Dans ces passe-temps et ces aménités oisives de plus d’une après-midi, je n’ai pas été sans reconnaître qu’il y avait bien quelques avantages, pour une culture perfectionnée de l’esprit, à ce régime des traductions en vers : un de ces avantages, c’était de remettre sans cesse la traduction elle-même en question, de comparer et de confronter les textes, la copie avec l’original, et, s’il y avait plusieurs traductions rivales, comme c’était le cas pour Virgile, de mettre aux prises ces traductions entre elles. […] Mais aussitôt les premiers vers entendus, Cécilius l’invita à souper et le fit asseoir à côté de lui : il avait reconnu un héritier ét un confrère.
Et osera-t-on bien comparer aussi, du plus loin qu’on veuille s’y prendre, à cette dame plus que vulgaire de Tourvoie, Mme de Montesson, qui tenait dans les dernières années la Cour du duc d’Orléans et qui réussit à être épousée ; celle-ci, une vraie madame de Maintenon en diminutif, un parfait modèle de maîtresse de maison dans la plus haute société, faible auteur de comédies sans doute, mais actrice de salon excellente, ingénieuse dans l’art de la vie et dans la dispensation d’une fortune princière, personne « de justesse, de patience et de raison », qui ne pouvant, sur le refus du roi, être reconnue pour femme légitime, sut par son tact sauver une position équivoque, éviter le ridicule et désarmer l’envie, saisir et observer, en présence d’un monde malin et sensible aux moindres nuances, le maintien si délicat d’une épouse sans titre ? […] En admettant que ce récit a dû être quelque peu dramatisé, on y reconnaît un fond et un premier canevas de vérité.
Nous l’y trouvons aujourd’hui tout porté, et n’avons qu’à l’y reconnaître. […] Mais le Breton aussitôt a reconnu le son de l’instrument pareil au corn-boud national, et il a tressailli : c’est son ranz des vaches.
Il s’en pare, en disant qu’il en vendra mieux son bois à la ville, quand Trivelin paraît à la tête de quelques soldats, reconnaît l’habit de l’homme qui a blessé Ottavio, fouille dans ses poches, trouve une lettre d’Aurelia, se confirme dans l’idée qu’il arrête Valerio, et emmène Arlequin. […] Il se confirme dans cette idée, lorsque après avoir visité les clefs, il en trouve une qu’il ne reconnaît pas.
Il fut bientôt reconnu pour un disciple de l’accusé. […] Rien n’était plus injuste ; car Jésus avait toujours reconnu l’empire romain pour le pouvoir établi.
Zola le reconnaît et s’écrie : « J’en suis et j’en enrage ! […] A regarder de haut l’évolution de l’Europe occidentale et de la France en particulier, on y reconnaît une série de successions par opposition qui se sont produites entre de vastes ensembles.
Avec un mari qui n’est pour elle qu’un père, et qui, dans sa philosophie indulgente, lui permettrait beaucoup, avec des opinions et des doctrines positives comme celles qu’elle s’est formées, on est réduit à reconnaître que Julie ne peut être protégée dans ses longs tête-à-tête avec son jeune ami (et elle en convient) que par son mal même et par la singularité de sa nature. […] J’en conclus que la véritable Elvire aurait peine à se reconnaître dans les pages alambiquées du roman panthéiste de M. de Lamartine, et je la restitue dans mon imagination telle qu’elle apparut la première fois au bord de ce lac, bien différente, au jeune poète lui-même si différent !
Faites l’incrédule, retournez-les en tous sens, mettez-y le scalpel, cherchez chicane à votre plaisir, il peut s’y rencontrer quelques taches, des tons qui crient ; mais, si vous avez le sentiment poétique vrai et si vous êtes sincère, vous reconnaîtrez que le souffle est fort et puissant ; le dieu, dites si vous voulez le démon, a passé par là. […] Après tant d’essais et d’expériences en tous sens, après avoir tenté d’aimer tant de choses pour savoir quelle est la seule et suprême qui mérite d’être aimée, c’est-à-dire la vérité simple et à la fois revêtue de beauté, il n’est pas étonnant qu’au moment où l’on revient à celle-ci et où on la reconnaît, on se trouve en sa présence moins vif et plus lassé qu’on ne l’était en présence des idoles.
Cela même ne suffirait pas : il faudrait encore que la reine reconnût la nécessité de s’occuper des affaires avec méthode et suite ; il faudrait qu’elle se fit la loi de ne plus accorder une demi-confiance à beaucoup de gens, et qu’elle donnât en revanche sa confiance entière à celui qu’elle aurait choisi pour la seconder. […] On sait que Marie-Antoinette fit preuve, quelques heures après, de ce calme et de cette fermeté qu’elle espérait avoir au suprême moment, et le procès-verbal des bourreaux reconnaît lui-même qu’elle monta sur l’échafaud avec « assez de courage ».
