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2083. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Ce que voulait Montluc, c’était de s’illustrer par une belle, par une incomparable défense, dont il fût à tout jamais parlé ; et comme il l’a dit du marquis de Marignan : « Il servait son maître, et moi le mien ; il m’attaquait pour son honneur, et je soutenais le mien ; il voulait acquérir de la réputation, et moi aussi. » Entre le marquis de Marignan et lui, c’était donc un pur duel d’honneur, et il s’agissait d’y engager les Siennois, qui jouaient un plus gros jeu, et de s’en faire assister jusqu’à l’extrémité moyennant toute sorte de talent et d’art ; en les séduisant, en les rassurant tour à tour, et surtout en évitant, peuple élégant et vif, de les heurter par la violence ; c’eût été feu contre feu. […] Montluc ne se donne pas pour un historien, c’est un écrivain spécial de guerre ; il semble qu’il tienne à justifier ce mot de Henri IV lisant ses Commentaires, que c’est la Bible du soldat : « Je m’écris à moi-même, et veux instruire ceux qui viendront après moi : car n’être né que pour soi, c’est à dire en bon français être né une bête. » Il commence par établir une bonne police dans la ville ; il la divise en huit parties, dont chacune est sous la surveillance et les ordres d’un des huit magistrats nommés les « huit de la guerre » : dans chacune de ces sections, il fait faire un recensement exact des hommes jusqu’à soixante ans, des femmes jusqu’à cinquante, et des enfants depuis douze, afin qu’on voie quels sont ceux qui peuvent travailler aux choses de siège et à quoi ils sont propres ; dans le travail commun, les moindres ont leurs fonctions ; chaque art et métier, dans chaque quartier, nomme son capitaine, à qui tous ceux du même métier obéissent au premier ordre.

2084. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

— Changeons de carrière : Combien faut-il de Hoche, de Desaix, de Joubert, de ces héros moissonnés avant l’heure pour rehausser et grandir encore le général en chef consommé, qui conçoit, qui combine avec génie, qui dirige et résout, après se les être posés, les plus grands problèmes de son art ? […] Et moi qui ne sens rien faiblement, je m’affecte d’autant plus profondément que dans notre état il faut avoir l’art de cacher aux autres ses affections particulières.

2085. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Tel il était par nature et par art, mais bien véridiquement : « comme philosophe, apôtre de la félicité ; comme poëte, organe et interprète de la jouissance large et pure, complète et honnête. » Et avec Byron, est-ce donc qu’il a été jaloux et envieux, comme je vois aussi qu’on l’a dit ? […] Ce sont, hommes et femmes, des marionnettes incapables de vivre ; elles ont des proportions habilement conçues, mais, sur leur charpente de bois ou d’acier, ces poupées n’ont absolument que du rembourrage ; l’auteur les fait manœuvrer sans pitié, les tourne et les disloque dans les positions les plus bizarres, les torture, les fustige, déchire leur âme et leur corps, et met sans pitié en pièces et en morceaux ce qui, il est vrai, n’a aucune chair véritable : — et tout cela est l’œuvre d’un homme qui montre de grandes qualités d’historien éloquent, et auquel on ne peut refuser une vive puissance d’imagination, sans laquelle il lui serait impossible de produire de pareilles abominations. » — Vous qui parlez sans cesse de liberté, qui la voulez dans l’art et en tout, soyez conséquents ; sachez admettre et supporter les manières de sentir, même les plus opposées à la vôtre, quand elles sont sincères.

2086. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent. […] Flaubert, dans ce livre d’un art laborieux, n’a fait que reprendre en effet et recommencer sur la civilisation punique la même entreprise épique que Chateaubriand a tentée, il y a plus de quarante ans, dans les Martyrs, pour l’ancienne civilisation gréco-romaine aux prises avec le Christianisme.

2087. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Et au point de vue de l’art et de la composition, le chef-d’œuvre est manqué. […] Il y a ici quelque manque d’art et d’ordonnance, et toute cette fin est courte ou même écourtée.

2088. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

De là, durant le cours de cette existence dont la fleur fut si courte et si vite envolée, on voit combien les choses vinrent peu à point, et l’on comprend mieux dans ce ferme et charmant esprit, cet art d’ironie fine, ce ton d’enjouement sans gaieté qui naît de l’habitude du contre-temps. […] Dans cet art enjoué de raconter, Mme de Staal est classique, et définitivement, si elle se jugeait aujourd’hui, elle n’aurait pas tant à se plaindre du sort.

2089. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens III) Henri Rochefort »

L’art de la raillerie s’est développé avec le même excès. […] Et puis, qui sait si le prolétariat n’est pas fier d’avoir un chef qui est marquis, qui possède des objets d’art et qui s’amuse ?

2090. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Voici les premières : quand dans une société a dominé longtemps la tendance en une direction donnée, quand l’art, pendant une série d’années, s’est complu à montrer de préférence une face du monde, il est naturel, comme nous le disions plus haut, qu’on soit las de voir toujours la même chose, de marcher toujours du même côté. […] Et voilà comment, par exemple, à l’idéalisme qui, en se prolongeant et s’exagérant risque de compromettre l’art dans l’allégorie, dans la convention, dans le surhumain, le chimérique, le nébuleux, le réalisme vient opposer l’imitation de la nature, l’observation de ce qui est, le retour prudent au terre à terre.

2091. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

« Une simple impression équivaut à une non-impression. » Les applications de cette loi de relativité sont nombreuses et importantes : elle s’applique aux arts utiles, aux beaux-arts, à la communication de la science, et « dans la métaphysique elle combat la doctrine de l’absolu172. » M.  […] Le peintre, le poëte, le musicien, l’inventeur dans les arts et les sciences nous en fournissent des exemples.

2092. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Fénelon, on le sait, commence par demander ses preuves de l’existence de Dieu à l’aspect général de l’univers, au spectacle des merveilles qui éclatent dans tous les ordres ; les astres, les éléments divers, la structure du corps humain, tout lui est un chemin pour s’élever de la contemplation de l’œuvre et de l’admiration de l’art à la connaissance de l’ouvrier. […] Il faut citer ce passage d’une souveraine beauté : Qui voit Pythagore ravi d’avoir trouvé les carrés des côtés d’un certain triangle, avec le carré de sa base, sacrifier une hécatombe en actions de grâces ; qui voit Archimède attentif à quelque nouvelle découverte, en oublier le boire et le manger ; qui voit Platon célébrer la félicité de ceux qui contemplent le beau et le bon, premièrement dans les arts, secondement dans la nature, et enfin dans leur source et dans leur principe, qui est Dieu ; qui voit Aristote louer ces heureux moments où l’âme n’est possédée que de l’intelligence de la vérité, et juger une telle vie seule digne d’être éternelle, et d’être la vie de Dieu ; mais (surtout) qui voit les saints tellement ravis de ce divin exercice de connaître, d’aimer et de louer Dieu, qu’ils ne le quittent jamais, et qu’ils éteignent, pour le continuer durant tout le cours de leur vie, tous les désirs sensuels : qui voit, dis-je, toutes ces choses, reconnaît dans les opérations intellectuelles un principe et un exercice de vie éternellement heureuse.

2093. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. » pp. 307-333

Les regards de la postérité passeront rapidement sur ses premières satyres, & s’arrêteront à ses belles épîtres, à son Lutrin, & sur-tout à son Art poëtique ; ouvrages admirables, où la poësie est portée à son plus haut point de perfection. […] Rendons pourtant justice à l’auteur immortel de l’Art poëtique.

2094. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Quand nous voyons ces mots : la Callipédie ou l’art de faire de beaux enfants par Claude Quillet, nous savons dès l’abord, à n’en pas douter, que ce traité n’est pas d’un élève de la moderne École de médecine. […] En même temps qu’ils suivent des modes passagères et variables, les titres sont toujours, avec les auteurs qui veulent sortir du commun, et dans les ouvrages qui s’écartent de l’art classique et de la raison pure, extraordinaires et singuliers.

2095. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Il s’indignait même à la seule pensée de la résistance de Paris et faisait les plus belles phrases de rhétorique du monde sur le boulet qui viendrait éclater au milieu du musée et détruire les plus beaux chefs-d’œuvre de l’art, etc., etc.

2096. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

La morale elle-même, qu’il affecte, est chez lui une forme plutôt qu’un but, ou du moins il vise non pas tant à atteindre les vrais ressorts de l’homme qu’à user et à jouer de ces ressorts pour l’art de la vie.

2097. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « LES FLEURS, APOLOGUE » pp. 534-537

Je voudrais pouvoir vous dire les noms et surtout les nuances de ces admirables produits où l’art du jardinier s’était surpassé, car c’étaient des fleurs composées et non pas toutes simples, et il avait fallu bien des combinaisons savantes et bien des caprices heureux pour croiser à ce point les variétés les plus choisies.

2098. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

Les Expositions sont la mort de l’art dramatique.

2099. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Et c’est ce qui élève Béranger au-dessus de tous les poètes contemporains : en fait d’art et de poésie, une pareille universalité d’admiration est décisive et dispense de tout autre argument.

2100. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

Vicaire de mettre au service de cette chanson vivace une technique trop immobile, on peut se plaire et beaucoup à l’histoire de Fleurette, à celle du Joli Rossignol qui languit pour une rose et renaquit à la joie grâce à une jolie clochette, et surtout goûter le curieux travail d’art de Rainouart au Tinel, un exemple de fabliau renouvelé, alerte et neuf, volontairement exhaussé de quelques expansions lyriques peut-être, un peu bien brèves ; mais enfin, cela, en son but, tel quel, est réussi.

2101. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé aux funérailles de M. Stanislas Guyard, Professeur au Collège de France »

Indulgere genio est un art que notre ami ne savait pas, ne voulait pas savoir ; il ne pécha que par excès d’amour pour le bien.

2102. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Seroit-on bien reçu à dire que personne n’étoit plus capable de remplacer l’Abbé Desfontaines ; que, né avec autant d’esprit que son prédécesseur, il l’a emporté sur lui du côté du talent de la Poésie, & qu’on peut en juger par son Ode sur la Journée de Fontenoy, & par d’autres Pieces connues ; que les Auteurs Grecs & Latins lui étoient aussi familiers que ceux du siecle de Louis XIV ; qu’il a réuni la connoissance de plusieurs Langues étrangeres au mérite de bien écrire dans la sienne ; qu’il s’est montré supérieur dans l’art de faire l’analyse d’un Ouvrage, & sur-tout d’une Piece de Théatre, quand il a voulu s’en donner la peine ?

2103. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VIII. La Fille. — Iphigénie. »

La morale, la curiosité, la noblesse de l’art, la pureté du goût, et peut-être la nature envieuse de l’homme, obligent donc de prendre les acteurs de la tragédie dans une condition élevée.

2104. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre XI. Le Guerrier. — Définition du beau idéal. »

On peut donc définir le beau idéal, l’art de choisir et de cacher.

2105. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Nul ne saurait avec autant d’art, la nuit, durant les orages, célébrer tous tes attraits.

2106. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Art poét.

2107. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

« Ce fut après le déluge que parurent ces ravageurs de provinces que l’on a nommés conquérants, qui, poussés par la seule gloire du commandement, ont exterminé tant d’innocents… Depuis ce temps, l’ambition s’est jouée, sans aucune borne, de la vie des hommes ; ils en sont venus à ce point de s’entretuer sans se haïr : le comble de la gloire, et le plus beau de tous les arts a été de se tuer les uns les autres179. » Il est difficile de s’empêcher d’adorer une religion qui met une telle différence entre la morale d’un Bossuet et d’un Tacite.

2108. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Carle Vanloo  » pp. 117-119

Tout ce que l’art porté à un haut point y a pu mettre de perfection y est.

2109. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres » pp. 122-127

Il suffit donc, pour lui ressembler en cela, de se négliger et de ne point se donner la peine de pratiquer ce que l’art enseigne à faire pour donner de la rondeur à ses têtes.

2110. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Mercier » pp. 1-6

Ainsi dans les arts, quand ils tombent aussi, comme la littérature, l’archéologie vient remplacer les créations spontanées.

2111. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Les héroïnes de Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur, disait madame de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu ; toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper !

2112. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Saint-Marc Girardin »

Ainsi, dans les arts, quand ils tombent aussi, comme la littérature, l’archéologie vient remplacer les créations spontanées.

2113. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Furetière »

C’est un romancier qui a placé et élargi la comédie dans le roman, mais qui n’en est pas moins resté sérieusement attaché à la vérité de l’art et à la vérité sociale.

2114. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

» Je suis persuadé que plus tard, arrivé à une maîtrise plus complète de son art, je dis de son art à lui, de sa conception dramatique personnelle, Racine, non seulement n’aurait pas retranché Ménécée, mais en aurait fait son personnage principal. […] Rien ne m’a jamais paru d’un art plus barbare. […] Elle a détaillé toutes les nuances du sentiment avec un art incomparable. […] Mounet-Sully à la même époque, ne m’a donné une sensation d’art pareille. […] Le théâtre est l’art des préparations.

2115. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Elle ne prouve nullement que sa théorie de l’art dramatique fût beaucoup plus large que celle de Boileau. […] Ce sont des jouissances d’art, et s’il s’y joint quelque excitation sensuelle (ce qui ne manque guère), nous ne la repoussons point. […] Vraiment, c’est le comble de l’art, et l’on sent comme une allégresse intellectuelle dans cette maîtrise de soi et dans cette triomphante perfection de métier. […] Heureux même les ouvriers des arts plastiques, peintres ou sculpteurs ! […] C’est, de plus, un épicurien délicat, un dilettante, un nonchalant très ingénieux, qui a su arranger et composer toute sa vie avec art et qui tire doucement de Paris tout le plaisir qu’il peut donner.

2116. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Que sont devenus les critiques d’art qui furent contemporains de Gautier ? […] En art, il ne faut s’arrêter que devant les personnalités exceptionnelles et ne considérer que les œuvres durables. […] Hier encore, un « Jeune » déjà âgé, annonçant un « art nouveau » (le sien), vouait l’Université aux dieux infernaux. […] Jamais on n’a poussé plus loin l’art de la destruction. […] L’art de M. 

2117. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre IV. Shakspeare. » pp. 164-280

O spirit of love, how quick and fresh art thou ! […] How art thou out of breath, when thou hast breath To say to me that thou art out of breath ? […] I’ faith, I am sorry that thou art not well, — Sweet, sweet, sweet nurse, tell me, what says my love ? […] Thou art a villain. […] art thou there, true-penny ?

2118. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

C’est que tout s’y agite : politique, art, science, critique et calomnie. […] Lamothe-Langon possède une prodigieuse mémoire ; il n’y a rien au monde : arts, sciences, langues, histoire, dont il ne sache beaucoup ou au moins quelque chose. […] Jal a le fanatisme de l’art nautique, comme Sangrado avait celui de l’eau chaude et de la saignée. […] Jal florissait aussi quelque peu, humblement assis à la base du journal alors pyramidal, dans son feuilleton d’art et de critique. […] Je sais quels sont les hommes d’art, et quels sont les hommes d’argent.

2119. (1932) Le clavecin de Diderot

Des langues anciennes, à la maladie, à la mort, en passant par la littérature, l’art, l’inquiétude, les bars, les fumeries et les divers comptoirs d’échantillonnages sexuels, jusqu’ici, pour qui voulait faire son chemin, il s’agissait de se spécialiser c’est-à-dire, sur toute carte de visite réelle ou idéale, d’annoncer, à la suite de son nom, une virtuosité particulière. […] L’iconoclaste fut baptisé mystique à l’état sauvage, et, à travers cette épithète, passèrent, comme lettres à la poste, contresens et fraudes majeures, à quoi avaient, au reste, déjà prouvé qu’ils savent exceller les messieurs bien-pensants de l’art et de la littérature qui feignent de s’intéresser à des œuvres subversives, rien que pour les vider de leur moelle, leur flanquer un tuteur, justement de bois mystique, donc complaisant aux volubilis du conformisme gloseur. […] C’est d’ailleurs par une attaque contre tout ce que la théorie de l’art pour l’art avait déifié, à propos de choses écrites et peintes, que Dada, précurseur du surréalisme, avait commencé le travail de théoclastiead. […] Et elle connaît l’art d’accommoder les restes. […] On pensera au brouet des spartiates, à un brouet relevé de sel attique, vrai régal pour nos jeunesses, quand elles sortiront des écoles, facultés, lycées où les maîtres du libéralisme cauteleux et satisfait, leur auront ouvert l’appétit par un de ces petits coups de culture générale, qui, en une seule gorgée, savent condenser l’art des ruses oratoires.

2120. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

À l’exception des arts barbares de la guerre qu’un excès de philosophie fait tomber en mépris et en désuétude chez ses disciples, voyez la population : cette contre-épreuve de la bonne administration : quatre cents millions d’hommes traversant en ordre et en unité vingt-cinq siècles ; jamais l’esprit législatif a-t-il créé et régi une telle masse humaine en une seule nation ? […] Rousseau et de ses disciples ne promet à l’humanité que des biens matériels et quelques souffrances égales pour tous, des luttes pour ou contre une souveraineté sans cesse imposée par les tyrans, sans cesse reconquise par les peuples ; des droits qui ne reposent que sur des révoltes de tous contre tous, et qui ne sont contresignées qu’avec du sang, des métiers ou des arts tout manuels ; des lois toutes égalitaires pour consoler au moins le malheur de chacun par le niveau du malheur commun, puis la mort ensevelissant une société de poussière vivante dans une poussière morte. […] La littérature légère, la philosophie éclectique, les sciences naturelles, les arts, la société intime avec Voltaire, Rousseau, plus tard avec les de Maistre de Savoie, avec madame de Staël, avaient encore illustré les Huber.

2121. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

L’art est heureusement étranger à tout leur « ail de basse cuisine ». […] Mais le latin donne au terme componere un autre sens, bien plus fin, bien plus près de l’Art, et c’est cette signification-là qui, seule, peut dévoiler le curieux mystère de la composition. […] Peinture, statuaire, musique, architecture, tous les arts, jusqu’à ceux du costume et des jardins, témoignent d’inquiétude ou de vulgarité.

2122. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

C’est là la différence de l’art naturel et de l’art humain. […] Dans la vie comme dans l’art, ce sont les résultats qui importent et non les procédés par lesquels ils ont été obtenus : dans la mémoire, c’est la puissance de ressusciter aux yeux de la conscience un monde disparu qui importe, non les moyens de mnémotechnie naturelle ou artificielle par lesquels les idées sont conservées et associées.

2123. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Une chronologie nouvelle & condamnée, les doctes extravagances du Jésuite Hardouin renouvellées, des morceaux isolés rapprochés avec art, une érudition profonde & légere qu’on y seine avec choix, la richesse & la douceur du style, tout frappa les curieux dans cette singuliere production. […] L’auteur a l’art de fondre les faits & de les rapprocher pour en faire un corps. […] Des recherches plus savantes, un style plus précis auroient rendu cet ouvrage digne de la postérité ; mais on ne l’imprime plus depuis que l’Abbé Fleuri a donné son histoire écrite avec moins d’art, mais avec plus de simplicité & d’exactitude.

2124. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

De cela seul, que trente millions de sujets se trouvèrent répartis sous un assez grand nombre de princes indépendants les uns des autres, et dont l’autorité, sans bornes en apparence, était limitée de fait par la petitesse de leurs possessions, il résulta pour ces trente millions d’hommes une existence ordinairement paisible, une assez grande sécurité, une liberté d’opinions presque complète, et la possibilité, pour la partie éclairée de cette société, de se livrer à la culture des lettres, au perfectionnement des arts, à la recherche de la vérité. […] Le héros est plus dans la main du poëte qui s’est affranchi du passé ; mais il y a peut-être aussi une couleur un peu moins réelle, parce que l’art ne peut jamais suppléer entièrement à la vérité, et que le spectateur, lors même qu’il ignore la liberté que l’auteur a prise, est averti, par je ne sais quel instinct, que ce n’est pas un personnage historique, mais un héros factice, une créature d’invention qu’on lui présente. […] Polyphonte n’a que des traits généraux, exprimés avec art, mais qui n’en font point un être distinct, un être individuel.

2125. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Entre la science et l’art il n’y a plus un abîme ; mais on passe de l’une à l’autre sans solution de continuité. La science, il est vrai, ne peut descendre dans les faits que par l’intermédiaire de l’art, mais l’art n’est que le prolongement de la science.

2126. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

., on doit forcément devenir dessinateur de goût, et le goût doit être discret, fin, tandis que chez nous l’œil le plus terne devra s’habituer et finir par aimer les couleurs vives, et le goût le plus timoré deviendra hardi et original. » On pourrait croire que ce ne sont là que de jolis mots, et que le souci de l’art qu’elles savent exprimer est de bien petite importance dans la vie de ces jeunes filles obligées de travailler pour vivre. […] Plus près d’elle, dans le travail journalier, elle avait une amie, l’autre type extrême de la mode, l’aventurière, l’errante, la lamentable quêteuse de pain, âme capable de tendresse et nullement d’art, qui ne s’attache qu’aux êtres. […] L’intrigue elle-même, si elle est bien conduite, supprime une foule d’actions communes et sans intérêt ; elle simplifie le personnage, et c’est un effet de l’art ; elle l’engage en des situations où il reste fidèle au caractère d’élection, mais qu’il n’a pas traversées, et dont on peut dire seulement qu’il les eût traversées de cette manière.

2127. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Tout l’art d’écrire est là. C’est quelque chose comme l’art du musicien ; mais ne croyez pas que la musique dont il s’agit ici s’adresse simplement à l’oreille, comme on se l’imagine d’ordinaire. […] En réalité, l’art de l’écrivain consiste surtout à nous faire oublier qu’il emploie des mots.

2128. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Il me paraît que, dans cette entrevue, Marquise offrit de nouveau son amitié à Corneille et eut, cette fois, l’art de la lui faire accepter pour un temps.  […] Il y aura toujours une chose qu’il préférera aune femme ou à des enfants : son art ou son rêve ; à ce rêve il sacrifiera, invinciblement et ingénument, les cœurs dont il est aimé. […] Il y a, dans l’art jeune et les jeunes Revues, des âmes gracieuses et divinement candides, mais aussi des âmes hargneuses, envieuses, vilaines, mauvaises. […] Sauf de très rares exceptions, les jeunes rénovateurs de la poésie ou de l’art sont leurs propres dupes, croient dur comme fer à ce qu’ils font, leur foi étant d’ailleurs très compatible avec le charlatanisme. […] Il procède directement de Baudelaire ; mais c’est un baudelairien chaste et sans perversité ; il n’a emprunté au poète des Fleurs du mal que sa piété, — et l’art d’établir des échanges entre les divers ordres de sensations.

2129. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Il l’a été de Lamennais d’abord en politique, de Victor Hugo en architecture et en art moyen âge : il développe avec un zèle tranchant et avec une logique assez éclatante les idées et les thèses des autres ; mais il a peu d’idées à lui, aucune pensée intermédiaire.

2130. (1874) Premiers lundis. Tome II « Revue littéraire »

Auguste Demesmay a voulu animer et rajeunir sous forme d’art un ouvrage qui aurait pu être de pure érudition.

2131. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Et ces lois sont les mêmes pour l’œuvre de haute littérature et pour la modeste composition de collège : l’écrivain rompu à tous les secrets de l’art doit s’y asservir, et elles soutiennent l’enfant qui s’essaye à écrire.

2132. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre premier. Du rapport des idées et des mots »

C’est pour cela que le premier talent du poète consiste dans l’art de choisir les mots.

2133. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Edmond Biré Victor de Laprade a créé une forme nouvelle de poésie lyrique, c’est la Symphonie, où tous les rythmes, tous les mètres, toutes les voix, la voix de l’homme et celles de la nature, concourent à un même but : véritable poème lyrique qui ne saurait, sans doute, entrer en comparaison avec les grandes compositions de l’art musical, ni pour l’harmonie savante, ni pour le charme et l’éclat de la mélodie, mais qui a cette supériorité sur elles de traduire avec une admirable clarté les pensées et les sentiments de l’âme.

2134. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Dans ses Mercuriales sur-tout, il est aisé de reconnoître une suite de tableaux où l’Homme de Loix est forcé de puiser la plus haute idée de sa profession & l’amour de ses devoirs, l’Homme d’Etat, les leçons de la saine politique & les moyens de la rendre utile & respectable ; le Philosophe, le modele de l’usage qu’il doit faire de ses lumieres & de la sagesse qui sait les contenir ; le Littérateur, les finesses de son art & les solides beautés qui peuvent l’embellir ; tous les hommes, le respect des Loix, les regles de la vertu & les charmes qui la font aimer.

2135. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Tous les goûts, tous les arts y étoient bien reçus, la poësie, la musique, la peinture.

2136. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

C’est le ton et la coutume de La Fontaine de placer la morale dans le tissu de la narration, par l’art dont il fait son récit.

2137. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Louis-Michel Vanloo » pp. 191-195

L’art de donner à la peinture des couleurs durables est presque encore à trouver.

2138. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Nos galans porte-houlettes sont paîtris de métaphisique amoureuse ; ils ne parlent d’autre chose, et les moins délicats se montrent capables de faire un commentaire sur l’art qu’Ovide professoit à Rome sous Auguste.

2139. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Aucune méthode reduite en art ne vient à son secours.

2140. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XII »

Il a pris les devants, dirais-je, si toutefois ce puriste narquois permet cette expression. » Et il l’a dit, dans la préface de l’Art d’écrire : « Je n’ai pas appliqué mes préceptes en ce volume ; mais je les appliquerai dans un roman que je compte publier bientôt.

2141. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVII »

Le catalogue d’expressions banales que j’ai donné était peut-être un peu trop exclusif ; mais il s’agissait d’affirmer un principe, et un principe considérable, qui doit dominer l’art d’écrire.

2142. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Seulement, ce qu’on appelle aujourd’hui l’écriture ne répond pas au même besoin qui a fait naître dans les temps préhistoriques les premiers essais d’idéographie : aux origines, l’écriture et les arts du dessin se confondent ; l’écriture phonétique n’est pas un développement, mais une déviation, de l’écriture primitive ; elle est une adaptation de l’idéographie, devenue symbolique, au langage audible, adaptation destinée à faire durer et à répandre au loin l’élite des pensées exprimées par la parole. […] Art politique, v. 180-181. [Horace, Art poétique, v. 180-181, op. cit. […] Tonnellé, Fragments sur l’art et la philosophie, I : Du langage, p. 85-87 (3e éd.). [référence exacte de l’édition citée par Egger : Alfred Tonnelé (1831-1858), Fragments sur l’art et la philosophie et pensées diverses, p. p. par G.

2143. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Cela résulte, ce me semble, de ce que l’on a confondu l’art de l’investigation, qui recherche et constate les faits, avec l’art du raisonnement, qui les met en œuvre logiquement pour la recherche de la vérité. […] Pour l’homme seul, enfin, existe un art, un art suprême, dont tous les arts les plus vantés ne sont que les instruments et l’ouvrage : l’art de la raison, le raisonnement5. » Nous donnerons au mot expérience, en médecine expérimentale, le même sens général qu’il conserve partout. […] Il y aura donc deux choses à considérer dans la méthode expérimentale : 1º l’art d’obtenir des faits exacts au moyen d’une investigation rigoureuse ; 2º l’art de les mettre en œuvre au moyen d’un raisonnement expérimental afin d’en faire ressortir la connaissance de la loi des phénomènes. […] Pour les arts et les lettres, la personnalité domine tout. […] Un poète contemporain a caractérisé ce sentiment de la personnalité de l’art et de l’impersonnalité de la science par ces mots : l’art, c’est moi ; la science, c’est nous.

2144. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

… je me suis juré que, du moment où je consacrais mes forces à ce métier, je saurais l’élever à la dignité d’un art en même temps que d’une science. […] Il ignorait l’art relativement récent de s’attendrir sur les croyances qu’on n’a pas. […] C’est un des préceptes les plus incontestés du vieil Art poétique : Servetur ad imum. […] L’Art est si occupé à traduire qu’il n’a pas le temps ni le goût de condamner. Ne considérer l’univers et toutes les créatures que comme une matière d’art, c’est, presque forcément, être clément pour toutes les créatures.

2145. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

Et pour ce qui est de la Didon de Virgile en particulier, à laquelle tout ceci a trait et se rapporte, on se rend mieux compte alors de ces qualités souveraines qui assurent la vie aux œuvres de l’art dans les époques d’entière culture, à savoir, la composition, l’unité d’intérêt et un achèvement heureux de l’ensemble et des parties. […] » Médée profite habilement de cette ouverture que lui offre l’inquiétude d’une mère, elle a l’art de se faire instamment prier de ce qu’elle-même désire ; mais cet artifice ne se passe point sans toute sorte de confusion et sans d’adorables restes d’ingénuité. […] Chez Apollonius, le trait a moins de portée ; l’avertissement sur la vanité de l’art chez les plus habiles est indiqué à peine et avec un léger sourire. […] Un germe de cette idée se trouverait dans la ive pythique de Pindare (vers 388), lorsque Vénus y apprend au fils d’Éson l’art des enchantements, « pour qu’il fasse perdre à Médée le respect de ses parents et que l’aimable Grèce ravisse ce cœur brûlant dans un tourbillon de séduction. » 113.

2146. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

Ce qui a manqué à ces personnages infortunés de Nodier, si souvent reproduits par lui, ç’a été de se résumer à temps en un type unique, distinct, et qui prit rang à son tour, du droit de l’art, entre ces hautes figures de Werther, de René et de Manfred, illustre postérité d’Hamlet. […] En 1806, son mandat d’arrêt fut levé et converti en un permis de séjour à Dôle, sous la surveillance du sous-préfet, M. de Roujoux, homme aimable, instruit, qui préparait dès lors son estimable essai des Révolutions des Arts et des Sciences. […] Les savantes expériences de sa prose cadencée, les artifices de déroulement de sa plume en de certaines pages merveilleuses eussent été plus appréciés encore et eussent mieux servi la cause de l’art, si on ne les avait pu confondre par endroits avec les alanguissements inévitables dus à la fatigue d’écrire beaucoup, à la nécessité d’écrire toujours. […] Cette coulante doctrine de la facilité naturelle, cet épicuréisme de la diction, si bon à opposer en temps et lieu au stoïcisme guindé de l’art, a pourtant ses limites ; et quand l’auteur dit qu’en style tout effort est contraire au bien, il n’entend parler que de l’effort qui se trahit, il oublie celui qui se dérobe.

2147. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Je ne vois pour y prendre part que trois ou quatre grands seigneurs, philanthropes pratiques et guidés par l’exemple des nobles anglais, le duc d’Harcourt qui arrange les procès de ses paysans, le duc de La Rochefoucault-Liancourt qui a fondé dans ses terres une ferme modèle et une école des arts et métiers pour les enfants des militaires pauvres, le comte de Brienne dont trente villages viendront demander la liberté à la Convention84. […] Jamais conducteurs d’hommes n’ont tellement désappris l’art de conduire les hommes, art qui consiste à marcher sur la même route, mais en tête, et à guider leur travail en y prenant part  Notre Anglais, témoin oculaire et compétent, écrit encore : « Un grand seigneur eût-il des millions de revenu, vous êtes sûr de trouver ses terres en friches. […] « Comme M. de Marigny avait quelques connaissances de l’art vétérinaire, les paysans du canton venaient le chercher quand ils avaient des bestiaux malades. » 52.

2148. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Avec la révolution du demi-cercle autour de son diamètre, du rectangle autour d’un de ses côtés, du triangle rectangle autour d’un des côtés de l’angle droit, nous fabriquons la sphère, le cylindre, le cône ; avec des sections du cône, l’ellipse, la parabole et l’hyperbole ; avec des combinaisons diverses des éléments primitifs et de ces premiers composés, toutes les espèces possibles de lignes, de surfaces et de solides, parfois si compliquées que l’imagination ne peut les exécuter et que, si la nature ou l’art en fournissent des exemples, l’œil même attentif ne parvient pas à en démêler exactement tous les traits. […] De même enfin, nous concevons de l’eau ou de l’oxygène absolument purs, du platine ou du plomb exempts de tout alliage, sans être sûrs qu’en aucun cas la nature les fournisse ou que l’art les obtienne tels que nous les concevons. — Parmi les types mentaux ainsi fabriqués, il y en a qui nous intéressent plus particulièrement ; ce sont ceux auxquels nous souhaitons que les choses se conforment, et dans ce cas le besoin de conformité devient pour nous un ressort d’action. […] Nous avons fabriqué ainsi l’idée d’un certain caractère moral, et, de fait, à l’occasion, de bien loin, nous accommodons à ce modèle notre caractère effectif. — Ainsi naissent les œuvres d’industrie, d’art et de vertu, pour combler ou diminuer l’intervalle qui sépare les choses et nos conceptions. […] J’ai fait cette analyse en détail dans La Philosophie de l’art et dans L’Idéal dans l’art.

