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2569. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

pourquoi donc suis-je  ? […] Une seule voix sans parole, non pas sans harmonie, sans force, mais irrésistible, proclame un Dieu au fond de notre cœur : tout ce qui est vraiment beau dans l’homme naît de ce qu’il éprouve intérieurement et spontanément : toute action héroïque est inspirée par la liberté morale ; l’acte de se dévouer à la volonté divine, cet acte que toutes les sensations combattent et que l’enthousiasme seul inspire, est si noble et si pur, que les anges eux-mêmes, vertueux par nature et sans obstacle, pourraient l’envier à l’homme. […] Une secte qui naissait alors dans le salon de madame de Staël, et qui a possédé le pouvoir sous deux règnes depuis, la secte jeune, lettrée et publiciste des doctrinaires, ces habiles exploitateurs des demi-révolutions, fit de ce livre son évangile ; la France devint anglaise avec eux.

2570. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

C’est aux Pays-Bas qu’il naquit, dans l’esprit du pieux évêque Jansénius, au temps où les âmes inclinaient de toutes parts vers le stoïcisme philosophique ou chrétien, au temps où François de Sales, sous la douceur aimable de son langage, rétablissait l’impérieuse austérité de la morale évangélique. […] Mais il n’eut ni la volonté ni la puissance d’être un artiste : il fit œuvre de théologien, de philosophe, de logicien, jamais pour ainsi dire œuvre d’écrivain ; dans aucune de ses polémiques, il ne fit un de ces livres « absolus » qui dépassent l’occasion d’où ils naissent et lui survivent. […] Blaise Pascal339 est à Clermont, le 19 juin 1623, troisième enfant d’Étienne Pascal, président à la cour des aides de Clermont.

2571. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Nous avons admiré, dans le cours de cette histoire, avec quel merveilleux à-propos les hommes naissent comme tout exprès, dans notre pays, pour accomplir certains progrès pressentis par la partie saine du public. […] Il les appelle innées, parce que nous naissons avec la faculté de les concevoir. […] Nous naissons avec le devoir de le résoudre ; car que sommes-nous, sinon ce problème ?

2572. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Oui, j’ai reconnu que votre histoire était insuffisante, que votre critique n’était pas née, que votre philosophie naturelle était tout à fait au-dessous de celle qui nous fait accepter comme un dogme fondamental : « Il n’y a pas de surnaturel particulier » ; néanmoins, je suis toujours votre disciple. […] J’étais prêtre à priori, comme tant d’autres naissent militaires, magistrats.

2573. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — IV. La Poësie dramatique. » pp. 354-420

Le peu de comique qui s’y trouve est noble, & naît du fond du sujet : il n’y a de comique qu’entre les deux amans Darviane & Rosalie. […] Il traite ce genre d’espèce bâtarde, de monstre de l’impuissance de réussir dans le comique ainsi que dans le tragique, & propre à faire manquer l’objet de tous les deux. […] L’état honteux de ces esclaves inspiroit aux enfans la crainte ou la pitié, ou l’une & l’autre en même temps ; & ces passions étoient le préservatif du vice qui les avoit fait naître. » Les tragédies qui n’ont pas la ressource du dénoument, sont encore plus rejettées de M.

2574. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Trop souvent nous parlons de nos sentiments de plaisir et de peine comme s’ils naissaient vieux, comme si chacun d’eux n’avait pas son histoire. […] C’est pourquoi l’idée ne serait pas venue de l’exagérer, de l’ériger en système, de créer un art pour elle, si le rire n’était un plaisir et si l’humanité ne saisissait au vol la moindre occasion de le faire naître. […] Le risible naîtrait « quand on nous présente une chose, auparavant respectée, comme médiocre et vile ».

2575. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Pourquoi le ciel ne m’a-t-il pas fait naître seul et pauvre, mais libre au moins, comme le bohémien et comme le pâtre ? […] d’aimer la terre, sans idolâtrie systématique pour le coin de terre où le hasard vous a fait naître ? […] Mistral a beau dire : « Heureux donc qui peut vivre — au lieu où il est  ! » Il en parle à son aise parce qu’il est dans l’empire du soleil. […] Mais la brebis égarée, le pécheur, a fait naître dans le cœur de Dieu l’inquiétude, puis l’espérance.

2576. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Paul Fort, à Reims, a su tirer des paysages de l’Ile de France un doux enseignement. […] C’est tout ce qu’on en peut dire pour l’instant, si l’on ajoute que dans le corps de nos strophes analytiques se groupent une infinité de petites harmonies mystérieuses, impossibles à nombrer, d’où naît la joie suggestive du poème58. […] — n’as-tu pas vu, depuis le seuil des monts déserts, naître et renaître en moi, puissant comme l’amour, l’indomptable courant qui me porte à la mer ? […] Quelques personnes privilégiées, écrit Mockel, ont gardé dans l’âge mûr une âme candide et fraîche qui semble née d’hier. […] Mais l’objet même de cette vision, au lieu de naître peu à peu, comme de l’Âme rajeunie, avec des silences et de la musique épanouie, s’entasse par blocs d’ombres striés de térébrantes lumières.

2577. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

L’homme est moral et il est devenu corrompu. […] Elle est née de la terreur des dieux. […] La religion est née. Elle est née de la morale. Elle est née de la nécessité de l’ordre ici-bas.

2578. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il parvient à Tanagra où naquit la célèbre poétesse Corinne. […] Son fils y naquit peut-être. […] Et d’autre part, quand il regrette de ne pas être plus tard, espère-t-il donc en un avenir meilleur ? […] Miguel Asin Palacios est à Saragosse en 1871. […] C’est souvent dans le pays où l’on naquit qu’aux heures de lassitude on se sent renaître.

2579. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Il naquit en Bretagne — terre des rêves. […] Le marquis et la marquise, pleins de tendresse et d’illusions, jugèrent qu’un grand poète leur était . […] Il naquit de souche bourgeoise. […] Alors naît dans sa cervelle l’idée d’un hardi coup de main. […] Roi il est , roi il est demeuré toute sa vie.

2580. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Il est à Paris, en avril 1840, mais entre deux voyages de ses parents à Aix. […] Zola était pour la prose. […] Lequesnois, un grave président à la Cour de cassation, est dans le département du Nord. […] De cette répulsion, de ce malaise éprouvé en face de lui, naîtra la première défiance. […] Du mariage sont nés deux enfants.

2581. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Ce dernier considère le besoin et le désir qui en naît comme excluant toute émotion esthétique. […] Certaines phrases musicales qui sont une sorte de caresse amoureuse font pour ainsi dire naître le baiser sur notre bouche. […] Renan, au contraire, désespère de sa vitalité ; il s’appuie sur ce que la poésie grecque est morte, l’épopée morte, la tragédie morte : la science, en inventant la poudre, les canons et les fusils à aiguille, nous a enlevé les Homère et les Virgile de l’avenir. — Peut-être, mais d’autres génies sont nés et peuvent naître, qui n’ont guère de commune mesure avec ceux du passé. […] L’œuvre d’art a-t-elle besoin pour naître de certaines conditions civiles et politiques que la démocratie ne pourrait lui fournir ? […] La science, qui commence par l’étonnement, finit aussi par l’étonnement, dit Coleridge, et c’est de l’étonnement que naît la poésie comme la philosophie.

2582. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Ce même problème, nous le retrouverons, plus explicite, quand surgira une question que nous ne pourrons pas éviter : comment la religion a-t-elle survécu au danger qui la fit naître ? […] La crainte qui paralyse est celle qui naît de la pensée que des forces formidables et aveugles sont prêtes à nous broyer inconsciemment. […] Cela suffit à dissiper la frayeur, ou plutôt à l’empêcher de naître. […] Nous naîtrions donc tout différents de ce que furent nos ancêtres. […] Nous voulons que l’homme naisse supérieur à ce qu’il fut autrefois : comme si le vrai mérite ne résidait pas dans l’effort !

2583. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

40 Ce n’est pas tout : en affirmant que la parole intérieure est nécessaire pour penser, Bonald commet une nouvelle erreur d’observation ; comme il n’a pas vu que la parole intérieure est constante en fait, de même il ne voit pas qu’elle est toujours moins riche que la pensée ; en réalité, la pensée déborde toujours la parole, jamais elle ne peut s’exprimer tout entière ; pendant que nous nommons une de nos pensées, d’autres naissent à la conscience qui attendent leur tour de parole, et, le moment venu, toutes ne seront pas nommées. […] — Pourtant l’idée est antérieure au mot ; elle est même nécessairement antérieure, car « tout objet est nécessairement antérieur à son image »45 — mais c’est uniquement comme virtualité, comme puissance ; l’idée en acte est simultanée à son expression, elle naît et meurt à la conscience avec le mot ; avant l’apparition du mot, nous ne la connaissons pas, bien qu’elle soit en nous ; elle est inconsciente. L’idée précède le mot, comme la conception précède la naissance46, c’est-à-dire comme l’être vivant conçu et caché précède l’être vivant au jour et visible ; elle ne voit la lumière, elle ne paraît, qu’avec le mot et par lui. […] Timée, p. 37 B « La raison […] dans les mouvements auxquels elle se livre sans voix et sans écho, entre en rapport avec ce qui est sensible ; alors naissent des opinions et des croyances […] stables et vraies. » (Traduction Cousin.) […] Richard Simon (1638-1712), et mort à Dieppe, historien, un des fondateurs de la critique biblique, oratorien (ordonné prêtre en 1670 et rejeté de l’ordre en 1678).

2584. (1895) Hommes et livres

La silencieuse humilité du Père Mabillon n’était pas son fait : il était près de Toulouse, il était gentilhomme, et il avait fait la guerre sous M. de Turenne. […] Les contes aussi naissent naturellement, à la place des raisonnements abstraits. […] Alberoni n’est pas «  » : donc, n’étant pas resté à sa place de rustre et de vilain, il ne peut être qu’un « bas coquin ». […] Il n’était pas pourtant pour ce métier. […] La sensibilité qui a aidé le drame bourgeois à naître, le fait doucement mourir.

2585. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Ils sont nés avec « plus d’esprit que les autres. […] Parfois alors, au bas d’un journal, on tombe sur une page qui fait disparate ; au bout de trois phrases, on est surpris et saisi ; c’est l’œuvre d’un de ces écrivains qui, nés pour faire des livres, font des articles ; il y en a trois ou quatre à Paris. […] Le nôtre n’est pas comme eux un électeur , un mandataire par droit de fortune, irresponsable ; autour de lui se trouvent ceux qui l’ont choisi. […] De cette branche naquirent le cardinal de Loménie, premier ministre sous Louis XVI, et son frère, le comte de Brienne, ministre de la guerre, bienfaiteur de sa province, dont trente villages vinrent demander la grâce à la Convention. […] A Saint-Yrieix, où naquit M. de Loménie, au bout de la longue rue presque unique, les vieilles familles s’étaient groupées sur une éminence, autour d’un quinconce d’arbres : selon un mot significatif, ils étaient les gens du haut.

2586. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Il naquit à Salamine, le jour même de l’immortelle bataille. […] Elle refuse : la fille est honnête, et née d’honnêtes gens : s’il veut l’épouser, c’est bon ; sinon, rien. […] L’idée naît. […] L’idée d’un crime, comment naît-elle ? […] Et nous allons voir comment se venge une dévote, quand cette dévote est une femme passionnée et ardente et née pour l’amour humain.

2587. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il était le 25 juillet 1802. […] Alors, à l’aide d’un bout de bois, d’un calame, du premier instrument venu, il améliorait, retouchait, pignochait, et, en quelques minutes, on voyait naître positivement un paysage. […] Une légende prétend même que le cardinal serait là. […] pour les fonctions publiques, mais n’ayant pu dépasser, sous notre régime, le grade d’auditeur au Conseil d’État, M.  […] Pourtant, il a bien senti le sortilège du maître charmant, de l’Athénien qui naquit pour perpétuer la grâce adolescente d’Éros, d’Aphrodite, d’Hermès, d’Apollon et des Muses.

2588. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Son style. —  Ses maîtres, Pétrarque et Virgile. —  Ses procédés, son habileté, sa perfection précoce. —  L’art est . —  Défaillances, imitation, recherche. —  L’art n’est pas complet. […] Avant tout, c’est une âme éprise de la beauté sublime et pure, platonicienne par excellence, une de ces âmes exaltées et délicates, les plus charmantes de toutes, qui, nées au sein du naturalisme, y puisent leur séve, mais le dépassent, approchent du mysticisme, et par un effort involontaire montent pour s’épanouir jusqu’aux confins d’un monde plus haut. […] Toujours un jargon naît d’un style. […] Mais la cuve est pleine, et de ce mélange naissent des composés puissants que nul âge n’avait encore connus. […] Car les idées, j’entends les grandes et les efficaces, ne naissent point à volonté et au hasard, par l’effort d’un individu ou par l’accident d’une rencontre.

2589. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Les pensées qui sont nées et qui ont bourgeonné dans un pays ne manquent pas de se propager dans les pays voisins et de s’y greffer pour une saison ; ce qui nous arrive est déjà arrivé vingt fois dans le monde ; la végétation de l’esprit a toujours été la même, et nous pouvons, avec quelque assurance, prévoir pour l’avenir ce que nous observons pour le passé. […] Ainsi parut à la Renaissance le génie artistique et poétique qui, en Italie et porté en Espagne, s’y éteignit au bout d’un siècle et demi dans l’extinction universelle, et qui, avec d’autres caractères, transplanté en France et en Angleterre, y finit au bout de cent ans parmi les raffinements des maniéristes et les folies des sectaires, après avoir fait la Réforme, assuré la libre pensée et fondé la science. Ainsi naquit avec Dryden et Malherbe l’esprit oratoire et classique, qui, ayant produit la littérature du dix-septième siècle et la philosophie du dix-huitième, se dessécha sous les successeurs de Voltaire et de Pope, et mourut au bout de deux cents ans, après avoir poli l’Europe et soulevé la révolution française. […] III De cette aptitude à concevoir les ensembles une seule idée pouvait naître, celle des ensembles. […] Nous avons ses paroles, nous pouvons entendre son accent ; nous saisissons autour de chaque action les circonstances qui l’ont fait naître ; nous le voyons sous sa tente, au conseil, avec le paysage, avec sa physionomie, avec son costume ; tout le détail y est, jusqu’aux minuties.

2590. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

M. de Meilhan excelle à décomposer un sentiment, à le montrer dans sa nudité, dans sa simplicité primitive, avant que le loisir, la curiosité, l’amour-propre, toutes les passions nées d’une société avancée y aient ajouté leur charme ou leur artifice. […] L’affection part du cœur, et la haine, de l’amour-propre irrité ou de l’intérêt blessé. » Cette haine née d’un amour-propre raffiné et d’une ambition déçue s’est encore produite depuis dans un petit écrit, d’ailleurs spirituel, et qui a pour titre : Supplice de Necker.

2591. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Saint-Simon, présent à de telles paroles, et qui avec son œil de lynx lisait dans tous les plis de cet amour-propre avantageux et content de soi, content de se déployer au soleil, ne se sentait pas de colère : « Je laisse à penser, écrit-il, en une circonstance pareille, comment ce mot fut reçu venant d’un compagnon de sa sorte, élevé et comblé au point où il se trouvait. » Je doute cependant que l’éloquent duc et pair ait éclaté devant Villars, mais il rentrait chez lui outré, grinçant des dents, la tête fumante, et il couchait sur le papier toutes ses indignations contre cet homme « le plus complètement et le plus constamment heureux de tous les millions d’hommes nés sous le long règne de Louis XIV », et qui prétendait se donner comme heureux en effet sans doute, mais comme n’ayant pas atteint à toute sa fortune. […] Qu’elle ne craigne jamais que mon intérêt particulier ait la moindre part à mes actions : j’ose dire que je suis véritable et vertueux. » Villars ici se pavoise trop ; il donne évidemment à ce mot de vertu l’acception toute personnelle qui sied à Villars : mais il n’est que dans le vrai lorsqu’après la victoire d’Hochstett, réclamant son congé du roi et se plaignant de n’être plus écouté, souffrant de tant de fautes, et de celles qu’on fait sous ses yeux et de celles qu’on va faire, il lui échappe ce mot qui trouverait si souvent son emploi : « Heureux, Sire, heureux les indolents ! 

2592. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Mme de Tracy, il faut l’expliquer pour tous en peu de mots, était Anglaise de naissance, née à Stockport en 1789 ; elle s’appelait Sarah Newton, et appartenait à la famille de cet homme de génie, le plus grand qu’ait produit la science. […] La Jeune Captive célébrée par André Chénier n’était ni la marquise de Coigny, née de Conflans, ni sa fille la comtesse Sébastiani, mais, bien Mlle Aimée de Coigny, qui fut duchesse de Fleury et qui épousa depuis M. de Montrond ; elle avait repris son nom de famille, et elle n’en portait pas d’autre quand elle mourut le 17 janvier 1820.

2593. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

S’il faut, outre cela, dire quelque chose de ses mœurs, le lieu d’où il est , sa physionomie, ses paroles, ses gestes plus militaires qu’autrement, le font soupçonner d’être léger ; et néanmoins, soit par artifice qui a corrigé la nature, soit par vraie et naturelle inclination, il n’y a rien au monde si constant que lui, si attaché à une chose de laquelle il ne déprend jamais, quand il s’y est mis, qu’elle ne soit achevée, voire jusques au blâme véritable d’opiniâtreté. […] Je veux ici (et quoique ce ne soit plus de l’histoire) introduire un témoignage assez inattendu, celui d’un traducteur dès longtemps décrié, mais homme instruit, curieux, et galant homme de son vivant, le bon abbé de Marolles, qui, en 1600, était âgé de dix ans à l’époque de la mort de Henri IV, et qui conserva toujours un très vif souvenir de ses années d’enfance passées en Touraine.

2594. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Tout bien considéré, et jusque dans cette petite Cour de Brunswick, où il servit en qualité de gentilhomme attaché à monseigneur le duc régnant, il était pour la Révolution française : « Le genre humain, écrivait-il en 1790, est sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… » Voilà le point de départ du futur tribun, ne l’oublions jamais. […] Il est besoin de le rapprendre à ceux qui aujourd’hui croient possible de les ressusciter, tous ses écrits sont nés fanés et sans flamme.

2595. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

comme ils ne sont pas nés dans les hauteurs métaphysiques de l’âme et descendus par degrés des nuages de la pensée ! […] Don Carlos, mort à vingt-trois ans, naquit le 8 juillet 1545, de Philippe, prince d’Espagne, alors âgé de dix-huit ans, et de la princesse doña Maria de Portugal ; sa mère mourut quatre jours après l’avoir mis au ; monde.

2596. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

« Lorsque périt le dernier des Gracques de la main des patriciens, atteint du coup mortel, il lança de la poussière vers le ciel en attestant les dieux vengeurs, et de cette poussière naquit Marius. » Mais cette admirable et menaçante parole, digne du serment du Jeu de Paume, n’est qu’un éclair, et je dirai qu’elle est plus voisine de Shakespeare que des Romains de David. […] Associée à un homme que le même sort attendait, mais dont le courage n’égalait pas le sien, elle parvint à lui en donner avec une gaieté si douce et si vraie, qu’elle fit naître le rire sur ses lèvres à plusieurs reprises. » Je ne cherche dans ces extraits que la vérité, et je dirai jusqu’au bout ce que je pense.

2597. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

En en lisant le narré exact, on se demande où et comment était née cette longue et assommante torture morale et physique, à quelle époque elle s’était ainsi régularisée, réglementée avec un faste pédantesque, composée qu’elle était en partie d’anciens us et coutumes féodales et, en dernier lieu, d’idolâtrie asiatique, singulier mélange de magnificence, de luxe, de grossièreté et, pour tout dire, de barbarie. […] Une fable naquit.

2598. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

. — Nous sommes nées peupliers… » « (Mercredi 27 novembre 1850)… Je reste à coudre près de lui (mon mari), car je maintiens tout ce que je peux d’un sort si délabré qui ne touche personne… Dieu et toi exceptés, je le sais bien, va ! […] Ondine était née le jour des Morts.

2599. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

à Paris d’un père franc-comtois, et qui fut d’abord attaché comme secrétaire et bibliothécaire à M. de Paulmy d’Argenson, M. […] Je l’ai toujours pensé, pour être un grand critique ou historien littéraire complet, le plus sûr serait de n’avoir concouru en aucune branche, sur aucune partie de l’art (à moins d’avoir excellé dans toutes) ; car autrement on porte dans l’examen du passé ou, à plus forte raison, du présent, une prédilection, une exclusion, nées de cette concurrence179, une susceptibilité d’impatience et d’ennui, qui est le contraire de l’esprit d’eclectisme et d’impartialité exigé dans une telle œuvre.

2600. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le Clerc, au sein de l’Académie des Inscriptions, en est presque aussitôt sorti, et a fait beaucoup d’honneur à l’érudition dans le public. […] On a cru volontiers jusqu’ici que les gazettes étaient nées au xvie  siècle seulement, et les journaux littéraires au xviie . « C’est une des plus heureuses inventions du règne de Louis le Grand, » dit solennellement Camusat en tête de son ébauche d’histoire.

2601. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Pierre Corneille, le 6 juin 1606, à Rouen, était d’une famille de robe ; il étudia le droit, fut reçu avocat, et acquit une charge d’avocat général à la table de marbre du Palais (eaux et forêts, et navigation). […] Jean Rotrou, à Dreux en 1609, n’avait pas vingt ans quand il composa sa première œuvre, l’Hypocondriaque, il dit en 1634 avoir fait déjà trente pièces.

2602. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

L’étalage continuel de ce monde inaccessible a quelque chose d’impertinent et de désobligeant : vous nous faites bien durement sentir que nous ne sommes pas « nés ». […] La malfaisance ne semble un droit qu’aux âmes nées méchantes et perverses.

2603. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

en 1645101, il avait plus de quarante ans quand il fit paraître ses Caractères ; il en avait quinze lorsque Louis XIV commença de régner personnellement. […] Il naquit dans la Cité, et fut baptisé, le jeudi 17 août 1645, à la paroisse de Saint- Christophe, près de Notre-Dame.

2604. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

La grâce, ce fut pour André Chénier d’être d’une mère grecque, belle et spirituelle, sur les rives de Bosphore, en face du beau pays où la tradition fait naître Homère.

2605. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Et cela ne veut nullement dire qu’il n’ait été très loin du premier coup, puisque c’est à l’ampleur du saut qu’il doit d’avoir été remarqué, ni qu’observateur , s’il en fut, et sachant tirer des choses tout ce qu’elles peuvent en apprendre à qui est spécialement conformé pour en condenser le sens, dans son esprit, en formules d’une généralisation savante, il n’ait révélé une intelligence extraordinairement précoce, et ouverte à un degré d’universalité, si tant est que, comme il arrive fatalement aux natures compliquées, cette intelligence est restée passive, en ce qu’elle a reçu et démêlé, sans que, par spécialisation de génie, elle ait réussi à créer par là-dessus. […] France est pédagogue, ou du moins avec le goût de la profession, et dès lors aussi avec son intelligence.

2606. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

L’église catholique, bien qu’elle soit universelle par définition et tienne par conséquent à honneur de s’élever au-dessus des différences de race et de climat, est en France, avec Bossuet, gallicane ; l’histoire l’est aussi, si je puis parler ainsi ; car, en dépit de toute vraisemblance, elle affirme que les Francs n’étaient pas des envahisseurs germains, mais qu’ils étaient nés sur le sol de la Gaule184. […] Notre siècle a mêlé le tragique et le comique ; il en est arrivé à des œuvres théâtrales qui, sachant, comment se définir, se sont vaguement intitulées pièces.

2607. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Lesage est , s’est formé et a commencé à se produire sous Louis XIV. […] Ses plus exacts biographes le font naître en 1668, dans la presqu’île de Rhuys, en Basse-Bretagne, non loin de Saint-Gildas, où Abélard fut abbé.

2608. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Née en 1673, dans le Poitou, Mlle Marguerite de Villette-Murçay fut enlevée à l’âge de sept ans par Mme de Maintenon. […] On comprend déjà ce que j’ai voulu dire quand j’ai parlé de cette perfection de culture et de goût chez une personne qui, à l’âge de quinze ans, vit naître Esther, qui en respira le premier parfum et en pénétra si bien l’esprit, qu’elle semblait, par l’émotion de sa voix, y ajouter quelque chose.

2609. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Née en 1676, la duchesse du Maine est morte en 1753, il n’y a pas tout à fait cent ans. […] En regard de ces gens nés demi-dieux et qui étaient le produit monstrueux de l’Ancien Régime, plaçons en idée les parvenus, qui sont le produit si habituel du régime nouveau.

2610. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

., naquit à Paris, en 1644, d’une de ces hautes familles bourgeoises qui avaient le privilège de fournir à l’ancienne monarchie ses meilleurs secrétaires d’État, ses conseillers et ministres les plus laborieux et les plus fidèles. […] Nulle passion depuis qu’il avait quitté le vin ; fidèle dans la surintendance, où avant lui on prenait sans compter et sans rendre compte ; riche par les seuls bienfaits du roi, qu’il ne dissipait pas, prévoyant assez, et le disant à ses amis particuliers, la prodigalité de son fils aîné… Esprit solide, mais pesant, principalement pour les calculs, il débrouilla tous les embarras que les surintendants et les trésoriers de l’épargne avaient mis exprès dans les affaires pour y pêcher en eau trouble… Il faut lire le reste dans l’original.

2611. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

J’ose dire : Je suis libre, dans des lieux où tout me crie : Non, tu ne l’es pas ! […] L’amant était encore tout vivant et tout délirant en lui ; le père était tout occupé de l’enfant qui venait de naître et qui vécut peu ; le prisonnier multipliait ses réclamations, ses apologies, ses mémoires, dans la vue de ressaisir sa liberté, et, en attendant, l’homme d’étude se livrait à toutes les lectures qui lui étaient possibles, à la traduction et à la composition de divers ouvrages, dont on voudrait à jamais anéantir deux ou trois, pour l’honneur de l’amour, pour la dignité du malheur et celle du génie.

2612. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Cette fille, d’un mérite extraordinaire comme on l’appelait, était née au Havre en 1607, sous Henri IV ; elle ne mourut qu’en 1701, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans, vers la fin du règne de Louis quatorzième, comme elle disait volontiers. […] Si elle rencontre un personnage historique, elle le met à l’unisson des gens de sa connaissance ; elle nous dira de Brutus, de celui qui condamna ses fils et qui chassa les Tarquins, qu’il était « avec le plus galant, le plus doux et le plus agréable esprit du monde » ; et du poète Alcée, elle dira que c’était « un garçon adroit, plein d’esprit et grand intrigueur ».

2613. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

en 1746 à Valréas dans le Comtat venaissin, en terre papale, il sortait d’une famille autrefois protestante, qui avait quitté le Dauphiné lors de la révocation de l’édit de Nantes. […] Mais son organisation, même dans sa fougue, ne se laissa jamais détourner du travail opiniâtre qui devait le conduire au but : Cet auteur est une preuve, a dit La Harpe (son rival), de ce que peut le travail obstiné et la force des organes… Il était avec de l’esprit, et, se levant tous les jours à cinq heures du matin, étudiant jusqu’au soir, il avait acquis des connaissances littéraires.

2614. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Les rapprochements ou les contrastes naîtront d’eux-mêmes, et c’est ainsi qu’en maintenant à chaque objet son caractère, il y a moyen à la littérature de tout fertiliser. Constantin-François Chassebœuf, qui ne prit que plus tard le nom de Volney, naquit le 3 février 1757 à Craon, dans la Mayenne, « sur la limite extrême où la mollesse angevine s’efface, dit-on, devant l’âpreté bretonne » : pour lui, ce n’est point du côté de la mollesse qu’il penchera.

2615. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Ne sauras-tu donc pas te mettre à la raison, Servius, et te souvenir que tu es homme ! […] Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran.

2616. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

De même, en face de certains paysages que l’œil contemple avec un sentiment banal d’aise et de facilité, il faut un réveil de la conscience et de la volonté pour faire naître le véritable sentiment L’admiration esthétique est, dans une certaine mesure, une œuvre de volonté. […] Le sentiment poétique n’est pas de la nature, c’est la nature même qui en sort transformée en une certaine mesure.

2617. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Et peu à peu dans ce commerce avec toutes les terreurs imaginaires de l’homme, il pénètre de l’antique croyance aux dieux de ténèbres, à ce vol de spectres et de larves qu’a fait naître dans les âmes septentrionales et médiévales, la dureté des temps, la tristesse menaçante du sol et du, ciel, le désastreux empire des forces élémentaires. […] On sait que Henri Heine est dans une riche famille juive, et qu’il se convertit au christianisme à l’âge de vingt-quatre ans, échangeant son nom de Harry contre celui plus orthodoxe de Henri.

2618. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Voyez ce Clément qui s’était surnommé lui-même l’hypercritique, et qui eut pour profession de mordre et de dénoncer Diderot, il disparaît et s’efface, quoique à Genève, dans le Clément de Dijon, confesseur de Mesdames, dans le David Clément, auteur de la Bibliothèque curieuse, dans le Clément de Baize, bénédictin de Saint-Maur, et dans le Clément d’Ascain, capucin, définiteur et provincial du Béarn. […] Jonas, Holopherne, Dracon, Solon, Thespis, Nabuchodonosor, Anaximène qui inventera les signes du zodiaque, Gyrus, Zorobabel, Tarquin, Pythagore, Eschyle, sont à naître ; Coriolan, Xerxès, Cincinnatus, Périclès, Socrate, Brennus, Aristote, Timoléon, Démosthène, Alexandre, Épicure, Annibal, sont des larves qui attendent leur heure d’entrer parmi les hommes ; Judas Macchabée, Viriate, Popilius, Jugurtha, Mithridate, Marius et Sylla, César et Pompée, Cléopâtre et Antoine, sont le lointain avenir, et au moment où Lear est roi de Bretagne et d’Islande, il s’écoulera huit cent quatre-vingt-quinze ans avant que Virgile dise : Penitus toto divisos orbe Britannos, et neuf cent cinquante ans avant que Sénèque dise : Ultima Thule.

2619. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Est-ce volontairement que les enfants nés dans les États-Unis du Sud apprenaient dès le plus bas âge que l’esclavage était une institution divine, nécessaire à l’ordre de la société et au bonheur des esclaves eux-mêmes ? […] Comment se fait-il donc que ce même examen, s’il tourne contre vous, devienne tout à coup une méthode criminelle et folle, née de l’orgueil, ennemie de la société et de la morale ?

2620. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Est-ce une société qui meurt, est-ce une société qui va naître ? […] En fait de classiques, les plus imprévus sont encore les meilleurs et les plus grands : demandez-le plutôt à ces mâles génies vraiment nés immortels et perpétuellement florissants.

2621. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

« Je ne suis point du tout de l’avis de Sanderson, qui nie un Dieu, parce qu’il est aveugle. […] On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ?

2622. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

La révolution de Juillet, née de toutes les idées que la Restauration tint pour vraies, n’a pas tué, à elle seule, la Restauration. […] Si c’était un livre grand d’aperçu on de déduction, un livre rude et fort qui serait allé au fond des hommes et des choses littéraires que le gouvernement de juillet a vus naître et a vus mourir ; si c’était enfin, en quelque degré que ce fût, de la critique impartiale… ou passionnée, peu importe !

2623. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Nous ne contemplons pas seulement ses changements du dehors, nous les ressentons en nous-mêmes, puisque nous sommes nous-mêmes éléments constituants de l’ensemble, à la fois acteurs et spectateurs, Quoi d’étonnant dès lors à ce que ce milieu social dans lequel nous naissons, vivons et nous mouvons, mette son empreinte sur notre état mental ? […] Un pas plus grand encore est franchi le jour où l’on n’exige plus, pour reconnaître à un individu l’existence juridique, qu’il soit dans les limites d’un territoire déterminé.

2624. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

De la différente destination des terminaisons d’une même racine, naissent les différentes dénominations des mots qu’elles constituent : de-là les diminutifs, les augmentatifs, les inceptifs, les inchoatifs, les fréquentatifs, les desidératifs, &c. […] Celui de génitif a été le plus unanimement adopté, apparement parce qu’il exprime l’un des usages les plus fréquens de ce cas ; il naît du nominatif, & il est le générateur de tous les cas obliques & de plusieurs especes de mots : c’est la remarque de Priscien même, lib. […] C’est la comparaison secrete des institutions usuelles avec les principes naturels, qui fait naître ces plaintes ; on voit, quoi qu’on en puisse dire, que l’usage autorise de véritables fautes contre les principes immuables dictés par la nature. […] Les différentes manieres dont les parties grammaticales constituent les parties logiques, font naître les différentes especes de propositions ; les simples & les composées, les incomplexes & les complexes, les principales & les incidentes, &c. […] Ainsi le superstitieux euphémisme, qui dans la langue latine a donné le sens de sacrifier au verbe mactare, quoique ce mot signifie dans son étymologie augmenter davantage (magis auctare) ; cet euphémisme, dis-je, est tellement propre au génie de cette langue, que la traduction littérale que l’on en feroit dans une autre, ne pourroit jamais y faire naître l’idée de sacrifice.

2625. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Cet homme était pour conter par alphabet tout ce qui lui passerait par la tête ; — et voilà pourquoi son chef-d’œuvre est un Dictionnaire. […] Avant même que Voltaire soit , Bayle va plus loin que Voltaire. […] D’être en son temps, comme Pascal, il se pourrait que ce fut une part du génie même ! […] Ses autres propriétés, reconnues ou soupçonnées, ont fait naître enfin la vraie philosophie. » La « vraie philosophie » ! […] Le plaisir ou la joie de vivre en leur temps y circule, pour ainsi dire, et l’on sent qu’ils se savent gré à eux-mêmes d’être si heureusement nés.

2626. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

20° Les hommes naissent naturellement bons. […] Les grands esprits naissent encore, mais leurs travaux ne prennent point leur rang et leurs efforts ne portent plus. […] Deux noms de critiques nés et de grands lettrés se présentent à l’esprit : Lemaître et France. […] Ses flèches peuvent écarter de grand maux, nés souvent de l’incompréhension et de la laideur, plus souvent encore de l’excessif. […] De là naquit la doctrine des anticorps.

2627. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

 » Le goût du système est déjà dans cet écolier, et aussi celui de l’observation. […] Sa philosophie, — car il en a une, — profonde dans sa simplicité, est née de sa vie, et aussi son esthétique, dont l’expression la plus complète est dans ses vers. […] Il était conducteur d’hommes. […] Elle n’était autre que la comtesse Hanska, née Eveline Rzewuska. […] Il était à Düsseldorf et les années de son enfance coïncidèrent avec les années de triomphe de Napoléon.

2628. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « TABLE » pp. 340-348

. — Un auteur comique à naître. — Un déjeuner de garçons perpétuel. — Abus de grands hommes de bien      87 XXII. — La princesse de Joinville. — Les Lettres parisiennes de madame de Girardin. — Jésuitisme et gallicanisme. — Conversion de M.

2629. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

-B. m’aime et m’estime, mais me connaît à peine et s’est trompé en voulant entrer dans les secrets de ma manière de produire… Il ne faut disséquer que les morts… Dieu seul et le poète savent comment naît et se forme la pensée.

2630. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

C’est l’Italie tout entière, sa tristesse de servitude et de tombeau, l’imagnificence de ses peintures aux murailles des palais et des temples que rien autre de grand ne remplit, sa foi en ruine, ses mains aux fers, sa noble mamelle que l’oisiveté flétrit ou que souille l’étranger, — c’est tout ce spectacle, amèrement beau, qui a inspiré le poëte ; de la blessure qu’une telle vue lui a causée sont nés à l’instant et, pour ainsi dire, ont ruisselé ses vers.

2631. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

en 1785 dans l’Ardèche, il vint à Paris à l’âge de dix-neuf ans, c’est-à-dire tout au début de l’Empire ; et par ses goûts déclarés, par ses essais sérieux et variés en vers et en prose, par le caractère des doctrines, il mérita bientôt de se voir l’enfant chéri, le fils adoptif de la littérature alors régnante, de celle qui se rattachait plus étroitement aux traditions du xviiie  siècle.

2632. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

de ces deux solutions si conformes mais si diversement exposées du même problème historique, l’une figure à mon esprit le spectacle de ces constructions géométriques, à la fois élégantes et hardies, qui sont nées comme de toutes pièces dans la tête de l’inventeur ; l’autre plutôt me rappelle ces mouvements gradués d’une analyse moins ambitieuse, ces transformations qu’on quitte et reprend à son gré, et auxquelles, chemin faisant, l’esprit se complaît si fort, qu’il ne se souvient du but qu’à l’instant où il l’atteint.

2633. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

La gaieté piquante, plus encore même que la grâce polie, effaçait toutes les distances sans en détruire aucune ; elle faisait rêver l’égalité aux grands avec les rois, aux poètes avec les nobles, et donnait même à l’homme d’un rang supérieur un sentiment plus raffiné de ses avantages ; un instant d’oubli les lui faisait retrouver ensuite avec un nouveau plaisir ; et la plus grande perfection du goût et de la gaieté devait naître de ce désir de plaire universel.

2634. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Antoine Houdar de la Motte, à Paris en 1672, composa des opéras, des tragédies et des comédies ; Inès de Castro eut un grand succès en 1723.

2635. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Certainement, ce solide esprit eut été un de nos plus grands chantres français s’il fût , par un long soir d’été, sur une des rives de cette Loire qu’il chérit et où il fait son plus habituel séjour.

2636. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Fulvio, intrigué en reconnaissant sur le dos du courrier une défroque qui lui appartient, fait naître les soupçons de Mezzetin et empêche de nouveau le succès de la ruse.

2637. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Dans toute littérature dramatique, il y a une part caduque, tout actuelle, ne pouvant guère survivre au jour qui l’a vue naître ; et il y a une part immortelle que nous n’entrevoyons que vaguement, tant l’intérêt présent nous occupe.

2638. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Il faut bien le dire ce n’est pas seulement la physique expérimentale qui les a fait naître, la physique mathématique y a bien contribué pour sa part.

2639. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Si belle que soit par ses proportions la colonnade du Louvre, il est impossible de ne pas sentir qu’elle répond pourtant à des besoins nés sous un autre ciel et qu’elle n’aura pas ici mission de satisfaire.

2640. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

À ce terrible avis, le pauvre auteur Obstupuit ; steteruntque comæ ; et vox faucibus hæsit ; c’est-à-dire qu’il n’a trouvé d’autre expédient que de laisser dans les limbes, d’où il se préparait à la tirer, cette dissertation, vierge non encor née 2, comme parle Jean-Baptiste Rousseau, sur laquelle grondait une si juste et si rude critique.

2641. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Il étoit au Carlas, dans le comté de Foix, en 1647.

2642. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Va-t-on se faire tuer à la guerre dès qu’on a du courage, comme on fait des vers dès qu’on est poëte ?

2643. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Les progrez que l’art des pantomimes sous le regne d’Auguste, aura fait durant les deux siecles écoulez depuis le temps d’Aristides jusques au temps de Porphyre, avoient engagé les gens de théatre à subdiviser l’art rithmique, et par consequent à en faire deux arts differens.

2644. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

ces réfractaires de Paris et de Vallès ont le rêve et la prétention littéraires… Ils sont nés de cette démangeaison.

2645. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Venu après Alfieri, l’autre païen, le stoïque de la pensée en fer creux, et après Ugo Foscolo, ce faux Goethe, qui refit Werther en italien, il fut un triste comme eux, et même la tristesse de ses poésies ne lui appartient pas… Il était triste, cependant.

2646. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Et il en rapporte des histoires comme celle qu’il a intitulée Clorinde : C’était une petite blonde, Née à seize ans et morte à vingt ; et qui s’en est allée de la vie : L’estomac ruiné de Champagne Et le cœur abîmé d’amour.

2647. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

D’abord, un des principaux mérites d’Isocrate, était l’harmonie ; on sait combien les Grecs y étaient sensibles ; nés avec une prodigieuse délicatesse d’organes, leur âme s’ouvrait par tous les sens à des impressions vives et rapides ; la mélodie des sons excitait chez eux le même enthousiasme que la vue de la beauté ; la musique faisait partie de leurs institutions politiques et morales ; le courage même et la vertu s’inspiraient par les sons.

2648. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Quant à l’autre partie de l’homme, qui est l’âme, les poètes théologiens la placèrent dans l’air, chez les Latins anima ; l’air fut pour eux le véhicule de la vie, d’où les Latins conservèrent la phrase animâ vivimus, et en poésie, ferri ad vitales auras, pour naître ; ducere vitales auras, pour vivre ; vitam referre in auras, pour mourir ; et en prose animam ducere, vivre ; animam trahere, être à l’agonie ; animam efflare, emittere, expirer ; ensuite les physiciens placèrent aussi dans l’air l’âme du monde.

2649. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Simonide, 458 ans avant notre ère, et mort, diton, après une vie de cent dix années, aurait été postérieur à Solon et en partie contemporain de Pindare.

2650. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Ainsi naît la seconde des deux illusions que nous signalions, celle que nous allons approfondir d’abord. […] La conception d’un vide naît ici quand la conscience, retardant sur elle-même, reste attachée au souvenir d’un état ancien alors qu’un autre état est déjà présent. […] Elle naît lorsque le phénomène de la substitution est coupé en deux par un esprit qui n’en considère que la première moitié, parce qu’il ne s’intéresse qu’à elle. […] Les plus grosses difficultés philosophiques naissent, disions-nous, de ce que les formes de l’action humaine s’aventurent hors de leur domaine propre. […] L’espace et le temps qui naissent ainsi n’ont pas plus de « positivité » que le mouvement lui-même.

