tu en as vu de pires, le jour où l’infâme Cyclope te dévorait tous tes braves compagnons, et où, la prudence et l’audace aidant, tu l’échappas belle… » J’ai connu des cœurs philosophes auxquels le souvenir des maux et des périls passés ne laissait pas d’être une consolation dans les ennuis du présent.

2189. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

On se souvient encore à Ghadamès de la prédiction du jeune Othman.

2190. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon, à mes yeux, est un bienfaiteur pour tout homme qui vit par la curiosité de la pensée et qui habite dans les souvenirs ; il a reculé le passé de la mémoire ; il a presque doublé le temps où nous avons vécu.

2191. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

C’est ici que se place l’influence du marquis de Valfons, quelque temps major général du prince : dans ses Souvenirs publiés et qu’on a lus avec plaisir, il n’a eu garde d’omettre les conseils qu’il avait donnés en toute occasion, et il ne s’est pas oublié ; on y prend une idée fidèle de l’état-major du prince, de son caractère indécis, de sa bienveillance un peu molle, en même temps qu’il y est rendu toute justice à son courage à la tranchée et dans l’action.

2192. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

Mais on l’a déjà, si l’on se souvient que nos images ne sont que des sensations renaissantes, que nos idées ne sont que des images devenues signes, et qu’ainsi la trame élémentaire subsiste plus ou moins déguisée à tous les étages de notre pensée. — Ces fils primitifs sont d’espèces diverses.

2193. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

« Souviens-toi que tu vas commander ici à des hommes aussi incapables de supporter une entière liberté qu’une entière servitude. » L’invention d’une telle éloquence dans l’historien ne suppose-t-elle pas dans Tacite toutes les qualités d’homme d’État, de philosophe, de politique consommé, de vieillard expérimenté des choses et des caractères, et enfin d’orateur d’État, qualités que l’historien prête au vieux Galba ?

2194. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Celui qui les introduisit réellement fut Mairet, qui n’a guère d’autre titre à notre souvenir.

2195. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Notre-Dame, énorme et mystérieuse, dort son sommeil de pierre et de longs souvenirs, dans son îlot, loin du Paris agité et grouillant.

2196. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Pardonnez-moi, ange, si je vois les choses en homme, si je n’espère rien pour le « collectif », si je me souviens que le salut individuel est seul possible et que nul n’est initié que par lui-même.

2197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Ici, elle pense évidemment à elle-même ; elle se flatte d’avoir reçu du ciel une de ces âmes tendres et immuables (voilà le coin d’illusion), qui savent se contenter d’une seule passion, même quand elle n’est plus partagée, et qui restent à jamais fidèles à un souvenir : J’ai été heureuse pendant dix ans, avoue-t-elle, par l’amour de celui qui avait subjugué mon âme, et ces dix ans, je les ai passés tête à tête avec lui, sans aucun moment de dégoût et de langueur.

2198. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Si je l’ai oublié, qu’on sache bien que je ne crains pas que d’autres s’en souviennent.

2199. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Payen, sentent en gens d’esprit et admirent si bien Montaigne, daignent se souvenir, jusque dans leur passion, des conseils du sage et du maître : Il y a plus à faire, disait Montaigne en parlant des commentateurs de son temps, à interpréter les interprétations qu’à interpréter les choses ; et plus de livres sur les livres que sur autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser.

2200. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Voltaire avait adressé une Épître à Horace dont tout le monde sait les derniers vers délicieux ; La Harpe fit la Réponse d’Horace ; mais, en faisant parler l’aimable Romain, il se souvient trop de Linguet, de Maupertuis, de Fréron, de tous ces importuns du jour : il n’a que des idées de métier et de tracasserie littéraire, et le rayon qu’avait eu Voltaire en finissant lui a manqué.

2201. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Ceux qui ont assisté, il y a vingt-cinq ans, aux querelles romantiques de ce temps-ci, et qui s’en souviennent encore, souriront de voir Boileau accusé d’enjambements et de mauvaises césures.