Il ne fait en quelque sorte que promulguer et reconnaître les choses de l’esprit en homme sûr qui n’a pas combattu depuis longtemps les combats intérieurs ; c’est l’homme de toutes les autorités et de toutes les stabilités qui parle, et qui se plaît à considérer partout l’ordre ou à le rétablir aussitôt par sa parole. […] Il faut citer ce passage d’une souveraine beauté : Qui voit Pythagore ravi d’avoir trouvé les carrés des côtés d’un certain triangle, avec le carré de sa base, sacrifier une hécatombe en actions de grâces ; qui voit Archimède attentif à quelque nouvelle découverte, en oublier le boire et le manger ; qui voit Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe, qui est Dieu ; qui voit Aristote louer ces heureux moments où l’âme n’est possédée que de l’intelligence de la vérité, et juger une telle vie seule digne d’être éternelle, et d’être la vie de Dieu ; mais (surtout) qui voit les saints tellement ravis de ce divin exercice de connaître, d’aimer et de louer Dieu, qu’ils ne le quittent jamais, et qu’ils éteignent, pour le continuer durant tout le cours de leur vie, tous les désirs sensuels : qui voit, dis-je, toutes ces choses, reconnaît dans les opérations intellectuelles un principe et un exercice de vie éternellement heureuse.
En effet, il reconnaît que, « les plus primordiales expressions de la peine semblent n’être qu’autant d’efforts pour échapper à la cause de cette peine ; elles contiennent au moins le dessein aveugle d’échapper à un mal défini50. » N’est-ce pas là une description du mouvement appétitif, non pas seulement expressif ? N’est-ce pas là reconnaître de l’effort et du vouloir dans le premier branle donné à l’organisme en réponse à la douleur ?
S’il se formoit des pantomimes à Paris, ne conçoit-on pas qu’ils débuteroient par executer dans leur jeu muet les belles scénes du Cid et des autres pieces les plus connuës, en choisissant celles où l’action demande que le comédien prenne plusieurs attitudes singulieres, qu’il fasse plusieurs gestes faciles à remarquer, et qu’on puisse reconnoître aisément quand on les voit faire sans entendre le discours dont ils sont l’accompagnement naturel. […] Son action rend intelligible bien des choses que notre action ne feroit pas deviner, et ses gestes sont encore si marquez, qu’ils sont faciles à reconnoître lorsqu’on les revoit.
Psychologie des titres Si l’on a pu dire avec juste raison que « Notre nom, c’est nous-mêmes », on devra reconnaître aussi que le titre d’un livre, c’est déjà presque ce livre même. […] Il faut le reconnaître — et ce sera notre conclusion, — c’est sous les titres les plus simples que se cachent les vieux chefs-d’œuvre, parés de leur seule beauté.
Et à commencer par son roman intitulé Lui, ce scandale, imité d’un autre scandale, dont les personnages, aux noms seulement défigurés pour qu’on les reconnaisse tous, ne vivent plus maintenant, à l’exception d’un seul… Ce qui prouve la radicale nullité des femmes, en fait d’invention, c’est qu’elles n’ont dans la tête qu’un roman et c’est le leur, celui de leur vie : Mme Golet n’a pas fait exception à cette loi. […] il n’y a non plus dans les Derniers Abbés qu’un abbé et encore qui n’est pas un prêtre, et c’est tout simplement l’homme célèbre des Souvenirs d’une Cosaque, dont pour mon compte je n’ai rien à dire ici, parce que les bas-bleus, peut-être méprisés par lui, s’en vengent, en le déshonorant… Mme Colet qui n’a que cet homme, croirait-on, pour sujet de son livre, le peint avec l’envie jaune et la haine verte qu’elle a mise ailleurs à peindre la Princesse Belgiojoso, et c’est alors qu’on reconnaît, dans ce livre, acharné contre un rival en bruit, qui l’a écrasée de sa supériorité, la gargouille inépuisable qui jette son injustice à toute face et dont les livres furent toujours ou les crachoirs de ses colères ou les bassins de ses incontinentes passions !
Le rouge et la chartreuse ont cristallisé autour de faits et de lectures que nous connaissons, de rameaux d’arbres dont aujourd’hui « les plus petites branches, celles qui ne sont pas plus grosses que la patte d’une mésange, sont garnies d’une infinité de diamants nobles et éblouissants : on ne peut plus reconnaître le rameau primitif. » Un grand amour est proche de l’œuvre d’art, et il n’y a pas d’œuvre d’art qui ne soit parente de l’œuvre d’amour. […] Camille Mauclair, à l’origine de toutes les folies, de toutes les déchéances et de tous les crimes. « Par l’amour-passion deux créatures s’entre-tuent : dans l’amour partagé, elles s’accordent à reconnaître avec humilité, avec ferveur mutuelle, l’urgence de protéger contre toute société leur total isolement », et M.