2651. (1922) Gustave Flaubert

en 1816, Alfred nous paraît le véritable frère aîné de Gustave. […] La sœur de Le Poittevin, Laure, qui sera la mère de Guy de Maupassant, est née la même année que Gustave. […] C’est d’elle qu’est née l’Hérodiade de Mallarmé. […] J’ai vu naître la vie, j’ai vu le mouvement commencer. […] J’étais avec toutes les tendresses pourtant !

2652. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

C’est qu’il n’était pas épicurien. […] Ainsi naît une littérature nouvelle, œuvre et portrait du monde qu’elle a pour public et pour modèle, qui en sort et y aboutit. […] Nulle part nous ne pensons mieux qu’en société : le jeu des physionomies nous excite ; nos idées si promptes naissent en éclairs au choc des idées d’autrui. […] Les idées n’y naissent point dans l’élan de la causerie improvisée, mais dans la concentration des méditations solitaires ; c’est pourquoi alors les idées manquaient. […] Les autres naissent avec des âmes de courtisanes et de procureuses

2653. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Quand un homme de talent est malheureux, ruiné ou exilé par l’infortune, loin des montagnes ou des ravins qui l’ont vu naître ; quand les lieux, le temps, les personnes se représentent à lui comme des angoisses ou des remords, et qu’il ne les apaise qu’en les exprimant, sa douleur devient du génie, et il sort alors de son âme des cris qui sont l’apogée des tristesses humaines. […] Je suis sur les bords de la mer, dans la principauté d’Oneille, et je n’habite ici que depuis quinze ans. […] Ainsi que l’avenir, l’éloignement fait naître en moi le sentiment de l’espérance, mon cœur opprimé croit qu’il existe peut-être une terre bien éloignée, où, à une époque de l’avenir, je pourrai goûter enfin ce bonheur pour lequel je soupire, et qu’un instinct secret me présente sans cesse comme possible.

2654. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

C’est dans la petite chambre de Malherbe que naquit le véritable esprit académique, cet esprit de discipline et de choix qu’Henri IV appliquait au gouvernement et à la société civile. […] L’esprit académique était avant l’Académie. […] « Pour exactitude, dit-il naïvement dans ses Remarques, c’est un mot que j’ai vu naître comme un monstre, contre qui tout le monde s’écriait ; mais enfin on s’y est apprivoisé, et dès lors je fis ce jugement, qui se peut faire de même de beaucoup de mots, qu’à cause qu’on en avait besoin et qu’il était commode, il ne manquerait pas de s’établir. » Il regrettait les mots perdus, mais sans les vouloir restaurer.

2655. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Rien de plus proche et de plus semblable que la parole et la musique, cette dernière étant née de l’une, et formée, selon l’essai de Spencer, de tous les éléments de timbre, de rhythme, d’accent et d’intonation qui différencient la parole émue de la parole calme. […] Les poètes allemands de la période classique, avec leurs efforts pour idéaliser le théâtre, ont exercé une heureuse influence sur l’esprit de leur époque ; mais la confusion d’idées née du mélange de rêves antiques et d’études Shakespeariennes, a été nuisible au théâtre. […] Anton Seidl (1850-1898) est un chef d’orchestre hongrois à Budapest.

2656. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

« La science étudie d’abord, disait Léonard de Vinci, puis vient l’art, de celle science54. » Pour rendre compte du déterminisme réciproque qui lie les sentiments intérieurs aux mouvements extérieurs, on peut employer trois procédés principaux d’explication : par la biologie, par la physiologie, par la psychologie individuelle et sociale. […] Réciproquement, l’expression volontaire d’un sentiment qu’on n’éprouve pas encore le fait naître, en faisant naître les sensations qui lui sont liées et qui, de leur côté, s’associent aux sentiments analogues : l’acteur qui exprime et simule la colère finit par ressentir, en une certaine mesure, de la colère.

2657. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

L’auteur ayant toujours vêcu loin de Paris, n’a pas assez consulté, en écrivant, le goût de la langue, ni la clarté de la construction ; & quoique en Provence, la chaleur du climat a peu opéré sur son imagination, qui est presque toujours froide & timide. […] avec un génie vif, gai & vraiment comique, il répandit sur toutes ses piéces le sel de l’enjouement. […] Il s’est moins appliqué à peindre les mœurs & le sentiment, qu’à satyriser nos ridicules passagers, nos modes nouvelles, enfin ces défauts éphémeres, ces goûts légers & bizarres que le même mois voit naître & mourir.

2658. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Selon lui, les volitions ne sont jamais primitives ; elles ne peuvent engendrer une action qu’à la condition d’être précédées par une idée qui les fait naître et les soutient. […] Voulez-vous voir naître la sensation de l’impression sensitive ? […] Voulez-vous voir naître de cette même impression la réaction cérébrale que les psychologues appellent volonté ?

2659. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

N’est-il pas piquant que vous soyez vous-même un exemple de ces écrivains nés trop tard qui sont le sujet d’une de vos doctes et creuses dissertations ? […] Durkheim établit fortement le groupe social, comme antérieur et supérieur aux individus qui le constituent. « La vie collective, écrit-il, n’est pas née de la vie individuelle ; c’est, au contraire, la seconde qui est née de la première… Chaque individu est beaucoup plus un produit de la société qu’il n’en est l’auteur… L’esprit social est le fait primitif et dominant, l’initiative individuelle étant consécutive et subordonnée29. » M.  […] Qui est avec un talent et pour un talent y trouve la plus belle partie de son existence, disait Gœthe. […] On était très froid pour Bossuet, pourtant à Dijon, comme l’étaient, paraît-il, il y a une cinquantaine d’année, les Besançonnais pour leur grand compatriote, Victor Hugo. […] Emile Souvestre, à Morlaix, est resté vivant pour ses compatriotes longtemps après que les Parisiens ne le lisaient plus.

2660. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Quelques lignes plus loin il ajoute : « La bonté naît avec nous ; mais la santé, la prospérité et les bons traitements que nous recevons du monde contribuent beaucoup à l’entretenir901. » C’est encore lui-même qu’il dévoile ici : il fut très-heureux, et son bonheur se répandit tout autour de lui en sentiments affectueux, en ménagements soutenus, en gaieté sereine. […] Ainsi naît cette religion, œuvre du tempérament mélancolique et de la logique acquise, où l’homme, sorte de Hamlet calculateur, aspire à l’idéal en s’arrangeant une bonne affaire et soutient ses sentiments de poëte par des additions de financier. […] Ainsi naît la piété active, et la religion ainsi faite double la trempe du ressort moral. […] Telle est la critique d’Addison, semblable à son art, née, comme son art, de l’urbanité classique, appropriée, comme son art, à la vie mondaine, ayant la même solidité et les mêmes limites parce qu’elle a les mêmes sources, qui sont la règle et l’agrément.

2661. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Dans les deux premiers tiers du dix-septième siècle, naissent comme tout exprès, pour porter tous les genres à leur perfection, des hommes de génie, qui s’adaptent chacun au genre qui semble lui être échu. […] On ne pouvait compléter la tragédie, après Corneille, qu’en y faisant entrer d’autres caractères et d’autres passions ; la corriger, qu’en la purifiant de tous les vices, soit de fond, soit de langage, nés de quelques fausses vues de Corneille et du tour d’esprit de son époque. […] On ne donnait pas de nom à cette nouveauté ; Corneille, dans son dépit, la nomma tendresse : le mot était juste des tragédies de Quinault ; mais le vrai nom, celui qui est demeuré dans la langue de l’art, est avec la chose, le jour où parut Andromaque : c’est le sentiment, lequel s’essaya sur la scène, dans les deux premières pièces de Racine, sous l’image populaire de la tendresse. […] Racine, en donnant de grands rôles à toutes les femmes de son théâtre, et le principal rôle à quelques-unes, obéissait à la fois à son génie et aux conditions de cette tragédie plus humaine où les situations naissent du développement des caractères.

2662. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Nous ne sympathisons qu’avec l’homme : les choses ne nous arrivent et ne nous touchent que comme vision et émotion, comme interprétation de l’esprit et du cœur humains ; et c’est pour cela que « le style est l’homme. » Le vrai style naîtra donc de la pensée et du sentiment mêmes ; il en sera la parfaite et dernière expression, à la fois personnelle et sociale, comme l’accent de la voix donne leur sens propre aux paroles communes à tous. […] Nous, vieillards nés d’hier, qui nous rajeunira ? […] Mais le feuillage n’a de grâce, que sur la cime de l’arbre où il est . […] Ainsi naquit en Perse la poésie, et le rythme, et la rime. » C’est dire que la poésie est la sympathie même trouvant une forme qui lui répond, une harmonie des âmes s’exprimant par l’harmonie des paroles et par leurs échos multipliés.

2663. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XI : Distribution géographique »

Les espèces naissent-elles d’un seul individu ou d’un seul couple, de plusieurs individus ou de plusieurs couples ? […] Wallace, qu’il attribue cette coïncidence à ce que la nouvelle forme naît de l’ancienne par voie de génération modifiée. […] Les espèces naissent-elles d’un seul individu ou d’un seul couple, ou de plusieurs couples ou individus ? […] Il est donc évident d’après cela qu’une même espèce peut quelquefois naître ou se reproduire, soit d’une seule espèce antérieure, soit de deux espèces proche-alliées, dans plusieurs districts très séparés, mais présentant des conditions de vie analogues et des causes de variation sinon identiques, du moins équivalentes.

2664. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

On y naît de nouveau et l’on reporte ses regards sur ses anciennes idées, comme sur ses souliers d’enfant » L’expression est même plus jolie, pour dire une chose vraie, qu’elle n’a coutume de l’être sous cette plume solennelle et vague. […] Gœthe est mandarin, et il a tant ajouté de boutons à sa culotte de mandarin qu’il doit être cher à tous les professeurs, à tous les candidats aux Instituts, amoureux tous de cette culotte. […] Gœthe, froid comme un cétacé, aurait, ce que je lui refuse, du génie, qu’il n’eût jamais eu le substract du génie, le candélabre d’une âme sur lequel il pût s’allumer. […] Il était pour le concubinage, cet homme des Affinités électives.

2665. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Chez qui donc va naître l’idée d’un coup de force ? […] C’est chez lui que du mot naît l’idée. […] Le beylisme lui eût dit : deux corps se rapprochent, il naît de la chaleur et une fermentation, mais tout état de cette nature est passager. […] La foule est le groupement social primitif : le public, groupe abstrait, foule spiritualisée, n’a pu naître qu’après de longs siècles de vie en commun. […] Cette poésie qui s’essaie à naître a reçu de ceux qui l’ont qualifiée de symboliste son appellation la plus juste.

2666. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Enfin, une autre jeune femme de la même société, Fanny, la dernière, la plus noble et la plus idéale des passions du poëte et celle où le cœur se fait tout à fait sentir, n’est autre que Mme Laurent Le Coulteux, née Pourrat, sœur de la belle Mme Hocquart, et belle elle-même d’une beauté très-fine.

2667. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Tel fut Eugène ; il mérita d’être compté au nombre des premiers disciples du maître dont il embrassa la foi, et maintenant il reçoit au milieu de nous la récompense de ses mérites. » Eugène fut un théologien du premier ordre ; dans la religion juive, il ne passa point ses premières années au milieu de cette indifférence convenue et de cette tiédeur morale qui est la plaie de tant de familles chrétiennes.

2668. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Bernardin de Saint-Pierre naquit au Havre en 1737.

2669. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

celui-là est bien un poète qui porte en soi le grand fardeau des souffrances communes, dont les indignations naissent d’une pensée invinciblement paternelle, en qui se résume l’angoisse d’un siècle ou l’inquiétude d’une race !

2670. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Molière n’a point, comme l’Arétin, une sorte d’indulgence pour son hypocrite ; il lui impute forfait sur forfait, il le dénonce hautement à l’animadversion publique, il soulève contre lui autant de haine et de terreur que le théâtre en saurait faire naître.

2671. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Jules Laforgue » pp. 36-47

Jules Laforgue était « un Breton sous les tropiques », à Montevideo.

2672. (1890) L’avenir de la science « XI »

Sans cette opération nécessaire, la langue vulgaire reste toujours ce qu’elle fut à l’origine, un jargon populaire, de l’incapacité de synthèse et inapplicable aux choses intellectuelles.

2673. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Samuel Bailey »

Il soutient avec plus de vraisemblance, que les jeunes animaux voient aussitôt qu’ils sont nés.

2674. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

LAFONTAINE, [Jean] de l’Académie Françoise, à Château-Thierry en 1621, mort à Paris en 1695.

2675. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Racine, [Jean] de l’Académie Françoise, à la Ferté-Milon en 1639, mort à Paris en 1699.

2676. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Une plaque sonore n’a point de note propre par elle-même ; il est presque impossible, en la raclant avec l’archet, de reproduire deux fois une note identique ; le nombre des figures de sable qu’elle fournira est aussi inépuisable que les fantaisies qui peuvent naître dans un cerveau ; mais le doigt du physicien, pressant la plaque ici ou là, détermine des points nodaux qui impriment au sable des figures d’une fixité relative : ainsi l’attention, en appuyant et en accentuant, fixerait les flottants tourbillons de l’écorce cérébrale.

2677. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

De l’assonance I Aux saisons d’amour, en d’anciens printemps, l’invite d’un rossignol à de joyeux déduyts, sous les feuillées claires de rosée, perpétuée, — telle dut naître l’assonance. 

2678. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Il naquit à la Ferté-Milon en 1639.

2679. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

sans fortune & malheureusement incapable de s’en procurer, étant d’un caractère inquiet, caustique & porté à l’indépendance, il fut réduit à ne vivre que de sa plume ; mais il trouva toujours en elle des ressources qui n’eussent peut-être pas convenu à tout autre.

2680. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Elle s’appelle la femme ; elle est née de l’homme.

2681. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Il semble que Claudien auroit eu peine à croire une chose à laquelle les provençaux ne daignent pas faire attention, s’il ne fut jamais sorti de l’égypte, où l’on croit qu’il étoit .

2682. (1762) Réflexions sur l’ode

Je ne sais si les poètes conviendront de cette proposition ; nais qu’elle soit vraie ou fausse, la plupart auraient trop d’intérêt à la nier pour n’être pas récusables.

2683. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Mais ceux-là mêmes qui nient le plus dru l’héroïsme de par la race, sont les premiers et les plus obstinés à admettre que le talent, cet héroïsme de l’esprit, cette gentilhommerie du talent, qui ne s’est donné pourtant, comme l’autre, que la peine de naître, peut se transmettre de père en fils, — et même en fille, — et qu’en littérature, il y a des races, il y a des dynasties, il y a des Rois et des Dauphins, et, ce qui est plus fort, des Dauphines ; et, chose entièrement inconnue à cette vieille bête de monarchie qui ne connaissait que les Dauphines par mariage !

2684. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Si elle était restée femme comme elle était née, ses souvenirs n’auraient jamais quitté son cœur.

2685. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

Vaultier, pour la rhétorique, sensible à ce bien dire si vain, dut être pour les phrases et les beaux parleurs de la Gironde, et il faillit payer de sa tête son goût pour eux.

2686. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Dans tous les cas, ce ne sera pas Émile Bégin, le nouvel historien qui vient de naître à Napoléon.

2687. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Le Racine fils du romantisme, plus heureux que l’autre, qui n’osa pas toucher aux tragédies, est arrivé au bruit par le drame, comme son père… Cela parut naturel et presque juste… En fait de théâtre, Alexandre Dumas fils est tellement là-dedans, il est tellement l’enfant de cette balle, et le théâtre de ces derniers temps doit tant à son père, que ce théâtre semblait comme tenu de le faire réussir… Il n’y a pas manqué.

2688. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

En aurait-on une immensité à son service, si on est de ces races, la personnalité la plus robuste et la plus profonde naît marquée d’un caractère de nationalité inévitable ; comme, au contraire, il en est d’autres où le génie, quand il y a génie, appartient davantage à l’homme qui en est investi et reste franc du collier de force de la race.

2689. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Si, au cours de ce premier chapitre, des objections se présentent à son esprit contre telle ou telle de nos thèses, qu’il examine si ces objections ne naissent pas toujours de ce qu’il se replace à l’un ou à l’autre des deux points de vue au-dessus desquels nous l’invitons à s’élever.

2690. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

L’orateur était Septime Sévère, qui avait cultivé la philosophie et les lettres, homme d’état, homme de guerre, aussi actif que César, aussi implacable dans ses vengeances que Sylla, enfin l’un de ces hommes qui, nés pour le malheur et la gloire de leur pays, ont été tout à la fois grands et cruels.

2691. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

À peine était-il , et, rampant sur terre, avait-il jeté un faible cri, que dans son sein Calliope le reçut, et dépouilla pour la première fois le long deuil d’Orphée : Enfant, dit-elle, consacré désormais aux Muses, et bientôt supérieur aux poëtes antiques, ce ne sont ni les fleuves, ni les bêtes féroces, ni les forêts gétiques, que tu remueras de ta lyre ; mais les Sept Collines, le Tibre du dieu Mars, les chevaliers et le sénat vêtu de la pourpre, tu les entraîneras par l’éloquence de ton chant. » Le poëte alors rappelait ces premiers essais de Lucain qui lui valurent la jalousie de Néron, et ce poëme inachevé qui lui mérita la mort.

2692. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

J’ai visité la ferme où naquit et vécut l’animal qui porta ce jambon. […] Nous comprendrons alors comment l’Iphigénie a pu naître ; mais Goethe avait beau être Goethe, nous comprendrons aussi qu’il était allemand, qu’il était moderne, lorsque nous l’entendrons dire à Eckermann : « Schiller me prouva que malgré moi j’étais romantique, et que mon Iphigénie, par la prédominance du sentiment, n’était pas si classique et si antique que je le croyais. » De même l’Alarcos de Frédéric Schlegel ne sera plus inintelligible pour nous, quand sa biographie nous aura rendu témoins des veilles qu’il consacrait à l’étude passionnée de la littérature espagnole, et nous aura répété ces paroles enthousiastes : « Je ne saurais trouver une plus parfaite image de la délicatesse avec laquelle Caldéron représente le sentiment de l’honneur que la tradition fabuleuse sur l’hermine, qui, dit-on, met tant de prix à la blancheur de sa fourrure, que, plutôt que de la souiller, elle se livre elle-même à la mort quand elle est poursuivie par des chasseurs397. » Je me sens pris ici d’un remords de conscience. […] ne put se retenir d’écrire à la reine Élisabeth une lettre où elle tournait en ridicule, au risque de précipiter l’instant de sa mort, la comtesse de Shrewsbury et sa triomphante rivale elle-même par la plus sanglante ironie ; et Molière, à Paris, Molière protégé, encouragé par le roi qui lui désignait ses victimes, aurait épargné Trissotin pour ne pas déplaire au futur auteur du Cours de littérature dramatique ! […] La conversation en France est un art véritable, et cet art au dix-septième siècle avec la formation de la société polie, après avoir brillé quelque temps de cette belle simplicité par laquelle tous les arts commencent, en était déjà à sa période d’affectation et de décadence. […] Il semble avoir pressenti, dans le Tartuffe, les dangers et les désastres qui allaient naître de l’ambition hypocrite, dirigeant, exploitant la piété étroite et mal entendue.

2693. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

— Je ne suis pourtant pas sous un chou ? […] … Je veux que tu sois toujours tout à moi, toujours à moi seule. — Je dois, dit Allmers, me partager entre loi et Eyolf. — Et si Eyolf n’était pas  ? […] Parce que Tartufe et Alphonse étaient nés étrangement viables. […] Et tout le peuple athénien, qui l’aime pour son héroïsme et parce qu’il est d’une Athénienne, monte au couvent en criant : « Vive Almério !  […] 2º Ceci m’amène à vous dire un mot de cette Slave, qui d’ailleurs est née à Montmartre.

2694. (1890) Nouvelles questions de critique

Il y en a qui ne durent pas au-delà du siècle qui les a vus naître ; il y en a qui durent plus longtemps que la langue même qu’elles ont parlée. […] Mais du jour qu’en effet nous nous y sommes rangés, de ce jour l’anatomie comparée et la physiologie générale sont nées, et la gloire en revient à la publication de l’Histoire naturelle. […] Et le romantisme, d’où venait-il lui-même sous quelle conjonction d’astres favorables était-il  ? […] Pour expliquer la rapide, l’étonnante fortune du romantisme et sa mort si prompte, presque subite, il ne suffit donc pas de dire qu’il a suivi le destin des choses humaines, — qui est de naître et de ne pas durer. […] Paul Lenoir a le mérite au moins d’avoir bien vu, le grand intérêt en est fait de ne pas être neuve, d’être au contraire de tous les temps, née avec l’art lui-même, éternelle et infinie comme lui.

2695. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Supposons qu’on arrive à établir, par inférence ou par expérience, que les espèces sont nées par un processus discontinu, dont nous n’avons aujourd’hui aucune idée. […] En d’autres termes, le pouvoir génétique de l’ovule fécondé s’affaiblit à mesure qu’il se répartit sur la masse grandissante des tissus de l’embryon ; mais, pendant qu’il se dilue ainsi, il concentre à nouveau quelque chose de lui-même sur un certain point spécial, sur les cellules d’où naîtront les ovules ou les spermatozoïdes. […] Mais, d’autre part, cette mathématique naturelle n’est que le soutien inconscient de notre habitude consciente d’enchaîner les mêmes causes aux mêmes effets ; et cette habitude elle-même a pour objet ordinaire de guider des actions inspirées par des intentions ou, ce qui revient au même, de diriger des mouvements combinés en vue de l’exécution d’un modèle : nous naissons artisans comme nous naissons géomètres, et même nous ne sommes géomètres que parce que nous sommes artisans. […] Mais cette croyance est naturelle a l’intelligence humaine, toujours préoccupée de savoir sous quelle ancienne rubrique elle cataloguera n’importe quel objet nouveau, et l’on pourrait dire, en un certain sens, que nous naissons tous platoniciens. […] Elle naîtrait de l’effort même de l’être vivant pour s’adapter aux conditions où il doit vivre.

2696. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Une paysanne bien née s’épanouit sans effort à la poésie des psaumes latins, même non chantés, et plus d’un enfant a goûté la première églogue avant de l’avoir comprise. […] Je veux, moi, que chaque phrase d’un poème, en tant que phrase, née de la logique et de la grammaire, n’ait qu’un sens unique accepté par un oui, ou rejeté par un non. ôtez ce oui ou ce non, il n’y a plus là pour la raison que de l’air battu. […] C’est le drame assez fréquent dans l’ordre religieux, beaucoup plus rare chez les poètes, du croyant, qui coupe une à une les racines toujours renaissantes de sa foi-Scherer, par exemple-; du poète , qui veut tuer en soi le poète, et qui, pour notre bonheur, ne réussit jamais qu’imparfaitement dans ses tentatives de suicide. […] De cette expérience, toute passive au début, naît le conflit. […] Non, non, c’est André Chénier qui a raison : tout s’allie et se forme et tout va naître ensemble. sans quoi l’action poétique et l’action mystique n’auraient rien de commun, — ce qui serait contraire à la conclusion même de ce pénétrant philosophe.

2697. (1883) Le roman naturaliste

De leur union longtemps stérile, un fils, enfin, leur est , que de mystérieuses prédictions destinent vaguement à de hautes et glorieuses aventures. […] Après tout, ceux-là seuls en auront été les victimes qui n’étaient pas nés assez vigoureux pour y résister. […] Ajoutons un dernier trait : ce peintre est poète et l’est toujours demeuré. […] Des fils sont nés sous les yeux de leur père, ils ont vécu sous son toit, ils deviennent hommes, et leur père ne les connaît pas. […] Il y en a qui aiment autour de lui ; il y en a qui naissent ; il y en a qui souffrent ; il y en a qui pleurent ; il y en a qui meurent.

2698. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

C’est dans la foule chrétienne que naissent les écrivains les plus originaux. […] Naît-il par elle, ou contre elle ? […] Ainsi naissait la comédie sérieuse, un peu calomniée par ceux qui l’appelèrent la comédie larmoyante. […] Que faire cependant quand on a le malheur d’être avec plus d’imagination que de jugement, plus de sentiment que de volonté ? […] Ne peut-on pas admirer une sorte de solennité dans la façon dont s’avancent, dont « incèdent » les paysans qui rapportent à leur maison un veau dans les champs ?

2699. (1881) Le naturalisme au théatre

L’auteur dramatique est un homme prédestiné qui naît avec une étoile au front. […] Il est avec notre mécanique théâtrale. […] Je la sentais née pour aider puissamment au théâtre le mouvement naturaliste. […] C’est ici que les écoles commencent, que la critique naît, qu’on échange des montagnes d’arguments. […] Un fils est de cette liaison, et Nanine, en abandonnant lord Clifton, a emporté cet enfant.

2700. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Claude Fauriel, le 21 octobre 1772, à Saint-Étienne, d’une honnête famille d’artisans qui ne paraît pas avoir manqué d’aisance, fut élevé avec soin au collége des oratoriens de Tournon. […] Le côté neuf de ce travail sur La Rochefoucauld, c’est d’expliquer, d’éclairer, par l’exposé successif des faits, la manière dont les Maximes durent naître dans la pensée de leur auteur : « Plus on étudiera l’esprit du temps où il a vécu, dit Fauriel, plus il nous semble qu’on trouvera de rapport entre sa doctrine et son expérience, entre ses principes et ses souvenirs. […] C’est, on le sent, un critique littéraire d’une école philosophique, d’une école déjà plus psychologique qu’idéologique, c’est une critique au vrai sens d’Aristote, qui parle chez nous pour la première fois. […] Vous êtes adorable, mon très-cher initié et deux fois , et je ne vous échangerais pas contre quatre membres de l’Académie des quarante. […] M. de Tracy n’était pas si indulgent à l’histoire des philosophies lorsqu’il écrivait à Fauriel, au printemps de 1804 : « Le tableau des folies humaines que Degérando vient de tracer avec tant de complaisance me fait naître la tentation de m’occuper de nouveau de ces rêveries.

2701. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

C’est donc une œuvre née du temps même où elle est venue, et le poète a réussi nécessairement : il était attendu, il a été ce qu’il devait être, sincère, énergique, hardi. […] Scribe n’ont pas d’autre conclusion que celle-ci : Devenez riches, n’importe comment, et l’estime du monde ne vous manquera pas ; mais si vous êtes assez fous pour vous entêter dans une passion sincère, vous serez la risée des honnêtes gens, c’est-à-dire des gens qui sont nés ou devenus riches. […] Car il sait que les personnages nés de la seule fantaisie sont, aussi bien que les personnages historiques, appelés à l’accomplissement des lois qui régissent les facultés humaines. […] Ce dernier reproche est plus grave que celui d’injustice et d’ignorance, et c’est pour le réduire à sa juste valeur que j’essaye aujourd’hui de raconter comment naissent, grandissent et meurent les amitiés littéraires. […] C’est à lui qu’il appartient d’aller au-devant des doutes qui ne sont pas encore nés, d’épier sur les lèvres immobiles le sourire incrédule qui n’a pas encore plissé la bouche, et de réfuter les doutes et les sourires avant qu’ils soient devenus contagieux.

2702. (1891) Esquisses contemporaines

Il en a rassemblé les feuillets épars, et c’est ainsi que sont nés les volumes qu’il nous présente. […] C’est de leur rapprochement mutuel, de leurs rapports intimes que naissent ces états d’âme raffinés et morbides, ces visions exquises et poignantes qui caractérisent l’intense sensibilité de Loti. […] Il naîtra dès lors ce sentiment amer de notre infinitésimale petitesse en regard de la nature éternelle qui nous précède et qui nous suit, sentiment tout moderne, que les anciens semblent avoir peu connu. […] Il est rare que les individualités puissantes naissent en des temps médiocres. […] Sa portée générale, que nous venons de caractériser, se complique encore lorsqu’on envisage les circonstances spéciales au protestantisme français qui la conditionnent et le milieu historique où elle est née.

2703. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Je ne sais pourquoi le premier sentiment que cet accueil fit naître en moi fut un mouvement de répulsion, ou plutôt une sorte de déception. […] Quiconque est en-deçà de cette ligne ne parviendra jamais, quoi qu’il fasse, à vaincre la difficulté inhérente à son talent. […] La langue nouvelle est encore à naître et aujourd’hui il y a partout de la confusion parce qu’on se sert de langues différentes. […] » L’allusion au théâtre moderne fit naître une discussion passionnée. […] Et qu’on ne prétende point que de telles idées ne puissent naître qu’au contact du mouvement désordonné d’une capitale où la misère et la grandeur se coudoient.

2704. (1903) Propos de théâtre. Première série

Il est avec la « société polie », et il a vécu avec elle et de sa vie, comme un parasite. […] Vadius, vous n’êtes pas pour le monde. […] Quand on est poète dramatique, on n’abandonne jamais le drame. […] Comme Agrippine, Athalie a le mépris absolu de ceux qui sont nés pour obéir, la hauteur du despotisme oriental. […] Il y a des hommes qui naissent chefs des hommes, Ils commandent d’instinct ; les autres leur obéissent d’un mouvement naturel.

2705. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Ce qu’elle aime avant tout, la Loi, c’est d’être défendue, honorée et obéie par les grands hommes qui sont nés à son ombre, et qui lui ont voué leur culte, leur génie et leur vertu. […] Dans ces murs, la mère de famille était née ; elle y a passé son enfance, sa jeunesse, son âge mûr ; elle y est morte. […] De ces filles bien nées et bien humbles, l’histoire est la même en toute famille, à cette époque. […] « Mon petit Alexis était au mois d’août 1804. Il disait souvent qu’il était républicain.

2706. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Si l’on a le loisir pourtant d’examiner de plus près et d’entrer dans le golfe même, si l’on s’approche, pour le mieux étudier, de ce qu’on admire, si l’on compare avec les monuments les plus connus et les mieux situés ceux qu’ils nous masquaient trop aisément, les œuvres plus reculées et de moindre renom dont les dernières venues ont profité jusqu’à les faire oublier, et dont il semble qu’elles dispensent, mille réflexions naissent ; les dernières œuvres qui se trouvent pour nous autres Modernes les premières en vue, et qui restent les plus apparentes, n’y perdent pas toujours dans notre esprit ; mais on le comprend mieux dans leur formation et leur mérite propre. […] C’est alors que le roi, dissimulant un peu sa colère et imaginant un détour dont il se croit assuré, lui propose de lui céder la toison d’or à condition de l’épreuve suivante : Dans un champ consacré à Mars, il a deux taureaux aux pieds d’airain, et dont les naseaux vomissent la flamme ; si Jason parvient à les dompter, à les soumettre au joug, puis à labourer le champ de Mars, et, l’ayant ensemencé des dents d’un dragon, à moissonner la terrible moisson de géants armés qui en doivent naître, il aura la toison divine, mais pas autrement. — Jason, effrayé au fond, hésite ; il finit par s’engager pourtant, faute de pouvoir reculer, et sans savoir comment il sortira d’une telle lutte. […] A peine de retour à ses vaisseaux, Jason a tenu conseil avec ses compagnons ; plus d’un se lève et s’offre, quoi qu’il arrive, à combattre et les taureaux monstrueux et les géants nés des dents du dragon.

2707. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Grandet, que la Providence voulut sans doute consoler de sa disgrâce administrative, hérita successivement, pendant cette année, de Mme de La Gaudinière, née de La Bertellière, mère de Mme Grandet ; puis du vieux M.  […] Mille pensées confuses naissaient dans son âme et y croissaient à mesure que croissaient au dehors les rayons du soleil. […] C’était une grande imprudence à Eugénie. — C’est ainsi que l’amour naissait.

2708. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CIXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (1re partie) » pp. 5-79

Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres ; et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver un homme supérieur, modéré, dévoué jusqu’à l’exil et jusqu’à la mort, comme Sully était censé l’être à Henri IV ; si ce rare phénix, dans la prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps, continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plus diverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plus odieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités de son maître ; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de son amitié constante l’affection, sublime de son ministre, et si ce gouvernement de l’amitié a donné au monde le touchant exemple du sentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privée complète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur ; pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice et hommage à ce phénomène si rare dans l’histoire des gouvernements, et ne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi le gouvernement de l’amitié ? […] IV Le cardinal Consalvi naquit à Rome, le 8 juin 1755, et fut baptisé sous le nom d’Hercule ; il était l’aîné de quatre frères et d’une sœur ; son père était le marquis Consalvi, de Rome, et la marquise Carandini, de Modène, sa mère. […] Cette circonstance nous fournit la plus opportune occasion de nous servir de lui pour faire naître dans l’esprit du cardinal chef de ce parti les idées que nous venons d’expliquer tout à l’heure.

2709. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Cet enfant, sous les plus heureux auspices, échappa comme ma fille, en mourant jeune, à sa triste destinée. […] « Monument écroulé, que l’écho seul habite Poussière du passé qu’un vent stérile agite ; Terre, ou les fils n’ont plus le sang de leurs aïeux, Où sur un sol vieilli les hommes naissent vieux, Où le fer avili ne frappe que dans l’ombre, Où sur les fronts voilés plane un nuage sombre, Où l’amour n’est qu’un piège et la pudeur qu’un fard, Où la ruse a faussé le rayon du regard, Où les mots énervés ne sont qu’un bruit sonore. […] « Et toi qui m’as vu naître, Albion, cher pays Qui ne recueilleras que les os de ton fils, Adieu !

2710. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il y a des esprits qui naissent domestiques et faits pour le service de l’homme qui règne, de l’idée qui réussit, du succès : ce terrible dominateur des consciences, — et c’est le plus grand nombre, et ce sont les plus heureux. Mais d’autres naissent, et nous sommes de ceux-là, avec un sentiment insurrectionnel contre ce qui triomphe, avec des entrailles amies et fraternelles pour ce qui est vaincu et écrasé sous la grosse victoire des idées et des sentiments de l’universalité, avec enfin cette généreuse et désastreuse combativité, qui, dès huit ou dix ans, leur fait se donner des coups de poing avec le tyran de leur classe, et tout le reste de leur vie, les confine dans l’opposition de la politique, de la littérature, de l’art. […] Mon Paris, le Paris où je suis , le Paris des mœurs de 1830 à 1848 s’en va.

2711. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Je n’étais évidemment pas pour cette poésie à personnages et à combinaisons savantes qu’on appelle le drame. […] J’aime la nature, et je me sens meilleur quand je suis dans mes bois. » Puis, reprenant la question de ma tragédie à jouer : « Voyez, me dit-il, c’est très bien. « Si nous étions au siècle de Louis XIV, où la tragédie française, fille de la tragédie grecque et latine, n’était qu’une sublime conversation, un dialogue des morts en action sur la scène, je n’hésiterais pas à vous jouer demain et à vous garantir un grand applaudissement au théâtre ; mais entre Corneille, Racine et ce siècle-ci, il est une autre tragédie, d’un homme de génie moderne, antérieure à eux, nommée Shakespeare (connaissez-vous Shakespeare ?). […] Depuis que je suis .

2712. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Il serait important de se procurer les meilleures éditions des auteurs anciens et de les réimprimer dans l’empire ; une société de savants consacrés à ce travail serait bien moins dispendieuse et beaucoup plus nécessaire qu’une Académie, car c’est ainsi que peu à peu on ferait naître l’art de, l’imprimerie et le commerce de la librairie. […] 4° D’un traité du bon et du beau, qui n’est jamais que l’éclat du bon ; du sublime, qui n’est que l’éclat du bien ou du mal, accompagné d’un frisson qui naît, ou de la grandeur, ou du péril, ou de l’intérêt. […] L’harmonie qui flatte l’organe s’apprend ; celle qui naît de la sensibilité ne s’apprend point : le génie la trouve et s’y assujettit sans s’en douter ; celui qui la chercherait, ou d’imitation, ou d’industrie, se fatiguerait beaucoup pour n’être que maniéré et maussade.

2713. (1739) Vie de Molière

Jean-Baptiste Poquelin naquit à Paris en 1620 dans une maison qui subsiste encore sous les piliers des Halles. […] Il avait épousé en 1661 une jeune fille, née de la Béjart et d’un gentilhomme nommé Modène. […] La bonne comédie ne pouvait être connue en France, puisque la société et la galanterie, seules sources du bon comique, ne faisaient que d’y naître.

2714. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

La grâce de Dieu est bonne quand on la peut avoir, et elle a certes son prix ; mais on voit peu de seigneurs terriens présentement augmenter leurs seigneuries, si ce n’est par force et puissance ; et quand je serai retourné en la comté de Hainaut, où je suis , et que je parlerai de cette matière, sachez que j’en serai examiné et questionné très avant. […] L’émulation a gagné ses compatriotes, jusque dans son lieu natal : la ville de Valenciennes sa patrie a décidé, il y a quelques mois, qu’il lui serait élevé une statue, et elle a confié le soin de l’exécution à un habile artiste dans les mêmes contrées, M. 

2715. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Villars était arrivé au point où doit viser tout homme qui est pour le commandement : agir seul et en chef. […] Il revient à Paris au commencement de janvier 1703, pour voir sa femme et un fils qui lui était .

2716. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

50 Toute une race de nouveaux philologues est née depuis, pour qui évidemment Heyne n’est plus le grand prêtre de Virgile. […] Ce contraste, naturellement, va se dessiner davantage dans le trépas d’un guerrier en Phrygie et venant mourir aux champs du Latium.

2717. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé, en 1626, neveu d’un surintendant des finances, neveu aussi de l’évêque d’Aire et de l’archevêque de Tours, cousin germain du ministre d’État Chavigny, fut tonsuré encore enfant, chargé de bénéfices et destiné à l’héritage ecclésiastique de son oncle de Tours. […] Mille serments couvrent le papier, où se reflètent les roses de l’aurore ; mille baisers sont déposés sur les mots qui semblent naître du premier regard du soleil ; pas une idée, une image, une rêverie, un accident, une inquiétude qui n’ait sa lettre.

2718. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Bayle, au Carlat, dans le comté de Foix, en 1647, d’une famille patriarcale de ministres calvinistes, fut mis de bonne heure aux études, au latin, au grec, d’abord dans la maison paternelle, puis à l’académie de Puy-Laurens. […] Il a maintes fois exprimé le regret de n’être pas dans une ville capitale, et il confesse dans sa Réponse aux Questions d’un Provincial qu’il a été éclairé sur les ressources de Paris pour avoir senti le préjudice de la privation.

2719. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

J’étais déterminé aussi à cette conduite par le désir et le projet d’observer de près un événement aussi curieux, et de démêler les intrigues qu’il ferait nécessairement naître en abondance. […] Il y a des gens qui sont nés valets ; je crois que, sans calomnie, on peut ranger M. de Bouillon dans cette classe, et cela est assez simple, si, comme on le dit, il est fils d’un frotteur.

2720. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Jean de la Bruyère, à Paris, en 1645, d’une famille bourgeoise, étudie le droit, acquiert un office de trésorier de France et général des finances en la généralité de Caen (1673), est recommandé par Bossuet au prince de Condé, qui le charge d’instruire son petit-flls. […] François de Salagnac (mieux que Salignac) de la Mothe-Fénelon, au château de Fénelon en Périgord (1651), entra dans les ordres, songea à se consacrer aux missions du Canada et du Levant, fut nommé supérieur des Nouvelles Catholiques (1678), puis chargé d’une mission en Saintonge et Aunis après la révocation de l’édit de Nantes, et enfin (1689) de l’éducation du duc de Bourgogne.

2721. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Francisque Sarcey sera, si vous voulez, quelque chose comme un gros neveu sanguin du maigre et nerveux Voltaire, neveu très posthume et en pleine Beauce. […] De ces deux conditions essentielles de l’art dramatique sont nées d’inévitables conventions sans lesquelles cet art ne saurait exister.

2722. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Les conversations avec Marianne qui ne veut pas qu’il jeûne pendant le carême (« Vous avez bien soixante-quatre ans, vous, Marianne, et pourtant vous pratiquez la loi de l’Église dans sa rigueur  Moi, c’est différent… Si vous l’avez oublié, je suis née à Éric-sous-Caroux, dans une pauvre cabane…, et je ne vous ressemble pas plus..   […] Et c’est ainsi que plus tard, devenu archevêque et tout proche du cardinalat, un jour que, dans un accès de délire ambitieux, il hausse son rêve jusqu’à la tiare, nous l’entendons gémir « avec une lueur de bon sens et une profonde humilité » : — « Moi, dans une hutte au hameau de Harros, je pourrais gravir les marches du trône pontifical !

2723. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

À nul égard, le génie ne peut cesser d’être exceptionnel, altitude de fronton inopinée dont dépasse l’angle ; cependant, il ne projette, comme partout ailleurs, d’espaces vagues ou à l’abandon, entretenant au contraire une ordonnance et presque un remplissage admirable d’édicules moindres, colonnades, fontaines, statues — spirituels — pour produire, dans un ensemble, quelque palais ininterrompu et ouvert à la royauté de chacun, d’où naît le goût des patries : lequel en le double cas, hésitera, avec délice, devant une rivalité d’architectures comparables et sublimes. […] Le pire, sans sortir d’ici-même, celui-là fâcheux, je l’indique pour le rejeter, serait que flottât, dans cette atmosphère, quelque déception née de vous, Mesdames et mes vaillantes auditrices.