2202. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Si le spectacle des troubles et des émotions civiles où elle a été mêlée a semblé servir quelquefois à la fortifier et à l’élever même, un tel spectacle la contriste encore plus, et l’égarerait à coup sûr en se prolongeant : c’est surtout à l’heure où ces troubles s’apaisent et où ils sont encore à l’état de récent et de vif souvenir, que la littérature peut heureusement s’en inspirer pour jouir du calme rétabli, du sentiment de la civilisation reconquise, pour y porter un zèle ému, une ardeur trop longtemps contrainte et retardée, pour y signaler et pour y produire à quelque degré l’effet d’une renaissance.

2203. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Ce n’était pas même la déplacer que de se souvenir des événements où il avait pris tant de part, et qui ne faisaient qu’une même trame avec le présent.

2204. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Telle que je viens de la montrer dans l’ensemble, en fâchant de ne pas forcer les traits et en évitant toute exagération, elle a mérité ce nom de gentil esprit, qui lui a été si universellement accordé ; elle a été la digne sœur de François Ier, la digne patronne de la Renaissance, la digne aïeule de Henri IV par la clémence comme par l’enjouement, et, dans l’auréole qui l’entoure, on aime à lui adresser ce couplet que son souvenir appelle et qui se marie bien avec sa pensée : Esprits charmants et légers qui fûtes de tout temps la grâce et l’honneur de la terre de France ; qui avez commencé de naître et de vous jouer dès les âges de fer, au sortir des horreurs sauvages ; qui passiez à côté des cloîtres et qu’on y accueillait quelquefois ; qui étiez l’âme joyeuse de la veillée bourgeoise, et la fête délicate des châteaux ; qui fleurissiez souvent tout auprès du trône ; qui dissipiez l’ennui dans les pompes, donniez de la politesse à la victoire, et qui rappreniez vite à sourire au lendemain des revers ; qui avez pris bien des formes badines, railleuses, élégantes ou tendres, faciles toujours, et qui n’avez jamais manqué de renaître au moment où l’on vous disait disparus !

2205. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Flaubert a commencé à conter un drame sur Louis XI, qu’il dit avoir fait au collège, drame, où il avait ainsi fait parler la misère des populations : « Monseigneur, nous sommes obligés d’assaisonner nos légumes avec le sel de nos larmes. » Et la phrase de ce drame rejette Tourguéneff dans les souvenirs de son enfance, dans la mémoire de la dure éducation en laquelle il a grandi, et des révoltes que l’injustice soulevait dans sa jeune âme.

2206. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

C’est vraiment très beau sa propriété, et je n’en avais gardé qu’un souvenir assez incomplet.

2207. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Mais on ne lit pas que par les yeux ; on lit par les oreilles, on lit avec le souvenir de la parole et surtout les vers auxquels on demande des sensations musicales en même temps que des impressions sentimentales.

2208. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Je me souviens qu’étant adolescent, un jour, à Romorantin, dans une masure que nous avions, sous une treille verte pénétrée d’air et de lumière, j’avisai sur une planche un livre, le seul livre qu’il y eût dans la maison, Lucrèce, de Rerum Natura.

2209. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Mais c’est assez de souvenirs : le vers libre ne date pas de cent ans, mais de dix.

2210. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Qu’ils se souviennent encore, ils paroissent l’avoir oublié, de ce que les anciens ont dit sur l’étude de la geométrie, et que Quintilien a fait un chapitre exprès sur l’utilité que les orateurs mêmes pouvoient tirer de l’étude de cette science.

2211. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Il nous est revenu, rapportant, en manière de Souvenir de voyage, le Roman de toutes les femmes.

2212. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Par une insigne faveur, Sa Majesté a voulu qu’au même moment où la France entière célébrerait, d’année en année, l’époque d’un retour qui combla tous ses vœux et répara tous ses maux, l’Institut consacrât, par une séance solennelle, le souvenir de cette heureuse réorganisation, qui replaça les Académies sur leurs anciens fondements, sans rompre ni relâcher le nouveau lien qui les unissait.

2213. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Aussi excepté pour l’ambassade d’Espagne, qui ne fut qu’une chose de représentation et d’étiquette, Louis XIV laissa pour tout le reste le duc de Saint-Simon à l’antichambre, et le duc s’en est souvenu en jugeant le roi.