2149. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Il prend la plume, il commence contre la société, contre les arts, contre la civilisation, cette série de paradoxes sur l’état de nature, c’est-à-dire l’état de barbarie : c’est là, selon lui, l’idéal de perfectibilité prêchée aux hommes. […] Si l’éducation est nécessaire dans le monde des arts, ou pour le plus vil des métiers d’ici-bas, comment supposer qu’elle soit moins indispensable pour le plus sublime et le plus difficile des arts, l’art d’instituer des sociétés et de gouverner des républiques ou des empires ?

2150. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Il fallait, pour plaire à notre maître, vraiment habile dans l’art de dégrader ce qu’il reste encore d’âmes fières, il fallait que je me déshonorasse pour obtenir mon retour en France, qu’il se moquât de mon zèle à le louer, lui qui n’avait cessé de me persécuter, et que ce zèle ne me servît à rien. […] De beaux vers ne sont pas de la poésie ; l’inspiration dans les arts est une source inépuisable qui vivifie depuis la première parole jusqu’à la dernière : amour, patrie, croyance, tout doit être divinisé dans l’ode, c’est l’apothéose du sentiment ; il faut, pour concevoir la vraie grandeur de la poésie lyrique, errer par la rêverie dans les régions éthérées, oublier le bruit de la terre en écoutant l’harmonie céleste, et considérer l’univers entier comme un symbole des émotions de l’âme. […] Quand il s’agit de plaire au théâtre, l’art de se circonscrire dans un cadre donné, de deviner le goût des spectateurs, et de s’y plier avec adresse, fait une partie du succès ; tandis que rien ne doit tenir aux circonstances extérieures et passagères dans la composition d’un poëme épique. […] Il n’a parlé que de ce qu’il fallait éviter ; il n’a insisté que sur des préceptes de raison et de sagesse qui ont introduit dans la littérature une sorte de pédanterie très-nuisible au sublime élan des arts.

2151. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Est-ce dans l’art ? […] L’éternel effort de nos arts modernes est de remonter à ces types du beau dans l’architecture et dans la sculpture ; et comme les arts prennent ordinairement leur niveau dans une même époque, tout fait conjecturer que les arts de l’esprit égalaient en perfection ceux dont la matière plus solide nous a conservé les chefs-d’œuvre.

2152. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. L’art des arts, la poésie seule, chante pour tous les sens à la fois et pour l’âme, pour l’âme, centre divin et immortel de tous les sens. […] Parce qu’il est celui de tous ces genres de poésie qui se suffit le moins à lui-même, qui vit le moins de sa propre substance, et qui emprunte le plus de secours matériels aux autres arts pour produire son effet sur les hommes.

2153. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Ce n’est plus le récit, c’est le drame ; ce n’est plus la draperie, c’est le nu ; ce n’est plus le portrait, c’est l’homme ; l’homme avec tous ses traits vivants, calqués sur les beautés comme sur les difformités de sa nature ; la photographie du siècle ; un roi, une cour, des flatteurs, des courtisans, des ambitieux, des hypocrites, des hommes de bien, des méchants, des femmes, des pontifes, une nation tout entière saisie au passage dans son mouvement le plus accéléré, et reproduite, non pas seulement par l’art, mais par la passion. […] L’art s’interpose entre l’écrivain et ce qu’il écrit ; ce n’est plus l’homme que vous voyez, c’est le talent. Le chef-d’œuvre des véritables grands écrivains, c’est d’anéantir en eux le talent et de n’exprimer que l’homme ; mais, pour cela, il faut que la sensibilité soit plus accomplie en eux que l’art, c’est-à-dire il faut qu’ils soient plus grands hommes encore par le cœur que par le style. […] Il était dans la nature que ces foules convoquées dans les temples, au pied de ces tribunes, y prissent l’habitude d’un certain discernement des choses d’esprit ; qu’un orateur leur parût supérieur à un autre ; qu’un langage leur fût fastidieux, un autre langage sympathique ; qu’elles s’entretinssent en sortant du temple des impressions qu’elles avaient reçues ; que leur intelligence et leur oreille se façonnassent insensiblement à la langue, aux idées, à l’art de ces harangues sacrées, et qu’entrées sans lettres dans ces portiques de la philosophie des prédicateurs chrétiens, elles n’en sortissent pas illettrées.

2154. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

On ne sait trop d’abord où il en veut venir ; il rappelle certains orateurs cauteleux dont nous tairons les noms ; il a l’art d’irriter les opinions qu’il effleure. […] Qu’on juge si le hasard seul a pu produire une parodie si fine, qu’elle ressemble à l’art même.

2155. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le fromage vient de tomber devant celui qui le convoite, mais qui va rester immobile : « Le friand lascif frémit et brûle, et frissonne tout entier de convoitise (ces deux vers dans le texte sont pleins d’expression) ; mais il n’en touche une seule miette, car encore, s’il peut en venir à bout, voudrait-il bien tenir Tiècelin. » Tout son art alors est d’attirer le Corbeau lui-même et de lui persuader de descendre. […] Dans tout ce début très simple, il y a un certain art du trouvère.

2156. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le paysage, considéré comme genre à part et comme objet distinct de l’art, n’est pas chose très ancienne. […] Il établit que, dans l’Antiquité classique proprement dite, « les dispositions d’esprit particulières aux Grecs et aux Romains ne permettaient pas que la peinture de paysage fût pour l’art un objet distinct, non plus que la poésie descriptive : toutes deux ne furent traitées que comme des accessoires ».

2157. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Villehardouin, par exemple, pour nous en tenir à lui, possédait à un haut degré le don de la parole et l’art d’insinuer les conseils que d’ordinaire la prudence lui dictait : c’est un témoignage qu’ont rendu de lui ses contemporains, et c’est ce qui ressort et s’entrevoit aussi d’après l’Histoire qu’il a laissée. […] En ce temps-là, le gouvernement de Venise n’était plus ce qu’il avait été autrefois ; le doge ne représentait plus cette espèce de monarque électif visant à l’hérédité, nommant les magistrats, décidant à peu près souverainement de la paix ou de la guerre, et qui, avec un peu d’art, faisait agréer à rassemblée générale du peuple ses résolutions à l’avance arrêtées.

2158. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Une expression naturelle de regret se mêle dans la parole d’Arago au sentiment d’orgueil que lui inspire la vérité inaltérable, mais peu accessible, des sciences : Les sciences exactes, a-t-il dit dans sa notice sur Thomas Young, ont sur les ouvrages d’art ou d’imagination un avantage qui a été souvent signalé : les vérités dont elles se composent traversent les siècles sans avoir rien à souffrir ni des caprices de la mode ni des dépravations du goût. […] Arago nous expose la manière dont il conçoit l’éloge historique, à commencer par celui-là : « Ce n’est qu’une sorte de mémoire scientifique », disait-il, qu’il se propose de faire, « et dans lequel, à l’occasion des travaux de son confrère, il va examiner les progrès que plusieurs des branches les plus importantes de l’optique ont faits de nos jours. » Négligeant l’art des transitions, il divise en chapitres et avec des titres distincts la suite des matières qu’il se propose de parcourir, la biographie d’abord, puis les mémoires et travaux.

2159. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

On a depuis longtemps recueilli sous le titre de Lettres spirituelles les lettres de Fénelon qui portent spécialement sur ces points de la vie intérieure, et dans lesquelles il enseigne à faire de vrais progrès « dans l’art d’aimer Dieu ». […] En général, on le voit, la simplicité délicate de Fénelon n’est pas cette simplicité d’où l’on part, c’est celle à laquelle on revient à force d’esprit, à force d’art et de goût.

2160. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Enfin, il manquait surtout un Virgile, c’est-à-dire ce génie à la fois imitateur, inventif et composite, qui, venu à l’heure de la maturité d’une langue et de la domination universelle d’un peuple, fond et combine toutes choses, souvenirs, traditions et espérances, avec un art intérieur accompli, dans un sentiment présent et élevé. […] Ce n’est pas, à cette heure, que je ne lui trouve bien des défauts hors de ce feu et de cet air poétique qu’il possédait naturellement, car on peut dire qu’il était sans art et qu’il n’en connaissait point d’autre que celui qu’il s’était formé lui-même dans la lecture des poètes grecs et latins, comme on le peut voir dans le traité qu’il en a fait à la tête de sa Franciade.

2161. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Ce que Villars n’avait fait jusque-là que par instinct et pour trouver des occasions, il le fit dès lors avec le désir de s’instruire : Il passait souvent trois et quatre jours de suite dans les partis avec les plus estimés dans cet art : c’était alors les deux frères de Saint-Clars, dont l’un, qui était brigadier, fut une fois six jours hors de l’armée, toujours à la portée du canon de celle des ennemis, poussant leurs gardes à tout moment à la faveur d’un grand bois dans lequel il se retirait, faisant des prisonniers, et donnant à toute heure au vicomte de Turenne des nouvelles des mouvements des ennemis. […] Voir le grand Condé un jour de bataille l’épée à la main, qui de nous (chacun dans son art) n’a point formé tout haut ou tout bas un pareil vœu ?

2162. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous. […] Ce jeune homme se trompait de siècle ; il était né pour être un commentateur amateur comme Girac ou Méziriac, ce Méziriac qui avait relevé plus de deux mille contresens ou méprises chez Amyot, qui a tout dit sur les Héroïdes d’Ovide, et de qui l’on a écrit : « Il n’y avait point de science à laquelle il ne se fût attaché durant quelque temps, point de bel art qu’il ne connût.

2163. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Ne lui demandez pas, quand il prend la plume pour écrire une lettre, de songer à vous plaire, à vous égayer, à faire qu’on dise dans le monde autour de soi : « Il m’a écrit une belle ou une jolie lettre. » Buffon ignore le joli ; il a l’ambition et l’art de dire les grandes choses ; il n’a ni l’art ni le souci de dire les petites.

2164. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

L’acier manquait, on n’en pouvait tirer du dehors, l’art de le faire était ignoré ; on demanda aux savants de le créer, ils y parvinrent ; et cette partie de la défense publique devint indépendante de l’étranger… La poudre était ce qui pressait le plus : le soldat allait en manquer. […] Une Instruction courte et simple, répandue avec une inconcevable activité, fit, d’un art difficile, une pratique vulgaire.

2165. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Tout a son prix aux yeux de la critique qui sent l’art comme l’expression presque directe de la nature et de la vie. […] Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.

2166. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

La gravure qui est en tête et qui représente le poète mourant couché dans un lit à longs rideaux, entouré de ses amis vêtus encore à la mode de 1811, et lui-même, dans cette chambre à coucher d’un ameublement moderne, tenant à la main sa lyre, — une vraie lyre (barbiton) ; — la vignette du titre où une femme, une muse en costume d’Empire, apprend l’art de pincer du luth à un petit Amour à la Prudhon ; les bouts-rimés et les quatrains qui s’entremêlent dans le volume aux pièces sérieuses, tout cela retarde et montre que le nouveau goût qui va naître et qui signalera proprement l’ère de la Restauration n’en est encore qu’à de vagues et craintifs essais. […] Delavigne, qui avait bien des avantages comme poète, n’approchait pas de Loyson dans l’ordre des idées, dans l’intelligence des questions philosophiques et politiques : il eût été profondément incapable de manœuvrer en prose et de tenir campagne en face d’un Bonald, d’un Benjamin Constant et d’un La Mennais. — Delavigne, confiné dans son art, ne s’intéressait qu’aux vers et y bornait sa vue : Loyson s’intéressait à tout130.

2167. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Tout s’y tient avec art, rien n’y jure et ne sort du ton ; dans cet idéal complet de délicatesse et de grâce, Monime, en vérité, aurait bien tort de parler autrement. […] Nul n’a su mieux que lui la valeur des mots, le pouvoir de leur position et de leurs alliances, l’art des transitions, ce chef-d’œuvre le plus difficile de la poésie, comme lui disait Boileau ; on peut voir là-dessus leur correspondance.

2168. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Le fantastique au xviiie  siècle, en France, avait dégénéré dans tous les arts. […] Que les faciles et soudains mouvements de cette âme se ralentissent et se perdent ; que ce jeu de physionomie devienne calculé et de pure convenance ; qu’on sourie, qu’on éclate, qu’on grimace, qu’on fasse la folle à tout propos, et voilà la Muse devenue une femme à la mode, sotte, minaudière, insupportable ; c’est à peu près ce qui arriva de l’art au xviiie  siècle.

2169. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Elle s’y accoutuma au sein de la cour la plus polie, la plus savante, la plus galante d’alors, y brillant en sa fleur naissante comme l’une des plus rares merveilles et des plus admirées, sachant la musique et tous les arts ( divinae Palladis artes ), apprenant les langues de l’Antiquité, soutenant des thèses en latin, commandant des rhétoriques en français, jouissant de l’entretien de ses poètes et leur faisant rivalité avec sa propre poésie. […] Plus aimable qu’habile, très ardente et nullement circonspecte, elle y revenait avec une grâce déplacée, une beauté dangereuse, une intelligence vive mais mobile, une âme généreuse mais emportée, le goût des arts, l’amour des aventures, toutes les passions d’une femme, jointes à l’extrême liberté d’une veuve.

2170. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Comme Bossuet achevait de parler ou pendant même qu’il parlait encore, la première femme de chambre de Madame s’approcha d’elle pour lui donner quelque chose dont elle avait besoin ; profitant de l’occasion, Madame lui dit en anglais, afin que Bossuet ne l’entendît pas, conservant ainsi jusqu’à la mort toute la délicatesse de son procédé et la politesse de son esprit : « Donnez à M. de Condom, lorsque je serai morte, l’émeraude que j’avais fait faire pour lui. » — C’est ce dont Bossuet s’est souvenu jusque dans l’Oraison funèbre : « Cet art de donner agréablement qu’elle avait si bien pratiqué durant sa vie, l’a suivie, je le sais, jusqu’entre les bras de la mort. » Madame fut-elle empoisonnée ? […] car la nature, au contraire de l’art, fait bien presque tous les yeux et mal presque tous les nez.

2171. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

L’à-propos est si souverain dans ces choses de théâtre, que les pièces de Shakespeare, sentimentalisées par Ducis et rabaissées au ton des Nuits d’Young, réussirent et firent fureur en leur temps, tandis que, du nôtre, le vrai et grand Shakespeare, reproduit et calqué avec art par des hommes de talent et d’étude, n’a jamais pris pied qu’à demi. […] N’ayant pas eu la force et l’art de se créer une langue poétique à son usage, il n’y a qu’en prose, et dans ce qui saute du cœur sur le papier, que le poète s’est montré tout à fait lui-même.

2172. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Car le snob ne se risque pas à discourir ; son grand art, où quelques-uns vraiment excellent, est de composer et parer son silence ; toute la science de son jeu est de ne point s’expliquer, de s’en tenir à une attitude, à une expression, à un geste, tout au plus à quelque adjectif. […] Lemaître a énuméré les snobismes littéraires : et il nous a montré les snobs, à commencer par les Précieuses de l’Hôtel de Rambouillet, s’assemblant successivement autour de diverses modes de l’esprit, — autour d’une théorie, avec la règle des trois unités faussement attribuée à Aristote, avec le naturisme de Rousseau, avec le pessimisme de Schopenhauër, — autour d’une école d’art, avec l’engouement pour les préraphaélites, pour Botticelli, pour John Bums, — autour d’une nouveauté littéraire ou philosophique, avec l’intellectualisme, le culte du moi, l’occultisme, le symbolisme.

2173. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

Et pourquoi s’obstiner à mettre sa fausse signature au bas de cette formule absurde de « l’art pour l’art » qu’il n’a jamais écrite nulle part ?

2174. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

De quelque art, du reste, qu’il s’agisse, le secret du dilettante, c’est d’attraper l’état d’esprit où l’artiste a été lui-même en composant son oeuvre et de savoir plus ou moins pleinement le garder et s’y maintenir. « Je ne trouve pas cette femme si belle, disait un Athénien devant une statue de Phidias. — C’est que tu ne la vois pas avec mes yeux, lui dit un autre. — Es-tu donc l’auteur ? […] Un auteur dramatique ne doit se servir de son style à lui et ne s’en sert, en effet, s’il a tout son art, que quand il parle en son nom et je veux dire quand il fait parler le personnage qui le représente ou le personnage qui lui est particulièrement sympathique.

2175. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Il n’a ni habileté, ni subtilité, ni retorsion, ni préméditation d’art scélérate. […] Tous les petits talents, tous les petits caractères, les petits arts ; les petites femmes, peuvent très bien n’être pas sincères et être charmants, de ce charme que la dépravation des hommes adore et qu’on nomme la félinité.

2176. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

Comme pourtant Louis XVI était assez porté de lui-même à soutenir par les armes la Hollande, son alliée, contre les Anglais et les Prussiens, tout l’art de M. de Brienne, alors principal ministre, se tourna à éluder une délibération définitive et à temporiser jusqu’à l’issue des événements.

2177. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le théâtre annamite »

» Oui, je sais, il y a comme cela des gens qui se sont donné pour tâche d’expliquer, et, par suite, d’aimer toutes les manifestations, quelles qu’elles soient, de la vie et de l’art humain à travers les pays et les âges.

2178. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dupont, Pierre (1821-1870) »

[L’Art romantique (1868).]

2179. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVII » pp. 298-304

2º Elle est antérieure au départ du roi pour l’armée de Flandre, qui eut lieu à Saint-Germain, au mois de mai de la même année, suivant L’Art de vérifier les dates.

2180. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Nos arts et nos vies tendent de plus en plus à dépouiller la joie.

2181. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Il convient que le démon de l’envie & de la rime l’a jetté dans d’étranges égaremens ; il reconnoît l’insolence qu’il a eue d’attaquer son maître dans l’art des vers.

2182. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

C’est à bien répresenter ce qui a pû veritablement arriver, et à l’orner par des images nettes et élegantes que consiste l’art du poëte.

2183. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens » pp. 305-312

Mais comme la cause qui fait cette difference entre les nations est sujette à plusieurs altérations, il semble qu’il doive arriver qu’en Italie certaines generations auront plus de talens pour exceller dans ces arts, que d’autres generations n’en pourront avoir.

2184. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Bathild Bouniol »

Mais, s’il n’a pas celles-là, il en a d’autres, qui valent mieux peut-être, même pour l’art, tomme on dit maintenant, que tous ces savants artifices !

2185. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

C’est un écrivain qui, nous l’espérons pour l’honneur de son diamant futur, est encore tout entier dans sa gangue, et pour lequel nous serons obligé d’être sévère parce que nous lui croyons du talent en germe, et que l’esprit de ce système qui perd tout dans les arts et dans la littérature pourrait étouffer ce talent que nous tenons à voir s’épanouir.

2186. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Ferme l’oreille à des discours dangereux ; tu mérites sans doute l’hommage qu’on va te rendre, achève de le mériter en le dédaignant ; aujourd’hui la vérité te loue, demain la flatterie t’attend ; de tous côtés l’orgueil te tend des pièges et te poursuit ; l’esclavage en silence te trompe et te flatte ; iras-tu encore permettre à un orateur de te corrompre avec art ?

2187. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Ainsi, de ce monde social embelli et policé par tous les arts de l’humanité, ils tendent à en faire la grande forêt des premiers âges, où, avant Orphée, erraient les hommes à la manière des bêtes sauvages, suivant au hasard la coupable brutalité de leurs appétits, où un amour sacrilège unissait les fils à leurs mères, et les pères à leurs filles.

2188. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

En poésie, l’art est inutile sans la nature : la poétique, la critique, peuvent faire des esprits cultivés, mais non pas leur donner de la grandeur ; la délicatesse est un talent pour les petites choses, et la grandeur d’esprit les dédaigne naturellement.

2189. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Quel art de démonstration par l’absurde, — et quels effets du plus excellent comique ! […] A l’action dans la vie correspond, dans l’art, le souci de l’idéal. […] En somme, ce qu’il nous donne ici, c’est plutôt la théorie du succès que la théorie de l’art de la conférence. […] Ils avaient de leur art une conception rigoureuse et intransigeante, mais haute. […] » et vive le grand art !

2190. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Tout l’art littéraire ne lui paraît qu’un moyen de l’en extraire. […] Je ne peux pas pousser plus loin l’analyse sans vous faire remarquer tout ce qu’un passage de cet ordre et de cette qualité apporte de nouveauté dans l’art psychologique, dans l’art de peindre les sentiments. […] Il y a dans son œuvre des analyses de rêves, d’impressions de nature, d’émotions d’art et enfin de sentiments proprement dits, parmi lesquels l’amour occupe tout naturellement la place à laquelle il a droit, et qui est la première. […] Je ne peux pas pousser plus loin sans vous faire remarquer tout ce qu’un passage de cet ordre et de cette qualité apporte de nouveau dans l’art psychologique, dans l’art de peindre les sentiments. […] Je dis que c’est là le grand art classique.

2191. (1893) Alfred de Musset

Aucun n’avait éveillé dans les cœurs autant de ces longs échos qui ne naissent que d’un accord intime avec le lecteur, et qu’un simple plaisir d’art est impuissant à produire. […] Il n’eut plus à se préoccuper que des éléments supérieurs et immuables de l’art, les âmes et leurs passions, les lois de la vie et leurs fatalités. […] Tout en croyant à sa vitalité, il pensait qu’il y avait place à côté pour une forme d’art plus sévère : « Ne serait-ce pas une belle chose, écrivait-il en 1838, que d’essayer si, de nos jours, la vraie tragédie pourrait réussir ? […] C’est d’un art très simple et très raffiné. […] Il est servi par un art compliqué et savant, au prix duquel celui du Cénacle n’était que jeu d’enfant, et qui semble un peu byzantin, comparé au libre et puissant développement de la phrase romantique.

2192. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Jules Sandeau » pp. 322-326

Jules Sandeau, sans efforts, a eu cet art et a usé de cette magie.

2193. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

Assez d’occasions s’offriront de ramener l’attention publique sur les titres d’une renommée qui est dès longtemps le patrimoine universel : aujourd’hui il convenait de remarquer avant tout cette partie supérieure et puissante du talent, par laquelle le poète léger, et si souvent brillant dans la gaieté et dans le badinage, a eu l’art et le bonheur de graver son nom sur l’un des marbres les plus indestructibles de l’histoire.

2194. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame du Hausset, femme de chambre de madame de Pompadour. »

Ce fut là tout son art, toute sa préoccupation ; elle était grande : « Ma vie s’écriait-elle, est comme celle du chrétien, un combat perpétuel. » La petite maréchale de Mirepoix lui disait : « C’est votre escalier que le roi aime, il est habitué à le monter et à le descendre ; mais s’il trouvait une autre femme à qui il parlerait de sa chasse et de ses affaires, cela lui serait égal au « bout de trois jours. » Aussi, quand l’éclat de ses charmes baissa et que l’âge commença de les glacer, quand on en fut réduit aux pauvres expédients, au chocolat à triple vanille et au régime du docteur Quesnay, quand enfin il fallut opter entre des rivales ou des suppléantes, la noble amante n’hésita pas : sa tendresse désintéressée n’en voulait qu’au cœur du roi ; en le conservant, elle lui remit tout le reste ; elle fit mieux, et, dans son abnégation platonique, elle ne dédaigna pas de condescendre aux soins les plus prévoyants et les plus intimes.

2195. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Œuvres de jeunesse pour la plupart, autant que nous en pouvons juger, les pièces qu’il publie n’ont pas un mérite d’art assez éminent pour faire oublier toujours l’uniformité ou même le vide du fond.

2196. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

A Milan, il vit un vieux Corse, nommé Dimos Stephanopoli, descendant de ces Maïnotes réfugiés en Corse vers 1676 ; Dimos allait en Grèce, chargé par le Directoire d’une mission relative aux arts.

2197. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bergerat, Émile (1845-1923) »

Ce qui ne l’empêchait pas de fournir au Journal officiel, des Études et des Critiques d’art de premier ordre.

2198. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Les autorités sont contre nous, et l’on peut nous citer vingt vers de l’Art poétique qui nous condamnent : Et quel objet enfin à présenter aux yeux, etc.

2199. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

Le poëte qui introduiroit Henri IV dans un poëme épique nous trouveroit déja affectionnez à son heros et à son sujet : son art s’épuiseroit peut-être en vain avant qu’il nous eut interessez pour un heros ancien ou pour un prince étranger, autant que nous le sommes déja pour le meilleur de nos rois.

2200. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 44, que les poëmes dramatiques purgent les passions » pp. 435-443

Il est vrai qu’il est des poëtes dramatiques ignorans dans leur art, et qui sans connoissance des moeurs, représentent souvent le vice comme une grandeur d’ame, et la vertu comme une petitesse d’esprit et de coeur.

2201. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Ils avoient tous fait un long apprentissage de leur art, comme je le dirai plus bas, et presque toujours ils ne faisoient que reciter une déclamation composée par des hommes dont cette tâche étoit la profession particuliere.

2202. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

Lucien dans l’écrit qu’il a composé sur l’art de la danse, tel que l’avoient les anciens, dit en parlant des personnages tragiques, qu’on leur entend prononcer de temps en temps quelques vers iambes, et qu’en les prononçant ils n’ont attention qu’à bien faire sortir leur voix, car les artisans ou les poëtes qui ont mis les pieces au théatre ont pourvû au reste.

2203. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Savant, non pas comme un bénédictin, mais comme une congrégation de bénédictins tout entière, il n’en a pas moins été spirituel comme un Champcenetz et un Rivarol, satirique, auteur dramatique, critique littéraire, dilettante fébrilement exquis, dont la sensation équivaut à une création dans les arts.

2204. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Mais ni l’art ni la science ne suffit à celui qui va lutter contre l’opinion.

2205. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Argument » pp. 93-99

La navigation est l’un des derniers arts qui furent cultivés dans les temps héroïques.

2206. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre premier. Sujet de ce livre » pp. 101-107

La sagesse est la faculté qui domine toutes les doctrines relatives aux sciences et aux arts dont se compose l’humanité.

2207. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Et pourtant l’art est quelque chose ; la gloire a ses droits ; elle parle aussi à son heure, même aux plus négligentes de ces divines natures. […] Hors de l’enceinte première, au pied du rempart qu’ils semblaient s’être tracé, des essais de culture nouvelle et d’art plus libre s’étendent, d’industrieux faubourgs naissent au hasard et bientôt prennent consistance. […] Il a fait un majestueux sonnet à propos des paquebots à vapeur, canaux et chemins de fer, tous ces Mouvements et ces Moyens, comme il les appelle, qui, en tachant passagèrement les grâces aimables de la Nature, sont pourtant avoués d’elle, et reconnus sous leur fumée comme des enfants légitimes, gages de l’art et de la pensée de l’Homme ; et le Temps, le Temps saturnien, toujours jaloux, joyeux de leur triomphe croissant sur son frère l’Espace, accepte de leurs mains hardies le sceptre d’espérance qu’ils lui tendent, et leur sourit d’un grave et sublime sourire.

2208. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

La sensibilité que celui-ci a introduite avec tant d’art dans la chanson n’est pas absente, autant qu’il le semblerait d’abord, chez Désaugiers. […] Composition, détail, expression et facture, elle me paraît tout réunir au point de perfection et à ce degré d’art dans le naturel qui, en chaque genre et même en chanson, constitue le chef-d’œuvre. […] Il y a beaucoup d’art dans le talent de Béranger, il y entre même quelque ruse.

2209. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

La haute noblesse du Nord était alors attirée par un attrait invincible vers Paris, vers cette Athènes des arts et des plaisirs. […] Delphine est certainement un livre plein de puissance, de passion, de détails éloquents ; mais l’ensemble laisse beaucoup à désirer, et, chemin faisant, l’impression du lecteur est souvent déconcertée et confuse : les livres, au contraire, qui sont exécutés fidèlement selon leur propre pensée, et dont la lecture compose dans l’esprit comme un tableau continu qui s’achève jusqu’au dernier trait, sans que le crayon se brise ou que les couleurs se brouillent, ces livres, quelle que soit leur dimension, ont une valeur d’art supérieur, car ils sont en eux-mêmes complets. Je lisais l’autre jour, dans un recueil inédit de pensées : « La faculté poétique n’est autre chose que le don et l’art de produire chaque sentiment vrai, en fleur, selon sa mesure, depuis le lys royal et le dahlia jusqu’à la pâquerette. » Ce qui est dit là de la poésie, à proprement parler, peut s’appliquer à toute œuvre créée et composée, où l’idée du beau se réfléchit.

2210. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Sur la masse constitutionnelle et libérale, fonds estimable mais assez peu éclairé de l’Opposition, il s’organisa donc une élite nombreuse et variée, une brillante école à plusieurs nuances ; philosophie, histoire, critique, essai d’art nouveau, chaque partie de l’étude et de la pensée avait ses hommes. Je n’indique qu’à peine l’art, parce que, bien que sorti d’un mouvement parallèle, il appartient à une génération un peu plus récente, et, à d’autres égards, trop différente de celle que nous voulons ici caractériser. […] Jouffroy avait bien rencontré sa vocation la plus satisfaisante en s’adonnant à la philosophie ; je me le suis demandé toutes les fois que j’ai lu des pages historiques ou descriptives où sa plume excelle, toutes les fois que je l’ai entendu traiter de l’Art et du Beau avec une délicatesse si sentie et une expansion qui semble augmentée par l’absence, ripae ulterioris amore, ou enfin lorsqu’en certains jours tristes, au milieu des matières qu’il déduit avec une lucidité constante, j’ai cru saisir l’ennui de l’âme sous cette logique, et un regret profond dans son regard d’exilé.

2211. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Mais je ne veux être qu’amateur, dilettante, selon le mot des Italiens : c’est le meilleur rôle dans tous les arts, et même dans toutes les carrières de la vie civile ; on goûte, on jouit, on juge, on s’essaye, et on ne se compromet pas ; on a, en un mot, des admirateurs, et on n’a point d’ennemis. » III C’est à ce double sentiment d’instinct de la gloire et de peur du bruit dans ces hommes délicats et exquis, appelés amateurs ou dilettanti, qu’on doit ces petits volumes diminutifs du génie, sourdines de la gloire, qui se publient de temps en temps à un si petit nombre de pages et à un si petit nombre d’exemplaires qu’on ne les affiche pas sur les étalages de libraires, mais qu’on les glisse seulement de la main à la main entre quelques amis discrets, comme une confidence du talent échappée à l’imprudence du poète. […] tu connais ces arches de corolles Où le poète, heureux aux jours de liberté, Chantait, et pour ses vers trouvait des auréoles : La poésie et l’art enlaçaient leur beauté. […] Quand on compose laborieusement le diadème littéraire de son siècle pour les princes de l’art en tout genre, il ne faut pas laisser de telles perles orientales éparses sur les rivages de notre mer du Midi, sans les ramasser et sans les enchâsser dans la mémoire.

2212. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Que doit-ce être d’une harmonie de science et de génie, sur qui comprend cela, sur qui a reçu une organisation musicale, développée par l’étude et la connaissance de l’art ? […] il vient comme il est venu à Mme de Sévigné, à Gerson ; il vient, sans art, du cœur écouté seul par la jeune fille qui s’écrit elle-même devant le miroir de ses pensées. […] Ce n’est pas une forme de l’art, c’est une émanation de la vie qui monte à l’âme et qui l’enivre de charme et de sainteté, d’un charme et d’une sainteté tellement fondus ensemble qu’on ne peut pas discerner ce qui est amour divin de ce qui serait amour terrestre, ce qui serait délire de ce qui est édification, et qu’en fermant un moment le livre pour le rouvrir bientôt après à une autre note, on ne peut en détacher ni son cœur ni son imagination : oui, voilà ce style !

2213. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Il n’y avait point d’art, non, c’était la nature faite art ; l’image et le son, cette musique de l’âme, y naissaient ensemble indivisibles comme la voix et la sensation. […] Tout ce qu’à payne en obtiennent humains À force d’art, de labeur et d’adresse, De soy pondoit soubz leurs heureuses mains : Lors de soulcy n’eurent que leur tendresse ; Et cependant vivoyent dix fois plus Que ne faizons !