2724. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Calvin naquit à Noyon en 1509 ; son père le fit élever avec soin. […] Érasme, qui le vit quelque temps après à Strasbourg, écrivit à son sujet ces paroles prophétiques : « Je vois naître dans l’Église un grand fléau pour l’Église65. » Calvin préparait alors les matériaux de l’Institution chrétienne.

2725. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Ainsi s’est fait l’Esprit des lois, « l’enfant sans mère », comme Montesquieu l’appelle lui-même, voulant dire qu’il n’avait eu ni guide ni devancier. […] Voltaire a raison de compter Montesquieu parmi les auteurs du dix-septième siècle ; il y est en effet, et il en a retenu la langue.

2726. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Tout homme a droit à la vraie religion, à ce qui fait l’homme parfait ; c’est-à-dire que tout homme doit trouver dans la société où il naît les moyens d’atteindre la perfection de sa nature, suivant la formule du temps ; en d’autres termes, tout homme doit trouver dans la société, en ce qui concerne l’intelligence, ce que la mère lui fournit en ce qui concerne le corps, le lait, l’aliment primordial, le fond premier qu’il ne peut se procurer lui-même. […] Il y a une illusion d’optique à laquelle nous autres, nés de 1815 à 1830, nous sommes sujets.

2727. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Voltaire, ce prince des moqueurs, écrivait dans son Dictionnaire philosophique 110 ces lignes de généreuse inspiration : Si un animal sentant et pensant dans Sirius est d’un père et d’une mère tendres qui aient été occupés de son bonheur, il leur doit autant d’amour et de soins que nous en devons ici à nos parents. […] Si au contraire elle se donne pour tâche d’élever et de redresser les âmes, si elle entend, non pas seulement faire naître des fleurs et des herbes folles, mais semer le bon grain, elle aura d’autres qualités et d’autres défauts.

2728. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Il naquit à Decize, petite ville du Nivernais, le 25 août 1769, ce qui le fait mourir (28 juillet 1794) à moins de vingt-cinq ans accomplis. […] Il dira des factions révolutionnaires au moment où il les dénonce : Ces factions, nées avec la Révolution, l’ont suivie dans son cours, comme les reptiles suivent le cours des torrents.

2729. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Comme c’est l’interprétation parlante de la tragédie, telle qu’elle fut conçue dans le cerveau d’un Racine, déclamée, chantée, dansée par une Champmeslé, applaudie par les gens bien nés d’alors et les seigneurs sur les banquettes. […] * * * — Dans les troubles de l’art, à la fin des vieux siècles, quand les nobles doctrines sont mourantes, et que l’art se trouve entre une tradition perdue et quelque chose qui va naître, il apparaît des décadents libres, charmants, prodigieux, des aventuriers de la ligne et de la couleur qui risquent tout, et apportent en leurs imaginations, avec une corruption suave, une délicieuse témérité.

2730. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Les gestes royaux, les tapages guerriers, les couronnements, mariages, baptêmes et deuils princiers, les supplices et fêtes, les beautés d’un seul écrasant tous, le triomphe d’être roi, les prouesses de l’épée et de la hache, les grands empires, les gros impôts, les tours que joue le hasard au hasard, l’univers ayant pour loi les aventures de la première tête venue, pourvu qu’elle soit couronnée ; la destinée d’un siècle changée par le coup de lance d’un étourdi à travers le crâne d’un imbécile ; la majestueuse fistule à l’anus de Louis XIV ; les graves paroles de l’empereur Mathias moribond à son médecin essayant une dernière fois de lui tâter le pouls sous sa couverture et se trompant : erras, amice, hoc est membrum nostrum impériale sacrocœsareum’ ; la danse aux castagnettes du cardinal de Richelieu déguisé en berger devant la reine de France dans la petite maison de la rue de Gaillon ; Hildebrand complété par Cisneros ; les petits chiens de Henri III, les divers Potemkins de Catherine II, Orloff ici, Godoy là, etc., une grande tragédie avec une petite intrigue ; telle était l’histoire jusqu’à nos jours, n’allant que du trône à l’autel, prêtant une oreille à Dangeau et l’autre à dom Calmet, béate et non sévère, ne comprenant pas les vrais passages d’un âge à l’autre, incapable de distinguer les crises climatériques de la civilisation, et faisant monter le genre humain par des échelons de dates niaises, docte en puérilités, ignorante du droit, de la justice et de la vérité, et beaucoup plus modelée sur Le Ragois que sur Tacite. […] Quand je ne sais plus quel padischah, Tigre IV ou Tigre VI, fait étrangler l’un après l’autre ses dix-neuf petits frères courant effarés autour de la chambre, l’historien turc déclare que « c’était là exécuter sagement la loi de l’empire ».

2731. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre II. Des poëtes étrangers. » pp. 94-141

Aucune épisode n’y semble naître du fond du sujet ; le comique & souvent un comique bas & obscene, s’y trouve confondu avec le tragique & l’héroïque. […] Il a voulu qu’on pût toujours reconnoître à leur maniere de penser & de parler, qu’ils étoient nés sous un autre ciel que le nôtre.

2732. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Et la bonté initiale de la nature, et l’homme qui est bon, et l’homme qui est avec toutes les vertus mais que la société a dépravé, qu’en faites-vous de cette grande théorie qui est la vôtre ?

2733. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Il faut entremêler à propos de plus grands intervalles, et même des intervalles dissonants, pour faire naître le plaisir de l’oreille ; plaisir qui résulte de la variété, et qui n’existe jamais sans elle. […] Il en résulte d’abord pour eux, dans un degré à peu près égal et semblable, le plaisir qui naît de la mesure ; plaisir qui est ensuite modifié différemment par la proportion qu’ils mettent entre les notes dans chaque mesure particulière, et par la manière différente dont ils appuient sur ces notes.

2734. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Mais c’est vrai que le travail et le labeur normal font les mœurs et les courages, sans lesquels rien n’est possible et d’où naissent les supériorités, et je reconnais, je salue tout ce qu’il y a de réel et de bienfaisant dans cet orgueil de classe, dans cette piété du travail manuel qui rattachent l’enfant à la stabilité et l’empêchent de se jeter aux courants rapides. […] Il naît comme il peut, dans une patrie à grand effort défendue, à grand effort pacifiée, chargé cependant de l’inégalité corporelle et intellectuelle qui est dans la nature, des inégalités économiques et historiques qui sont dans la société.‌

2735. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

La lecture de ce drame a fait naître chez quelques-uns des membres de la Commission, et des plus compétents en matière de drame, l’honorable regret que la pièce n’ait point été écrite et conçue pour un autre théâtre d’un ordre plus élevé.

2736. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

[NdA] La marquise de Villars était née Noailles ; mais par ses père et mère, le maréchal entend ici lui-même et la maréchale.

2737. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Il était à Chalcis en Eubée, et compatriote de Lycophron.

2738. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Cette période de dix-neuf années, au terme de laquelle une révision et peut-être une réorganisation totale auraient lieu dans la société, est le thème favori de Jefferson : il y revient en maint endroit, tant un respect profond et religieux pour la liberté de ceux qui naîtront se mêle à toutes ses pensées.

2739. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Heine, dans sa fertile et magique exubérance, a des allures bien moins françaises ; sa pensée, au lieu de traverser un peu vite, en s’en colorant, les jets irrésistibles qui naissent à chaque pas, se laisse prendre à cette efflorescence, et s’égare comme à plaisir, et monte dans l’air sur chaque fusée ; elle a peine ensuite à reprendre le fil du chemin, ou du moins on a peine à le reprendre avec elle.

2740. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Saisissons dans leur fleur ces premiers sentiments délicats et fugitifs qui naissent en nous spontanément avant toute réflexion : la critique littéraire n’est que l’analyse des sentiments littéraires.

2741. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Tâchons de nous représenter cet état extraordinaire, et nous verrons naître peu à peu, mais très logiquement, ces conclusions plus extraordinaires encore.

2742. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Caractère de Saint-Simon en 1675, d’un père très vieux, qui devait sa fortune et son titre à Louis XIII, il grandit loin de la cour de Louis XIV, parmi les souvenirs de l’autre règne, dans une dévotion attendrie au feu roi, au « roi des gentilshommes », qui enveloppait une sourde aversion pour le roi des commis.

2743. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Il est (le 18 novembre 1851) à Bercy.

2744. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Nous savons maintenant qu’il n’en est rien, que les lois de notre chimie sont des lois générales de la Nature et qu’elles ne doivent rien au hasard qui nous a fait naître sur la Terre.

2745. (1767) Salon de 1767 « Les deux académies » pp. 340-345

Il a un fils avec l’étoffe d’un habile homme, mais à qui il a malheureusement appris à aimer le repos et à mépriser la gloire.

2746. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 5, explication de plusieurs endroits du sixiéme chapitre de la poëtique d’Aristote. Du chant des vers latins ou du carmen » pp. 84-102

Quant à l’harmonie, les acteurs des anciens étoient, ainsi que nous le verrons tantôt, accompagnez par quelque instrument dans la déclamation ; et comme l’harmonie naît de la rencontre des sons des parties differentes, il falloit que la melodie qu’ils recitoient, et la basse continuë qui les soutenoit, allassent bien ensemble.

2747. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

La peine capitale ne peut être tolérée dans l’organisation sociale qui va naître.

2748. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Franz de Champagny a eu, un jour, cette première sensation d’une gloire qui va peut-être naître, et que Vauvenargues comparait à la douceur des premiers rayons d’une aurore.

2749. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

On mit même au service de cette idée folle une érudition épouvantable ; car la science est toujours de force à dévorer l’absurde, et tout savant est un père Hardouin possible, qui n’attend que l’occasion pour naître.

2750. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIII. P. Enfantin »

Enfantin, la puissance morale, était la même année que cette grande puissance matérielle.

2751. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

C’est un poète passionné qui éclôt dans le poète, indifférent à tout, excepté au relief et à la couleur, phénix d’un autre phénix, et le voilà, lui aussi, avec sa mélancolie, — comme Lamartine ou de Musset.

2752. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Qui peut dédommager un homme de talent, surtout quand il commence à naître et qu’il a besoin d’un peu de succès pour se développer ; qui peut le dédommager de l’inattention, du silence, de l’oubli, de toutes ces horribles choses qui viennent s’entasser autour de son livre et l’intercepter au public, qui le lirait, si la Critique, vigie infidèle, avait dit le mot qu’elle doit dire et avait averti ?

2753. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

Je ne crois pas que l’œuvre puisse naître viablement du symbole ; mais le symbole naît toujours de l’œuvre si celle-ci est viable. L’œuvre née du symbole ne peut être qu’une allégorie, et c’est pourquoi l’esprit latin, ami de l’ordre et de la certitude, me semble plus enclin à l’allégorie qu’au symbole. […] Celui-ci naquit avec le monde, avec le monde il mourra. […] Mais nos admirations ne sont pas nées de nos amitiés, ce sont nos amitiés qui sont nées de nos admirations. […] Et je vous assure très sincèrement que si je voyais naître parmi eux un grand poète, je serais le premier à m’incliner devant lui et à manifester hautement mon admiration.

2754. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

La sociologie, née en France, demeure « essentiellement française », dit M.  […] « L’égyptologie est née en France », dit M.  […] Elle se dégage du roman toute seule comme, de la réalité, naît une opinion d’allégresse ou de mélancolie. […] Un peintre, un artiste : elle a eu la certitude de n’être pas née pour épouser ce frivole. […] La littérature qui naîtra des conjonctures nouvelles, nous ne la devinons pas.

2755. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Imaginer un dialogue, c’est donc imaginer deux personnages au moins en action, et le drame naît, le drame qui est action, comme l’étymologie seule l’indique. […] Qui peut dire, par contre, qu’une religion nouvelle va nous naître ? […] Une fille a grandi, née on ne sait où, on ne sait de qui, ayant roulé, de-ci de-là, au flux et au reflux de la houle vivante de Paris. […] Nous apercevons donc chez lui, qu’elles soient nées spontanément ou par influence, trois au moins des principales tendances de notre pensée contemporaine. […] Chacun des chapitres étudie un état de l’âme, et, sous le titre de Concordances, quelques lignes le précèdent qui établissent de la manière la plus sèche l’événement d’où est cet état de l’âme.

2756. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

Cette répugnance, est métaphysique, elle naît d’une idée préconçue sur la direction du monde. […] De cette conception est née la théorie du Volksgeist (esprit du peuple), dont une contrefaçon a pénétré depuis quelques années en France sous le nom d’âme nationale ». […] De là sont nés les systèmes de philosophie de l’histoire et les essais en vue de déterminer des lois ou des causes historiques. […] Une pédagogie historique est née. […] Le même besoin a fait naître en France l’Album historique, qui se publie sous la direction de M. 

2757. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

— Non ; elle aurait été effrayée par les Femmes savantes qui étaient en préparation. » Et, comme il arrive si souvent, d’un mot d’esprit est née une légende, d’une légende une tradition et d’une tradition un fait considéré comme historique. […] Voilà qui est bien, mais sur ces deux actes il y en a un qui prépare point du tout la venue du scélérat et il n’y a que le premier qui la prépare, du reste avec un très grand art. […] Comptez encore que s’il vous naît un fils, ce que j’espère, il se peut qu’il soit d’un sang à couvrir de gloire votre nom, déjà agréable, par sa bravoure son esprit et son mérite. […] Car précisément il a peint, toujours, L’auteur qui n’était pas pour l’être plus que pour être autre chose et qui, par conséquent, si nos définitions de plus haut sont exactes, n’a pas de caractère à lui et n’a que le caractère de sa profession. […] C’est un bourgeois riche et avec une certaine largeur d’âme qu’il n’y a aucune raison qu’il ait perdue.

2758. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

« Ces princes étaient bons et nés d’une haute race. […] Elle était née pour être la délectation des yeux de plus d’un guerrier. […] » « Le roi Gunther parla : « Jamais ne naquit une femme si vaillante et si forte que, dans un combat, je ne puisse la dompter avec cette seule main. » « — Ne parlez pas ainsi, dit Sîfrit, sa force vous est inconnue. […] Je regrette amèrement d’être née. […] « À partir de ce jour, ceux qui naîtront de vous seront déshonorés à jamais.

2759. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

à Yédo, Hokousaï est, dit-on, le fils d’un fabricant de miroirs de la cour de Tokougawa. […] Il est à Yédo, dans le quartier Honjô, quartier de l’autre côté de la Soumida, touchant à la campagne, quartier affectionné par le peintre et qui lui a fait un temps signer ses dessins : le paysan de Katsoushika, — Katsoushika étant le district de la province où se trouve le quartier Honjô. […] Au milieu de ces féroces épisodes de la guerre, voici tout à coup, dans la sixième série, un palais féerique au haut d’un rocher auquel on arrive par des ponts, des escaliers, une montée d’un pittoresque charmant : palais dans l’imagination du peintre au fond de son atelier. […] À la fin de ce premier volume paru en 1812, Hokoutei Bokousén (l’artiste à la conversation qui a fait naître la Mangwa) et Hokou-oun (qui deviendra le professeur d’architecture du Maître), dont la collaboration a consisté tout simplement à fac-similer les dessins réduits d’Hokousaï, se déclarent les élèves du Maître. […] Du mariage naquit un vrai vaurien dont les escroqueries toujours payées par Hokousaï furent une des causes de sa misère pendant ses dernières années.

2760. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxvie entretien. L’ami Fritz »

Si un homme a vécu soixante et quelques années, et qu’il soit écrivain, il y a à admirer sans doute, mais il n’y a pas à s’émerveiller de voir sortir de ses mains un pareil livre. […] — Oui, monsieur Kobus, dit le vieux fermier, c’est naturel : les uns naissent avec des qualités, et les autres n’en ont pas, malheureusement pour eux. […] Notre enfant, monsieur Kobus, est née pour conduire un ménage ; elle sait rouir le chanvre, filer, laver, battre le beurre, presser le fromage et faire la cuisine aussi bien que ma femme. […] Mais quant à Sûzel, j’ose dire qu’elle est née pour tout ce qui regarde la maison.

2761. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

On les dirait nés après ces grandes rafles de vivants, au moyen âge, où des hommes naissaient inachevés, avec un œil ou quatre doigts, comme si la Nature, dans le grand coup de feu d’une fourniture, pressée de recréer et de livrer à heure fixe, bâclait de l’humanité. […] Le fœtus enfin, dessine l’être créé et le laisse apparaître : la tête n’écrase plus les membres, le corps se fonde et s’établit ; et voici, à quelques mois, l’enfant à peu près tel qu’il doit naître. […] * * * — En art, en littérature, je connais peu de révolutionnaires, nés sans pain.

2762. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Multipliez de toutes parts ces machines imitatives ; faites naître les tableaux dans la nature comme les plantes, les arbres et les fruits qui leur serviraient de modèles, et dites-moi ce que deviendrait votre admiration. […] J’en étais là de ma rêverie, nonchalamment étendu dans un fauteuil, laissant errer mon esprit à son gré, état délicieux où l’âme est honnête sans réflexion, l’esprit juste et délicat sans effort, où l’idée, le sentiment semble naître en nous de lui-même comme d’un sol heureux ; mes yeux étaient attachés sur un paysage admirable, et je disais : l’abbé a raison, nos artistes n’y entendent rien, puisque le spectacle de leurs plus belles productions ne m’a jamais fait éprouver le délire que j’éprouve, le plaisir d’être à moi, le plaisir de me reconnaître aussi bon que je le suis, le plaisir de me voir et de me complaire, le plaisir plus doux encore de m’oublier : où suis-je dans ce moment ? […] Quand voit-on naître les critiques et les grammairiens ? […] La discipline militaire naît quand il n’y a plus de généraux ; la méthode, quand il n’y a plus de génie.

2763. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Son père, qui était un joséphin, avait pris le parti prudent de quitter l’Espagne, en 1814, et de s’établir aux colonies : Indiana y est née, y a été élevée dans la naïveté et l’ignorance ; privée de sa mère dès le bas âge, elle s’est trouvée presque entièrement abandonnée, pour l’éducation et les soins, à un cousin de dix ans plus âgé qu’elle, sir Rodolphe Brown, ou plus brièvement sir Ralph.

2764. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

« Pour tous ces êtres n’existe pas le problème moral de la destinée : ils naissent, ils vivent, ils meurent, sans se demander d’où ils viennent, pourquoi ils sont, où ils vont.

2765. (1874) Premiers lundis. Tome II « Des jugements sur notre littérature contemporaine à l’étranger. »

C’est en France encore (que les reviewers étrangers daignent le croire) que les ouvrages qu’on lui reproche de faire naître, sont le plus promptement, le plus finement critiqués raillés sinon par écrit toujours partout ailleurs, en causant, au coin d’une rue ou d’un salon, dans la moindre rencontre de gens qui à demi mot s’entendent.

2766. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

Une comédie pourtant qui ne roulerait au fond que sur une certaine plaisanterie physiologique et sur une aventure matérielle, serait classée par là même ; en amusant beaucoup, elle ne passerait jamais un étage secondaire ; un conte de La Fontaine reste un conte, et Sganarelle, bien que d’un même père, n’est en rien cousin germain du Misanthrope.

2767. (1875) Premiers lundis. Tome III « L’Ouvrier littéraire : Extrait des Papiers et Correspondance de la famille impériale »

Un enfant désiré de la France vient de naître ; une paix qui doit être glorieuse, pour répondre à une si noble guerre, vient couronner tous les souhaits et ouvrir une ère illimitée d’espérances.

2768. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

On applique en Angleterre l’esprit des affaires aux principes de la littérature ; et l’on interdit dans les ouvrages raison nés tout appel à l’émotion, tout ce qui pourrait influencer le moins du monde le libre exercice du jugement.

2769. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !

2770. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

à Noyon en 1509, Jean Cauvin, fils du procureur fiscal de l’évêque, fut pourvu d’abord de deux bénéfices.

2771. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Par suite de cette même habitude d’improvisation, son style, semblable à ces plantes éphémères qui naissent à la surface du sol, n’a ni couleur ni caractère… [Histoire de la littérature française sous la Restauration (1853).]

2772. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

. — Une fée le toucha de sa baguette fleurie lorsqu’il naquit, et de cette caresse enchantée ses yeux s’ouvrirent à la Beauté.

2773. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Francisque Sarcey Un poète nous est , et ce qui me charme encore davantage, c’est que ce poète est un homme de théâtre… Cyrano de Bergerac est une très belle œuvre, et le succès d’enthousiasme en a été si prodigieux, que, pour trouver quelque chose de pareil, il faut remonter jusqu’aux récits que nous ont faits, des premières représentations de Victor Hugo, les témoins oculaires.

2774. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

Un rêve nouveau d’où naissent d’autres rêves.

2775. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Il s’ensuivit que ceux qui embrassèrent cette profession furent souvent des gens bien nés, instruits, poètes et beaux esprits.

2776. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Un autre personnage dans la comédie régulière à qui l’antiquité l’avait transmis, c’est la vieille entremetteuse, la Ruffiana.

2777. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

en 1608, il vécut encore trois années après avoir quitté la scène.

2778. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Si les actes criminels sont peu divers, les processus psychiques qui les font naître sont nombreux.

2779. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Dès que l’impression fait éclore un Poëte, Il est esclave de quiconque l’achete.

2780. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

Ce n’est pas sans une défiance extrême qu’il les présente à l’examen des gens de goût ; car, s’il croit à des théories nées d’études consciencieuses et de méditations assidues, d’un autre côté, il croit fort peu à son talent.

2781. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Pierre Abailard naquit en Bretagne, l’an 1079, d’une famille noble.

2782. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Un mot singulier & nouveau, échappé au hazard, en fit naître l’idée à un des membres de cette société, qui l’exécuta avec ses confrères.

2783. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Il était à Langres, comme Diderot.

2784. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Certes ce n’est pas en France ; jamais on n’y a vu une jeune fille bien née, bien élevée, à moitié nue, un genou sur le lit, sollicitée par son époux en présence de ses femmes qui la tiraillent.

2785. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

Le commun de la nation faisoit donc alors sa principale occupation de son plaisir, ainsi que ceux de nos citoïens qui naissent avec cent mille livres de rente, et le climat heureux de leur patrie les rendoit très-sensibles aux plaisirs de l’esprit, dont la poësie et la peinture font le charme le plus decevant.

2786. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

L’auteur a cru sans doute qu’une personne aussi honnête et aussi bien née que Julie, ne devait employer aucune sorte de déguisement ; il n’a pas songé que le lecteur ne pouvait jamais se mettre assez parfaitement à la place de l’amant, pour ne pas blâmer un ton si libre ; c’est peut-être celui du véritable amour ; mais ce ton paraît affaiblir l’amour même dans la bouche d’une femme, dont il faut que l’expression, pour être tendre et vive, ait toujours l’empreinte de la modestie.

2787. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

… Illustre par sa famille, qui tient le premier rang en Prusse, il était en 1788 à Posen, le chef-lieu de la grande Pologne, et, avant d’entrer dans la diplomatie prussienne, il avait fait bravement, comme officier, les campagnes de 1809 et de 1811.

2788. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

L’historien de Grimod de la Reynière, le poète des Petites blanchisseuses, écouta sans doute plus sa pensée que la curiosité qu’il avait fait naître, et il se mit à nous dire des vers qui n’étaient pas ceux, je vous en réponds !

2789. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Chez les organisations supérieures, la maturité peut durer, comme la beauté chez les êtres bien nés et bien portants.

2790. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

L’immoralité individuelle, née de l’incrédulité philosophique qu’on ne connaissait pas en Angleterre de 1620 à 1693, s’est ajoutée en France à l’immoralité des partis.

2791. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Ainsi pour Spinosa, par exemple, dont il voit très bien le vice radical et profond, le vice irrémissible, il reste sans conclure, par le mépris mérité, avec ce fakir hollandais et juif, beaucoup trop vanté, de la Kabbale et du Gnosticisme dans un coin, et qui ne fut jamais que le génie obscur de l’abstraction et de la géométrie, dévoyé dans l’étude de l’homme.

2792. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

IV Cette imitation des deux à trois grands poètes du siècle, qui résume, en ces derniers temps, le stérile mouvement des imaginations poétiques, Reboul, plus que personne peut-être, était pour y échapper.

2793. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gérard de Nerval  »

compagnon, quoique rêveur, fait pour aller en troupe, Gérard de Nerval ne fut point un talent solitaire, et il n’y a jamais de grand et de beau que les talents solitaires !

2794. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

… Eloa, née d’une larme de Jésus-Christ, qui pleura Lazare, est l’ange de la Pitié dans le ciel et elle a compassion du Démon, de ce grand malheureux qui souffre, et elle le préfère, dans son Enfer, par ce qu’il souffre, au Paradis où elle est heureuse et à la splendeur de son Dieu !

2795. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

L’auteur des Amours d’Italie n’est pas plaisant, et, affreux spectacle !

2796. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

le Ménechme d’imitation qu’on pouvait craindre, le frère postiche que l’admiration eût pu faire naître à M. 

2797. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

avec un esprit vif, hardi, entreprenant, après avoir été valet au collège de Navarre, il étoit parvenu à se faire une grande réputation dans l’université. […] Quelques personnes, nées avec un penchant insurmontable pour le vrai, excédées de toutes les rêveries Aristotéliciennes, adoptèrent la nouvelle philosophie. […] Tournemine étoit vain, fier, emporté, rempli de prétentions. […] Elle les accusa d’avoir fait naître, ou d’avoir fomenté la sédition, prétendit qu’il y auroit toujours du trouble tant qu’elle n’auroit point inspection sur eux. […] Selon le soutenant, Élie étoit carme.

2798. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

D’Aponte, dans la petite ville de Céneda, dans l’État vénitien, est chassé de la maison paternelle par le second mariage de son père avec une jeune Vénitienne de dix-huit ans, que son père épouse en secondes noces. […] L’injustice, l’envie de mes rivaux, des journalistes et des biographes allemands de Mozart, ne consentiront jamais à accorder une telle gloire à un Italien comme moi ; mais toute la ville de Vienne, tous ceux qui ont connu Mozart et moi en Allemagne, en Bohême, en Saxe, toute sa famille, et surtout le baron de Vetzlar lui-même, son enthousiaste, dans la maison duquel naquit la première étincelle de cette divine flamme, me sont témoins de la vérité de ce que je dis ici... […] Mais Rossini allait naître au moment où Mozart mourait, comme si la Providence avait voulu que la voix et l’écho ne fussent séparés que d’un instant dans l’oreille du siècle.

2799. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Ces rumeurs sont nées à l’occasion de la souscription nationale qui porte mon nom. […] Dans l’idée chinoise, tout cela ne passe pas les bornes du culte civil, et c’est même un devoir indispensable pour un être raisonnable et un homme bien . […] Les frères de celui qui aura été choisi par préférence à eux se persuaderont aisément qu’on leur fait injure ; les intrigues ne tarderont pas à naître ; aux intrigues succéderont les cabales et aux cabales les calomnies et les trahisons.

2800. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Le temps fera voir à qui de nous il appartenait de revendiquer un tel sujet de tragédie, ou de moi, ou d’un Français, qui, du peuple, a pendant plus de soixante et dix ans signé : Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi. […] N’ayant jamais dissimulé ma haine et mon mépris pour ces esclaves mal nés, je résolus d’être prêt pour toutes leurs violences et toutes leurs insolences, c’est-à-dire de m’y préparer de manière à ne point les subir. […] Cet écrit était de l’indignation légitime qu’avait excitée en moi une politique assurément plus sotte que la mienne, celle qui, depuis deux ans, était mise en œuvre par l’impuissance de l’empereur, combinée avec les impuissances italiennes.

2801. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Le tableau des conséquences qui naîtraient de la rupture était des plus sombres ; ils me faisaient sentir que j’allais me rendre responsable de ces maux, soit envers la France et l’Europe, soit envers mon souverain lui-même et envers Rome. […] Nous déclarions ensuite qu’il n’y avait jamais eu de complot entre les cardinaux ; que la conduite tenue par nous résultait de nos sentiments propres, manifestés tout au plus dans des entretiens confidentiels ; que l’idée de voir le Pape exclu de cette affaire avait été la véritable cause de notre abstention ; qu’en agissant de la sorte, nous n’avions pas prétendu nous ériger en juges, ni semer dans le public des doutes sur la validité du premier mariage, ou sur la légitimité des enfants qui naîtraient du second ; qu’enfin il nous restait à prier Sa Majesté de bien se convaincre de notre obéissance. […] De là naquirent les deux noms qui, à dater de ce moment, furent partout en usage pour distinguer les Cardinaux noirs et les Cardinaux rouges.

2802. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Car alors l’égoïsme naturel, légitime et charmant, fait place à l’intérêt, injuste et odieux ; la lutte et la misère naissent de la multiplication des besoins, par l’invention artificielle de plaisirs d’opinion, par la prévoyance contre nature des utilités futures. […] Donc ces créations de l’humanité intelligente attestent la perversion de l’humanité : elles sont nées du mal et l’augmentent. […] le 28 juin 1712.

2803. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Comme l’art de Michel-Ange, l’art de Bossuet fait naître des impressions d’humilité de ce qui semblerait si propre à enfler la nature humaine. […] « Si vous étiez quelques années plus tôt, écrivit-il à Vauvenargues, mes ouvrages en vaudraient mieux », Voltaire était-il sincère ? […] Il dit des grands : « La nature toute seule a environné leur âme d’une garde d’honneur et de gloire. » Et quelques lignes plus haut : « Un sang plus pur s’élève plus aisément ; il en doit moins coûter de vaincre les passions à ceux qui sont nés pour remporter des victoires. » Il dit de leurs craintes : « Exempts de maux réels, ils s’en forment même de chimériques, et la feuille que le vent agite est comme la montagne qui va crouler sur eux. » Et ailleurs : « Voici ce qu’on découvrait de certains héros vus de près.

2804. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Schopenhauer y voyait contenue la grande vérité« du besoin de la délivrance de l’exister et l’assouvissement de ce besoin par la négation du vouloir (IV, 733). » « C’est en concordance avec ce principe que, dans l’Évangile Chrétien, la sainteté de la souffrance nous est démontrée, et que la Croix, ce chef-d’œuvre de souffrance, est le symbole primordial de la religion chrétienne. » Wagner (1880) : « Un être a pris pour lui le péché énorme de tout ce qui existe (entendre ici par péché ce que dit Calderon : le plus grand péché de l’homme est d’être ) ; il l’a expié par sa mort. […] Il reçut le prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre en 1902.Jacob Moleschott est un philosophe et un physiologiste néerlandais, à Bois-le-Duc en 1822 et mort à Rome en 1893. […] Frédéric Villot est un graveur, à Liège en 1809 et mort à Paris en 1875.

2805. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Darius n’était pas dans la pourpre ; il avait agi, administré, combattu avant de monter sur le trône. […] L’Histoire, créée par la Grèce, et encore à naître, n’aurait apparu peut-être qu’après de longs siècles. […] L’architecture de l’Acropole, d’une perfection si simple et si pure, dont chaque ligne a la souplesse d’un beau rythme, aurait-elle pu naître à l’ombre des Babels massives de l’Asie ?

2806. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Or donc, un jour à déjeuner, après la signature de la paix, j’étais questionné par mon ordonnance sur la nationalité d’un de ses camarades, dans un canton avoisinant Belfort, et comme je lui disais : “Ma foi, il se peut bien qu’il devienne Prussien, mais je n’en suis pas sûr, je te dirai cela demain.” […] Il est dans Werther, quand Goethe dit par la bouche de son héros : « Cela me confirme dans ma résolution de m’en tenir uniquement à la nature. » Et il ajoute : « Toute règle, quoi qu’on dise, étouffera le sentiment de sa nature et sa véritable expression. » Mardi 28 mai On cherchait aujourd’hui les raisons de la puissance de résistance des hommes, nés autour de l’année 1800. […] Jamais les hommes de lettres ne semblent nés plus morts, qu’en notre temps, et jamais cependant le travail n’a été plus actif, plus incessant.

2807. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Nul comme cet auteur ne suscite sans cesse la sensation de la simple chaire humaine blanche, rose, rouge et molle, imbibée de sang, traversée d’os et de nerfs, arrondie en forme de membres gros ou menus, produisant cette notion presque animale de communauté, de tiède contact qui naît du milieu des foules, sur les champs de bataille, dans les hôpitaux, partout où les hommes sont prostrés ou amalgamés dans la perte de tout ce qui les érige en individualités distinctes. […] Ces êtres ainsi désignés aux sympathies par le puissant motif de la communauté charnelle, sont affectueux et bons, se tiennent encore par la bienveillance, le cordial attachement qu’ils témoignent, l’amour profond et tenace qu’ils portent au sol où ils sont nés. […] Cet homme qui jeune, fut musculeux et trapu, le visage oblong, le front bombé par les côtés et arrondi par le haut, les yeux clairs enfoncés sous les sourcils broussailleux, le nez puissant, les lèvres charnues et rondes dans la barbe épaisse, l’air énergique et mâle, brusque et bon, bien Russe, qui, noble et riche, prit part aux guerres du Caucase et à la défense de Sébastopol, qui parcourut l’Europe, mena à Saint-Pétersbourg et Moscou la grande vie du gentilhomme, qui fut cassant et orgueilleux, insolent pour Tourguénef, qui devint célèbre et dont la gloire a conquis ces dernières années la France et l’Allemagne, s’est tout à coup détourné de sa nature, de son génie, de sa renommée et contraint mystérieusement par les commandements de sa conscience, renonçant à ses habitudes, à ses appétits, à l’exercice de sa puissante intelligence, s’est retiré du monde, de l’art, de la jouissance même de ses richesses.

2808. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Le pape Léon X lui-même, ce restaurateur si platonique et si tendre des vestiges de l’esprit humain échappés à ce sac du monde, dit « qu’il a recueilli dans son enfance, de la bouche de Chalcondyle, homme très instruit dans tout ce qui concerne la Grèce, que les prêtres avaient eu assez d’influence sur les empereurs d’Orient pour les engager à brûler les ouvrages de plusieurs anciens poètes grecs, et c’est ainsi qu’ont été anéanties les comédies de Ménandre, les poésies lyriques de Sapho, de Corinne, d’Alcée. » « Ces prêtres, ajoute Léon X, montrèrent ainsi une honteuse animadversion contre les anciens, mais ils rendirent témoignage de la sincérité et de l’intégrité de leur foi. » À l’exception des études théologiques et morales, à l’exception de l’éloquence sacrée, qui débattait les questions d’orthodoxie ou de schisme entre les différentes sectes nées du christianisme, qui s’emparaient peu à peu d’une partie de l’Orient et de tout l’Occident, l’intelligence humaine, pendant ces siècles de chaos et d’élaboration, parut enfermée dans l’enceinte des temples ou des monastères. […] C’est en Italie qu’il devait naître. […] Cette vue fit naître en lui une affection qui n’a pas de nom sur la terre et qu’il conserva plus tendre et plus chaste encore durant la périlleuse saison de l’adolescence.

2809. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

De ce que le souvenir d’une sensation se prolonge en cette sensation même, on ne doit pas davantage conclure que le souvenir ait été une sensation naissante : peut-être en effet ce souvenir joue-t-il précisément, par rapport à la sensation qui va naître, le rôle du magnétiseur qui donne la suggestion. […] Sur ce fond de généralité ou de ressemblance sa mémoire pourra faire valoir les contrastes d’où naîtront les différenciations ; il distinguera alors un paysage d’un autre paysage, un champ d’un autre champ ; mais c’est là, nous le répétons, le superflu de la perception et non pas le nécessaire. […] Ramassant, organisant la totalité de son expérience dans ce que nous appelons son caractère, il la fera converger vers des actions où vous trouverez, avec le passé qui leur sert de matière, la forme imprévue que la personnalité leur imprime ; mais l’action ne sera réalisable que si elle vient s’encadrer dans la situation actuelle, c’est-à-dire dans cet ensemble de circonstances qui naît d’une certaine position déterminée du corps dans le temps et dans l’espace.

2810. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Ainsi, vous, je vous ai vue naître ; je vous ai fait jouer toute petite ; nous sommes de vieux et intimes amis, et vous m’avez souvent fait l’honneur de me prendre pour confident. […] Car, d’abord, on ne saura jamais à quel âge il est mort, et s’il est en 1807 ou en 1811. […] Il était vaincu d’avance ; et j’ai toujours été persuadé qu’il mourrait jeune. […] Elle vivait au onzième siècle et était née à Boulogne-sur-mer. […]Née de parents d’une illustre origine, elle n’était pas destinée à gagner sa vie comme une simple ouvrière.

2811. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

.) ; et dans les deux cas le comique naît, très clair et très gros, d’une disproportion prodigieuse entre le fond et la forme. […] Mais les honnêtes gens nés prosateurs n’y comprendront jamais rien et il se trouvera même, je crois, des poètes authentiques qui, tout en s’expliquant la prédilection de M. de Banville, ne la partageront point. […] Dans l’invisible essaim des condamnés à naître, Je fais grâce à celui dont je sens l’aiguillon. […] Il a vu comment naissent les religions ; il est descendu jusqu’au fond de la conscience des simples et des illuminés ; il a vu comme il faut que les hommes soient malheureux pour faire de tels rêves, comme il faut qu’ils soient naïfs pour se consoler avec cela. […] Je sais bien que le pessimisme n’est point, malgré ses airs, une philosophie, n’est qu’un sentiment déraisonnable d’une vue incomplète des choses ; mais on rencontre tout de même des optimismes bien impertinents !

2812. (1898) Essai sur Goethe

Nous sommes tous nés avec le sens de la liberté naturelle, et, nous trouvant dans un monde vieilli, il faut que nous apprenions à nous trouver bien dans ses cases étroites. […] Fille du maréchal de la cour de Schardt et d’une Écossaise, elle était née en 1742 : au moment où Goethe arriva à Weimar, elle était de sept ans son aînée, mère de sept enfants. […] Guillaume laisse échapper son secret ; comme il n’y a plus d’obstacle entre eux, ils seront l’un à l’autre : la passion la plus ardente est née de l’amour fraternel. […] J’avais la vie du Tasse, j’avais ma propre vie ; en mêlant les différents traits de ces deux figures si étranges, je vis naître l’image de Tasse, et, comme contraste, je plaçai en face de lui Antonio, pour lequel les modèles ne me manquaient pas non plus. […] Il aurait dû naître au temps où des papes lettrés et des cardinaux philosophes hésitaient entre Platon et Jésus-Christ, avant le concile de Trente : il eût alors été l’un des héros de l’humanisme, son génie se fût épanoui en fleurs superbes.

2813. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Comment s’étonner que de ces unions naissent les défaillances et les honteuses palinodies dont nous sommes témoins ? […] Voilà de ces réflexions qu’il n’est donné qu’aux apologistes trop zélés de faire naître. […] Il n’était pas pour souffrir ; — sa nature vigoureuse prit le dessus. […] Quant à Sheridan, il ne devait naître que vingt-cinq ans plus tard, et ne devait écrire sa comédie qu’en 1777. […] Naissez coiffé !

2814. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

L’imagination existe déjà là où la raison n’est pas née encore ; elle subsiste encore là où la raison n’est plus. […] « Quand je suis née, une étoile dansait. » Ce mot de Béatrice peint ce genre d’esprit poétique, scintillant, déraisonnable, charmant, plus voisin de la musique que de la littérature, sorte de rêve qu’on fait tout haut et tout éveillé, et dans lequel celui de Mercutio se trouve à sa place. […] Le besoin de chanter devient si pressant, qu’un instant après les chansons naissent d’elles-mêmes. […] Il se trouve injuste quand il voit « ces pauvres innocents tachetés, citoyens nés de cette cité déserte, poursuivis sur leurs propres domaines, et leurs hanches rondes ensanglantées par les flèches304. » Rien de plus doux que ce mélange de compassion tendre, de philosophie rêveuse, de tristesse délicate, de plaintes poétiques et de chansons pastorales. […] en 1564, mort en 1616.

2815. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

« Ce n’est qu’un peu plus tard et à un second temps que la critique est née véritablement ou s’est introduite au sein de ce groupe des poëtes romantiques. […] dans la zone méridionale de la France, il savait d’instinct les langues et les poésies du midi.

2816. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Mme Valmore, née dans la classe du peuple, était restée une âme plébéienne ; mais elle l’était sans prévention, sans parti pris, sans mettre sans cesse en avant ce qui divise et ce qui sépare. […] Née à la porte d’un cimetière, au pied d’une église dont on allait briser les saints, mes premiers amis solitaires ont été ces statues couchées dans l’herbe des tombes.

2817. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « L’Académie française »

L’ancienne Académie française, née sous Richelieu, a péri bel et bien avec le trône de Louis XVI : institution essentiellement monarchique, elle a suivi le sort de la royauté au 10 août. […] En ce temps-là, en 1817, à défaut d’autre hérésie, et les Romantiques n’étant pas encore nés ou en âge d’hommes, on s’en prenait aux disciples et imitateurs de l’abbé Delille.

2818. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

La teneur en est simple et toute militaire ; les traits mâles, énergiques, rapides, y naissent du récit : « Et tout bien débattu, depuis deux mille ans en ça n’a point, été vue une si fière ni si cruelle bataille, ainsi que disent ceux de Ravennes, que ce ne fut au prix qu’un tiercelet. […] Hâtons-nous de reconnaître qu’il y a dans le Recueil quelques agréables exceptions ; il y en a même d’assez heureuses pour faire naître une idée qu’on ne saurait tout à fait dissimuler.