2214. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Et c’est même ce qui peut arriver de plus heureux pour l’honneur de Mérimée, c’est qu’on les oublie ; car, si on s’en souvient, elles diminueront étrangement l’homme qui les a écrites et l’idée qu’on avait de la puissance et de la distinction de son esprit.

2215. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Souvenez-vous du bruit de tonnerre que fit, quand elle parut, la Vie de Jésus !

2216. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Ainsi, dès Marie, dès son premier souvenir et son premier poème, le Breton s’interrompt dans Brizeux, et l’homme moderne, l’homme des langages les plus communs de ces temps, apparaît.

2217. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Ils avaient, si on s’en souvient, appliqué déjà cette méthode de trahison à un autre poète, Rollinat, l’auteur des Névroses, acclamé par eux dans la surprise d’un talent plein de nouveauté, puis bientôt bafoué et traité de saltimbanque par cette envie qui se trouve toujours embusquée dans un repli du joli cœur de l’homme, et qui se repentait d’avoir applaudi !

2218. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Il me disait le mot de l’un d’eux après l’opération : « Gardez mon bout de bras en souvenir de moi, monsieur le major, quoique ce soit vraiment à la France et non à vous que je l’ai donné ! 

2219. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Je ne manquerai pas, Madame, si Votre Majesté Impériale le juge à propos, de lui rendre compte de la suite de ces grandes révolutions… » Il écrit à Frédéric en 1774 : « Vous souvenez-vous, Sire, d’une petite pièce charmante que vous daignâtes m’envoyer, il y a plus de quinze ans, dans laquelle vous peigniez si bien : Ce peuple sot et volage Aussi vaillant au pillage, Que lâche dans les combats ? […] Montesquieu très patriote, comme ces Romains dont il raffole ; Rousseau patriote comme un Genevois ou comme un provincial ; Voltaire complètement dénué de patriotisme pour son compte et en général hostile à l’idée de Patrie et au sentiment patriotique : voilà ce dont il faut se souvenir pour ce qui va suivre ; car l’idée de Patrie, selon qu’elle existe ou n’existe point dans l’esprit d’un homme, a une grande influence sur l’ensemble et sur les détails de son système politique ou seulement de ses tendances et opinions en choses politiques. […] Ne vous mêlez pas des affaires dont il ne vous appartient pas de connaître ; souvenez-vous que votre compagnie n’a été établie par les rois que pour rendre la justice suivant les ordonnances du souverain. […] Voltaire sait donc qu’il y a, cependant, quelque différence entre l’Ancien Testament et le Nouveau, et entre les sectateurs du Nouveau et les pauvres barbares qui pratiquaient l’Ancien il y a deux mille cinq cents ans ; mais il aime trop ne pas s’en souvenir. […] Aussi, dès les premiers mots, revient-il droit à Montesquieu, dont évidemment il se souvient, et qu’il copie ou plutôt qu’il traduit en style oratoire : « C’est ici l’article important.

2220. (1899) Arabesques pp. 1-223

Leur laideur m’ébahit, et la bassesse de leurs propos m’aurait induit à les haïr, si je ne m’étais souvenu à temps qu’ils ne sont guère responsables de tant d’avilissement. […] Il hésite à descendre de ce glaçon branlant où il se jucha : l’Impératif catégorique, car il se souvient d’avoir reçu en pleine figure certain brandon acéré dont la flamme le brûle encore : « Quelle est la mission de toute instruction supérieure ? […] Toi, Schopenhauer, je te garde, cependant, un bon souvenir, parce que l’art répandu sur tes écrits nie le principe de mort que tu promulgues. […] Il me souvient d’une diatribe où, à propos du Cas Wagner, quelqu’un déplorait son « gâtisme ». […] Nous avons tous présentes à la mémoire ces paroles du dominicain Didon s’écriant à une distribution de prix : « Lorsque la persuasion a échoué, il faut s’armer de la force coercitive, brandir le glaive, terroriser, couper les têtes, sévir et frapper… » Dans l’auditoire, il y avait, peut-être, des enfants qui se souvinrent que le fondateur de leur religion avait dit : « Si l’on te frappe sur la joue droite, tends encore la joue gauche. » Toutefois, soyons assurés que ces enseignements contradictoires ne les troubleront pas dans l’existence et qu’il s’en trouvera même, parmi eux, pour « suivre la carrière des armes ».