2214. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Et si parfois nous avons conçu quelque chose de plus beau ou de plus harmonieux que la réalité, n’avions-nous point l’art pour fixer notre rêve ? […] ton art est cruel, misérable poète ! […] Il y a plus de bonheur senti dans tel hémistiche de Ronsard ou de Chénier, dans telle page de Manon Lescaut ou de Paul et Virginie ou même de quelque roman inconnu et sans art, que dans ces cinq mille vers d’un très grand poète.

2215. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

On dit que le commerce suit le drapeau ; il est encore plus vrai de dire que l’art est en fonction des armes. […] Nos arts ont d’abord été ceux du Nord vainqueur. […] Nous traduisons : Un maître joueur de flûte fut Berbiguier, de Caderousse, à qui Napoléon Ier fit présent d’une flûte cerclée d’or : On dit qu’étant enfant il avait appris son art, le long des roseraies du Rhône, en imitant sur son sifflet ou son flageolet de roseau, le chant des rossignols et des fauvettes.

2216. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — La déformation  »

Il est à craindre que la littérature, devenue un art d’autant plus hardi qu’il trouve en autrui moins d’accueil, d’autant plus insolent qu’il voit diminuer ses chances de plaire, d’autant plus ésotérique qu’il sent se raréfier autour de lui l’air intellectuel, il est à craindre qu’au lieu de tendre toujours vers de nouvelles frontières la littérature ne soit destinée à se resserrer en de petites enceintes ponctuées dans le monde, comme un semis d’oasis. […] Tout art est déformateur et toute science est déformatrice, puisque l’art tend à rendre le particulier tellement particulier qu’il devienne incomparable, et puisque la science tend à rendre la règle tellement universelle qu’elle se confonde avec l’absolu.

2217. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Et cette différence consiste surtout en ce que, dans l’un comme dans l’autre cas, c’est la nature seule qui engendre le fait animal, au lieu que c’est l’art, c’est-à-dire l’esprit, qui crée le fait humain. […] En recueillant les particularités des mœurs qui se retrouvent chez les différentes peuplades nègres à l’état naturel et primitif, on a pu dégager ce qui fait la nature propre de cette race, à savoir la prédominance marquée de la sensibilité sur la volonté et l’intelligence : d’où le défaut d’initiative et d’originalité, l’incapacité radicale pour les idées et les spéculations abstraites, pour les arts et les œuvres de grande création qui réclament une puissante volonté, pour les institutions de self-government qui demandent une forte personnalité ; d’où, au contraire, une aptitude marquée pour toute œuvre de passion violente, de sentiment tendre, d’imagination grossière. On commence à connaître assez les peuples de race jaune, Chinois, Japonais, Tartares, pour se faire une idée des aptitudes et des incapacités naturelles de cette race, de son goût et son talent pour les sciences pratiques et les arts mécaniques, de son éloignement pour les sciences transcendantes et pour la métaphysique, de sa rare finesse, de son étonnante subtilité d’esprit, non-seulement dans les choses de négoce, mois encore dans les plus difficiles exercices d’attention et de raisonnement.

2218. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Et ce n’est pas trop d’un art si juste, si consommé, pour peindre les miévreries charmantes, les subites fiertés, les demi-rougeurs, les caprices imperceptibles et fuyants de la beauté féminine. […] Avec un art admirable, Tennyson en a renouvelé les sentiments et le langage ; cette âme flexible prend tous les tons pour se donner tous les plaisirs. […] As the husband is, the wife is : thou art mated with a clown, And the grossness of his nature will have weight to drag thee down. […] Pray for my soul thou too, sir Lancelot, As thou art a knight peerless.”

2219. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Voyez Ovide dans son Art d’aimer, d’un côté ; voyez Pétrarque dans ses sonnets amoureux, de l’autre : le ciel et la terre ne sont pas à une plus grande distance l’un de l’autre que ce poète impur des sens et que ce poète du pur amour. […] … En disant cela, je fondis en larmes… » IV L’illustre vieillard consola et raffermit son disciple ; il lui dit que cette sécheresse momentanée d’imagination dont il s’affligeait n’était que le progrès de son esprit, qui, en lui faisant mieux voir jusqu’où il pouvait monter, le décourageait à tort, par le sentiment de la distance qu’il y avait entre son talent d’aujourd’hui et son idéal futur. «  Sentir sa maladie, ajouta-t-il, c’est déjà le premier pas vers la guérison ; persévérez et renoncez au barreau, où l’on ne s’adonne qu’à l’art de vendre des paroles ou plutôt des mensonges. » On s’étonne de ce mépris pour le barreau dans un jeune homme dont Cicéron était l’oracle et l’idole. […] En un mot, ils m’ouvrent la porte de tous les arts et de toutes les sciences : je les trouve dans tous mes besoins. […] Si j’aperçois une petite fente dans les murs nouveaux, je gronde les maçons ; ils me répondent que tout l’art des hommes ne saurait rendre l’argile plus solide, qu’il n’est pas surprenant que des fondements récents se tassent un peu, que les mains mortelles ne peuvent construire rien de durable ; enfin, que ma maison durera encore plus que moi et mes neveux.

2220. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

C’est pour lui faire son public que madame Récamier, avec une diplomatie dont l’habileté trouvait son motif dans son cœur, fit de son accueil un art pour recruter et pour conserver un cercle littéraire et politique autour de son ami. […] Quels pauvres diables nous sommes en fait d’art, auprès de tout cela ! […] morte avant la première ride sur son beau visage et sur son esprit ; la duchesse de Maillé, âme sérieuse, qui faisait penser en l’écoutant ; son amie inséparable la duchesse de La Rochefoucauld, d’une trempe aussi forte, mais plus souple de conversation ; la princesse de Belgiojoso, belle et tragique comme la Cinci du Guide, éloquente et patricienne comme une héroïne du moyen âge de Rome ou de Milan ; mademoiselle Rachel, ressuscitant Corneille devant Hugo et Racine devant Chateaubriand ; Liszt, ce Beethoven du clavier, jetant sa poésie à gerbes de notes dans l’oreille et dans l’imagination d’un auditoire ivre de sons ; Vigny, rêveur comme son génie trop haut entre ciel et terre ; Sainte-Beuve, caprice flottant et charmant que tout le monde se flattait d’avoir fixé et qui ne se fixait pour personne ; Émile Deschamps, écrivain exquis, improvisateur léger quand il était debout, poète pathétique quand il s’asseyait, véritable pendant en homme de madame de Girardin en femme, seul capable de donner la réplique aux femmes de cour, aux femmes d’esprit comme aux hommes de génie ; M. de Fresnes, modeste comme le silence, mais roulant déjà à des hauteurs où l’art et la politique se confondent dans son jeune front de la politique et de l’art ; Ballanche, le dieu Terme de ce salon ; Aimé Martin, son compatriote de Lyon et son ami, qui y conduisait sa femme, veuve de Bernardin de Saint-Pierre et modèle de l’immortelle Virginie : il était là le plus cher de mes amis, un de ces amis qui vous comprennent tout entier et dont le souvenir est une providence que vous invoquez après leur disparition d’ici-bas dans le ciel ; Ampère, dont nous avons essayé d’esquisser le portrait multiple à coté de Ballanche, dans le même cadre ; Brifaut, esprit gâté par des succès précoces et par des femmes de cour, qui était devenu morose et grondeur contre le siècle, mais dont les épigrammes émoussées amusaient et ne blessaient pas ; M. de Latouche, esprit républicain qui exhumait André Chénier, esprit grec en France, et qui jouait, dans sa retraite de la Vallée-aux-Loups, tantôt avec Anacréon, tantôt avec Harmodius, tantôt avec Béranger, tantôt avec Chateaubriand, insoucieux de tout, hormis de renommée, mais incapable de dompter le monstre, c’est-à-dire la gloire ; enfin, une ou deux fois, le prince Louis-Napoléon, entre deux fortunes, esprit qui ne se révélait qu’en énigmes et qui offrait avec bon goût l’hommage d’un neveu de Napoléon à Chateaubriand, l’antinapoléonien converti par popularité : L’oppresseur, l’opprimé n’ont pas que même asile ; moi-même enfin, de temps en temps, quand le hasard me ramenait à Paris.

2221. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

L’Arioste (1re partie) I Sortons un moment de l’art sérieux pour donner quelques heures d’attention à l’art du badinage ; c’est le même art au fond, mais appliqué à l’amusement de l’esprit au lieu de s’appliquer à l’émotion de l’âme. […] Il n’y a, disons-nous, qu’une exception unique à cette loi de l’irrémédiable décadence des lettres et des arts : c’est la seconde jeunesse et la seconde littérature de l’Italie au quinzième et au seizième siècles, après quatorze ou quinze cents ans de dégradation.

2222. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Comme l’ont dit Platon et Aristote, il n’y a probablement chez l’homme ni plaisir ni déplaisir absolument pur : les deux sentiments se trouvent mélangés à doses inégales par l’art subtil de la nature, et l’impression définitive dans notre conscience est une résultante où l’emporte un des cléments. […] C’est pour cela que les progrès dans l’art et dans la science ont exigé un certain luxe, au moins pour certaines classes, une délivrance des soucis de la nourriture et de la préservation. […] Il nous semble que les exemples classiques de Platon et d’Aristote, tirés des sens supérieurs, comme la vue, l’ouïe, l’odorat même, et des plaisirs intellectuels, comme ceux de la science ou de l’art, rentrent dans cette dernière catégorie. […] Elle est donc, dans le domaine de la sensibilité, quelque chose d’analogue à ce qui, dans l’art, cause le plaisir par excellence et réalise le charme suprême : la grâce.

2223. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Il parle de son Cercle des Arts avec un monsieur qui dîne à côté de lui, et je l’entends lui dire : « Je ne sais plus quels sont les gens qui en font maintenant partie… et vrai, je ne connais pas la langue qu’ils parlent. […] Mais que si la maîtresse a été frottée d’un peu de monde, d’un peu d’art, d’un peu de littérature, et qu’elle veuille s’entretenir de plain-pied avec notre pensée et notre conscience du beau, et qu’elle ait l’ambition de se faire la compagne du livre en gestation ou de nos goûts ; elle devient pour nous insupportable comme un piano faux, — et bien vite un objet d’antipathie. […] Un dîner et une soirée, où la conversation, sortant des commérages sur les bidets de courtisanes et les tables de nuit d’hommes connus, se balança sur les hautes cimes de la pensée et les grandes épopées de la littérature, avec toutes sortes d’éclairs des uns et des autres, et avec les violences et les sorties de Saint-Victor, se déclarant Latin de la tête au cœur, et n’aimant que l’art latin, et les littératures et les langues latines, et ne rencontrant sa patrie, que lorsqu’il se trouve en Italie… Cette profession de foi, suivie d’un débordement d’exécration pour les pays septentrionaux, disant que le Français chez lui serait peut-être indifférent à une invasion italienne ou espagnole, mais qu’il mourrait sous une invasion allemande ou russe. […] Pas un palais, des fleurs, des eaux chantantes, un entour féerique, des peintures, des femmes nuagées de gaze : ce qui invitait, et qui conviait et qui allumait les sens de l’antiquité, tout cet art magnifique enfin, ouvrant la porte du lupanar romain.

2224. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Le ciel, la mer, les montagnes, les fleuves, la race, la langue, les religions, les grandeurs et les revers de la destinée, le passé presque fabuleux, le présent triste, l’avenir toujours prêt à renaître, et toujours trompeur, la jeunesse éternelle de ce sang italien qui roule toutes sortes de royautés déchues dans ses veines, une noblesse de peuple-roi dans le dernier laboureur de ses plaines ou dans le dernier pasteur de ses montagnes, une rivalité de villes capitales, telles que Naples, Rome, Florence, Sienne, Pise, Bologne, Ferrare, Ravenne, Vérone, Gênes, Venise, Milan, Turin, ayant toutes et tour à tour concentré en elles l’activité, le génie, la poésie, les arts de la patrie commune, et pouvant toutes aspirer à la royauté intellectuelle d’une troisième Italie, voilà les explications de cette aristocratie indélébile de l’esprit humain au-delà des Alpes. […] Boileau n’en parle pas dans son Art poétique, ou, s’il en parle, dans le passage où il réprouve le merveilleux chrétien en poésie, c’est avec dédain. […] Il a communiqué au mètre français la vibration du mètre toscan ; il a transformé, à force d’art, la période poétique française en tercets du Dante. […] Ses poésies lyriques, qui ont précédé la composition de son poème, ont gardé les traces de ses affections profanes et passagères, qu’il essaya en vain de voiler à demi sous des allusions symboliques. » « La poésie épique », dit plus loin le jeune commentateur, « apparaît, à son origine, revêtue d’un caractère sacerdotal, se mêlant à la prière et à l’enseignement religieux ; c’est pourquoi, dans les temps même de décadence, le merveilleux demeure un des préceptes de l’art poétique.

2225. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

En relisant l’article du « Chien », à propos des espèces, soit animales, soit végétales, que l’homme s’est appropriées tout entières, et qu’il a transformées par l’art à force de les travailler, j’y trouve ce beau passage sur le blé, cette plante tout humaine : Le blé, par exemple, est une plante que l’homme a changée au point qu’elle n’existe nulle part dans l’état de nature : on voit bien qu’il a quelque rapport avec l’ivraie, avec les gramens, les chiendents et quelques autres herbes des prairies, mais on ignore à laquelle de ces herbes on doit le rapporter ; et comme il se renouvelle tous les ans, et que, servant de nourriture à l’homme, il est de toutes les plantes celle qu’il a le plus travaillée, il est aussi de toutes celle dont la nature est le plus altérée. […] Ses idées relatives à l’influence qu’exercent la délicatesse et le degré de développement de chaque organe sur la nature des diverses espèces, sont des idées de génie qui doivent faire la base de toute histoire naturelle philosophique, et qui ont rendu tant de services à l’art des méthodes qu’elles doivent faire pardonner à leur auteur le mal qu’il a dit de cet art.

2226. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Mais la mémoire du bon roi et des mérites de son règne demeura à l’état de culte chez quelques hommes instruits, sensibles aux perfectionnements et aux arts de la paix, et au bien-être du peuple. […] César, le premier des écrivains de son ordre et le plus comme il faut des grands hommes, a réuni en lui tous les talents et tous les arts.

2227. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

On a dit très justement qu’on les pourrait aussi bien intituler : Essai sur l’art de plaire en société 77. […] Comme on le respecte beaucoup, on attend qu’il ait fini pour glisser un mot ; mais il a trouvé l’art de ne jamais finir ; car, ayant respiré en toute hâte au milieu d’une parenthèse, il repart et court de plus belle, si bien que la parole lui reste toujours, que sa phrase commencée dans un salon se continue dans un autre ; que dis-je ?

2228. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il y a maintenant de grands poètes, des poètes de talent, des poètes de génie, des poètes d’art, ou des poètes qui veulent être quelqu’un de ceux-là ; mais ce qui constituait autrefois le poète agréable, ce mélange d’esprit, d’imagination, de facilité, de négligence et de bonne humeur, cette absence de prétention en rimant ou cet air de n’en pas avoir, ce demi-ton de conteur qui était de plain-pied avec la conversation du salon, cet à-propos de menus sujets, cette adresse à trousser en vers un compliment ou une épigramme qui circulait aussitôt et faisait fortune, et parfois aussi la fortune de son auteur, tout cela existe-t-il encore ? […] Travail, art, nature, foyer intérieur, sentiment, éclat et flamme, c’est de tous ces éléments combinés et pressés, que se compose à des degrés différents et variés à l’infini ce charme que la muse seule possède, dont elle seule livre le secret au petit nombre, et qui fait que l’agrément du premier jour est aussi l’agrément qui ne périt pas.

2229. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Soit dans la distribution, soit dans le détail, l’art chez lui est grand, très grand ; il n’est pas suprême, car il se voit et il se sent ; il ne remplit pas cet éloge que le poète donne aux jardins enchantés d’Armide : E quel che’l bello e’l caro accresce all’ opre, L’arte che tutto fa, nulla si scopre. « Et ce qui ajoute à la beauté et au prix des ouvrages, l’art qui a présidé à tout ne se découvre nulle part. » Tout est soigné dans La Bruyère : il a de grands morceaux à effet ; ce sont les plus connus, les plus réputés classiques, tels que celui-ci : « Ni les troubles, Zénobie, qui agitent votre empire, etc.

2230. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Sa théorie de l’utilité de l’art, et d’un but public et politique à lui donner, laisse bien à dire ; elle distingue essentiellement Béranger des artistes proprement dits et marquera plus tard sa séparation d’avec la nouvelle école littéraire. […] Désormais il ne se dédoublera plus, et il est tout entier, tout cœur, toute âme et tout art, — tout calcul même si l’on veut, — dans le petit genre dont il fit ce qu’on a vu.

2231. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Le seul défaut, à mon sens, de ces strophes si bien faites, si bien découpées, est de trop rappeler la sculpture, d’en avoir le poli et aussi un peu la dureté : cette poésie fait à l’oreille ce que le marbre fait au doigt : Et puis, pourquoi traduire un art par un art ?

2232. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Art, critique, recommençons donc toujours, et ne nous endormons pas. […] Après le siècle du génie et du goût, on a eu le siècle de l’esprit et de la philosophie ; après le siècle de l’Encyclopédie, aboutissant à la plus terrible des Révolutions qui a remis les fondements de la société à nu, on a le siècle de la critique historique, du passé admirablement compris sous toutes ses formes, de l’art réfléchi et intelligent : voilà les vraies successions, les vraies suites, les grandes routes et les larges voies.

2233. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Par malheur, la prudence, l’art profond qui avait dirigé le Sénat dans les beaux siècles de la République, la suite et la durée qui n’est donnée qu’aux corps et aux institutions et qui est refusée aux individus, leur manquèrent, et l’on est trop informé aussi, à leur égard, de certains détails qui gagneraient à se confondre dans l’éloignement. […] Cette affaire de Strasbourg dont il fit la sienne fut conduite avec un art et une habileté consommée ; il se posa le problème à loisir, le caressa et en trouva la solution la plus parfaite et, j’ose le dire, la plus élégante.

2234. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Jean-Bon Saint-André, quinze ans après environ, et déjà préfet de Mayence, ayant à prononcer un discours pour la première séance publique de la Société des Sciences et Arts dont on l’avait nommé membre (1804), y disait dans un sentiment de vérité et de modestie qu’il nous faut tout d’abord invoquer à sa décharge : « Citoyens, en paraissant pour la première fois au milieu de vous, étonné de la place que vos bontés m’ont assignée, je me demande à moi-même quels sont mes titres pour l’occuper. Homme obscur, ignoré dans la république des lettres ; jeté, par cette force invisible qui maîtrise nos destinées, dans les agitations d’une vie errante et toujours malheureuse ; appelé, par un concours de circonstances extraordinaires, à des emplois redoutables, où le moment de la réflexion était sans cesse absorbé par la nécessité d’agir ; remplissant encore aujourd’hui des fonctions administratives, bien plus par l’amour de la justice et l’instinct du devoir que par la connaissance approfondie des principes sur lesquels nos grands maîtres ont établi l’art si difficile de l’administration publique ; demeuré, par une captivité longue et douloureuse, presque entièrement étranger aux nouveaux progrès que des savants recommandables ont fait faire à la science, mon premier devoir, Citoyens, est de faire ici l’aveu public de mon insuffisance, et de vous déclarer que tout ce que je puis offrir à cette Société respectable est l’hommage sincère, mais sans doute impuissant, de ma bonne volonté… » Et se voyant amené, par l’ordre des idées qu’il développait dans ce discours, à parler de la Révolution française, explosion et couronnement du xviiie  siècle, de « cette Révolution à jamais étonnante qui, déplaçant tout, renversant tout, après des essais pénibles, souvent infructueux, quelquefois opposés, avait fini par tout remettre à sa véritable place », il s’écriait, cette fois avec le plein sentiment de son sujet et avec une véritable éloquence : « La Révolution !

2235. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Plus simple, plus naturelle, elle aurait été plus près du véritable art, elle eût plus facilement rencontré les formes qui ne passent pas. […] Mêlant Montesquieu, Voltaire et Rousseau, il rêvait une république aimable, qui donnât du bien-être et du plaisir, qui développât le luxe et les arts.

2236. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Ce que le moraliste ou le prédicateur a voilé par des scrupules d’art ou par respect pour la chaire, Buffon le montre dans sa nudité, et l’effet que ceux-ci veulent produire par la violence de leur dégoût, il le produit sans effort par la fidélité de son pinceau. […] Quand Buffon prescrit à l’écrivain de conduire sa plume sur un premier trait, et de l’y laisser immobile et comme enchaînée, jusqu’à ce que la logique lui ait montré le trait où elle doit se porter ensuite ; puis, ce nouveau pas fait, de l’arrêter encore, et ainsi jusqu’à la fin de l’œuvre, on dirait un mathématicien enseignant l’art de résoudre un problème.

2237. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

En 1892, le procès de Ravachol, à Paris, montre, par les discussions de presse, que la majorité des intellectuels est sinon acquise, du moins sympathique à la doctrine anarchiste et l’effet s’en produit par l’ouverture en 1893, du Théâtre d’art social où les militants du parti se donnent rendez-vous pêle-mêle avec les écrivains nouveaux. […] Les symbolistes (je parle de l’élite) faisaient fi des procédés jusque-là en usage dans l’Art de parvenir.

2238. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ainsi encore Taine, poursuivant la « philosophie de l’art » en différents pays, n’a garde d’oublier que les habitants y furent et y sont toujours façonnés par les mille influences de la terre, de l’eau, de l’air ambiants. […] On n’a jamais tant décrit et chanté les Alpes que depuis le moment où l’art des ingénieurs y a tracé des routes praticables, facilité l’accès des sommets et des gorges, où aussi les habitants des plaines, fatigués du spectacle uniforme de la campagne fertile et bien soignée, ont éprouvé le besoin d’un contraste violent et de nouveaux aspects.

2239. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Si vous ôtez le loisir, a dit Ovide, vous supprimez tout l’art de l’amour ; et moi j’ajoute : vous supprimez tous les amours délicats et les nobles goûts. […] Au milieu de tous ces noms, dont quelques-uns des plus doctes et appartenant à l’Académie des inscriptions, mais dont aucuns ne sont des noms en us, on rencontre avec plaisir deux femmes, l’une que le génie de l’art a douée en naissant, et qui, entre mille grâces naturelles, a celle du crayon et du pinceau ; l’autre qui vient de montrer qu’elle n’a qu’à vouloir, pour mettre une plume nette et fine au service de l’esprit le plus délicat.

2240. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Ce jeune homme, que la nature destinait aux études brillantes et littéraires et à l’art de la parole, se ressentira toujours, même sous sa forme grave, de ce peu de discipline première. […] On peut deviner toutefois combien son goût était purement de diction et surtout négatif, quand on sait qu’il déconseillait à Boileau son Art poétique, et à La Fontaine ses Fables, comme ne comportant par les ornements de la poésie.

2241. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

., tout excellents qu’ils sont dans leur genre, ne seront jamais mis par moi au même rang que la scène d’Horace et de Curiace, ou que les pièces inimitables de Racine, ou que le parfait Art poétique de Boileau, ou que Le Misanthrope ou le Tartuffe de Molière. Voltaire peut-être a raison, et pourtant la postérité, qui n’a pas à opter entre ces chefs-d’œuvre divers ni à se décider pour l’un au détriment des autres, la postérité, qui n’est pas homme de lettres, ne se pose point la question de la sorte ; elle ne recherche pas ce qui est plus ou moins difficile ou élevé comme art, comme composition ; elle oublie les genres, elle ne voit plus que le trésor moral de sagesse, de vérité humaine, d’observation éternelle qui lui est transmis sous une forme si parlante et si vive.

2242. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

L’art était une mission, l’artiste un révélateur. […] Ainsi les alchimistes du moyen âge ne découvraient pas la pierre philosophale qu’ils cherchaient ; mais dans les combinaisons fortuites de leur art se rencontraient des substances utiles qui entraient dans le commerce, et rendaient plus de services utiles à la société que n’eût fait le succès de leur téméraire espérance.

2243. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Vous voyez que l’analyse consiste dans la multiplication des faits, et que la multiplication des faits a pour moyens indispensables le pouvoir et l’art de remplacer les instruments observateurs ou de modifier les objets observés. […] Art, littérature, philosophie, religion, famille, société, gouvernement, tout établissement ou événement extérieur nécessite et dévoile un ensemble d’habitudes et d’événements intérieurs.

2244. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Il y a même dans ce volume quelques cris trop déchirants pour être confiés à l’art et qui font mal à entendre ; mais l’auteur qui, tout en les laissant échapper par moments, sait qu’il ne faut pas tout dire, et qu’il y a la pudeur de la muse et celle de la femme, a d’ordinaire exhalé ses émotions et ses larmes par un détour et à travers un léger voile qui les laisse arriver sincères encore, mais non pas trop amères ni dévorantes.

2245. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

L’art d’un roi qui, sans être supérieur, eût été pratique et prudent, c’eût été de pourvoir au plus tôt, de porter remède à cette fièvre soudaine, à cette chaleur de réforme qui avait saisi à la fois toute la nation, moins les classes privilégiées, et qui gagnait, jusque dans ces classes privilégiées, bien des têtes ardentes et généreuses ; c’eût été de donner à cet enthousiasme le temps et les moyens de se calmer ; c’eût été, par des réformes partielles vigoureusement suivies, de donner satisfaction à des intérêts justes et, par là, de décomposer petit à petit ce nuage gros d’illusions, qui renfermait des tonnerres.

2246. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Mais, moins souple, moins complet que Scott, il n’a pu comme lui, au milieu de tant de préoccupations, mener de front, et presque en se jouant, une intrigue à la fois compliquée et facile, en mêler et en débrouiller les fils, les quitter et les reprendre tour à tour, et enchâsser avec art dans leur étroit tissu ses brillants hors-d’œuvre.

2247. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Cette modération-là est en train de devenir, par ce temps de modes outrancières, de cabotinage et de snobisme — en littérature, en art et, dit-on, en politique — quelque chose de rare et d’original ; j’ajoute de méritoire : car les idées extrêmes, plus frappantes, plus faciles à développer, ont bien meilleur air aux yeux des ignorants et sont généralement d’un profit plus immédiat pour ceux qui les professent.

2248. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Remy de Gourmont Comme littérature, Axël est le grand œuvre de Villiers, d’une radieuse gloire verbale, d’une richesse d’art plus éblouissante que toutes les pierreries qui ruissellent dans les cryptes du burg d’Avërsperg.

2249. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Dans le cours de son Livre, il a eu l’art d’insérer une infinité d’observations importantes sur la Physique expérimentale, d’y développer ce que la Métaphysique a de plus sublime, & la Morale de plus épuré.

2250. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

. — On se souvient des conseils donnés par Ronsard dans son Art poétique : « Tu practiqueras bien souvent les artisans de tous mestiers… »

2251. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Quelle gloire pour l’un & l’autre Philippe, en parlant de son fils, écrivoit au philosophe : « Je rends moins grace aux dieux de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie. » Paroles bien remarquables, ainsi que celles d’Alexandre, qui sont l’expression de la reconnoissance la plus vive : « Je dois le jour à mon père : mais, je dois à mon précepteur l’art de me conduire.

2252. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Joseph Scaliger, et Scioppius. » pp. 139-147

On y voit Jules représenté comme le plus grand guerrier de son siècle, parce que, dépourvu de fortune & de talent, il avoit fait, dans sa jeunesse, quelques campagnes en Italie, en qualité de simple soldat ; comme le plus habile médecin de l’Europe, parce qu’il avoit pris des dégrés dans la faculté de médecine de Padoue, & qu’il exerçoit cet art, moins pour guérir les autres, que pour s’empêcher de mourir de faim ; comme meilleur latiniste qu’Erasme, & supérieur en tout à Cardan, parce qu’il fut l’ennemi juré de l’un & de l’autre.

2253. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Je ne parle pas de celle qui dit son rosaire, qui fait de sa cour un couvent, et qui n’est pourtant pas une petite femme ; mais de celle qui donne des lois à son pays qui n’en avait point ; qui appelle autour d’elle les sciences et les arts, qui fonde les établissemens les plus utiles, qui a su se faire considérer dans toutes les cours de l’Europe, contenir les unes, dominer les autres, qui finira par amener le polonais fanatique à la tolérance ; qui aurait pu ouvrir la porte de son empire à cinquante mille polonais, et qui a mieux aimé avoir cinquante mille sujets en Pologne ; car vous le savez tout aussi bien que moi, mon ami, ces dissidens persécutés deviendront persécuteurs, lorsqu’ils seront les plus forts, et n’en seront pas moins alors protégés par les russes.

2254. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

audita visis laudamus libentius. cet apophtegme est encore plus veritable en parlant des hommes, qu’en parlant des ouvrages de l’art ou des merveilles de la nature.

2255. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Les génies qui demeurent ensevelis toute leur vie, je l’ai déja dit, sont des génies foibles ; ce sont de ces hommes qui n’auroient jamais songé à peindre ni à composer, si l’on ne leur avoit pas dit de travailler ; de ces hommes qui ne chercheroient jamais l’art d’eux-mêmes, mais ausquels il faut l’indiquer.

2256. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Puis, touchant avec son art délié la fibre du cœur, elle indiqua légèrement qu’il y avait eu lieu peut-être à des sentiments émus, que du moins elle aurait pu craindre, si cela s’était prolongé, un commencement de roman pour un cœur poétique, car sa nièce, alors toute jeune, était près d’elle. […] Il s’y vit initié chaque jour à la plus haute et la plus fine société, agréé sur le pied d’égalité par les plus beaux noms, et comme enveloppé dans les relations les plus flatteuses : en s’y pénétrant du ton aisé de la suprême courtoisie, il y prit sa première impression ineffaçable d’amour sérieux pour Rome, pour cette patrie des âmes blessées, éprises des seules grandeurs de l’art ou de l’histoire, et vouées à toutes les religions du passé. […] Mérimée eût été auprès de lui un représentant bien venu et bien choisi de l’esprit et de l’art nouveaux ; mais c’eût été un représentant tout individuel, lui offrant en soi une forme déjà parfaite, un moule exact aux arêtes vives, un profil de bronze, artiste à la fois charmant et sévère, osant beaucoup, disant peu, et s’abstenant volontiers, en tant qu’esprit, des échappées au dehors, des vues critiques conjecturales, des idées innombrables qui traversaient l’air en ce temps-là, et dont il n’était pourtant pas indifférent d’indiquer les traces. […] Vitet, l’homme de l’art, — des beaux-arts, — des premiers enthousiasmes pour le beau, des retours animés et des studieux élans vers le moyen âge roman et gothique, le passionné visiteur des cathédrales des bords du Rhin, eût été des mieux choisis ; mais je ne sais quoi d’un peu discret et d’un peu retenu dans le courant de l’entretien familier n’eût point valu peut-être, pour un commerce d’aussi courte durée, l’entrain, l’abandon et la rapidité d’Ampère. […] Ampère ne termine pas ce règne d’Auguste sans apostropher le vieil empereur et lui dire son fait à dix-huit cents ans de distance : « Non, je ne t’applaudis pas, s’écrie-t-il avec feu et comme prenant sa revanche, pour avoir trompé le monde, qui ne demandait qu’à l’être, et pour être parvenu, avec un art que la soif de la servitude rendait facile, à fonder, en conservant le simulacre de la liberté, un despotisme dont nous verrons se développer sous tes successeurs les inévitables conséquences.

2257. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Sa plume excellente et correcte, et de plus si faite pour les délicatesses, pour les finesses de l’art d’écrire, s’empêche par instants tout d’un coup, s’appesantit et s’attarde dans ces prescriptions méthodiques qui reviennent plus qu’il ne faudrait. […] L’art d’écrire est peut-être celui dont Robespierre eût le plus approché s’il l’eût cultivé davantage ; c’est le seul où il ait paru faire quelque progrès. […] On ne conçoit pas qu’un homme aussi laborieux que Daunou, et qui savait si bien que le style seul fait vivre, n’ait pas exécuté un tel projet une fois entrepris ; mais, sans parler du découragement qui s’empara de lui à un certain jour, il n’avait pas non plus le sentiment de l’art en grand, l’idée passionnée de l’œuvre, de l’œuvre individuelle et originale, du monument. […] Il s’y montra tout à fait à la hauteur de sa mission et parla comme le pouvait faire le premier élève politique et philosophique de Sieyès et de Condorcet, et plus littéraire que tous deux, plus maître en l’art d’écrire, véritable secrétaire-perpétuel et comme rédacteur testamentaire du xviiie  siècle finissant. […] Du moins, l’art d’écrire s’est appliqué à beaucoup de matières et à des sujets plus importants.