On doit, d’ailleurs, reconnaître qu’il obtient ainsi des péripéties qui donnent lieu à des développements très éloquents et à des vers sublimes. […] Corneille, plus tard, reconnut son erreur. […] Par cette sorte d’accouchement merveilleux, ils lui donnent des enfants plus beaux que lui, mais dans lesquels il se reconnaît. […] C’est ainsi que, même dans les œuvres inégales, Corneille se reconnaît toujours. […] C’est, je crois, une précaution dramatique pour guider un peu le spectateur, qui autrement ne saurait pas toujours se reconnaître entre la comédie et la réalité.
Nisard l’a dit admirablement : le rhéteur a reconnu le rhéteur. […] Je reconnais cette même veine dans la plupart des sermons de Massillon. […] Tous les témoignages s’accordent à reconnaître que c’était aussi celui de Massillon. […] à quel signe la reconnaissons-nous bien ? […] À tout le moins reconnaîtra-t-on d’abord que les impressions de Diderot ne sont pas celles de tout le monde.
Cette tristesse particulière qui ressort de vos pages et où je reconnais le dernier symptôme d’une génération malade, dont les aînés nous sont très connus, est aussi ce qui vous sera compté.
Puis je manquais de confiance en lui ; sous cet air si grave et si froid, je ne sus pas reconnaître tout ce qu’il y avait de chaleur et même d’enthousiasme dans le cœur.
Madame Émile de Girardin, en particulier, la patronne du lieu, ressemble, nous le reconnaissons, à madame de Sévigné, à ce génie de femme si franc, si cordial et si sensé, à peu près aussi exactement qu’Alexandre Dumas ressemble à Raphaël.
Je crois reconnaître, même dans le sérieux, l’homme d’esprit qui a fait l’espièglerie de Louise Labé.
C’est à quoi j’en voulais venir : l’éditeur, chose toute simple, a étalé dans une préface officieuse toutes les preuves authentiques de la gloire et du génie du grand homme calomnié ; il nous a représenté son illustre client se composant une bibliothèque de toutes les éditions, traductions, imitations de ses œuvres bien-aimées, impénétrable rempart contre l’envie ; il a parlé du goût pur, universellement reconnu au vicomte par les étrangers, et a écrit en lettres italiques l’admiration de l’univers.
Toujours l’auteur se prépare à la composition par la solitude ; il s’y exalte longuement de ses souvenirs, de ses espérances, et de tout ce qui a prise sur son âme ; il se crée un monde selon son cœur, et le peuple d’êtres chéris ; le nombre en est petit ; il leur prête toutes les perfections qu’il admire, tous les défauts qu’il aime ; il les fait charmants pour lui : mais trop souvent, si son imagination insatiable ne s’arrête à temps, s’élevant à force de passion à des calculs subtils, et raisonnant sans nn sur les plus minces sentiments, il n’enfantera aux yeux des autres que des êtres fantastiques dans lesquels on ne reconnaîtra rien de réel que cet état de folle rêverie où il s’est jeté pour les produire.
Le second point de vue, la Mort dans la Vie (et ces espèces de jeux de mots symétriques, vie dans la mort, mort dans la vie, sont bien dans le goût du moyen âge), présente une vérité réelle plus aisée à reconnaître, tout ce qu’il y a de mort et d’enseveli au fond de l’âme de ceux qui passent pour vivants : Et cependant il est d’horribles agonies Qu’on ne saura jamais ; des douleurs infinies Que l’on n’aperçoit pas.
Lafon-Labatut y reconnut le nom d’un ancien ami, et il partit là-dessus de Messine pour Paris, emmenant sa femme et son jeune enfant.
Reconnaissons, au contraire, qu’il a du goût quand il est sublime, et qu’il manque de goût quand son talent faiblit.
Ils sont venus à lui ; oui, tous, un peu plus tôt, un peu plus tard, ils sont venus reconnaître en sa personne l’esprit du temps, lui rendre foi et hommage, lui donner des gages éclatants… [Causeries du lundi (1852).]
Il est facile de reconnoître, dans ses Ecrits de Controverse, un esprit lumineux, une mémoire heureuse, un discernement sûr, qui le mettent à portée de combiner les systêmes, de rapprocher les objets, d’exposer les opinions, & de réfuter les erreurs.
Les deux Corneille, Moliere, Racine, Despréaux, Rapin, Regnard, Destouches, Boissy, l’Abbé Desfontaines, Piron, Palissot, & mille autres, n’ont reconnu qu’un seul genre de Comédie, qui consiste dans l’exposition des vices & des ridicules à dessein de les corriger ; & ces noms respectables, en fait de législation littéraire, valent bien ceux des Diderot, des Marmontel, des Beaumarchais, des Merciers, & des Sedaine.
L’abus malheureux qu’il a fait de ses talens, ne nous empêchera pas d’en reconnoître la supériorité.
Enfin, la nature fait entendre cette lettre rurale dans ses bruits, et une oreille attentive peut la reconnaître diversement accentuée, dans les murmures de certains ombrages, comme dans celui du tremble et du lierre, dans la première voix, ou dans la finale du bêlement des troupeaux, et, la nuit, dans les aboiements du chien rustique.