2221. (1902) Le critique mort jeune

Souvenons-nous du chanoine Gassendi, athée par principe, et qui ne cessa pas de dire sa messe ; de son disciple, le médecin Bernier, et encore du bon évêque Huet, de ces matérialistes et de ces libertins de l’âge classique qui ne se croyaient pas plus autorisés à se révolter contre les habitudes spirituelles de leur pays que contre l’autorité temporelle. […] Dans quelques pages de souvenirs sur son ami Stanislas de Guaita (ces pages sont réunies à « Amori et dolori sacrum »), Maurice Barrès a fait, avec une précision documentaire dont ses biographes pourront user, mais qui servira aussi et surtout à l’historien des mœurs et des idées contemporaines, l’analyse de toutes les émotions qui, à seize ans, dans une ville de province, « bouleversèrent le cœur » de deux collégiens intelligents et avides de savoir comme de sentir, préparés par leur héritage physique à la volupté autant qu’à la souffrance. […] Paul Bourget a pris le ton de Bonald pour exposer des vues chères à ce grand traditionnaliste, à ce « digne rétrograde », comme l’appelait le philosophe de la « Politique positive » : ce n’est pas, croyez-le, sans intention qu’on retrouve à chaque page de l’Étape quelque souvenir de ces théoriciens. […] Il se souvient alors des avertissements de son maître, qu’il avait considérés avec sérieux sans les accepter ; il se souvient en même temps, lui sur qui la méthode de Taine avait eu une profonde influence, d’un mot fameux de ce philosophe, et que M. 

2222. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Il n’est, chrétien que par souvenir et poésie. […] Rien de plus solide qu’un ferme propos étayé de logique, appuyé sur la crainte du monde, sur la pensée de Dieu, sur le souvenir du devoir ; rien ne prévaudra contre lui, excepté un tête-à-tête en juin, à six heures et demie du soir. […] Ce sont ses opinions, ses souvenirs, ses colères, ses goûts qu’il nous étale ; son poëme est une conversation, une confidence, avec les hauts, les bas, les brusqueries et l’abandon d’une conversation et d’une confidence, presque semblable aux mémoires dans lesquels le soir, à sa table, il se livrait et s’épanchait.

2223. (1910) Rousseau contre Molière

» — Mais réfléchissez donc, répondPhilinte, qui, ici, se souvient beaucoup plus de Collin d’Harleville que de Molière et même que de Rousseau ; réfléchissez donc ! […] Le mort, s’étant avisé de renaître, au grand déplaisir de son cher neveu et ne voulant pas ratifier ce qui a été fait en son nom, on trouve le moyen d’arracher son consentement de force, et tout se termine au gré des acteurs et des spectateurs, qui, s’intéressant malgré eux à ces misérables, sortent de la pièce avec cet édifiant souvenir d’avoir été dans le fond de leur cœur complices des crimes qu’ils ont vu commettre. […] Rousseau, dans Sophie, débute presque, soit qu’il s’en souvienne, soit qu’il y ait simple rencontre, par la célèbre apostrophe de La Bruyère sur l’ignorance des femmes : « Pourquoi s’en prendre aux hommes de ce que les femmes ne sont pas savantes ? […] On pourrait dire que dans la Salente rêvée par Rousseau tous les garçons sont protestants, toutes les filles sont catholiques, relativement du moins à la façon dont la religion est présentée aux uns et présentée aux autres : « Par cela même que la conduite de la femme est asservie à l’opinion publique [souvenir du second principe : pourquoi l’éducation des femmes doit être le contraire de celle des hommes] , sa croyance est asservie à l’autorité. […] non pas beaucoup plus, voilà le bon parti. » Mlle Le Vasseur n’a jamais su quels immenses services lui avaient rendus Mme d’Epinay et Mme d’Houdetot, et à quel point le goût, incompréhensible par ailleurs de Rousseau pour elle, s’explique par les souvenirs que ces deux dames avaient laissés dans son esprit.