2258. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

et avec quel art l’action se trouve liée au fond du paysage ! […] La réponse est simple: c’est que les classes lettrées cherchent l’art et que les classes ignorantes ne cherchent et n’applaudissent que la nature. […] C’est qu’il avait oublié l’art, et écouté seul l’art des arts, c’est-à-dire la nature. […] Voilà le triomphe de l’art sur l’esprit.

2259. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Ils ont longtemps considéré l’art comme la plus haute des valeurs, qui devait être portée à un rang suprême, qui les plaçait eux-mêmes en dehors de la vie pratique. […] Elle n’enlève rien aux avantages considérables que présente ce respect généralisé de l’histoire et de l’art et dont bénéficient en ce cas les vestiges architecturaux. […] Les vieux manuscrits, les documents inédits ayant un caractère historique ou littéraire sont aussi dignes de protection que les objets d’art… Mais — au moins depuis la loi du 31 décembre 1913  ne sont-ils pas protégés ? […] Il tend à instituer une Caisse nationale des Lettres, des Sciences et des Arts et de donner aux écrivains un statut légal. […] 2° De subventionner les institutions créées en faveur des Lettres, des Sciences et des Arts, notamment des théâtres municipaux et des institutions d’éducation populaire.

2260. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

La liberté du mot propre n’a pas été une facilité offerte à la médiocrité : la tâche de l’écrivain n’en a pas été simplifiée, et l’art n’a pas été par-là mis à la portée de tous.

2261. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Le style, comme l’art, vit de sacrifices.

2262. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Delavigne… Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère ; le génie est inculte, violent, orageux ; il ne cherche qu’à se contenter lui-même et se soucie plus de l’avenir que du présent.

2263. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Cette poésie m’apparaît comme un jardin : mais ce n’est pas la solennité grandiose de Versailles ; ce n’est pas non plus le pittoresque vaste et théâtral de la savante Italie qui connaît si bien l’art d’édifier les jardins (ædificat hortos) ; pas même la Vallée des flûtes ou le Ténare de notre vieux Jean Paul.

2264. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

C’était, avec infiniment plus d’art, le digne pendant de la Jument morte qui valut une heure de célébrité au poète Poussin et dont toutes les brasseries du Quartier Latin retentirent durant quelques saisons.

2265. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La réforme prosodique » pp. 120-128

Nous avions la ressource d’en appeler à Verlaine, et de lui opposer son Art poétique.

2266. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VIII » pp. 70-76

Cet ouvrage fit dans l’art dramatique une révolution dont Molière a eu l’honneur, parce que ce fut son talent qui la signala avec éclat. « Avant Mélite, dit Corneille dans sa préface, on n’avait jamais vu que la comédie fit rire sans personnages ridicules, tels que les valets bouffons, les parasites, les capitans, les docteurs, etc.

2267. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

Ces mots, et une quantité d’autres, appartiennent moins à la langue française qu’à des langues particulières qui ne se haussent que fort rarement jusqu’à la littérature, et si on ne peut traiter certaines questions sans leur secours, on peut se passer de la plupart d’entre eux dans l’art essentiel, qui est la peinture idéale de la vie.

2268. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Malherbe, avec différens auteurs. » pp. 148-156

Poëte, il méprisoit son art, & traitoit la rime de puérilité.

2269. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre X. Suite du Prêtre. — La Sibylle. — Joad. — Parallèle de Virgile et de Racine. »

En parcourant les tableaux des vicissitudes humaines tracés par Racine, on croit errer dans les parcs abandonnés de Versailles : ils sont vastes et tristes ; mais, à travers leur solitude, on distingue la main régulière des arts, et les vestiges des grandeurs : Je ne vois que des tours que la cendre a couvertes, Un fleuve teint de sang, des campagnes désertes.

2270. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

On sait avec quel génie, dans l’oraison funèbre de la princesse Palatine, il est descendu, sans blesser la majesté de l’art oratoire, jusqu’à l’interprétation d’un songe, en même temps qu’il a déployé, dans ce discours, sa haute capacité pour les abstractions philosophiques.

2271. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre VI. Harmonies morales. — Dévotions populaires. »

Enfin, les vents, les pluies, les soleils, les saisons, les cultures, les arts, la naissance, l’enfance, l’hymen, la vieillesse, la mort, tout avait ses saints et ses images, et jamais peuple ne fut plus environné de divinités amies, que ne l’était le peuple chrétien.

2272. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Il est nécessaire que, de toute la force de notre jeunesse laborieuse, de toute la loyauté de notre conscience artistique, nous adoptions une tenue et une dignité en face d’une littérature sans noblesse, que nous protestions au nom d’ambitions saines et viriles, au nom de notre culte, de notre amour profond, de notre suprême respect pour l’Art.

2273. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre viii »

Il écrit, dans la dédicace de l’Étang de Berre (1915) : « Ce petit livre — dit — la ville et la province — épanouies — dans le royaume — pour les progrès — du genre humain » ; dans la préface de Quand les Français ne s’aimaient pas (1916), mettant en lumière « les services rendus à la beauté et à la vérité par les hommes de sang français », il spécifie que cela doit être considéré « sans perdre un seul instant de vue que la raison et l’art ont pour objet l’universel ».

2274. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

D’abord, il dispose ses tableaux, il en prépare les plans, puis, tout à coup, il les éclaire par une citation, avec un art semblable à celui des grands peintres qui jettent sur leur composition un rayon de lumière pour en relever les effets. […] Enfin, quoique dévoré d’ambition, il ignora toute sa vie l’art de composer avec sa conscience pour arriver à la fortune, et celui de s’avilir pour arriver au pouvoir. […] Aucun art humain ne pourrait anéantir la plus petite particule de matière ; et ce qui fut raisonnable, sensible, aimant, vertueux, religieux aurait péri, lorsque les éléments dont il était revêtu sont indestructibles ! […] Croyez-vous que cette même puissance, qui avait revêtu cette âme si noble d’une forme si belle, où vous sentiez un art divin, n’aurait pu la tirer des flots ? […] Son art est de sentir ; il peint, parce qu’il ne cherche pas à peindre.

2275. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

En correction il est de l’école de Boileau, et bien avant l’Art poétique. […] A un certain âge, tout l’art du bonheur, si cela méritait encore ce nom, serait de pouvoir s’isoler à point des hommes. […] Le gros du monde, même des gens d’esprit, est dupe des genres : il admire à outrance, dans un genre noble et d’avance autorisé, des qualités d’art et de talent infiniment moindres que celles qu’il laissera passer inaperçues dans de moyens genres non titrés.

2276. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

C’est vers elle que, dans le dépérissement des arts, la peinture s’est reportée. […] Ainsi préparé au beau style, il écrit en homme du monde, avec la correction et l’art d’un académicien ; il présente ses bêtes au public sans descendre à leur niveau ; il reste digne, il garde en tout le ton convenable ; il orne la science ; il veut qu’elle puisse entrer dans les salons ; il l’y amène en la couvrant de décorations oratoires. […] Otons-lui les pieds. » Or trouvez-moi Chose par les humains à sa fin mieux conduite Quel autre art de penser Aristote et sa suite Enseignent-ils, par votre foi ?

2277. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Le tambour de la coupole (la partie cylindrique) est percé de seize fenêtres ; c’est à travers ces fenêtres qu’en se promenant au Pincio on aperçoit quelquefois le soleil qui se couche. » XVI Depuis la base des piliers jusqu’à la cime de cinq cents pieds de la coupole, abîme de vide, les murailles élèvent avec elles jusqu’au faîte le miracle de tous les arts : chapelles, tombeaux, figures, peintures, mosaïques, balustrades de marbres précieux, symbole du crucifié, anges qui l’assistent sur la terre ou qui le reçoivent dans son éternité. […] Une porte basse y conduit ; l’on se trouve forcé de se courber et de grimper entre deux voûtes parallèles, l’une extérieure, l’autre intérieure, artifice de l’architecture que je n’ai pas compris, mais qui a été adopté comme une nécessité de l’art dans plusieurs autres voûtes à cathédrale, soit pour consolider la construction de ces dômes portant sur eux-mêmes, soit pour rectifier à l’œil du spectateur les lignes harmonieuses de leurs dômes aériens. […] De plus grands hommes dans tous les arts ne sont pas nés et ne renaîtront jamais : architectes, artistes, pontifes, poètes, tailleurs de marbre, peintres, sculpteurs, mosaïstes, ont été réunis en faisceau de foi, de puissance, de conception, de richesse, de génie, de volonté, d’inspiration, d’enthousiasme pour enfanter ce miracle !

2278. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Qui sait s’ils sont, autant qu’ils en ont l’air, en dehors de la littérature, et si j’ai le droit de les ignorer   Puis par un scrupule d’amour-propre, je veux faire comme Paul Bourget, qui se croirait perdu d’honneur si une seule manifestation d’art lui était restée incomprise  Enfin, par un scrupule de curiosité. […] Je trouve des « grils sculptés qu’alternent des couronnes » et « des éclairs distancés avec art », et de très nombreux vers comme celui-ci, qui unit d’une façon si choquante une expression scientifique et des mots de poète : L’atmosphère ambiante a des baisers de sœur. […] Il a un « art poétique » tout à fait subtil et mystérieux (qu’il a, je crois, trouvé sur le tard) : De la musique avant toute chose, Et pour cela préfère l’impair Plus vague et plus soluble dans l’air, Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

2279. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Parmi les habitués du théâtre Feydeau, que charmait sa tenue décente autant que son jeu naturel, ne s’est-il pas trouvé un homme du monde, un lettré, un rimeur versé dans l’art d’Ovide, lequel, frappé et peut-être ému des rares aptitudes poétiques de la jeune artiste, sut tout de suite les apprécier et offrir des conseils accueillis avec une gratitude ingénue ?  […] Lacaussade nous parle d’un rimeur « versé dans l’art d’Ovide », n’y eut-il pas, à cette époque, un certain Saint-Ange qui traduisit en vers les Métamorphoses ? […] L’art de mystifier suppose à mon avis, chez ceux qui s’y adonnent, une certaine dureté de cœur, un germe et un commencement de cruauté.

2280. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Les sujets étaient si bas et la bassesse en était étalée avec un si sombre parti pris, l’auteur s’excitait dans une vision si méprisante, si inventrice de platitudes et d’ordures, que je me suis demandé jadis si cette vision n’était point un jeu d’art maladif et que j’ai suspecté la vérité des ces minutieuses nausées. […] D’autant mieux qu’il a commencé par être un converti du plain-chant et de l’art du moyen âge, un converti par les sens. — Sa chasteté n’est peut-être qu’un moment singulier de son impureté, et son tragique catholicisme qu’un moment de sa curiosité de sentir. […] Son art est tel que ce « tableau de cour » ne détonne point dans cette naïve histoire d’un miracle rustique.

2281. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Quant aux réduits et aux cellules, qui sont aujourd’hui représentés par nos boudoirs, Boileau en a parlé deux fois ; la première dans L’Art poétique : Ne vous enivrez pas des éloges flatteurs Qu’un amas quelquefois de vains admirateurs Vous donne en ces réduits, prompts à crier : Merveille ! […] Mais comme c’est une vérité de l’art littéraire ou poétique observée par Voltaire, que ce qui fait rire au théâtre, ce sont les méprises des personnages, et que c’est une autre vérité recueillie par l’observation, que la méprise la plus risible et la plus ridicule consiste essentiellement dans la prétention manquée, il faut avoir plus d’esprit qu’il ne m’en appartient, pour reconnaître que Molière, ce grand maître de l’art dramatique, cet observateur profond, n’a exprimé ou sous-entendu ces vérités dans la préface des Précieuses que pour masquer un gros et plat mensonge sur ses intentions relativement à l’hôtel de Rambouillet.

2282. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Taine, après avoir flâné longtemps dans la philosophie, la critique littéraire et l’art, aborde maintenant l’histoire politique. […] Ici, la question de l’œuvre, la question de l’art, prend son importance. […] Ils en voulaient dans l’art et même dans le roman ; ils en voulaient dans Flaubert et dans Zola, — qui est à Flaubert ce qu’Hébert est à Robespierre !

2283. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

En matière de finances, de même que plus tard en artillerie et dans l’art des sièges, ne demandez pas à Rosny des inventions qui changent la science et la fassent avancer : il n’a pas de ces grandes vues générales, et souvent simples dans leur principe ; mais des inventions et des industries de détail, il en est plein ; il a toutes sortes d’expédients pour tirer parti des circonstances et pour rétablir les choses sur le meilleur pied et le plus solide. […] Ces procédés expéditifs contre les financiers et traitants, intermédiaires entre le roi et le peuple, n’étaient pas neufs, et ils furent souvent renouvelés depuis : Sully les appliqua en toute rigueur avec art et avec suite, et y tint la main tout le temps qu’il fut maître.

2284. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Si l’exercice même d’un seul bataillon ne vous transporte pas, si vous ne sentez pas la volonté de vous trouver partout, si vous y êtes distrait, si vous ne tremblez pas que la pluie n’empêche votre régiment de manœuvrer, donnez-y votre place à un jeune homme tel que je le veux : c’est celui qui sera fou de l’art des Maurice, et qui sera persuadé qu’il faut faire trois fois plus que son devoir pour le faire passablement. […] Le plus grand art pour plaire est de n’en pas avoir. » Tel il dut être, sinon dans le premier, du moins dès le second moment.

2285. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Froissart, l’historien littéraire de la chevalerie, s’amusera un jour à décrire ce choc des combats, ce luxe des couleurs, cet éclat éblouissant des casques et des hauberts au front des batailles : chez Joinville, ce n’est pas encore un jeu ni un art, ce n’est que l’éclair naturel et rapide du souvenir, le reflet retrouvé de cette heure d’allégresse et de soleil où l’on était jeune, brillant et victorieux. […] En un mot, il a eu tout le raffinement et tout l’art d’un grand poète blasé : il s’est donné le plaisir d’avoir deux Joinville à ses côtés, tout en faisant le Chateaubriand à son aise et avec un surcroît de verve et d’ivresse.

2286. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Il continua d’aimer l’Italie qui était selon son cœur, l’Italie des arts et sans la politique. […] Beyle n’y est plus cependant sur son terrain ; on l’y sent un peu novice sur cette terre gauloise ; quand il se met à parler antiquités ou art gothique, on s’aperçoit qu’il vient, l’année précédente, de faire un tour de France avec M. 

2287. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il y a dans ce grand homme plus de vers faibles qu’il n’y en a d’incorrects ; mais, malgré tout cela, nous savons vous et moi, que personne n’a jamais porté l’art de la parole à un plus haut point, ni donné plus de charme à la langue française. […] Voltaire n’était point jaloux ; il était passionné, injuste, et dans le cas présent il obéissait en aveugle à toutes ses antipathies de goût et d’humeur contre l’homme qui ne badinait jamais, qui tournait tout, non en raillerie, mais en amertume ; qui écrivait avec emphase, et dont l’élévation même devait lui sembler emphase ; qui déclamait en républicain contre les arts, les spectacles : « Souvenez-vous que ce malheureux petit Jean-Jacques, le transfuge, m’écrivit il y a un an : Vous corrompez ma république pour prix de l’asile qu’elle vous a donné.

2288. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Il n’a jamais mieux déployé que dans ces lettres cette indulgence supérieure, cette ouverture, cet art de la persuasion dont il se pique, « l’art de plaire et de dominer dans un entretien sérieux » ; on croit l’entendre.

2289. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Gardant toutes ses délicatesses de cœur, ses empreintes de nature champêtre et de paysage qu’il ravivait de temps en temps par des voyages rapides, Guérin, partagé désormais entre deux cultes, le dieu des cités et celui des déserts, était le mieux préparé à aborder l’art, à combiner et à oser une œuvre. […] Ces deux volumes qu’on donne aujourd’hui le feront vivre ; et par une juste compensation d’une destinée si cruellement tranchée, ce qui est épars, ce qui n’était écrit et noté que pour lui seul, ce qu’il n’a pas eu le temps de tresser et de transformer selon l’art, devient sa plus belle couronne, et qui ne se flétrira point, si je ne m’abuse 3.

2290. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Parmi ces lettres attribuées après coup à de grands hommes, et qui ne sont pas indignes d’eux par le talent et l’art, je n’ose compter les lettres fort nobles de Brutus à Cicéron ; elles méritent trop d’être vraies, et s’il y a moyen de continuer à les croire telles, tenons-nous-y. […] dès que j’eus entendu prononcer ce nom de magicienne qui m’avait toujours séduit, loin de songer à me précautionner contre Pamphile (l’hôtesse elle-même), je me sentis au contraire l’envie d’aller de ce pas la prier de m’initier à son art, quoi qu’il pût m’en coûter, et il me tardait de me jeter à corps perdu dans cet abîme.

2291. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

On a les noms de tous ces fils de famille que l’amour du plaisir et la passion de l’art associent dans une entreprise commune, assez brillante au début, mais tournant vite à la ruine. […] Moland nous dépeint au sortir de là, le Molière âgé de trente-six ans, rompu au métier, maître enfin de son art et avec la pleine conscience de son génie, est bien celui que nous connaissons et que tout Paris va applaudir : « Si l’apprentissage était rude, nous dit le judicieux critique, il était aussi merveilleusement propre à former l’auteur comique.

2292. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Je remplirais des colonnes, si je le voulais, de ces phrases du biographe de La Rochefoucauld qui font venir la chair de poule à quiconque a reçu les premiers éléments de l’art d’écrire. […] « La constance des sages n’est qu’un art avec lequel ils savent enfermer leur agitation dans leur cœur. » La générosité n’est que le désir de se donner le rôle où l’on se trouve le plus grand, le plus à sa gloire ; ou, comme il le dit avec sa subtilité profonde, « c’est un industrieux emploi du désintéressement pour aller plus tôt à un plus grand intérêt. » La magnanimité n’est qu’un trafic plus grand et plus hardi que les autres : « La magnanimité méprise tout, pour avoir tout. » Ou encore (et ceci, je le crois, est inédit en effet) : la magnanimité, c’est « le bon sens de l’orgueil et la voie la plus noble pour recevoir des louanges. » Les plus humbles vertus, après les grandes, y passent à leur tour ; pas une ne trouve grâce devant lui.

2293. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

» Dans toutes ces scènes qu’elle a commencé à nous décrire, à partir des Horizons prochains, et où la nature occupe le premier plan, mais où les humains ne sont pas oubliés ; dans toutes les courses et promenades qu’elle fait par monts et par vaux, en rayonnant tout à l’entour ; chez toutes ces bonnes gens qu’elle visite, vignerons, bûcherons, vachers, tuiliers et autres, tous les Jacques et les Jean-Pierre des environs, — et la mère Salomé la rebouteuse, — et Marguerite la désespérée, qui craint d’avoir commis le seul péché sans pardon, le péché contre le Saint-Esprit, — et une autre Marguerite, celle à Jean-Pierre, une Baucis sèche et fervente de quatre-vingt-sept ans, — dans toutes ces historiettes à conclusion édifiante, Mme de Gasparin a fait la Légende Dorée du protestantisme, légende très-modernisée, rehaussée et enluminée, à la mode du jour, de couleurs très-réelles, et présentée sous forme de mœurs populaires ; mais le protestantisme y est, il y revient bon gré, mal gré, il ne souffre jamais qu’on le perde de vue, et l’on pourrait intituler cet ensemble de volumes déjà si variés : le protestantisme dans la nature et dans l’art au xixe  siècle. […] À voir, cependant, chez elle l’emploi de ce patois si libre, si naïf, si coloré, je me suis rappelé une remarque du comte Jaubert, qui se trouve des mieux justifiées : « On peut soutenir sans paradoxe, dit-il dans la savante Introduction au Glossaire du centre de la France, que les patois déploient généralement un luxe de tropes à étonner Dumarsais lui-même, une originalité, une sorte de génie propre, capable non seulement d’intéresser, mais même d’offrir certaines ressources au grand art d’écrire. » Il y faut seulement, pour ce dernier point, du choix et de la sobriété.

2294. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Si le lecteur me reproche de ne pas l’aider dans cette appréciation, s’il me demande pourquoi je n’enlève pas le rideau pour découvrir le tableau, je répéterai la réponse du peintre Zeuxis à la même question qui lui fut faite, quand il exposa son chef-d’œuvre d’art imitatif : « Le tableau, c’est le rideau. » « Ce que nous lisons maintenant comme poésie et légende était jadis de l’histoire généralement acceptée, et la seule véritable histoire de leur passé que les premiers Grecs pussent concevoir ou goûter. Rien n’est caché derrière le rideau, qu’aucun art ne pourrait tirer.

2295. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Malgré tout l’art et la complaisance qu’y peuvent mettre en effet les plus élevés d’entre les vulgarisateurs, une difficulté réelle qu’impliquent ces notices sur des savants, écrites à l’usage des gens du monde, ne saurait être supprimée ni écartée ; ce point délicat et insurmontable, c’est que, pour celui qui n’a pas étudié la langue mathématique et fait les calculs, l’expression des principales découvertes demeure nécessairement obscure et comme une lettre close. […] Les horloges les plus communes et les plus grossières marquent les heures ; il n’y a que celles qui sont travaillées avec plus d’art qui marquent les minutes.

2296. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

J’ai profité de toutes les occasions pour lui donner une idée des arts, des lois et des coutumes ; je l’ai un peu tourmentée par mes questions depuis le règne de Henri IV. […] Il n’y a plus moyen d’ajouter un trait, de pousser à la perfection, à l’art, de composer sa Princesse de Clèves à souhait.

2297. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

De la pièce si agréable des Comédiens je veux pourtant relever ce personnage de Victor, type du jeune auteur dramatique tel que le rêvait le poëte, et à la faveur duquel il a exprimé, sur le but moral de l’art, sur le rôle du talent dans la retraite, quelques conseils et préceptes d’une justesse appropriée, dont il est demeuré observateur fidèle : Aimons les nouveautés en novateurs prudents… Que le littérateur se tienne dans sa sphère… Crains les salons bruyants, c’est l’écueil à ton âge ; Nous avons trop d’auteurs qui n’ont fait qu’un ouvrage… Et d’autres pareils. […] Casimir Delavigne aimait avant tout son art et le renom populaire qu’il s’y était fait.

2298. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Aux documents imprimés il joint les inédits ; aux chroniques, les actes, chartes, diplômes de toute sorte ; il interroge les œuvres de la littérature et de l’art ; une pièce de procédure ou un livre de dévotion révèlent la vie d’une époque, et mieux que les témoignages, si souvent falsifiés, des analystes et des historiographes. […] En réalité, son histoire est un chef-d’œuvre de l’art romantique.

2299. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

La ploutocratie d’un côté, l’art et la littérature de l’autre, ont rompu et brouillé ses frontières, et personne ne s’y reconnaît plus. […] Il faut voir avec quel art il conduit la séduction d’Edmée.

2300. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Plus tard, les progrès des arts et les découvertes des sciences naturelles amenèrent le style technique ; Thomas et d’autres imaginèrent de transporter les termes abstraits de la science dans la littérature et dans la poésie. […] Et, comme s’il y avait synchronisme pour la propagation des procédés de l’art dans le Monde Européen, ainsi que pour tout le reste, on voit à la fois ce style naître et se développer en France, en Angleterre, en Allemagne, et toujours sous la plume d’écrivains amoureux de la nature et profondément méditatifs.

2301. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Chez l’un comme chez l’autre, le didactisme tue l’art et la vie : il n’y a pas un seul être vivant ou harmonieux parmi tant de Rougon-Macquart, parmi tant de Cavrois-Héricourt. […] Selon sa coutume, le métier, cet horrible traître de tous les drames modernes, étrangle l’art lâchement avec des milliers de ficelles.

2302. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

On fera tout d’abord une remarque sur ce style demi rustique, demi vieilli, que l’auteur, dans tout ce roman, a employé et distribué avec beaucoup d’art et de bonheur : c’est que, pour vouloir être ici plus naturel que dans La Mare au diable, l’artificiel commence. […] Enfin, chacun aura ses préférences, mais il ne faut rien interdire en fait d’art à un talent qui est en plein cours, en plein torrent.

2303. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

nous ne sommes pas comme cela ; nous avons des livres ; les uns sont l’art de penser ; d’autres l’art de parler, d’écrire, de comparer, de juger, etc. » Mais si elle a l’air ici de flatter Walpole et d’épouser le goût de sa nation, elle ne le complimente pas toujours, et sait au besoin lui résister.

2304. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Là, pourtant, fut la souche première dont tout le reste est sorti ; la matière toute neuve dont, avec le temps et l’art, il forma sa gloire. […] Dans tous les arts, il s’agit bien moins, au début, de faire mieux que les autres, que de faire autrement, pourvu que cet autrement soit, non pas une prétention, mais un don de nature.

2305. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Je vais travailler pour ainsi dire dans la Chambre obscure ; il n’y faut point d’autre art que de suivre exactement les traits que je vois marqués. […] Les mots, en ce chef-d’œuvre de l’art, ont pris une magie nouvelle ; ce sont des mots pleins de lumière et d’harmonie.

2306. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Une autre raison très fine, très judicieuse, et qui va au fond du caractère, c’est que, dans ce long usage du parquet, d’Aguesseau, esprit étendu et lumineux, s’était accoutumé à ramasser, à examiner, à peser et à comparer en tout les raisons des deux parties, « à étaler, dit Saint-Simon, cette espèce de bilan devant les juges avec toutes les grâces et les fleurs de l’éloquence », et de plus, selon la recommandation voulue, « avec tant d’art et d’exactitude, qu’il ne fût rien oublié d’aucune part, et qu’aucun des nombreux auditeurs ne pût augurer de quel avis l’avocat général serait, avant qu’il eût commencé à conclure ». […] En littérature, à proprement parler, je le définirai un élève de Racine, de Boileau et de L’Art poétique, mais qui a gardé quelque façon complaisante de périphrase que Pascal qu’il admire tant ne lui aurait guère passée.

2307. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Le trait malin, proverbial, les alliances heureuses de noms et d’idées, la concision élégante, tout ce qui constitue le genre moral tempéré et en fait l’ornement, s’y trouve placé avec art, et il n’y manque vraiment qu’un souffle poétique moins sec et plus coloré, quand l’auteur tente de s’élever et de nous peindre, par exemple, le temple de l’Opinion promené dans les airs sur les nuages : c’est ici que l’on sent le défaut d’ailes et d’imagination véritable, l’absente de mollesse, de fraîcheur et de charme, comme dans toute la poésie de ce temps-là. […] Cet homme du monde, qui ne semblait qu’un spirituel épicurien, a montré qu’il savait se proposer l’élévation du but, et y diriger avec art tous ses moyens.

2308. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Le mérite et l’art de Mme des Ursins fut de savoir en si peu de temps tirer si bon parti des grâces et de l’affabilité de la reine, qu’elle la rendit réellement populaire parmi le vrai peuple du centre de l’Espagne, et ce fut miracle de voir les racines de cette royauté si nouvelle prendre si vite au cœur des vieux Castillans, qu’elle put résister ensuite pendant de rudes années à tous les orages. […] Je renvoie au tome IV de Saint-Simon ceux qui voudront admirer la présence d’esprit avec laquelle Mme des Ursins, ainsi rappelée à l’improviste et touchée de la foudre, ne se laissa déconcerter en rien, la tranquillité de sa démarche, l’art avec lequel elle ménagea sa retraite lentement, en bon ordre, ne lâchant le terrain que pied à pied, sans affecter pourtant de désobéir, et disposant dès lors ses mesures en cas de retour.

2309. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Sayous ne nous retrace pas avec moins de finesse et de vérité l’aspect naturel du pays en Savoie, ces frais paysages jetés dans un cadre grandiose, cette espèce d’irrégularité et de négligence domestique, et ce laisser-aller rural que peut voir avec regret l’économiste ou l’agronome, mais qui plaît au peintre et qui l’inspire insensiblement : « L’imagination, dit-il, est plus indulgente : elle sourit à ce spectacle qui a sa grâce, et l’artiste jouit en reconnaissant un instinct de l’art et comme un goût de nature dans ce confus arrangement qui semble avoir été abandonné au hasard. » Nous connaissions déjà, depuis les peintures de Jean-Jacques Rousseau, ce charme des vallons et des vergers de Savoie, si frais et si riants au pied des monts de neige ; mais, avant d’en venir à saint François de Sales, il était bon de nous le rappeler. […] Il est de ceux qui, en s’éveillant le matin et en se trouvant tout remplis de douceurs et d’allégresses singulières, pouvaient dire en toute vérité : « Je me sens un peu plus amoureux des âmes qu’à l’ordinaire. » Il commence son livre de l’Introduction comme en badinant, et compare la variété avec laquelle le Saint-Esprit dispose et nuance les enseignements de dévotion et les assortit à chacun, avec l’art qu’employait à faire ses guirlandes de fleurs la bouquetière Glycera.

2310. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

La plupart des histoires, en tant que vraies, vont sans aucun art, sans composition, sans dénouement. […] Voilà ce que la reine Marguerite, comme romancier et auteur de nouvelles, n’eut point l’art de deviner.

2311. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

5 décembre Devant le feu de la chambre d’en haut, qui sert de fumoir chez la princesse, après dîner, nous nous demandions, avec Berthelot, si la science pure, bellement abstraite, et contemptrice de l’industrialisme, n’est pas, comme l’art, le fait des sociétés aristocratiques. […] Je me promène aujourd’hui dans cette maison qui s’arrange, fait sa toilette, devient un nid d’art, et mon plaisir est tout triste, qu’il ne soit pas là, pour en jouir, pour lui aussi promener, dans ces pierres reluisant neuf, sa jolie gaîté d’autrefois.

2312. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Héritière, en ligne collatérale, de Louis XIV, et jalouse d’orner sa souveraineté nouvelle des séductions d’un art né d’elle et vivant d’elle, la bourgeoisie avait cru, jadis, trouver, dans M.  […] Mme Sarah Bernhardt, qui avait été en désaccord avec Augier, à propos de l’Aventurière, s’est empressée elle-même de nous envoyer son tribut d’admiration à celui dont la mort est une si grande perte pour l’art dramatique.

2313. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Je puis être, par tempérament, peu sensible aux joies de l’art ; ce n’est pas une raison pour que je nie qu’il y ait des valeurs esthétiques. […] L’art tout entier est chose de luxe ; l’activité esthétique ne se subordonne à aucune fin utile ; elle se déploie pour le seul plaisir de se déployer.

2314. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce sont des pensées, des réflexions et des maximes sur la condition humaine, l’homme, la femme, la vie morale, le cœur, l’esprit, l’éducation, le temps présent, les arts et les lettres, l’aristocratie, la bourgeoisie, le peuple et la religion des contemporains. […] On reconnaîtrait le bas-bleu, — le bas-bleu savant, — qui ne tient pas à être artiste ; qui trouve qu’il y a mieux que l’art, c’est la pensée philosophique, et qui croit l’avoir au fond de son creux, comme on a une perle au fond d’une cruche.

2315. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Vu tout d’abord et embrassé d’un seul regard, ce spectacle, unique dans l’histoire, unique par le fait, et unique par l’art qui le reproduit et qui l’éternise, eût certainement arraché à la Critique le tribut d’admiration dû aux grandes choses et aux grandes œuvres, mais il n’aurait pas valu cette découverte graduée, qui est de la gloire en deux fois et cette impression sur laquelle on revient pour l’achever — pour l’approfondir ou l’étendre. […] L’auteur des Mémoires eu chercha laborieusement la raison avec cet art des inductions et des interprétations qu’il possédait mieux que personne et qui le rend un historien si séduisant, si éblouissant et si dangereux, et il la trouva, nous dit-il, dans l’opposition et l’influence de Mme de Maintenon, la vieille fée, — de Mme de Maintenon, sa seconde haine ; la seconde raison de la popularité actuelle de son livre, et pour nous la seconde tache de ces admirables et adorables Mémoires, que nous voudrions effacer.

2316. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Il faut que l’art et son but, qui est la beauté morale et sensible, soient la préoccupation première. […] Mais il avait désemmaillotté la Critique de ses bandelettes de momie ; il l’avait conçue et réalisée aussi vivante et aussi animée que l’Art !