2819. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

La presse n’est point si ingrate qu’on se le figure : les générations nouvelles nées et grandies depuis ces vingt dernières années sont amies du suffrage universel et ne sont point ennemies du Gouvernement qui en est issu. […] Mais les restrictions, les précautions sont tout de suite venues : après cette facilité de naître pour le journal, on semble n’avoir plus été occupé que de lui opposer la difficulté de vivre.

2820. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

à la Ferté-Milon, où il fut baptisé le 22 décembre 1639, fils d’un bourgeois du lieu, qui avait un emploi de finance, de famille janséniste par sa mère, Jean Racine resta orphelin de bonne heure, et fut élevé par sa grand’mère Marie Desmoulins. […] Philippe Quinault, en 1635, entra à l’Académie en 1670.

2821. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Le français-gaulois, si vif pour tout ce qui est détail familier, fine moquerie, trait d’humeur, idées nées du sol et qui ne nous seraient jamais venues du dehors, y tient sa place à côté de ce grand langage, fruit de l’esprit français, alors qu’il est devenu la plus pure image de l’esprit humain. […] Son recueil est semé de ces vers qui peignent sans décrire, et qui font sentir même l’impalpable, la chaleur, la fraîcheur, l’étendue : Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords des royaumes du vent77 .

2822. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

À un certain jour, au contraire, quand les livres sont assez multipliés pour pouvoir être recueillis et comparés, l’esprit veut avancer avec connaissance de cause, il songe à confronter son œuvre avec celle des siècles passés ; ce jour-là naît la littérature réfléchie, et parallèlement à elle la philologie. […] Les premiers réformateurs, Luther, Mélanchthon, Eobanus Hessus, Calvin, tous les fauteurs de la Réforme, Érasme, les Estienne, étaient des philologues ; la Réforme est née en pleine philologie.

2823. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Du souriant fracas originel haï Entre elles de clartés maîtresses a jailli Jusque vers un parvis pour leur simulacre, Trompettes tout haut d’or pâmé sur les vélins, Le dieu Richard Wagner irradiant un sacre Mal tû par l’encre même en sanglots sibyllins. […] LEIPZIG. — La maison native de Richard Wagner devant être démolie, le propriétaire a promis de conserver la chambre où le Maître est .

2824. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Les sensations de l’idiot sont aussi vives et aussi variées que celles de l’homme raisonnable : les différences naissent de la « célébration » des deux. […] Comment expliquer un cas comme celui de Laura Bridgmann, qui, née aveugle et sourde-muette, manifeste une activité intellectuelle très variée.

2825. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Il faut bien l’avouer cependant, le réalisme, comme le romantisme, est d’un travail d’idées étranger à notre pays, et que nous avons plutôt dénaturé qu’élargi ou continué. […] L’étude mal comprise a produit l’archéologie équivoque, et de l’érudition fantasque est née la fausse poésie.

2826. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

La poésie de la plainte naissait d’elle-même sur les lèvres de ces prêtresses du deuil ; une Muse douloureuse entrait dans leur âme et leur inspirait des chants pathétiques ; le lit funéraire était leur trépied. […] Les entrailles dont nous sommes nés tous deux ont une grande puissance, enfants d’une mère malheureuse, d’un père malheureux.

2827. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

en 1741 dans un village près de Clermont en Auvergne, il se nommait d’abord Nicolas ; c’est sous ce nom qu’il fit ses études à l’université de Paris, au collège des Grassins, en qualité de boursier, et qu’il remportait tous les prix. […] Dans les naïvetés d’un enfant bien , il y a quelquefois une philosophie bien aimable.

2828. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Emmanuel-Joseph Sieyès, que nous avons vu mourir le 20 juin 1836, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, était à Fréjus, dans le Var, le 3 mai 1748, ce qui lui donne quarante ans accomplis lorsque la Révolution de 89 éclata. […] Sieyès était un esprit maître, si on peut ainsi parler ; et il refaisait la plume à la main chacun des ouvrages de métaphysique ou d’économie politique qu’il lisait.

2829. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Ce monde, cette franc-maçonnerie de la réclame règne et gouverne, et défend la place à tout homme bien . […] — En quel mois êtes-vous  ?

2830. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

D’ailleurs, une critique un peu large et qui se pique de justice n’a point à faire de chicanes à des facultés qui naissent tard, pourvu qu’elles naissent ; à des œuvres inespérées et qui rompent une série de travaux sur lesquels on pouvait compter, pourvu toutefois que l’œuvre nouvelle vaille ce qu’on perd dans un autre ordre.

2831. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Les personnages de roman1 Comment naissent les personnages de roman ; comment ils s’appellent et se groupent pour composer le drame, c’est ce que je voudrais essayer de dire. […] Les personnages sont nés, ils vont grandir et se parfaire doucement, sans effort, comme sans arrêt.

2832. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Avant de naître, l’homme parcourt, au physique, les étapes successives de l’animalité ; de sa naissance à sa mort, par la jeunesse, l’âge mûr et la vieillesse, il parcourt aussi les trois étapes que j’ai distinguées dans l’évolution d’un principe. […] Plusieurs ne s’écrient-ils pas : « J’aurais dû naître trente ans plus tôt, trente ans plus tard » ?

2833. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Quand M. de Chateaubriand, bien autrement artiste que madame de Staël, voulait s’enfermer dans l’art pur, il composait son poème des Martyrs, qui ressemble si peu au monde dans lequel il vivait, qui se détache si complètement des affections et des sympathies contemporaines ; véritable épopée alexandrine, brillante, érudite, désintéressée ; hymne auguste du loisir, de l’imagination, de l’étude, et consacrant un passé accompli ; groupe harmonieux en marbre de Carrare restitué par le plus savant ciseau moderne sur un monument des jours anciens.

2834. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Il sent qu’elles ne peuvent s’en passer, et cette idée fait naître en lui la tentation de le refuser.

2835. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Mais elle appartenait à cette noblesse née pour les armes et qui ne rêvait qu’aventures et coups d’épée.

2836. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre I. Vue générale »

Le moins que l’esprit français puisse faire pour reconnaître cette universalité de domination qu’on lui cède, c’est de tenir les sociétés qui l’adoptent en même estime que celle où il est .

2837. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Bossuet nous parle de l’ennui qui est naturel à toute âme bien née. « Quelle solitude que ces corps humains ! 

2838. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

On dirait, par moments, que le rôle de thaumaturge lui est désagréable, et qu’il cherche à donner aussi peu de publicité que possible aux merveilles qui naissent en quelque sorte sous ses pas.

2839. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Nées à l’état d’utopies, réussissant par leur exagération même, les grandes fondations dont nous venons de parler ne remplirent le monde qu’à condition de se modifier profondément et de laisser tomber leurs excès.

2840. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

« Vous prétendez, madame, que le nous parle de cette autorité inhérente à la personne, distincte de celle qui naît du pouvoir donné par la république, et que je vous en dis quelque chose qui n’ait jamais été dite.

2841. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Monsieur de Montausier était à Rambouillet, il n’apprit pas cette affaire. » Le duc de Saint-Simon a aussi parlé des avanies du marquis de Montespan ; mais, seulement en 1673, il n’en a parlé que plus de vingt années après, et sur des traditions fort suspectes ; l’on verra même qu’il en a adopté de fabuleuses ; il n’aimait pas M. de Montausier, et n’était pas fâché de trouver la duchesse de Montausier digne de reproches auxquels son mari n’aurait pas été étranger.

2842. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre II. Le Bovarysme comme fait de conscience son moyen : la notion »

Je sais que les sauvages relèvent à de certains indices les traces des animaux qu’ils poursuivent à la chasse, voici une notion : mais si quelque explorateur cite devant moi quelque fait de ce genre, l’image notion qu’il me transmettra avec les mots du récit sera bien loin d’éveiller dans mon intelligence une image réelle aussi précise et aussi riche que celle qui naîtrait dans l’intelligence d’un sauvage.

2843. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Ce corps eut une enfance, une jeunesse, un âge mûr souvent, une vieillesse parfois ; il fut un homme, lit partie d’une famille, naquit et vécut dans une patrie, eut tels parents, tels amis, tels contemporains ; la carrière de cet être fut mêlée d’infortunes et de joies, de hasards et d’habitudes ; il subit et exerça des influences spirituelles ; il reprit l’œuvre artistique à un point donné et en porta le progrès à tel autre point ; cette entité intellectuelle dont on a désigné d’abord la configuration totale et générale, avec toutes ses acquisitions et toute son innéité, eut une évolution, fut jetée dans le compromis de résistances et d’adaptations qu’est la vie, fut fait d’originalité et d’imitation comme tout individu vivant, mêla sa tâche de redites et de trouvailles.

2844. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Est-ce sur de pareilles suppositions qu’on doit établir le précepte de la modération, précepte qui naît d’une des lois de notre nature, et que nous ne pouvons presque jamais violer sans en être punis ?

2845. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIII. Henry Gréville »

Seulement, si l’œuvre n’est pas ce qu’elle aurait dû être, on voit — avec regret — ce qu’était primitivement la tête de la femme qui l’a conçue et la santé d’un esprit dans lequel la grande idée de la Chute et du Péché originel, si impopulaire et si insultée en ce temps de bâtardise et de révolte orgueilleuse, est restée debout, comme une colonne, dans le vide des autres idées écroulées, qui auraient pu la corroborer et la soutenir… II Mais cette tête que je crois née très bien faite, a été pétrie par le monde moderne qui l’a déformée et appauvrie.

2846. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Quel que soit le talent dont elles peuvent briller, ces espèces d’Études historiques nées à propos d’une question contemporaine, filles de l’occasion politique, ne valent pas pour la durée le moindre livre d’histoire.

2847. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

dans les ruisseaux de Paris, que Madame de Staël aimait seulement rue du Bac, François Villon (qu’on me permette ce mot moderne), le voyou du xve  siècle, l’escholier qui ne fut jamais maître, si ce n’est en poésie, est resté toujours un peu vautré dans la bouc noire de son origine et masqué comme un marmouset par cette fange, quoiqu’à plusieurs reprises un rayon d’or soit tombé sur lui.

2848. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Il est vrai qu’il était sur la terre des granits et des chênes.

2849. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

… Spontané de génie sur mer, comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître ; inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire, et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fît se donner sans se reprendre, — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour, car derrière lady Hamilton il y a Caracciolo ; derrière le vice il y a un crime ; derrière le serment profané de l’époux à l’épouse, il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

2850. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Henri de L’Épinois » pp. 83-97

de l’aumône ramassée dans le sang des martyrs, — car les premiers Fidèles, au temps des persécutions et jusque dans les catacombes, portaient leurs offrandes aux évêques et aux prêtres, « et, outre les objets mobiliers, — dit M. de L’Épinois, — ils donnaient des biens territoriaux dont les revenus servaient à l’entretien des clercs », — ce gouvernement temporel ne cessa jamais de représenter la justice, la miséricorde et l’action morale sur la terre.

2851. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

… Spontané de génie sur mer comme le grand Condé le fut sur terre, pour être Nelson, comme l’autre fut Condé, s’étant tout simplement donné la peine de naître, inspiré, illuminé, rapide, Nelson fut d’âme ce qu’il était de génie, tout aussi naïf, tout aussi involontaire et tout aussi résolu à aller devant lui à travers tout obstacle, et ses fautes mêmes vinrent de cette spontanéité téméraire de cœur qui le fit se donner sans se reprendre — candide jusqu’à l’aveuglement — à une femme qui l’a déshonoré un jour ; car derrière Lady Hamilton il y a Carracciolo, derrière le vice il y a un crime, derrière le serment profané de l’époux à l’épouse il y a le serment militaire, le serment de l’homme aux hommes, honteusement violé !

2852. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

C’était plus étonnant que Jasmin le coiffeur, que Reboul le boulanger, que Mangiamel l’arithméticien, ce pauvre prêtre de campagne, parachevé érudit en vingt ans, on ne sait comment, mais qui certainement s’était donné plus que la peine de naître.

2853. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Mais Cabanis allait naître, Cabanis, qui, sous une phraséologie encore plus lâche que honteuse, devait nous donner la pensée, comme une sécrétion du cerveau !

2854. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

Pour moi, il n’était pas pour être nettement et absolument supérieur dans l’ordre de la pensée comme il eût pu l’être dans l’ordre de la sensation et du sentiment.

2855. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

L’impression qu’on a fait naître en eux est perdue.

2856. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Notre amitié naquit de l’admiration.

2857. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Eugène Sue, riche, et qui ne se chercha que quand il n’eut plus rien, ne s’est jamais trouvé.

2858. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Et cependant, il n’est pas pour cela, et il est impossible de le croire, une originalité pure, une spontanéité, une force de talent vierge ; il ne s’est pas donné seulement la peine de naître, il s’est donné celle de bien autre chose !

2859. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Ils la plaquent de rouge, cette pauvre imagination, qui est née très-fraîche, et ils la flétriront, s’ils continuent, car il n’y a pas de mensonge innocent, et on porte la peine de son fard comme de ses autres menteries, mais enfin ils en ont !

2860. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Alexandre, passionné pour la poésie, comme pour toutes les grandes choses, avait recueilli les tragédies d’Eschyle, de Sophocle, d’Euripide, toutes les œuvres des grands poëtes du même âge ; mais il ne leur faisait pas naître de rivaux.

2861. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Cette strophe si vive, si alerte, est-elle née sans effort ? […] C’est en Grèce qu’il est , c’est en Grèce qu’il voudrait mourir. […] Cette passion, qui ne dit rien au cœur, parce qu’elle ne vient pas du cœur, qui naît d’une lecture et se révèle dans une amplification d’écolier, ne peut attendrir personne. […] Pourquoi faut-il que je sois forcé de juger l’œuvre du poète aussi sévèrement que l’action, à jamais regrettable, sans laquelle cette œuvre ne serait pas née ? […] L’image naît de la pensée, la pensée appelle l’image et n’est jamais appelée par elle.

2862. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Le poète, vers 1790, avait alors plus de cinquante ans. […] Avec la sorte d’imagination que la nature lui avait départie, la classe intermédiaire où il était devait lui fournir l’occasion d’une torture constante. […] Avec Hugo, une rhétorique nouvelle était née, toute en couleurs et en formes, et qui avait poussé jusqu’à la virtuosité le talent de peindre par les mots. […] Flaubert, ce poète lyrique, d’un médecin et grandi dans un hôpital, l’avait trouvée toute faite en lui, cette synthèse du romantisme et de la science. […] Il était donc inévitable qu’un renouveau de cette foi romantique se produisît à une date fixe, et c’est ainsi que naquit le Parnasse.‌

2863. (1925) Comment on devient écrivain

Vous êtes peut-être pour être un écrivain de troisième ordre, comme tel autre est peut-être pour être un écrivain de premier ordre. […] La beauté naît encore de ce que les traits, tous copiés sur la réalité, sont cependant choisis, sinon modifiés… La beauté est encore dans les forces naturelles et fatales que le roman réaliste est toujours amené à peindre. […] », la question est jugée : vous n’êtes pas pour le roman.‌ […] Née avec Du Perron au seizième siècle, l’éloquence de la chaire mit longtemps à dépouiller la vulgarité qui déshonora les premières improvisations bouffonnes des prédicateurs mendiants.‌ […] Un volume entier n’aurait pas eu plus de retentissement que le fameux article de Chateaubriand dans le Mercure : « En vain Néron prospère, Tacite est … » L’avènement des feuilles d’information, la partie matérielle, publicité, dépêches, nouvelles, ont rejeté au second plan l’importance de l’élément littéraire, et peu à peu supprimé le rôle du talent personnel dans la presse.

2864. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Cet homme a l’accent étranger, c’est-à-dire, qu’il a des inflexions de voix & une maniere de parler, qui n’est pas celle des personnes nées dans la capitale. […] Il n’y a pas cent ans qu’on écrivoit il ha, nous écrivons il a ; on écrivoit il est nai, ils sont nais, nati, nous écrivons ils sont nés ; soubs, nous écrivons sous ; treuve, nous écrivons trouve, &c. […] Quelquefois nous sommes surpris de l’effet imprévu d’une cause, d’où nous nous attendions à voir naître un effet tout opposé : c’est qu’alors d’autres causes imperceptibles s’étant jointes avec cette premiere à notre insu, en changent la détermination. […] Comme la société civile ne sauroit employer trop de moyens pour faire naître dans le coeur des hommes des sentimens, qui d’une part les portent à éviter le mal qui est contraire à cette société, & de l’autre les engagent à pratiquer le bien, qui sert à la maintenir & à la rendre florissante ; de même l’art de la parole ne sauroit nous donner trop de secours pour nous faire éviter l’obscurité & l’amphibologie, ni inventer un assez grand nombre de mots, pour énoncer non seulement les diverses idées que nous avons dans l’esprit, mais encore pour exprimer les différentes faces sous lesquelles nous considérons les objets de ces idées.

2865. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Le roman de mœurs pullule en Angleterre, et il y a de cela plusieurs causes : d’abord il y est , et toute plante pousse bien dans sa patrie. […] Alcide de Mirobolan, cuisinier français, artiste en sauces, qui déclare sa flamme à miss Blanche au moyen de tartes symboliques, et se croit un gentleman ; Mme la majoresse O’Dowd, sorte de grenadier en bonnet, la plus pompeuse et la plus bavarde des Irlandaises, occupée à régenter le régiment et à marier bon gré mal gré les célibataires ; miss Briggs, vieille dame de compagnie, née pour recevoir des affronts, faire des phrases et verser des larmes ; le Docteur, qui prouve à ses élèves mauvais latinistes que l’habitude des barbarismes conduit à l’échafaud. […] Ainsi née et élevée, sa corruption est naturelle. […] Le mal et le bien, le beau et le laid, le rebutant et l’agréable, ne sont donc en lui que des effets lointains, d’importance médiocre, nés par la rencontre de circonstances changeantes, qualités dérivées et fortuites, non essentielles et primitives, formes diverses que des rives diverses peignent dans le même courant.

2866. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

C’est la guerre, assure-t-il, qui l’a transformé, qui a éveillé au fin fond de lui, l’idée qu’il pouvait mourir, sans avoir rien fait, sans rien laisser de durable… Alors il s’est mis au travail, et avec le travail, est née chez lui l’ambition littéraire. […] Samedi 14 mars La reprise d’Henriette Maréchal, de cette pauvre et innocente pièce, sans grande audace, sauf dans le premier acte, a fait revivre dans la presse, les haines que mon frère et moi avions fait naître, au plus beau temps de notre littérature bataillante. […] » phrase qui faisait naître dans l’esprit de l’enfant, l’idée d’une localité, où son oncle se rendait la nuit. […] Samedi 4 juillet Un blagueur de toute croyance, de toute conviction, de tout dévouement, et apportant dans son irrespect une ironie du ruisseau, l’ironie toute personnelle à la race parisienne, à l’homme à Paris, ce blagueur, pendant que je le voyais dire ses voyouteries, me faisait revenir sous les yeux, la belle composition de Prud’hon, qui représente Cérès dans la recherche de sa fille, changeant en lézard, le jeune Stellion se moquant de l’avidité de la faim de la déesse, en train de courir la Terre et les Enfers : — car c’était curieux, il y avait dans la bouche du blagueur, la même déformation que montre celle de Stellion, dans l’estampe de Copia.

2867. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il nous montre le monde sortant des mains de Dieu par un effet de sa Toute-puissance ; l’homme pour être juste & heureux, frappé de malédiction ; son Libérateur promis & annoncé dans tous les siécles aux Patriarches & aux Prophêtes ; sa venue dans ce monde au tems marqué ; sa Religion prêchée & reçue dans tout l’univers ; les Empires qui s’élévent & qui tombent successivement. […] Après lui vint Thucydide, à Athènes sous la soixante & seiziéme Olympiade. […] Elle n’en diminue pas l’agrément ; mais elle est propre à faire naître les soupçons de ceux qui s’en apperçoivent. […] Il ne manque aucune occasion de placer dans son histoire des discours qui, sans donner une idée bien favorable de son éloquence, en font naître une très-désavantageuse de son jugement.

2868. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

II y a encore beaucoup à faire, et il y aura toujours beaucoup ; et à celui-là même qui naîtra après mille siècles, l’occasion ne manquera jamais d’ajouter encore quelque chose de nouveau.

2869. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) «  Poésies inédites de Mme Desbordes-Valmore  » pp. 405-416

a gémi d’être née.

2870. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Raspail supposait que Mme Valmore était Flamande d’au-delà de la frontière, et née en Belgique ; il ne savait pas qu’elle était de Douai.

2871. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Déplace, à Roanne en 1772, était de ces hommes qui, pour n’avoir jamais voulu quitter le second ou même le troisième rang, n’en apportent que plus de dévouement et de services à la cause qu’ils ont embrassée.

2872. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Or, ces progrès tiennent nécessairement à toutes les pensées qui doivent mener la réflexion beaucoup au-delà des sujets qui l’ont fait naître.

2873. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Souvent un autre fait sera mieux dans son jour étant mis en arrière : en se présentant plus tard, il viendra plus à propos pour faire naître d’autres événements.

2874. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Orgueilleux, il craignait d’autant plus d’être ridicule ; sensible, il souffrait d’autant plus de cette crainte ; clairvoyant, il rencontrait partout des occasions d’en souffrir, ou même les faisait naître.

2875. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Et j’ai songé : « Admirons les effets de la grâce divine, ou simplement peut-être de cette douceur, de cet assagissement, de cette résignation, de cette sérénité qu’apporte l’expérience aux âmes bien nées !

2876. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

Il vous arrive pourtant de travailler sans conscience et de déclarer, étourdi : « Nous sommes nés originairement… » Il vous arrive aussi, stendhalien infidèle, de vous égarer vers des métaphores où nul guide ne vous conduit.

2877. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

La religion est un fait humain, un acte primitif de la raison et du cœur, qui naît spontanément et qui s’organise spontanément, tout comme la société, la famille, l’art, le langage.

2878. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

De-là sont nées les chansons ; et l’observation qu’on aura faite, que les paroles de ces chansons avoient bien une autre énergie lorsqu’on les entendoit chanter, que lorsqu’on les entendoit déclamer, a donné lieu à mettre des récits en musique dans les spectacles, et l’on en est venu successivement à chanter une piece dramatique en entier.

2879. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Mais la mode de prendre l’un et l’autre y finit avec le regne de ce prince, qui aimoit les gascons et qui les avançoit préferablement à ses autres sujets, parce qu’il étoit et parce qu’il avoit été élevé dans leur païs.

2880. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Mme de Staël, ce Diderot-femme et qui, parce qu’elle était femme, valait mieux que Diderot, a, offert le même spectacle que Diderot, dont Mme Necker disait, sans regarder sa fille : « Il n’eût pas été si naturel, s’il n’avait pas été si exagéré. » Mlle Delphine Gay, qui a presque failli être Corinne Gay, mais que l’esprit, l’esprit grandi et trempé, comme un acier, dans la vie, a sauvé du vertige, au bord du ridicule, Mlle Delphine Gay, cette de Staël, blonde et belle, et qui faisait des vers, trois supériorités qui eussent passionné, jusqu’à la petitesse de la jalousie, la grande âme de Mme de Staël, mais qui n’en restera pas moins inférieure à Mme de Staël, malgré ces trois supériorités, Mlle Gay, née à Aix-la-Chapelle, fut baptisée, dit-on, sur le tombeau de Charlemagne et élevée à l’ombre de ce cap Misène, peint par Gérard, qui, alors, projetait sa cime lumineuse sur toutes les imaginations.

2881. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Mathilde de Toscane41 I Le premier mot de la préface de ce livre sur Mathilde de Toscane 42, c’est que, « s’il emprunte aux circonstances actuelles un intérêt de plus, il n’est pas du moins de ces circonstances ».

2882. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Ernest Semichon n’a point coupé l’herbe sous le pied des historiens qui demanderaient à naître.

2883. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Sixte-Quint et Henri IV »

D’un autre côté, l’idée de l’égalité de toutes les religions devant le pouvoir politique et civil n’était point née.

2884. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

… « Madame de Condorcet — dit Michelet — avait la mélancolie d’un jeune cœur auquel quelque chose a manqué… L’enfant, le seul enfant qu’elle eut, naquit neuf mois après la prise de la Bastille… Ce fut elle qui donna à Condorcet le sublime conseil de… terminer l’Esquisse des progrès de l’esprit humain. » Tels sont les seuls et singuliers mérites de Sophie Condorcet que Michelet a pu trier dans toute sa vie, et c’est sur ce triple mérite que l’hagiographe exécute l’assomption de cette glorieuse sainte.

2885. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Femme au XVIIIe siècle » pp. 309-323

Au lieu de choisir, acceptant tous les sujets, et préférant même les plus bas aux plus nobles : « J’ai pensé — a dit l’un d’eux — que les larmes avaient assez coulé en haut, et qu’il fallait les faire couler en bas. » De ce jour-là, le réalisme était , et ils le lançaient dans le monde.

2886. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Il s’est donné simplement la peine de naître, et tout de suite il a été heureux et glorieux… par les autres.

2887. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Grâce à Fréron et à Grimm, l’un dans son Année littéraire, l’autre dans sa Correspondance, le journalisme était en littérature ; mais pour qu’il devînt le journalisme politique, le journalisme tel que le conçoit et l’a réalisé l’esprit moderne, il fallait que la Révolution éclatât.

2888. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

L’enfant de ces horribles accointances, ce fut la Terreur, — la Terreur, plus laide que sa mère, et qui lui répercuta si violemment sa hideur agrandie, que la Révolution, affolée de ce qu’elle avait fait, mit les poings dans ses yeux pour ne pas la voir et lui cria… « Tu n’es pas ma fille ! 

2889. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Xavier Eyma » pp. 351-366

… D’où qu’elle vienne, c’est prodigieux, La contradiction est si pressée de naître dans le livre de Xavier Eyma, qu’elle arrive même avant le livre !

2890. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

les choses qu’on n’est pas pour faire, on les outre et on les fait mal.

2891. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

avec les manières de sentir du génie, Balzac voulut de bonne heure mettre à l’abri des froissements d’une condition médiocre ces manières de sentir qui le faisaient ce qu’il était, — et une spéculation de librairie, qu’il avait rêvée comme il rêvait ses livres, n’ayant pas réussi, il fut obligé toute sa vie de traîner l’horrible boulet de la dette, dont il se jura de briser la chaîne, à force de volonté, et avec cette plume qui, dans sa main, fut la massue d’Hercule.

2892. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Née trop tard, en 1714, car elle semble du siècle précédent, elle a sur ce front que recouvre son bonnet à bec quelque chose de Madame de Maintenon, un reflet adouci et diminué de cette grande femme.

2893. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

En 1814, Benjamin Constant, en 1767, n’était plus un jeune homme.

2894. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Une des raisons probantes du génie d’Hoffmann que nous donne Champfleury dans cette introduction, est l’effet produit par les Contes fantastiques sur la mémoire des enfants : « Celui de mes lecteurs qui est assez jeune — dit-il — pour avoir lu Hoffmann étant enfant, doit avoir dans une des cases de son cerveau quelques personnages bizarres, quelque souvenir de maisons étranges », et, pour élever son idée à la majesté d’un axiome et glacer l’objection, qu’il ne glacera pas, il ajoute carrément : « Tout ce qui s’oublie n’est pas viable », ce qui peut très bien être une fausseté, si ce n’est pas une simplicité, ce que les Anglais appellent un truism.

2895. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de Lord Byron resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs, dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : « Je nais ici, et c’est là que je puis mourir. » Comme les héros de Lord Byron, Guy Livingstone est un de ces Puissants taillés pour l’Histoire, et qui les jours où l’Histoire se tait, — car il y a de ces jours-là dans la vie des peuples, — débordent de leur colosse inutile le cadre de la vie privée.

2896. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Vera est d’Hegel ou pour Hegel.

2897. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XII. MM. Doublet et Taine »

Si on appliquait à l’auteur des Philosophes français un des procédés de son livre qui consiste à changer un homme de place, — à faire naître M. 

2898. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Ainsi, quand il dégage (page 54, 2e vol.) le rapport saisissant de la règle de saint Benoît et de la Féodalité qui va naître, il est frappant, mais il exprime, de son aveu, une idée du P. 

2899. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

Cela ne retentit plus… La Vie de Jésus avait dévoré d’avance tout le scandale qui pouvait naître des Origines du Christianisme comme M. 

2900. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

ou l’histoire de ce Visionnaire prodigieux, en pleine époque rationaliste et rationaliste lui-même, quoique visionnaire, cette histoire, difficile à écrire et plus difficile à comprendre, soulève-t-elle trop de questions pour que la Critique, ce feu follet du feuilleton, s’attache à ces questions et les éclaire de son phosphore de passage ?

2901. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

« L’homme ayant toujours — nous dit-il — une disposition quelconque », ce qu’il n’est pas très téméraire d’affirmer, et la culture de cette disposition étant un remède assuré contre les maladies à naître, il avait cultivé les siennes, qui étaient celles d’un grand médecin, comme vous voyez.

2902. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Victor Cousin »

Il était , je crois, pour être un excellent vulgarisateur.

2903. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

C’est le fondateur de la seconde Église, dans laquelle Guizot est .

2904. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Marquis Eudes de M*** »

Il collationne les traits des voyageurs contemporains les plus distingués, et partout il rencontre, sur toutes les latitudes, cette notion d’esprit si désagréable à la philosophie, l’ennemie née du surnaturel.

2905. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Je sais trop de quoi il est fait pour annoncer qu’il vient de naître un homme de génie de plus à la littérature française, et pourtant il est vrai de dire que le Poème humain de Gustave Rousselot, malgré les énormes défauts que j’y signalerai tout à l’heure, a plusieurs des qualités fortes qui constituent le génie poétique, et je suis d’autant moins suspect lorsque j’affirme qu’il les a, que le poème en question, avec son titre que je n’aime pas, est écrit tout entier dans une inspiration que je déteste.

2906. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

En vérité, quand on lit quelques-uns des sonnets du recueil qu’il publie aujourd’hui, on se dit que l’Inspiré doit être bien près du Volontaire dans le nouveau poète qui vient de nous naître, et que le souffle sacré, — qu’on a ou qu’on n’a pas, mais qu’aucun travail ne donne quand il manque, — doit reposer en puissance, dans l’homme qui a écrit des vers comme ceux-ci, en attendant l’heure des œuvres vastes : Toi, Moi.

2907. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Théodore de Banville »

Hugo, c’est l’emphase et c’est l’antithèse, — ce qui n’est pas très gai, — et de Musset, c’est la passion et c’est la finesse, qui ne fait pas rire, mais qui fait sourire, comme faisait sourire Marivaux et la délicieuse mademoiselle Mars, née pour ajouter à ce sourire !

2908. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

… Amédée Pommier était de cette génération d’hommes nés pendant l’Empire, qui semblent avoir gardé sous leur peau un peu de la trempe bronzée des canons du temps.

2909. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

… Mais jusque dans cette hypothèse l’analyse serait allée trop loin, et le moraliste mâterait l’artiste, — ce qui peut augmenter le nombre des étonnements que fait naître le livre de M. 

2910. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

Chatrian avait pu naître avant qu’Hoffmann ou Edgar Poe ne l’eussent précédé, il aurait fait une bonne partie de tout l’effet qu’il ne fait pas.

2911. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Armand Pommier » pp. 267-279

l’écueil de ce genre de composition sera toujours le bas prix auquel il met la curiosité et l’émotion qu’il fait naître.

2912. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Guy Livingstone est le frère du Giaour, de Lara, de Conrad le Corsaire, moins coupable sans doute que ces sombres figures de la Force blessée au cœur et qui continuent de vivre avec la fierté de la Force jusqu’au moment où, d’un dernier coup, Dieu les achève… C’est un héros de lord Byron, resté au logis (at home), dans son ordre social, qui a été très-bon pour lui et qui lui a donné à peu près tout ce que l’ordre social peut donner : la naissance, la fortune, l’éducation, les relations, tout ce qui s’ajoute à la force individuelle dans un pays où l’ordre social est si bien fait, qu’un homme s’y dira, avec la certitude qu’on n’a jamais ailleurs dans les pêles-mêles que l’on prend pour les sociétés : Je nais ici, et c’est là que je puis mourir.

2913. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Au onzième, l’exemple et la rivalité des Arabes, et quelques voyages en Orient, firent naître en Europe l’idée de s’instruire ; ce fut l’époque de cette science barbare, nommée scolastique ; l’esprit s’exerça et ne s’éclaira point.

2914. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Au milieu de ce grand peuple accru des dépouilles de l’ancien monde et des inventions puissantes de chaque jour, parmi ces ouvriers de la onzième heure qui achèvent si vite leur tâche et reçoivent un plein salaire, dans cette nation rude et savante, nouvellement née et pleine d’expérience, enorgueillie de sa force comme de la magnifique nature subjuguée par ses arts, la poésie de l’âme, nourrie par la religion, la patrie, la famille, ne peut manquer un jour d’avoir son Orient et son Midi.

2915. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Paul Bourget nous montre ce qui se passe dans ces trois âmes tourmentées, et c’est de la révélation qui doit fatalement se faire que naissent les grandes scènes de son livre. […] C’est de cette réformation, de cette idée d’un schisme possible, qu’est le livre très développé, je n’ose pas dire le roman, de M.  […] Il a fort régulièrement, pendant vingt ans, payé une pension à son ancienne maîtresse, sans se soucier autrement de l’enfant d’une union passagère. […] Madame Adam est née sous une étoile heureuse qui, entre autres dons précieux, lui a accordé la bonté et la philosophie. […] » Et à côté de ces horreurs s’étale à chaque pas l’insouciance, née de l’habitude de tels spectacles.

2916. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

L’auteur de Cinq-Mars est à Loches, en Touraine, en 1798. […] Il prévoit les passions qui ne sont pas encore nées. […] Qui voudra croire à cette fille si belle, née d’un père si repoussant ? […] Quand le plus grand nombre sera venu à nos convictions, alors le poète naîtra. […] Je n’aperçois pas la connexion intime qui unit ces idées, si toutefois ce sont des idées, à la date qui les a vues naître.

2917. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Il a eu le rare bonheur de se trouver dans des circonstances en harmonie avec son genre de talent : il était pour écrire des feuilletons. […] Quant aux héroïnes de Corneille, il serait difficile de décider quel est leur pays : la plupart ne sont pas même des femmes ; elles sont nées de l’imagination de Corneille. […] Cet abus est de l’ambition combinée avec l’impuissance, du goût de nos auteurs modernes pour les capucinades philosophiques, et de leurs fausses prétentions à la réforme des mœurs. […] C’étaient les tragédies du moment où elles sont nées ; elles flattaient alors l’effervescence d’une nation égarée ; elles enflammaient tous les esprits faux. […] Le nœud de la pièce est formé par les intrigues d’Arsinoé pour perdre le prince d’une première épouse de Prusias.

2918. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Qu’est-ce que des dieux qui n’ont point fait l’homme, nés comme lui dans la succession des siecles, et multipliés par les mariages, à la maniere des races humaines ? […] Il s’adresse d’abord à Ulysse, ne daignant pas seulement parler au superbe Achille ; et s’il s’échape ensuite à lui reprocher directement son orgueil, c’est par l’impétuosité du dépit même : je ne desirerois qu’une chose dans son discours ; c’est qu’il finît par un trait d’indignation, qui soutînt dans l’ame du lecteur le même mouvement que le reste y fait naître. […] De-là, sont nés les commentateurs qui n’ont entrepris d’expliquer Homere, que dans la ferme résolution de tourner toutes ses pratiques en préceptes. […] Les sons d’une langue sont indifférens, du moins pour ceux qui n’en sçavent point d’autres ; ils ne nous plaisent ou ne nous choquent, que par le sens que nous y attachons ; car enfin ils ne sont que l’occasion arbitraire de nos idées ; c’est de ces idées seules que naissent nos plaisirs et nos dégoûts, et il ne tiendroit qu’à nous de faire un beau mot de celui de porc ; et un mot désagréable de celui de coursier : il ne faudroit pour cela, qu’en changer le sens, et faire que l’un signifiât ce que signifie l’autre ; peut-être faudroit-il encore (tant nous sommes sujets à la prévention) effacer jusqu’au souvenir de leurs anciens usages qui pourroit nous faire encore quelque peine. […] C’est de cette émulation imprudente que sont nés La Pucelle, Clovis, S.

2919. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Ce pouvait même être, tirée du fond de l’âme à la lumière de la conscience, une personnalité qui naissait en nous, que nous sentions capable de nous envahir tout entiers plus tard, et à laquelle nous voulions nous attacher pour le moment comme fait le disciple au maître. […] Quiconque s’exerce à la composition littéraire a pu constater la différence entre l’intelligence laissée à elle-même et celle que consume de son feu l’émotion originale et unique, née d’une coïncidence entre l’auteur et son sujet, c’est-à-dire d’une intuition. […] Au respect de soi que professe tout homme en tant qu’homme se joint alors un respect additionnel, celui du moi qui est simplement homme pour un moi éminent entre les hommes ; tous les membres du groupe « se tiennent » et s’imposent ainsi une « tenue » ; on voit naître un « sentiment de l’honneur » qui ne fait qu’un avec l’esprit de corps. […] Elle serait de médiocre importance pour une philosophie morale qui accepterait sans discussion la croyance à l’hérédité de l’acquis : l’homme pourrait alors naître aujourd’hui avec des tendances très différentes de celles de ses plus lointains ancêtres. […] La prétention de fonder la morale sur le respect de la logique a pu naître chez des philosophes et des savants habitués à s’incliner devant la logique en matière spéculative et portés ainsi à croire qu’en toute matière, et pour l’humanité tout entière, la logique s’impose avec nue autorité souveraine.

2920. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Arthur Rimbaud est d’une famille de bonne bourgeoisie à Charleville (Ardennes) où il fit d’excellentes études quelque peu révoltées. […] Mon dernier mot ne doit être, ici, que ceci : Rimbaud fut un poète mort jeune (à dix-huit ans, puisque, à Charleville le 20 octobre 1854, nous n’avons pas de vers de lui postérieurs à 1872), mais vierge de toute platitude ou décadence — comme il fut un homme mort jeune aussi (à trente-sept ans, le 10 novembre 1891, à l’hôpital de la Conception, de Marseille), mais dans son vœu bien formulé d’indépendance et de haut dédain de n’importe quelle adhésion à ce qu’il ne lui plaisait pas de faire ni d’être. […] Siméon Pécontal : Il naîtra sur un lit de chaume, Et celle qui l’aura porté, Ce roi du céleste royaume, Gardera sa virginité ; Car, à travers sa chaste mère, Passera l’enfant radieux... […] Marceline Desbordes Valmore naquit à Douai, ville triste, que pour ma part j’aime, parce que c’est presque le pays de ma mère, Arras, et qu’elle est baignée par la même Scarpe si bien célébrée par notre héroïne. […] Racine, la correction, l’érudition des fortes études, science parfaite de l’antiquité sue littéralement et comprise comme il fallait dans sa grâce absolue et sa force complète, Racine, la correction, la totale perception de la langue maternelle jusqu’à travers la plus intime connaissance des vieux auteurs et des idiomes locaux, l’esprit de son pays et de son temps, modération, circonspection même, bon sens immédiat et traditionnelle générosité, Racine, l’individualité honnêtement fine, malicieuse sans haine, qui sut mener sa vie habilement et la finir admirablement, sacrifiant d’instinct fortune, faveur, ne ménageant qu’une famille admirablement menée à bien dans la vertu et la modicité voulue, mourant, après des tendresses dominées, des ambitions tenues en bride, d’un cœur blessé, d’une âme en deuil, noblement, pudiquement ; — et Shakespeare, l’aventurier, ruiné, catholique ou protestant, qui le sait ?

2921. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

I En 1688, chez un marchand de toile rue des Lombards à Londres, naquit une petite créature délicate et maladive, factice par nature, toute fabriquée d’avance pour la vie de cabinet, n’ayant de goût que pour les livres, et qui, dès son bas âge, mit tout son plaisir dans la contemplation des imprimés. […] En ce temps-là vivait Gay, sorte de La Fontaine, aussi voisin de La Fontaine qu’un Anglais peut l’être, c’est-à-dire assez peu, à tout le moins bon et aimable vivant, très-sincère, très-naïf, « singulièrement irréfléchi, pour être dupé », et jeune homme jusqu’au bout. […] Ainsi naît la vraie poésie descriptive.

2922. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

C’est de l’accouplement de ces sons de deux sexes que naquit, selon eux, la musique, cette ineffable volupté de l’oreille. […] » VI Il y a des hommes qui naissent avec une organisation innée pour entendre, comprendre, parler et inventer à un degré infiniment supérieur au reste des hommes cette langue de la musique, plus puissante encore sur leurs propres sens que sur les sens d’autrui : ce sont les poètes du son. […] Il était à Salzbourg, charmante petite ville allemande qui tient plus du Tyrol que de la Germanie par le site, par la physionomie, par les mœurs et par la langue.

2923. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

La Société écossaise y conclut : 1º Que les chants d’Ossian sont d’une antiquité et d’une authenticité incontestables ; 2º Qu’à une époque de l’histoire très-reculée, les montagnes de l’Écosse virent naître un barde, ou poëte populaire, dont les œuvres rendirent le nom immortel et dont le génie n’a été surpassé par aucun moderne ou même ancien émule. […] C’est ici que reposent leurs cendres, Cuchullin, et ces deux ifs solitaires, nés sur leurs tombes, cherchent, en s’élevant, à unir leurs rameaux. […] Fingal, à cette vue, se lève à demi et fait un mouvement de sa lance : « Va, Ullin, mon antique barde, va trouver Gaul, rappelle à sa mémoire les combats et l’exemple de ses ancêtres : soutiens de tes chants son courage chancelant ; les chants raniment les guerriers. » Le vénérable Ullin part ; il presse ses pas appesantis ; il arrive et adresse à Gaul ces chants belliqueux : « Enfant des climats où naissent les coursiers généreux ; jeune roi des lances, toi dont le bras est ferme dans le péril, dont le courage inflexible ne cède jamais ; toi qui diriges les coups de la mort, frappe, renverse l’ennemi : que nul de leurs vaisseaux ne reparaisse jamais sur la côte d’Inistore.