2224. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il avait frappé et déchiré bien des gens ; mais le vieux lion était mort, personne ne le redoutait plus ; et ceux qui portaient encore les stigmates des blessures qu’il leur avait faites, ont fait semblant de ne plus se souvenir de lui. […] Il leur était doux de penser encore que, dans le cas où le néophyte leur échapperait, il porterait au moins dans la société le souvenir des principes qu’il avait puisés dans son enfance, et qu’il en deviendrait ou le protecteur déclaré ou l’avocat occulte. […] François de Neufchâteau : le souvenir de ce drame, qui fit emprisonner l’auteur et priva de sa liberté la Comédie-Française tout entière, n’adoucit en rien sa colère ; elle éclate à chaque phrase, et Geoffroy nous en révèle la cause en citant ces deux vers : Eh ! […] L’histoire a conservé le souvenir des folies chevaleresques de François Ier, qui envoya un cartel à Charles-Quint ; mais Charles se garda bien de compromettre sa dignité et sa fortune à ce jeu. […] Fouquet, dont le château était dans son voisinage, pour lui rappeler le souvenir d’une certaine pièce de vers qu’il avait faite à sa louange.

2225. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Pour moi, de cet opéra célèbre, je n’emporte que le souvenir d’un charivari. […] Ses imitations visibles de Virgile, ses épisodes insérés en façon de placage, ses invocations au Printemps, à la Muse, à la Philosophie, tous les souvenirs et les conventions de collége font disparate.

2226. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Mme d’Étampes lui répondit qu’elle aurait soin d’en faire souvenir Sa Majesté ; et ils me quittèrent. » VII L’ouvrier était devenu artiste suprême. […] Eh bien, partez, j’y consens, me dit le duc ; laissez-moi seulement un souvenir en deux vers.

2227. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

L’intelligence même ne pense, ne sent, n’aime, ne se souvient, qu’en compagnie du corps. […] Je veux parler de cette éternité que Platon attribue à l’âme, de cette vie antérieure où l’âme sans le corps a connu directement les Idées dont elle ne fait que se souvenir ici-bas, de ces existences successives par lesquelles l’âme doit passer pour recouvrer sa pureté première, de ces récompenses et de ces peines que lui réserve la justice des dieux, selon qu’elle aura bien ou mal vécu.

2228. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Sans citer ici le grand Alexandre et les romains, qu’on se souvienne de la facilité avec laquelle des poignées d’espagnols et de portugais, aidez par leur industrie et par les armes qu’ils avoient apportées d’Europe, assujettirent les deux Indes. […] Autant que je puis m’en souvenir, Pierre Corneille est le premier des poëtes françois prophanes, dont un ouvrage de quelque étenduë ait été traduit dans la langue de nos voisins.

2229. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Mais enfin les gens de lettres se distinguèrent en cette occasion, et les descendants de ce ministre ne sauraient trop s’en souvenir. […] Puissent, monseigneur, les sciences et les lettres, fidèles à conserver le souvenir de ceux qui les ont aimées, célébrer d’une manière digne de la France et de vous, tant d’établissements glorieux à votre ministère, qui laisseront à vos successeurs l’honneur de les faire fleurir !

2230. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

C’est par là qu’il saisit la pensée et qu’il restera dans le souvenir. […] Elle se souviendra qu’il fut toute sa vie un fort journaliste, comme un jour il fut un fort orateur, et comme il aurait été un fort homme d’État, si les circonstances avaient eu l’esprit d’en faire un ministre ; mais les circonstances sont si bêtes !

2231. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Si j’avais donc un conseil à lui donner, ce serait de se cantonner et de se calfeutrer dans sa Bretagne, dans l’esprit, les souvenirs et les coutumes du pays qu’il connaît si bien, de s’y ramasser et de s’y condenser tout à fait au lieu de s’éparpiller à tous les souffles de la rose des vents de Paris, et peut-être finirait-il sa vie par ce chef-d’œuvre absolu qui fixe enfin la gloire d’un homme et qui lui a toujours manqué. […] Il s’est souvenu que, même dans un siècle très grand, un livre intitulé les Petites Lettres, qui devinrent plus tard : les Provinciales, firent leur fortune, justement contre les Jésuites, et il a écrit pour eux aussi un petit livre.