2317. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Je regrette ces coiffures si bien appropriées aux visages différents des races différentes, d’un art si raffiné, d’une grâce si honnête, et qui avaient pour elles la beauté de l’étoffe, la ligne et la durée. […] Ils reconnaîtraient que ce qui fait le génie de la France s’agite, plus ou moins obscurément, dans toute la France ; que les paysans, les ouvriers, les bourgeois des moindres bourgs n’ont pas seulement un esprit qui leur est propre, mais un fond de qualités solides sans lesquelles un peuple ne survivrait pas à tant de causes de désagrégation, bon sens, courage, initiative, générosité, et le reste ; ils diraient ce monde merveilleux de travail qu’est notre patrie, et comment nulle race n’est peut-être mieux douée pour la diversité des métiers et des arts ; et quelles preuves d’endurance et de probité peuvent offrir les plus humbles existences.

2318. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Le petit chef-d’œuvre réunit le double caractère : art et vérité.

2319. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

Mais à voir comme des gens réputés d’esprit et même de goût y sont pris, je désespère de la finesse de l’art et je rentre plus que jamais dans ma coque pour n’en plus sortir.

2320. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XI » pp. 39-46

Tout ce qu’il y a de jeune dans le catholicisme en France, tout ce qui est arrivé là par l’imagination, par les idées absolues, par les systèmes, par la tête plutôt que par le cœur, par la mode, les disciples des cathédrales et de l’art chrétien, les convertis du Saint-Simonisme enclins à la théocratie, les hommes venus là au sortir du jacobinisme révolutionnaire ou même sans en sortir (et il y a un noyau dont le type est Buchez), tout cela forme une milice ardente, violente, ou même légère, qui parade dans les églises aux Semaines Saintes, qui guerroie dans les journaux, et qui essaye le tapage aux cours.

2321. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Voilà le cadre à la fois composé et vrai, où depuis qu’elle a laissé sa première manière d’élégie libre, pour se soucier de plus d’art, Mme Valmore nous semble réussir le mieux.

2322. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

En ce moment surtout, il semble que pour l’Europe entière les anciennes générations expirent dans la personne de leurs plus augustes représentants ; il se fait un renouvellement solennel ; les têtes sacrées des maîtres de l’intelligence et de l’art tombent de toutes parts moissonnées.

2323. (1874) Premiers lundis. Tome II « H. de Balzac. Études de mœurs au xixe  siècle. — La Femme supérieure, La Maison Nucingen, La Torpille. »

Après un parallèle détaillé entre lui et Walter Scott, à qui il dit qu’il ne se comparera pas ; après avoir opposé les chefs-d’œuvre de l’art italien à nos peintures et sculptures de pacotille, il ajoute : « Le marbre est si cher !

2324. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VI. De l’envie et de la vengeance. »

La France ne peut être sauvée que par ce moyen, et les partisans de la liberté, les amateurs des arts, les admirateurs du génie, les amis d’un beau ciel, d’une nature féconde, tout ce qui sait penser, tout ce qui a besoin de sentir, tout ce qui veut vivre, enfin, de la vie des idées, ou des sensations fortes, implore à grands cris le salut de cette France.

2325. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre V. Résumé. »

À leur tête, le roi, qui a fait la France en se dévouant à elle comme à sa chose propre, finit par user d’elle comme de sa chose propre ; l’argent public est son argent de poche, et des passions, des vanités, des faiblesses personnelles, des habitudes de luxe, des préoccupations de famille, des intrigues de maîtresse, des caprices d’épouse gouvernent un État de vingt-six millions d’hommes avec un arbitraire, une incurie, une prodigalité, une maladresse, un manque de suite qu’on excuserait à peine dans la conduite d’un domaine privé  Roi et privilégiés, ils n’excellent qu’en un point, le savoir-vivre, le bon goût, le bon ton, le talent de représenter et de recevoir, le don de causer avec grâce, finesse et gaieté, l’art de transformer la vie en une fête ingénieuse et brillante, comme si le monde était un salon d’oisifs délicats où il suffit d’être spirituel et aimable, tandis qu’il est un cirque où il faut être fort pour combattre, et un laboratoire où il faut travailler pour être utile  Par cette habitude, cette perfection et cet ascendant de la conversation polie, ils ont imprimé à l’esprit français la forme classique, qui, combinée avec le nouvel acquis scientifique, produit la philosophie du dix-huitième siècle, le discrédit de la tradition, la prétention de refondre toutes les institutions humaines d’après la raison seule, l’application des méthodes mathématiques à la politique et à la morale, le catéchisme des droits de l’homme, et tous les dogmes anarchiques et despotiques du Contrat social  Une fois que la chimère est née, ils la recueillent chez eux comme un passe-temps de salon ; ils jouent avec le monstre tout petit, encore innocent, enrubanné comme un mouton d’églogue ; ils n’imaginent pas qu’il puisse jamais devenir une bête enragée et formidable ; ils le nourrissent, ils le flattent, puis, de leur hôtel, ils le laissent descendre dans la rue  Là, chez une bourgeoisie que le gouvernement indispose en compromettant sa fortune, que les privilèges heurtent en comprimant ses ambitions, que l’inégalité blesse en froissant son amour-propre, la théorie révolutionnaire prend des accroissements rapides, une âpreté soudaine, et, au bout de quelques années, se trouve la maîtresse incontestée de l’opinion  À ce moment et sur son appel, surgit un autre colosse, un monstre aux millions de têtes, une brute effarouchée et aveugle, tout un peuple pressuré, exaspéré et subitement déchaîné contre le gouvernement dont les exactions le dépouillent, contre les privilégiés dont les droits l’affament, sans que, dans ces campagnes désertées par leurs patrons naturels, il se rencontre une autorité survivante, sans que, dans ces provinces pliées à la centralisation mécanique, il reste un groupe indépendant, sans que, dans cette société désagrégée par le despotisme, il puisse se former des centres d’initiative et de résistance, sans que, dans cette haute classe désarmée par son humanité même, il se trouve un politique exempt d’illusion et capable d’action, sans que tant de bonnes volontés et de belles intelligences puissent se défendre contre les deux ennemis de toute liberté et de tout ordre, contre la contagion du rêve démocratique qui trouble les meilleures têtes et contre les irruptions de la brutalité populacière qui pervertit les meilleures lois.

2326. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

Si la mémoire ne fournit pas assez, si l’on veut étoffer les lieux communs qu’on a ramassés, on pratique l’art de délayer : on apprend à répéter en dix lignes ce qu’on a dit en deux, sans y ajouter l’ombre d’une idée ; et quelquefois on y acquiert une malheureuse facilité.

2327. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XI. De l’ignorance de la langue. — Nécessité d’étendre le vocabulaire dont on dispose. — Constructions insolites et néologismes »

La conclusion de tout ce que je viens de dire est que l’étude de la langue, du vocabulaire est une partie essentielle de l’art d’écrire.

2328. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

» « Les vierges sentent le lys. » Et voici une pensée religieuse : « La Théologie est une reine qui a les Arts pour chambellans et les Sciences pour dames d’atours. » Je vous jure que tout est de cette force, sauf une douzaine de pensées que j’ai mises à part et que je ne citerai pas, crainte d’aggraver l’état d’âme inquiétant que nous révèle la Préface   Cette préface est un morceau bien curieux.

2329. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Il me plaisait davantage de faire de longs séjours à Paris, dans cette capitale des sciences et des arts, où la vie est si douce et si noblement occupée, et où j’ai des amis excellents.

2330. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Maeterlinck, Maurice (1862-1949) »

Maeterlinck n’est pas un simple fantastique, et cet art n’est chez lui qu’une méthode, plus au juste une expression naturelle de son tempérament.

2331. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

. — Le Petit Art d’aimer (1897). — La Sculpture au Salon (1897). — Tristan de Lionois, 3 actes, 7 tableaux, en vers (1897). — Belles histoires d’amour (1898). — Les Contes de l’Archer (1898). — Histoires gauloises (1898). — Le Nu au Salon (1898). — La Sculpture aux Salons (1898). — Les Tendresses, poésies (1898).

2332. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

. — Réflexions sur l’art des vers (1892). — Les Solitudes (1894). — Œuvres de prose (1898). — Sonnet à Alfred de Vigny (1898). — Testament poétique (1901) OPINIONS.

2333. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

La comédie de l’art fut en décadence sur le théâtre des Fedeli.

2334. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Racine, en 1664, dans La Renommée aux muses, Boileau, en 1665, dans son Discours au roi, avaient porté l’art de louer au plus haut degré.

2335. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Ronsard, et Saint-Gelais. » pp. 120-129

Ce poëte, dit Despréaux : Règlant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode ; Et toutefois long-temps eut un heureux destin.

2336. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Cet ami ne balança point, & lui envoya pour réponse un rondeau qui finit par ces vers : De ces rondeaux un livre tout nouveau A bien des gens n’a pas eu l’art de plaire : Mais, quant à moi, j’en trouve tout fort beau, Papier, dorure, images, caractère, Hormis les vers qu’il falloit laisser faire A la Fontaine.

2337. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Mais ne pouvant profiter de la conversation d’un grand maître dans l’art des vers, il eut soin d’entretenir avec lui une correspondance.

2338. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

C’est avoir bien oublié la sage leçon que donne Monsieur Despreaux dans le troisiéme chant de son art poëtique, où il decide si judicieusement qu’il faut conserver à ses personnages leur caractere national.

2339. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Je conclus donc que les peintres et les poëtes qui tiennent leur vocation aux arts qu’ils professent du genie, et non pas de la necessité de subsister, trouveront toujours des sujets neufs dans la nature.

2340. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Les italiens qui nous rendent justice sans trop de répugnance quand il s’agit des arts et des talens, où ils ne se piquent pas d’exceller, disent que notre déclamation tragique leur donne une idée du chant ou de la déclamation théatrale des anciens que nous avons perduë.

2341. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Pourquoi la fleur de la littérature et des arts, lorsqu’elle se trouve desséchée et languissante, ne s’arroserait-elle pas un peu ?

2342. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paria Korigan » pp. 341-349

Ce livre, qui cache un art profond sous sa rude écorce, a eu son succès et ne l’a pas épuisé.

2343. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

Je tiens à honneur pour Cladel de lui signaler son origine, et je veux qu’aristocrate en art ce républicain en politique soit fier comme un paon d’avoir de tels aïeux !

2344. (1915) La philosophie française « II »

Bien rares, en France, sont les savants, les écrivains, les artistes et même les artisans qui s’absorbent dans la matérialité de ce qu’ils font, qui ne cherchent pas à extraire — fût-ce avec maladresse, fût-ce avec quelque naïveté — la philosophie de leur science, de leur art ou de leur métier.

2345. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Si, par sa nature même, l’art dramatique n’admet qu’une vérité approchée, le Théâtre-Libre a sûrement contribué à resserrer ces approches. […] Il est donc toute une partie de son art, et très importante, dont nous ne pouvons pas être juges lorsque nous entendons cette caressante Italienne. […] Et ainsi, il se peut que la Dame aux Camélias survive, non comme une pièce qui, en 1855, « renouvela » l’art dramatique, mais simplement comme une belle complainte. […] Michel Provins, Dégénérés, a d’abord ceci pour elle, qu’elle appartient, de toutes façons, à un art diamétralement opposé à celui de Frédégonde. […] Il ne le raille plus ; il a des égards prudents pour l’art d’après-demain.

2346. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Il se peut ; mais à ce compte il y a en art des forces étalées, abandonnées et nonchalantes. […] Cela fait quelque chose d’extraordinairement inégal, de bizarre aussi, parce que l’auteur a l’air de quelqu’un qui, tour à tour, pratique très savamment l’art du style et se moque volontairement de l’art du style. […] Mais, au point de vue de l’art psychologique, ce que je voudrais savoir, ce sont les raisons secrètes de ce premier demi-revirement. […] Elle est écrite soigneusement, non sans force, non sans un certain art des formules serrées et concises. […] Idées échangées sur l’art, sur la vie, sur la façon dont un jeune artiste un peu sauvage, mais très idéaliste, comme est le jeune Jacques, comprend la vie.

2347. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

S’il veut que Louis XI ait été un prince plus lettré qu’on ne l’a dit, ce n’est pas qu’il attribue aux lettres plus d’influence qu’il ne faut sur l’art de gouverner. […] La politique n’est que l’art de mener les hommes, et cet art dépend de l’idée qu’on se fait d’eux. […] Et au nombre des causes de ces mystérieuses vicissitudes, Naudé ne craint pas de mettre « la grande bonté et providence de Dieu, lequel, soigneux de toutes les parties de l’univers, départit ainsi le don des arts et des sciences, aussi bien que l’excellence des armes et établissement des empires, ou en Asie, ou en Europe, permettant la vertu et le vice, vaillance et lâcheté, sobriété et délices, savoir et ignorance, aller de pays en pays, et honorant ou diffamant les peuples en diverses saisons ; afin que chacun ait, part à son tour au bonheur et malheur, et qu’aucun ne s’enorgueillisse par une trop longue suite de grandeurs et prospérités. » C’est là une belle page et digne de Montaigne.

2348. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

oui ; dans l’art ? […] L’art appartient à l’artiste et non au copiste. […] Je me bornai à une flèche, comme l’instrument le plus important et travaillé avec le plus d’art ; je l’achetai dans une fabrique de Bruxelles pour un franc, et avec un dessin, ce fut le seul butin que je rapportai dans mon pays22. […] Les jeunes poètes qui se montrent maintenant en foule ne sont pas de vrais talents ; ce ne sont que des impuissants à qui la perfection de la littérature allemande a donné l’envie de créer. — Que les Français quittent le pédantisme et s’élèvent dans la poésie à un art libre, il n’y a rien d’étonnant.

2349. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Rousseau l’établi de l’horloger, pour étendre et pour polir leur intelligence, et pour apprendre la langue du pays des idées, du beau, des arts, avant de parler, d’écrire ou de chanter pour l’univers pensant. […] Ce talent, quand on l’analyse à froid aujourd’hui, se compose surtout de trois choses : L’art de la composition ; La finesse du style ; La vibration du cœur sous le mot. […] Les regards très exercés comme les nôtres aux ouvrages d’art s’aperçoivent seuls de ces limures assidues du doigt de Béranger sur ses vers. […] Les typographes sont par leur art une sorte de noviciat de la littérature ; ils sont par leur métier les premiers confidents de l’idée : on pourrait les appeler les secrétaires intimes de leur siècle.

2350. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Dès que Rosny est dans le quartier qui lui est assigné, il s’y fortifie, fait pratiquer des terrassements et retranchements, mettant lui-même la main à la pioche, et appliquant avec art toutes sortes de ressources et d’inventions, sans compter sa valeur ardente et impétueuse les jours de combat. […] Rosny fut toujours d’humeur assez difficile et assez ombrageuse ; mais sa prudence précoce eut pourtant de la jeunesse ; il eut ses heures de bonne grâce, ses conversations avec les dames, son art de les entretenir et de les faire parler.

2351. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

Roederer, dans sa Chronique des cinquante jours, a fait ce qu’il y a de mieux à défaut du burin vengeur : il a raconté le vrai, jour par jour, par ordre chronologique, « sans art, sans arrangement, sans ambition d’effet oratoire, logique, dramatique, romantique ». […] Jamais il n’abjura le fonds d’idées de 1789 ni la conquête de certains résultats civils, politiques, auxquels sa raison ne pouvait renoncer ; il continua d’être le citoyen résolu d’une société sans privilèges : mais il devint plus méfiant dans sa poursuite du mieux ; sa logique, inflexible apprit à connaître les obstacles, les limites ; il ne fit plus abstraction de la nature et des passions des hommes dans cet art social qui s’applique avant tout aux hommes mêmes, qui opère sur eux et par eux.

2352. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

En Allemande des bords du Necker et du Rhin, Élisabeth-Charlotte aimait les sites pittoresques, les courses dans les forêts, la nature livrée à elle-même, et aussi des coins bourgeois et plantureux au milieu de l’encadrement sauvage : J’aime mieux voir des arbres et des prairies que les plus beaux palais ; j’aime mieux un jardin potager que des jardins ornés de statues et de jets d’eau ; un ruisseau me plaît davantage que de somptueuses cascades ; en un mot, tout ce qui est naturel est infiniment plus de mon goût que les œuvres de l’art et de la magnificence : elles ne plaisent qu’au premier aspect, et aussitôt qu’on y est habitué, elles inspirent la fatigue et on ne s’en soucie plus. […] Elle tombe à ce sujet dans tout ce que peuvent imaginer aux jours de folie les plus grossières crédulités populaires : elle voit en Mme de Maintenon, même après la mort de Louis XIV et depuis qu’elle est ensevelie à Saint-Cyr, tantôt une accapareuse de blé, tantôt une empoisonneuse, experte dans l’art des Brinvilliers, une Gorgone, une incendiaire qui fait mettre le feu au château de Lunéville.

2353. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru, d’ailleurs, était déjà connu à Paris comme traducteur d’Horace, des Odes, des Épîtres et de l’Art poétique, publiés l’année précédente (1798)93. Dans l’espèce de pompe triomphale qui fut célébrée à Paris, lorsqu’on y reçut les trophées des arts venus d’Italie, les immortelles statues d’Apollon et de Vénus arrachées du Vatican ou de Florence, on avait chanté le Poème séculaire d’Horace : Ce fut un antique de plus dans cette cérémonie, et malgré l’infériorité de la traduction, a dit M. 

2354. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement ! […] Nous en resterons donc, pour sa disposition d’esprit en cette heure pour lui si sérieuse, sur cet unique témoignage, cette lettre adressée à Thieriot qui se trouve dans la correspondance générale, et où se lisent ces nobles paroles : Je suis encore très incertain si je me retirerai à Londres : je sais que c’est un pays où les arts sont tous honorés et récompensés, où il y a de la différence entre les conditions, mais point d’autre entre les hommes que celle du mérite.

2355. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Vous qui êtes de la famille et de la religion de Platon, souvenez-vous donc aussi de l’art de Platon. […] Tel nous apparaît Maine de Biran dans ce volume, au point de départ ; quinze et vingt ans après, et par le seul mouvement continu de sa pensée, il en était venu à déplacer totalement son point de vue, à le porter, en quelque sorte, de la circonférence au centre, à tout rendre (et même au-delà) à la force intime et à la volonté : L’art de vivre, écrivait-il en 1816, consisterait à affaiblir sans cesse l’empire ou l’influence des impressions spontanées par lesquelles nous sommes immédiatement heureux ou malheureux, à n’en rien attendre, et à placer nos jouissances dans l’exercice des facultés qui dépendent de nous, ou dans les résultats de cet exercice.

2356. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

Cela s’imprimait en 1675 sous le règne de l’Art poétique de Boileau. […] — Marolles vérifie, à la lettre, ce qu’Horace a dit, à la fin de son Art poétique, et que des critiques, gens de goût, ont trouvé un peu, exagéré : Ut mala quem scabies, aut morbus regius urget, Aut fanaticus error et iracunda Diana, Vesanum tetigisse timent fugiuntque poetam Qui sapiunt… Il en est le vivant commentaire, avec cette seule différence qu’il n’est pas un fou furieux qui poursuit de ses vers les passants dans la rue, mais un fou débile, atteint d’une des variétés du delirium senile, opiniâtre de politesse, qui désole et afflige les gens de ses envois et cadeaux à domicile.

2357. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Voulant étudier l’ancien régime et y pénétrer jusqu’au cœur pendant les deux siècles qui ont précédé la Révolution française, un homme éminent et regrettable à tant de titres, M. de Tocqueville disait : « Pour y parvenir, je n’ai pas seulement relu les livres célèbres que le xviiie  siècle a produits ; j’ai voulu étudier beaucoup d’ouvrages moins connus et moins dignes de l’être, mais qui, composés avec peu d’art, trahissent encore mieux peut-être les vrais instincts du temps. » Le Journal de d’Argenson est un de ces ouvrages que devait rechercher M. de Tocqueville ; l’art y est aussi absent qu’on peut le désirer, l’instinct y respire.

2358. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Simond, l’auteur du Voyage en Italie, nous a présenté également Fabre sous cet aspect, — un connaisseur dans les arts qui dit des choses singulières, surprenantes au premier abord, et qui se trouvent vraies. […] Je ne suis pas de ceux qui veulent à tout prix des mensonges, ni qu’on leur crée des existences fabuleuses et plus belles qu’elles ne l’ont été de leur temps ; mais quand je rencontre quelque part, dans un passé encore voisin de nous et si aisé à vérifier, de ces vies paisibles, ornées, décorées de grâce et de courtoisie, et jalouses d’en répandre le reflet autour d’elles ; quand, au milieu de cet envahissement comme forcené d’ambition, d’activité et d’industrie qui nous pousse et nous déborde en tout genre, je découvre, en me retournant, une île enviable et fortunée, une oasis d’art, de littérature, d’affection et de poésie, je demande qu’on n’en diminue pas le tableau à mes yeux sans de bonnes et fortes raisons, et que ceux qui sont dignes d’apprécier ce cercle heureux et de le peindre nous le rendent, ainsi que la noble figure qui y préside, avec tout le charme qui s’y attachait réellement, et dans un miroir non terni, dans une glace pure, unie et fidèle.

2359. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

il y a plus d’une manière de l’entendre ; mais ici, au sens de Jomini, le feu sacré, c’est la science et l’amour du bel art : montrer ce qu’on peut et ce qu’on vaut par une application des principes de la grande guerre. […] Cet art des grandes combinaisons, qui avait fait tant de fois son triomphe, ne trouvait plus ici à quoi se prendre et s’évanouissait.

2360. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Parfois l’amant qui survit (car c’est d’amour que, se composent nécessairement ces trésors cachés), l’amant qui survit se consacre à un souvenir fidèle, et s’essaie dans les pleurs, par un retour circonstancié, ou en s’aidant de l’harmonie de l’art, à transmettre ce souvenir, à l’éterniser. […] S’il nous fallait pourtant nous prononcer, nous dirions qu’à part la forme idéale, harmonieuse, unique, où un art divin s’emparant d’un sentiment humain le transporte, l’élève sans le briser, et le peint en quelque sorte dans les cieux, comme Raphaël peignait au Vatican, comme Lamartine a fait pour Elvire, à part ce cas incomparable et glorieux, toutes les formes intermédiaires nuisent plus ou moins, selon qu’elles s’éloignent du pur et naïf détail des choses éprouvées.

2361. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Sa vie déborde, elle se compare à un lion en cage : elle devait naître femme spartiate ou romaine, ou du moins homme français ; osons citer son vœu réalisé depuis par des héroïnes célèbres : « Viens donc à Paris, écrit-elle à la douce et pieuse Sophie ; rien ne vaut ce séjour où les sciences, les arts, les grands hommes, les ressources de toute espèce pour l’esprit, se réunissent à l’envi. […] Il ne me surprend pas que Christine ait quitté le trône pour vivre paisiblement occupée des sciences et des arts qu’elle aimait… Pourtant, si j’étais reine, je sacrifierais mes goûts au devoir de rendre mes sujets heureux… Oui, mais quel sacrifice !

2362. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Son originalité consiste précisément à avoir voulu relever et enfermer sous forme d’art sévère et de fantaisie exquise ces filets de vin clairet, qui avaient toujours jusque-là coulé au hasard et comme par les fentes du tonneau. […] Son rôle eût été, si ses vers avaient su se rassembler et se publier alors, de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis ou grotesques sujets du Moyen-Age finissant, de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, comme les Suisses en trouvèrent à Morat dans le butin de Charles le Téméraire165.

2363. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Des citoyens laborieux, secondés par des chances particulières, trouvèrent les premiers rudiments des arts, et la reconnaissance des peuples les plaça au rang des divinités. […] Les passions des hommes se multipliant avec les arts sociaux, chacun déifia sa faiblesse, ses vertus ou ses vices : le voluptueux sacrifia à Vénus, le philosophe à Minerve, le tyran aux déités infernales.

2364. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Cette base commune de toutes les œuvres belles et vraies, cette flamme divine, ce souffle indéfinissable qui inspire la science, la littérature et l’art, nous l’avons trouvé en vous, Monsieur ; c’est le génie. […] Que vous êtes heureux, Monsieur, de toucher ainsi, par votre art, aux sources mêmes de la vie !

2365. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

L’homme, non plus seulement ajouté à la nature, comme Bacon définissait l’art, mais l’absorbant et l’incorporant, dramatisant ses phénomènes et substituant ses actions à ses forces ; toute la mythologie hellénique est là. […] Elle fondait la Cité, inaugurait le Théâtre, inventait l’art, la science, la philosophie, l’éloquence : la fraîche aurore de son génie éclairait le monde.

2366. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Dumas a mis un art infini à gazer cet étrange récit ; mais sa nudité paraît à travers, elle a ému justement la salle. […] L’art raffiné de cette comédie est, nous l’avons dit, de se corriger elle-même lorsqu’elle va trop loin, par un mot vif et cinglant qui l’arrête net, au bord du péril.

2367. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Son grand art en société, un des secrets de son succès, c’était de sentir l’esprit des autres, de le faire valoir, et de sembler oublier le sien. […] Elle poussait cette disposition jusqu’à l’art : « Ah !

2368. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il explique plus qu’il ne peint, mais une pénétration ingénieuse éclaire tous ses récits : et dans l’art si difficile de l’histoire, l’étendue et la précision des recherches, l’intelligence exacte des grandes choses, et le talent d’écrire soutenu dans un long ouvrage, sont des qualités rares, dignes d’un succès durable. […] Là où il était le mieux à rencontrer et à entendre, le plus à son avantage peut-être, c’était au Cercle des Arts, son lieu d’habitude, où il venait tard et où il se plaisait assez à parler quand un petit nombre de gens d’esprit l’environnaient.

2369. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Et quand je pouvais laisser les arts et les lettres dans leur patrie, car je les y avais fait renaître, je ne l’ai pourtant pas fait. […] Grimm, dans une page écrite en 1762, et où il fait de Rousseau un portrait aussi neuf que vrai, le montre dans sa première forme, tel qu’il l’avait connu avant la célébrité, et puis au moment de sa transformation subite qu’opéra le succès de son discours à l’Académie de Dijon : Jusque-là, dit-il, il avait été complimenteur, galant et recherché, d’un commerce même mielleux et fatigant à force de tournures : tout à coup il prit le manteau de cynique, et, n’ayant point de naturel dans le caractère, il se livra à l’autre excès ; mais, en lançant ses sarcasmes, il savait toujours faire des exceptions en faveur de ceux avec lesquels il vivait, et il garda, avec son ton brusque et cynique, beaucoup de ce raffinement et de cet art de faire des compliments recherchés, surtout dans son commerce avec les femmes.

2370. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Mais lui, il n’est pas de cet avis : « Les facultés de l’esprit qui doivent former le génie de l’administrateur, pense-t-il, sont tellement étendues et diversifiées, qu’elles semblent pour ainsi dire hors de la domination de la langue. » En parcourant toutes les qualités qu’il jugeait nécessaire à l’administrateur des finances, il n’en négligeait aucune de celles qu’il croyait posséder lui-même, et il n’avait garde d’omettre « ce tact aussi fin que rapide ; ce talent de connaître les hommes, et de les distinguer par des nuances fugitives, plus subtiles que l’expression ; cet art de surprendre leur caractère lorsqu’ils parlent et lorsqu’ils écoutent… ». […] Là où l’opinion supprimait l’étiquette et affectait déjà de dire qu’il n’y avait plus de rangs, le grand art et le comble de l’habileté était de les maintenir et de les observer par une gradation de manières presque imperceptible : c’est ce que M. 

2371. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Âme saine et vaillamment religieuse, elle cherche à exercer une influence meilleure que celle de l’art qui ne vise, lui, qu’à la beauté et à l’émotion, et cette influence, elle l’exerce, tout en produisant bien souvent l’émotion qu’elle ne cherche pas et en réalisant la beauté ! Il y a, en effet, l’une et l’autre, comme l’art les veut et les réalise dans ces histoires des Trois Roses, de la Tuilerie, des Sources, de Marietta, etc., — des Trois Roses surtout, le chef-d’œuvre du livre, dans cette variété de mourantes ; ces trois fleurs, d’un blanc si différent dans le lumineux et qui ne se fanent point pour mourir !

2372. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

Je commence à croire qu’on a tort ; il est de ces natures qui n’auraient jamais poussé très-loin en élévation et en art sérieux ; en se dissipant comme follement sur la plus large surface, il a l’air de perdre des facultés qu’il ne fait après tout qu’employer et produire dans tous les sens, et il y gagne encore de faire croire à un mieux possible qu’il ne lui eût été donné dans aucun cas de réaliser20.

2373. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

C'est une singulière organisation que celle de ce brillant et facile talent, et après l’avoir entendu nous-même, en ses beaux jours, et à écouter ceux qui l’ont pu mieux connaître, nous oserions dire : Villemain n’aime et ne sent directement ni la religion, ni la philosophie, ni la poésie, ni les arts, ni la nature.

2374. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIV. De la plaisanterie anglaise » pp. 296-306

Dans tous les pays, un écrivain capable de concevoir beaucoup d’idées, est certain d’arriver à l’art de les opposer entre elles d’une manière piquante.

2375. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

Dans l’organisation que la France s’est faite au commencement du siècle, toutes les lignes générales de son histoire contemporaine étaient tracées, révolutions politiques, utopies sociales, divisions des classes, rôle de l’Église, conduite de la noblesse, de la bourgeoisie et du peuple, développement, direction ou déviation de la philosophie, des lettres et des arts.

2376. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Mais l’homme qui écrit par besoin, pour défendre ce qu’il croit ou ce qu’il aime, pour réaliser un idéal d’art, ou même pour satisfaire son ambition, son égoïsme ou ses vices, ne songe qu’à parler juste, et qu’à trouver les mots qui rendent sa pensée et l’approchent de son but : celui-là est aussi éloigné de concerter ses figures que l’homme du peuple, qui, en jurant, ne pense guère à faire une imprécation.

2377. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

A une époque où le génie français s’épanchait avec une magnifique intempérance, au temps de la poésie romantique, au temps des romans débordés, Mérimée, comme Stendhal (mais avec plus de souci de l’art), restait sobre et mesuré, gardait tout le meilleur de la forme classique  en y enfermant tout le plus neuf de l’âme et de la philosophie de notre siècle.

2378. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Et ils la subissent sans se plaindre — quelquefois avec entrain — pour l’amour de l’art !

2379. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il ignora également les « transpositions d’art » des Goncourt, ces rapins malades, et la trépidation nerveuse d’Alphonse Daudet.

2380. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Nous préférons clore cette déjà longue notice par quelques scrupuleuses indications bibliographiques, rappelant la collaboration de Gustave Kahn à la Jeune Belgique, au Décadent, à la Basoche, à la Gazette anecdotique, au Paris littéraire, à la Vie moderne, au Réveil de Gand, à la Société nouvelle, à la Revue encyclopédique, au Monde moderne, à la Revue de Paris, à la Nouvelle Revue, au Livre d’Art, à l’Épreuve, au Supplément du Pan, au Mercure de France, au Journal, à l’Événement, aux Droits de l’Homme, à la Presse, à l’Almanach des poètes (Mercure de France, 1896-1897), aux Hommes d’aujourd’hui, et à la Revue blanche où, indépendamment de différentes études consacrées à Rodenbach, Anatole France, Émile Zola, Arthur Rimbaud, etc., il signe depuis plusieurs années la chronique des poèmes.

2381. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Aujourd’hui, plus combinés, plus réfléchis, sous le masque de la décence, ils ont acquis l’art funeste de donner impunément un libre essor à leur perversité, de la rendre plus active, & d’en faire plus sûrement mouvoir les ressorts.

2382. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Ce système témoigne d’un art assez grand.

2383. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

Les effets (Synthèse des moyens) 1° Effet général exaltant, par : a) Richesse, éclat du style (l°)22 b) Imprévu de la syntaxe (2°) c) Imprévu des métaphores et leur clarté (5° c) d) Coloris violent des époques et des lieux ; (6° a, b, da′***) e) Simplicité des personnages (5° b, 6° da′ et b′) f) Humanitarisme et déisme optimiste (6° e d′) g) Exaltation du ton (4°) h) Saillie des objets par antithèse (3° b, 5° ab′, 6° d a′** et b′) 2° Grandiosité amplifiante, par : a) Procédés de répétition (3° a, 5° a a′) b) Absence de détaillement (5° a a′) c) Lointain des époques (6° d, 6° ee′) d) Clair-obscur des lieux (6° b c) e) Simplicité des personnages (6° d) ; f) Art général des développements ascendants g) Ton (4°) h) Sujets (6° e e′) 3° Mystère, par : a) Mots indéfinis (1°) b) Ellipses (2°) c) Tentative d’aperception immédiate, totale, peu claire (5° a a′) d) Lointain des époques (6° a) et des sujets (6° e e′) e) Vague métaphysique (6° e d′ et e′) f) Obscurité des lieux (6° b, c) g) Ton (4°) h) Prédilection générale pour les sujets et les situations où l’imagination n’est pas bornée par les faits, poétisme.