2924. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

Weber restitue à l’opéra sa forme populaire originelle ; avec Meyerbeer naît l’opéra à effet, historique et mélodramatique. […] Il provient des mythes populaires et du vieux roman ; puis naît la tragédie classique française, traduction à contre-sens de théories grecques. […] Le Maître raconte ses hésitations devant l’opéra moderne : c’est un genre italien, français, mais impossible aux Allemands, De ce dégoût pour l’opéra, naît en lui l’intuition de l’œuvre future.

2925. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre V : Lois de la variabilité »

Même chez les sous-races, telles que le Culbutant à courte face, la difficulté de reproduire le type avec une irréprochable pureté est notoire, et, fréquemment, il naît des individus qui s’en éloignent considérablement. […] Dans la suite des générations, la sélection finit par l’emporter, et l’on ne saurait s’attendre à ce qu’un oiseau tel qu’un Culbutant commun naisse d’une bonne race de Courtes-Faces. […] Le colonel Poole a vu des Chevaux Kattywar gris et bais, naître distinctement rayés.

2926. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Louise Charlin, Charly ou Charlieu (on trouve toutes ces variantes de noms dans des actes authentiques), dite communément Louise Labé, était fille d’un cordier de Lyon ; elle dut naître vers 1525 ou 1526. […] Le début ressemble par l’idée au fragment de Sophocle qu’on vient de lire ; le poëte chante la Déesse qui fait naître le désir au sein des hommes et des Dieux, et chez tout ce qui respire.

2927. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre IV. Services généraux que doivent les privilégiés. »

Encore faut-il noter que, parmi ces chevaux de race, il est un troupeau privilégié qui, auprès du râtelier, écarte ses pareils et mange à pleine bouche, gras, brillant, le poil poli et jusqu’au ventre en la litière, sans autre occupation que de toujours tirer à soi. […] À la fin le troupeau écorché découvrira ce qu’on fait de sa laine. « Tôt ou tard118, dit un Parlement dès 1764, le peuple apprendra que les débris de nos finances continuent d’être prodigués en dons si souvent peu mérités, en pensions excessives et multipliées sur les mêmes têtes, en dots et assurances de douaires, en places et appointements inutiles. » Tôt ou tard, il repoussera « ces mains avides qui toujours s’ouvrent et ne se croient jamais pleines, ces gens insatiables qui ne semblent nés que pour tout prendre et ne rien avoir, gens sans pitié comme sans pudeur ». — Et ce jour-là les écorcheurs se trouveront seuls.

2928. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Dieu le sait, il n’est pas encore dans l’été de sa vie ; mais, si mon jugement ne me trompe pas, il fera ce que nous appelons de notre temps un poète intime, c’est-à-dire un de ces poètes rassasiés de la pompeuse déclamation rimée dont nos oreilles sont obsédées dans nos écoles classiques ou dans nos théâtres redondants et ronflants d’emphase ; il sera un de ces poètes nés d’eux-mêmes, originaux parce qu’ils sont individuels ; un de ces poètes qui n’ont pour lyres (comme on dit) que les cordes émues de leur propre cœur, et qui font, dans la poésie moderne, cette révolution que J. […] C’est que le cœur dormait encore dans cette jeune fille, et que la pensée était déjà tout éveillée ; ou bien peut-être la pensée n’avait-elle jamais dormi en elle, et cette créature surnaturelle était née en pensant.

2929. (1860) Cours familier de littérature. X « LXe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 401-463

Malheureusement il dure encore pour les multitudes : mais les multitudes sont nées pour être la proie des sophismes ; voilà pourquoi elles sont éternellement esclaves. […] On ne s’apercevait pas que le protestantisme, en s’étendant en Allemagne, y formait une ligue religieuse, la plus envenimée des ligues, contre l’Autriche, vieille catholique d’habitudes espagnoles sous Philippe II et le duc d’Albe ; on ne s’apercevait pas, enfin, qu’un empire mystérieux et immense était en Moscovie, grandissait en Orient et au Nord, et allait bientôt demander un espace proportionné à sa croissance en Pologne, dans la Turquie d’Europe et dans la haute Allemagne.

2930. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Défendrai-je les prix de l’Académie française, notamment les prix Bordin, Née, Marcelin-Guérin, Toirac, (ce Toirac est l’immortel auteur d’une fable : La Rose et la M…) etc, etc., en abandonnant les prix Goncourt, Vie heureuse et autres ? […] … Or, de la bonne foi des protecteurs des lettres il peut naître les plus grands désordres.

2931. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Ces jeunes gens, épris d’Homère et de Virgile, nés eux-mêmes avec le don des vers, avaient rêvé pour leur pays, appelé pour la première fois par eux du beau mot latin patria, une poésie égale à celle de ces pères de toute poésie. […] Là, dans une ode à Calliope, il reconnaît qu’elle l’avait prédestiné pour la gloire de la poésie : Certainement, avant que je fusse Pour te chanter tu m’avois ordonné Le ciel voulut que ceste gloire j’eusse, Estre ton chantre avant que d’estre né105.

2932. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

S’il a rarement l’espèce de beautés supérieures qui naissent d’un plan fortement conçu et d’un sujet traité en rigueur, ni cette perfection intérieure et secrète de l’ensemble qui se fait sentir par la réflexion, il a une diversité infinie de pensées justes, délicates profondes, qui sont comme des lumières répandues sur tout le domaine de la pensée. […] en 1513.

2933. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Ainsi est née la Question-Lohengrin. […] Il est en 1836 en Belgique et fut l’élève du graveur français Léon Gaucherel.

2934. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

A propos des Anregungen fur Kunst, Leben und Wissenschaft de Richard Pohl, il s’écrie : « En exaltant les dernières œuvres de Beethoven, aberrations d’un génie qui s’éteint et les monstrueuses combinaisons de Tannhaeuser et de Lohengrin, monuments d’impuissance à » créer dans le domaine de la noble et belle musique, les rédacteurs des Anregungen ont contribué à faire naître le doute et l’anarchie actuelle d’opinions, qui font descendre aujourd’hui » la nation allemande de la position élevée où l’avaient placée les Bach, Haendel, Gluck, Haydn, le divin Mozart et Beethoven dans sa belle époque. » Cet exemple édifiant suffit à faire apprécier le caractère spécial d’un genre de critique dont notre pays n’était pas seul, d’ailleurs, à montrer les effets. […] Léon Leroy, dans le numéro de fête de Bayreuth ; Seghers est à Bruxelles le 17 janvier 1801.

2935. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ainsi, quand ils viennent rendre compte de ce qui s’est passé sous leurs yeux, ils sont dans cet état de trouble qui naît du mélange des passions. La douleur, le désir de faire passer cette douleur chez les autres, la juste indignation contre les auteurs du désastre dont ils viennent d’être témoins, l’envie d’exciter à les en punir, et les divers sentiments qui peuvent naître des différentes raisons de leur attachement à ceux dont ils déplorent la perte : toutes ces raisons agissent en eux, en même temps, indistinctement, sans qu’ils le sachent eux-mêmes, et les mettent dans une situation à peu près pareille à celle où Longin nous fait remarquer qu’est Sapho, qui, racontant ce qui se passe dans son âme à la vue de l’infidélité de celui qu’elle aime, présente en elle, non une passion unique, mais un concours de passions.

2936. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

Ce flexible Protée était pour séduire : Fort de tous les talents, et de plaire et de nuire, Il sut multiplier son fertile poison ; Armé du ridicule, éludant la raison, Prodiguant le mensonge, et le sel, et l’injure, De cent masques divers il revêt l’imposture, Impose à l’ignorant, insulte à l’homme instruit ; Il sut jusqu’au vulgaire abaisser son esprit, Faire du vice un jeu, du scandale une école. […] » Vous m’apportez, Mylord, l’exemple de Pierre-le-Grand, qui a fait naître les arts dans son pays, et qui est le créateur d’une nation nouvelle ; vous me dites cependant que son siècle ne sera pas appelé dans l’Europe le siècle du czar Pierre : vous en concluez que je ne dois pas appeler le siècle passé le siècle de Louis XIV.

2937. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Nous croyons qu’il était pour mieux que cela, mais présentement il déroge à son intelligence. […] Ferrari, les hommes sont les esclaves nés de circonstances incompréhensibles, s’ils ne sont rien de plus que les pièces d’un mystérieux échiquier où nulle main ne joue et qui est lui-même le jeu, — de misérables pions, incrustés parfois de qualités somptueusement inutiles, les faits sont brutaux et sont bêtes, et l’histoire n’a plus que des faits !

2938. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Il considère cette société antérieure et postérieure à l’individu ; il la voit subsistante, nécessaire, harmonieuse, agissant en mille façons et par toutes sortes d’influences inappréciables, plus mère encore que marâtre, ne retirant à l’homme primitif du côté des forces physiques que pour rendre davantage par le moral à l’homme actuel, et imposant dès lors à quiconque naît dans son sein des devoirs, des obligations qui ne sont point proprement de particulier à particulier, mais qui prennent un caractère commun et général : Car les individus, dit-il, à qui je dois la vie, et ceux qui m’ont fourni le nécessaire, et ceux qui ont cultivé mon âme, et ceux qui m’ont communiqué leurs talents, peuvent n’être plus ; mais les lois qui protégèrent mon enfance ne meurent point ; les bonnes mœurs dont j’ai reçu l’heureuse habitude, les secours que j’ai trouvés prêts au besoin, la liberté civile dont j’ai joui, tous les biens que j’ai acquis, tous les plaisirs que j’ai goûtés, je les dois à cette police universelle qui dirige les soins publics à l’avantage de tous les hommes, qui prévoyait mes besoins avant ma naissance, et qui fera respecter mes cendres après ma mort.

2939. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

L’ordre de bataille que prennent les deux armées, les premiers mouvements pour en venir aux mains, sont l’exposition ; les contre-mouvements que fait l’armée attaquée forment le nœud, ce qui oblige à de nouvelles dispositions et amène la crise, d’où naît le résultat ou dénouement. » Par malheur, le plan de Waterloo ne put être exécuté à aucun moment comme il avait été conçu.

2940. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Dübner »

Adner, « si, de 1836 à 1866, il a été publié en France cent volumes de grec, on peut hardiment affirmer que Dübner, pour sa part, en a revu au moins quatre-vingt-dix. » — dans le duché de Saxe-Cobourg-Gotha, le 21 décembre 1802, sorti de l’Université de Gœttingue, élève et ami des Mitscherlich et des Jacobs, il fut appelé à Paris dès 1832, pour y travailler au Thesaurus entrepris par M. 

2941. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Paroles d'un croyant »

Quand le Saint-Simonisme, dans sa brusque apparition, n’aurait eu d’autre effet que d’inspirer à des intelligences chrétiennes cette émulation d’inquiétude et de recherche à l’article des souffrances profondes, nées de l’excès industriel, il n’aurait point passé sans fruit pour le monde. 

2942. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

J’ai sans plainte au désert tenté la triple voie, Et je n’ai pas maudit le jour où je suis .

2943. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Sir Lionel se plaint de la difficulté qu’il éprouve à manier le français, quoique ce soit sa langue maternelle (Lionel, en France, a été élevé et naturalisé en Angleterre).

2944. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

La Notice nous représente Victorin Fabre à Jaujac, en Vivarais, en 1785, d’une honorable famille très-considérée dans le pays, et qui n’avait jamais songé à demander des titres de noblesse ni à se prévaloir de ceux que lui conférait la possession de certains fiefs.

2945. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Appendice sur La Fontaine »

Mais déjà, depuis 1621, La Fontaine était , vers le même temps que Molière, quinze ans avant Boileau, dix-huit ans avant Racine.

2946. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Cette vapeur idéale des contours, qui d’ordinaire, pour naître et pour s’étendre, a besoin de la distance et de l’horizon, il la portait et la voyait autour de lui jusque dans les habitudes les plus prochaines.

2947. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — III »

L’humanité ne s’y laissa pas amuser ; elle avait d’autres progrès à poursuivre, et quand elle commença d’être lasse de ses héros athlètes et de ses prêtresses de Vénus, Platon naquit.

2948. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Mais, les yeux fixés avec admiration sur les sommets les plus lointains et les plus âpres du passé, il ne voyait pas les moissons florissantes que l’équité et l’humanité des mœurs avaient fait naître dans le champ d’une civilisation plus moderne.

2949. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Les images mythologiques naissent chez lui d’elles-mêmes.

2950. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents.

2951. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Or ce montreur et cet émule des gloires parisiennes, ce Parisien qui a le dépôt de l’esprit de Paris, est à Cologne ; et je n’ai pu parvenir à comprendre, dans le récit de M. 

2952. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Nous étions déjà si vieux quand nous sommes nés ! 

2953. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre V. Le théâtre des Gelosi (suite) » pp. 81-102

Francesco Andreini et Isabelle laissaient un fils, Giovanni-Battista Andreini, en 1579, qui se distingua dans l’art qui avait illustré ses parents.

2954. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVII. Romans d’histoire, d’aventures et de voyages : Gebhart, Lemaître, Radiot, Élémir Bourges, Loti » pp. 201-217

Il y a, dans Autour d’une tiare, où parmi les péripéties les plus grandioses et les plus douloureuses d’un étonnant pontificat, naît, sourd doucement, enfin clame l’amour de deux enfants, il y a des silhouettes sombres de moines fanatiques et meurtris, des aventuriers sataniques et des cardinaux de tapisserie ; mais la figure préférée, je suis sûr, c’est ce bon évêque Joachim, évêque sans évêché, puisqu’on l’a chassé, pour cause de pauvreté, de son diocèse d’Assise, et qui est devenu l’hôte du pape et le familier du Latran.

2955. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

» Si Lamotte s’était plus mêlé de moraliser, je croirais le reconnaître dans cette image de vertus humaines, qui, « nées le plus souvent dans l’orgueil et dans l’amour de la gloire, y trouvent un moment après leur tombeau », ou qui, « formées par les regards publics, vont s’éteindre le lendemain, comme ces feux passagers, dans le secret et les ténèbres19. » Suis-je même bien sûr de ne pas faire tort à Lamotte, en le supposant capable de ces figures ?

2956. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Nous ne voyons plus dans l’Évangile que de bonnes maximes ; nous jetons un voile prudent sur l’étrange état intellectuel où il est .

2957. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IX. Les disciples de Jésus. »

Nés à Bethsaïde 420, ils se trouvaient établis à Capharnahum quand Jésus commença sa vie publique.

2958. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

Annunzio est pour de brefs élans lyriques et pour de petits hasards heureux ; il faut placer, très bas encore, mais bien au-dessus de ses romans, les vers où il exprime avec une fougue jeune ce que le critique Chiarini appelle sa « démence aphrodisiaque ».

2959. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Je me permettrai toutefois, en montrant cette veine et en l’appelant heureuse chez celui qui l’a trouvée, de signaler l’inconvénient qui en pourrait naître.

2960. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

» * * * — Le lit où l’homme naît, se reproduit et meurt : quelque chose à faire là-dessus, un jour.

2961. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

En général, le vers populaire est très fortement scandé, et garde, même sans musique, une allure de chant : Je voudrais || que la rose Fût encore || au rosier… Ma mè || re j’ai || une au || tre sœur, Une au || tre sœur || qu’est tant jolie… Les strophes ou couplets varient de un jusqu’à huit vers, le refrain y joue un grand rôle, mais c’est une étude trop spéciale, trop intimement liée à la musique des chansons pour qu’il soit possible de l’introduire ici : au premier abord, la question paraît inextricable de savoir si paroles et musiques sont nées ensemble, si la musique, dans tel ou tel cas, a été faite pour les paroles, ou les paroles pour la musique.

2962. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre II. Le dix-neuvième siècle »

Ceux-là mêmes d’entre eux, il y en a, qui sont nés aristocrates, qui sont arrivés au monde dépaysés en quelque sorte dans des familles du passé, qui ont fatalement reçu une de ces éducations premières dont l’effort stupide est de contredire le progrès, et qui ont commencé la parole qu’ils avaient à dire au siècle par on ne sait quel bégaiement royaliste, ceux-là, dès lors, dès leur enfance, ils ne me démentiront pas, sentaient le monstre sublime en eux.

2963. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Malo, d’avoir prétendu qu’on modifie l’ame avec de l’opium , qu’on fait naître des anguilles avec de la farine délayée, & des poissons avec des grains de bled  ; qu’on pourroit naviger tout droit, directement sous le pôle arctique , & faire un trou qui allât jusqu’au centre de la terre, attendu que, pour l’ouverture de ce trou, il faudroit excaver au moins toute l’Allemagne ; ce qui porteroit un préjudice notable à la balance de l’Europe .

2964. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Plus on connaît de grandes œuvres dans des temps et dans des pays différents, plus il devient difficile de ramener à des principes généraux et à des lois communes tant d’écrits nés dans des conditions très-diverses et sous des inspirations opposées.

2965. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre premier. Astronomie et Mathématiques. »

La Gloire est née sans ailes ; il faut qu’elle emprunte celles des Muses, quand elle veut s’envoler aux cieux.

2966. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

Le goût pour les Romans s’étoit ralenti pendant quelque tems ; mais vers l’an 1730. quelques écrivains, nés avec beaucoup de talent pour ce genre, le réveillerent.

2967. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

D’où naît donc le transport que le firmament nous inspire pendant une nuit étoilée et sereine ?

2968. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

La reproduction matérielle de la nature, si exacte que soit cette reproduction, est par elle-même impuissante à éveiller en nous l’émotion poétique qui doit naître de la contemplation d’une œuvre d’art.

2969. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort naquit en 1741, dans un village voisin de Clermont en Auvergne.

2970. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Par une transformation opérée en vertu des lois merveilleuses de l’analogie, l’on s’est servi de ces mêmes sons vocaux pour représenter soit nos perceptions intellectuelles, soit les rapports intellectuels, les volontés, les actes de l’esprit, que faisaient naître nos sensations et nos besoins.

2971. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre premier. Mme de Staël »

Les femmes nées presque toutes pour le récit, quand elles sont littéraires, peuvent raconter avec beaucoup de charme, depuis celles qui font des contes aux enfants jusqu’à celles qui en font aux hommes.

2972. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Le héros du roman de Mme Gustave Haller, lequel se passe en Angleterre et fait mille politesses à ce pays, est une espèce de Grandisson, membre de la Société de tempérance et qui fait boire de l’eau à son domestique, Français (il nous en fait boire aussi !) 

2973. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Elle a eu peut-être toujours trente-cinq ans… Il y a des femmes qui naissent avec trente-cinq ans, comme il y en a d’autres qui ne les auront jamais.

2974. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Sahara algérien et le Grand Désert »

D’autres livres, publiés sur l’Afrique, bénéficièrent alors, comme les siens, de l’inépuisable curiosité qui s’attachait à tous les détails qu’on nous transmettait sur ce pays, et ces livres, oubliés maintenant, ont péri à dix ans de la circonstance qui les avait fait naître.

2975. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

II Auront-ils plus de force, ces républicains nés d’hier dans notre histoire ?

2976. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

, lui, Shakespeare, le plus idéal des hommes par la beauté du génie et la délicatesse aristocratique de la sensation, dans une condition assez basse, fils de boucher, ayant peut-être tué lui-même et mis le sang des bêtes sur ces nobles mains qui devaient écrire Juliette, Desdémone, Cordélia ; — puis braconnier comme un libre fils de Robin-Hood, un chasseur trop ardent, un vrai Saxon du temps de Guillaume le Roux ; — puis, hélas !

2977. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

On lui a fait un crime de stupidité de n’avoir pas accepté le droit nouveau, ce droit qui, pour lui, était dans le sang de la tête coupée de son père, et c’était comme si on lui eût reproché d’être Stuart, catholique, lui-même !

2978. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Ce besoin, du reste, qui n’est — si l’on veut y réfléchir — que de l’individualisme encore ; ce besoin qui a produit tant de métaphysique vaporeuse, de synthèses, de formules, et qui, surexcité jusqu’à la rage par la vanité de chacun, ne nous a saisis tous que parce qu’il ne sied qu’à quelques-uns, c’est-à-dire aux maîtres, aux grands esprits, à ceux-là enfin qui se donnent seulement la peine de naître, pourrait faire croire à nos descendants que nous avons perdu le bon sens proverbial de nos pères, n’étaient quelques livres d’histoire fermes, nets, circonscrits, et dans lesquels il sera possible de le retrouver.

2979. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Ainsi, la défaite, la captivité et la trahison, voilà les auspices sous lesquels s’ouvrit et s’inaugura le règne de ce roi René, qui semblait et élevé pour la gloire, et qui n’a pas même la gloire du malheur.

2980. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il n’est jamais pédant comme Taine, coiffé en fait de talent et d’esprit, mais qui met trop souvent sa coiffe dans sa poche.

2981. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Ainsi, pour n’en citer que deux seulement sur vingt-cinq, le culte de la femme, relevée, purifiée, anoblie par la religion d’un Dieu d’une Vierge, la galanterie des chevaliers, le respect de leur force devant la faiblesse, c’est là, subsistant, le souffle des druidesses, qui a tenu bon, ce souffle-là !

2982. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Et cette explication, plus haute et plus satisfaisante que des détails biographiques qui ressemblent à des rayons brisés, reçoit d’ailleurs de démenti d’aucun de ceux que présentement on publie.

2983. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Quand on lui a reproché de n’avoir pas de tradition et d’histoire et d’être sous le chou de Luther, il s’est toujours réclamé avec orgueil des hérésies qui l’ont précédé.

2984. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

dans les bois de la Vendée, les premières années de sa vie ne révélèrent pas l’homme qu’il devait être, la flamme d’esprit qui dormait en lui et qui devait en déborder.

2985. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Elle était née naturelle, et la société à laquelle elle appartenait la développa dans ce sens.

2986. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

… Toutes deux, inégalement nées, étaient cependant des femmes du même monde, et du plus grand.

2987. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Lacordaire, car de ces incorrections qui tiennent à l’absence d’attention et à la fatuité dans le travail comme celle-ci, par exemple, dont je pourrais multiplier le nombre : « les premiers disciples dispersés par la croix où ils étaient nés » (p. 160), de ces incorrections, je n’en parle pas !

2988. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Mais ici les insectes qui menacent seraient très gros, s’ils venaient à naître… La philosophie de M. 

2989. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement : mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient, car la Prière a fait Térèse plus que sa mère elle-même.

2990. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Chamfort vivait dans toute la sombre cruauté de sa misanthropie, quand naquit, à Dantzig, en 1788, un autre misanthrope, qui fut nommé Arthur.

2991. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

Auguste Barbier, qui éclata après Juillet 1830, et qui, malgré tout ce qu’il a fait depuis, a gardé la couronne d’étoiles que ses Iambes ont mises sur son front ; Auguste Barbier n’est qu’un imitateur d’André Chénier, un homme de son génie.

2992. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

On m’a dit qu’elle fut la femme d’un professeur, et elle-même semble, au premier coup d’œil, une de ces femmes qu’on croirait nées avec une écharpe noire autour du cou, comme ces femmes-professeurs qui en portaient une, autrefois, dans certaines contrées de l’Italie.

2993. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Le Sage » pp. 305-321

… II Il était riche, à ce qu’il paraît, mais, dit la notice, il devint pauvre de bonne heure.

2994. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Eugène Poitou, le nouveau critique qui vient de naître à La Comédie humaine ?

2995. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Impersonnel et désintéressé de tout, excepté de la perfection dont l’idée est à l’état d’étoile fixe dans son esprit, l’auteur du Marquis des Saffras est un artiste d’une sérénité infinie, que le temps n’a pas rendu spectateur comme le vieux Goethe, car il est jeune, mais qui est contemplateur.

2996. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

En général, Mascaron était avec plus de génie que de goût, et plus d’esprit encore que de génie.

2997. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Sévère fait ce que font en pareille circonstance les jeunes gens bien nés : il s’engage dans un régiment d’Afrique. […] Un auteur dramatique nous est-il  ? […] Leur gaieté est trop visiblement inspirée par le sentiment du devoir… Mais peu à peu le plaisir naît des efforts qu’on a faits pour l’exprimer ; plaisir brutal et tout physique. Il naît aussi des odeurs que la chaleur développe, de la saveur des mets, et des vapeurs qui envahissent le cerveau. […] L’intérêt ne pourrait pas naître un seul instant.

2998. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Née avant nous, et destinée à nous survivre, il y a longtemps qu’en effet la critique serait morte, si elle n’avait un objet, un rôle, une fonction, extérieurs ou supérieurs à l’idée que s’en font M.  […] « Naître sans fortune est le plus grand des maux » ; et encore : « Mon père resta seul avec peu de fortune : malheur dont rien ne tire quand on est honnête homme !  […] Faguet a mieux dit quand, après avoir analysé la philosophie de Vigny, il ajoutait, tout simplement : « C’est le plus grand artiste du siècle qui pouvait naître d’un esprit ainsi fait !  […] Boire, manger, dormir, et le reste, cela ne vaut-il pas la peine d’être  ? […] Une ode ou une élégie, un drame ou un roman n’opèrent sur le lecteur, si je puis ainsi parler, qu’autant qu’ils éveillent ou qu’ils font naître en lui des « états d’âme » voisins de celui du romancier, de l’auteur dramatique, ou du poète.

2999. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Je suis l’humanité vieillarde, étant d’hier ! […] La seule indispensable théorie est émise, née de la grande loi de vibration universelle et par cela, incomparablement plus large que tout essai de quantités imposées aux Syllabes. […] Les adeptes se pressent autour de lui, et naît l’Ordre de la Rose-Croix (qui aura même son Salon de peinture). […] Il prononce les « e » muets comme les « é », et il dit : « Jé m’en fiche », et « tu comprends pas !  […] L’image est un composé d’images analogiques devenant de plus en plus intellectualisées, pour dégager en la dominante l’idée que le poète a eu en vue, qui ne doit naître que d’un total d’allusions.

3000. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

II Ainsi naquit la Réforme, à côté de la Renaissance. […] Il s’en est accommodé pourtant ; bien mieux, elles l’ont fait naître : chez Taylor, comme chez les autres, la poésie libre conduit à la foi profonde. […] Ils se pénétraient des textes de saint Paul, des menaces tonnantes des prophètes ; ils s’appesantissaient en esprit sur les impitoyables doctrines de Calvin ; ils reconnaissaient que la masse des hommes est prédestinée à la damnation éternelle384 ; plusieurs croyaient que cette multitude est criminelle avant de naître, que Dieu a voulu, prévu, ménagé leur perte, que de toute éternité il a médité leur supplice, et qu’il ne les a créés que pour les y livrer385. […] Les événements et les discours semblent naître et s’ordonner en lui sans son concours. […] « Lorsque Jésus-Christ est , il a pleuré et crié comme un autre enfant.

3001. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Il est dru, et même assez rude, résistant, ayant du silex dans sa complexion, comme le terroir de ses vignes ; prompt à s’exalter et prompt à s’abattre, d’un ressort puissant, d’une trempe d’acier, avec des alternances de tristesse, encore impétueux dans ses crises de pleurs et de sanglots enfantins ; difficile à manier et à conduire ; riche de sève comme les ceps du Mâconnais : il en est un lui-même ; c’est là qu’il a pris terre et ciel : tout son être physique et moral est de ce Milly, y a jeté des racines profondes, y a poussé en pleine terre de craie et en plein air, y a puisé tous les aromes et tous les sucs de son génie poétique et oratoire. […] Bref, l’amour platonique, c’est l’amour humain, c’est l’amour sans épithète, mais considéré dans son mouvement naturel d’ascension  mouvement si justement observé, après et d’après Platon, par le saint auteur de l’Imitation de Jésus-Christ : « L’amour tend toujours en haut… Il n’y a rien au ciel et sur la terre de plus doux que l’amour, rien de plus fort, de plus élevé… parce que l’amour est de Dieu, et qu’il ne peut trouver de repos qu’en Dieu, en s’élevant au-dessus de toutes les choses créées. » (Imit. […]      Je suis parmi les pasteurs. […] Impression nocturne :     Les étoiles, ces fleurs que minuit fait éclore, Naissaient sous notre doigt dans les jardins des cieux… Mettez ici quelques centaines d’etc… Si j’entends bien (mais qui en est sûr ?) […] Un réveil d’un moment, De naître et de mourir un court étonnement, Un mot qu’avec mépris l’Être éternel prononce… Éclair qui sort de l’ombre et rentre dans la nuit… Ainsi, dans le Mahabharata : « De même que des millions d’étincelles jaillissent d’un feu brûlant, de même les âmes sortent de l’être immuable et y retournent… » Je sais bien que, tout de même, ce n’est pas exactement la même chose.

3002. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Pierre-Claude-François Daunou naquit à Boulogne-sur-Mer, au mois d’août 1761. […] Le cadre d’existence qui lui aurait le plus souri, et auquel il serait revenu comme à son berceau, eût été le xviiie  siècle embrassé dans tout son cours, et trouvant son terme avant la révolution : on serait vers la fin de Louis XIV, on serait mort à la veille de 89103 ; on aurait parcouru ainsi toute une carrière paisible, éclairée, avec des perspectives de civilisation indéfinies et croissantes qu’aucune catastrophe n’aurait désembellies. […] Et encore, faisant pressentir les effets désastreux d’une condamnation par vengeance : « Voilà, disait-il, comment naîtront la pitié, le regret, la terreur, les accusations contre la Convention nationale, et tous les éléments de trouble, de haine et de discorde, dont les aristocrates, les royalistes, les anarchistes, les intrigants et les ambitieux, et tous vos ennemis intérieurs, et tous les tyrans étrangers, vont s’emparer de toutes parts avec la plus meurtrière émulation. » On trouvera peut-être que je fais là de la rhétorique en bien grave matière, et que je relève et souligne des mots dans la situation où ils échappaient le moins littérairement ; mais Daunou pesait tous les siens aussi soigneusement à la Convention, lorsqu’il réclamait justice pour Louis XVI, que lorsque, devant l’Académie de Nîmes, il célébrait l’influence de Boileau. […] Comme M. d’Argental, par exemple, qui, en 1700, mourut en janvier 1788.

3003. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Je me demandais comment était née la justice dans le monde ? […] La solide estime est réservée aux peintres qui n’étaient pas nés pour l’être : exemple Flandrin, etc., etc. […] * * * — Le cœur est une chose qui ne naît pas avec l’homme. […] Il est en Lorraine : c’est un esprit germain.

3004. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

On pourra voir, tout au contraire, que le symbolisme est directement du naturalisme qui le contenait mêlé à d’autres éléments. […] Prévost naquit, j’imagine, par quelque aube d’été, sur les bords fleuris du Lignon, d’une bergère à houlette rose et d’un berger zinzolin. […] La plaisanterie y naît d’elle-même, sans qu’on la pousse, et comme une jolie fleur au milieu d’un parterre naturel. […] Voilà quatre-vingt et un ans qu’il se meurt à petit feu d’être dans ce méchant siècle de bourgeoisie, et les protestations dont il emplit ses volumes sont encore le seul prétexte qu’il ait trouvé à vivre. […] En vérité, et quoi qu’il dise, bien en a pris à M. d’Aurevilly de naître notre contemporain.

3005. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Serait-il donc vrai que le cœur humain n’est susceptible que d’une passion extravagante et brutale, qui naît le plus souvent dans les cœurs les plus abjects, et semble effacer l’auguste caractère qui distingue l’homme des animaux ? […] On ne trouvera point dans tout le théâtre ancien et moderne une scène plus importante, plus sublime, plus touchante même que celle où Burrhus lutte avec toutes les armes de la nature et de l’humanité contre le premier crime de Néron, contre ce crime qui doit préparer tous les autres et décider du règne de ce jeune empereur : c’est le dernier degré de l’éloquence simple et vraie, et de ce grand pathétique bien supérieur à celui qui naît des extravagances et des douleurs de l’amour. […] Je pourrais appliquer à Bérénice ce que Zaïre dit d’Orosmane, après avoir fait l’énumération de ses vertus : S’il était chrétien, que serait-il de plus ? […] Il semble que Racine était pour éprouver des injustices, et pour les sentir bien vivement. […] C’est cet homme d’esprit, sans aucun talent, qui le premier a introduit dans la littérature les faux raisonnements, les subtilités, les bavardages captieux, et le goût des innovations.

3006. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Esprit Fléchier, en juin 1632 à Pernes, dans le Comtat-Venaissin, d’une honnête famille, mais appauvrie et réduite au petit commerce, annonça d’abord les dispositions d’un sujet parfait. […] Le dauphin, dit-il, n’a dû naître qu’après les guerres terminées et à une heure de paix pour tout le mondeaf :                                         Sic Fata parabant, Nec decuit mites nasci inter crimina divos.

3007. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Un Aristote, un Pline, un Buffon, naîtront et feront l’histoire naturelle des animaux par l’intelligence au lieu de la faire par la forme. […] De plus grands hommes dans tous les arts ne sont pas nés et ne renaîtront jamais : architectes, artistes, pontifes, poètes, tailleurs de marbre, peintres, sculpteurs, mosaïstes, ont été réunis en faisceau de foi, de puissance, de conception, de richesse, de génie, de volonté, d’inspiration, d’enthousiasme pour enfanter ce miracle !

3008. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Cependant Chactas et le missionnaire désiraient vivement connaître par quel malheur un Européen bien avait été conduit à l’étrange résolution de s’ensevelir dans les déserts de la Louisiane. […] Est-ce moi que l’on trompe, moi, qui ai vu naître tes premiers sentiments ?

3009. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Or, Racine avait composé ses réalistes créations de vie réelle ; et Beethoven instituait la musique expressive des suprêmes vies ; Gluck entrevoyait dans la musique un drame de vie ; le drame complet d’art complet naissait ; et Richard Wagner achevait ces créations d’humaine vie, ces drames, Tristan, la Tétralogie, Parsifal. […] De la même époque est la conception primitive de Parsifal : comme contraste en face de Tristan, dans l’esprit du poète naquit l’image de Parsifal, le Compatissant, le Renonceur et le Sacrifié ; mais bientôt cette figure se détacha tout à fait de celle de Tristan ; l’esquisse de Tristan fut achevée en ces années 1854 et 1855, et celle de Parsifal ne fut ébauchée qu’au printemps de 1857, éveillée au jour du Vendredi-Saint.

3010. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

C’était une courtisane, s’il faut le dire tout d’abord ; une de ces femmes de trouble et de vertige qui semblent nées, suivant la magnifique expression du duc de Saint-Simon, pour faire, de par le monde, « les plus grands désordres d’amour ». […] Elle aura, comme la Dame aux Camélias, ses amoureux, ses chevaliers, ses enthousiastes ; elle est de celles, comme dit Saint-Simon, qui sont nées « pour faire, de par le monde, les plus grands désordres d’amour ».

3011. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

II Au moyen de cette esthétique complexe dont il fallait analyser la subtilité, Edgard Poe a tenté de faire naître deux émotions alliées en proportions variables : la curiosité et l’horreur. […] De même que la faim est l’indice cérébral de la capacité de digérer, que l’amour d’une carrière marque la faculté d’y exceller, de même Poe s’est appliqué à faire naître les deux émotions spéciales à son œuvre, parce qu’il sentait pouvoir terrifier et étonner.

3012. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Le Français malin créa le Vaudeville. […] Certes, si un théâtre nouveau pouvait s’ouvrir, sous la direction d’un entrepreneur intelligent, sans comité de lecture ni d’administration, sans cet encombrement d’ouvrages reçus depuis trente ans et vieillis avant de naître, avec des acteurs jeunes, disposés à jouer tous les rôles, en étudiant la pantomime expressive et la déclamation naturelle des grands acteurs anglais, les seuls qui, depuis Talma, nous aient fait éprouver des émotions tragiques ; avec la ferme volonté de ne représenter en fait de pièces nouvelles que des pièces vraiment neuves, et d’un caractère homogène ; certes, un pareil théâtre n’aurait pas besoin d’autres secours que son travail et sa bonne organisation, et il y aurait dans tout cela quelque chose de fort et de vital qui ne ressemblerait guères à la végétation expirante, à la fécondité caduque qui poussent et se perpétuent encore aux quinquets de nos coulisses.

3013. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

Faire voir à quoi un fait est utile n’est pas expliquer comment il est ni comment il est ce qu’il est. […] D’autre part, comme toutes les sociétés sont nées d’autres sociétés sans solution de continuité, on peut être assuré que, dans tout le cours de l’évolution sociale, il n’y a pas eu un moment où les individus aient eu vraiment à délibérer pour savoir s’ils entreraient ou non dans la vie collective, et dans celle-ci plutôt que dans celle-là.

3014. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Il était peut-être léger, dans l’acception française et spirituelle du mot, mais l’étude, le travail acharné, l’ambition scientifique, l’ont fait lourd. […] Le jeune homme sérieux, « l’espoir du siècle », comme disait son ami Stendhal, qui se moquait de tous les pédantismes, n’était pas encore , ou il était en bien bas âge… Il écrivait dans un journal de petites dames, — La Vie parisienne, — et c’est là que le Graindorge, qui pouvait s’appeler Graindepoivre, fut publié.

3015. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

ce titre, connu déjà et même profané par la plaisanterie qui profane tout, me donnait beaucoup à rêver, retrouvé sous la plume d’un homme qui, par malheur, aurait dit Voltaire, n’était pas plaisant, ce qui, du reste, dans la circonstance de ce livre, n’était pas un malheur pour moi. […] Il était riche.

3016. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

Née en 1593, entrée au cloître dès l’enfance, elle suivit sa sœur aînée dans ses austères réformes ; elle n’en eût point eu l’initiative, mais elle les embrassa avec zèle, avec ferveur, sans reculer jamais, et en se contentant de les présenter adoucies et comme attrayantes en sa personne.

3017. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Ils étaient là, dans ce monde aristocratique et libéral, il y a quelque trente ans, un certain nombre de jeunes gens noblement doués, partisans éclairés des idées nouvelles, retenus par plus d’un anneau à la tradition, exacts et réguliers de mœurs, religieux de pratique ou du moins de doctrine ; nés tout portés, dispensés de percer la foule et de donner du coude à droite ou à gauche, n’ayant, s’ils le voulaient, qu’à sortir des premiers rangs et à faire preuve d’un talent ou d’un mérite quelconque pour être aussitôt acceptés.

3018. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

« SAINTE-BEUVE. » Puisque j’en suis à recueillir des articles nécrologiques, j’ajouterai encore celui-ci qui a été inséré dans le Constitutionnel du vendredi 18 mai 1866 : « Mme la comtesse de Boigne, née d’Osmond, est morte le 10 mai, à l’âge de quatre-vingt-six ans.

3019. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Mort le 11 octobre 1867, il était le 19 octobre 1793 : il avait soixante-quatorze ans.

3020. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

On a essayé de nier leur authenticité, comme si de tels récits s’inventaient à plaisir, et comme si une langue aussi exquise et aussi polie se retrouvait ou se fabriquait à volonté après le moment unique où elle a pu naître.

3021. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nous n’avons plus le mot, mais nous avons encore la chose : « Ne pas sourire respectueusement au seul nom de M. le préfet, disait Beyle, passe aux yeux des paysans de la Franche-Comté pour une imprudence signalée, et l’imprudence dans le pauvre est promptement punie par le manque de pain. » L’état des choses n’a guère changé, et les maximes qui en naissent n’ont pas changé davantage.

3022. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Je crois te voir encore, À l’heure où sur Paris montait la rouge aurore, Quand ma lampe jetait sa dernière lueur, Et qu’un bain de ma veille étanchait la sueur ; Tu t’asseyais tranquille au bord de ma baignoire, Le front pâle et pourtant illuminé d’histoire ; Tu me parlais de Rome un Tacite à la main, Des victoires d’hier, des dangers de demain, Des citoyens tremblants, de l’aube prête à naître, Des excès, des dégoûts et de la soif d’un maître, Du défilé terrible à passer sans clarté, Pont sur le feu qui mène au ciel de Liberté !

3023. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Car la géographie, surtout, enseigne la sagesse, cette saine appréciation des choses mortelles ; et, quand on voit dans l’Atlas géographique et historique ces grands déserts qui furent des empires, ces vides immenses qui ne pouvaient jadis contenir leur population, et qui débordaient en colonies inépuisables pour aller peupler des continents nouveaux ; quand on voit la place de ces fourmilières de peuples marquée seulement par un nom à déchiffrer sur un monolithe couché dans le sable, on se demande si c’était, pour ces torrents d’hommes engloutis, la peine de naître, de vivre, de combattre et de mourir sur la terre, et on se répond avec tristesse : Non, l’humanité n’est que l’ombre d’un nuage qui passe sur ce petit globe, encore trop grand et trop permanent pour elle, entre deux soleils, et, quand elle a été, c’est comme si elle n’avait pas été !

3024. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre I. Publicistes et orateurs »

Francisque Sarcey ( en 1828). sorti de l’École Normale en 1851. professeur de 1851 à 1858, puis journaliste, chargé de la critique dramatique au Temps depuis 1867, se fit remarquer par ses conférences dès les dernières années de l’empire. — Éditions : Souvenirs de jeunesse, in-16. 1884 ; Comment je devins conférencier, n-16.