2232. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

. — Le duc de Choiseul est le seul qui puisse soutenir le système du roi ou le dénouer. » Telle est l’idée juste de Bernis ; mais, en tant qu’il se l’appliquait personnellement et qu’il la retournait contre lui-même, cette idée lui devenait un remords poignant et insupportable, et c’est ce qui explique ce mot de déshonneur qui revient si souvent sous sa plume : Souvenez-vous, écrit-il à Mme de Pompadour (dans la soirée du 26 septembre), qu’il est impossible que ce soit moi qui sois chargé de rompre les traités que j’ai faits.

2233. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Elle y était respectée, chérie, écoutée ; absente, ses lettres lues à la récréation faisaient l’orgueil de celle qui les avait reçues et la joie de toutes ; présente, on se concertait pour éveiller ses souvenirs, pour la ramener sur ses débuts et sur les incidents singuliers de sa fortune, pour la faire parler d’elle-même, ce sujet qui nous est toujours si reposant et si doux.

2234. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Si son roman de La Chartreuse de Parme a paru le meilleur de ceux qu’il a composés, et s’il saisit tout d’abord le lecteur, c’est que, dès les premières pages, il a rendu avec vivacité et avec âme les souvenirs de cette heure brillante.

2235. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

[NdA] Costar se souvient ici du beau passage et de la belle expression de Sénèque, peignant dans toute leur sève et leur jet vigoureux les premiers grands hommes encore voisins de l’origine des choses, et qui en avaient retenu je ne sais quel souffle divin : « … Alti spiritus viros et, ut ita dicam, a Diis recentes. » La jeune nature, c’est le « Mundus nondum effetus » qui vient après (Lettres à Lucilius, XC).

2236. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Vous qui êtes de la famille et de la religion de Platon, souvenez-vous donc aussi de l’art de Platon.

2237. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Ce cas est tout à fait celui de la femme distinguée dont le livre de MM. de Goncourt m’a rafraîchi le souvenir, et que depuis longtemps je désirais remettre en lumière, sans me croire suffisamment instruit à son sujet.

2238. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Quand on parle de la sagacité infaillible de M. de Talleyrand, on oublie trop ce discours ; mais en fait de prophéties, on ne se souvient guère que de celles qui réussissent.

2239. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre III »

Ils en sortent par troupes, et tout d’un coup, dans Paris, quelles figures777 « On ne se souvient pas d’en avoir rencontré de pareilles en plein jour… D’où sortent-ils ?

2240. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

On fleurit encore ses discours de souvenirs ; François de Sales met de l’histoire naturelle dans la théologie, et Montchrestien de la mythologie dans l’économie politique.

2241. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Montesquieu, qui se souvient parfois des causes physiques, semble ignorer absolument que la matière sur laquelle travaillent les législateurs, l’humanité vivante, contient en puissance une infinité d’énergie, qu’elle n’est pas seulement le champ de bataille que la loi dispute à la nature, qu’elle peut trancher à chaque instant le différend par ses forces, ses tendances intérieures, et qu’enfin c’est elle, et elle seule, qui fait la loi puissante ou inefficace.

2242. (1890) La fin d’un art. Conclusions esthétiques sur le théâtre pp. 7-26

Cela suffira pour que, dans des reprises de Patrie ou de Durand et Durand, les vieillards puissent aimer le souvenir de leur jeunesse.

2243. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XX. La fin du théâtre » pp. 241-268

Cela suffira pour que, dans des reprises de Patrie ou de Monsieur chasse, les vieillards puissent aimer le souvenir de leur jeunesse.

2244. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Il viendra, ce me semble, un âge où les études philologiques se recueilleront de tous ces travaux épars et où, les résultats étant acquis, les monographies devenues inutiles ne seront conservées que comme souvenirs.

2245. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Littré avait pour moi une bonté dont je garde un profond souvenir ; je sentais cependant qu’il m’aurait aimé beaucoup plus si j’avais voulu être comtiste.

2246. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Leur autorité fut brisée et le souvenir de leur empire quasi tyrannique contribua puissamment à jeter les esprits dans l’extrême opposé.

2247. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

On ne peut donc bien connaître la littérature dans une époque donnée sans déterminer quelles sont les époques de son passé qui revivent alors d’une vie posthume, qui sont admirées ou détestées, en tout cas discutées et par cela même présentes aux souvenirs.