2384. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Car le roman de la Rose n’est qu’une imitation de l’art d’aimer : mais une imitation libre, & telle qu’on y trouve souvent un génie original.

2385. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Milton, et Saumaise. » pp. 253-264

Sans cette protectrice déclarée des lettres & des arts, le nom immortel de Milton n’eût pas été plus utile à sa fille, que ne l’est à leurs descendans celui de quelques-uns de nos premiers écrivains.

2386. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

On a comparé les talens de nos bons écrivains à celui de nos femmes, qui, sans être plus belles que les autres femmes de l’Europe, le paroissent davantage ; parce qu’elles se mettent mieux, qu’elles ont porté plus loin l’art de la parure & saisi plus surement les graces nobles, simples & naturelles.

2387. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Αἰετὸς paraît tenir à l’hébreu HAIT, s’élancer avec fureur, à moins qu’on ne le derive d’ATE, devin ; ATH, prodige : on retrouverait ainsi l’art de la divination dans une étymologie.

2388. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre VI. Suite des Moralistes. »

La pensée est la même dans tous les siècles, mais elle est accompagnée plus particulièrement ou des arts ou des sciences : elle n’a toute sa grandeur poétique et toute sa beauté morale qu’avec les premiers.

2389. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre V. Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. »

Où sont ces hommes aux figures calmes et majestueuses, au port et aux vêtements nobles, au langage épuré, à l’air guerrier et classique, conquérant et inspiré des arts ?

2390. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Parcourez toutes les fonctions de la vie, toutes les sciences, tous les arts, la danse, la musique, la lutte, la course, et vous reconnaîtrez dans les organes une aptitude propre à ces fonctions ; et de même qu’il y a une organisation de bras, de cuisses, de jambes, de corps propre à l’état de porte-faix, soyez sûr qu’il y a une organisation de tête propre à l’état de peintre, de poëte et d’orateur, organisation qui nous est inconnue, mais qui n’en est pas moins réelle, et sans laquelle on ne s’élève jamais au premier rang ; c’est un boiteux qui veut être coureur.

2391. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 30, objection tirée des bons ouvrages que le public a paru désapprouver, comme des mauvais qu’il a loüez, et réponse à cette objection » pp. 409-421

Le public justifia bien la prédiction de l’auteur de l’art poëtique, et depuis long-temps les françois citent le Misantrope comme l’honneur de leur scéne comique.

2392. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Les nièces de Mazarin et son dernier petit-neveu le duc de Nivernais. Les Nièces de Mazarin, études de mœurs et de caractères au xviie  siècle, par Amédée Renée, 2e éd. revue et augmentée de documents inédits. Paris, Firmin Didot, 1856. » pp. 376-411

Comment ne pas nommer en tête celui qui, par son talent, par sa verve, par la curiosité infinie de ses recherches, et par je ne sais quelle flamme qu’il a l’art de communiquer à ce qui en d’autres mains ne serait resté que des papiers, a forcé le public, je ne parle plus du public érudit et lettré, mais le public des salons et qui décide des modes, à s’occuper de ces belles du temps jadis et à en disserter d’après lui ? […] Renée dans sa jeunesse a eu ses Heures de poésie 60, il a eu son hymne À la beauté idéale, il s’est mêlé en fidèle au cortège d’André Chénier ; il a connu intimement, il a aimé et apprécié Maurice de Guérin, ce poète du Centaure, qui promettait à l’art un génie original. […] Le duc de Nivernais, s’il suivit et donna la mode en son temps, échappa du moins à l’un des plus grands travers d’alors : il évita la méchanceté, je veux dire la prétention à être méchant, le persiflage, ce vice dans lequel donnèrent Stainville et Maurepas ; lui, il fut bienveillant toujours, sincèrement bienveillant, et eut l’art de maintenir son amabilité sans malice et sans fadeur.

2393. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (2e partie) » pp. 365-432

Mais, comme ces hommes simples sont aussi les plus impressionnables et les plus séductibles de tous les hommes, et en même temps les plus incapables d’analyser en masse un ouvrage de dix volumes, accumulés d’une main de géant pour mêler le vrai et le faux, le raisonnement et le sentiment dans un mouvement d’art inextricable, je lui proposai d’en causer à loisir, et de me permettre de l’interroger en notant ses réponses. […] Rousseau, comme la Nouvelle Héloïse, comme tout ce qui est beau dans l’art d’écrire. Ce livre, comme tous ces livres d’art supérieur, n’est évidemment pas son but à lui-même.

2394. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Le Pastor fido, de Guarini, fut peu de temps après la plus heureuse imitation de l’Aminta du Tasse ; mais le Tasse lui-même ne parut pas attacher à cette œuvre de sa jeunesse l’importance qui s’y attacha dans le goût du temps ; il aspirait avant tout à la gloire épique, ce sommet de l’art selon son siècle ; il ne voulut pas donner la mesure de son génie dans un monument inférieur à l’épopée. […] Ajoutez-y la fertilité de ce vaste plateau, la sérénité de l’air, le calme habituel des flots endormis dans la baie, les oiseaux, les poissons, les fruits exquis qui semblent rivaliser de saveur, d’abondance et de variété pour la table de l’homme ; et, certainement, quand on considère la réunion de tant de beautés et de tant d’avantages dans un tel site, l’œil et l’esprit sont forcés de convenir que Sorrente est un vaste et miraculeux jardin, tracé par la nature avec une admirable prodigalité de soins, et perfectionné par l’art avec une diligente assiduité de travail. […] Le Tasse suivit sous ses yeux le traitement que ces hommes de l’art appliquaient au soulagement de la mélancolie, traitement conforme à celui qu’il avait suivi à Ferrare, mais secondé ici par l’air natal, la sécurité, la sollicitude d’une sœur. » La force revint avec la santé ; mais l’inquiétude d’esprit revint avec la force.

2395. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

. — Un de ces hymnes nous montre Indra, le Roi solaire, l’archer de la foudre, enivré par Soma ; et l’on croit voir le Bacchus indien, tel que l’art grec le représentera si magnifiquement plus tard, la barbe ruisselante, la mitre inclinée sur sa chevelure aux longues tresses, chanceler avec majesté dans les nues. […] L’art, lorsqu’il l’aura tout à fait formé, le marquera quelquefois des signes de cette origine. […] Sa physionomie exotique que l’art des poètes n’avait pu voiler, l’odeur de myrrhe qu’il exhalait, irritaient encore la passion des femmes.

2396. (1900) Molière pp. -283

Le gaz flambait et alors apparaissait une coquette salle, véritable bonbonnière décorée avec grand art et un goût raffiné. […] Que lui importe en effet, puisqu’il a l’art de faire une pièce avec un seul caractère qu’il suit jusqu’où la logique le conduit ? […] C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée ; et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle. […] Le mariage une fois accompli, et la vie à deux engagée, c’est ici qu’éclatent tout son art et tout son bon sens, de quelque façon d’ailleurs, — je n’y reviens pas, — qu’il ait envisagé souvent le mariage et les rapports matrimoniaux. […] J’ai protégé les arts et les sciences ; j’en ai étendu le domaine ; j’ai goûté l’esprit.

2397. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Lundi 5 janvier Nos arts plastiques, à nous Européens, n’aiment à représenter que l’animalité supérieure : les féroces, le cheval, le chien. […] Jeudi 2 juillet Je pense à la rédaction d’un catéchisme révolutionnaire du grand art et de l’art industriel, une sorte de 93 des admirations bêtes, qui aurait pour titre : Aphorismes d’un monsieur qui voit avec ses yeux et pense avec sa cervelle. […] Vendredi 24 juillet La perfection de l’art, c’est le dosage dans une proportion juste du réel et de l’imaginé. […] Le vieux Parrocel, ce descendant d’une lignée de quatorze peintres, cet ex-cuisinier, héritier d’un marquisat, ce peintre, ce poète, ce musicien, cet historien d’art, ce maître d’hôtel enfin, qui n’a pu tout à fait quitter son métier, et qui l’exerce, encore gratis, en son petit château de pierre blanche, au profit des célébrités littéraires et politiques.

2398. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Ce directeur imprévu de l’enseignement, qui s’était formé lui-même, qui n’avait point hérité des anciennes traditions classiques, et qui n’était pas non plus du groupe polytechnicien proprement dit, mais homme d’esprit, rempli d’observations et d’idées fines, un peu particulières, se mit aussitôt en devoir de les appliquer : J’avais depuis longtemps remarqué, dit-il, les caractères qui distinguent l’esprit des géomètres et des physiciens, de celui des hommes appliqués aux affaires, et de celui des personnes vouées aux arts d’imagination ; dans les premiers (je ne parle que généralement), exactitude et sécheresse ; dans les seconds, souplesse allant quelquefois jusqu’à la subtilité, finesse allant quelquefois jusqu’à l’artifice ; dans les troisièmes, élégance, verve, exaltation portée jusqu’à un certain dérèglement… Ce que je projetais d’après ces observations, ajoute-t-il, était : 1º de faire marcher de front, dès les plus basses classes des collèges, les trois genres de connaissances, littéraires, physiques et mathématiques, morales et politiques, en mesurant à l’intelligence des enfants dans chaque classe les notions de chaque science ; 2º de faire enseigner dans chaque classe, même les plus basses, les trois sciences par trois professeurs différents, dont chacun serait spécialement consacré à l’une des trois… Le but était défaire cesser le divorce entre les diverses facultés de l’esprit, de les rétablir dans leur alliance et leur équilibre, et d’arriver à une moyenne habituelle plutôt que de favoriser telle ou telle vocation dominante. […] Amené à parler de la guerre, « de cet art immense qui comprend tous les autres », des qualités nombreuses qu’elle requiert, qui sont tout autres que le courage personnel, et qu’on ne se donne pas à volonté : Militaire, je le suis, moi, s’écriait Napoléon, parce que c’est le don particulier que j’ai reçu en naissant ; c’est mon existence, c’est mon habitude.

2399. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Il est vrai que dans le monde on m’a trouvé de l’esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n’est bon qu’à être dit, et qu’il ne vaudra rien à être lu. » Une partie de l’art de l’auteur dans ce roman consiste à imiter le style parlé, à en reproduire les négligences, les petits mots qui reviennent souvent, et, pour ainsi dire, les gestes. […] Il n’y a point de ces mines-là dans le monde ; c’est un embonpoint tout différent de celui des autres, un embonpoint qui s’est formé plus à l’aise et plus méthodiquement, c’est-à-dire où il entre plus d’art, plus de façon, plus d’amour de soi-même que dans le nôtre… Ne croyez pas qu’il ait fini de ce portrait, il ne fait que le commencer.

2400. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Le poète, un certain Glaucus, peu connu d’ailleurs, mais qui a de l’art et du sentiment, s’écrie : « C’est après l’avoir vu, le douloureux héros de Trachine, que Parrhasius s’est mis à peindre ce Philoctète : car dans ses yeux desséchés habite une larme muette, et au dedans est la douleur qui le ronge. […] Tout d’abord ce sont deux musiciennes, Mélo et Satyra, qui dédient et consacrent les instruments de leur art aux Muses : « Mélo et Satyra, arrivées à un grand âge, filles d’Antigénide, les dociles des servantes des Muses (ont fait ces offrandes) : Mélo consacre aux Muses de Pimplée ces flûtes que la lèvre rapide effleure ; et l’étui en buis qui les renferme ; Satyra, amie des amours, consacre cette syrinx dont elle-même a réuni les tuyaux avec de la cire, douce flûte, nocturne compagne des buveurs, avec laquelle après toute une nuit elle a vu bien souvent se lever l’aurore battant la mesure aux portes des cours et des maisons4. » Ces deux demoiselles étaient des musiciennes un peu ambulantes qu’on louait, surtout la seconde, pour des sérénades.

2401. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Ce qui est certain et qu’on peut affirmer sans crainte, c’est que Corneille n’a pas copié et qu’il n’a imité qu’en transformant ; il a ramassé, réduit, construit ; et avec ce qui n’était que matière éparse, — une riche matière, — il a fait œuvre d’art, et d’art français. […] Racine a l’art ; il donne toujours des plaisirs purs, même dans ses faiblesses.

2402. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Saint-René Taillandier) nous montre en conséquence Mme Favart « se moquant des menaces aussi bien que des promesses, en butte à de lâches intrigues, poursuivie, jetée au fond d’un cachot, gardant purs et intacts la dignité de son art et l’honneur de son nom : rare leçon donnée par une comédienne à une société corrompue !  […] Gêner un cœur, ce n’est pas ma façon… Et quant à ces grands mots de « la dignité de son art » et de « l’honneur de son nom », appliqués à une agréable actrice (car j’ai décidément sur le cœur toute cette morale à côté dont on nous inonde), j’ajouterai encore qu’il suffît de lire le Manuscrit trouvé à la Bastille, et dans ce Manuscrit certaine page 28, en ayant soin d’y rectifier une coquille typographique, pour s’assurer que les relations entre le maréchal et l’aimable Chantilly n’étaient pas guindées, il s’en faut de beaucoup, sur un si haut ton.

2403. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

L’ensemble de l’ouvrage est conçu et construit dans une pensée d’art ; il se compose de dix livres, dont chacun embrasse un objet déterminé, et roule autour d’un sujet habilement choisi, contrasté, balancé, dans lequel l’auteur tente et rencontre souvent des nouveautés très-piquantes et bien des insinuations lumineuses. […] C’est au contraire la première race qu’il faut lire et relire aujourd’hui pour s’intéresser, pour jouir des scènes neuves, de personnages imprévus, et de tout l’esprit, de tout l’art qu’on y emploie.

2404. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Ce gracieux bagage de famille et de société172 offrait à la fin son étiquette et comme son cachet dans une spirituelle approbation et un privilège en parodie qui étaient censés émaner de la jeune épouse de l’auteur, petite-fille d’un illustre chancelier : D’Aguesseau de Ségur, par la grâce d’amour, L’ornement de Paris, l’ornement de la cour, A tous les gens à qui nous avons l’art de plaire, C’est-à-dire à tous ceux que le bon goût éclaire, Salut, honneur, plaisir, richesse et volupté, Presque point de raison et beaucoup de santé ! […] Le ton, les manières, une certaine élégance qui cache le défaut de solidité, l’art des à-propos, tout cela se trouve sans effet au milieu d’hommes étrangers au grand monde et habitués à réfléchir.

2405. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Surtout en ce temps de réflexion et de conscience croissante, il y a, à côté des hommes de génie, des artistes qui sans eux n’existeraient pas, qui jouissent d’eux et en profitent, mais qui, beaucoup moins puissants, se trouvent être en somme plus intelligents que ces monstres divins, ont une science et une sagesse plus complètes, une conception plus raffinée de l’art et de la vie. […] Il s’efforça, avec quelques autres jeunes gens, de pousser plus loin qu’on ne l’avait fait encore l’art de combiner exactement de beaux mots qui suscitent de belles images.

2406. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Donc le fils adoptif renoncera, et pour jamais, à son art : plus de symphonies, plus d’inspirations. […] L’art n’est-il pas aujourd’hui une noblesse acceptée et reconnue par tous ?

2407. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Caylus est maîtresse à sa manière dans l’art de cette ironie continuelle dont elle parle, et que les femmes étrangères les plus spirituelles et les mieux naturalisées chez nous ne saisissaient pas toujours. […] Dans l’art du portrait, et sans avoir l’air d’y toucher, Mme de Caylus est un maître.

2408. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Il ne s’applique rien, mais saisit tout… De quelque art, science, littérature, antiquité, connaissance et langue quelconque que vous lui parliez, il en sait trois fois plus, enlève tout, brouille tout, mais il affirme avec une sécurité et une chaleur qui en imposent… Bon diable au demeurant, et, au fond, n’étant qu’un fantôme en bien comme en mal. […] ce que ton cœur sait dire, l’art et l’esprit le trouveront-ils jamais ?

2409. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Tous les ans, en avril, les oiseaux chantent ; je ne sais s’ils ne redisent pas à peu près les mêmes chansons, il suffit qu’ils recommencent, pour nous charmer ; mais dans l’art il faut absolument changer les airs. […] Si l’on considère aujourd’hui le talent et les poésies d’Hégésippe Moreau de sang-froid et sans autre préoccupation que celle de l’art et de la vérité, voici ce qu’on trouvera, ce me semble.

2410. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

En le faisant, elle se flattait encore de concilier la fable avec l’histoire, l’art avec la vraisemblance : « Il n’est jamais permis à un homme sage, pensait-elle, d’inventer des choses qu’on ne puisse croire. Le véritable art du mensonge est de bien ressembler à la vérité. » Il est une conversation dans Clélie, où l’on discute cette question, De la manière d’inventer une fable et de composer des romans.

2411. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Dépendant du monde, des salons et même des libraires, il lui aurait fallu un grand art, un esprit d’adresse et de conciliation pour s’élever insensiblement au degré d’autorité où il aspirait, et il n’avait pour lui qu’une grande âpreté et rigueur de caractère : Impiger, iracundus, inexorabilis, acer, a-t-on dit de lui comme d’Achille. […] Nous sentons de plus en plus, ce me semble, en quoi La Harpe, avec des parties si estimables et si utiles, n’a pas atteint les hauteurs de son art et a toujours prêté le flanc.

2412. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Ce sera dans ces reliques d’un temps, dans son art, dans son industrie, que l’historien cherchera et trouvera ses accords. […] Nota. — Cet ouvrage sera précédé d’une Correspondance de divers particuliers de distinction avec Bélanger, puis d’un Discours sur l’architecture et sur les arts en général par Bélanger, et de différentes lettres du même à divers personnages.

2413. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Samedi 12 mars Qui me délivrera des hommes du monde dilettante d’art et de littérature, acheteurs au rabais des tableaux cotés à l’hôtel Drouot, et leveurs de volumes, dont on parle. […] Jeudi 30 juin Les vrais connaisseurs en art, sont ceux que la chose, que tout le monde trouvait laide, ont fait accepter comme belle, en en découvrant ou en en ressuscitant la beauté, — les autres sont les domestiques et les Quinze-Vingts du goût et de la mode qui règnent.

2414. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Ces apparences qu’on prenait pour des réalités, ces princes, ces rois, se dissipent ; il ne demeure que ce qui doit demeurer : l’esprit humain d’un côté, les esprits divins de l’autre ; la vraie œuvre et les vrais ouvriers ; la sociabilité à compléter et à féconder, la science cherchant le vrai, l’art créant le beau, la soif de pensée, tourment et bonheur de l’homme, la vie inférieure aspirant à la vie supérieure. […] L’art, comme la religion, a ses Ecce Homo.

2415. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Pour qui ne voit que l’art seul, l’art divin d’écrire, il y a dans son livre de ces passages qui ressemblent, pour la profondeur et la netteté pure de l’empreinte, aux plus magnifiques intailles de la glyptique moderne.

2416. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Il enjolivait le pédantisme et crinolisait, à force d’art, ce vieux manche à, balai de la science, de manière à nous faire croire à ses rondeurs. […] Mais, dans l’entente des choses· historiques et humaines, j’aurais cru plutôt Philarète Chasles du côté de Machiavel que de l’abbé de Saint-Pierre, et pourtant c’est du côté de l’abbé de Saint-Pierre que je le trouve dans ce livre-ci… Comme : l’abbé, il y baye aux corneilles de la paix perpétuelle, et il la demande à tout le monde : aux gouvernements, aux arts, à la littérature, comme ce pauvre abbé, pauvre spirituellement autant que physiquement sans· soutane, car il ne savait pas écrire, et à qui Chasles prête généreusement son habit !

2417. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

Ç’a été celui d’un maître, d’un orateur consommé dans l’art de bien dire.

2418. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Les arts ne sont point leur lot à coup sûr : cette insouciance naïve qui en fait en grande partie le caractère et le charme, cette disposition, tant soit peu nonchalante et molle, à prendre les choses comme elles sont, s’effaroucherait d’une préoccupation sérieuse et d’une arrière-pensée perpétuelle.

2419. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

A propos de l’enlèvement des tableaux et des statues, contre lequel il se déchaîne avec plus d’emportement qu’il ne sied au compatriote et à l’ami de lord Elgin, « Il est certain, dit-il, que les  Français ne ressemblaient nullement à ces peuples dont le génie créa les premiers chefs-d’œuvre de l’art ; au contraire, le prototype classique de Bonaparte dans cette circonstance fut ce Mummius, consul romain qui dépouilla violemment la Grèce de ses trésors, dont lui-même et ses compatriotes étaient incapables d’apprécier le véritable mérite. » Cette mauvaise humeur de l’historien se mêle même aux éloges que lui arrache une admiration involontaire.

2420. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Le grec fournit toute sorte de termes d’art, de science, de philosophie, de politique, comme ce mot de police au sens étymologique de gouvernement, comme économie, pour ménage, ou bien encore squelette, etc.

2421. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre premier. Prostitués »

Je joindrai l’utile à l’agréable : ils sauront, par les arts, amuser leurs ennuis et se rendre aimables aux femmes : leur parole, habile guerrière, les fera redoutables aux hommes.

2422. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Du reste, ces hautes matières ne se rattachaient pas encore très visiblement au sujet de cet ouvrage, et il eût été fort embarrassé de trouver une liaison qui l’y conduisît, quoique l’art des transitions soit singulièrement simplifié depuis que tant de grands hommes ont trouvé le secret de passer sans secousse d’une échoppe dans un palais, et d’échanger sans disparate le bonnet de police contre la couronne civique.

2423. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

Cet Avis aux réfugiés leur fut donné dans le temps qu’ils invectivoient le plus contre la France, qu’ils se flattoient même d’être rappellés, de voir le gouvernement s’empresser à guérir la plaie faite à l’état, à réparer la perte de tant de milliers d’hommes qui portèrent dans les pays étrangers, avec leurs biens & avec nos arts, une haine implacable contre leur patrie.

2424. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Ceux qui transplantent quelqu’art que ce soit d’un païs étranger dans leur patrie, en suivent d’abord la pratique de trop près, et ils font la méprise d’imiter chez eux les mêmes originaux que cet art est en habitude d’imiter dans les lieux où ils l’ont appris.

2425. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Quand les explications physiques de ces faits ne seroient point bonnes, mon erreur sur ce point-là n’empêcheroit pas que les faits ne fussent véritables, et qu’ils ne prouvassent toujours que les causes morales ne décident pas seules de la destinée des lettres et des arts.

2426. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Seulement, dans une société où le sophisme et la lâcheté ont appris à tant de personnes cet art des nuances qui change tout sans faire rien crier, dans une société où la netteté de l’expression passe pour une indécence ou pour une tyrannie, appeler les choses par leur nom est une hardiesse qui doit honorer un écrivain.

2427. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Levallois est très précis dans l’expression, et il applique avec beaucoup d’art ce don précieux de l’expression aux barbouillages de la rêverie.

2428. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

On y rencontre une foule d’écrivains qui, sans l’être dans l’acception pleine et absolue de ce grand mot, ont du style pourtant, — comme on y voit des artistes qui ont ce qu’on nomme, en terme du métier, « de la palette », — mais cela suffit-il pour l’Art d’un pays ou pour sa Littérature ?

2429. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Benvenuto Cellini du langage, il taille chaque vers de ses petits poèmes comme les facettes d’une pierre précieuse ; mais dans cette glyptique nouvelle, ce qui fait le prix de la pierre ce n’est pas l’iris éblouissant qui, grâce à son art, en jaillit, mais la tache d’une larme ou d’une goutte de sang qu’il y a laissée et qu’on ne voudrait pas effacer.

2430. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Si vous portez vos regards plus loin, vous trouverez en Hongrie ce fameux Jean Hunniade qui combattit les Turcs, et simple général d’un peuple libre, fut plus absolu que vingt rois ; et ce Mathias Corvin son fils, le seul exemple peut-être d’un grand homme fils d’un grand homme ; en Épire, Scanderberg, grand prince dans un petit État ; et parmi les Orientaux, ce Saladin, aussi poli que fier, ennemi généreux et conquérant humain ; Tamerlan, un de ces Tartares qui ont bouleversé le monde ; Bajazet qui commença comme Alexandre, et finit comme Darius : d’abord le plus terrible des hommes, et ensuite le plus malheureux ; Amurat II, le seul prince turc qui ait été philosophe, qui abdiqua deux fois le trône, et y remonta deux fois pour vaincre ; Mahomet II, qui conquit avec tant de rapidité, et récompensa les arts avec tant de magnificence ; Sélim, qui subjugua l’Égypte et détruisit cette aristocratie guerrière établie depuis trois cents ans aux bords du Nil, par des soldats tartares ; Soliman, vainqueur de l’Euphrate au Danube, qui prit Babylone et assiégea Vienne ; le fameux Barberousse Chérédin, son amiral, qui de pirate devint roi ; et cet Ismaël Sophi, qui au commencement du seizième siècle, prêcha les armes à la main, et en dogmatisant conquit la Perse, comme Mahomet avait conquis l’Arabie.

2431. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

Auriez-vous donc étudié cet exercice, & y a-t-il dans cet art des maîtres qui donnent des leçons ? […] Il les décrit de maniere à faire connoître combien ils sont intéressans, combien l’art s’y cache pour n’y laisser voir que la simple nature…. […] Le grand art consiste à écrire d’une maniere analogue au sujet…. […] disoit-elle, Ovide les auroit sûrement placés dans ses métamorphoses, & peut-être même dans son art d’aimer, s’il les eût connus. […] Je vous répondrai qu’il n’eut pas l’art de masquer son esprit.

2432. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Tout le monde a remarqué avec quelle adresse une monnaie qu’on laisse tomber à terre court se cacher, et quel art elle a de se rendre introuvable. […] « L’idéal moderne a son type dans l’art, et son moyen dans la science. […] L’art, qui est le conquérant, doit avoir pour point d’appui la science, qui est le marcheur.

2433. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

L’un est l’art dans un pays déjà civilisé : Molière. […] Macbeth les interroge : Je vous conjure par l’art que vous professez, répondez-moi, dussent les vents par vous déchaînés livrer l’assaut aux églises ! […] Rébellion, ne lève point la tête jusqu’à ce que je voie se lever la forêt de Birnam ; et Macbeth, au faîte de la grandeur vivra tout le bail de la nature, et son dernier soupir sera le tribut payé à la vieillesse et à la loi de mort. — Cependant mon cœur palpite encore du désir de savoir une chose : dites-moi (si votre art va jusqu’à me l’apprendre), la race de Banquo régnera-t-elle un jour dans ce royaume ?

2434. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

En s’éloignant de la nature primitive, l’art se corrompt. […] C’est le lingot brut effilé en trame d’or par l’art, qui amplifie la surface du métal en amoindrissant sa force. Mais l’analyse et les citations de ce drame suffiront pour donner une idée du degré de perfection auquel, dans ces temps que nous appelons primitifs, et chez ces peuples inconnus avant l’époque historique de notre Europe, l’art théâtral était parvenu.

2435. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Sûrement ici l’art et le bon sens, recommandés par Boileau même en chanson, jouent leur rôle, et surtout à présent que le style de ce petit poème doit être si travaillé et la composition si remplie. […] Sa chanson adolescente était en train de se transformer, d’enhardir son aile, quand la publication du premier recueil de Béranger, à la fin de 1815, vint faire une révolution dans l’art et dans son esprit : « Je ne crois pas, nous dit M. de Rémusat, qu’aucun ouvrage d’esprit m’ait causé une émotion plus vive que la chanson Rassurez-vous, ma mie, ou Plus de politique. » De lui-même il en avait fait une à cette époque, dans le même sentiment, intitulée Dernière Chanson, ou le 20 novembre (1815)203. […] La santé de Louis XVIII, qui s’affaissait à vue d’œil et entraînait sa volonté, la fixité étroite et opiniâtre du comte d’Artois, qui convoitait cette fin de règne, c’étaient là des données matérielles et presque fatales dans la politique du moment, et tout l’art humain n’y pouvait rien. […] Cela était vrai en politique, en littérature, en art, en tout.

2436. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Et il prenait une palette, vendue avec le tableau, et il touchait avec un ton pris sur la palette — un tout à fait semblable à celui du personnage — et la femme touchée se mettait à faire des révérences… puis un mezzetin à danser… puis des musiciens à jouer du violon — absolument comme si, cette peinture d’un grand art, était un tableau mécanique. […] Devant les tableaux, des meubles de toute sorte, des bahuts moyenageux des cabinets de marqueterie, une infinité d’objets d’art rastaquouères, des figurines du Chili, des instruments de musique de sauvages, de grands paniers de fleurs, où les feuilles et les fleurs sont faites de plumes d’oiseaux. […] Roger Marx m’entretient de la danseuse Loïe Fuller, qui le fréquente, et qui aurait un véritable goût d’art, s’étendant de sa danse à un tableau, à un bronze, et me dit, que rien n’est amusant comme une répétition, où elle essaie les couleurs de l’arc-en-ciel, dans lesquelles elle va développer la grâce de ses attitudes. […] Après dîner, Mme Ménard-Dorian vient s’asseoir dans un fauteuil proche le mien, et nous causons art moderne.

2437. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

On s’accordait à reconnaître dans Armand Paulin (et les maîtres de l’art, qui furent presque tous ses amis, ne me démentiront pas) un diagnostic prompt, fin et sûr, un tact médical qui est le premier talent du praticien.

2438. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Il rejeta la matière, méprisa l’industrie, se passa des beaux arts ; il abdiqua le royaume de la terre pour atteindre plus vite, à travers l’espace et les lieux, à travers l’empire de César, au but de ses conquêtes spirituelles.

2439. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

l’idée de traiter poétiquement les solennités diverses de la religion, de les traduire en hymnes, est de l’invention de l’auteur, et ouvre une ère nouvelle à l’art ?

2440. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

C’est à ces diverses considérations qu’il faut attribuer la supériorité des anciens dans le genre de l’histoire : cette supériorité tient principalement à cet art de peindre et de raconter qui suppose le mouvement, l’intérêt, l’imagination, mais non la connaissance intime des secrets du cœur humain, ou des causes philosophiques des événements30.

2441. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Il y a, dans la plupart d’entre elles, un art qui n’est pas de la fausseté, mais un certain arrangement de la vérité, dont elles ont toutes le secret, et dont cependant elles détestent la découverte.

2442. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Ainsi, je passerai vite sur les cent vingt premières pages de Mademoiselle Jaufre 4, où nous sont contés (avec art, je le sais, et parfois avec poésie) l’idylle des amours enfantines de Louiset et de Camille dans le grand parc abandonné, puis le départ de Louiset, puis l’adolescence paresseuse, inerte, solitaire de la belle Camille chez son père le docteur Jaufre.

2443. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

À l’époque de son mariage, Montausier avait à peine trente-cinq ans ; depuis l’âge de vingt ans, il était au service et engagé dans des guerres successives, en Italie, en Lorraine, en Alsace ; en 1638, parvenu au grade de maréchal de camp, bien qu’âgé seulement de vingt-huit ans, il fut nommé gouverneur de l’Alsace, province alors d’une soumission équivoque, où le roi avait besoin d’un homme qui réunit l’art et le courage du guerrier au tarent et à la sagesse de l’administrateur ; en 1638, il se signala au siège de Brissac ; revenu à Paris pendant l’hiver de 1641, il fut rappelé à l’ouverture de la campagne par Guébriant devenu général en chef de l’armée d’Allemagne et peu après maréchal de France ; le maréchal, qui avait une grande confiance en Montausier, ayant été tué en 1643, celui-ci fut fait prisonnier, peu de temps après, à la déroute de Dillingen ; il ne recouvra la liberté qu’en 1644 ; alors enfin il lui restait encore un obstacle à franchir pour se marier ; c’était sa religion.

2444. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

Toujours guindé, toujours maniéré ; on peut dire qu’il sentoit l’art & l’auteur.

2445. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

C’est dans ces écrits périodiques que Desfontaines a paru aux yeux de ses partisans l’Aristarque de nos jours : c’étoit à leur gré un critique judicieux, qui avoit le tact sûr, avec un talent singulier pour saisir les beautés & les endroits foibles d’un ouvrage ; pour les présenter au public dans leur vrai point de vue, pour les lui présenter d’une manière élégante & enjouée ; un observateur qui mettoit de l’intérêt dans les moindres choses, qui sçavoit l’art d’amuser & d’instruire, de fondre habilement, dans l’occasion, toute cette érudition qu’il avoit puisée dans les meilleurs écrivains anciens & modernes.