La corde s’est projetée sur le bois de l’arc ; la corde et le bois sur l’enfant, et toute la longueur de la flèche s’est réduite à un petit morceau de fer luisant qu’on reconnaît à peine.
Jamais sans le livret je ne vous aurais reconnu dans ce tableau.
Peut-être n’apperçut-il dans cette espièglerie que la mortification du public, et non celle d’un confrère trop habile pour ne pas sentir son infériorité, et trop franc pour ne pas la reconnaître.
Je reconnais ce timbre.
Reconnaissons bien haut la maîtrise de cet homme et comment sa conception de la .Révolution (qui est une vue incomplète, qui d’autre part déjà avait été élaborée par Tocqueville) est un des grands événements de notre vie mentale.
De même la métaphysique poétique des premiers humains les frappa d’abord par la crainte de Jupiter, dans lequel ils reconnurent le pouvoir de lancer la foudre, et terrassa leurs âmes aussi bien que leurs corps, par cette fiction effrayante.
s’ils y reconnaissaient la voix de leurs anciennes souffrances, non seulement leur bonheur n’en serait pas effleuré, mais ils en jouiraient davantage. […] S’il est arrivé, par hasard, au lecteur de feuilleter quelqu’un de ces romans, je ne doute pas qu’il ne les reconnaisse au bref signalement que j’en donne. […] Ce n’est plus qu’au théâtre de l’Ambigu-Comique ou de la Porte-Saint-Martin qu’un personnage, pris pour un autre pendant quatre actes, reconnaît, au cinquième, sa fille dans sa victime, ou son père dans son assassin. […] Tout art a ses virtuoses, dont il faut savoir reconnaître et louer le mérite. […] Quelques-uns s’en sont avisés, dont on ne se doute pas, parce que nous ne savons plus reconnaître, sous la diversité des mots, la ressemblance des choses.
La scène où Électre reconnaît son frère dans celui qu’elle regardait comme son assassin, est aussi empruntée en partie de celle où la fille de Stenon reconnaît Gustave son amant dans celui-là même qui vient lui annoncer sa mort. […] Crébillon, naturellement noir et terrible, a peint sa Sémiramis endurcie dans le crime, comme Sophocle a peint Clytemnestre : elle refuse de reconnaître son fils Agénor qu’elle aime. […] Ce marquis va tous les jours dans la maison où demeure Mélanide, sans la reconnaître, sans en être reconnu : il y a dans tout cela de quoi exercer la foi des fidèles du Théâtre-Français. […] Dans l’espace d’un jour il fait parcourir à l’inclination naissante d’Araminte tous ses périodes, et la convertit par degrés en amour et en passion violente ; il ne laisse pas au cœur de cette veuve le temps de respirer et de se reconnaître. […] Dans tout le cours de la pièce, on reconnaît sa probité, sa droiture, sa générosité.
Léguer aux hommes une de ces œuvres où ils se reconnaissent et qu’ils vénèrent dans la suite des siècles, cela est sublime et cela est rare. […] N’a-t-il pas reconnu à M. […] On est tout prêt à reconnaître avec M. […] Je reconnais d’ailleurs la haute impartialité de M. […] Barbey d’Aurevilly — reconnaîtrait un effet du péché originel, un legs du curieux et faible Adam, un présent du premier révolté.
Tout est confondu ; il n’y a plus ni loi, ni tradition, ni règle reconnue. […] Mais ne vous y fiez pas trop : sous ces couleurs de convention, si vous y regardez de près, vous reconnaîtrez l’ennemi. […] Lélia reconnaît un Dieu, mais quel Dieu ! […] Le principe est le même ; c’est aux mêmes caractères que se reconnaissent le bien et le mal ; c’est dans les mêmes faits que se rencontre la sanction légale. […] Il se tue parce que la gloire se fait trop attendre et que la société tarde à reconnaître son génie !
On voit seulement dans les rapports de Suard que l’Académie se reconnaît et se présente très justement comme autorité plus grave et plus compétente, par opposition aux journalistes (ceux du premier Empire) qui étaient naturellement plus enclins à dénigrer les auteurs qu’à encourager les Lettres, et qui, pour la plupart, ne pensaient qu’à divertir le public. […] On ne s’y reconnaît pas soi-même à une séance d’intervalle. […] Il faut, à chaque instant, justifier de son droit et de son privilège en étendant sa vue, en découvrant ce qui se fait ou se tente de remarquable alentour, en ne s’enchaînant pas à des doctrines métaphysiques ou littéraires inflexibles, en s’associant, sans se faire trop prier, toute intelligence supérieure et ornée, toute imagination puissante et féconde, de quelque bord qu’elle vienne ; en n’étant point des derniers à reconnaître l’avènement des talents chers au public et applaudis, en témoignant à l’occasion de l’estime à ceux mêmes qui ne sont pas de l’ordre académique, et qui comptent pourtant dans la grande confrérie des Lettres ; en n’affectant pas absolument de les ignorer.