3025. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Sainte-Beuve Un autre poète de l’Île Bourbon (car cette race de créoles semble née pour le rêve et pour le chant), M. 

3026. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

« Il y avait à Gênes un jeune homme bien et riche nommé Cinthio, lequel, resté sans père ni mère, n’avait qu’une sœur douée d’une beauté rare et d’une éducation distinguée.

3027. (1890) L’avenir de la science « Préface »

J’entrevoyais que le damier morphologique des espèces végétales et animales est bien l’indice d’une genèse, que tout est selon un dessin dont nous voyons l’obscur canevas.

3028. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Les enfants, les jeunes animaux, les personnes privées de quelque sens, ceux qui nés aveugles ont recouvré la vue, les gens élevés dans la séquestration, comme Gaspard Hauser76 : ce sont là de nombreuses sources d’information dont malheureusement on a fait très rarement usage.

3029. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Ces plaintes n’ont pas passé les bornes des petits Cercles où elles pouvoient naître, & où elles devoient expirer.

3030. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Et peut-être aurons-nous la joie de voir naître un jour la race de héros dont sans nul doute auparavant, nos statues auront incarné les traits pompeux, dont nos poèmes auront chanté les magnifiques destinées, dont nos tableaux auront contenu les proportions implacables et dont nos hautes symphonies auront développé la vivante rêverie.

3031. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Sa longue jeunesse, à laquelle on est accoutumé depuis dix-huit ans, n’est pas close encore ; en 1810, il n’a que trente-neuf ans.

3032. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IX. La pensée est-elle un mouvement ? »

Maintenant on pourra nous dire : Si la pensée a son principe en dehors de la matière, comment se fait-il qu’elle ait absolument besoin de la matière pour naître et pour se développer ?

3033. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre I : La science politique au xixe  siècle »

Les écoles politiques du xixe  siècle ont ce caractère général d’être plutôt des partis que des écoles : nées des événements et mêlées aux événements, elles n’ont guère cette impartialité abstraite qui caractérise la science ; et par la même raison, elles ont laissé ou laisseront peu de ces ouvrages mémorables et éternels, qui survivent aux passions d’un temps.

3034. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre dixième. »

Les meilleures fables sont celles où les animaux sont peints dans leur naturel, avec les goûts et les habitudes qui naissent de leur organisation.

3035. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Beaufort » pp. 308-316

Ils sont tous dans la grande ville, le seul endroit du royaume où ils naissent et soient employés.

3036. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Les hommes naissent convaincus que tout argument qui tend à leur persuader par voïe de raisonnement le contraire de ce qu’ils sentent, ne sçauroit être qu’un sophisme.

3037. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Rien ne sçauroit suppléer le rapport du sens destiné à juger de la chose dont il s’agit, et les idées que nous pouvons nous en former sur les discours et sur les raisonnemens des autres, ressemblent aux idées qu’un aveugle , peut s’être formées des couleurs.

3038. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 4, de l’art ou de la musique poëtique, de la mélopée. Qu’il y avoit une mélopée qui n’étoit pas un chant musical, quoiqu’elle s’écrivît en notes » pp. 54-83

Ces notes ne furent d’abord que des points où il n’y avoit rien qui en marquât la durée ; mais Jean De Meurs à Paris, et qui vivoit sous le regne du roi Jean, trouva le moïen de donner à ces points une valeur inegale par les differentes figures de rondes, de noires, de croches, de doubles croches et autres qu’il inventa, et qui ont été adoptées par les musiciens de toute l’Europe.

3039. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

J’ai parlé d’idées générales dont l’auteur est parti et qui ont fait naître des idées particulières.

3040. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Mais nous ne savons pas ce que va faire naître l’établissement d’une académie à Athènes, d’un collège grec dans l’ancienne Tauride, du mouvement imprimé aux îles Ioniennes, et de tant de circonstances nouvelles dont nous ne pouvons prévoir tous les résultats.

3041. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VII. Les hommes partagés en deux classes, d’après la manière dont ils conçoivent que s’opère en eux le phénomène de la pensée » pp. 160-178

Ceux qui attribuent à l’homme le pouvoir de se faire sa langue ne disent autre chose sinon que la pensée naît d’abord en lui, et qu’ensuite il choisit, pour l’exprimer, un signe qu’il adopte ou qu’il trouve déjà convenu.

3042. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

L’histoire, qui met la main sur toutes les artères d’une société, ne saurait naître que quand une société existe assez pour avoir le besoin de se raconter et de se connaître.

3043. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

Ainsi, il était royaliste, comme ses pères, et il laissa là l’opinion de ses pères, lui, l’homme de la race et de la famille, comme si ce n’était pas le commencement d’un parricide moral, pour une âme haute, que de n’avoir plus l’opinion de son père !

3044. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle était née sans aucune mémoire, sans aucune imagination, disait-elle, et de plus parfaitement incapable de discourir avec l’entendement ; mais la Prière, la Prière plus forte que toutes les sécheresses, lui donna toutes les facultés qui lui manquaient ; car la Prière a fait Térèse, plus que sa mère elle-même : « Je suis en tout de la plus grande faiblesse, — dit-elle, — mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et, sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères : quatorze d’hommes et seize de filles.

3045. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

C’est la rédemption par le sang du Sauveur des hommes qui a fait naître dans le cerveau de cet immense chrétien, qui s’appelait Colomb, l’idée d’un monde possible à découvrir !

3046. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Gaston Boissier » pp. 33-50

Boissier, que les philosophes et les prêtres, unis pour la première fois, s’étaient entendus pour préparer la société qui allait naître. — Cela ne semble rien que cette thèse d’histoire, et c’est tout ; car c’est la divinité même du Christianisme qui reste dessous !

3047. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

Non pas celui de Luther ou de Calvin ou de personne, ni même l’apostolique du comte de Gasparin, — cette pointillerie, comme aurait dit Bossuet, dans le dédain de son bon sens, cette pointillerie à examiner, travail de Pénélope toujours repris par qui a la fantaisie de le reprendre, — mais le protestantisme primitif, éternel, qui date du paradis terrestre, disait Lacordaire, et qui naquit le jour où Satan dressa contre Dieu le pourquoi de toutes les révoltes… Le chez soi du comte de Gasparin, c’est l’individualisme sans limites, c’est le plein vent de la liberté, c’est le radicalisme absolu !

3048. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Vie de la Révérende Mère Térèse de St-Augustin, Madame Louise de France »

Madame Louise n’a pas besoin d’excuse ; elle était née pour être ce qu’elle est devenue.

3049. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Marie Desylles » pp. 323-339

trop souvent, la femme d’esprit se mêle à la femme de cœur, en ces lettres aussi spirituelles — et c’est leur défaut — qu’elles sont palpitantes d’émotion, l’esprit, du moins, n’y empêche jamais l’émotion de naître.

3050. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXI. De Thémiste, orateur de Constantinople, et des panégyriques qu’il composa en l’honneur de six empereurs. »

Jamais vous n’avez été plus grand, ni plus utile à la terre. » De ce sentiment d’humanité naît, dans le prince, le devoir d’adoucir la sévérité de la loi.

3051. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

en Sicile, de race dorienne, il lutta contre la tyrannie qui, d’Agrigente, s’étendit sur la ville d’Himère, sa patrie.

3052. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

L’idée fixe avait fait naître une sensation d’épiderme, la sensation du vieillissement, continue et perceptible comme celle du froid ou de la chaleur. […] n’est-ce pas abominable de penser que ce bijou, que cette perle née pour être belle, admirée, fêtée et adorée, a passé onze ans de sa vie à donner des héritiers au comte de Mascaret. […] Convaincue enfin et éblouie par la vision d’être une dame à son tour, par ce rêve de fillette née si pauvre servante d’auberge, devenue tout à coup la bonne amie d’un homme si riche et si bien, elle fut grisée de convoitises, de reconnaissance et d’orgueil, qui se mêlaient à son attachement pour André. […] C’est dire tout de suite que ces Turdis étaient aussi riches que bien nés ; car, si le duc était terrible sur la naissance, il ne l’était pas moins sur l’argent. […] Peu riches, elles ont renoncé au mariage, mais non à l’amour, et les petits abandonnés recueillis si généreusement par les paysans ne sont rien moins que les enfants qui naissent de leurs caprices d’un jour.

3053. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

C’est par la lecture que nous naissons à la vie intellectuelle. […] Lorsqu’on compare minutieusement Flaubert avec son illustre modèle, on reste confondu de voir pour ainsi dire à chaque page naître et se former la pensée et le style de Flaubert. […] Tout est tombeau chez un peuple qui nés plus. […] Quant à Rossini, il n’était pas de Naples, pays des lazzaroni ; il était à Pesaro (Marches). […] Son antithèse semble toujours née du sujet.

3054. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

En deux mots voici, l’action du roman : M. de Vauldenay a, dans sa jeunesse, rencontré une femme mariée Mme de Loisail : le mari était absent, une petite fille naquit de cette liaison. […] C’est ainsi qu’il naît dans la vie réelle. […] L’ange au front de qui l’aube éblouissante naît La vit, la prit, et dit, l’œil sur le ciel sublime : — Seigneur, faut-il qu’elle aille, elle aussi, dans l’abîme ? […] Sa mère le décida au mariage, et choisit pour lui une personne intelligente, dévouée, et qui, par surcroît inattendu, était pieuse. « La fille qui lui naquit, dit Sainte-Beuve, et qui a été plus tard si digne de son père, une aide intelligente dans ses travaux, fut élevée, selon la foi de sa mère, chrétiennement. […] C’est celle que nous avons déjà indiquée, à propos de la science, et qui naît tout naturellement des données mêmes du savoir positif et de ses prévisions sur la fragilité de cette combinaison purement mécanique qui a formé l’univers.

3055. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Qui peut savoir sous le soleil s’il est bleu ou rouge ? […] … L’école du bon sens, puisque bon sens il y a, venait de naître. […] Il est de ceux qui laissent une trace profonde sur le sol où ils sont nés. […] Quand tu naquis, c’était déjà un vieil amour que j’avais pour toi… — Hum ! […] Il te faut des femmes encore à naître.

3056. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Nous étions compatriotes, étant tous deux nés à Metz, lui par accident ; car son père était capitaine du génie qui avait alors comme garnisons Arras, Metz et Montpellier, en sorte que Paul Verlaine eut pu naître félibre ; son vrai pays était l’Ardenne. […] Plowert naquit et besogna dare-dare. […] Le poète était en 1848. […] à une époque où la poésie française se transforme, Vicaire ne put prendre parti, conformément à sa nature. […] Le romantisme naquit dans la tourmente et disparut après avoir engendré.

3057. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

le 9 juillet 1689, à Dijon, il tient de sa province en général et de sa famille en particulier. […] Ce genre de spectacle, depuis si charmant et si français, alors au berceau, était des plus humbles et des plus bas ; il consistait en de simples parades qui, nées sous la Régence, et grâce aux libres mœurs qu’elle favorisait, en avaient pris le ton. […] On a dit que, quoique pour l’épigramme, il avait la satire en horreur.

3058. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Vraiment il faudrait être ennemi de la clarté et du bel ordre pour ne pas suivre en esthétique la ligne droite des conséquences logiques, quand on voit à quel point cette science en est simplifiée. […] Molière, pour la farce, a voulu faire une fine comédie ; il a produit une œuvre bâtarde, qui n’est ni une fine comédie, ni une farce. […] Les mets sont épars dans nos plaines, Les vins les plus exquis coulent de nos fontaines ; Les fruits naissent confits dans toutes les saisons ; Les chevaux tout sellés entrent dans les maisons ; Le pigeonneau farci, l’alouette rôtie Nous tombent ici-bas du ciel comme la pluie107.

3059. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

III J’avoue que je n’ai jamais compris le sens de cet axiome de l’obstination des partis, quels qu’ils soient, en France : « Tu ne changeras pas. » Tu ne changeras pas, c’est-à-dire tu vivras des jours sans nombre, tu verras des idées justes prendre la place de préjugés absurdes, des trônes s’écrouler sur des fondements vermoulus, des castes s’effacer devant des nations, des gouvernements légitimes se fonder sur les devoirs réciproques des hommes en société de services et de défense mutuels, des démagogues surgir comme les vices incarnés de la multitude, irriter les passions du peuple, les pousser jusqu’au délire, jusqu’au meurtre, s’armer de ces fureurs populaires pour prendre la hache au lieu de sceptre et pour promener, sur ce peuple lui-même, ce niveau de fer qui trouve toujours une tête plus haute que son envie ; tu verras le sang le plus pur ou le plus scélérat couler à torrents dans les rues de tes villes ; tu verras les partis populaires épuisés céder au parti soldatesque, première forme de la tyrannie ; tu verras un soldat popularisé par la victoire prendre à la fois la place de la liberté, du trône et du peuple par un coup de main ; tu le verras provoquer le monde pour le vaincre, changer l’Europe en un champ de bataille annuel, faucher périodiquement les générations nouvelles, plus vite que la nature ne les fait naître, pour son ambition, en sorte que les vieillards se demandaient s’il y aurait encore une jeunesse et si Dieu ne faisait plus naître les générations que pour mourir à vingt ans au signe de ces pourvoyeurs de la gloire. […] Celui qui prétend avoir tout su le premier jour est un homme qui n’avait ni raison de naître, ni raison de vivre, ni raison de mourir, car il n’avait rien à apprendre en naissant.

3060. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

. — Notez d’ailleurs que je me suis contenu, justement parce que je suis catholique. Si j’avais l’avantage (très appréciable aujourd’hui) d’être protestant, j’aurais bien autrement poussé la satire. […] Le noble dessein d’affranchir et d’élever le peuple, d’établir le règne de la justice, de fonder la cité idéale, et de tuer la bourgeoisie, est presque toujours dans des cervelles de bourgeois.

3061. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

L’art naît avec la réflexion ; comme la Psyché de la fable, la réflexion est chargée de débrouiller ce tas informe de souvenirs ; elle y procède avec la patience des fourmis ; elle range tous ces grains de sable en un certain ordre, leur donne une certaine forme, en fait un édifice : la forme extérieure que prend cet édifice, la disposition générale qu’il affecte, c’est ce que nous appelons le temps. […] Par réaction contre ses souffrances sociales sont nés chez Rousseau deux sentiments parfaitement vrais et sains, et qui se sont propagés très vite : l’amour de la nature et l’amour de la liberté. […] Ce qui est le plus incontestablement sur le sol de la Judée, c’est cette littérature beaucoup plus colorée et plus simple tout ensemble que les œuvres grecques, beaucoup plus sobre que la littérature hindoue, incomparable modèle de ce qu’on pourrait appeler le lyrisme réaliste, et qui nous offre probablement, avec quelques psaumes hindous, les exemples de la plus haute poésie à laquelle ait atteint l’humanité.

3062. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Mais, pour peu qu’on approfondisse le roman dramatique, on le voit se transformer en roman psychologique et sociologique, car on s’intéresse d’autant mieux à une action qu’on l’a vue naître, avant même qu’elle n’éclate, dans le caractère du personnage et dans la société où il vit. […] Désormais, par la force du sentiment qui l’anime, Werther ne peut plus rester dans l’inaction ; il lui faut agir, il ira à Charlotte et, repoussé, il accomplira enfin la grande action née de toute sa vie contemplative, et l’on peut dire que le roman dans son entier n’est que la préparation du coup de pistolet final55. […] … » Et plus tard : — « C’est étrange comme je suis avec peu de foi pour le bonheur.

3063. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais le dynamisme ne cherche pas tant à établir entre les notions l’ordre le plus commode qu’à en retrouver la filiation réelle : souvent, en effet, la prétendue notion simple — celle que le mécaniste tient pour primitive — a été obtenue par la fusion de plusieurs notions plus riches qui en paraissent dériver, et qui se sont neutralisées l’une l’autre dans cette fusion même, comme une obscurité naît de l’interférence de deux lumières. […] Ainsi naît le déterminisme associationniste, hypothèse à l’appui de laquelle on invoquera le témoignage de la conscience, mais qui ne peut encore prétendre à une rigueur scientifique. […] Toutes les difficultés du problème, et le problème lui-même, naissent de ce qu’on veut trouver à la durée les mêmes attributs qu’à l’étendue, interpréter une succession par une simultanéité, et rendre l’idée de liberté dans une langue où elle est évidemment intraduisible.

3064. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Le progrès qui naîtra de la répétition et de l’exercice consistera simplement à dégager ce qui était enveloppé d’abord, à donner à chacun des mouvements élémentaires cette autonomie qui assure la précision, tout en lui conservant avec les autres la solidarité sans laquelle il deviendrait inutile. […] On a beau déguiser l’hypothèse sous un langage emprunté à l’anatomie et à la physiologie, elle n’est point autre chose que la conception associationniste de la vie de l’esprit ; elle n’a pour elle que la tendance constante de l’intelligence discursive à découper tout progrès en phases et à solidifier ensuite ces phases en choses ; et comme elle est née, a priori, d’une espèce de préjugé métaphysique, elle n’a ni l’avantage de suivre le mouvement de la conscience ni celui de simplifier l’explication des faite. […] En d’autres termes enfin, les centres où naissent les sensations élémentaires peuvent être actionnés, en quelque sorte, de deux côtés différents, par devant et par derrière.

3065. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

Toute l’intelligence de Gil Blas ne s’emploie qu’à profiter de ce que l’occasion lui procure, jamais à la faire naître ; mais celle de Figaro ne « s’évertue », selon son mot, qu’à enlever à la fortune tout ce que le calcul peut lui enlever. […] Nés à quelques moments de distance l’un de l’autre, et, depuis leur première enfance, élevés en Égypte, il est convenu, quand l’action s’ouvre, que la main de Rodogune et le trône de Syrie appartiendront à l’aîné des deux, que Cléopâtre est seule encore à connaître. […] N’est-il pas vrai qu’il naîtrait de là des contrastes qui feraient rire ? […] tant de chefs-d’œuvre étouffés, pour ainsi dire, avant de naître, cette Alceste, cette autre Iphigénie dont il avait déjà formé le plan ? […] Sensible et précieux, précieux et moderne, vous pensez bien qu’un tel homme ne pouvait guère suivre les exemples même des plus illustres de ses prédécesseurs, ni surtout, comme les Regnard et les Le Sage, — nés classiques, ceux-là, — se prêter docilement au joug de Molière.

3066. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Il est difficile à cet être éphémère, d’hier et condamné à mourir demain, de soutenir le regard froid et indifférent de l’éternelle Isis. […] Il avait reçu une assez bonne éducation et fait ses études à l’Université ; mais, dans une condition très précaire, il avait compris de bonne heure la nécessité de se frayer une carrière et de se faire une petite fortune. […] Le vieux professeur allemand, admirablement étudié et destiné à jouer un rôle ingrat et touchant dans le roman, est ainsi décrit : Christophe-Théodore-Gottlieb Lemm était en 1786 d’une famille de pauvres musiciens qui habitait la ville de Chemnitz, dans le royaume de Saxe. […] il était sous une mauvaise étoile !

3067. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

De tous temps, de toute poésie, du rythme naquit la rime, et de tous temps aussi des novateurs hardis s’élevèrent contre elle. […] Le vers officiel doit demeurer, car il est de l’âme populaire, il jaillit du sol d’autrefois, il sut s’épanouir en sublimes efflorescences. […] L’élégiaque cri qui naissait dans mon sein Mourut à la rumeur de ton sanglot divin, Et je verrai passer les amants sur le sable Mordant leur lèvre chaude et s’étreignant la main Sans confier au vent ma chanson périssable, Moi pris dans l’Éternel comme en un piège saint. […] Il nous est impossible de croire que nous soyons nés au siècle de Périclès, impossible d’ignorer les rêveries de nos métaphysiciens et de nos positivistes, impossible de rester indifférents aux leçons de nos historiens, de nos géographes, aux expériences de nos physiciens, aux récits de nos voyageurs.

3068. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Une nouvelle aristocratie se forme, douteuse ou impure en sa source, ignorante à plaisir, cynique et débraillée dans ses mœurs, raffinée toutefois dans ses goûts, et qui sans doute ne saurait désormais reprocher aux gens de lettres l’humilité de leur extraction, puisqu’enfin, des frères Pâris ou du petit Arouet, c’est encore celui-ci « le mieux  ». […]  » Il traitait alors brièvement, non de « l’esprit », mais de « l’origine » des lois ; et il ajoutait : « Nous naissons, nous croissons à l’ombre de ces conventions solennelles ; nous leur devons la sûreté de notre vie et la tranquillité qui l’accompagne. […] pour être vous-même, unique peut-être en votre espèce, vous avez accepté la tyrannie de la mode, et vous avez mis votre gloire à ressembler à d’autres, aux autres, à tous les autres. […] Car, nos sentiments c’est nous-mêmes, ou plutôt, chacun de nous n’est soi qu’autant que ses sentiments s’expriment en toute liberté, et c’est cette liberté même qui est la nature : « Nous naissons tous sensibles… Sitôt que nous avons, pour ainsi dire, conscience de nos sensations, nous sommes disposés à rechercher ou à fuir les objets qui les produisent. […] Une science nouvelle était née de lui : la science de la vie.

3069. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

J’ai vu naître moi-même cette fantaisie royaliste, et non cette politique sérieuse, dans le cabinet d’un ministre des affaires étrangères des Bourbons que je ne nommerai pas ; mais je dois attester que cette fantaisie diplomatique, que les historiens de cette époque prennent aujourd’hui au sérieux, n’alla jamais plus loin que la porte de ce cabinet, et qu’elle ne fut jamais qu’un sujet de conversation entre des diplomates français étourdis et impatients des tracasseries de l’Autriche contre nous, forfanterie de cabinets, politique désespérée qu’on jette au vent comme une menace, mais qui ne retombe que sur ceux qui ont rêvé l’absurde ou imaginé l’impossible. […] Elle se dira, dans sa sagesse, ceci : Le mouvement libéral, national, de lui-même, de son sol et de sa pensée en Italie, est beau de souvenir et d’espérance.

3070. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Nous ne croyons que ce qui se prouve, nous ne sentons que ce qui se touche ; la poésie est morte avec le spiritualisme dont elle était née ; et ils disaient vrai ; elle était morte dans leurs âmes, morte dans leurs intelligences, morte en eux et autour d’eux. […] Le drame va tomber au peuple ; il était du peuple et pour le peuple, il y retourne ; il n’y a plus que la classe populaire qui porte son cœur au théâtre.

3071. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Née d’une révolte des esprits contre l’autorité, elle se défie de l’admiration comme d’une servitude, de la tradition comme d’un préjugé, du passé comme d’un obstacle au présent. […] Reste cette sagesse expectante dont je parlais tout à l’heure, née des témérités de l’affirmation, et qui conclut en toutes questions par la tolérance.

3072. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Jusqu’en 1865, je ne me suis figuré l’île de Chio que par ces trois mots de Fénelon : « l’île de Chio, fortunée patrie d’Homère. » Ces trois mots, harmonieux et rythmés, me semblaient une peinture accomplie et, bien qu’Homère ne soit pas à Chio, que peut-être il ne soit nulle part, ils me représentaient mieux la belle (et maintenant si malheureuse) île grecque que tous les entassements de petits traits matériels.

3073. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Deux pays, la France et l’Allemagne, sont en présence, deux pays unis par un séculaire échange d’idées et d’efforts, un jour séparés par une guerre folle et à jamais détestable : mais la paix a été faite, les anciennes relations, si amicales, ont été retrouvées ; depuis des générations, c’était, entre les deux, une réciprocité de salutaires influences, un constant retour, au-dessus des rives du vieux Rhin, de ces choses intellectuelles et morales dont vivent les peuples ; à grand peine donc, et malgré les fanatismes un instant renouvelés, l’œuvre de mutuelle régénération est reprise ; et voilà que l’un de ces pays enfin a produit l’œuvre qui résume son âme, l’artiste absolu lui est en qui aboutissent les qualités nationales éminentes, l’homme par excellence dont l’œuvre résume toutes les aspirations d’une race ; à son tour, ce pays offre à l’autre, à travers les frontières, ce magnifique tribut d’idéalité nouvelle : appartient-il à quelqu’un de protester ? […] Et attendons, espérons en l’avenir. — Un an est en Allemagne ?

3074. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre premier. Sensation et pensée »

répond de Hartmann, l’égalité ne se tire pas davantage des perceptions seules que les choses font naître en nous, car le même raisonnement s’appliquerait ici aux perceptions, dont la première ne peut enrichir la seconde d’une qualité nouvelle. » De Hartmann est dupe des jeux de sa dialectique : il considère les perceptions comme de petits cubes qui existent l’un en dehors de l’autre avec une parfaite indifférence l’un pour l’autre, si bien que leur voisinage ne leur apporte pas le moindre changement. […] Que la même série de faits se reproduise un grand nombre de fois, le souvenir aidant, la solution du problème deviendra de plus en plus facile et familière ; au tâtonnement fortuit succédera l’effort éclairé par la réflexion, le mouvement volontaire, principalement le tact ; et ce processus instinctif aboutira à la forme primitive de tout raisonnement : « J’ai déjà éprouvé cette même sensation (par exemple la faim), je me suis soulagé par tel mouvement (manger) ; donc c’est le même mouvement qu’il faut faire. » Ainsi les problèmes de la pensée naissent de l’appétition, où se pose en fait, d’une manière concrète et active, la question de la causalité, et ils trouvent leur solution dans la classification des différences et ressemblances, qui subordonne toutes choses à la notion d’identité.

3075. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Il disait encore : « La musique, je crois encore que j’étais pour en faire, c’est étonnant comme les airs m’arrivent naturellement, et il chantonnait un air qui était une réminiscence de : Au clair de la lune… » Seulement chez lui, aucune bêtise administrative… Il a été toujours charmant pour moi, ne me demandant que de me faire couper les cheveux… Ce qu’il y a de curieux, c’est par quoi je l’ai séduit. […] Mardi 15 août Je crois qu’un curieux d’art ne naît pas comme un champignon, et que le raffinement de son goût est produit par l’ascension de deux ou trois générations, vers la distinction des choses usuelles.

3076. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Petit glossaire »

… Plus innocent des agis actuels que l’enfant non encore . […] — Assemblage de fleurs ou de fruits qui, bien que les rameaux ou pédoncules naissent de divers points de la tige, s’élèvent au même niveau, l.

3077. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

en Espagne, d’une mère espagnole, il était l’expression irréductible et sans mélange de la race de sa mère. […] Mais le Rembrandt qui la donnera est-il  ?

3078. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Il était bien de toute manière. […] Et de tout cet amas des globes se formèrent, Et derrière ces blocs naquit la sombre nuit.

3079. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Victor Hugo »

Mais quand, en Angleterre, au commencement du xviiie  siècle, ce temps que nous touchons presque avec la main, il n’y a pas dans le palais d’un pair tout-puissant un seul domestique qui vienne quand il sonne comme un enragé, quand il se perd à travers les labyrinthes des salles et des salons de son palais absolument vide et où tout le monde doit dormir sans doute encore plus fort que dans la Belle au bois dormant, et que cette longue course à travers ces salles, comme à travers une lande ou une forêt, est inventée seulement pour nous ménager la surprise, au bout, de la baignoire et de la nudité de la duchesse Josiane, voilà qui doit détruire tout intérêt — même le grossier qu’on voudrait faire naître ! […] Ce n’était pas, ce ne pouvait pas être le rire, et si, par une hypothèse que je n’accorde pas, cette douloureuse et cruelle hideur avait pu produire l’irrésistible rire, ce n’est pas du rire que peut naître jamais l’amour ni même le désir, et Josiane, sérieuse comme la passion et comme le vice, n’aurait jamais aimé Gwynplaine.

3080. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

en 1658 au château de Saint-Pierre en Basse-Normandie, cadet d’une noble maison, Charles-Irénée Castel de Saint-Pierre (Irénée, c’est-à-dire pacifique, il y a de ces heureux hasards de noms) ne dut faire ses premières études dites classiques, ses humanités, que faiblement et sans zèle ; pas la plus petite fleur, pas le plus léger parfum de l’Antiquité ne passa en lui.

3081. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

en Bourgogne, d’une famille parlementaire (1627), il s’annonça de bonne heure par les plus brillantes dispositions ; son feu, sa vivacité étaient modérés par une douceur et une sagesse qui se retrouvent dans toute sa vie ; sa parole était de feu, mais son esprit, sa conduite furent toujours sages.

3082. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Sully Prudhomme, à son tour, s’adresse à Musset ; il le prend sur un tout autre ton avec toutes les cérémonies et tous les respects, mais ce n’est que pour mieux marquer sa dissidence et pour faire acte de séparation : on ne dira pas du moins qu’il ne l’a pas senti et loué comme il faut : Toi qui naissais à point dans la crise où nous sommes, Ni trop tôt pour savoir, ni, pour chanter, trop tard, Pouvant poser partout sur les œuvres des hommes Ton étude et ton goût, deux abeilles de l’art ; Toi dont la muse vive, élégante et sensée, Reine de la jeunesse, en a dû soutenir Comme un sacré dépôt l’amour et la pensée, Tu te plains de la vie et ris de l’avenir !

3083. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LA REVUE EN 1845. » pp. 257-274

Lorsque, il n’y a pas moins de treize à quatorze ans, au lendemain de la révolution de Juillet, cette Revue comme nça, et qu’elle conçut la pensée de naître, elle dut naturellement s’adresser aux hommes jeunes et déjà en renom, aux écrivains et aux poëtes que lui désignait leur plus ou moins de célébrité.

3084. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Dans la conversation même, il s’animait très-vite ; l’intérêt des idées qu’elle faisait naître le rendait complètement à son état naturel, et jamais son entretien n’était sans quelques-uns de ces traits amusants, inattendus, qui lui étaient particuliers.

3085. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Alors l’homme élu. dans les entrailles duquel toutes les souffrances de l’humanité doivent retentir ; qui doit sentir en son sein s’amasser douloureusement un amour immense ; qui doit concevoir en sa tête féconde la forme nouvelle, plus large et plus heureuse, de l’association humaine ; cet homme vraiment divin, ce poëte, cet artiste, ce révélateur fils de Dieu, est déjà  ; que ce soit Moïse, Orphée, Jésus, Confucius ou Mahomet, il grandit, se développe miraculeusement, se perfectionne avant tous ses contemporains ; véritable fruit providentiel, il mûrit et se dore sous un soleil encore voilé pour d’autres, mais dont la chaleur lui arrive déjà, à lui, parce qu’il est au foyer de l’univers, et qu’il ne perd pas un seul des rayons de Dieu.

3086. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Son règne littéraire a vu naître et passer les écoles et les genres.

3087. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

C’est cette liberté qui le relève, et qui, en lui comme dans la race, ne peut être étouffée ni périr ; en vain nous naissons sujets ; nous restons critiques.

3088. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

« Ne pensez-vous pas qu’on peut être si heureusement qu’on trouve un grand plaisir à faire le bien ?

3089. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « III. Quelques mots sur l’explication de textes »

De là naquit, chez les meilleurs maîtres, l’usage de courber les esprits sur les textes, et, si je puis dire, de les y frotter.

3090. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Les femmes de France : poètes et prosateurs  »

Il est vrai que le souvenir de leur sexe peut également se retourner contre elles… En somme, soit que l’idée d’un autre charme que celui de leur style agisse sur nous, soit qu’au contraire l’effort de leur art et de leur pensée nous semble attenter aux privilèges virils, il est à craindre que nous ne les jugions avec un peu de faveur ou de prévention, qu’elles ne nous plaisent à trop peu de frais dans les genres pour lesquels elles nous semblent nées (lettres, mémoires, ouvrages d’éducation), et qu’elles n’aient, en revanche, trop de peine à nous agréer dans les genres que nous considérons comme notre domaine propre (poésie, histoire, critique, philosophie).

3091. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Ton âme a donc rejoint le somnolent troupeau Des ombres sans désirs, où t’attendait Virgile, Toi qui, pour le jour d’où le trépas t’exile, Faisais des Voluptés les prêtresses du Beau !

3092. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verlaine, Paul (1844-1896) »

Edwig Lachmann Paul Verlaine est à Metz.

3093. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Née à Padoue en 1562, Isabelle brillait sur le théâtre depuis 1578, se faisait admirer par sa beauté, par ses rares talents, et, ajoutent tous les témoignages contemporains, par sa vertu.

3094. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre V. L’antinomie esthétique » pp. 109-129

« Que l’on admette un milieu social guerrier, Sparte par exemple, dit Guyau, et qu’il vienne à y naître, par une de ces variations fortuites que la théorie de la sélection est forcée d’admettre, un homme doué de sentiments délicats et pacifiques ; évidemment cet homme essaiera de ne point modifier son âme, de ne pas accomplir des actes qui lui répugnent.

3095. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XIII. Conclusions » pp. 271-291

L’individu naît et demeure l’ennemi de la société.

3096. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Jean était de race sacerdotale 269 et , ce semble, à Jutta près d’Hébron ou à Hébron même 270.

3097. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

Ce physiologiste fait remarquer que le fœtus produit des mouvements qui ne peuvent évidemment dépendre des circonstances complexes d’où ils naissent chez l’adulte ; s’il meut ses membres, c’est donc parce qu’il peut les mouvoir.

3098. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Il est et il a grandi dans l’incroyable ignorance de son état civil, grâce au nom d’emprunt sous lequel ou l’a déguisé.

3099. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Journal de la campagne de Russie en 1812, par M. de Fezensac, lieutenant général. (1849.) » pp. 260-274

Les réflexions que fait naître cette simple relation sont de plus d’un genre ; l’impression qu’elle laisse après elle dans l’esprit est ineffaçable.

3100. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre II. Le cerveau chez les animaux »

N’est-il pas naturel que l’âme se décompose alors, et se dissipe comme une fumée dans les airs, puisque nous la voyons comme le corps naître, s’accroître et succomber à la fatigue des ans ? 

3101. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Mais, dira-t-on, si les instincts sont soumis à la prédominance de certaines parties du cerveau, si l’on naît avec la bosse du vol, de l’homicide, du libertinage, que devient le libre arbitre ?

3102. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

De la beauté naît l’admiration ; de l’admiration, l’estime, le désir de posséder et l’amour.

3103. (1912) L’art de lire « Chapitre IX. La lecture des critiques »

Il y aussi le professeur qui, par souci, certes très louable, de chercher la personnalité et de la faire naître, prend, avec une bonne volonté touchante, pour des marques de personnalité hésitante encore et se cherchant, mais pouvant aboutir, de simples signes de bizarrerie, ou de simples boutades d’espiègle.

3104. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « De Stendhal »

Lorsque, d’un autre côté, cet observateur, digne d’être impersonnel, déclassé par les hasards de la naissance et de la vie, mais naturellement aristocrate comme on doit l’être quand, intellectuellement, on est duc, revêt par vanité — ce sentiment qu’il raille sans cesse — les plates passions du bourgeois révolutionnaire, c’est-à-dire de l’espèce d’animal qu’il devait détester le plus, et s’ingénie à nous rapetisser Lord Byron parce que Lord Byron était un aristocrate, il nous offre, il faut en convenir, à ses dépens, un triste spectacle.

3105. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Récamier »

Elle en eut qui naquirent uniquement de son charme, de cette féconde amabilité qui n’était pas l’esprit, — car, ne vous y trompez pas !

3106. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Stendhal » pp. 43-59

Lorsque, d’un autre côté, cet observateur, digne d’être impersonnel, déclassé par les hasards de la naissance et de la vie, mais naturellement aristocrate, comme on doit l’être quand, intellectuellement, on est duc, revêt par vanité, — ce sentiment qu’il raille sans cesse, — les plates passions du bourgeois révolutionnaire, c’est-à-dire de l’espèce d’animal qu’il devait détester le plus, et s’ingénie à nous rapetisser lord Byron, parce que lord Byron était un aristocrate, il nous offre, il faut en convenir, à ses dépens, un triste spectacle.

3107. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Eugène Fromentin ; Maxime du Camp »

L’auteur d’Un An dans le Sahel n’a pas l’antipathie moderne pour la guerre, et il croit à la haine implacable des races, nées ennemies, que toutes les civilisations de l’avenir seront impuissantes à empêcher.

3108. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — Se connaître »

Ici ont raison les avertisseurs. » Je me permettrai tout d’abord d’exprimer l’étonnement que fait naître en moi cette constatation, faisant suite à la précédente.

3109. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

(Ibsen est en 1828 ; la Maison de poupée est de 1879 et les Revenants de 1881. ) » Mon honorable correspondant me donne ensuite une liste détaillée des principales œuvres d’Ibsen (dix-huit comédies ou drames, un volume de poésies) ; il me dit les dates, les succès divers, les représentations à l’étranger, les traductions, etc.. […] L’acte par lequel la race se perpétue, les relations des sexes et tous les sentiments qui naissent de là, forment, par la force des choses, une part éternelle et essentielle de la vie de l’humanité. […] C’est l’histoire d’un mari trompé qui refuse l’indemnité que lui offre le barine amant de sa femme ; puis qui égorge dans un accès de jalousie l’enfant de l’adultère, et qui enfin, affolé par le remords, vient se livrer, spontanément à la justice. […] Et, sans doute, Suzanne cherchait, en outre, l’argent ; mais, orgueilleuse et fine ainsi qu’on nous la montre, il est fort probable qu’elle n’eût, comme Olivier, cherché que le plaisir si elle était née riche comme Olivier. […] Où était-elle née ?

3110. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Nous ne pouvons les empêcher de naître. […] C’est ainsi que naît l’idée d’extériorité. […] Dans tout esprit où la faculté d’intégrer ne sera pas déjà développée, la pensée ne pourra naître. […] De la parfaite harmonie entre ces deux termes naîtra le beau. […] C’est ainsi que naît l’instinct.

3111. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Cette science toute moderne, née en France sous l’impulsion féconde de Lavoisier, Bichat, Magendie, etc., était jusqu’à présent restée, il faut le dire, à peu près sans encouragements, tandis qu’elle en recevait, par contre, de considérables dans les pays voisins. […] Ce sont là des conceptions métaphysiques nécessaires, mais qui ne sortent point du domaine où elles sont nées, et ne viennent point réagir sur les phénomènes qui ont donné à l’esprit l’occasion de les créer. […] D’autre part une conséquence impérieuse de la vie est de ne pouvoir naître que de la mort. […] La théorie cellulaire, née en 1838 à la suite des travaux du botaniste Schleiden, a commencé d’être ébranlée vers 1850. […] En 1870, une modification se produisit dans les idées et l’on vit naître la théorie plastidulaire.

3112. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Phanor est disciple. (1836) XXVIII L’ambition ne m’est pas naturelle ; je me la suis inoculée à propos de ma candidature académique (1844). […] Pour apaiser un peu cette soif d’avoir toujours prédit juste en politique, il devrait avoir derrière lui, comme l’antique Gracchus, son joueur de flûte qui lui chanterait à mi-voix son hymne du duc de Bordeaux, qu’il a tant oublié : Il est l’enfant du miracle ! […] Il vous dira à la fois de quel côté du Rhin doit naître le prochain grand homme, et combien il y, a de clous dans un canon. […] Je ferai remarquer que, pour l’exactitude du sens, il faudrait pas dire un réformé, car les réformés, c’étaient précisément ceux qui prétendaient à bien rimer et à réformer la poésie, et les réformés en religion, les calvinistes, n’étaient pas non plus des plus coulants.

3113. (1933) De mon temps…

Ce fut là que naquit son amitié pour les fleurs et qu’elle se familiarisa avec les beautés de la terre, des eaux et du ciel, que grandit en elle cet ardent et mélancolique amour de la vie qui la rendit à jamais sensible à tout ce qui est vivant, à tout ce qui en nous souffre, désire, espère, regrette. […] A cette époque je rencontrais assez souvent Jules Lemaître, dans le salon de Mme Emile Straus, née Halévy. […] Le grognard était en lui. […] De ce scrupule d’exactitude, de ce tourment du rendu, de cette recherche de la notation minutieusement juste, sont nés les curieux ouvrages qui composent son œuvre, œuvre de peintre presque autant que d’écrivain, œuvre aussi de rêveur qui, de la notation du réel et du visuel, en vint à la notation de l’irréel et de l’invisible.

3114. (1802) Études sur Molière pp. -355

Une fille vient au monde, Magnifico, tenant à la somme convenue, montre au Docteur le fils d’un de ses cousins, le même jour, et fait ensuite élever sa fille, Diane, sous le nom de Fédéric. […] On peut, en lisant la satire d’Horace, se convaincre que Molière l’a imitée, cependant, lorsque nous voyons jouer la première scène des Fâcheux, nous reconnaissons les mœurs du temps qui la vit naître ; aucun air étranger ne laisse soupçonner son antique origine à ceux qui ne la connaissent pas ; et voilà ce qui distingue l’imitateur du plagiaire. […] Cette année vit naître et le meilleur modèle que nous ayons dans le genre gracieux, Le Sicilien, ou l’Amour peintre, et le chef-d’œuvre comique de tous les lieux, de tous les temps, Le Tartuffe. […] ou quelques cagots italiens lui en ont-ils fait naître l’idée, « en voyant des truffes chez le nonce, et en s’écriant, d’un ton mêlé de gourmandise et de béatitude, Tartufoli, signor noncio, Tartufoli !  […] Ajoutons qu’en appliquant ces quatre vers à Orgon, Dorine semble vouloir excuser Elmire, sur la vertu de laquelle on ne doit faire naître aucun soupçon. — Ce lazzi est de tradition. — Monsieur le journaliste, la tradition a tort, quand elle perpétue les sottises.

