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623. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Une connexion établie sert à en établir d’autres : le commencement seul est difficile. […] La question de la liberté de choix consiste donc à savoir si l’action est mienne ou si une autre personne s’est servie de moi comme instrument, et l’on ne saurait trop déplorer que la psychologie se soit arrêtée si longtemps sur une difficulté toute gratuite. […] Il plaira à ceux qui aiment les faits, qui pensent qu’ils sont la substance même d’une science expérimentale, qu’elle ne vit que par eux, que toute généralisation est vide et vaine, sans une ample collection de phénomènes qui lui serve de point de départ et de vérification.

624. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Fière & sûre d’une telle conquête, elle s’en servit pour mettre en vogue toutes ses idées, & elle les répandit avec succès dans saint Cyr. […] Fénélon n’avoit pour lui que le cardinal de Bouillon, ambassadeur de France à Rome, & les jésuites, qui l’avoient traversé dans les commencemens de sa fortune & qui le servirent après : encore faut-il excepter les PP. la Rue & Bourdaloue, qui ne furent jamais de ses amis. […] Ce qui le servit le moins, c’est la députation de l’abbé Bossuet vers le saint siège.

625. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Gall répond qu’on ne voit pas pourquoi l’âme ne se servirait pas de plusieurs organes tout aussi bien qu’elle se sert d’un seul. […] Suivant eux, les circonvolutions du cerveau, siège des facultés intellectuelles et morales, se manifesteraient extérieurement par des protubérances, vulgairement appelées bosses, qui peuvent servir à juger de l’intérieur par l’extérieur.

626. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il n’y a pas de plus grand nom dans l’histoire de la littérature française ; il n’y a pas, pour me servir d’une expression familière à Bossuet, d’esprit dont la cime soit plus haute. […] Descartes est le premier qui se soit servi de son bon sens pour s’assurer des vérités essentielles et capitales, et, en cela, c’est un homme d’un génie prodigieux. […] Cette épreuve servit beaucoup à Bossuet. […] Son imagination si puissante ne lui sert qu’à se rendre plus auguste l’obscurité de ces mystères. […] Leur gloire est de rendre immortelles par l’expression les vérités fondamentales qui servent comme d’assises à toutes les sociétés, quel qu’en doive être le couronnement.

627. (1929) Dialogues critiques

Bourget, qui s’était honoré en patronnant Barrès à ses débuts et en restant son fidèle ami, a cru devoir servir de parrain académique à Bertrand. […] Vous voyez bien que l’Académie sert à quelque chose. […] Elles méprisent l’assassin qui travaille pour un vil souci d’argent, et respectent celui qui sert un idéal. […] Mais au point de vue intellectuel, le mauvais tombe, le bon surnage, et ce foisonnement sert comme un terreau à l’éclosion des plantes de qualité. […] Bergson est personnellement muni d’une vaste culture scientifique, mais le bergsonisme sert à prétexter le droit à l’ignorance et la démission de l’esprit.

628. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

De l’autre côté, une basse-cour entourée de métairies et d’étables couvertes en chaume sert de portique à la maison. […] Si les ombres rient dans l’éternité, l’âme beaucoup trop rieuse de celui qui fut ici-bas le comte de Maistre doit bien rire en voyant son nom servir d’autorité à une révolution. […] En 1793, après l’invasion de la Savoie par M. de Montesquiou, le comte de Maistre se retira à Turin avec ses frères, qui servaient dans l’armée sarde. […] À l’époque de mon mariage, qui fut célébré à Chambéry, le comte Joseph de Maistre fut choisi par mon père absent pour le représenter au contrat et pour me servir ce jour-là de père. […] Le comte d’Andezenne, général piémontais, gouverneur de Savoie, servait de père à ma fiancée.

629. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Les fumiers des chevaux, des vaches et des moutons, entassés immémorialement aux portes, tapissaient les murailles de ces bâtiments, et servaient partout de clôture. […] Deux bancs en pierre, incrustés à demi dans la muraille, servaient de sièges aux domestiques et aux hôtes. […] Au-delà de la salle à manger, on montait par un escalier tournant de quelques marches dans la chambre qui servait de salon à la famille, et dont une grande fenêtre cintrée ouvrait sur les jardins, en plein midi, un peu plus élevée que le côté des cuisines. […] « Puisque tu le veux, mon cher Maurice, je vais donc continuer ce petit journal que tu aimais tant ; mais, comme le papier me manque, je me sers d’un papier cousu. » Pauvre fille ! […] Un mendiant a trouvé à midi ses délices dans une assiette de soupe chaude qu’on lui a servie sur la porte, se passant fort bien de soleil.

630. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Et s’il les avait, à quoi lui serviraient-elles, sinon à faire de lui une dupe au milieu de fripons ? […] Aimer les siens, les servir est un vol fait au genre humain, ou un plaisir défendu que l’utopiste se reproche. […] Je crois enfin à la sincérité d’un saint qui se confesse publiquement, entre Dieu qu’il prend à témoin de ses erreurs, et les hommes qu’il veut servir par l’exemple de sa pénitence. […] Les uns et les autres font l’office des repoussoirs en peinture ; ils ne servent qu’à le faire ressortir lui-même. […] Si ces pages servent à les y confirmer, je me consolerai d’en encourir quelque disgrâce auprès de ceux qui professent le droit absolu du talent, et qui mettent les auteurs au-dessus du genre humain.

631. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

que lui servirent ses longs jours ? […] En quelque site, en quelque désert qu’il soit situé, c’est quelque chose de délicieux que de s’être fait le possesseur d’une habitation champêtre. » Et ailleurs : « Un enfant rustique, sans autre parure que le vêtement nécessaire pour le préserver du froid, nous servira, dans des plats d’argile, des mets achetés au prix de peu de pièces de cuivre. […] Boileau lui-même, en autorisant par son Lutrin ce faux genre, devait servir d’excuse à La Fontaine dans ses Contes, puis servir d’exemple au poème burlesque et licencieux de Voltaire, la Pucelle d’Orléans ; et Voltaire, à son tour, devait servir d’exemple à lord Byron dans son poème moqueur et satanique de Don Juan. […] La volupté la sert avec des yeux dévots, Et toujours le Sommeil lui verse ses pavots. […] Ce n’est certes pas la première des qualités de l’esprit ; mais, si elle n’est pas la plus éminente, elle est toutefois la plus nécessaire ; ou, pour mieux dire, là où cette qualité manque, il n’y en a plus d’autre qui serve.

632. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mais si le cerveau ne peut servir à un pareil usage, dans quel magasin logerons-nous les images accumulées ? […] Or, il n’y a pas de différence essentielle entre l’opération par laquelle cet acide tire du sel sa base et l’acte de la plante qui extrait invariablement des sols les plus divers les mêmes éléments qui doivent lui servir de nourriture. […] Si profondes que soient les différences qui séparent deux images, on trouvera toujours, en remontant assez haut, un genre commun auquel elles appartiennent, et par conséquent une ressemblance qui leur serve de trait d’union. […] Elles représentent les deux aspects complémentaires d’une seule et même tendance fondamentale, la tendance de tout organisme à extraire d’une situation donnée ce qu’elle a d’utile, et à emmagasiner la réaction éventuelle, sous forme d’habitude motrice, pour la faire servir à des situations du même genre. […] Cet équilibre ne sera évidemment faussé que par la perturbation des éléments qui lui servent de matière.

633. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La musique, destinée essentiellement à servir, ne saurait commander aux autres arts sans les bouleverser et les amoindrir. […] Une telle œuvre ne peut s’analyser ; mais elle peut servir de guide pour résumer sommairement la doctrine de Ballanche. […] Les expressions même de l’écrivain dont nous nous sommes servi garantissent du moins notre exactitude. […] La prose nous sert de guide à travers cet ordre de vérités qui aboutit à des pratiques utiles pour la vie physique. […] Rarement le même acte peut servir à la fois les besoins grossiers et les aspirations supérieures, Dieu et Mammon.

634. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

J’affirmais donc avec raison que les leçons répétées sur les sciences, sur les belles-lettres, et sur les arts, ne servaient pas moins à former les professeurs que les personnes à qui leurs observations sont communiquées. […] Durant sa carrière, un sage emploi de son talent servit, autant que ce talent même, à lui attirer les graves suffrages qui prêtèrent à sa réputation un ascendant respectable. […] Mercure, mourant de faim, implorant d’un valet quelque emploi qui le sauve de la disette, et l’avantage de servir de loin le nouveau dieu. […] Ces quatre personnages servent les uns et les autres à bien établir le tort d’une sévérité trop austère, et d’une indulgence trop relâchée. […] Tel, je crois, devait être dessiné le Glorieux, pour servir de ridicule portrait à ses semblables, et de leçon utile à la crédulité des préjugés bourgeois.

635. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

L’effet que produisit ce spectacle donné au monde par celui qui se sert de nos vices comme de nos vertus pour l’accomplissement de ses desseins, fut immense, universel. […] C’est, pour employer la comparaison dont il se sert lui-même, un général d’armée qui n’avance qu’en se gardant. […] Lorsqu’elles l’oublient et qu’elles se servent du pouvoir au lieu de l’employer à servir les sociétés, les révolutions arrivent, aussi fatales aux peuples qu’aux gouvernements, sans doute, mais presque inévitables. […] Les vues de l’empereur et celles de M. de Fontanes sur l’éducation ne pouvaient pas être les mêmes ; tout ce qui précède sert à en expliquer les raisons. […] à quoi sert donc ton eau bénite ? 

636. (1903) La pensée et le mouvant

À quoi sert le temps ? […] À quoi cela servirait-il ? […] Le cerveau sert à effectuer ce choix : il actualise les souvenirs utiles, il maintient dans le sous-sol de la conscience ceux qui ne serviraient à rien. […] Le travail est d’une difficulté extrême, parce qu’aucune des conceptions toutes faites dont la pensée se sert pour ses opérations journalières ne peut plus servir. […] L’œuvre entière du maître pourrait servir de commentaire à ce mot.

637. (1896) Le livre des masques

Zola, ayant inventé la recette, oublia de s’en servir. […] La beauté, à quoi sert-elle ? Elle sert à aller en terre, Être mangée par les vers, Etre mangée par les vers… M.  […] Le long du ruisseau noir, les poètes pervers Pèchent : leur crâne creux leur sert de boîte à vers. […] Seul, l’ancien cadre peut encore servir ; il est quelquefois nécessaire, pour amorcer le public à des sujets très ardus, de simuler de vagues intrigues romanesques, que l’on dénoue selon son propre gré, quand on a dit tout ce que l’on voulait dire.

638. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Remarquez le terme dont il se sert pour résumer les motifs qui lui mettent la plume en main. […] Il s’est servi de toi pour l’œuvre qu’il a à faire. […] Il en est de ce mot comme de tous ceux qui servent au langage usuel. […] Tout ce qu’il a en lui d’existence sert d’occasion à des douleurs. […] Le créateur ne s’est servi que d’un seul et même patron pour tous les êtres organisés.

639. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Mais il était souvent mal servi par les siens propres ; il ne s’en aperçut que trop au siège de Paris, au siège de Rouen. […] C’est le prince du monde, continue Du Fay, qui a le plus de créance et de fiance en ceux qui le servent, et qui les traverse le moins en leurs charges, lui semblant que depuis qu’il a une fois fait élection de quelqu’un en quelque chose, il lui doit laisser faire son devoir sans l’en empêcher… Et n’y a rien en quoi il fasse gloire de s’en faire croire seul qu’aux principaux coups de la guerre, lorsqu’il se trouve à cheval. […] Un grand prince de France lui reprochait un jour qu’il était léger : il fit venir, pour s’en défendre, tous ses officiers domestiques, ceux de cuisine, ceux de panneterie, de la sommellerie, ceux des écuries, et quasi tout son train ; il ne s’en trouva pas un qui n’eût servi ou qui ne fût sorti de personnes qui avaient servi son père et son aïeul, et lui-même dès le berceau : l’autre se trouva bien empêché à la réplique, étant accoutumé, de trois en trois mois, de faire maison neuve… On l’a estimé aussi être avare, et à la vérité il était malaisé autrement, succédant à un prince qui était par-delà le libéral… L’un pourvoyait à ses libéralités plutôt qu’à ses nécessités : celui-ci ne le fera pas.

640. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Tout bien considéré, et jusque dans cette petite Cour de Brunswick, où il servit en qualité de gentilhomme attaché à monseigneur le duc régnant, il était pour la Révolution française : « Le genre humain, écrivait-il en 1790, est né sot et mené par des fripons, c’est la règle ; mais, entre fripons et fripons, je donne ma voix aux Mirabeau et aux Barnave plutôt qu’aux Sartine et aux Breteuil… » Voilà le point de départ du futur tribun, ne l’oublions jamais. […] Si ce régime s’était affermi, il allait le servir, y prendre son rang ; il devenait un homme de gouvernement, et ce rôle d’opposition perpétuelle, qui fit en quelque sorte partie de son caractère, n’était plus le sien. […] Napoléon n’a ni colère ni rancune ; il prend les hommes pour ce qu’ils sont, selon leur utilité réelle et leur aptitude à la chose présente, selon qu’ils peuvent se prêter et servir à son dessein du moment. […] Il répondrait, s’il était là présent (car il eut plus d’une fois à répondre à des interpellations pareilles), que s’il se crut en droit de servir le Directoire avant comme après fructidor, c’est qu’il s’était fait une maxime, qu’il s’était posé une règle dès l’entrée de sa carrière, à savoir de s’attacher non au meilleur des gouvernements, mais à celui qui offrait des garanties, des moyens d’amélioration, et de se rallier à tout régime où il y avait espoir, sinon de faire prévaloir tous les principes, du moins d’en introduire et d’en appliquer quelques-uns : « En attendant ce qui est bon, disait-il, j’adopterai ce qui est moins mauvais. » Quoiqu’il puisse paraître singulier qu’en vertu de cette maxime il ait été amené à préférer le Directoire expirant à l’ère consulaire qui s’inaugurait, je ne le chicanerai pas là-dessus.

641. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Son père, qui avait une place dans l’octroi, était bon latiniste et servait de répétiteur à son fils. […] Je n’irai pas chercher dans les œuvres en prose, dans les romans de Théophile Gautier, son autobiographie précise : il pourrait la récuser, et trop d’art s’y mêle à tout moment à la réalité pour qu’on ose se servir sans beaucoup de précaution de cette clef-là. […] — Il fallait, pour y aller, passer sur une planche assez longue, très étroite et qui ployait étrangement par le milieu ; — un vrai pont pour des chèvres, et qui en effet ne servait guère qu’à elles : — c’était délicieux. — Un gazon court et fourni, où le souviens-toi de moi ouvrait en clignotant ses jolies petites prunelles bleues… » Suit une description détaillée, minutieuse, comme l’auteur sait les faire, — et d’Albert, en effet, nous est donné lui-même comme un peu auteur, bien qu’inédit, — et il ajoute : « Que nous étions bien faits pour être les figures de ce paysage ! […] Chez Musset, le mondain et plus que mondain, le débauché homme d’esprit, à la mode de 1832, a servi singulièrement le poète.

642. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Le public est partout, il veut tout ; il faut lui obéir et le servir. […] Léonidas leur sert de truchement. […] Vous voulez, messieurs, qu’on vous serve du miel de l’Hybla ou de l’Hymette, et vous n’offrez à l’abeille attique que du thym de Corse ou de Sardaigne. » Mais Léonidas, heureusement pour lui, nous a montré quelquefois ce qu’il pouvait dans les sujets plus élevés ou plus délicats. […] Un voyageur altéré, Aristoclès, a bu avec plaisir de l’eau d’une source où se voyaient des statues de Nymphes, œuvre rustique des bergers ; reconnaissant, il offre aux Nymphes elles-mêmes la coupe dans laquelle il a bu, pour qu’elle serve aux autres passants qui auront soif comme lui : « Onde fraîche qui jaillis d’un double rocher ; salut !

643. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Les Grecs, en tant qu’ils servent d’ouvriers aux Romains pendant la domination absolue de ces derniers, à l’extrême déclin de la République et depuis Auguste jusqu’à Constantin, subissent la volonté du maître, exécutent ses programmes et se bornent à les orner et à les varier dans le détail, à moins qu’on ne leur permette de rester plus fidèles à l’art grec dans quelques petits temples et monuments : ils sont subordonnés dans tout le reste. […] Le même surtout de pierre, avec portiques et colonnes selon la formule, pourra servir presque indifféremment à plusieurs usages. […] Il a une qualité, un mérite qu’on ne peut lui contester : vite on prétend l’enfermer et l’emprisonner dans ce mérite ; on se sert de cette qualité comme d’une arme pour l’écarter et le repousser de tout le reste. […] Viollet, c’est d’abord qu’on ne prenne pas l’antique pour le transporter, tel quel, chez nous, sans motif, sans égard à tout ce qui diffère profondément entre des sociétés si dissemblables ; et de notre passé à nous, de notre ancienne architecture nationale, il veut qu’on n’en prenne que ce qui s’applique à nos mœurs actuelles, à notre objet, aux matériaux dont nous nous servons, et surtout qu’on s’inspire du bon sens extraordinaire dont ces vieux architectes du XIIIe siècle ont fait preuve.

644. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Voltaire a trop de rapidité et d’à-propos pour s’astreindre à un modèle ; il passe outre et sert hardiment, et sous toutes les formes, les lumières, les idées et les passions de son temps. […] Cornélie, Porcie, Arrie, ces nobles dames transportées dans la situation, les eussent pu écrire à quelques égards ; elles sont d’un stoïcisme légèrement attendri, et la Française non plus, la républicaine un peu étonnée de l’être, n’y est pas absente ; le ton une fois admis, il y respire un sentiment vrai et comme de la douceur : « Puisse cette lettre te parvenir bientôt, te porter un nouveau témoignage de mes sentiments inaltérables, te communiquer la tranquillité que je goûte, et joindre à tout ce que tu peux éprouver et faire de généreux et d’utile le charme inexprimable des affections que les tyrans ne connurent jamais, des affections qui servent à la fois d’épreuves et de récompenses ‘a la vertu, des affections qui donnent du prix à la vie et rendent supérieur à tous les maux !  […] Faugère a fait preuve dans ses différentes publications, et notamment dans son excellente édition de Pascal, l’ont bien servi dans cette tâche nouvelle, incomparablement plus facile. […] La femme qui la servait à la Conciergerie disait un jour à Riouffe : « Devant vous elle rassemble toutes ses forces, mais dans la chambre elle reste quelquefois trois heures appuyée sur sa fenêtre à pleurer. » N’oublions pas, quand il s’agit d’elle, cet arrière-fond du tableau.

645. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Cette grâce si grande et si distinguée dont elle vient de m’honorer, donne une exemple qui doit élever les sentiments et le courage de tout ce qui a l’honneur de la servir. […] On avait donné à Catinat pour servir sous lui depuis 1691 M. de Tessé, homme d’infiniment d’esprit et plus propre certainement à être habile négociateur que grand général. […] Elle a jusqu’à présent tout le crédit qu’une jolie femme peut avoir ; elle a dans l’esprit tout l’enjouement et l’amusement qui peut plaire, menteuse avec un air naïf, n’aimant rien, point de vues pour l’avenir, hardie, ordurière, nulle teinture de modestie, livrée aux présents de M. le prince d’Orange, prenant de l’Empereur et du roi d’Espagne, et ce qu’il y a de beau, c’est que M. de Savoie le sait et qu’il trouve en cela le ménagement d’un méchant cœur ravi que sa maîtresse rencontre dans la libéralité d’autrui ce qu’elle ne pourrait pas trouver dans la sienne… Il redit tout à sa maîtresse, et sa maîtresse redit tout aux alliés… Dans tout cela Mme la Duchesse Royale ne fait qu’aimer son mari, le servir, vouloir ce qu’il veut et ne se mêler de rien ; Madame Royale (la mère) n’ose parler, et M. et Mme de Carignan sont dans une circonspection si craintive que, si M. de Savoie meurt, vingt-quatre heures après ils craindront qu’il n’en revienne. » Toute cette correspondance de Tessé que nous connaissons par des extraits de M.  […] L’artillerie aussi servit en perfection.

646. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Se servir de Raynal comme on le fit en cette circonstance, c’était donc le compromettre sans résultat et l’exposer immanquablement à être traité par la démocratie irritée de bonhomme qui radote et d’esprit qui baisse. […] » — « Le voici : il faut le ramener à nous, il faut qu’il nous serve, qu’il engage Bonaparte à traiter avec les princes : nous le ferons connétable. » « Je pris alors la parole : « Mais pour M. de Talleyrand, que ferez-vous ? » — « Certainement, je le servirai de tout mon cœur ; il me connaît, il sait que je suis incapable de lui manquer de parole. […] Je ne crois pas que la meilleure manière de servir la mémoire de Malouet soit d’exagérer ses mérites ni d’amplifier son influence, et encore moins de chercher auprès de lui une occasion banale de déclamer contre la Révolution ; mais il manquerait quelque chose à la connaissance de ces temps orageux, si on ne l’écoutait et si l’on ne tenait grand compte de son témoignage.

647. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

 » La campagne d’Iéna, comme celle d’Ulm, « devait servir de modèle un jour pour apprendre aux généraux l’art de réunir à propos leurs forces, et de les diviser ensuite quand elles ont frappé : je dis modèle, si tant est qu’il y en ait à pareil jeu ; car tout jeu savant suppose le joueur, tout art suppose essentiellement l’artiste ; et la variété, la nouveauté dans l’application, qui se différencie et recommence sans cesse à chaque cas imprévu, c’est l’habileté souveraine, c’est le génie35. […] « Cette mission offre un singulier exemple de la manière de servir à cette époque. […] « Le soussigné a servi dans ces différents grades pendant les campagnes de 1799 et 1800, en qualité d’adjoint au ministre de la guerre et à l’état-major général. […] Il servit à l’état-major de ces troupes qui ont contribué à la défense de la Suisse aux affaires de Frauenfeld, Zurich, Dettingen ; au Grimsel, à la défense du Valais, notamment du Saint-Bernard.

648. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Attaché à un pouvoir qui luttait pour la conservation contre des partis extrêmes, il avait vu, lui qui le servait avec zèle, ses patriotiques intentions méconnues de plusieurs. […] Jean Polonius, à qui nous passons maintenant, n’est pas un précurseur de Lamartine, il l’a suivi et peut servir très-distinctement à représenter la quantité d’esprits distingués, d’âmes nobles et sensibles qui le rappellent avec pureté dans leurs accents. […] Revenu en France dès 1824, on l’aperçoit à quelques années de là en Portugal, y promenant son humeur vagabonde, non plus en gentilhomme de la chambre, mais avec le louable dessein d’y servir la cause de Dona Maria, par reconnaissance pour don Pedro, son bienfaiteur. […] Je suis sûr que ce quatrain-là fut servi au déjeuner du roi.

649. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Les critiques comme Niebuhr, ces provocateurs d’idées et de génie, servent à faire produire en définitive aux doctes judicieux et ingénieux ces écrits qui, sans eux et leur assaut téméraire, ne seraient peut-être jamais sortis. […] Quoi qu’il en soit, toutes ces investigations préalables ne serviraient qu’à fournir une bonne introduction à l’histoire des journaux, et c’est à ce dernier travail que je voudrais voir quelque académie ou quelque librairie (si librairie il y a) provoquer deux ou trois travailleurs consciencieux et pas trop pesants, spirituels et pas trop légers. […] Mais on était encore en ces années dans l’âge d’or de la maladie, et un honnête homme, Sabatier de Cavaillon, répondant d’avance au vœu de Bonneville, adressait, en avril 1786, comme conseils au gouvernement, des observations très-sérieuses sur la nécessité de créer des espions du mérite 198. « Épier le mérite, le chercher dans la solitude où il médite, percer le voile de la modestie dont il se couvre, et le forcer de se placer dans le rang où il pourrait servir les hommes, serait, à mon avis, un emploi utile à la patrie et digne des meilleurs citoyens. […] La faculté du journal sans l’imprimerie est une curiosité non servie par un organe.

650. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Ces années furent bien brillantes encore durant tout le cours de cette ambassade, où il sut se concilier la faveur de l’illustre souveraine et servir efficacement les intérêts de la France. […] Son esprit n’avait jamais plus de vivacité que quand il servait son cœur. […] Cependant la ruine de ma fortune me rendait le travail indispensable ; je me décidai à écrire cet ouvrage ; et, pour me conserver la vue, ma femme, votre tendre et vertueuse mère, … élevée dans toutes les délicatesses du grand monde, âgée de soixante ans, presque toujours souffrante, … me servant de secrétaire avec une constance et une patience inimitables, a écrit de sa main, d’abord toutes les notes qui m’ont servi à rédiger, et ensuite tout ce livre : ainsi toute cette Histoire universelle a été tracée par sa main… » Cette Histoire universelle qui aboutissait à la fin du Bas-Empire avait pour suite naturelle une Histoire de France, et M. de Ségur se décida à l’entreprendre : il l’a poussée jusqu’au règne de Louis XI inclusivement. […] M. de Ségur n’hésita point un moment : « Je dois tout à l’Empereur, « disait-il dans l’intimité ; quoique je n’aie que du bien personnel « à en dire, il y aurait des faits toutefois qui seraient « inévitables ; il y en aurait d’autres qui seraient mal interprétés « et qui pourraient actuellement servir d’arme à ses « ennemis et tourner contre sa mémoire. — Oh !

651. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Les deux valets se plaignent de servir des maîtres extravagants. […] Après quelques récriminations de Ricciardo, tout s’arrange à l’amiable. » Quoique Riccoboni nous apprenne que ce dénouement fut trouvé plus piquant et mieux amené que celui de L’Interesse et du Dépit amoureux, il ne faut point, à l’exemple de Cailhava, reprocher à Molière de ne s’en être point servi, puisque ce nouveau dénouement ne fut imaginé que bien longtemps après la mort de Molière. […] Pour en revenir à Sganarelle, ce personnage sert de transition entre les types presque invariables de la commedia dell’arte et les créations plus libres auxquelles Molière ne tardera pas de s’élever. […] La même phrase sert de conclusion aux deux œuvres ; voyez pourtant quel contraste : Et, pour tout dire enfin, jaloux ou non jaloux, Mon roi, sans me gêner, peut me donner à vous, dit Done Elvire, et Dom Garcie s’écrie : Ciel, dans l’excès des biens que cet aveu m’octroie, Rends capable mon cœur de supporter sa joie… !

652. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Il est bon de connoître la source des plaisirs dont le goût est la mesure : la connoissance des plaisirs naturels & acquis pourra nous servir à rectifier notre goût naturel & notre goût acquis. […] Florus nous représente en peu de paroles toutes les fautes d’Annibal : « lorsqu’il pouvoit, dit-il, se servir de la victoire, il aima mieux en joüir  » ; cùm victoriâ posset uti, frui maluit. […] Ainsi tout nous fatigue à la longue, & sur-tout les grands plaisirs : on les quitte toûjours avec la même satisfaction qu’on les a pris ; car les fibres qui en ont été les organes ont besoin de repos ; il faut en employer d’autres plus propres à nous servir, & distribuer pour ainsi dire le travail. […] Il faut bien remarquer qu’un sentiment n’a pas ordinairement dans notre ame une cause unique ; c’est, si j’ose me servir de ce terme, une certaine dose qui en produit la force & la variété.

653. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Pour moi, de même que je m’en tiens religieusement aux noms des écrivains qui subsistent, bornant mon étude à en peser la valeur consacrée, de même j’accepte les termes généraux qui ont servi à caractériser certaines époques, et je me contente de me rendre compte de leur signification. […] Sa condition même y avait servi. […] Ainsi je suis poursuy. et poursuyyant D’estre le moindre et plus petit servant De vostre hostel, magnanime princesse, Ayant espoir que la vostre noblesse Me recepvra, non pour aulcune chose Qui soit en moy pour vous servir enclose ; Non pour pryer, requeste ou rhetoricque, Mais pour l’amour de vostre frère unique, Roy des François, qui, à l’heure presente, Vers vous m’envoye et à vous me presente De par Pothon, gentilhomme honorable…35 Entre le poète et la docte princesse il dut y avoir un commerce poétique très-actif. […] Cependant, on ne lit pas longtemps Marot sans reconnaître la justesse de ce mot d’un contemporain célèbre41 : « L’esprit sert à tout, mais ne suffit à rien. » Cet esprit marotique tourne dans un cercle étroit.

654. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

Dans la préface de la première édition (1688)99, il apprécie ainsi les deux ouvrages de ses devanciers : « L’un (les Pensées), par l’engagement de son auteur, fait servir la métaphysique à la religion, fait connaître l’âme, ses passions, ses vices, traite les grands et les sérieux motifs pour conduire à la vertu et veut rendre l’homme chrétien. […] Tout y contribue et tout y sert. […] C’est la même vérité qui s’est servie successivement des violents combats de l’âme de Pascal, de la mélancolie de La Rochefoucauld, et de la tranquille ironie de La Bruyère. […] La parure sous laquelle il les déguise, le moment où il les produit, le jour dans lequel il les montre, l’artifice qui les rajeunit, tout sert à nous arrêter où nous eussions passé légèrement, à nous réveiller où nous eussions langui ; et tel précepte que la déclamation a décrédité, ou que la sagesse de ménage a rendu insipide, recouvre honneur et faveur par la manière dont il l’assaisonne.

655. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

À l’ombre des fusains poussiéreux, parmi les détritus et les loques, à l’angle d’une rue déserte, on nous servit, en guise de bière, une sorte de piquette âcre, empestant le buis. […] Est-ce que l’un d’eux ne servait pas comme garçon, le soir, dans un café voisin de l’école ! […] Une grande pièce vide, tendue de papier rouge, servait à la fois de cuisine, de salle à manger et de cabinet de rédaction. […] « C’est alors que Baju vint, et, en vue de congréger “les forces éparses en un faisceau unique”, pour me servir de ses propres expressions rapportées au commencement de ce travail, fonda le Décadent, au milieu de quelles difficultés, avec combien de bravoure et de furie, ce n’est rien que de le dire.

656. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Bourget pour avoir tendu à dénaturer ainsi le caractère du roman, il serait injuste néanmoins de ne pas lui savoir tenir compte de cette circonstance, qu’il a su faire qu’on en prit son parti, à son égard, non sans plaisir ; sans compter qu’il n’aurait pas trouvé différemment l’occasion de ces formules, dont on doit dire que le nombre est grand, parmi elles, qui pourrait servir à un recueil de pensées détachées d’une saveur unique. […] Bourget, s’il n’avait cherché à être qu’instructif et s’était plu à nous servir, en guise de romans, d’arides traités de psychologie expérimentale. […] Bourget dans son application immédiate, c’est-à-dire indépendamment de l’idée théorique qu’elle a servie, bien loin d’en concevoir des alarmes, on en devrait, au contraire, louer l’efficacité. […] Ce n’est donc même pas, à vrai dire, par idiopathie, qu’il a pu s’aventurer dans une métaphysique fort peu propre à s’accommoder d’une méditation sommaire, et qui ne semble d’ailleurs avoir servi qu’à exercer les transcendances récréatives d’un cerveau purement déductif. — Qu’il soit vraisemblable, après cela, que M. 

657. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

L’art, la littérature, l’éloquence ne sont vrais qu’en tant qu’ils ne sont pas des formes vides, mais qu’ils servent et expriment une cause humaine. […] Dieu me garde de croire qu’un tel système de société soit actuellement applicable, ni même que, actuellement appliqué, il servît la cause de l’esprit. […] L’esclave cultivé, qui se sentait l’égal de son maître, devait le haïr et le maudire, mais l’esclave philosophe, qui se sentait supérieur à son maître, ne devait se trouver en aucune façon humilié de le servir. […] Vous trouverez que le gain, les affaires ou les besoins matériels dirigent les neuf dixièmes au moins de ces mouvements, que le plaisir sert de motif à un vingtième peut-être de cette agitation, qu’un centième à peu près de cette foule obéit à des affections douces et qu’un millième au plus est guidé par des motifs religieux ou scientifiques.

658. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Il semble que, Dieu ayant donné la raison aux hommes, cette raison doive les avertir de ne pas s’avilir à imiter les animaux, surtout quand la nature ne leur a donné ni armes pour tuer leurs semblables ni instinct qui les porte à sucer leur sang. » Ces mêmes obstinés, trouvant étrange qu’on offrît pour modèles à l’humanité les loups et les ours, ont dit encore : Quand même l’histoire prouverait que de grands empires d’autrefois se sont formés par ce vol à main armée qu’on appelle la conquête, quand même de grands empires d’aujourd’hui ne seraient qu’une agglomération de provinces ou de colonies soudées de force ensemble, s’ensuit-il que le passé puisse servir de règle à l’avenir et qu’il soit permis de confondre ce qui a été ou ce qui est avec ce qui doit être ? […] Est-ce Taine ou un théoricien du marxisme (on pourrait aisément s’y tromper) qui a dit que la volonté est serve, et non maîtresse des faits ; que les concepts de justice, d’égalité, de liberté sont de la mauvaise métaphysique ? […] » ― En dépit de ces oppositions, les écrivains ont continué et continueront avec raison à dire leur mot sur des problèmes qui nous concernent tous comme citoyens et comme hommes et à croire que le talent ne perd rien à servir la cause de la civilisation ; et selon leurs opinions, leurs tempéraments, le milieu où ils vivent, retenant ou poussant en avant la société dont ils font partie, ils ne cesseront d’entrecroiser d’une façon étroite l’histoire de la littérature et celle du droit. […] A peine mentionnerai-je la vieille tradition qui rattache au Palais les origines de notre théâtre comique : personne n’ignore que la table de marbre de la grand’salle a servi longtemps de scène aux « causes grasses », aux soties et moralités, et ce n’est point par hasard que la farce de l’Avocat Patelin est demeurée le chef-d’œuvre dramatique de notre moyen âge.

659. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

. — Ils ne paraissaient pas moins amples ni plus grands que ceux qui sont dans mon beau Saint Jean, pour servir de fonts baptismaux : — L’un desquels, il n’y a pas encore beaucoup d’années, je brisai parce qu’un enfant s’y noyait ; et que cela soit occasion pour tout homme de se détromper. » L’un de gli quali, anchor non é molt’ anni Rupp’ io per un che dentro vannegava : E questo sia suggel ch’ ogni huomo sganni. […] Le vieux cirque de bois qui servait encore de scène à Athènes, s’écroula avec ses gradins pleins de peuple, pendant qu’on y jouait une de ses trilogies. […] Tel humaniste couronné qui, le matin, commandait une fresque, ou se faisait expliquer Homère par un philologue byzantin, assassinait ses ennemis le soir, ou leur servait un souper assaisonné de cantarella. […] Il y avait, dans le vestiaire du théâtre ancien, un masque aux dents serrées, aux lèvres crispées, destiné à l’acteur muet de la pièce ; Eschyle se servait souvent de ce masque-là.

660. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Le temps n’est-il pas venu de dégager un peu toutes ces tendresses, toutes ces complaisances, de payer à l’homme, à l’honnête homme qui a, comme tous, plus ou moins, ses faibles et ses faiblesses, au poète qui, si parfait qu’on le suppose, a aussi ses défauts, de lui payer, dis-je, une large part, mais une part mesurée au même poids et dans la même balance dont nous nous servons pour d’autres ? […] Mais, à une époque d’effort, de lutte et de calcul, il a su trouver sa veine, il a fait jaillir sa poésie, une poésie savante et vive, sensible, élevée, malicieuse, originale, et il a excellé assez pour être sûr de vivre, lors même que quelques-unes des passions qu’il a servies, et qui ne sont pas immortelles, seront expirées. […] Cet article sur Béranger a servi de prétexte et de point de départ à un article de M. de Pontmartin, qui a fait du bruit et qui commence ainsi : Je viens de relire les Causeries du lundi… Il y a dans le second volume un chapitre fait, selon moi, pour racheter bien des peccadilles, bien des Chateaubriand romanesque et amoureux, bien des Regrets, bien des versets de la litanie Lespinasse, Geoffrin et Du Deffand. […] J’ai besoin de m’expliquer ici sur cette manière de se servir du nom et de l’idée d’autrui en s’en faisant un instrument continu et une arme ; c’est commode, mais ce n’est pas juste ni très bienséant : « Je vais dire ce que vous n’avez pas eu le courage de dire.

661. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

La Branche surtout se flatte d’être rentré dans la bonne voie ; il sert un jeune homme appelé Damis : « C’est un aimable garçon, dit-il : il aime le jeu, le vin, les femmes, c’est un homme universel. […] j’aurais déjà fait plus d’une banqueroute. » Et le trait final va servir comme de transition à la prochaine comédie de Lesage, lorsque Oronte dit aux deux valets : « Vous avez de l’esprit, mais il en faut faire un meilleur usage, et, pour vous rendre honnêtes gens, je veux vous mettre tous deux dans les affaires. » Lesage eut son à-propos heureux ; il devina et devança de peu le moment où, à la mort de Louis XIV, allait se faire l’orgie des parvenus et des traitants. […] Il était obligé, pour converser, de se servir d’un cornet ; il appelait ce cornet son bienfaiteur, en ce qu’il s’en servait pour communiquer avec les gens d’esprit, et qu’il n’avait qu’à le poser pour ne pas entendre les ennuyeux et les sots25.

662. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle n’y verra d’abord qu’un sujet de curiosité et de divertissement : « Toutes les nouveautés me réjouissaient… De quelque importance que pût être une affaire, pourvu qu’elle pût servir à mon divertissement, je ne songeais qu’à cela tout le soir. » Telle Mademoiselle était à dix ans, telle à vingt, telle à trente, telle elle sera toute sa vie, jusqu’à ce qu’une passion tardive lui eût appris à souffrir. […] Cependant elle marquait de bonne heure le goût de l’esprit, du bel et fin esprit, de celui qui sert à la conversation ; son père y excellait : elle raconte comment à Tours, chaque soir, elle aimait à entendre Monsieur l’entretenir de toutes ses aventures passées, « et cela fort agréablement, comme l’homme du monde qui avait le plus de grâce et de facilité naturelle à bien parler ». […] Elle répondit avec fierté et dignité : Je ne crois pas vous avoir plus mal servi à la porte Saint-Antoine qu’à Orléans. […] Elle connut par lui Huet (le futur évêque), lequel, jeune alors, lui servait quelquefois de lecteur pendant sa toilette.

663. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Rien ne manqua à la solennité ni à l’éclat de cette première représentation : Ç’a été sans doute aujourd’hui, disent les Mémoires secrets, pour le sieur de Beaumarchais qui aime si fort le bruit et le scandale, une grande satisfaction de traîner à sa suite, non seulement les amateurs et curieux ordinaires, mais toute la Cour, mais les princes du sang, mais les princes de la famille royale ; de recevoir quarante lettres en une heure de gens de toute espèce qui le sollicitaient pour avoir des billets d’auteur et lui servir de battoirs ; de voir Mme la duchesse de Bourbon envoyer dès onze heures des valets de pied, au guichet, attendre la distribution des billets indiquée pour quatre heures seulement ; de voir des Cordons bleus confondus dans la foule, se coudoyant, se pressant avec les Savoyards, afin d’en avoir ; de voir des femmes de qualité, oubliant toute décence et toute pudeur, s’enfermer dans les loges des actrices dès le matin, y dîner et se mettre sous leur protection, dans l’espoir d’entrer les premières ; de voir enfin la garde dispersée, des portes enfoncées, des grilles de fer même n’y pouvant résister, et brisées sous les efforts des assaillants. […] Une telle pièce où la société entière était traduite en mascarade et en déshabillé comme dans un carnaval de Directoire ; où tout était pris à partie et retourné sens-dessus-dessous, le mariage, la maternité, la magistrature, la noblesse, toutes les choses de l’État ; où le maître-laquais tenait le dé d’un bout à l’autre, et où la licence servait d’auxiliaire à la politique, devenait un signal évident de révolution. […] Ce qui caractérise bien l’époque, ce sont ces espèces de chapitres de Sterne, ces actes de bienfaisance sentimentale à la Geoffrin, qui servaient comme d’intermède au Mariage de Figaro, et qui en accompagnaient le succès. […] Beaumarchais répondit gaillardement que cette petite n’était autre qu’une pauvre enfant adoptive dont Figaro, à Séville, prenait soin par humanité ; que depuis lors elle avait passé en France, avait épousé à Paris « un pauvre honnête garçon, gagne-denier sur le port Saint-Nicolas, nommé L’Écluze, qui venait d’être écrasé misérablement, au milieu de tous ses camarades, par la machine qui sert à décharger les bateaux » : Il a laissé, ajoutait-il, sa pauvre femme, âgée de vingt-cinq ans, avec un enfant de treize mois et un de huit jours qu’elle allaite, quoiqu’elle soit très malade et qu’elle manque de tout.

664. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

On dit, je ne sais où, qu’on ne peut servir deux maîtres ; j’en veux avoir quatre pour n’en avoir point du tout, et pour jouir pleinement du plus bel apanage de la nature humaine, qu’on nomme liberté. […] Instruisez-moi, je vous en conjure. » Les idiots de Ferney, c’est-à-dire les paroissiens ; notez cette perpétuelle et cruelle méthode de mépriser ceux qu’on prétend servir, et de substituer l’insolente satisfaction de l’orgueil en lieu et place de l’humaine charité. […] Le jour où Voltaire a fait son entrée seigneuriale en son château de Tourney, il était en habit de gala, avec ses deux nièces (Mme de Fontaine et Mme Denis), toutes en diamants ; le curé l’avait harangué, le fermier lui avait offert un repas splendide, les sujets avaient fait des décharges de mousqueterie, et tiré boîtes, canons, grenades ; on avait emprunté pour cela l’artillerie de Genève et l’homme pour la servir. […] Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai dans l’occasion. » Quand on joue ainsi de bonne heure et si gaiement avec le mensonge, il nous devient un instrument trop facile dans toutes nos passions ; la calomnie n’est qu’un mensonge de plus ; c’est une arme qui tente ; tout menteur l’a dans le fourreau, et on ne résiste pas à s’en servir, surtout quand l’ennemi n’en saura rien.

665. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

De plus, la qualité dominante du vrai critique, c’est cette même puissance de sympathie et de sociabilité qui, poussée plus loin encore et servie par des facultés créatrices, constituerait le génie. […] Hugo, et le mot a toujours servi ; de là l’impossibilité d’exprimer l’émotion. » — « Eh bien non, répond Guyau, et c’est là ce qu’il y a de désolant pour le poète, l’émotion la plus personnelle n’est pas si neuve ; au moins a-t-elle un fond éternel ; notre cœur même a déjà servi à la nature, comme son soleil, ses arbres ses eaux et ses parfums ; les amours de nos vierges ont trois cent mille ans, et la plus grande jeunesse que nous puissions espérer pour nous ou pour nos fils est semblable à celle du matin, à celle de la joyeuse aurore, dont le sourire est encadré dans le cercle sombre de la nuit : nuit et mort, ce sont les deux ressources de la nature pour se rajeunir à jamais. » La masse des sensations humaines et des sentiments simples est sensiblement la même à travers la durée et l’espace, mais ce qui s’accroît constamment et se modifie pour la société humaine, c’est la masse des idées et des connaissances, qui elles-mêmes réagissent sur les sentiments. « L’intelligence peut seule exprimer dans une œuvre extérieure le suc de la vie, faire servir notre passage ici-bas à quelque chose, nous assigner une fonction, un rôle, une œuvre très minime dont le résultat a pourtant chance de survivre à l’instant qui passe.

666. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

C’est ce même enthousiasme, prompt à se communiquer à l’auditeur, qui met tant de différence entre l’éloquence parlée, si on peut se servir de cette expression, et l’éloquence écrite. […] sera-t-on surpris enfin, que l’éloquence de Cicéron lui ait servi tant de fois à sauver des clients coupables ? […] Qu’il soit néanmoins sobre et circonspect dans l’usage de cette finesse même ; surtout qu’il se l’interdise sévèrement dans les sujets susceptibles d’élévation ou de véhémence, qui n’exigent qu’un coloris mâle et des traits forts et marqués ; la finesse d’expression dans ces sortes de sujets en bannirait la noblesse, et ne servirait qu’à les énerver sans les embellir. […] Comme dans la musique l’agrément de la mélodie vient non seulement du rapport des sons, mais de celui que les phrases de chant doivent avoir entre elles, de même l’harmonie oratoire (plus analogue qu’on ne pense à l’harmonie musicale) consiste à ne pas mettre trop d’inégalité entre les membres d’une même phrase, et surtout à ne pas faire ses derniers membres trop courts par rapport aux premiers ; à éviter également les périodes trop longues, et les phrases trop étranglées et pour ainsi dire à demi closes ; le style qui fait perdre haleine, et celui qui oblige à chaque instant de la reprendre, et qui ressemble à une sorte de marqueterie ; à savoir enfin entremêler les périodes arrondies et soutenues, avec d’autres qui le soient moins, et qui servent comme de repos à l’oreille.

667. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Sa manière sert de transition entre la caricature telle que la concevait celui-ci et la caricature plus moderne de Charlet, par exemple, dont j’aurai à parler tout à l’heure. […] Il s’est servi d’un procédé simple et modeste : il a regardé, il a écouté, puis il a raconté. […] L’artiste y révéla une intelligence merveilleuse du portrait ; tout en chargeant et en exagérant les traits originaux, il est si sincèrement resté dans la nature, que ces morceaux peuvent servir de modèle à tous les portraitistes. […] Les légendes qu’on écrit au bas de ses dessins ne servent pas à grand’chose, car ils pourraient généralement s’en passer.

668. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Et le verre n’a pas servi, le pain n’a pas été touché, un blanc de poulet refroidit au milieu de l’assiette. […] Mais ce n’est là qu’un petit point du livre, que je dirais suggestif si ce mot nouveau n’avait tellement servi ces derniers temps, que je crains de me servir d’un vocable tout à fait démodé. […] Robe de peluche bleu Nil. — Elle sert le thé. […] Mais le public veut le bourgeois bête et encrassé, et c’est comme cela qu’il faut le lui servir. […] Metz et Sedan servent surtout à ses études, aux exemples qu’il tient à citer.

669. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Elle servira en même temps à bien fixer le point de départ de nos rapports, sur lesquels des critiques estimables (M. […] Oui, je désire être lu, et je vous remercie de m’avoir aidé à l’être ; il ne m’est pas permis d’être modeste aux dépens de la cause que je sers ; d’ailleurs on verra bientôt, si l’on y regarde, que ces doctrines, qui font la vraie valeur de mon livre, ne sont pas à moi.

670. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Elle servit utilement Louis XIV, elle servit courageusement et loyalement Philippe ; dès qu’on put s’en passer, on la chassa, on l’oublia ; mais il ne faut pas la flétrir, et si le blâme doit retomber sur quelqu’un, que ce soit plutôt sur ces rois qui la payèrent de tant d’ingratitude.

671. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Il s’en servit pour révéler une préoccupation de l’esprit, un état de l’âme, un sentiment, une passion ; pour faire éclater un caractère du premier mot et du premier geste. […] Les dominant par la forte éducation qu’il avait, comme tous ses contemporains, puisée chez les grands maîtres de l’antiquité, il put se servir de ce qu’il avait sous la main, en restant toujours supérieur.

672. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Descartes et Malebranche se servaient de ces corpuscules ou esprits pour expliquer non-seulement les mouvements musculaires, ce qui se comprendrait aisément, mais la mémoire, l’imagination, les passions. […] La même explication sert à M. 

673. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Première partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées religieuses » pp. 315-325

Il s’agissait de délivrer un tombeau, le tombeau de celui qui racheta la nature humaine, le seul tombeau qui n’aura rien à rendre à la fin des temps, pour me servir d’une belle expression de M. de Chateaubriand. […] Il faut bien savoir admirer tout ce qui peut développer dans l’homme des sentiments élevés, tout ce qui peut lui fournir l’occasion de beaux sacrifices ; mais il faut être juste aussi : et il n’est pas moins vrai que cette gloire, acquise en dernier lieu, au prix de tant de sang, n’a servi qu’aux vastes triomphes d’un aventurier.

674. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

La liberté morale, comme il dit, et à laquelle il tient comme un monsieur de ces derniers temps, sa liberté morale prend la force des chênes au pied des chênes, et le rend plus apte à servir les hommes et à se dévouer à leur bien-être et à leur grandeur. […] Jules Levallois le sent bien, du reste, et serait effroyablement embarrassé si on lui demandait, à lui, cet observateur, ce solitaire et cet ermite, l’analyse de l’éducation morale donnée à l’homme par la Nature, et les moyens dont elle se sert pour doubler ou tripler cette liberté qui vient en pleine terre, comme une plante, et qui n’a autour de soi que des êtres muets, indifférents à ses efforts, à son développement et à ses mérites.

675. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VII. D’Isocrate et de ses éloges. »

Il servit assez bien le roi de Perse pour mériter d’en être craint ; et ayant essuyé l’ingratitude et l’orgueil ordinaire aux grandes puissances contre les petites, il osa combattre le roi qu’il avait servi ; et avec ses seules forces, soutint pendant dix ans les forces de l’Asie.

676. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Nous ne rassemblons pas ici le reste des refrains épars de ce peuple poétique, chants de guerre ou de fête, chants du marin ou du moissonneur ; mais, l’histoire ne peut oublier ce qui sert à l’expliquer et fit battre des cœurs généreux, même en les égarant. […] Poëte lyrique, il se servait de mètres moins variés, où ne se marquaient pas la strophe, l’antistrophe, l’épode et tout l’appareil musical de la lyre thébaine.

677. (1864) Le roman contemporain

Servez-le vite et renouvelez les plats souvent, c’est tout ce qu’il demande. […] C’est bien une douleur vraie qui parle, mais l’art lui sert d’interprète. […] Pour me servir d’une expression de l’auteur, il est l’impossible et il fait tout, surtout l’impossible. […] Octave Feuillet fait couler ce frais et pur ruisseau au milieu des fanges de la vie parisienne qui lui servent de contraste. […] Tholomyès est le chef de la bande joyeuse, et il me semble un peu vieux pour ce rôle, car, pour me servir des expressions de M. 

678. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Mais il avait des yeux et des oreilles, et faut-il croire qu’il ne s’en soit jamais servi ? […] Ce brouet fut par lui servi sur une assiette. […] Son dîner est servi. […] Que sert à vos pareils de lire incessamment ? […] Si le maître des dieux assez souvent s’ennuie, Lui qui gouverne l’univers, J’en puis bien faire autant moi qu’on sait qui le sers.

679. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

— Demander à une œuvre d’art qu’elle serve à quelque chose : c’est avoir à peu près les idées de cet homme qui avait fait du « Naufrage de la Méduse » un tableau à horloge, et mis l’heure dans la voile. […] Le nimbe d’un Jésus à Emmaüs cerclerait la tête d’un dîneur ou bien le truc d’une féerie enlèverait tout à coup la robe d’une femme, qu’il continuerait à servir la femme, comme si elle était habillée, où le dîneur comme s’il était un simple mortel. […] Il est servi dans le moment par une bonne auvergnate, une de ces horribles femmes qui sont, à Paris, les bonnes malheureuses de la misère. […] » C’était au fils X…, un ancien camarade de collège, rencontré en chemin de fer, que j’avais envie de dire cela : « Car enfin à quoi pouvez-vous me servir ou en quoi pouvez-vous m’être agréable. […] Chambre et atelier, un logis d’ouvrier dans lequel pend quelque vieille soierie de chez Wail qui sert, un jour, pour un ton riche.

680. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

Ensuite, et l’auteur ne sait comment cela se fait, ses préfaces, franches et naïves, ont toujours servi près des critiques plutôt à le compromettre qu’à le protéger. […] La tactique, comme on voit, est usée, mais il faut qu’elle soit bonne, puisqu’elle sert toujours. […] Les unes sont éternelles, intérieures, et restent ; les autres variables, extérieures, et ne servent qu’une fois. Les premières sont la charpente qui soutient la maison ; les secondes l’échafaudage qui sert à la bâtir et qu’on refait à chaque édifice. […] Si son drame est mauvais, que sert de le soutenir ?

681. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Mon père me servait de répétiteur, et c’est lui qui fut en réalité mon seul maître. […] N’ayant pas appris le latin, il se servit ingénieusement de ce prétexte pour ne pas faire de centons d’Horace ou de Virgile. […] On servit des perdrix. […] Ne porter aucunes lunettes ni bleues ni vertes, penser avec son propre cerveau, se servir de la langue actuelle, ne pas recoudre en centons les phrases de ses prédécesseurs ! […] Ses rares facultés d’analyste, de physiologiste, d’anatomiste, ont servi seulement chez lui le poëte, de même qu’un préparateur sert le professeur en chaire lorsqu’il lui passe les substances dont il a besoin pour ses démonstrations.

682. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Jouffroy, disons-nous, a surtout le miroir ; dans sa première période, il se servait aussi du glaive qui simplifie, débarrasse et ouvre des combinaisons nouvelles ; il s’en servait avec mille éclairs, quand il tranchait cette périlleuse question, Comment les Dogmes finissent. […] Le nom seul subsista quelques années, pour accréditer auprès du peuple des chefs ambitieux et servir d’instrument à l’établissement du despotisme. […] Un penseur mélancolique a dit : « Tenons-nous bien, ne mourons pas ; car, sitôt morts, notre cercueil, pour peu qu’il en vaille la peine, servira de marchepied à quelqu’un pour se faire voir et pérorer. […] La psychologie en elle-même (si je l’ose dire), à part un certain nombre de vérités de détail et de remarques fines qu’on en peut tirer, ne sert guère qu’au sentiment solitaire du contemplateur et ne se transmet pas.

683. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Vous dites que les millions d’hommes qu’il a fait tuer n’ont servi de rien, puisqu’il a laissé la France plus petite qu’il ne l’avait prise ? […] A-t-on le droit de juger ainsi ceux que l’on sert, ou, les jugeant ainsi, de continuer à les servir, c’est-à-dire à vivre d’eux   Je ne sais ; les choses, dans la réalité, ne se présentent point aussi simplement. […] En somme, le prince Napoléon a démontré que les témoignages dont se sert M.  […] Vous ne pouvez sortir ni de vous-même ni de la planète qui vous sert d’habitacle et que vous reflétez.

684. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

C’est surtout cette réaction, sous la forme de l’attention, qui sert à distinguer l’image mnémonique des impressions passivement reproduites. […] C’est pourquoi, dans le champ de la vue, après avoir été positives, elles deviennent négatives. 2° Les sensations récurrentes, comme la vision soudaine d’un objet examiné au microscope il y a une heure, sont des vibrations qui se reproduisent sans stimulus extérieur et sans que l’organe du sens soit affecté. 3° Les hallucinations sont des sensations véritables, quoique maladives, et ne sont pas seulement, comme on le répète sans cesse, des images intenses ; tout au moins est-il très probable, ainsi que Ward le soutient, qu’elles enveloppent quelque sensation pathologique qui sert de centre à tout le reste. […] Il est très vrai que l’émotion sert à produire le souvenir, mais pourquoi ? […] Mais, si l’émotion sert à produire le souvenir en ouvrant des voies à la réaction volontaire et motrice, elle n’est pas cependant par elle-même facile à reproduire et à renouveler, ou du moins la reproduction en est bien plus affaiblie que celle des perceptions. […] Pour me souvenir de tel mal de dents, il faut que je me représente les dents où j’ai localisé jadis la douleur, puis le mot douleur même, qui sert de signe ; mais comment arriver à me représenter ce mal en lui-même ?

685. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Figurez-vous ces processions, et aussi ces régalades ; car les Normands, depuis la conquête124, « ont pris des Saxons l’habitude de boire et manger avec excès  » ; aux noces de Richard de Cornouailles on servit trente mille plats. […] Richard fait décapiter trente des plus nobles, ordonne à son cuisinier de faire bouillir les têtes, et d’en servir une à chaque ambassadeur, avec un écriteau portant le nom et la famille du mort. […] Il y a là une redoutable bourgeoisie armée et habituée à se servir de ses armes. […] L’honnête Robin ne voulut pas se servir contre lui de son arc, alla couper un bâton, long de sept pieds, et ils convinrent amicalement de combattre sur le pont jusqu’à ce que l’un d’eux tombât à l’eau. […] Jo vos ai languement servi.

686. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Pourquoi ne les pas vouloir enfin, alors que dans la prose on s’en sert ? […] pour me servir d’un juron italien, c’est justement de cette éternelle similitude de rimes que jaillit l’originalité. […] De temps en temps, on nous sert dans les feuilles le dernier romantique qui vient de mourir. […] Mendès (ou peut-être à Ephraïm Mikhaëlg) ; d’une loque, encore superbe ayant, jadis, servi de manteau à M. de Heredia coiffé, d’un pétase qui fut propriété de M.  […] Pour cela, il se sert de toutes les ressources du « métier » — car il doit savoir son métier avant tout, au point que nulle difficulté technique ne l’arrête.

687. (1890) Nouvelles questions de critique

et pourquoi ne pas dire après cela le seul mot qui serve ? […] Servons-nous de ce mot, qui est à la mode, qui exprime une idée nouvelle, et qui d’ailleurs est aussi bien fait qu’expressif. […] C’est en effet ici qu’il se fût utilement servi du livre de M.  […] L’histoire du romantisme en peut servir précisément d’un mémorable exemple. […] Elle leur sert à eux-mêmes de preuve de leur indépendance ; elle leur est un témoignage de leur supériorité.

688. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Les deux consuls servaient la fureur de Clodius, et Pompée abandonnait son ancien ami. […] Elle n’est d’ailleurs qu’un ornement de plus, et ne sert jamais à dissimuler le vide des pensées. […] Il allégua sa santé, son repos ; bref, il ne voulut pas servir celui qu’il voulait bien célébrer. […] Quelquefois on les fit servir à la propagation même de la nouvelle doctrine et à la dérision de l’ancienne. […] Au milieu de ces controverses, Milton avait contracté un mariage qui servit de texte à de nouveaux écrits de sa part.

689. (1902) Le critique mort jeune

Si le défaut d’imagination peut servir à caractériser M.  […] Mais ce passage — d’ailleurs parfait — sert à une autre démonstration. […] Les erreurs de celui-ci ne servent pas à celui-là. […] Nous signalons ces nuances parce qu’il semble qu’elles pourraient faire tort aux doctrines que sert M.  […] Bourget a su faire servir son art.

690. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

« Leurs vêtements, propres du temps de la Magnon et qui lui servaient de prospectus vis-à-vis de M.  […] Dieu servait le repas universel. […] Elle se sert de la mort, chose grave. […] Au point où la civilisation est parvenue, l’exact est un élément nécessaire du splendide, et le sentiment artiste est non-seulement servi, mais complété par l’organe scientifique ; le rêve doit calculer. […] La révolution de 1848 fut en majorité la révolution des hommes d’État, et la réalité acceptée, servie et défendue par l’Assemblée constituante, la raison et le courage de la France.

691. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

 » Et puis si tu savais combien il est devenu difficile de te servir ! […] De pesants Hyperboréens appellent légers ceux qui te servent… Une pambéotie redoutable, une ligue de toutes les sottises, étend sur le monde un couvercle de plomb, sous lequel on étouffe. […] Ainsi font-ils tous… J’ai écrit, selon quelques-unes des règles que tu aimes, ô Théonoé, la vie du jeune dieu que servis dans mon enfance ; ils me traitent comme un Évhémère ; ils m’écrivent pour me demander quel but je me suis proposé ; ils n’estiment que ce qui sert à faire fructifier leurs tables de trapézites. […] Il faut avoir des griffes, se servir le premier. […] Il avait fait la traite des nègres…   Un peuple noble, bon seulement pour servir des nobles, en harmonie d’idées avec eux, est, de notre temps, un peuple placé à l’antipode de ce qu’on appelle la saine économie politique et destiné à mourir de faim.

692. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

Ces traductions des meilleurs modèles de l’Eloquence grecque & latine, si dignes elles-mêmes d’en servir en leur genre, soit pour la fidélité de l’interprétation, soit pour la pureté du style, l’élégance & la netteté de la diction, n’ont pas besoin de nos éloges : elles sont assez recommandées par l’estime & par l’accueil constant du public. […] “J’avoue, ajoute-t’il, que mes discours ne sont pas tous d’une égale force, quoiqu’ils traitent tous de la même matiere ; mais ils servent au moins à faire voir qu’on trouve dans les préceptes du Christianisme un fond inépuisable qui fournit toujours de nouvelles réfléxions.” […] La plûpart de ses Panégyriques serviront de modèles aux Prédicateurs, qui voudront unir l’instruction de l’auditeur à l’éloge du Saint. […] Un des recueils qui peuvent le plus servir à un Avocat, est celui des œuvres de M. le Chancelier Daguesseau, publiées en plusieurs volumes in-4°. […] Alors les récompenses qu’elles donnent seroient vraiment utiles ; car je ne pense point comme certains censeurs atrabilaires, que les prix distribués par les Académies n’ont servi à rien.

693. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Ces expositions rapides ont servi de modèles aux plus habiles disciples des muses. […] Le dénouement du Lutrin est dicté par la Grâce même, et doit servir de leçon à jamais efficace aux auteurs de ces sortes de poèmes spirituels. […] Il devança le Tasse ; il lui servit de modèle ; et le chantre italien déclara lui-même qu’il doutait de pouvoir l’égaler. […] Quand le langage décrit, il faut que des expressions d’une justesse précise lui servent à rendre les objets et les images visibles. […] « Tout sert notre projet : vous voyez des Latins, « Dans les airs obscurcis fumer les feux éteints.

694. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Cela fut cause que je demeurai, à sa très instante prière, près de lui ; car, encore qu’il sût bien mon inclination à la paix et que j’étais obligé à servir le roi, il ne laissa pourtant de prendre cette assurance de ma franchise que je ne servirais pas d’un espion près de lui pour le tromper. […] Le grand service que le président rendit à Mayenne, et dont celui-ci aurait dû mieux profiter, ce fut de l’éclairer au juste sur les intentions de l’Espagne et de Philippe II : les ministres et agents espagnols en France en avaient toujours fait mystère au duc, afin de se mieux servir de lui et de l’abuser.

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