Si le vieillard revivait, s’il se voyait ainsi retracé et immortel, comme on sent qu’il se reconnaîtrait ! […] Chacun reconnaîtra dans ces tableaux quelques traits de sa propre enfance. […] On suit les trois belles nièces de Grétry avec la foule dans les allées des Tuileries ; on reconnaît la belle madame de Buffon à la porte d’un club, dans le phaéton du duc d’Orléans.
Hâtons-nous de reconnaître qu’il y a dans le Recueil quelques agréables exceptions ; il y en a même d’assez heureuses pour faire naître une idée qu’on ne saurait tout à fait dissimuler. […] Il faut y faire la part du goût, et puis reconnaître aussi que, pour Marguerite, c’était une dévotion réellement que l’affection fraternelle. […] Si cette espèce de blason du corps féminin était de François Ier, on devrait lui reconnaître une vigueur et une haleine dont il n’a fait preuve nulle part ailleurs ; mais tout y décèle une verve exercée qui se sera mise au service de ses plaisirs. — Cette pièce, au reste, n’est pas inédite ; elle a été insérée dans le Recueil des Blasons par Méon (Blason du corps) ; mais, sauf une ou deux corrections qui sont heureuses, le texte de Méon est peu correct, et même à la fin il y a de l’inintelligible.
. — La représentation, conception ou idée reconnue comme telle n’est que le même fait en ses deux moments, à l’état d’illusion et à l’état d’illusion réprimée. — Procédé commun par lequel s’édifient toutes nos espèces de connaissances. […] Tant que nous demeurons à l’état de santé, nous le reconnaissons pour ce qu’il est, c’est-à-dire pour un simple fantôme, un pur simulacre, une représentation, une idée. […] Il faut avoir reconnu qu’il est hallucinatoire pour comprendre qu’il est unique et que, en réalité intérieur et présent, c’est seulement en apparence qu’il est chose extérieure ou événement passé.
Le public ravi y fut un moment trompé ; il crut que la religion chrétienne avait produit son fruit littéraire, et que l’homme du christianisme allait faire oublier l’Homère de l’Olympe, mais cette séduction du talent ne fut pas longue ; on reconnut bientôt que l’enfer sans terreur et le paradis sans espérance n’étaient que des parodies sans réalité des enfers et du paradis païens, mille fois moins intéressants que ceux de Virgile et d’Homère, car ils étaient sans foi ; cela ressemblait à tous ces enfers et à tous ces cieux dont les peintres modernes barbouillaient les dômes des églises en imitant ridiculement Michel Ange, et où la perfection des contours ne produisait pas même l’illusion de la réalité. […] Un véritable grand homme qui eût paru alors, le glaive dans une main, la modération dans l’autre, pouvait lui apporter la raison, la force et la paix ; c’était une de ces époques où la dictature des soldats et la dictature des législateurs peuvent s’unir pour reconstituer un grand peuple ; mais, il faut le reconnaître, la France, qui est le pays des armes, du génie et de la gloire, n’est pas le pays de la raison. […] Et il eut même ces talents divers à un degré qui se fait reconnaître de lui-même, qui devient sa conscience dans l’âme d’autrui, qui réfute toutes les critiques, qui renverse toutes les jalousies et qui fait dire à tout un siècle : Il est grand !
N’y reconnaît-on pas tout de suite l’artiste savant et le poète de race ! […] Il vous fallait un héros, comme à Byron : vous avez, l’un des premiers, reconnu le génie de Richard Wagner ; son apothéose éblouissante n’est pas le moindre de vos titres à la gratitude des artistes et à la gloire qu’elle vous donne ! […] Il ne faut pas seulement reconnaître que Fiammette est le meilleur conte qu’un artiste ait porté à la scène, il faut dire que c’est le seul qu’on écoute avec un plaisir vrai et sans une minute d’effort.
La vérité philosophique, la vérité de tous les temps et de tous les lieux, celle à laquelle toutes les sociétés humaines se reconnaissent, cette vérité qui n’a de sanction que dans l’expérience, voilà la nourriture habituelle de Rabelais. […] Voilà trois siècles que nous voyons au milieu de nous bon nombre des personnages qu’il a créés, et que nous nous reconnaissons dans les deux principaux, Pantagruel et Panurge : l’un le type du bon relatif, plutôt que de la perfection romanesque ; l’autre le type du médiocre plutôt que du mal, et à cause de cela pas plus haïssable que l’autre n’est admirable. […] De grands défauts l’en écartent aux yeux de quiconque ne sépare pas la supériorité intellectuelle de la supériorité morale, et ne veut pas reconnaître le beau là où il ne se montre pas toujours sous les traits de l’honnête.