3115. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

Si l’étonnante finesse d’odorat à l’aide de laquelle les mâles de beaucoup d’insectes trouvent leurs femelles mérite à juste titre notre admiration, pouvons-nous admirer de même la création de milliers de faux bourdons, entièrement inutiles à la communauté des Abeilles, et qui ne semblent nés en dernière fin que pour être massacrés par leurs laborieuses mais stériles sueurs, puisqu’un seul d’entre eux ou quelques-uns tout au plus sont nécessaires à la fécondation des jeunes reines nées dans la même communauté ? Nous devrions admirer aussi, bien que cela nous puisse paraître difficile, la haine sauvage et instinctive qui pousse la reine-Abeille à détruire les jeunes reines, ses filles, aussitôt qu’elles sont nées, ou à périr elle-même dans le combat ; sans doute, c’est le bien de la communauté qui l’exige, et la haine maternelle peut provenir comme l’amour, bien que par bonheur plus rarement, de ce même principe inexorable de sélection naturelle.

3116. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Qui donc jamais naquit plus brillamment doué que l’auteur des Contes d’Espagne et d’Italie ? […] Et par toi les désirs naissaient au cœur des Dieux, Les hommes, enfouis dans leur fange maudite. […] Et surpassant Vénus, perle éclose de l’onde, Pantélïa naquit de l’écume du ciel ! […] sous le ciel chaud de Cuba, ce qui lui plaît et ce qu’il vous offre, ce sont de farouches floraisons de couleurs. […] Les tireurs d’horoscope disent : « Ceux qui sont nés sous le signe de Saturne se complaisent dans les idées lugubres, car ils sont grondeurs, chagrins, mornes.

3117. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

En désapprenant à se juger soi-même, on s’est livré pieds et poings liés au jugement des autres, on a donné aux autres une puissance qu’ils ne doivent point avoir, par excès d’orgueil on s’est fait esclave ; la critique est née pour, petit à petit, tout dévorer. […] Si j’ai touché à ce sujet, c’est que l’esprit de critique, , comme je l’ai dit plus haut, de l’orgueil général froissé par des orgueils particuliers, s’étend aujourd’hui à toute la population, et est devenu la seule conséquence facile à concevoir mais triste à souffrir des grands airs de 1830. […] L’homme est curieux, cette curiosité a produit tous les arts. […] Diderot a fait naître le premier, et s’il n’avait abusé des tableaux et lui aussi cherché l’exception, il aurait été le modèle à suivre. […] « Je tends à représenter la nature avec l’émotion qui naît en moi de ses spectacles. » Peu de gens ont le droit de parler ainsi.

3118. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le Blond nous a promis qu’il en naîtrait des merveilles : nous ne demandons qu’à le croire et nous attendons des œuvres avec anxiété… Avec anxiété, car ces jeunes gens, qui s’affirment épris de science, de réel et de simplicité, rénoveront peut-être la poésie française, aujourd’hui passablement cacochyme, radoteuse et podagre. […] Et de là naissait la société, l’association librement consentie des centaines d’association diverses… Et c’était tout, plus d’oppresseurs, plus de riches et de pauvres, le domaine commun de la terre, avec ses outils de travail et ses trésors naturels, rendu au peuple, le légitime propriétaire qui saurait en jouir logiquement, lorsque rien d’anormal n’entraverait plus son expansion. […] D’autres arbustes étaient nés à l’entour. […] L’insecte, la fleur et l’étang, Tout vit, palpite, espère, attend Avec un frémissement d’aise : Soudain l’orient violet S’empourpre d’un sanglant reflet L’aurore naît, le vent s’apaise. […] Et il en est de même du moment qui a engendré celui-ci et du moment auquel celui-ci donne naissance. — Homme, toute ta vie, comme un sablier, sera toujours à nouveau retournée et s’écoulera toujours à nouveau — chacune de ces existences n’étant séparée de l’autre que par la grande minute de temps nécessaire pour que toutes les conditions qui t’ont fait naître se reproduisent dans le cycle universel.

3119. (1893) Alfred de Musset

Aucun n’avait éveillé dans les cœurs autant de ces longs échos qui ne naissent que d’un accord intime avec le lecteur, et qu’un simple plaisir d’art est impuissant à produire. […] Il naquit à Paris, le 11 décembre 1810, dans une vieille famille où l’amour des lettres était de tradition et où tout le monde, de père en fils, avait de l’esprit. […] Il était avec la foi au hasard, et il fut toujours de ceux qui croient aux surprises du sort, quitte à s’estimer trompés et frustrés, quand il n’arrive que ce qui devait arriver. […] Il est surprenant que Sainte-Beuve, avec sa pénétration extraordinaire, n’ait pas deviné tout d’abord que Musset était un romantique classique6, autant dire un romantique d’occasion, sur lequel on avait tort de compter absolument, tiraillé qu’il était entre ses instincts et l’influence du milieu. […] Elle et Lui, de George Sand, et la réponse de Paul de Musset, Lui et Elle, sont des livres de rancune, nés de l’état de guerre créé et entretenu par des amis, pleins de bonnes intentions sans doute, mais, à coup sûr, bien mal inspirés.

3120. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Jean Valjean était dans les ténèbres ; il souffrait dans les ténèbres ; il haïssait dans les ténèbres ; on eût pu dire qu’il naissait devant lui. […] Et, secondement, où pouvait mourir une fille publique, née sans père ni mère, débauchée de mœurs d’abord, de misère ensuite ; où pouvait-elle mieux mourir que dans un hospice, providentiellement recueillie par la bienfaisance, et dans la couche préparée par de saintes filles sous les ailes de la religion ?

3121. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Du concours de différentes causes, de différentes conditions, tant intérieures qu’extérieures, qui ne sauraient être signalées en détail, sont nées les races présentes des animaux ; et leurs variétés les plus frappantes se rencontrent chez ceux qui ont en partage la faculté d’extension la plus considérable sur la terre. […] Sans doute la richesse et la grâce dans la structure d’une langue sont l’œuvre de la pensée, dont elles naissent comme de la fleur la plus délicate de l’esprit ; mais les deux sphères de la nature physique et de l’intelligence ou du sentiment n’en sont pas moins étroitement unies l’une à l’autre ; et c’est ce qui fait que nous n’avons pas voulu ôter à notre tableau du monde ce que pouvaient lui communiquer de coloris et de lumière ces considérations, toutes rapides qu’elles sont, sur les rapports des races et des langues.

3122. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

Il s’ensuit que la force inhérente à tous les états de conscience a sa dernière raison dans l’indissolubilité de ces deux fonctions fondamentales : le discernement, d’où naît l’intelligence, et la préférence, d’où naît la volonté.

3123. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous allâmes dans ce salon, dans le salon de cette femme, une artiste qui est coupable d’être née princesse. […] » Et en revenant de chez lui, en chemin, l’idée naissait chez nous de faire pour les Français une revue de l’année, dans une conversation, au coin d’une cheminée, entre un homme et une femme, pendant la dernière heure du vieil an, un petit proverbe qui devait s’appeler : La Nuit de la Saint-Sylvestre 30.

3124. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Une suite nombreuse de religieuses du monastère où elle était née, et de compagnes de son heureuse enfance, l’accompagnait à la cour. […] Rama se trouble à son aspect : « Il est étonnant », dit-il, « qu’en touchant ces deux jeunes guerriers inconnus, un doux frémissement se répande sur tout mon corps ; une sueur, tiède rosée que fait naître l’excès de tendresse, s’épanche de tous mes pores.

3125. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Chaque année tend à remplir les lacunes qui existent dans les populations successives de cette période, et à montrer que le nombre proportionnel des espèces qui s’éteignent est graduel, comme celui des espèces qui naissent. […] De nouvelles espèces se forment de variétés qui naissent douées de quelques avantages sur des formes plus anciennes, et ce sont les formes qui sont déjà dominantes, c’est-à-dire qui ont déjà depuis longtemps l’avantage sur les autres formes de la même contrée, qui naturellement produisent le plus souvent des variétés nouvelles ou espèces naissantes.

3126. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

Il naît plus d’individus qu’il n’en peut vivre : un grain dans la balance peut déterminer quel individu vivra et lequel mourra, quelle variété ou quelle espèce s’accroîtra en nombre, et laquelle diminuera ou sera finalement éteinte. […] Les formes récentes sont généralement regardées comme étant, en somme, plus élevées dans la série organique que les formes anciennes et éteintes, et elles sont en effet plus parfaites, à ce point de vue du moins, qu’étant les dernières nées elles ont dû vaincre et supplanter dans la concurrence vitale les formes plus anciennes et moins parfaites ; et elles ont aussi, en général, leurs organes plus spécialisés pour différentes fonctions.

3127. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Quoi, nous sommes ce peuple qui, à la fin du dernier siècle, — hier, au moment où nos pères venaient de naître, — illumine le monde entier par les éclats merveilleux de la plus sublime révolution qui se soit jamais accomplie ; nous sommes ce peuple qui, traversant l’Europe au bruit du canon, va porter à toutes les nations les germes d’une liberté encore endormie peut-être, mais que j’entends sourdre sous la terre ; nous sommes ce peuple qui se débat glorieusement à travers les neiges meurtrières et qui force, par sa défaite même, toutes les races à venir s’asseoir chez lui au grand banquet de la civilisation ; nous sommes ce peuple qui souffre d’une gestation d’avenir ; nous sommes ce peuple qui a eu tant de gloires magnifiques, tant de poignantes humiliations, et il faut donner des récompenses nationales à ceux qui chantent en français de cuisine les Grecs et les Romains ! […] Le penseur regarde avec calme ces spasmes et ces efforts ; il compte ces pulsations saccadées, il met pieusement la main sur ce sein qui se tord et se gonfle, il écoute cette voix haletante, et il se dit en souriant d’espérance : « C’est le nouveau monde qui va naître. » Mais dorénavant il n’y aura pas besoin d’avalanches de barbares, de Fléaux de Dieu, de dévastations, de ruines, d’incendies, de pillage, de superposition violente d’une race à une autre race, pour substituer l’avenir au passé !

3128. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

L’austérité, au reste, y est plutôt pour les maîtresses dont la vie se passe dans la vigilance, dans les précautions continuelles, et qui deviennent dès lors de vraies religieuses régulières par la solennité et la perpétuité des vœux : quant aux élèves et demoiselles, lors même qu’elles ont été guéries ou préservées, dans ce second et plus sûr régime, des dissipations d’esprit et des goûts d’émancipation trop mondaine, Mme de Maintenon a toujours lieu de dire : « Je ne crois pourtant pas qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Les craintes qu’avait fait naître à un moment l’invasion du bel esprit étant passées, et le correctif ayant réussi, on revint à Saint-Cyr à une voie moyenne, et où le bon langage eut sa part d’attention et de culture.

3129. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Parti le 17 mai de Versailles, il s’en revient à la fin de septembre sans avoir rencontré ni fait naître d’occasion, sans avoir rien tenté de mémorable.

3130. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

Loyales et galantes natures qui, nées et nourries dans les sphères oisives, s’appliquaient du moins à donner de nobles cadres à leur vie !

3131. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Quant à la poésie véritable, qui ne consiste pas uniquement dans la description des formes, elle saura naître des merveilles de ce monde moderne, elle saura s’en accommoder ou même s’en inspirer, si d’aventure elle rencontre uneâme et un talent faits à sa mesure et d’un tour nouveau : c’est le secret de l’originalité.

3132. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Le premier livre qui le tira de ce pêle-mêle, en lui donnant un terme de comparaison, et qui l’initia à la littérature classique, ce fut Gil Blas, qu’il vit entre les mains d’un ami ; le livre, à peine lu, le dégoûta à l’instant « de la faconde moderne, du roman d’intrigue, du roman de thèse, du roman de passion, et de tout cet absurde et de toute cette emphase qu’il avait tant aimés. » Ce prompt effet du naturel et du simple sur un esprit ferme et pour le bon style est rendu à merveille.

3133. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Ô mon premier amour et ma première née,   Anges que le Ciel m’a repris !

3134. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Qu’est-ce, auprès de ces systèmes profonds, rigoureux, enchaînés, et d’une vérité éternelle, qui occupent la pensée d’un Newton ou d’un Laplace, que nos faibles observations passagères, nos remarques d’esprits fins et légers, sans suite, où le fil casse à chaque instant, nos aperçus rapides et fugitifs, ce que nous appelons traits d’esprit, saillies, reflets, étincelles aussitôt nées, aussitôt évanouies ?

3135. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

. — Celui qui veut exercer une influence utile ne doit jamais rien insulter ; qu’il ne s’inquiète pas de ce qui est absurde, et que toute son activité soit consacrée à faire naître des biens nouveaux.

3136. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Et c’est cet homme, enchevêtré, il est vrai, par son éducation, par sa naissance, par ses alentours (son Journal en fait foi) et tous ses liens originels de famille, de paroisse, de cléricature, dans l’idée ecclésiastique la plus étroite, c’est cet homme religieux, d’ailleurs, et qui se croit charitable, qui a des pratiques vraiment chrétiennes, qui chaque fois qu’il lui naît un enfant, par exemple, le fait tenir sur les fonts baptismaux « par deux pauvres », c’est lui qui va devenir un persécuteur acharné, subtil, ingénieux, industrieux, impitoyable, de chrétiens plus honnêtes que lui, un tourmenteur du corps et des âmes, et le bourreau du Béarn.

3137. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Et puis, comme le Gaulois est malin et qu’il y en a dans l’armée des Mercenaires, je ne fais qu’imiter leur exemple en y mêlant, vaille que vaille, le souvenir de cette gaie parodie chantante, Paris à cinq heures du matin : L’ombre s’évapore, Et déjà l’aurore De ses rayons dore, etc.

3138. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La pudeur, la rougeur, cet apanage de la première jeunesse, leur a passé il y a beau jour ; l’audace va naître tout d’un coup, même chez les plus timides ; elles sont femmes désormais à faire les avances.

3139. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Fouché, on le sait, quand le mal ne servait à rien, ne le faisait pas ; il était « bon diable », comme le disait de lui l’Empereur ; il aimait à rendre service par facilité de caractère, et aussi parce qu’on sait jamais ce qui peut arriver.

3140. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Singulier mélange, en effet, que cet abbé de Pradt, instruit de tant de choses et qui croyait s’entendre à toutes ; homme d’Église qui l’était si peu, qui savait à fond la théologie, et qui avait à apprendre son catéchisme ; publiciste fécond, fertile en idées, en vues politiques d’avenir, ayant par moments des airs de prophète ; écrivain des circonstances, romantique et pittoresque s’il en fut ; le roi des brochuriers, toujours le nez au vent, à l’affût de l’à-propos dans les deux mondes, le premier à fulminer contre tout congrès de la vieille Europe ou à préconiser les jeunes républiques à la Bolivar ; alliant bien des feux follets à de vraies lumières ; d’un talent qui n’allait jamais jusqu’au livre, mais qui avait partout des pages ; habile à rendre le jeu des scènes dans les tragi-comédies historiques où il avait assisté, à reproduire l’accent et la physionomie des acteurs, les entretiens rapides, originaux, à saisir au vol les paroles animées sans les amortir, à en trouver lui-même, à créer des alliances de mots qui couraient désormais le monde et qui ne se perdaient plus ; et avec cela oublieux, inconséquent, disparate, et semblant par moments sans mémoire ; sans tact certainement et sans goût ; orateur de salon, jaseur infatigable, abusant de sa verve jusqu’à l’ennui ; s’emparant des gens et ne les lâchant plus, les endoctrinant sur ce qu’ils savaient le mieux ; homme à entreprendre Ouvrard sur les finances, Jomini sur la stratégie, tenant tout un soir, chez Mme de Staël, le duc de Wellington sur la tactique militaire et la lui enseignant ; dérogeant à tout instant à sa dignité, à son caractère ecclésiastique, avec lequel la plupart de ses défauts ou, si l’on aime mieux, de ses qualités se trouvaient dans un désaccord criant ; un vrai Mirabeau-Scapin, pour parler comme lui, un archevêque Turpin et Turlupin.

3141. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Nés tous deux d’une ancienne famille noble du Midi fort déchue en fortune, mais restée fidèle jusqu’au bout aux sentiments et à l’honneur de la race, ils auront plus contribué à l’illustrer que tous les preux chevaliers d’autrefois à jamais oubliés et perdus dans la nuit des âges.

3142. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

Dans toutes les conditions et toutes les carrières, en quelque rang que la fortune les ait fait naître, nombre de natures généreuses s’y livrent par le seul entraînement d’une vocation irrésistible. » M. 

3143. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Il convient en plus d’un endroit qu’il n’est pas précisément courageux, qu’il n’est pas pour l’héroïsme.

3144. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

le 2 février 1754, en plein XVIIIe  siècle, d’une des plus vieilles familles de la monarchie, fils aîné d’un père au service et d’une mère attachée à la cour, Charles-Maurice de Talleyrand, entièrement négligé de ses parents dès sa naissance et qui, disait-il, « n’avait jamais couché sous le même toit que ses père et mère », éprouva au berceau un accident qui le rendit boiteux.

3145. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il suffit d’un jour où l’on ait pu prêter un appui par quelques pensées, par quelques discours, à des résolutions qui ont amené des cruautés et des souffrances ; il suffit de ce jour pour tourmenter la vie, pour détruire au fond du cœur, et le calme, et cette bienveillance universelle que faisait naître l’espoir de trouver des cœurs amis partout où l’on rencontrait des hommes.

3146. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Il ne peut naître que pour un objet excellent et dans un sujet excellent.

3147. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

L’avenir n’est que ténèbres et épouvante : toutes les fois que j’essaye de me figurer ce que sera le monde dans cent ans, dans mille ans, je sors de ce rêve avec un malaise horrible, une rage de ne pas savoir, un désespoir d’être si tôt, une terreur devant l’inconnu.

3148. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

La troupe s’était adjoint Andrea Zanotti, second amoureux sous le nom d’Ottavio, Ursula Corteza, seconde amoureuse sous le nom d’Eularia, et un second zanni, Domenico Biancolelli, à Bologne, en 1640, jouant sous le nom d’Arlequin ; en tout dix personnages, qui sont le nombre indispensable, dit Angelo Costantini, pour jouer une comédie italienne.

3149. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre III. Grands poètes : Verlaine et Mallarmé, Heredia et Leconte de Lisle » pp. 27-48

Et aussi longtemps qu’il naîtra des passionnés, des chrétiens, des âmes malades, et qui guérissent et qui retombent, des amoureux de la vie, c’est-à-dire ceux à qui elle donne ses caresses accidentelles et ses contusions chroniques, aussi longtemps il demeurera des confidents et des dévots de Paul Verlaine.

3150. (1890) L’avenir de la science « XII »

Et, quand on pense que des millions de millions d’êtres sont nés et sont morts de la sorte sans qu’il en reste de souvenir, on éprouve le même effroi qu’en présence du néant ou de l’infini.

3151. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Emprunte-t-il à la tradition ses vieilles croyances ou crée-t-il, en s’aidant de la science la plus récente, des êtres inconnus nés de sa propre imagination ?

3152. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

sans doute, il a pu arriver, sous le coup d’enthousiasmes largement justifiés d’ailleurs, que les splendeurs de la Tétralogie, les fièvres de Tristan, les sérénités de Parsifal, leur fissent momentanément oublier des œuvres intéressantes, nées plus près d’eux, trop près même !

3153. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

» Car toute joie se veut elle-même et, se voulant, elle veut toutes les conditions qui lui ont permis de naître.

3154. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer était à Paris le 25 décembre 1771, très Parisien malgré ce nom de physionomie étrangère.

3155. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

Le vieux dicton philosophique sur le désir, nihil appetimus uni sub specie boni , n’est applicable qu’au désir produit par l’anticipation d’un plaisir dans notre pensée ; mais ce désir de l’idée n’est pas le désir primitif, le penchant.

3156. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

foible & timide, il eut recours aux loix : il crut trouver en elles un frein à la satyre.

3157. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre I : Rapports de cette science avec l’histoire »

Quelquefois ils naissent d’une protestation de la conscience contre les mœurs et les institutions d’un temps, et par là ils ont encore leurs raisons d’être dans le temps lui-même : par exemple, la révolution de Socrate ou celle de Rousseau ; mais il ne faut pas exagérer le point de vue des origines extérieures des systèmes philosophiques.

3158. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

C’est ainsi que la poësie peut emploïer ce merveilleux qui naît des circonstances, et qu’on appellera si l’on veut un sublime de rapport.

3159. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Nous apprenons de Zozime et de Suidas, que l’art des pantomimes naquit à Rome sous l’empire d’Auguste, et c’est ce qui fait dire à Lucien que Socrate n’avoit vû la danse que dans son berceau.

3160. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et, bon an mal an, il naît, de nos jours encore, un ou deux nouveaux petits Robinsons4.

3161. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Seconde partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère de la littérature et des arts » pp. 326-349

Si, d’une part, notre littérature du siècle de Louis XIV est devenue européenne, et a cessé d’être exclusivement la nôtre, nous cherchons, d’une autre part, une littérature nouvelle, qui soit classique aussi, mais classique dans l’ordre de choses qui va naître.

3162. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

On me dira : Pétrarque, fils d’un Florentin exilé, n’a vu la ville de Florence qu’à une époque où il était déjà célèbre ; et Boccace, à Paris, a écrit ses premières œuvres à Naples. — Sans doute ; et je crois que Pétrarque, vivant à Florence, serait tout autre.

3163. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Il n’est pas indifférent d’en étudier la puissance chez une nation moins musicale que les Hellènes, moins née pour la spéculation et la poésie, mais partageant le même culte, attirée par la même gloire, et demeure le dernier modèle antique sur lequel devait se greffer et croître à l’avenir le génie moderne.

3164. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Nous ne prétendons pas dire que l’école réaliste n’est pas née viable. […] Oui, la tâche est belle pour les poètes de la nouvelle génération ; vienne le génie, les sublimes inspirations, — qui naissent toutes de la douleur, — ne lui feront pas défaut ; mais de bonne foi, pouvons-nous accepter la poésie de M.  […] Ou tout ce bruit ne voulait rien dire, ou il signifiait : — Un art nouveau vient de naître, un drame original vient d’être créé, et c’est à son avènement que s’adresse cet applaudissement unanime. […] Weill, parodiant un vers d’Horace, d’affirmer qu’on naît et qu’on ne devient pas homme de lettres, et il part de là pour entonner un dithyrambe en l’honneur de « ce forçat divin, presque toujours martyr de la société humaine ». […] De ces pauvres petits, nés avec une complexion délicate, la plupart sont morts avant l’expiration des mois de nourrice — malgré tous les soins des éditeurs ; — quelques-uns, moins chétifs et mieux avisés, ont survécu à l’époque du sevrage, et ont pris bravement leur parti de la destinée.

3165. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Chez Mme de Staël aussi bien que chez Benjamin Constant, les essais en ce genre furent médiocres : leur pensée si libre, si distinguée, dans la prose, n’emportait jamais, à l’origine, cette forme ailée du vers, qui, pour être véritablement sacrée, doit naître et partir avec la pensée même. […] Clémentine, Clarisse, Julie, Werther, ces témoins de la toute-puissance du cœur, comme elle les appelle, sont cités en tête des consolateurs chéris : il est aisé de prévoir, à l’émotion qui la saisit en les nommant, qu’il leur naîtra bientôt quelque sœur. […] Le besoin de dévouement et d’expansion, la pitié née des peines ressenties, la prévenance et la sollicitude à soulager, s’il se peut, les douleurs de tous et de chacun, comment dirai-je ? […] Mais, à part même l’honneur d’une initiative dont personne autre n’était capable alors, et que Villers seul, s’il avait eu autant d’esprit en écrivant qu’en conversant, aurait pu partager avec elle, je ne crois pas qu’il y ait encore à chercher ailleurs la vive image de cette éclosion soudaine du génie allemand, le tableau de cet âge brillant et poétique qu’on peut appeler le siècle de Goëthe ; car la belle poésie allemande semble, à peu de chose près, être née et morte avec ce grand homme et n’avoir vécu qu’une vie de patriarche ; depuis, c’est déjà une décomposition et une décadence.

3166. (1842) Discours sur l’esprit positif

Quoique les nécessités purement mentales soient sans doute, les moins énergiques de toutes celles inhérentes à notre nature, leur existence directe et permanente est néanmoins incontestable chez toutes les intelligences : elles y constituent la première stimulation indispensable à nos divers efforts philosophiques, trop souvent attribués surtout aux impulsions pratiques, qui les développent beaucoup, il est vrai, mais ne pourraient les faire naître. […] L’astronomie a fait naître, sous ce rapport, des espérances trop empiriques, qui ne sauraient se réaliser jamais pour les phénomènes plus compliqués, pas seulement quant à la physique proprement dite, dont les cinq branches principales resteront toujours distinctes entre elles, malgré leurs incontestables relations. […] La positivité abstraite, nécessairement née dans les plus simples études mathématiques, et propagée ensuite par voie d’affinité spontanée ou d’imitation instinctive, ne pouvait donc offrir d’abord qu’un caractère spécial et même, à beaucoup d’égards, empirique, qui devait longtemps dissimuler, à la plupart de ses promoteurs, soit son incompatibilité inévitable avec la philosophie initiale, soit surtout. sa tendance radicale à fonder un nouveau régime logique. […] On sentira mieux, au reste, la gravité d’une telle opposition en observant que, née des habitudes mentales, elle a dû s’étendre ensuite jusqu’aux divers intérêts correspondants, que notre régime scientifique rattache profondément, surtout en France, à cette désastreuse spécialité, comme je l’ai soigneusement démontré dans l’ouvrage cité.

3167. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

— mort en 1584, laissa un fils, appelé Démétrius, et de son septième mariage. […] Saint-Martin naquit en 1743 ; il avait cinquante ans en 1793 ; il fut donc contemporain à la fois de Voltaire et de Robespierre. […] Nous allons le suivre pas à pas à travers les stations de ce long Calvaire ; et si l’on partage, en nous lisant, les convictions que nous avons puisées dans son livre ; si, en retenant comme lui les cris de colère et de haine qu’appelle sans cesse sur les lèvres et sous la plume le récit de ces atrocités et de ces souffrances, nous réussissons à faire naître quelques-unes des émotions qui s’élèvent en foule de chacune de ses pages, nous serons fier de nous être associé un moment à cette œuvre réparatrice. […] Historiographe d’un prince qui venait de naître et dont il était forcé de nous raconter l’enfance, mêlée aux dernières splendeurs d’une cour brillante et aux premiers frémissements des catastrophes prochaines, il s’agissait de rester fidèle à son sujet, de ne pas laisser un moment son histoire se confondre avec celles de la Révolution ou même de Louis XVI, de ne pas perdre de vue ce frêle héros, destiné à servir de centre à ce drame, de fil conducteur à ce récit. […] On l’admirait en le voyant, on l’aimait après l’avoir entendu25. » Tel était, un mois avant la prise de la Bastille, Louis-Charles de France et de Bourbon, à Versailles le 27 mars 1785, devenu Dauphin de France le 4 juin 1789, et destiné à avoir, quatre ans plus tard, le savetier Simon pour instituteur et la tour du Temple pour palais.

3168. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Stricts et même rigoristes sur la probité, ils sont assez coulants sur les mœurs, sauf quand il s’agit de la courtisane, l’ennemie née du foyer domestique. […] j’étais donc pour la désolation de cette terre de mes pères ! […] Je ne vois pas, au surplus, pourquoi une créature conçue, avec une froideur probable et un médiocre plaisir, par une professionnelle de l’amour serait plus nécessairement vouée aux troubles de la chair que si elle était née des embrassements de tels « époux » qui ont introduit la débauche dans le mariage, selon le conseil de quelques-uns de nos plus forts moralistes de la Vie parisienne. […] C’est un jeune homme excessivement lettré, qui, païen dans cette païenne Renaissance d’Italie, a conçu d’abord le devoir à la manière antique. […] Mais, en se refusant à Maxime, elle lui donne encore « toute sa bouche pour lui dire adieu. » C’est qu’elle est née pour vouloir tour à tour ce que veulent les autres.

3169. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Il me parlait aujourd’hui d’une biographie, où on l’avait fait naître dans un campement de bohémiens, et fait élever dans une école chrétienne par charité. […] votre Journal, c’est bien curieux… et je regrette bien de n’avoir pas écrit des notes plus tôt… mais j’ai commencé à en écrire l’année dernière. » Décidément, immense sera le nombre de journaux autobiographiques, que va faire naître dans l’avenir, le Journal des deux frères. […] Je suis resté jusqu’au bout, au fond de la loge, sans donner un signe de faiblesse, mais pensant tristement, que mon frère et moi nous n’étions pas nés sous une heureuse étoile, — étonné, et doucement remué, à la tombée de la toile, par la poignée de main d’un homme, qui m’avait été jusqu’alors hostile, par la brave et réconfortante poignée de main de Bauër.

3170. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Pour moi c’est un tableau qui a l’air peint par un Rembrandt, dans l’Inde. […] Et il fait la remarque que, tous les ans, il se fait à peu près 80 000 filles, et que sur ces 80 000, il en surnage à peu près une quarantaine parmi les régnantes à Paris, et qui ne sont pas des femmes de Paris, parce qu’il existe toujours chez ces dernières, un côté gavroche, un côté blagueur qui embête le miché, en général un être officiel : « Oui, fait mon causeur, oui, ces régnantes sont seulement des femmes, nées en province, apportant un côté domestique, et toutes prêtes à dire : « Monsieur le Comte » à l’homme avec lequel elles couchent. » Ce soir dîner pour la pendaison de la crémaillère, chez le jeune ménage Daudet. […] Il me parle de Nancy, de la maison où je suis , puis il saute aux journaux de Mlle Bashkirtseff, publiés incomplètement, et dont la collection innombrable de petits cahiers lui monterait — par un geste qu’il fait de la main — lui monterait jusqu’à la ceinture : gigantesque confession, où il y aurait en tête une moquerie de la manie de poser de Stendhal, avec toutefois l’aveu que, la chose est tentante.

3171. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Comme on parle à Zola, du livre, qu’il a annoncé être en train de faire sur Lourdes, il dit à peu près ceci : « Je suis tombé à Lourdes, par une pluie, une pluie battante, et dans un hôtel où toutes les bonnes chambres étaient prises, alors il me venait le désir, en ma mauvaise humeur, d’en repartir le lendemain matin… Mais, je suis un moment sorti… et la vue de ces malades, de ces marmiteux, de ces enfants mourants apportés devant la statue, de ces gens aplatis à terre dans le prosternement de la prière… la vue de cette ville de foi, née de l’hallucination de cette petite fille de quatorze ans… la vue de cette cité mystique, en ce siècle de scepticisme… la vue de cette grotte, de ces défilés dans le paysage, de ces nuées de pèlerins de la Bretagne et de l’Anjou… » « Oui, fait Mme Zola, ça avait une couleur !  […] » Jeudi 8 décembre J’entendais aujourd’hui Hanotaux, parler intelligemment des futurs Américains, qui sont en train de se faire chez les Africains de l’Algérie, de cette jeune population, née du contact des officiers et des soldats français avec les prostituées autochtones de là-bas : une population pleine d’activité, de vitalité, mais légèrement privée de sens moral. […] Une jolie fille née à Séville, à la taille bien découplée, à l’air gentil et distingué.

3172. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Dans Horror, c’est encore le mystère universel qui fait naître la pensée, l’horreur sacrée : La chose est pour la chose ici-bas un problème, L’être pour l’être est sphinx. […] Celui qui raille, au contraire, sera compris de tous ; en revanche, il sera peu aimé, car il n’aura fait naître aucune émotion profonde : s’il plaît à l’esprit, il le paiera en devenant incapable de prendre les cœurs. […]  » Il sent plus que l’homme en lui naître : Il sent, jusque dans ses sommeils Lueur à lueur, dans son être, L’infiltration des soleils.

3173. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

« Je vous demande, Romains, vous qui êtes nés sur le Tibre, qu’aviez-vous à démêler avec nous pour venir nous inquiéter jusqu’au Danube où nous vivions paisiblement ? […]     Quant à nos enfants déjà nés, Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés : Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime.

3174. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

La beauté est la royauté de la nature, peu importe qu’elle soit née, comme Cléopâtre, sur un trône, ou, comme la Vénus antique, de l’écume de l’onde, ou, comme lady Hamilton, de la lie des vices ; dès qu’elle paraît elle règne ; dès qu’elle sourit elle enchaîne ; que l’on soit Phidias, Raphaël, Dante, Pétrarque, César, Nelson, lord Byron, Bonaparte, Chateaubriand, elle consume Phidias de la passion de reproduire le beau dans le marbre ; elle divinise Raphaël sous le regard de la Fornarina, et elle le fait mourir, comme le phénix, dans la flamme de deux beaux yeux ; elle allume à douze ans dans le Dante un foyer inextinguible d’un seul rayon de sa Béatrice ; elle sanctifie Pétrarque dans la mystique adoration de Laure ; elle arrête d’une caresse, en Égypte, ce César que ni l’Italie, ni la Grèce, ni l’Afrique, ni l’Espagne n’avaient la puissance d’arrêter ; elle corrompt Nelson dans les délices de Naples et contrebalance dans le cœur de son héros la gloire de Trafalgar ; elle fait oublier, à Ravenne, la poésie à lord Byron dans la contemplation de cette poésie vivante qu’on appelle la Guicioli ; elle fait oublier à Chateaubriand son ambition, son égoïsme et sa vieillesse dans le rayonnement déjà amorti de Juliette. […] Je vis clairement que le roi aspirait à échapper aux ministres de 1830 pour s’entourer de serviteurs nés de la royauté de ses pères.

3175. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Écoutez l’Arioste : « Deux jeunes Sarrasins, entre autres, veillaient dans le camp ; tous deux d’origine obscure, nés dans la Ptolémaïde, desquels l’aventure, comme un rare exemple d’attachement, mérite d’être racontée. […] Quant aux éventualités que peut faire naître le départ de Rome du souverain-pontife et son arrivée en France, je puis d’autant moins vous en entretenir en ce moment, qu’avant de rien arrêter sur une matière aussi grave, nous aurions à prendre les ordres de l’Assemblée nationale.

3176. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

C’est ici que nous sommes nés d’une très ancienne famille ; ici sont nos sacrifices, nos parents, de nombreux monuments de nos aïeux. […] Enfin sachez que c’est en ce même lieu, mais du vivant de mon aïeul, du temps que, selon les anciennes mœurs, la maison était petite comme celle de Curius dans le pays des Sabins ; oui, c’est en ce lieu que je suis .

3177. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

V Rassurés sur la toute-puissance du charlatanisme dont ils fascinaient l’Europe, ils se mirent alors à intimider les Espagnols américains du golfe du Mexique, à menacer la Havane de conquérir Mexico, à affecter le militarisme de Napoléon, à imposer des lois à ces nombreux démembrements de la puissance espagnole qui naissaient à la liberté au milieu des orages. […] Les voyageurs n’ont pas manqué d’interpréter comme indice de paresse, de stupidité, d’apathie, ce silence de l’orgueil le plus hautain.

3178. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Elles lui seront aussi étrangères que si elles étaient nées d’un cerveau différent du sien, que si elles avaient eu un autre but que celui de le servir. […] De Gobineau, partisan de l’inégalité des races, admet en principe que des individualités fortes ne peuvent naître que d’une race pure, en particulier de la race blanche supérieure, la race nordique ou scandinave dont il décrit la psychologie dans son Ottar Jarl.

3179. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Il se sentait lié à Haydn, semble-t-il, comme, à un vieillard enfantin, celui qui sait être un homme. […] Ensuite, tourmenté du désir de plus savoir, Wotan s’unit à Erda : les Walküres naquirent, Brünnhilde, Forte par Wotan, Sage par Erda, esprit de Wotan et d’Erda, essence pure de la Divinité. — Brünnhilde se sépara de Wotan : la Divinité, condamnée, se détruisait : le Dieu s’abdiqua, par la désobéissance, châtiée, de Brünnhilde.

3180. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

L’Art moderne est au jour où, la société moderne étant constituée, les artistes, libres de traditions anciennes, ont pu l’exprimer, intégralement : le seizième siècle fut l’époque des essais, le dix-septième siècle l’époque, glorieuse, de l’accomplissement. — Depuis, l’Art moderne, comme toutes choses vivantes, a passé par la triple évolution de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse. […] Le Wagnériste. — Elle naîtra du sujet, pareille à lui, profondément française, si le sujet est français.

3181. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Cet homme, aussi respectable par sa piété que par sa docte ardeur, était en 1683, en Poitou, d’une famille fidèle aux vieilles mœurs.

3182. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

François Arago, le 26 février 1786 dans la commune d’Estagel en Roussillon, d’une famille où le type méridional est expressivement marqué, suivit dans ses premières années le collège de la ville de Perpignan, où son père avait la place de trésorier de la monnaie.

3183. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Félix Vicq d’Azyr, en avril 1748 à Valognes en Normandie, d’un père médecin, commença ses études dans sa ville natale et vint les achever à Caen, où il fut condisciple en philosophie de Laplace, le grand géomètre.

3184. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Tandis qu’un peintre comme Saint-Simon commande l’opinion du lecteur par ses tableaux et ne laisse pas toujours de liberté au jugement, un narrateur plat, mais véridique et sans projet comme Dangeau, permet à cette impression du lecteur de naître, de se fortifier et de parler quelquefois aussi énergiquement toute seule qu’elle le ferait à la suite d’un plus éloquent.

3185. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

espère-t-il que de cet état il va naître et sortir un enfant nouveau qui vivra ?

3186. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Si vous-même vous êtes pauvre et assujetti, si, aux prises avec la vie commune, vous ne rougissez pas d’en nommer les moindres détails, et si vous ne vous rebutez pas aux misères mêmes de la réalité ; si, en revanche, vous ne faites pas fi des joies bourgeoises ou populaires, si les souvenirs de l’enfance n’ont pas cessé de vous émouvoir, si l’aspect de la vallée ou de la montagne natale, le seuil de la ferme où vous alliez, enfant, vous régaler de laitage et de fruits les jours de promenade, rit en songe à votre cœur, alors vous trouverez votre compte avec Rousseau, même dans ces quelques lettres qu’on nous donne ici ; vous lui passerez bien des préoccupations vulgaires en faveur des élans de sensibilité et d’âme par lesquels il les rachète ; vous l’aimerez pour ces accents de cordialité sincère que toute son humeur ne parvient pas à étouffer.

3187. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Il avait été, dès sa jeunesse, professeur de l’Université, sans avoir été élève et enfant de l’Université ; et venu d’ailleurs, il n’avait pas de prédilection exclusive.

3188. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

à Paris en 1774, il fit ses études au collège Louis-le-Grand, et les fit bien ; puis la Révolution le prit : il fut de la levée en masse de 1793, et servit comme canonnier dans l’armée du Nord.

3189. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

On sent un juge pour l’autorité.

3190. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Que ne puis-je détacher ces trois pages de résumé admirable sur le caractère de Napoléon (p. 710-713), depuis ces mots : Napoléon était avec un esprit juste, … jusqu’à ceux-ci : Telle fut cette nature extraordinaire !

3191. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Viollet-Le-Duc, en 1814, avait pour père un homme d’esprit et fort instruit, qui a laissé sa trace dans l’étude critique de notre poésie au xvie  siècle, et pour oncle il avait M. 

3192. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Sainte-Beuve était , on le sait déjà, à Boulogne-sur-Mer, le 23 décembre 1804. — L’autopsie à laquelle ont présidé MM. les docteurs Veyne et Piogey, au lendemain de la mort, a révélé la présence dans la vessie de trois pierres dont l’une affecte le volume et la forme d’un gros œuf de poule ; les deux autres ressemblent par la forme et leur grosseur à deux châtaignes ordinaires.

3193. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Il nous a donné une comédie qui est une sœur tout à fait digne des Comédiens, une comédie un peu née de l’épître, et qui continue avec honneur, en le rajeunissant par les sujets, ce genre de la Métromanie et du Méchant, toujours cher dans sa modération et son élégance à la scène française.

3194. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

C’est peut-être par antipathie pour l’exagération italienne que Machiavel a montré une si effrayante simplicité dans sa manière d’analyser la tyrannie ; il a voulu que l’horreur pour le crime naquît du développement même de ses principes ; et poussant trop loin le mépris pour l’apparence même de la déclamation, il a laissé tout faire au sentiment du lecteur.

3195. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Hippeau, IV, 86 (23 juin 1773), représentation du Siège de Calais à la Comédie-Française : « Au moment où Mlle Vestris a prononcé ces vers : Le Français dans son prince aime à trouver un frère, Qui, fils de l’État, en devienne le père.

3196. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

La terre de Blet, possédée pendant plusieurs siècles par la maison de Sully, passa par mariage de l’héritière, en 1363, à la maison de Saint-Quentin, où elle fut transmise en ligne directe jusqu’en 1748, date de la mort d’Alexandre II de Saint-Quentin, comte de Blet, gouverneur de Berg-op-Zoom, père de trois filles d’où sont nés les héritiers actuels  Ces héritiers sont le comte de Simiane, le chevalier de Simiane, et les mineurs de Bercy, chacun pour un tiers, qui est de 97 667 livres sur la terre de Blet, et de 20 408 livres sur la terre des Brosses.

3197. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Mais nous savons que la sensation ordinaire est un composé, qu’elle diffère de ses éléments, que ces éléments échappent à la conscience, qu’ils n’en sont pas moins réels et actifs, et, dans cette pénombre inférieure et profonde où naît la sensation, nous trouverons peut-être le lien du monde physique et du monde moral.