2248. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Thiers causer avec feu de cette affaire du général Dupont : qu’il me pardonne de me souvenir de sa conversation, mais ceux qui l’entendent ne l’oublient pas aisément, et, le dirai-je ?

2249. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Son amour était celui de l’idéale beauté, du fantôme auquel lui-même prêtait, vie et flamme : c’était ce fantôme seul, tiré de son sein, et formé d’un ardent nuage, qu’il aimait, qu’il embrassait sans cesse, à qui il donnait chaque matin ses baisers de feu, sur qui il plaçait, en les rassemblant, ses rares souvenirs de bonheur ; et quand il se présenta une femme réelle qui eut l’orgueil de lui montrer l’objet terrestre de son idéal et de lui dire : Je suis Julie, il ne daigna point la reconnaître ; il lui en voulut presque d’avoir espéré se substituer à l’objet du divin songe.

2250. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Chaque femme d’esprit et de sensibilité, à son exemple, tenait registre de ses impressions, de ses souvenirs, de ses rêves ; elle écrivait en petit ses Confessions, fussent-elles les plus innocentes du monde.

2251. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Et quand vous aurez trouvé la passion dominante d’un homme, souvenez-vous de ne jamais vous fier à lui là où cette passion est intéressée.

2252. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il m’eût été facile de donner de lui un portrait en apparence plus favorable de tout point, et aussi plus effacé ; mais je crois que la plus grande faveur qu’on puisse faire à un homme distingué et qui a de belles et hautes parties, le plus vrai service à rendre à sa mémoire d’homme de Lettres, c’est-à-dire d’homme qui veut, en définitive, qu’on se souvienne de lui, c’est de le montrer le plus au vif qu’on peut, et le plus saillant dans les lignes de la vérité.

2253. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

On ne saurait donc alléguer, pour infirmer son autorité de témoin, qu’il ne rédigea ses Mémoires que tard et d’après des souvenirs lointains et combinés.

2254. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

S’il y a dans un ouvrage, dans un caractère, dans un tableau, dans une statue, un bel endroit, c’est là que mes yeux s’arrêtent ; je ne vois que cela, je ne me souviens que de cela, le reste est presque oublié.

2255. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Théodore Leclercq est mort le 15 février dernier, et cette mort a aussitôt réveillé, chez ceux qui ne connaissaient ce spirituel auteur que par ses œuvres, le vif souvenir de tout un piquant chapitre littéraire, de tout un chapitre de mœurs sous la Restauration.

2256. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

« M. de Buffon fait plus de cas de Milton que de Newton, a dit Mme Necker ; Milton, selon lui, avait l’esprit beaucoup plus étendu, et il est plus difficile de réunir des idées qui intéressent tous les hommes que d’en trouver une qui explique les phénomènes de la nature. » En interprétant et en réduisant comme il convient ce souvenir noté de Mme Necker, et sans croire qu’il pût y avoir au monde un mortel que Buffon plaçât au-dessus de Newton, dont il avait le portrait gravé pour unique ornement de son cabinet d’étude, j’en conclurai seulement qu’il y avait dans le génie de Buffon des combinaisons et des tableaux du genre de ceux de Milton et qui demandaient à sortir.

2257. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

M. de Chateaubriand en jugeait ainsi à son retour d’Orient, en les relisant la mémoire encore pleine du souvenir des plages historiques qu’il avait visitées : « C’est, selon moi, disait-il, le plus beau morceau de Plutarque, et d’Amyot son traducteur. » Dans les traités moraux de Plutarque, que de charmantes pages aussi, riches de sens, pleines d’aisance et de naturel, et qui ont un air de Montaigne !

2258. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Il n’y a que ceux qui lisaient avant 1800, qui se souviennent de lui.

2259. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Bien des querelles, des perfidies, des avanies insultantes survenues depuis ont rabaissé la noblesse de cette première explication et en ont souillé le souvenir : pourtant on se plaît, en la relisant, à penser que ces grands esprits, ces cœurs impétueux et égarés, n’étaient point à l’origine aussi malintentionnés ni aussi livrés à leur sens tout personnel et pervers qu’ils le parurent depuis, quand les passions et les cupidités de chacun furent déchaînées.

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