L’autre, qui est le don de choisir parmi les pensées justes celles qui le sont pour les esprits les plus exquis ; de saisir des vérités qui échappent à la foule et de se rendre personnelles celles qui lui appartiennent ; d’être subtil sans raffiner ; de dire du nouveau et d’être vrai ; de sentir plus délicatement que tout le monde ce que tout le monde sent ; d’avoir un naturel à soi, que les autres reconnaissent par le leur ; cet esprit, qui est celui des personnes cultivées dans notre pays, Mme de Sévigné en a plus que sa part, elle le personnifie. […] La grammaire peut être étonnée de plus d’un de ses tours, mais la langue s’y reconnaît ; et ce qu’il paraît usurper, elle le lui donne libéralement. […] Descartes y aurait reconnu sa période longue et chargée d’incidentes, où la clarté se fait par une lecture répétée ; Bossuet, sa hardiesse et son accent ; la Bruyère, son coloris ; Mme de Sévigné, sa légèreté de main dans les anecdotes et toutes les grâces de son style familier.
Si l’inoffensive couleuvre qui, au pire, mangera quelques œufs, est parfois nommée, elle aussi, la jolie, elle est la vermine en Portugal (bicha), et on voit, dans nos dialectes provinciaux, l’épervier170 redoutable nommé tout crûment le voleur ; il est le laire en Auvergne et le laron en Dauphiné, et sans doute y reconnaît-il facilement le latin latro 171. […] Son nom français le plus répandu semble coquelourde, où il est peut-être possible de reconnaître clocca lurida ; du moins l’idée de cloche se retrouve-t-elle clairement dans plusieurs des noms donnés à cette fleur : clochette, en certaines parties de la France ; kuhschelle 190 (clochette de vache) et osterschelle (clochette de Pâques), en Allemagne ; klockenblome (fleur à la cloche), aux environs de Brême ; Coventry bells (cloches de Coventry), dans le centre de l’Angleterre191. […] Nous ne pouvons reconnaître dans amadou le sens primitif d’appât, puisque la racine de ce mot est scandinave, mais nous trouvons réunies les deux significations dans l’esca des Latins, dans l’adescare des Italiens, dans l’[mot en caractères grecs] des Grecs modernes.
J’affirme au contraire : 1° que, si les limites du monde fini sont celles de la science humaine, elles ne sont pas celles de la réalité ; 2° que l’homme porte en lui-même non-seulement des désirs et des ambitions, mais des instincts et des notions qui lui révèlent des réalités au-delà du monde fini, et que, si l’homme ne peut pas avoir la science de ces réalités, il en a la perspective ; 3° que, sous l’impulsion et le légitime empire de cette perspective, l’homme poursuit dans sa vie intellectuelle la connaissance de ces réalités, qu’il ne peut que reconnaître, comme il poursuit dans sa vie pratique la perfection morale, qu’il ne peut atteindre. […] Ne sait-on pas qu’il y en a deux essentiellement distincts, et, jusqu’à nos jours du moins, profondément hostiles : l’un qui admet entre Dieu et l’homme des intermédiaires sacrés, représentants immédiats de la Divinité, et qui soumet le sens propre et la conscience religieuse de chacun à une autorité infaillible ; l’autre qui supprime de tels intermédiaires, ne reconnaît d’autre autorité que l’Écriture, et donne à chaque individu le droit absolu de décider en matière de foi ? […] Guizot, malgré sa sympathie évidente pour l’église romaine, soit le moins du monde disposé à reconnaître la vérité du dogme catholique.
En d’autres termes, si l’on conçoit sans peine que les ennemis de la vieille monarchie puissent rétrospectivement s’intéresser à ce roi, suicide de sa race, qui l’a frappée en sa personne, à cette fête de Sardanapale incendiaire qui a dévoré ses convives, à ce souper de soixante ans qu’on appelle le règne de Louis XV et qui semblait rendre après lui tout règne de ses descendants impossible, conçoit-on aussi facilement que les hommes, vassaux fidèles du passé, qui ont reconnu que ce n’était pas le passé seul, mais l’avenir pour eux, qui périssait dans un tel désastre ; puissent en parler autrement que pour le déplorer et le maudire ? […] La maison de Bourbon, brillante de qualités qu’il faut reconnaître, malgré le prestige d’une attitude chevaleresque et l’éclat de l’épée, qui sera toujours la fascination irrésistible dans une nation de soldats, la maison de Bourbon est morte… de ses mauvaises mœurs. […] Être la maîtresse reconnue d’un roi corrompu, qui donna fastueusement à toutes les familles d’un pays l’exemple honoré de l’adultère, voilà un de ces crimes irréductibles pour lequel on n’a pas le droit de réclamer les circonstances atténuantes devant l’histoire : car rien ne saurait atténuer, pas même la passion, que n’eut d’ailleurs jamais Mme Du Barry pour Louis XV, le crime de l’adultère public et royal.
Mais on n’y reconnaît plus ici le pinceau qui fit passer devant nos yeux, dans Lélia, le prêtre Magnus et le cardinal Annibal. […] J’en ai reconnu que j’avais entendues plusieurs fois dans plusieurs maisons… Oui ! […] Reconnaissez pourtant dans ce roman, tout faible qu’il soit, un romancier qui, s’il se ressemble trop à lui-même, ne ressemble pas du moins à ceux-là, venus après lui, et qui tendent à s’élever sur ses débris… Octave Feuillet a encore à son front un reflet de romantisme de sa première heure.