3198. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre III. La personne humaine et l’individu physiologique » pp. 337-356

— En second lieu, comme l’événement ne naît que par elle, il manque, si elle manque ; elle est sa cause.

3199. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Son peu de goût pour le mariage, qu’on imputait généralement à la mort affreuse de sa femme, le rendait trop compréhensible ; mais les traditions de sa famille, la mémoire de son oncle le cardinal Louis de Rohan, si fameux par l’affaire du collier et de madame de Lamothe, plus fameux par son repentir sincère et par son retour courageux à la royauté de Louis XVI, ses instincts véritablement religieux le prédisposaient ; on peut dire que le mousquetaire était pontife.

3200. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Philippe Desportes, en 1546, fut en grande faveur auprès de Henri III, qui le fit son lecteur, et abbé de nombreuses abbayes, notamment celle de Tiron.

3201. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Ces rudes gentilshommes disparaissaient l’un après l’autre, et la nouvelle génération, née depuis la paix, s’instruisait mieux : mais il y avait encore beaucoup d’ignorance, et il fallait renouer la tradition de la Renaissance.

3202. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

L’ambition, pourtant, le dévorait, une ambition héroïque, née du sentiment de sa valeur et du désir de la faire servir au bien public.

3203. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

A chaque instant on sent qu’il n’a pas toujours fait de la critique et qu’il ne se croyait pas spécialement pour en faire.

3204. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Francis Vielé-Griffin Une institution littéraire française qui, sous prétexte qu’il patoisait, n’a pas su accueillir Mistral, qui ne saurait réclamer Verhaeren, parce qu’il est à Anvers (ancienne préfecture de l’empire français) me semble bien entravé dans l’accomplissement de devoirs qui pourraient être utilement élargis.

3205. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

La religion « a fait office de vaccin contre les désirs d’où naît le socialisme ».

3206. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

C’est pourquoi le dandysme devait naître là où ce pouvoir illégitime s’exerce avec le plus de rigueur : en Angleterre.

3207. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Dante Alighieri naquit à Florence, en 1265, d’une famille ancienne et illustrée.

3208. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Françoise d’Issembourg d’Happoncourt (c’était son très noble nom) était de Nancy, née le 13 février 1695, fille d’un des officiers du duc de Lorraine, et petite-nièce, par sa mère, du fameux Callot.

3209. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Gargantua était censé être dans la dernière moitié du xve  siècle, et on le soumet d’abord à cette éducation scolastique, pédantesque, pleine de puérilités laborieuses et compliquées qui semblaient faites exprès pour abâtardir les bons et nobles esprits.

3210. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

En général, ces personnages du romancier sont fragiles : ils ne sont point bâtis ni constitués d’une argile terrestre bien forte, ni embrasés d’une étincelle du ciel bien ardente ; ils sont nés d’un souffle, animés d’un caprice, humides d’une goutte de rosée ; leur nom est jeunesse, beauté de dix-huit ans, facilité volage, oubli.

3211. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Marie-Thérèse-Charlotte de France, née le 19 décembre 1778, était le premier enfant de Louis XVI et de la reine Marie-Antoinette.

3212. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mme de La Fayette a donné de Madame Henriette la plus agréable histoire, et telle que toute femme délicate, et née princesse par le cœur, la peut souhaiter.

3213. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Aussi fut-elle la production du prince De Condé le dernier mort, je ne dirai pas le prince, mais l’homme de son tems avec la conception la plus vive et l’imagination la plus brillante.

3214. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

l’enfant gâtée du public qu’elle fut toute sa vie, se retrouve dans la légèreté avec laquelle elle nous affirme, après tant d’années d’effet funeste sur l’imagination contemporaine, qu’elle est innocente comme l’enfant qui vient de naître ; — et prétend nous imposer, rien qu’en se récriant, une opinion qui demanderait qu’on se mît en quatre pour la prouver ; se flattant sans doute qu’à son premier petit souffle, — tout-puissant, — elle nous fera tourner comme des girouettes !

3215. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Ce qui fait presque pardonner à la poésie de Baudelaire et de Poe ses insanités, c’est que, nés tous deux fatalement du matérialisme contemporain, ils sont moins des matérialistes que des nerveux.

3216. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Épicuriens tous trois, du reste, et c’est leur infériorité, nés du sensualisme de ce siècle, Gustave Droz est de beaucoup le plus sensuel et le plus hardi des trois, sous cette forme légère qui a le dangereux attrait de sa légèreté.

3217. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

N’est-ce pas du spectacle de la lutte contre les plus violentes passions, du contraste entre le bien et le mal représentés par des personnages différents, ou par les tendances différentes du même personnage, que naîtront les sentiments que l’auteur veut faire éprouver au lecteur : l’admiration, la crainte, la haine ?

3218. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

De ces idées les unes ont été engendrées par la thèse du parallélisme elle-même ; d’autres au contraire, antérieures à elle, ont poussé à l’union illégitime d’où nous l’avons vue naître ; d’autres enfin, sans relations de famille avec elle, ont pris modèle sur elle à force de vivre à ses côtés.

3219. (1887) La banqueroute du naturalisme

Zola, les moins complexes, les plus simples du monde, n’obéissant jamais qu’à l’impulsion d’un unique appétit, toujours élémentaire, ne connaissant en toute rencontre qu’une seule manière de le manifester, ne raisonnant d’ailleurs jamais avec eux-mêmes, traversent le roman avec l’allure roide et uniforme, les tics mécaniques et les gestes anguleux d’un fantoche ; et le comique naît, irrésistible et énorme, du contraste même entre les situations violentes où le romancier les jette, et l’immobilité de leur physionomie ou la gaucherie de leurs mouvemens.

3220. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Supposons qu’un historien accepte cette idée générale ou toute autre, et la développe, non pas en termes généraux, comme on vient de le faire, mais par des peintures, par un choix de traits de mœurs, par l’interprétation des actions, des pensées et du style, il laissera dans l’esprit du lecteur une idée nette du dix-septième siècle ; ce siècle prendra dans notre souvenir une physionomie distincte ; nous en discernerons le trait dominant, nous verrons pourquoi de ce trait naissent les autres ; nous comprendrons le système des facultés et des passions qui s’y est formé et qui l’a rempli ; nous le connaîtrons, comme on connaît un corps organisé après avoir noté la structure et le mécanisme de toutes ses parties.

3221. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Toute cette mythologie devrait nous refroidir, arrêter en nous l’émotion qui naissait. […] Dans Claudie, le rapport est sensible entre la philosophie rustique du père Rémy, née de la vie en pleine nature, et le sentiment chrétien de justice et de pardon qui triomphera au dénouement. « Salut à la gerbe ! […] Aussi, quand elles sont bien nées, ont-elles toujours beaucoup de peine à violer les derniers commandements de la pudeur. […] Brichanteau appartiendra donc, si vous le voulez, à l’espèce des Parisiens qui ne sont pas nés à Paris, et qui n’en sont que plus Parisiens. […] De plus, cette histoire est la nôtre, car nous sommes nés des cendres des Titans foudroyés, de ces cendres où étaient mêlées avec la substance des monstres des parcelles du corps du dieu.

3222. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Athénien pur, eumolpide, à Eleusis, la ville des Mystères, il avait pour frères cet Amynias, qui coula le premier vaisseau des Perses, et ce Cynégire, qui, ses deux mains coupées, s’accrochait par les dents à la nef ennemie. […] Athénien, il mourut dans les plaines fécondes de Géla. […] Vous voyez qu’il n’est nullement « homme de lettres. » C’est qu’il est à une époque de vie complète, de développement intégral et harmonieux de l’être humain. […] Quoi qu’il fasse, il est brun, blond, roux ou châtain, il est dans tel milieu, il a été élevé de telle façon, il a abordé l’étude des littératures dans telles dispositions, sous telles influences, à telles époques de sa vie et dans tel ou tel ordre. […] J’ai besoin de sa vertu pour me sentir absoute. » Il me semble que cette prière d’une « mère coupable » exprime l’idée première d’où est née Révoltée.

3223. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Mauperin avait eu le même ennui : elle était de ces petites filles qui naissent femmes. […] pour cela, fit Mme Moronval, née Decostère, en redressant sa longue tête. […] Je suis voleur, je veux mourir voleur. […] — Je suis singe, nous disait-il un jour, je m’associe par la pensée à tout ce que je vois. […] Doit-on faire revivre ce qui n’aurait peut-être pas dû naître ?

3224. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Car enfin ce sont les mêmes hommes : on n’a pas vu naître une nouvelle génération littéraire le jour même où M. de Balzac est mort. […] M. de Lamartine nous raconte comment le sentiment littéraire est en lui, comment il s’est accru, développé, et a fini par le conquérir tout entier. […] À distance et pour les hommes superficiels, il semble que toutes les persécutions se soient produites avec des caractères analogues, des incidents à peu près les mêmes ; d’une part, des raffinements de cruauté ; de l’autre ; des miracles découragé ; et, comme résultat providentiel et humain tout ensemble, des milliers de chrétiens nés du sang des martyrs. […] Ce qu’on devait prévoir, ce qui, au point de vue terrestre, eût paru inévitable, c’est que toutes ces vertus, toutes ces grandeurs, toutes ces gloires de l’adversité, périraient après le triomphe ; c’est que cette Église héroïque, sublime, née et grandie dans le sang et les larmes, appelant à elle les âmes par la secrète puissance de la douleur et du sacrifice, ne résisterait pas à l’épreuve contraire, à la faveur soudaine qui ferait de César son complice, remplirait la cour de chrétiens au lieu d’en peupler les geôles et changerait les instruments de torture en instruments de fortune. […] Arius est de tous les temps : plus tard, il s’appellera Jean Hus, Luther, Calvin, Zwingle ; naguère encore, il s’appelait Lamennais ; ou plutôt nous avons tous en nous notre Arius, ce principe de discussion, de contrôle et de révolte, avec l’homme, ne devant mourir qu’avec lui, et réservé, dans ses inépuisables vicissitudes, à combattre la vérité par ses audaces et à la proclamer par ses mécomptes.

3225. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ce n’était que festins, collations, promenades, carrousels, divertissements sur l’eau, « bains en rivière », mascarades, concerts, comédies et ballets, d’où naissait et se dégageait, non sans quelque dommage des mœurs, une politesse nouvelle, moins apprêtée, plus libre que l’ancienne, également éloignée De la grande raideur des vertus des vieux âges et des cérémonies de la préciosité, qu’elle rendait les unes et les autres diversement, mais également ridicules. […] Elles sont universelles ; et on ne conçoit pas qu’elles eussent pu naître ailleurs qu’en France, et au xviie  siècle ! […] D’où que l’on vienne, dans quelque condition déjà que l’on soit , quelque idée que l’on ait de son fonds, l’apprentissage de l’écrivain est d’en chercher le rapport ou l’accord avec les idées de son temps. […] Jean Chapelain [Paris, 1595 ; † 1674, Paris]. — Qu’on ne saurait être moins « parisien » et moins « gaulois » que Jean Chapelain, à Paris, qui vécut quatre-vingts ans à Paris, et mourut à Paris. — Étrange idée qu’on a eue de vouloir le réhabiliter [Cf.  […] Brunetière, La Moralité de la doctrine évolutive, Paris, 1896]. — Que la valeur morale de l’apologie de Pascal subsiste tout entière en tant que la certitude rationnelle n’est pas la seule forme ou la seule espèce de certitude ; — que l’homme ne naît pas bon ; — et que rien d’humain ne s’organise sur des principes purement humains.

3226. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Du même coup elle nous a donné Napoléon, qui naquit précisément l’année suivante. […] Je vais vous le dire, sans réticence et sans détour : Joséphine est née aux Trois-Îlets, dans l’île de la Martinique, le 23 juin 1763. […] Celui-ci, vers 1848, a fait ses études au lycée Louis-le-Grand, au temps où M.  […] C’est pourquoi il raconta la vie et les sermons d’un certain révérend Sydney Smith, qui naquit en 1771 et mourut en 1845. […] Cependant, elle ne regrette rien de ce qu’elle laisse sur la terre — rien, sinon l’enfant qui est de ce mariage éphémère, le petit Zim-Zi-Zi, autrement dit Bébé-Alouette.

3227. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Jacques Delille, près d’Aigue-Perse, en Auvergne, d’une naissance clandestine, au mois de juin 1738, fut baptisé à Clermont et reconnu sur les fonts par M.  […] Il faut tout dire : on a pourtant cité de lui un fils naturel ou adultérin, d’une relation toute bourgeoise.

3228. (1929) Dialogues critiques

L’aviation est née trop tard pour moi. […] Vautrin, maire de Metz, il lui fait dire qu’« avec la réintégration de la Lorraine et de l’Alsace dans la France des difficultés sont mortes, mais d’autres sont nées ».

3229. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

VI Il était dans une petite ville municipale des environs de Rome, nommée Arpinum, patrie de Marius. […] À peine eut-il été précipité de son espérance par le triomphe du grand orateur, qu’il médita de renverser ce qu’il n’avait pu conquérir, d’égorger le consul, de proscrire une partie du sénat, d’appeler les soldats licenciés, les prolétaires, les esclaves, à l’assassinat de Rome, et de faire naître dans cette conflagration de toutes choses une occasion de revanche, et une dictature de crimes pour lui et pour ses complices.

3230. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

C’était une de ces natures de second ordre, un de ces esprits nés disciples et acolytes, et tout préparés par un fonds d’intelligence et de dévouement, par une première piété admirative, à être les secrétaires des hommes supérieurs. […] Il naquit à une époque où la philosophie française passionnait l’Allemagne et où les excès de la révolution repoussaient les cœurs.

3231. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Par Erckmann Chatrian I Un phénomène, c’est-à-dire un nouveau genre de beauté en littérature, inventé comme par accident, sorti du néant, ne répondant à rien de ce qui a été conçu jusqu’ici, n’ayant été ni prédit, ni annoncé, ni vanté d’avance, mais de soi-même, comme un instinct irréfléchi, et s’emparant de l’attention comme par une force de la nature, vient de se produire inopinément parmi nous. […] C’est ainsi que je passai toute une semaine dans des transes extraordinaires, et quand arriva le jour du tirage, le jeudi matin, j’étais tellement pâle, tellement défait, que les parents de conscrits enviaient en quelque sorte ma mine pour leur fils. « Celui-là, se disaient-ils, a de la chance… il tomberait par terre en soufflant dessus… Il y a des gens qui naissent sous une bonne étoile ! 

3232. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Le fait qu’on ne peut posséder en même temps l’Amour et l’Or, et le conflit qui en naît dans l’âme consciente de ce fait (l’âme de Wotan) : voilà maintenant l’unique sujet du drame. […] Et encore le conflit qui en naît entraîne-t-il la mort immédiate d’un des deux frères, qui tombe assassiné par l’autre, tandis que ce dernier, dans sa crainte de se voir voler l’or, est forcé de se transformer lui-même en dragon, et qu’il meurt ainsi plus tard de la main de Siegfried. — Je ferai aussi remarquer comment, dans le second acte de la Mort de Siegfried, toutes les Walküres venaient plaindre Brünnhilde et lui parler de leurs exploits, tandis que maintenant c’est Waltraute seule qui vient lui parler de Wotan, lui décrire la détresse du Dieu, et la supplier de rendre l’anneau maudit au Rhin, ce que Brünnhilde refuse de faire : « Que plutôt toute la magnificence de Walhall tombe en ruines ! 

3233. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Les époques troublées et misérables sont celles où naît le mysticisme ; la plupart des personnes qui ont éprouvé ce sentiment ont souffert de névroses épileptoïdes ; le plus grand nombre étaient des gens chez qui la sensibilité avait supprimé presque toutes les autres opérations intellectuelles ; il en est qui conservèrent dans cette sorte d’aliénation, l’empire de leur intelligence spéculative ; par contre, il ne me revient pas qu’il y ait eu des mystiques bons observateurs, et qui surent voir d’abord, analyser et concevoir ce monde qu’ils ont désespéré de comprendre et d’aimer. […] De ce sentiment de désespérée impuissance, du mépris qu’il éprouve pour les pygmées qui le terrassent, naît en lui une immense haine de ses semblables, de la société, de la nation à laquelle il appartient, de la forme de gouvernement sous laquelle il végète.

3234. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Le monde naît, Homère chante. […] Paul, pharisien, avait été tisseur de poil de chameau pour les tentes et domestique d’un des juges de Jésus-Christ, Gamaliel ; puis les scribes l’avaient élevé, le trouvant féroce.

3235. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

S’il n’était pas dans une île, ainsi que Napoléon, il allait vivre exilé dans une île ainsi que lui. […] Victor Hugo eut le malheur de naître de parents impies, et d’être élevé au milieu des impies.

3236. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« “J’ignore qui tu es et par quel privilège tu as pu descendre ici ; mais, à ton accent, tu me parais véritablement à Florence. […] déjà fatigués de vos misères, vous qui, à demi privés de la vue de l’intelligence, n’avez foi que dans les pas en arrière, — ne savez-vous donc pas que nous ne sommes que des vers de terre nés pour devenir l’angélique papillon qui vole invincible au-devant de l’éternelle justice ?

3237. (1926) L’esprit contre la raison

Ils reconnaissent dans tout ce qui naît d’eux ainsi sans éprouver qu’ils en soient responsables tout l’inégalable de quelques livres, de quelques mots qui les émeuvent. […] Hermann von Keyserling (1880-1946) philosophe allemand considéré comme un irrationaliste est en Lituanie.

3238. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

La première Dauphine, qui était Allemande et née princesse de Bavière, le dit à Madame en pleurant, mais sans rien oser pour empêcher un tel affront qui les atteignait toutes deux : « Laissez-moi faire, répondit Madame, j’arrangerai cela ; car, lorsque j’ai raison, rien ne m’intimide. » Et le lendemain elle s’arrangea si bien qu’elle rencontra dans le parc une des deux demoiselles soi-disant comtesses palatines : elle l’aborda et la traita de telle sorte (les termes étonnants en ont été conservés) que la pauvre fille en prit une maladie dont elle mourut.

3239. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Je laisse dans le mépris qu’il mérite un mémoire odieux, de quelque rancune fanatique au sein du parti protestant qu’elle avait quitté117.

3240. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

redoublent ; Bailly ne peut s’empêcher de les enregistrer avec son émotion ordinaire : mais, par une espèce de pressentiment trop justifié, il ajoute : J’arrivai à Notre-Dame dans cette espèce de triomphe, le premier dont un citoyen dans ce qu’on appelait jadis l’obscurité, ait été honoré.

3241. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

On sait que Léopold Robert, le 13 mars 1794 à La Chaux-de-Fonds, sur le versant du Jura, dans le canton de Neuchâtel, appartenait à une famille qui pratiquait le métier de l’horlogerie, et qui avait les vertus simples, naturelles, domestiques, la frugalité, la probité antique et scrupuleuse.

3242. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Jung a très bien saisi ce caractère du talent de Henri IV, si l’on peut ainsi parler, et ce mélange de saillie spirituelle, d’imagination rapide et de cœur. « Pour moi, écrit Henri à la reine Élisabeth (15 novembre 1597), je ne me lasserai jamais de combattre pour une si juste cause qu’est la nôtre ; je suis et élevé dedans les travaux et périls de la guerre : là aussi se cueille la gloire, vraie pâture de toute âme vraiment royale, comme la rose dedans les épines.

3243. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Santeul, en 1630, était un enfant de Paris, d’une ancienne famille bourgeoise : son père était un riche marchand de fer de la rue Saint-Denis.

3244. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

En santé et dès qu’il était tout à fait à lui-même, il avait besoin de joutes, de contradictions, de gageures, de palinodies, en un mot, de tout ce qui donne une petite comédie au public ; et comme on savait que ces sortes de querelles lui plaisaient et qu’il excellait à y jouer son rôle, on les faisait naître sous ses pas.

3245. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Son frère cadet, le prince Auguste-Guillaume, était en 1722, le prince Henri en 1726, et le prince Ferdinand en 1730, c’est-à-dire qu’au moment où Frédéric monta sur le trône en 1740, à l’âge de vingt-huit ans, un de ses frères en avait dix-huit, l’autre quatorze, l’autre dix.

3246. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

La pensée lui naît tout ingénieuse, tout ornée, parfois très heureuse, d’autres fois recherchée, un peu bizarre et demandant de la réflexion pour être saisie.

3247. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Cette description n’est véritablement née qu’au xviiie  siècle avec Rousseau, Ruffon, Bernardin de Saint-Pierre, Volney, Saussure : elle s’est continuée avec éclat et distinction dans notre siècle par Chateaubriand, Ramond, de Humboldt… Cependant que de choses il restait encore à désirer pour le détail et la précision !

3248. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Après avoir parlé de la race née aux confins de la terre des monstres, dans la limoneuse vallée du Nil, et de l’autre race dite sémitique, habitante du désert et de l’antique Arabie, après les avoir définies l’une et l’autre, et les avoir montrées fléchissant de respect et de superstitieuse terreur, ou comme anéanties sous la main souveraine en face d’un ciel d’airain, il ajoute, par un vivant contraste, en leur opposant la race aryenne venue du haut berceau de l’Asie, et de laquelle est sortie à certain jour et s’est détachée la branche hellénique, le rameau d’or : « Une autre race encore s’éveille sur les hauteurs, aux premières lueurs du matin ; les yeux au ciel, elle suit pas à pas la marche de l’aurore, elle s’enivre de ce mobile et merveilleux spectacle du jour naissant ; elle mêle une note humaine à cette immense symphonie, un chant d’admiration, de reconnaissance et d’amour ; c’est la race pure des Aryas ; leur première langue est la poésie ; leurs premiers Dieux, les aspects changeants du jour, les formes multiples de la sainte lumière.

3249. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

La difficulté est surtout sensible lorsqu’on est soi-même contemporain, ou de ceux qui, nés au lendemain d’une grande époque, ont reçu des générations vivantes et passionnées pour ou contre le souffle embrasé, et qui ont été baignés dès le berceau dans l’un ou l’autre des deux courants contraires.

3250. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Il explique pourquoi il n’aurait pu lui-même être choisi pour cette mission de Dresde à la place du duc de Richelieu : « Il faut que ce soit un Français sujet du roi.

3251. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Quand je dis que cette langue romane des xie et xiie  siècles est sortie du latin vulgaire et populaire graduellement altéré, j’ai peur de me faire des querelles ; car, d’après les modernes historiens philologues, les transformations du latin vulgaire ne seraient point, à proprement parler, des altérations : ce seraient plutôt des développements, des métamorphoses, des états successifs soumis à des lois naturelles, et qui devinrent décidément progressifs à partir d’un certain moment : il en naquit comme par voie de végétation, vers le xe  siècle, une langue heureuse, assez riche déjà, bien formée, toute une flore vivante que ceux qui l’ont vue poindre, éclore et s’épanouir, sont presque tentés de préférer à la langue plus savante et plus forte, mais plus compliquée et moins naïve, des âges suivants.

3252. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Si un tel spectacle attache fortement l’imagination, si l’on se plaît à retrouver dans la succession de l’espace ce qui semble n’appartenir qu’à la succession des temps, il faut se résoudre à ne voir que très peu de liens sociaux, nul caractère commun parmi des hommes qui semblent si peu appartenir à la même association. » S’il semblait puéril et bien ingénu de prendre Talleyrand par le côté littéraire, on aurait à noter encore ce qui suit immédiatement, ces deux portraits de mœurs, le Bûcheron américain, le Pêcheur américain.

3253. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Voilà, ajoute-t-il, la politique telle que nous l’entendons, vous, moi, tant d’autres, et presque toute cette jeunesse qui est née dans les tempêtes, qui grandit dans les luttes et qui semble avoir en elle l’instinct des grandes choses qui doivent graduellement et religieusement s’accomplir.

3254. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Pourtant, je ne crains pas de le dire, chez aucun peut-être des écrivains de ce temps-ci, la faculté impersonnelle, dramatique, narrative, cette qualité que nous avons appris à goûter et à révérer dans Shakspeare, dans Walter Scott, comme dans ses représentants suprêmes, et de laquelle, à l’origine du mouvement romantique, on se promettait ici tant de miracles encore à naître, — nulle part, je le crois, chez nous, cette qualité-là ne s’est produite par des échantillons plus complets et plus purs, plus exempts de faux mélange, que chez l’écrivain réputé si sobre.

3255. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

en 1778 dans la Haute-Marne, venu à Paris sous le Directoire, il était de cette jeunesse qui n’avait déjà plus les flammes premières, et qui, tout en faisant ses gaietés, attendait le mot d’ordre qui ne manqua pas.

3256. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Biographie : Alain-René Lesage, à Sarzeau (Bretagne) en 1668, vint faire son droit à Paris, fut reçu avocat, se maria en 1694 ; rien jusqu’ici ne confirme la légende qui veut qu’il ait eu un emploi dans les fermes.

3257. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Qui donc a dit de Panurge qu’il semblait de l’hymen d´une bouteille et d’un jambon ?

3258. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Ceux-ci sont enchaînés au sol qui a vu naître leurs premières générations : c’est à peine si une acclimatation artificielle parvient à faire végéter hors de leur patrie quelques individus dégénérés.

3259. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Un jour elles naissent, le lendemain elles sont à la mode, le surlendemain elles sont classiques, le troisième jour elles sont surannées et le quatrième elles sont oubliées.

3260. (1890) L’avenir de la science « V »

Quel est celui qui, après s’être livré franchement à la science, n’a pas maudit le jour où il naquit à la pensée et n’a pas eu à regretter quelque chère illusion ?

3261. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Delfour découvrira que Jésus est à Paris ou à Nîmes.

3262. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Née en 1685, fille du duc de Savoie, qui lui transmit de son habileté et peut-être de sa ruse, petite-fille par sa mère de cette aimable Henriette d’Angleterre dont Bossuet a immortalisé la mort, et dont elle semblait ressusciter le charme, elle vint en France à l’âge de onze ans, pour y épouser le duc de Bourgogne qui en avait treize (1696).

3263. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

en 1602, il n’avait que vingt-neuf ans quand il donnait la mesure de sa capacité, de sa hardiesse et de son bonheur dans la guerre d’Italie.

3264. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Olivier Patru, en 1604, était un enfant de Paris, un des enfants les mieux doués de cette bourgeoisie la plus aimable de l’univers : avec les qualités il en eut aussi plus d’un défaut, et tout d’abord le trop de mollesse.

3265. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Nicolas Fouquet, à Paris en 1615, était fils d’un père breton, riche armateur, et que Richelieu avait fait entrer dans le Conseil de la marine et du commerce.

3266. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Et quand tout cela était non pas lu, mais dit, mais chanté, à l’instant et le matin même, quand on voyait tout ce talent jaillir de source pendant des heures et courir sous le regard ; quand il en était de même des leçons plus grandioses et plus imposantes de M. 

3267. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Ils viennent de faire naître en vous quelque chose dont ils prennent soin.

3268. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Au reste, pour bien comprendre la pensée de Tocqueville et ne pas confondre des choses très-distinctes, il faut remarquer qu’il peut y avoir deux sortes de despotisme dans les sociétés démocratiques : le despotisme politique, qui naît de l’omnipotence des majorités, et le despotisme administratif, qui vient de la centralisation.

3269. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Si nous parcourions toute la série d’idées que peut faite naître le sujet qui nous occupe, nous verrions que le duel, reste de nos anciennes mœurs, s’est conservé intact dans nos mœurs nouvelles, mais qu’il commence à sortir de la sphère des opinions ; que l’institution du jury, réclamée par nos opinions, et regardée avec raison comme le fondement de toutes nos garanties sociales et de nos libertés actuelles, n’est point entrée dans nos mœurs, puisque nous obéissons avec tant de répugnance à la loi qui nous impose le devoir de juger nos pairs, puisque les jugements rendus dans le sanctuaire de la justice, sous la responsabilité de la conscience des jurés, sont attaqués ouvertement, et discutés comme nous discutons tout ; nous verrions enfin que si nous n’étions pas soutenus par l’esprit de parti, nous nous acquitterions de nos fonctions d’électeurs avec une négligence que l’on prévoit déjà pour l’avenir.

3270. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

«  de parents pieux, dit-il quelque part, et dans un pays où la foi catholique était encore pleine de vie au commencement du siècle, j’avais été accoutumé de bonne heure à considérer l’avenir de l’homme et le soin de son âme comme la grande affaire de ma vie52. » Cette préoccupation dura jusqu’au bout : hors du christianisme, il suivait la pente du christianisme ; devenu philosophe, c’est de l’avenir qu’il s’inquiétait encore ; en ramenant toute la philosophie au problème de la destinée humaine, il cherchait le salut sous un autre nom ; ses recherches étaient intéressées : ce n’est point une curiosité qu’il contentait, mais une inquiétude qu’il calmait.

3271. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Camille Jordan, à Lyon le 11 janvier 1771, appartenant à une famille de commerçants aisés, de mœurs simples et d’une probité antique, fît de brillantes études à Lyon même, au collège de l’Oratoire, et il les couronna par un cours de philosophie de deux ans au séminaire de Saint-Irénée109. […] C’est du sein de la misère et de l’insuffisance des lois que naissent ces crimes, et non d’un système d’assassinat. […] De ce désaccord est de la peine pour moi. — Il n’y a aucun chagrin vrai et sincère qui ne doive intéresser, surtout quand ce chagrin, comme vous le verrez par Corinne, coûte beaucoup de larmes, mais pas une platitude ; enfin, quand ce chagrin a courbé mille fois plus grands que moi, le Dante, Cicéron, etc.

3272. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Ils vivent en rois tombés, toujours insultants et blessés, ayant toutes les misères de l’orgueil, n’ayant aucune des consolations de l’orgueil, incapables de goûter ni la société ni la solitude, trop ambitieux pour se contenter du silence, trop hautains pour se servir du monde, nés pour la rébellion et la défaite, destinés par leur passion et leur impuissance au désespoir et au talent. […] Pour que vous puissiez le faire avec moins de dépense, j’ai ordonné à l’imprimeur de la vendre au plus bas prix969. » Vous voyez naître du premier coup d’œil l’inquiétude populaire ; c’est ce style qui touche les ouvriers et les paysans ; il faut cette simplicité, ces détails, pour entrer dans leur croyance. […] Puis il conclut en doublant l’insulte : Ayant maintenant considéré les plus fortes objections contre le christianisme et les principaux avantages qu’on espère obtenir en l’abolissant, je vais, avec non moins de déférence et de soumission pour de plus sages jugements, mentionner quelques inconvénients qui pourraient naître de la destruction de l’Évangile, et que les inventeurs n’ont peut-être pas suffisamment examinés.

3273. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il ne condamne point les actions de Strafford ou de Charles ; il les explique ; il montre dans Strafford le naturel impérieux, le génie dominateur qui se sent pour commander et briser les résistances, qu’un penchant invincible révolte contre la loi ou le droit qui l’enchaîne, qui opprime par une sorte de nécessité intérieure, et qui est fait pour gouverner comme une épée pour frapper. […] On voit l’oppression et le mécontentement commencer, grandir, s’étendre, les partisans de Jacques l’abandonner un à un, l’idée de la révolution naître dans tous les cœurs, s’affermir, se fixer, les préparatifs se faire, l’événement s’approcher, devenir imminent, puis tout d’un coup fondre sur l’aveugle et injuste monarque, et balayer son trône et sa race avec la violence d’une tempête prévue et fatale. […] Ces généreuses paroles partent du cœur ; la source est pleine, elle a beau couler, elle ne tarit pas ; dès que l’écrivain parle de la cause qu’il aime, dès qu’il voit se lever devant lui la Liberté, l’Humanité et la Justice, la Poésie naît d’elle-même dans son âme, et vient poser sa couronne sur le front de ses nobles sœurs.

3274. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Et puis il est vivant, trop vivant… J’ai l’air d’être brave comme ça, en apparence, mais au fond, moralement, je suis très peureux. » Puis s’entame une énorme discussion sur Dieu et la religion, une discussion née de la fermentation d’une bonne et chaude digestion en de grandes cervelles. […] Sa mère, née en 1794, et qui garde la vitalité des gens de ce temps, sous ses traits de vieille femme, montre les restes d’une beauté passée, alliée à une sévère dignité. […] Alors, il nous esquisse, comme en des devis de poète, le logis à l’italienne du xvie  siècle, et les immenses escaliers au milieu du palais ; puis les grands plain-pieds amenés par la disparition des escaliers, et introduits à l’hôtel Rambouillet ; puis le Louis XIV incommode et sauvage ; puis ces merveilles d’appartements des fermiers généraux, à propos desquels il se demande si c’est l’argent de ces financiers, ou le goût particulier des ouvriers d’alors, qui les ont fait naître… puis enfin notre appartement moderne, même le plus riche… sérieux, démeublé, désert.

3275. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

« La plante humaine, selon le mot célèbre de Stendhal, naît-elle plus forte en Italie qu’ailleurs ?  […] Nous en avons la preuve dans le commentaire, ou plutôt dans la justification que Rabelais a donnée de son Laissez faire, et qui est « que gens libères, bien nés, bien instruits, conversant en compagnies honnêtes, ont par nature un instinct et aiguillon qui toujours les pousse à faits vertueux et retire de vice ». […] Cependant, et tandis qu’il étalait ainsi publiquement, cyniquement, sa religion de la nature, un autre sentiment, qui lui manque, naissait et se développait chez quelques-uns de ses contemporains : c’est ce sentiment de l’Art, que nous avons vu faire cruellement défaut au Moyen Âge, et dont la réapparition dans le monde est si caractéristique de l’esprit de la Renaissance.

3276. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

En mémoire d'Henri-Benjamin de Constant-Rebecque,  à Lausanne en Suisse,  Le 25 nov. 1767114. […]   « Que béni soit l’instant où mon aimable Barbet est  ! […] Le genre humain est sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… Je serais bien aise de revoir Paris, et je me repens fort, quand j’y pense, d’avoir fait un si sot usage, quand j’y étais, de mon temps, de mon argent et de ma santé. […] Voici ce qu’on lit dans les registres de l’état civil de Lausanne : « Benjamin Constant, fils de noble Juste Constant, citoyen de Lausanne et capitaine au service des États-Généraux, et de feu madame Henriette de Chandieu, sa défunte femme, le dimanche 25 octobre, a été baptisé en Saint-François, le 11 novembre 1767, par le vénérable doyen Polier de Bottens, le lendemain de la mort de madame sa mère. » Ainsi, Benjamin Constant, orphelin de mère, pouvait dire avec Jean-Jacques Rousseau : « Ma naissance fut le premier de mes malheurs. » On sent trop, en effet, qu’à tous deux la tendresse d’une mère leur a manqué.

3277. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Maxime Du Camp, dit-il, appartient à cette génération née dans les dix dernières années de la Restauration, qui s’imprégna de l’influence pernicieuse, corruptrice, fausse et doctrinaire du gouvernement de la branche cadette. […] Avant tout, il est peintre, c’est-à-dire que nul ne peut contester son talent robuste et puissant d’ouvrier : il attaque une grande machine avec intrépidité, il peut ne pas séduire tous les yeux, quelques parties peuvent être négligées ou maladroites, mais chacun de ses tableaux est peint ; j’appelle surtout peintres les Flamands et les Espagnols. […] C’est l’Antéchrist de la beauté physique et morale, et, depuis six ou sept ans qu’il fait de la propagande, jamais son zèle s’est ralenti. […] Nous ne prétendons pas dire que l’école réaliste n’est pas née viable ; M. 

3278. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Eh bien, monsieur, reprit gravement Saint-Alme en se découvrant, — voyez les cheveux blancs d’un homme qui n’est pas d’hier, — ils rougissent, eux ! […] Ce remue-ménage universel explique d’une manière parfaitement satisfaisante les phénomènes que nous avons mentionnés plus haut, et qui ne sont que le commencement des nouveautés que fera naître le nouvel ordre de choses. […] Ou bien, ce sera le mari, dont la fantaisie fait boule de neige, avec les passions que fait naître sa femme, et qui, prenant l’amant de celle-ci à part, — lui dira avec ce sourire d’un mari sûr de sa proie : — Voyez donc, mon cher, comme ma femme est en beauté ce soir ! […] Cette sorte de sigisbéisme naît quelquefois de la sympathie que l’on éprouve pour les œuvres d’un écrivain, et de l’attachement que vous inspire sa personne. […] Cette réaction fut injuste comme l’est souvent toute chose née du caprice ; mais si M. 

3279. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

À peine une petite morsure secrète, que nous sentons dans nos moelles, vient-elle nous rappeler par moments d’où sont nées ces visions, ce qu’elles enveloppent, et autour de quoi elles tournent ; mais ces réminiscences rapides avivent notre jouissance esthétique sans en rendre le danger inévitable et immédiat. […] Je vois bien que le rire naît toujours d’un contraste vivement senti, et que la mort fait avec la vie un contraste radical et violent ; mais de chercher sous quelle forme et dans quelles conditions ce contraste devient comique, je n’en ai pas le loisir. […] » — «  mortel, ce que j’ai parcouru jusqu’ici du chemin de la vie, je le connais ; mais le chemin qui me reste à faire, je ne le connais pas. […] Mais il convient de se défier, car, à la longue, on sentirait naître en soi un imbécile qui s’amuserait de la même façon que les autres. […] Oui, c’est ainsi : les impressions et les idées que font naître en moi les morceaux lyriques gazouillés ou trompettés par Mmes Duparc et Demay et par M. 

3280. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

« La république européenne de Henri IV est certainement née au château de Sully, a dit judicieusement M. 

3281. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

en Belgique, le 12 mai 1735, de l’illustre famille qu’on sait, il n’aime pas à dire au juste son âge ; il dit que son extrait baptistaire a été perdu.

3282. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Il vint un moment, je l’ai dit déjà, où Cowper sentit que de faire des cages, des serres ou des dessins ne lui suffisait plus : il se remit à la poésie, et à une poésie qui naissait de sa vie même et des circonstances qui l’environnaient.

3283. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Née en 1709 et de trois ans plus âgée que lui, de bonne heure elle aima ce frère plus que tout.

3284. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Le baron de Besenval (prononcez Bessval ou Beusval pour faire comme l’ancienne société et avoir l’air familier avec le nom) naquit vers 1721 à Soleure, ou du moins d’une famille patricienne de Soleure, qui servait déjà la France.

3285. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Vous citez M. de Chamberlan, auquel vous prétendez que j’ai écrit que tous les hommes sont nés avec une égale portion d’intelligence.

3286. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

Casaubon, à Genève de parents français réfugiés, y professait le grec depuis l’âge de vingt-trois ans ; il était gendre de Henri Estienne, et sa femme, la plus féconde des mères, lui donnait chaque année un enfant ; il y avait quatorze ans déjà qu’il enseignait, et il s’était fait connaître au dehors par des ouvrages de première qualité en leur genre, notamment par ses travaux sur Strabon, sur Théophraste, lorsque le président de Thou eut l’idée, sur sa réputation, et l’estimant le premier des critiques, de l’attirer en France et de le rendre à sa patrie : après les ravages des guerres civiles, les études y étaient comme détruites, et l’on avait bien besoin d’un tel restaurateur des belles-lettres.

3287. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il y avait une véritable contradiction en lui : par tout un côté de lui-même il sentait la nature extérieure passionnément, éperdument, il était capable de s’y plonger avec hardiesse, avec une frénésie superbe, d’y réaliser par l’imagination l’existence fabuleuse des antiques demi-dieux : par tout un autre côté, il se repliait sur lui, il s’analysait, il se rapetissait et se diminuait à plaisir ; il se dérobait avec une humilité désespérante ; il était de ces âmes, pour ainsi dire, nées chrétiennes, qui ont besoin de s’accuser, de se repentir, de trouver hors d’elles un amour de pitié, de compassion ; qui se sont confessées de bonne heure, et qui auront besoin de se confesser toujours.

3288. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

On ne sent jamais mieux qu’en lisant ce Journal de voyage et de santé combien Montaigne était heureux.

3289. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

De tous les États et lieux qui faisaient partie de sa vaste monarchie, Charles-Quint choisit exprès, pour cet acte solennel, la capitale des provinces belges, où il était , où il avait été nourri, qu’il affectionnait particulièrement, et aux institutions desquelles il rendait ainsi le plus bel hommage ; il voulut imprimer, à cette renonciation politique suprême comme un caractère de famille ; et lui, le plus hautain partout ailleurs et le grave des maîtres, il eut ce jour-là des accents de cordialité et presque de bonhomie.

3290. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

On se souvient encore des acclamations qui accompagnèrent la promulgation de cet acte éminent en sociabilité autant que hardi de la part de celui qui osa le tenter : acclamations qui, interprètes sincères de l’opinion publique, étouffèrent les cris des mécontents et les fureurs concenirées que le rétablissement de la religion fit naître dans quelques cœurs. » La suite, on le sait trop, répondit mal à de si heureux débuts, et sans même que les événements politiques survenus peu après en Italie eussent besoin d’y mêler leur complication, il y avait dans la seule situation intérieure bien des germes de difficultés futures.

3291. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Pas un mot ne sera dit entre eux de ces circonstances en quelque sorte étrangères ; les difficultés ne naîtront pas du dehors ni d’aucun événement contraire, et c’est en cela que le roman est d’une grande délicatesse : elles sortiront uniquement du cœur et de l’esprit des personnages, et viendront de la femme en particulier.

3292. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Comme tous les observateurs nés tels, il est doué d’un sens particulier très délié ; il a sa seconde vue, il a le flair.

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