2446. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Aucun poète français ne connaissait, avant La Fontaine, cet art plaisant d’employer des expressions nobles et prises de la haute poésie, pour exprimer des choses vulgaires ou même basses.

2447. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Pour rendre le tableau parfait, Milton a eu l’art d’y placer l’esprit de ténèbres comme une grande ombre.

2448. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Supprimez la selle, l’ébauchoir et le buste et vous prendrez la figure simbolique d’un art pour une impératrice. " mais elle impose " .

2449. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Les peuples polis ne s’étoient pas encore avisez qu’un combat singulier, dont le hazard, ou tout au plus l’escrime qu’ils regardoient comme l’art de leurs esclaves, doit décider, fut un bon moïen de se justifier sur un reproche, qui souvent ne touche pas à la bravoure.

2450. (1762) Réflexions sur l’ode

Despréaux dans son art poétique a donné le précepte, et n’a pas donné l’exemple dans son ode sur Namur.

2451. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Mais ce qui est certain, c’est qu’une telle recherche amènerait infailliblement pour conclusion qu’en réalité il y a beaucoup moins de grands historiens que de grands hommes, et qu’en Histoire, comme dans les arts, c’est bien plus le peintre que le modèle qu’il est difficile de trouver.

2452. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Ce n’est pas même un livre, ce sont des pages inspirées, arrachées à l’âme comme ses cris et ses larmes, et dans lesquelles l’Amour, sans le savoir, a produit ce que l’Art, qui le sait, produit dans les œuvres des hommes de génie !

2453. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Alexandre Dumas fils » pp. 281-291

Tout l’art du drame est en cette ligne.

2454. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les objets qui l’environnent et qui le frappent, c’est l’architecture qu’il a créée, les métaux qu’il a tirés du sein de la terre, les richesses qu’il a cherchées au-delà de l’océan, les différentes parties du monde unies par la navigation, enfin tout ce qu’a de brillant le tableau de la société, des lois et des arts ; mais dans les campagnes, l’homme disparaît, et la divinité seule se montre.

2455. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Telle est l’influence du gouvernement sur l’éloquence et sur les arts.

2456. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Toutes les fois qu’un homme à grand caractère est à la tête d’une nation, les esprits s’agitent, les âmes s’élèvent, les lettres et les arts ou fleurissent, ou renaissent, ou font effort pour renaître, ou suspendent leur chute.

2457. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Dira-t-on que nous sommes ici dans le domaine de l’art, et non pas dans la réalité, que nous ne nous émouvons alors que par jeu, que notre état d’âme est purement imaginatif, que d’ailleurs le musicien ne pourrait pas susciter cette émotion en nous, la suggérer sans la causer, si nous ne l’avions déjà éprouvée dans la vie réelle, alors qu’elle était déterminée par un objet dont l’art n’a plus eu qu’à la détacher ? […] Ils n’ont donc pas été extraits de la vie par l’art ; c’est nous qui, pour les traduire en mots, sommes bien obligés de rapprocher le sentiment crée par l’artiste de ce qui y ressemble le plus dans la vie. […] Qu’une émotion neuve soit a l’origine des grandes créations de l’art, de la science et de la civilisation en général, cela ne nous paraît pas douteux. […] Que sera-ce dans la littérature et dans l’art ! […] Une œuvre géniale, qui commence par déconcerter, pourra créer peu à peu par sa seule présence une conception de l’art et une atmosphère artistique qui permettront de la comprendre ; elle deviendra alors rétrospectivement géniale : sinon, elle serait restée ce qu’elle était au début, simplement déconcertante.

2458. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

quelle plus profitable avance pour cette vie de fatigue, d’invention et de péril, pour cette improvisation perpétuelle de toutes choses qu’on appelle la guerre, et qui, dès qu’on arrive au commandement, est bien autre que ce quelle paraît de loin ; car on ne l’a définie qu’en gros quand on a dit qu’elle est l’art de tuer et la facilité à mourir ! […] C’est payé bien plus cher que cela ne vaut. » En 1833, il est envoyé à Blaye où était enfermée la duchesse de Berry ; il s’y fait bien venir du général Bugeaud en traduisant au courant de la plume, en trois langues différentes, un petit ouvrage de lui, Aperçu sur l’art militaire. […] L’unité de direction, le but, un but précis, graduel, c’est encore ce qui mène le plus loin et le plus haut dans les arts.

2459. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Dans ce genre secondaire où la délicatesse et un certain intérêt suffisent, mais où nul génie (s’il s’en rencontre) n’est de trop ; que l’Art poétique ne mentionne pas ; que Prevost, Le Sage et Jean-Jacques consacreront ; et qui, du temps de Mme de La Fayette, confinait, du moins dans ses parties élevées, aux parties attendrissantes de la Bérénice ou même de l’Iphigénie, Mme de La Fayette a fait exactement ce qu’en des genres plus estimés et plus graves ses contemporains illustres s’étaient à l’envi proposé. […] C’étoit un poëte qu’elle expliquoit, car elle n’aimoit pas la prose, et elle n’a pas lu Cicéron ; mais comme elle se plaisoit fort à la poésie, elle lisoit particulièrement Virgile et Horace ; et comme elle avoit l’esprit poétique et qu’elle savoit tout ce qui convenoit à cet art, elle pénétroit sans peine le sens de ces auteurs. » Un peu plus loin, il revient sur les mérites de M. […] Il est vrai que j’y ai eu quelque part, mais seulement dans la disposition du roman, où les règles de l’art sont observées avec grande exactitude. » Il est vrai de plus qu’à un autre moment Segrais dit : « Après que ma Zayde fut imprimée, Mme de La Fayette en fit relier un exemplaire avec du papier blanc entre chaque page, afin de la revoir tout de nouveau et d’y faire des corrections, particulièrement sur le langage ; mais elle ne trouva rien à y corriger, même en plusieurs années, et je ne pense pas que l’on y puisse rien changer, même encore aujourd’hui. » Il est évident que Segrais, comme tant d’éditeurs de bonne foi, se laissait dire et rougissait un peu quand on lui parlait de sa Zayde.

2460. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

De la même façon qu’il a composé des caractères ; le domaine seul est différent, l’art et ses lois n’ont pas changé. […] L’art, comme une âme, entre dans la prose pour la vivifier et l’organiser. […] Nous cultivons en paix d’heureux champs ; et nos mains Etaient propres aux arts ainsi qu’au labourage.

2461. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Un de leurs rares orateurs politiques, le plus éloquent et le plus honnête, que l’envie nationale a toujours empêché de s’élever à la présidence de la république pour crime de supériorité, me disait un jour : « Notre liberté consiste à faire tout ce qui peut être le plus désagréable à nos voisins. » L’art d’être désagréable est leur seconde nature. […] « Mon père crut découvrir dans ce penchant si vif une aptitude naturelle pour les arts du dessin. À quinze ans, il m’envoya à Paris, où j’étudiai les principes de l’art dans l’atelier de David.

2462. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Quand on n’a pas le langage de la chose qu’on fait, ou l’accent de la langue qu’on parle, quand on n’a pas précisément la qualité essentielle à son art, est-on déjà si grand, littérairement, ou si beau ? […] À son cours, quand il pérorait en public, il avait l’art de grouper beaucoup de ces bonnets-là autour de sa chaire. […] Michelet, toutes ces femmes modernes qui ne sont pas de vraies chrétiennes, toutes ces femmes plus ou moins libres, avec les droits politiques qu’elles rêvent ou jalousent, avec leurs vaniteuses invasions dans les lettres et dans les arts, avec cet amour de la gloire, le deuil éclatant du bonheur , disait Mme de Staël, et qui est le deuil aussi de la vertu, toutes ces femmes, il ne faut pas s’y tromper, continuent les femmes de la Renaissance.

2463. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Mais ce n’était pas de bon goût à lui de venir ainsi étaler devant les courtisans, et pour la satisfaction d’une minute, son art et son secret d’économie domestique. […] On ne suivit pas exactement la méthode de l’art dans l’attaque, et, sentant de la mollesse dans les assiégés, Villars passa sur quelques règles que le corps du génie a coutume d’observer.

2464. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

À propos du clinquant qu’il avait reproché au Tasse, Boileau avait été blâmé par un traducteur du Tasse et déclaré plus poète que critique : contrairement à ces sentences du nouveau siècle, Marais tient ferme et reste dans les termes de sa première admiration : « Je dis que Despréaux était grand critique, qu’il l’a montré par ses Satires qui sont des critiques en vers, et que son Art poétique est un des plus beaux ouvrages de critique que nous ayons, aussi bien que ses Réflexions sur Longin. » Le président Bouhier, dans une dissertation savante, avait parlé un peu légèrement de Despréaux et de Bayle, les deux cultes de Marais ; celui-ci, après avoir lu la pièce manuscrite que lui avait communiquée l’auteur, le supplie (et il y revient avec instance) de modifier ce qu’il a dit d’eux et d’adoucir un peu ses expressions ; et il en donne, en définitive, une touchante et haute raison, tirée de Cicéron même, cette source de toute belle pensée et de toute littérature : « Multum parcendum est caritati hominum, ne offendas eos qui diliguntur. […] L’art n’était pas leur fait.

2465. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Il y a peut-être de l’art dans ces couplets de Thyrsis, mais il n’y a pas de bon sens ; la pensée est tirée par les cheveux. […] Seulement cette répétition qui, chez Homère faisant parler Hector, accentuait un sentiment héroïque et belliqueux, Virgile, qui n’oublie rien et qui ne fait rien comme un autre, Virgile, en s’en emparant, la transpose aussitôt sur le mode sensible et pathétique ; il la dépayse si je puis dire, pour qu’elle ne soit pas trop reconnaissable : voilà un des traits de son art ; le coup de clairon redoublé est devenu, grâce à lui, un écho de flûte plaintive ; il a soin de le reporter, ainsi adouci, et de le confondre dans son imitation du guerrier mort, gisant si loin de son berceau : cette imitation s’en relève et prend un tour original qui n’est plus de l’Homère : c’est du Virgile, et l’on a un admirable exemple de plus du genre de beauté poétique qui lui est propre et qui se désigne de son nom.

2466. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

… » — Et à ce seul point de vue du talent littéraire et poétique, qui se révèle en tout ce qui s’échappait de sa plume, vers ou prose, qu’on me permette de joindre encore un dernier témoignage, comme appréciation de cet art exquis et naturel qu’elle portait en elle. […] Ne devoir à l’art que la forme et sentir naître en soi l’inspiration sans la chercher, rien n’est plus rare, et Mme Valmore avait en elle cette merveilleuse faculté… » Telle elle était dans ses vers, telle on l’a vue dans ses pages les plus intimes, dans les lignes qu’elle ne réservait pas au public, dans sa prose la moins travaillée, dans une lettre à un ami.

2467. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Entre Thiers et Charras, il y a lieu à un futur Jomini, qui soit à Napoléon capitaine ce que Jomini a été au grand Frédéric, n’étant occupé ni d’excuser ni d’accuser, ne surfaisant rien, ne diminuant rien, exempt même de patriotisme, mais opposant le pour et le contre au seul point de vue de l’art, et tenant grand compte dans son examen comparatif des documents étrangers. […] Après ces journées de Leipsick, lui, l’homme de l’art, il pouvait bien se répéter au sens militaire le mot célèbre que le chancelier Oxenstiern avait dit autrefois au sens politique : « Avec combien peu d’habileté et de sagesse sont donc conduites ces grandes armées qui demeurent pourtant victorieuses et qui changent la face du monde ! 

2468. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

la plainte du pays ; la douleur morne, l’espoir opiniâtre de la vieille armée ; l’espoir plus léger, l’impatience et les moqueries de la jeunesse ; la tristesse dans le plaisir ; de l’esprit tour à tour piquant, coloré, attendri, comme il ne s’en trouve que là depuis Voltaire ; de suaves et gracieuses enveloppes d’une pureté d’art antique, et qui par moments rappellent, ainsi qu’on l’a remarqué avec goût, Simonide, Asclépiade et les érotiques de l’Anthologie.  […] On ne s’étonnera point, d’après cela, si les questions agitées, il y a peu d’années, dans la poésie et dans l’art, tout en paraissant fort étrangères au genre et aux préoccupations politiques de Béranger, ne l’ont laissé au fond ni dédaigneux ni indifférent.

2469. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Tout cela fait sept cordes (à la vérité, il serait difficile de les nommer avec précision ; il semble pourtant que les sept livres que nous venons de parcourir pourraient s’intituler : Humanité, Nature, Philosophie, Art, Foyer, Amour, Fantaisie). […] Ce qu’il a en propre, c’est une vision des chosés matérielles, intense jusqu’à l’hallucination ; c’est, à un degré prodigieux, le don de l’expression, l’invention des images et des symboles ; c’est enfin l’art d’assembler les sons de conduire les rythmes, de développer et d’enfler la période poétique jusqu’à faire songer aux déploiements harmoniques et presque à l’orchestration des symphonies et des sonates.

2470. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Les flammes du gaz tremblent dans les ténèbres ; la rue Bonaparte ouvre, à droite, son couloir obscur ; l’Institut profile sa masse sombre ; à gauche, le pont des Arts et le fleuve, et la silhouette du Louvre ébauchée sur un ciel d’orage. […] Et l’art est justement fait pour en offrir de pareils, son rôle étant d’opposer aux réalités iniques de la vie l’idéal de la bonté et de la vertu.

2471. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Cette fin, d’une importance majeure, et qui dépasse infiniment les intérêts individuels légitime d’ailleurs la place exorbitante que cette passion de l’amour occupe dans la vie réelle, dans le roman, au théâtre et d’une façon générale, dans tous les arts. […] Parmi les privilégiés de cet état de satiété, les plus ingénieux inventent les arts et se réfugient en une attitude esthétique.

2472. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

» * * * — Maintenant, quand j’écris un morceau de style, j’ai besoin avant de l’écrire, de m’entraîner, de me monter le bourrichon, comme disait Flaubert, en regardant des matières d’art colorées, mais une fois cette griserie cérébrale obtenue, il me faut éviter la vue de ces choses, tout le temps que j’écris. […] * * * — Quel malheur de n’avoir pas trouvé le temps de faire notre « Catéchisme révolutionnaire de l’art ».

2473. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Aujourd’hui, dans l’armée, à la discipline stricte se substitue quelque peu, çà et là, un art plus délicat du commandement à la française.‌ […] Il attend ses supérieurs à l’épreuve. »‌ En conformité de ces vues, j’ai entendu un prêtre sous-officier raconter que dans certaines compagnies les hommes se fient de préférence à certains d’entre eux, parfois de simples soldats, qui ont montré l’art de se débrouiller.

2474. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Appendice. [Rapport sur les primes à donner aux ouvrages dramatiques.] » pp. 497-502

Mais à cette hauteur, la nature vraie, mâle ou tendre, fortement ou ingénument passionnée, la nature humaine encore vertueusement malade, si je puis dire, produit le plus souvent, grâce au génie et à un art tout plein d’elle, une impression morale qui ennoblit, qui élève, et qui surtout jamais ne corrompt.

2475. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Si vous m’en croyez, vous ne vous abandonnerez pas à Vinache, quoique ses discours séduisants, l’art de réunir l’influence des sept planètes avec les minéraux et les sept parties nobles du corps, et le besoin de trois ou quatre javottes, donnent de l’admiration.

2476. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — I » pp. 143-149

Dans son jugement de Rhadamiste, qui parut en brochure, le critique, après avoir reconnu qu’il y a dans la pièce des traits hardis, heureux, et des situations intéressantes, se met à la suivre scène par scène et à démontrer les invraisemblancesk, les incohérences du sujet, l’action peu liée, les caractères peu soutenus ; il n’en laisse à peu près rien subsister : Enfin, dit-il, je n’ai pas d’idée d’avoir jamais lu une tragédie plus embarrassée, plus fausse, et moins intelligible ; j’ai l’avantage de pouvoir dire ici tout ce que je pense, sans crainte de faire tort à l’auteurl ; car, ou je m’égare dans le jugement que j’expose, et en ce cas le public le vengera de moi, ou le public déférera à mes remarques, et en ce cas même il en rejaillira beaucoup de gloire à M. de Crébillon : on estimera à la vérité un peu moins sa pièce, mais il paraîtra d’autant plus grand, qu’il aura mieux trouvé l’art de fasciner les esprits, en leur cachant les défauts de sa tragédie à force de splendeur et de magnificence.

2477. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même.

2478. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES » pp. 456-468

Rien de plus juste : ce malheureux goût de style et d’art est comme une gale qui s’attache à vous et gâte toute votre vie.

2479. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. De l’influence de la philosophie du xviiie  siècle sur la législation et la sociabilité du xixe . »

Lerminier a l’art d’exceller en ces sortes de statues qu’il dresse ; l’orateur, on le sent par lui, s’adresse volontiers aux masses comme le statuaire ; la solennité, l’ampleur, le sacrifice des détails, l’exagération poussée au colossal, leur vont à tous deux et sont conformes à leurs fins.

2480. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre II. Utilité de l’ordre. — Rapport de l’ordre et de l’originalité »

Dans la forme, dans l’empreinte particulière que l’artiste met sur un sujet banal : en d’autres termes, dans la combinaison nouvelle des éléments, dans l’expression de rapports inexprimés jusque-là ; il innove, suivant son tempérament personnel, suivant ses habitudes d’esprit et ses formules d’art, dans la distribution des lumières et des ombres, dans la composition des plans ; il change les proportions des parties, modifie leur valeur : enfin, par un agencement nouveau, il renouvelle une vieille matière.

2481. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

Son récit est grouillant de vie, et l’impression a cette netteté qu’un art supérieur peut seul donner.

2482. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

D’un autre côté, le manque total de goût pour les arts et pour ce qui contribue à l’élégance de la vie matérielle, donne à la maison de celui qui ne manque de rien un aspect de dénûment.

2483. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Si nous jugions uniquement d’après ce qui se passe de nos jours, nous pourrions affirmer qu’une certaine façon de concevoir l’art et le monde dure environ trente-cinq ou quarante ans.

2484. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre III. Soubrettes et bonnes à tout faire »

Car Abel Hermant a appris au bon endroit ce métier de pasticheur que la rue d’Ulm prend pour l’art de l’écrivain.

2485. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Tout ce que nous avons gagné en devenant plus instruits, c’est d’avoir appris à être méchans avec art, & à conserver dans le mal une sorte de décence qui le rend plus épidémique & plus dangereux.

2486. (1856) Cours familier de littérature. I « IIe entretien » pp. 81-97

IV Quant à la parole écrite qui a produit la lecture, et par la lecture la littérature, on conçoit très-bien que cet art d’écrire les signes et les sons ait été inventé par l’homme.

2487. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

Si, dans la littérature et les arts, le génie pittoresque a succédé au génie statuaire ; dans la société, l’énergie du sentiment moral et la force d’expansion du principe intellectuel sont devenues deux puissances tout à fait distinctes.

2488. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Rome et la Judée »

Quoique la spécialité biographique, l’art de faire bomber ou creuser un visage, soit ce qui a le plus résisté dans le talent fin et curieux de Champagny, qui fut plutôt, autrefois, dans son meilleur temps, un graveur historique qu’un historien, et qu’on ait reconnu sa pointe, malgré son émoussement, dans les profils qu’il trace d’Othon, de Vespasien et de Vitellius, il est moins heureux cependant avec des têtes comme celles d’Apollonius, de Simon le Magicien et de Cérinthe, que Suétone et Tacite ne lui ont pas préparées, marquant avec l’ongle, leur ongle coupant et terrible, les endroits où le burin devait appuyer !

2489. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « De Cormenin (Timon) » pp. 179-190

Parmi ces brochures parurent, séparés les uns des autres, les portraits des Orateurs qu’il avait coudoyés presque tous de plain-pied dans cette Chambre dont il avait fait longtemps partie ; et ce furent là peut-être ceux qu’il aimait le plus de ses pamphlets, parce qu’il y était question d’art oratoire, sa passion malheureuse, et qu’il pouvait y attaquer des rivaux heureux.

2490. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Gères. Le Roitelet, verselets. »

Ce n’est pas un poète d’art pour l’art.

2491. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

Il nous a donné sa poétique, qui n’est pas d’une complication bien difficile, mais qui consiste à nous prouver à l’aide de Beethoven et de Claude Lorrain, et de la musique, et des paysages et du dernier progrès des arts, que le poète n’a plus, pour toute ressource d’invention, qu’à faire parler les arbres, les fleurs, tous les objets de la nature, ce que M. 

2492. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Assurément nous ne comparerons pas à l’auteur de Marianne, des fausses Confidences, des Jeux de l’Amour et du Hasard et de tant de chefs-d’œuvre où l’art est retors jusqu’à l’artifice, un auteur à l’aurore de ses premières pages, qui a du sentiment comme Chérubin dans sa romance, et qui, comme Chérubin, est très-joli garçon en femme, ainsi qu’il l’a prouvé dans sa Confession d’Antoinette, dont tout à l’heure nous allons vous parler.

2493. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre IV. De la méthode » pp. 81-92

Art poétique.

2494. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

Ce qu’elle devra partager plus tard avec la science, l’art, la philosophie, elle le demande et l’obtient d’abord pour elle seule. […] On trouve dans le passé, on trouverait même aujourd’hui des sociétés humaines qui n’ont ni science, ni art, ni philosophie. […] Mais de la faculté fabulatrice, qui l’avait élaborée, est sortie par un développement ultérieur une mythologie autour de laquelle ont poussé une littérature, un art, des institutions, enfin tout l’essentiel de la civilisation antique. […] Que sera-ce, si le dieu est chanté par les poètes, logé dans des temples, figuré par l’art ? […] Coextensif aux anciennes civilisations, il s’est grossi de tout ce qu’elles produisaient, ayant inspiré la littérature et l’art, et reçu d’eux plus encore qu’il ne leur avait donné.

2495. (1929) Amiel ou la part du rêve

Adolphe Pictet a rédigé dans son livre Du beau dans la nature, l’art et la poésie, les idées qu’il exposait à l’Académie : de l’esthétique allemande, interprétée avec intelligence et générosité. […] Les leçons d’esthétique de Pictet l’ayant ému, il attend pieusement le contact avec la terre des arts et les paysages de Virgile. […] N. est dans sa parfaite clarté et dans son art d’exposition. […] Là où Panurge va interroger l’oracle de la Dive bouteille, Amiel consulte l’art de Barème. […] … Vers la trentaine, il avait pensé épouser une belle jeune fille, pleine de feu, d’enthousiasme pour l’art, qu’il comparait à Corinne.

2496. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Avec cet art involontaire d’apercevoir et d’isoler du premier coup et nettement chaque partie de chaque objet, on peut parler, même à vide et toujours. […] Est-ce que vous ne voyez point ici et d’avance l’abrégé de toute la littérature française, l’impuissance de la grande poésie, la perfection subite et durable de la prose, l’excellence de tous les genres qui touchent à la conversation ou à l’éloquence ; le règne et la tyrannie du goût et de la méthode ; l’art et la théorie du développement et de l’arrangement ; le don d’être mesuré, clair, amusant et piquant ? […] Ils versaient le sang au hasard, arrachaient le morceau de pain de la bouche des malheureux et prenaient tout l’argent, les biens, la terre97. » Par exemple, « tous les gens du pays bas avaient grand soin de paraître humbles devant Ives Taillebois, et de ne lui adresser la parole qu’un genou en terre ; mais quoiqu’ils s’empressassent de lui rendre tous les honneurs possibles et de payer tout ce qu’ils lui devaient et au-delà, en redevances et en services, il les vexait, les tourmentait, les torturait, les emprisonnait, lançait ses chiens à la poursuite du bétail…, cassait les jambes et l’échine des bêtes de somme…, et faisait assaillir leurs serviteurs sur les routes à coups de bâton ou d’épée. » Ce n’était pas à de pareils malheureux98 que les Normands pouvaient ou voulaient emprunter quelque idée ou quelque coutume ; ils les méprisaient comme « brutaux et stupides. » Ils étaient parmi eux, comme les Espagnols au seizième siècle parmi leurs sujets d’Amérique, supérieurs par la force, supérieurs par la culture, plus instruits dans les lettres, plus experts dans les arts de luxe. […] Les fabliaux, les malins tours du renard, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit sur la puissance jointe à la sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro, assez peu disposé à résister en face, trop fin pour aimer les grosses victoires et les façons de lutteur, enclin, par agilité d’esprit, à tourner autour des obstacles, et n’ayant qu’à toucher les gens du bout du doigt pour les faire tomber dans le panneau. […] « God a mercy for nought, my freedom I bought,     I may thank my staff, not thee… » « I am a tanner, bold Arthur reply’d,     In Nottingham long I have wrought And if thoul’t come there, I vow and swear,     I will tan thy hide for « nought. » « God a mercy, good fellow, said jolly Robin,     Since thou art so kind and free ; And if thou wilt tan my hide for « nought »,     I will do as much for thee. » 147.

2497. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

L’attaque avait porté sur tous les points, et s’était étendue à toutes les branches des connaissances : l’histoire, la philosophie, les sciences, la politique, la législation, les arts, la littérature. […] Le Génie du christianisme se divise en quatre parties : la première traite des dogmes et de la doctrine ; la deuxième et la troisième, c’est le coeur de l’ouvrage, renferment la poétique du christianisme, ou les rapports de la religion avec la poésie, la littérature et les arts ; la quatrième contient le culte, c’est-à-dire tout ce qui concerne les institutions religieuses et les cérémonies de l’Église. […] La faculté de penser est native en nous, puisqu’elle est nous-mêmes, et qu’on ne peut concevoir un homme sans faculté de penser ; mais l’art de parler est acquis et nous vient des autres, puisqu’on voit des hommes qui ne parlent pas parce qu’ils n’entendent pas parler, et qu’on voit parler tous les hommes qui entendent parler les autres. […] Lucien Bonaparte, déjà célèbre par un grand talent oratoire et par l’amour des arts et des lettres. […] Dans cette étude d’après l’antique, l’art est trop recherché, et l’érudition nuit à l’inspiration.

2498. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

L’amour riant, les doux songes poétiques, les arts, la fine et agile pensée sont pour les heureuses plages de la Méditerranée. […] Nul art, nul talent naturel pour décrire une à une et avec ordre les diverses parties d’un événement ou d’un objet. […] Dans leur langue, les flèches « sont les serpents de Héla, élancés des arcs de corne », les navires sont « les grands chevaux de la mer », la mer est la coupe des vagues, « le casque est « le château de la tête  » ; il leur faut un langage extraordinaire pour exprimer la violence de leurs sensations, tellement que lorsque avec le temps, en Islande où l’on a poussé à bout cette poésie, l’inspiration primitive s’alanguit et l’art remplace la nature, les Skaldes se trouvent guindés jusqu’au jargon le plus contourné et le plus obscur. […] Hors de là, elle est impuissante ; l’art de penser et de raisonner est au-dessus d’elle.

2499. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Il faut du loisir, de l’élégance de mœurs, du superflu de temps et d’aisance pour les arts de l’esprit ; quand il n’y a plus de lecteurs, où sont les écrivains ? […] C’était un grand disciple et un grand modèle de l’art d’écrire ; mais le véritable art d’écrire n’est pas un art, c’est une âme.

2500. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

Selon lui, en effet, dans le récit des plus circonstanciés qu’il nous offre des dispositions des puissances à ce congrès et des phases diverses par lesquelles on passa successivement, M. de Talleyrand, qui eut l’art et le mérite, dès le premier jour, de s’y faire une place digne de la France, n’aurait point été également habile à profiter de la situation qu’il s’y était faite ; il aurait dû tenter d’autres alliances que celles qu’il pratiqua, se rapprocher de la Russie et de la Prusse plutôt que de se lier avec l’Angleterre et avec l’Autriche.

2501. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Rossignol établit, avant tout, ce soin scrupuleux et presque religieux que mirent les Grecs à distinguer les genres divers de poésie, et à maintenir ces distinctions premières durant des siècles, tant que chez eux la délicatesse dans l’art subsista : La nature dicta vingt genres opposés D’un fil léger entre eux chez les Grecs divisés ; Nul genre, s’échappant de ses bornes prescrites, N’aurait osé d’un autre envahir les limites… André Chénier s’est fait, dans ces vers, l’interprète fidèle de la poétique de l’antiquité.

2502. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Pensées »

. — Nul n’a droit de dire : « Je connais les hommes. » Tout ce qu’on peut dire de juste, c’est : « Je suis en train de les connaître. » XXIII Assembler, soutenir et mettre en jeu à la fois dans un instant donné le plus de rapports, agir en masse et avec concert, c’est là le difficile et le grand art, qu’on soit général d’armée, orateur ou écrivain.

2503. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — I »

Le célèbre professeur de Berlin regarde la religion ou le sentiment comme le premier moment du développement de l’humanité, la philosophie ou la raison ou la réflexion comme le dernier moment, l’art qui représente la forme étant le terme intermédiaire de cette évolution ; aussi, à ses yeux, la nouvelle époque de l’histoire où nous allons entrer ne sera pas autre chose que la religion chrétienne passée à l’état de philosophie, ou, comme il dit, ayant acquis la conscience de soi.

2504. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Alexandre Dumas. Mademoiselle de Belle-Isle. »

M. de Maistre, qui, dans admirables pages sur l’art chrétien, s’est pris à regretter que Molière, avec sa veine, n’ait pas eu la moralité de Destouches, est tombé, contre son ordinaire, dans une inadvertance ; il a demandé là une chose impossible et contradictoire.

2505. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

— Cf. aussi le curieux passage (I, Il, 12) qui donne les principes d’un art protestant, réaliste et moral.

2506. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Gardez-vous d’exagérer votre activité… Il faut que l’art soit la règle de l’imagination pour qu’elle se transforme en poésie… » Critique admirable et digne absolument de l’esprit sans règle et sans frein dont les premiers tumultes se faisaient entendre à tout le genre humain.

2507. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

La marche du droit, comme celle de la religion et de l’art a été dans le sens de l’individualisme.

2508. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

A-t-il l’art de résumer sa pensée en formules nettes, frappées comme des médailles ?

2509. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVIII » pp. 305-318

Voltaire, qui, à la vérité, avait une bonne raison pour ne pas aimer que l’on décriât les femmes savantes (c’était son attachement pour la marquise du Châtelet), observe fort judicieusement et en homme de l’art, que dans la pièce dont nous parlons, « Molière attaque un ridicule qui semblait peu propre à réjouir ni la cour, ni le peuple à qui ce ridicule paraissait être également étranger, et qu’elle fut reçue d’abord assez froidement.

2510. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1824 »

La vérité revient partout, dans les mœurs, dans les lois, dans les arts.

2511. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il passa de bien loin les artistes, les arts.

2512. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

Dans ces Réflexions estimées sur ces deux arts, il rapporte en partie à la différente température de l’air, la source de la décadence où tendent tous les genres.

2513. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Si l’apprenti prêtre a fait son cours entier des arts, il saura le latin et le grec.

2514. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

Encore si le mauvais choix des tableaux de Baudouin était racheté par le dessin, l’expression des caractères, un faire merveilleux ; mais non, toutes les parties de l’art y sont médiocres.

2515. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

Je l’ai déjà signalée, mais je veux la donner comme elle la donne elle-même, à sa première page, dans ce style qui a vieilli, mais qui ne s’est pas bonifié en vieillissant : « Ô vous que la nature et l’art ont favorisés !

2516. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Aucun procédé, aucun effort de volonté, aucune de ces comédies intérieures que l’homme se joue et qu’il appelle de l’art, n’a pu donner à l’auteur, de ces souvenirs d’Asie l’accent brisé et doux de bonheur impossible qu’on entend, mais qui ne gémit pas, sous ses phrases écrites, dirait-on, par une signora Pococurante, dans le calme et l’indifférence, ni lui faire composer à loisir ce parfum subtil qui s’en échappe et vous enveloppe bientôt tout entier… Mme de Belgiojoso a-t-elle jamais été une femme littéraire ?

2517. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Deux diplomates »

L’avant-propos de cette correspondance tronquée, dont Adhémar d’Antioche a publié les tronçons, nous apprend que, de 1836 à 1843, le comte Raczynski avait publié, en plusieurs volumes, un grand livre intitulé : l’Art moderne en Allemagne.

2518. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

L’art ne doit jamais diminuer la vie, car il n’est après tout, lui-même, malgré ses prétentions, qu’une imitation de la vie.

2519. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Les Grecs — peuple tout extérieur — n’ont point laissé de mémoires, et leur individualité, qui ressemble à leurs statues, ne se voit qu’à la place publique et sous les draperies d’un art et d’un mensonge qui ne les abandonnent jamais.