Nous savons donc, sans nulle erreur possible, d’où procède le naturalisme et nous pourrons, cette base une fois reconnue, en découvrir tout-à-l’heure la pensée profonde. […] Je crois qu’Emile Zola pourrait méditer longuement et avec profit ces quelques lignes du poète américain Walt Whitman, cette vérité des vérités dont la révélation suffirait à la gloire d’un homme : En acceptant joyeusement de marcher sous la conduite de la science moderne, je n’en reconnais pas moins un fait supérieur à tous les faits quelle peut mettre en lumière. […] On reconnaîtra alors que je ne fus ni un pessimiste ni un corrupteur.
Il y avait là des Françaises, des Anglaises, des Américaines du Nord et du Sud, des Italiennes, des Espagnoles, des Allemandes, des Belges, des femmes venues des îles de l’archipel grec et de l’Asie Mineure, et la race se reconnaissait à la forme des traits, à la nuance de la peau, à un peu plus de raideur, ou d’abandon, ou de volonté tranquille dans la tenue, bien que les chaises fussent toutes exactement alignées, les tailles droites, les mains posées à plat ou jointes sur les robes tombant à plis pareils. […] Toute documentation qui serait entièrement neuve aurait l’apparence d’une enquête, et on n’y reconnaîtrait point ce goût de la vie qui ne vient, aux romans comme aux fruits, qu’après quatre saisons. […] Vous reconnaîtrez leur signature de rêve et de misère, et vous apercevrez, du même coup, le secours qu’on peut attendre des notes.
D’abord, vous reconnaîtrez bien vous-même que cette « âme » n’opère jamais devant vous sans un corps. […] Donnez-la pour ce qu’elle est, et n’allez pas faire passer pour un résultat de la science, pour une théorie modelée sur les faits et capable de se remodeler sur eux, une doctrine qui a pu prendre, avant même l’éclosion de notre physiologie et de notre psychologie, la forme parfaite et définitive à laquelle se reconnaît une construction métaphysique. […] Je reconnais d’ailleurs qu’on peut s’arranger de manière à donner à la théorie de l’équivalence une apparence d’intelligibilité, dès qu’on cesse de la pousser dans le sens matérialiste.
En distinguant ainsi, par l’histoire littéraire, les ères successives et les trois périodes de ces ères, on arrive, non pas à prophétiser l’avenir, mais du moins à reconnaître avec une sérénité plus consciente les devoirs du présent. […] Pourquoi ne pas reconnaître et accepter le développement progressif des groupes de contiguïté, la marche de l’individu comme être social vers une plus grande liberté ? […] Tous ceux-là le reconnaîtront, qui estiment que l’attribut de l’homme, c’est la pensée.
Que si maintenant on relit, au sombre crépuscule du poëte d’Alexandrie, cette prophétie de la grandeur romaine, à côté des chants de l’Iliade, des strophes guerrières d’Eschyle, du chœur héroïque d’Aristophane dans les Guêpes, des digressions triomphales de Pindare sur la Sicile et la Grèce délivrées, et enfin des vers de Virgile et d’Horace célébrant la durée des grandeurs romaines, comment ne pas reconnaître quelle place les arts d’imagination avaient dans l’antiquité, et quelle puissance ils ont exercée sur ses destinées ? […] Mais, à part ces conséquences lointaines de la politique adoptée par les Ptolémées dans la fondation de leur éphémère empire, il faut reconnaître dans la science et l’esprit d’Alexandrie une autre influence religieuse que celle du polythéisme égyptien ou grec. […] Seulement, à l’aspect du monde physique et moral, le pieux contemplateur est bien obligé de reconnaître qu’à la suite de Dieu marchent la guerre et la famine, tous ces maux si communs dans l’univers, et qui, selon l’expression du livre des Machabées, après la mort d’Alexandre se multipliaient sur la terre.
Les premiers docteurs de l’Église n’ont-ils pas reconnu le Verbe, fils du Père, dans le Λόγος de Platon ? […] Il est reconnu que la danse, chez les Égyptiens, avait une signification astronomique. […] C’est là un fait que tout le monde reconnaît, mais dont on n’a guère entrepris de chercher la cause et la portée. […] L’instinct des artistes en devine plusieurs, et le sentiment religieux reconnaît et adore les autres sans les comprendre. […] Faut-il donc reconnaître un état intermédiaire du langage entre la poésie et la prose ?
Ce que l’on a dit si souvent — et d’ailleurs si faussement — de Louis XIV et de Bossuet, qu’en se voyant, ils se reconnurent, est littéralement vrai de Malherbe et de Henri IV. […] En même temps qu’aux « libertins », Bossuet a parfaitement vu la nécessité de répondre aux « critiques » ; ou plutôt il a reconnu en eux les pires ennemis de sa religion. […] Ses autres propriétés, reconnues ou soupçonnées, ont fait naître enfin la vraie philosophie. » La « vraie philosophie » ! […] Aussi n’est-il pas étonnant que les hébraïsants la reconnaissent dans « le puissant esprit évolutionniste » qui fait le fond, comme ils disent, du récit biblique de la Création ; et M. […] On a reconnu les bons pères.
Mais à quoi reconnaissez-vous qu’un livre est de Caïn ou de ses fils ? […] Quelques années plus tard, il le rencontre et d’abord ne le reconnaît pas. […] Reconnais-tu maintenant ta sottise ? […] À peine y reconnaît-on par endroit l’ingénieux écrivain dont le badinage est célèbre. […] Il n’a pas un tour de phrase où l’on ait à le reconnaître.
On reconnaît l’homme de parti qui, sur l’extrême penchant de la restauration, quand « toute la multitude était folle du désir d’avoir un roi », publiait « le moyen aisé et tout prêt d’établir une libre république448 », et en décrivait le plan tout au long. On reconnaît le théoricien qui, pour faire instituer le divorce, n’avait recours qu’à l’Écriture et prétendait changer la constitution civile d’un peuple, en changeant le sens accepté d’un verset. […] On reconnaît que l’auteur parle à des gens d’Oxford, laïques ou prêtres, élevés dans les disputes d’apparat, capables d’attention obstinée, habitués à digérer les livres indigestes. […] Son mari, voyant cet effet, ajoute en casuiste accrédité : « Ne sois pas triste ; le mal peut entrer et passer dans l’esprit de Dieu et de l’homme sans leur aveu, et sans laisser aucune tache ou faute derrière lui. » On reconnaît l’époux protestant confesseur de sa femme. […] Les dames anglaises apprendront par son exemple à reconnaître sur le visage de leur mari « quand il va aborder d’abstruses pensées studieuses. » Leur sexe ne monte pas si haut.
Voici le texte arrangé de l’édition de 1825 : Cependant mon père était recherché par ce qu’il y avait de meilleure compagnie dans la province ; il était de toutes les fêtes, convive aimable et plein d’enjouement ; avec cela un esprit nerveux, une âme forte, le cœur aussi courageux que l’esprit ; de la finesse dans les aperçus, de la justesse dans le discernement ; peut-être ne se reconnaissait-il pas lui-même, il ignorait la porté de son génie.
Cette croix où, dans son enthousiasme, il reconnaît une main du XIIIe siècle, ayant par le fait été tracée sous les yeux du citoyen Terrasse (garde des archives judiciaires) en l’an XI de la République française une et indivisible, fera désormais pendant avec le camp de Caligula et le prætorium du bon Oldbuck de Monkbarns40.
Mais ce qui ne nous a pas intéressé le moins dans la lecture de ces volumes, ce sont les divers endroits qui nous servaient à reconnaître et à composer dans notre pensée l’image de l’auteur même.
Demesmay, et où il a mis sa forme élégante aux souvenirs poétiques de sa patrie, on reconnaît un disciple souvent heureux de l’école de 1828, un lecteur enthousiaste des Odes et Ballades.
Le peuple athénien n’avait point cette moralité délicate qui peut suppléer au tact le plus fin de l’esprit ; il se livrait aux superstitions religieuses : mais il n’avait point d’idées fixes sur la vertu, et ne reconnaissait aucun principe, aucune borne, aucune pudeur dans les objets de ses amusements.
La souffrance est alors le centre de toutes les pensées, elle devient le principe unique de la vie, on ne se reconnaît que par sa douleur.
Pierre Quillard M. de Bouhélier a le droit d’écrire, sans nous suggérer d’ironie, « Dieu et le brin de paille », parce que rien ne s’offre à lui que sous les espèces du pathétique ; il sait fort bien reconnaître dans le paysan qui jette le blé au sillon une manière de héros, et telles pages, Le Départ après les moissons, indiquent simplement et sûrement la très ancienne tragédie des adieux sans retour.
Dans ses Mercuriales sur-tout, il est aisé de reconnoître une suite de tableaux où l’Homme de Loix est forcé de puiser la plus haute idée de sa profession & l’amour de ses devoirs, l’Homme d’Etat, les leçons de la saine politique & les moyens de la rendre utile & respectable ; le Philosophe, le modele de l’usage qu’il doit faire de ses lumieres & de la sagesse qui sait les contenir ; le Littérateur, les finesses de son art & les solides beautés qui peuvent l’embellir ; tous les hommes, le respect des Loix, les regles de la vertu & les charmes qui la font aimer.
Helvétius, en passant rapidement sur l’abus de ses talens, en plaignant ses illusions, en rendant justice aux bonnes qualités que je lui avois reconnues, & en m’indignant, par intérêt pour lui, contre une fausse Philosophie qui fut toujours l’ennemie de sa réputation & de son repos.
Malgré les imperfections qui y regnent, on y reconnoît toujours le Fléau du ridicule, le Peintre de la Nature, le Précepteur de la Société.