2520. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Dans la Marie-Antoinette d’avant l’échafaud, d’avant la prison, et même d’avant la calomnie ; dans la Marie-Antoinette de la jeunesse et du bonheur, dans celle-là que Prudhon aurait peinte, que Goujon et Canova auraient sculptée ; dans cette idéale reine aux cheveux d’or, pour qui non-seulement un diadème pesait trop, mais une simple guirlande ; dans celle-là, enfin, la Marie-Antoinette à la robe de linon qui semblait ressortir plus particulièrement de leur art, à ces historiens de la Vie, il y avait une femme qu’ils ont oubliée, un génie de femme qu’ils auraient dû dégager et qu’ils n’ont pas vu, comme s’il était dans le destin de la divine Malheureuse d’être méconnue par l’Histoire autant qu’elle avait été calomniée.

2521. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Dans la Marie-Antoinette d’avant l’échafaud, d’avant la prison, et même d’avant la calomnie ; dans la Marie-Antoinette de la jeunesse et du bonheur, dans celle-là que Prudhon aurait peinte, que Goujon et Canova auraient sculptée ; dans cette idéale reine aux cheveux d’or, pour qui non seulement un diadème pesait trop, mais une simple guirlande ; dans celle-là, enfin, la Marie-Antoinette à la robe de linon, qui semblait ressortir plus particulièrement de leur art, à ces historiens de la Vie, il y avait une femme qu’ils ont oubliée, un génie de femme, qu’ils auraient dû dégager, et qu’ils n’ont pas vu, comme s’il était dans le destin de la divine Malheureuse d’être méconnue par l’histoire, autant qu’elle avait été calomniée !

2522. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Le chef de cette commune, directeur de l’œuvre commerciale avant d’être magistrat municipal, s’appela prévôt des marchands jusqu’au 15 juillet 1789 : « Élevé à sa fonction par le vote universel, il gouvernait à la fois tous les arts et tous les métiers, et devenait ainsi le symbole social.

2523. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Quel artiste, en effet, ayant le respect de son art et de lui-même, quand il s’agit de l’ensemble de ses travaux, ne pratique pas sur ce qu’il écrivit, à des époques distantes et dans des inspirations différentes, la retouche suprême qui affermit et qui achève, et après laquelle il n’y a plus pour l’homme que le désespoir de l’idéal ?

2524. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les Chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée.

2525. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

Ils ne savaient ce que c’était que stratagème militaire ; lorsqu’ils l’eurent observé dans les Carthaginois, ils appelèrent les stratagèmes punicas artes, les arts puniques ou carthaginois.

2526. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

De même que les poètes guidés par leur art portèrent les personnages et les masques sur le théâtre, les fondateurs du droit, conduits par la nature, avaient dans des temps plus anciens, porté sur le forum les personnes (personas) et les emblèmes110. — Incapables de se créer par l’intelligence des formes abstraites, ils en imaginèrent de corporelles, et les supposèrent animées d’après leur propre nature.

2527. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

L’idylle n’est pas un genre qui puisse indifféremment venir en tout temps et partout ; il y faut une part de naturel, même quand l’art doit s’en mêler. […] La première idylle, on l’entrevoit par le peu que nous avons dit, à la fois douce et grave, et composée avec art, mérite le rang qu’elle occupe en tête du recueil ; un ancien a eu raison de dire qu’elle justifie ce mot de Pindare : « A l’entrée de chaque œuvre, il faut placer une figure qui brille de loin. » Si je pouvais me donner toute carrière3, j’aurais peine à ne pas aller droit, comme la chèvre, aux parties scabreuses et, pour ainsi dire, aux endroits escarpes de Théocrite, à cette idylle quatrième, par exemple, qui semblait si peu en être une aux yeux de Fontenelle, et dont le trait le plus saillant vers la fin est une épine que l’un des interlocuteurs s’enfonce dans le pied, et que l’autre lui retire. […] Et Chateaubriand, qui n’a cessé d’avoir le grand culte présent, a dit en s’adressant à un ami qu’il voulait enflammer : « C’est une vérité indubitable qu’il n’y a qu’un seul talent dans le monde : vous le possédez cet art qui s’assied sur les ruines des empires, et qui seul sort tout entier du vaste tombeau qui dévore les peuples et les temps. » On aime à entendre à travers les âges ces échos qui se répondent et qui attestent que tout l’héritage n’a pas péri.

2528. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Elle encourage les arts qui succèdent aux industries ; Florence se couvre de monuments, véritable diadème de l’Italie moderne ; elle semble gouvernée pour l’honneur de l’esprit humain par une dynastie de Périclès ; sa langue devient la langue classique de l’Italie régénérée ; ses mœurs s’adoucissent comme ses lois ; son peuple, déshabitué des guerres civiles, reste actif sans être turbulent ; il cultive, il fabrique, il navigue, il commerce, il bâtit, il sculpte, il peint, il discute, il chante, il jouit d’un régime tempéré et serein comme son climat ; les collines de l’Arno, couvertes de palais, de villages, de fabriques, d’oliviers, de vignobles, de mûriers, qui lui versent l’huile, le vin, la soie, deviennent pendant trois siècles l’Arcadie industrielle du monde ! […] Venise lui dut des conquêtes éclatantes, un peuple doux, une politique immuable, des monuments, des arts et des fêtes qui font époque dans les annales de l’esprit humain. […] XL Son fils, héritier de sa bravoure, a repris sur sa tombe les projets interrompus et l’épée brisée de son père ; ses défis incessants, ses provocations habiles à une guerre italienne, ont réussi à amener l’Autriche dans le piège d’une guerre ourdie avec un art que Machiavel n’aurait pas surpassé.

2529. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

La fille de Jupiter, Minerve, lui prête un aspect plus grand et plus robuste, elle fait tomber de sa tête en boucles sa chevelure pareille à la fleur de l’hyacinthe ; et, comme un habile ouvrier à qui Vulcain et Pallas-Minerve ont enseigné la diversité de leur art, mêle l’or à l’argent pour en perfectionner les œuvres charmantes, ainsi la déesse a répandu la grâce sur la tête et les épaules d’Ulysse : bientôt il va s’asseoir à l’écart sur le rivage de la mer, resplendissant de grâce et de beauté. […] Quant à moi, comme au milieu de ces divers travestissements de sa pensée, je ne rencontrais que peu de traits de son propre génie, je m’en étais fait une image idéale plus près du ciel que de la terre, et cette image s’est mêlée à toutes les jouissances ou aux illusions de mes pérégrinations orientales ; enfin, quand je m’asseyais sur les décombres d’Éleusis et sous les colonnes du Parthénon, où vous avez médité vous-même, il me semblait toujours voir planer, au-dessus des monuments écroulés ou debout encore du culte ou des arts, la grande figure d’Orphée, le premier en date des bienfaiteurs de l’humanité. » XI Une traduction des poésies d’Eschyle, cette élégie nationale des vaincus de Salamine, écrite et chantée sur le théâtre d’Athènes pour grandir les vainqueurs, termine cette belle étude sur la poésie des Grecs. […] Ainsi quand je suis seul, ainsi quand je m’attriste Des misères de l’art et du métier artiste,         Écrire, alors m’est odieux.

2530. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Au fond, dans le roman, la grande difficulté pour les écrivains amoureux de leur art, c’est le dosage juste de la littérature et de la vie, — que la recherche excessive du style, il faut bien le reconnaître, fait moins vivante. […] » Et elle ajoute après un silence : « Car, on a beau dire, à Versailles est toute l’histoire de France… » Tholozan, médecin du shah de Perse, depuis vingt-neuf ans, nous faisait une curieuse révélation : « Les Persans disent aux Européens : Vous avez, vous autres, des horlogers, des mécaniciens, des ouvriers dans les arts mécaniques, supérieurs aux nôtres, mais nous vous sommes bien supérieurs en tout, — et ils demandent, si nous avons des littérateurs, des poètes !  […] Par exemple, à propos du repas nocturne des bohémiens, au bord de la Seine, l’ouverture des Frères Zemganno, et où se trouve la description d’un saule, que je fais gris, sur une note prise d’après nature, il dit : « On sait que le vert devient noir la nuit. » N’en déplaise aux mânes de l’écrivain russe, mon frère et moi étions plus peintres que lui, témoin les très médiocres peintures et les horribles objets d’art qui l’entouraient, et j’affirme que le saule décrit par moi, était gris et pas du tout noir.

2531. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

En un mot, aurons-nous à signaler une contradiction complète et péremptoire entre la science et l’art, entre le sentiment et la raison ? […] Je crois au contraire que la science qui coule de source pure deviendra lumineuse pour tous, et que partout la science et l’art doivent se donner la main en s’interprétant et en s’expliquant l’un par l’autre. […] Je désirerais au contraire, si j’ose ainsi dire, pouvoir affirmer l’art par la science en essayant d’expliquer par la physiologie ce qui n’a été jusqu’à présent qu’une simple intuition de l’esprit. […] La science ne contredit point les observations et les données de l’art, et je ne saurais admettre l’opinion de ceux qui croient que le positivisme scientifique doit tuer l’inspiration. […] L’artiste trouvera dans la science des bases plus stables, et le savant puisera dans l’art une intuition plus assurée.

2532. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Ce n’est pas seulement un objet d’art, c’est un livre, une sorte de procès-verbal qui étale sous les yeux du lecteur un nombre défaits, d’observations, le laissant libre d’en tirer ses déductions. […] J’arrivai enfin dans l’aristocratique hôtel qu’il habite et je le trouvai dans ce cabinet élégant, rempli de livres et d’objets d’art que connaissent si bien ses amis. […] Moi, qui écris pour le théâtre, je ne puis pas dédaigner ce qu’ont accepté ces maîtres en l’art dramatique, Émile Augier, Alexandre Dumas, Octave Feuillet, Labiche, Pailleron et Halévy, ce qui a plu à des philosophes et des poètes tels que Renan, Taine, Caro, Boissier, Coppée, Sully Prudhomme, etc., mais leur goût n’est pas le mien. […] J’ai cru devoir citer ce passage pour expliquer à ceux qui voudront bien n’avoir pas de parti pris, que ce livre, où pourtant je lis plusieurs jurons et le mot cochon écrit trois fois, est surtout une œuvre d’art et d’art très élevé. […] Ce n’est pas moi qui te ferai l’éloge d’un temps où le sentiment viril du beau dans les arts est vilipendé par les culs-de-jatte patentés du gouvernement de l’Institut, qui voient la nature en grisaille d’après la palette du père Ingres !

2533. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (4e partie) » pp. 81-143

Ce n’est pas de l’art, c’est de la nature ; mais choisir ce trait est d’un suprême artiste. […] Ce logis communiquait, par derrière, par une porte masquée et ouvrant à secret, avec un long couloir étroit, pavé, sinueux, à ciel ouvert, bordé de deux hautes murailles, lequel, caché avec un art prodigieux et comme perdu entre les clôtures des jardins et les cultures dont il suivait tous les angles et tous les détours, allait aboutir à une autre porte également à secret, qui s’ouvrait à un demi-quart de lieue de là, presque dans un autre quartier, à l’extrémité solitaire de la rue de Babylone.

2534. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

LXIII Mais tout homme dans les arts prétend toujours monter un peu plus haut que son talent. […] Avec quelle sainte et poétique horreur j’errais dans ces vastes édifices consacrés par les arts à la Religion !

2535. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

L’opéra appartiendra, jusqu’à la fin du xviiie  siècle, à la littérature, autant et presque plus qu’à l’art musical : nous le verrons exercer par son éclat et ses séductions une réelle et parfois fâcheuse influence sur la littérature. […] Hormis la révélation de certaines résistances du goût public sur lesquelles nous reviendrons, nulle question de doctrine ou d’art n’est enveloppée dans es attaques ; et l’étude des pamphlets dirigés contre Racine n’a qu’un intérêt anecdotique.

2536. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

Cette absolution le relevait de toutes ses fautes ; elle lui permettait de rentrer dans le monastère de Maillezais, et d’exercer, avec la permission de son supérieur, et sans rémunération, l’art de la médecine « jusqu’à l’incision et la brûlure exclusivement. » Les termes mêmes de la bulle, qui louaient son zèle pour la religion et les lettres, sa probité et ses bonnes mœurs, rendaient vaines toutes les accusations contre sa vie passée. […] Il en avait sans doute appris l’art dans les écrits des Grecs, où cette variété des pensées et des tours qui les expriment ce mélange d’expressions de tous les ordres, est une des grâces inimitables du génie grec.

2537. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Pasquier, le plus agréable à lire peut-être, est ingénieux et sensé dans ses Recherches, piquant dans ses lettres, imitées de cet art de Pline le Jeune, qui fait valoir des riens par le soin de l’expression ; mais il ne s’y élève jamais à cet ordre d’idées où la langue est faite de génie. […] Ce ne sont, toutefois que des écrivains à consulter un seul ouvrage, dans cet ordre, est à lire, parce qu’il a défendu la bonne politique du temps par des moyens et avec un art qui sont de tous les temps : c’est la Satire Ménippée.

2538. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Il y a un luxe d’art, un luxe de bijoux, un luxe de sentiments même, ou d’intellectualité, c’est un luxe que de se griser de mauvais vin, c’est un luxe aussi de passer son temps en études stériles, ou d’errer dans des musées, de se complaire à des jeux d’amour ou de collectionner des diamants. […] La morale vraie est un art difficile et délicat, plein de nuances et semé de pièges.

2539. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Mais cette fausse conception d’elle-même ne porte que sur quelques parts de son activité de luxe, sur quelques parts de cette activité surabondante où se manifestent, avec les lettres et les arts, les derniers effets d’une civilisation. […] D’une façon générale, il apparaît que l’idée qui, dans sa pureté, allait à renier le monde, concluait au renoncement des biens terrestres, proclamait la fraternité humaine, l’égalité de tous et la vanité des différences, tenait en mépris l’effort intellectuel et la recherche scientifique, condamnait l’attachement à la beauté des formes, des mots et des sons, a donné naissance, avec le monde moderne qu’elle a créé, à l’organisation de la propriété, au développement de la richesse, à la constitution des hiérarchies, à un labeur inouï de l’humanité occidentale pour s’emparer des forces de la nature, à un accroissement des besoins, à une culture scientifique, dont le monde antique n’a pas approché, ainsi qu’à des formes d’art nouvelles et d’une égale beauté.

2540. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

D’un autre côté, après avoir peint tant d’esprits dont les proportions ne font du peintre qui les reproduit qu’un faiseur de pastels ou de miniatures, quelle que soit d’ailleurs la supériorité de son art, l’auteur des Portraits littéraires était digne de nous dérouler quelque grande toile où le génie épique de Virgile se fût dressé dans toute sa stature et eût respiré de vie dans sa tranquille immortalité. […] Toutes les questions que l’immense nom de Virgile soulève ont été touchées et résolues avec le renseignement et l’art d’un connaisseur habile.

2541. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

que dans les arts, et surtout dans l’art de penser et d’écrire, une manière convenue, une imitation quelconque, plaisent naturellement à l’homme, pris en masse, et ne troublent pas ce singe humain qui n’est un homme que dans de sublimes distractions, nous aurons une explication très satisfaisante du succès actuel de la Mme de Longueville de M. 

2542. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Il n’a pas le montant du talent, le ragoût enragé de l’apprêt, de l’art de tout ce qui crée la vie et l’illusion dans le mensonge humain. […] il n’est pas tombé de haut… mais encore est-il tombé ; car le plus mauvais, le plus abaissé de ses livres d’histoire, vaut infiniment mieux par le sujet, l’art et les notions qu’il nous donne, que ces livres de physiologie et de sentiment qui ne sont pas plus du sentiment vrai que de la physiologie exacte.

2543. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

L’Impératrice eut l’art de ménager ces deux intrigues secrètement, séparément, à l’insu l’une de l’autre, et elles ne se rejoignirent qu’à l’heure décisive.

2544. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Excellent sous le rapport philosophique, incomplet seulement sous celui de l’art, le style de M. de Tocqueville, grâce à ce qu’il rejette, est plus normal et plus droit de déduction ; mais il faut, surtout dans le premier volume, se détourner souvent vers les notes qui complètent le texte ou le modifient.

2545. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre IV. Unité et mouvement »

Il y a peu de gens qui aient le courage d’avouer que, bien comprises, ces règles valent encore aujourd’hui, et que les plus indépendants, s’ils ont un vrai sentiment de l’art, suivent d’instinct les lois qu’ils méprisent par théorie.

2546. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Tout l’art des auteurs, tout l’intérêt des spectateurs se portent à peu près sur cette unique question : étant donné un sujet tragique, comment les situations tragiques seront-elles ingénieusement esquivées et réduites aux bienséances ?

2547. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVIII. Gentils conteurs » pp. 218-231

Louÿs est le plus fin des conteurs symbolistes, mais je discute âprement l’esthétique de son art et de quelques-uns.

2548. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Différence de la science et de l’art à cet égard.

2549. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre III. Éducation de Jésus. »

Cette architecture d’ostentation, arrivée en Judée par chargements, ces centaines de colonnes, toutes du même diamètre, ornement de quelque insipide « rue de Rivoli », voilà ce qu’il appelait « les royaumes du monde et toute leur gloire. » Mais ce luxe de commande, cet art administratif et officiel lui déplaisaient.

2550. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Il n’est pas douteux que Jésus n’ait eu de son vivant la réputation de posséder les derniers secrets de cet art 753.

2551. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie…………………………… Au fond du temple on eût vu son image, Avec ses traits, son souris, ses appas, Son art de plaire et de n’y penser pas… J’aurais fait voir à ses pieds, des mortels, Et des héros, des demi-dieux encore, Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels.

2552. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre V, la Perse et la Grèce »

Mais cette race élue portait en elle des divinités qui devaient conquérir le monde : les génies de la beauté, de la civilisation, de l’éducation, du progrès ; une religion ouverte à toutes les hardiesses et à toutes les conceptions de l’esprit, le sens unique et parfait des arts, le culte des idées pures, un don de perfectionnement qui transformait tout ce qu’elle touchait.

2553. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Telle, dans des canaux pressée, Avec plus de force élancée, L’onde s’élève dans les airs ; Et la règle, qui semble austère, N’est qu’un art, plus certain de plaire, Inséparable des beaux vers.

2554. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VII »

Michel Bréal donne la préférence à la traduction Dacier (Art. de la Revue de Paris, 15 fév. 1903).

2555. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Je contesterais même à l’imprimerie la prérogative d’art conservateur, qui lui est cependant si unanimement attribuée.

2556. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Jamais on ne se douterait à distance des dépenses d’esprit, d’art, de délicatesses infinies qu’il a faites, cet Infortuné et ce Méconnu adorable, pour insinuer seulement qu’il était méconnu et qu’il était malheureux !

2557. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Au milieu de tant d’autres critiques qui n’auraient vu dans François Villon que l’art des vers, — naturalistes, épingliers, babiolistes, — M. 

2558. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Elle lui aurait appris que le nécessaire intellectuel et moral de l’homme doit être prêt et complet avant cet âge décisif et funeste, et que la conscience ne s’improvisait pas en quelques leçons, au bout de l’enseignement du collège, comme l’art de danser ou de tenir la bride de son cheval !

2559. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Cantatrice plus de nature que d’art, elle avait une voix qui faisait pleurer, en attendant que les mots plaisants ou cruels, dits par elle au lieu d’être chantés, fissent rire la gaieté ou saigner l’amour-propre.

2560. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

Tessier, on voit que l’esprit de ce redoutable discuteur doit fomenter, depuis longtemps déjà, une vaste théorie de son art, et il est impossible de ne pas tenir compte de ce qu’on aperçoit d’un système qui, sans doute, se dégagera plus tard, avec la double force de ses développements et de son ensemble.

2561. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ch. de Rémusat. Abélard, drame philosophique » pp. 237-250

Mais à présent, quand toutes les expériences et applications ont été faites de la fausse Poétique dont le manifeste fut la préface du Cromwell, nous savons à quoi nous en tenir sur ces drames sans logique, ni dans l’espace ni dans le temps, qu’on nous a donnés pour un art nouveau, quand ce n’était qu’une impuissance.

2562. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Dans l’art plastique et purement pittoresque, n’oubliez pas non plus les adorables mendiants de Callot, tous ces magnifiques stropiats de la guerre de Trente ans, avec lesquels, dans sa vie errante comme la leur, il avait vécu, et demandez-vous pourquoi la pauvreté est une si grande poésie ?

2563. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Le livre de Mgr Salvado est précisément un de ces poèmes de simplicité dans la grandeur que l’Art n’a pas faits, et qu’on admire sans les discuter.

2564. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Mais il ne faut pas s’y méprendre, l’art et l’émotion ne sont pas ce qu’un vain peuple d’utilitaires pense.

2565. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

… d’art et d’affection, Habitants du granit hautain (Hugo !!)

2566. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. J. Autran. Laboureurs et Soldats, — Milianah. »

Non, certes, que la poésie ne pût ajouter à la beauté du fait qu’elle raconte et élever une réalité si sublime à quelque chose de plus beau encore que la mâle simplicité du récit : ce serait nier la poésie et l’art du poète que de le prétendre ; mais il fallait un poète qui eût la corde militaire ; et, il faut bien le dire, les cordes de la lyre de M. 

2567. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Elle ne fut pas toujours grecque ou romaine, fille d’une civilisation artificielle, c’est-à-dire refaite à force d’Art.

2568. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

Nulle part on n’avait vu plus de littérature travaillée, archi-travaillée, d’un art qui touche à l’artifice et d’un artificiel qui touche presque à l’artificieux, — nulle part, même dans Chateaubriand !

2569. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Eugène Sue n’a jamais cessé d’être un comédien, fou du public plus que de son art et se grimant dans ses livres comme dans le salon de la duchesse, où il eût bien fait de rester.

2570. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Mm. Jules et Edmond de Goncourt. » pp. 189-201

Or, comme il n’y avait là à attendre ni manière nouvelle de regarder et de juger cette société méprisable en tout, depuis ses mœurs jusqu’à ses arts, ni manière nouvelle non plus dans le procédé pour la peindre, car on ne renouvelle son talent qu’en agissant fortement sur le fond même de sa pensée, nous n’eussions plus parlé de MM. de Goncourt.

2571. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

On emploie toute l’adresse de l’art pour que l’innocent n’échappe point : un des juges est contraire à l’arrêt de mort, on le fait opiner le dernier.

2572. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Après les nominalistes et tous les philosophes qu’avait frappés l’association des termes généraux avec les notions générales, Condillac avait insisté sur le même fait, mais en logicien plutôt qu’en psychologue, et sans songer à distinguer la parole intérieure de la parole extérieure : « Tout l’art de raisonner se réduit à l’art de bien parler ; — une science bien traitée n’est qu’une langue bien faite ; — toute méthode analytique de la pensée est une langue ; — nous pensons par les langues » tels sont ses principaux aphorismes ; Rousseau, lui, envisageant la pensée et ses expressions comme deux successions parallèles, esquissait une vraie description psychologique quand il disait : « L’esprit ne saisit (les idées dont l’objet n’est pas sensible) que par des propositions : car sitôt que l’imagination s’arrête, l’esprit ne marche plus qu’à l’aide du discours. » Sur la question des origines, Condillac avait soutenu, après l’oratorien Richard Simon29 3 et avec la grande majorité des philosophes du xviiie  siècle et des idéologues, l’invention humaine de la parole, ou, en d’autres termes, la création de l’expression de la pensée par les seules forces naturelles de la pensée : à quoi Rousseau répondait : « La parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l’usage de la parole. » D’autre part, et dès avant ses recherches sur le langage, de Bonald était d’instinct partisan des vérités immuables ; et, disposé comme il l’était à voir dans le progrès une illusion coupable, dans le devenir une forme inférieure de la réalité, une déchéance de l’être, il avait été facilement mis par le P. […] Il cite pourtant avec éloge une formule de Hegel : « c’est en noms que nous pensons » ; et il dit lui-même que « nos conceptions portent toujours le vêtement du langage » ; mais tout l’effort philosophique de l’éminent philologue se concentre sur la démonstration de l’aphorisme : « Sans le langage, pas de raison (discursive) ; sans la raison, pas de langage » ; il emploie un art merveilleux d’exposition, une science toute moderne et une logique un peu arriérée à continuer la tradition nominaliste et à réconcilier les paradoxes de Condillac et de Bonald122. […] De l’Art indépendant, p. 303) de Louis Ménard (1822-1904).

2573. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Classique à tant d’égards et si au courant de l’art des anciens, l’auteur n’a pas assez profité de l'avantage inappréciable d’avoir un sujet limité.

2574. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

On sait la phrase finale du Pape, dans laquelle il est fait allusion au mot de Michel-Ange parlant du Panthéon : Je le mettrai en l’air. « Quinze siècles, écrit M. de Maistre, avaient passé sur la Ville sainte lorsque le génie chrétien, jusqu’à la fin vainqueur du paganisme, osa porter le Panthéon dans les airs, pour n’en faire que la couronne de son temple fameux, le centre de l’unité catholique, le chef-d’œuvre de l’art humain, etc., etc. » Cette phrase pompeuse et spécieuse, symbolique, comme nous les aimons tant, n’avait pas échappé au coup d’œil sérieux de M. 

2575. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

. — L’art n’est pas un plat miroir reproduisant telle quelle la réalité élégante ou vile.

2576. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

. — Par cette méconnaissance mutuelle et par cet isolement séculaire, les Français ont perdu l’habitude, l’art et la faculté d’agir ensemble.

2577. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

L’abondance des termes de chasse, de blason et de guerre marque le caractère aristocratique de cette société, mais les termes techniques y font si absolument défaut, qu’un académicien, Thomas Corneille, se hâte de faire imprimer la même année un Dictionnaire des Arts et des Sciences, en même format.

2578. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau, et Joseph Saurin. » pp. 28-46

Il plaida sa cause avec une véhémence singulière & tout l’art possible.

2579. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Renou » pp. 301-307

Au pied d’un trône, un temps les ailes arrachées, la faux brisée et chargé de chaînes ; sur le dos de ce temps, une table d’airain où on lit : amor invenit, veritas sculpsit. et puis des femmes, des génies d’arts qui parent de fleurs un autel, y jettent de l’encens, une Renommée qui prend son vol, un tapage à étourdir, une allégorie enragée à faire devenir fous les sphynxs et les Oedipes avec son noir et son jaunâtre.

2580. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Ici, il y a bien pathétique et beauté, mais ce n’est pas le résultat d’une combinaison, réfléchie ou même spontanée, d’art et de littérature.

2581. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Assurément, et surtout en histoire, tous les travaux, même les plus petits, même les plus enfantins, peuvent avoir leur utilité, même ceux de la « petite horde » dans Fourier ; mais ce grattage des mots éloquents ou expressifs dans l’histoire, lesquels, vrais ou arrangés par l’art qui suit la gloire et aime à la parer, illuminent d’un jour vrai tout un caractère, est un travail mauvais en soi et d’une tendance funeste, car on ne va à rien moins, en faisant ainsi, qu’à désillustrer l’histoire sous prétexte de la purifier !

2582. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

À son cours, quand il pérorait en public, il avait l’art de grouper beaucoup de ces bonnets-là autour de sa chaire.

2583. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

C’est la passion de son art d’historien toute seule, la passion de l’instrument dont il joue, et dont il ne joue au profit de personne qu’au sien !

2584. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Il n’en avait pas l’art profond, mais il en avait l’éclectisme.

2585. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Mais, s’il avait plus songé à l’éducation à faire de l’intelligence du public, qu’il doit, avec ses convictions, vouloir rendre hégélien, qu’à l’éducation toute faite des philosophes comme lui, il eût commencé par les autres œuvres d’Hegel, moins cruellement abstraites (par exemple, les idées sur la Religion, sur l’État, sur l’Art, etc.), et il serait remonté de là vers les principes philosophiques d’où dépend toute la philosophie de son maître, et il eût placé ainsi le lecteur, familiarisé avec les idées et le langage hégélien, à la source même du système.

2586. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

ce n’est plus l’art, c’est le génie !

2587. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Mais, indépendamment de ses tableaux mesquins de l’autre monde, qui rappellent l’art et la décoration comme les conçoivent les Jésuites, les raisons qui font mouvoir son mysticisme sont, le plus souvent, d’une telle puérilité, qu’on se demande si Dieu accorde de tels dons pour atteindre à de si misérables résultats !

2588. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

C’est sur ce principe que « l’idée est la mère du fait », que le baron de Feuchtersleben aurait bâti son système, s’il avait su bâtir ; car ce principe, que l’Allemagne a depuis vingt ans appliqué aux sciences, aux religions, à l’art, à l’histoire, l’avait pénétré, et il aurait pu l’appliquer à son ordre de connaissances et d’études, à la condition de posséder la vigueur de déduction que doivent avoir tous les grands esprits secondaires qui viennent après les inventeurs.

2589. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Jules de Gères »

Je ne crois point, pour ma part, — moi, l’adversaire de toute académie quand il s’agit d’art ou de littérature, et qui me moque de ces sociétés, affectations organisées, coteries bonnes pour tous les Vadius et les Trissotins de la terre, — je ne crois point que Jules de Gères eût besoin d’un si pauvre stimulant pour revenir à la poésie, pour réveiller la Muse qui dormait au fond de son âme comme la Nuit de Michel-Ange… Quand toutes les sociétés de sonnettistes (s’il y en a plusieurs) auraient manqué à la France, qui ne s’en doute pas, il fût retourné à la poésie, qui est son destin, de par cette imagination que la vie peut blesser, comme les dieux sont blessés dans les batailles d’Homère, mais ne meurent pas de la perte de leur sang immortel… Jules de Gères est, de nature, très au-dessus des petites sociétés littéraires dont il peut avoir la condescendance, mais il n’a aucunement besoin d’elles pour se retrouver un poète, — c’est-à-dire un solitaire, un isolé, une tour seule (il me comprendra, le poète de la Tour seule !).

2590. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

Jamais l’art des ensembles n’a été plus grand… Nous sommes uniquement ici dans les sensations générales de l’époque et de l’universel milieu.

2591. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Quoi d’étonnant, du reste, que les femmes, auxquelles il adressa les flatteries les plus enivrantes que jamais oreille de femme ait bues, aient raffolé de ce roi du madrigal voluptueux et naïf, qui a l’art de n’y pas toucher ou de n’y toucher que bien peu.

2592. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Jean Richepin »

Qui sait si tout l’art de son livre n’est pas le froid machiavélisme d’un esprit capable de tout dans l’avenir, et qui se tâte et qui s’essaye ?

2593. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Il a toujours dosé homœopathiquement les émotions qu’il nous a données, et cela sans calcul, sans parti pris d’art, mais naturellement, M. 

2594. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Malot et M. Erckmann-Chatrian » pp. 253-266

… Le chevalier de Tréfléan, le curé Hercoët, le médecin matérialiste Michon, la mère de Maurice, la mère, cette sublime ordinaire, à laquelle j’ose demander, au nom de l’art, quelque chose de plus que la même manière de toujours se dévouer et de toujours mourir en pardonnant, ne les avons-nous pas tous rencontrés et coudoyés, non pas seulement dans la vie, mais aussi dans la littérature, et sur un pavé de littérature plus haut que celui sur lequel M. 

2595. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

Tout peuple qui commence à avoir des orateurs, se passionne pour un art qu’il ne connaissait point encore.

2596. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

Vit-on jamais pareil désir et pareil art de plaire ? […] Voici d’abord Tillotson, le plus autorisé de tous, sorte de Père de l’Église, tellement admiré que Dryden déclare avoir appris de lui l’art de bien écrire, et que ses sermons, seule propriété qu’il laisse à sa veuve, sont achetés par un libraire deux mille cinq cents livres sterling. […] Il n’y a point d’art ici ; tout l’artifice de l’orateur consiste dans la volonté de bien expliquer et de bien prouver ce qu’il veut dire. […] Ces sermons n’ont point l’art et l’artifice, la correction et la mesure des sermons français ; ils ne sont pas comme eux des monuments de style, de composition, d’agrément, de science dissimulée, d’imagination tempérée, de logique déguisée, de goût continu, de proportion exquise, égaux aux harangues du forum romain ou de l’agora athénienne. […] L’art classique, devenu parfait, fournit la méthode et les développements.

2597. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

Cet officier, qui se distinguait par une habileté consommée dans l’art de manier une cavalerie nombreuse, se présente avec vingt-quatre escadrons de cuirassiers, que suit toute la masse des dragons. […] Ici nous pourrions, si nous le voulions bien, tirer une vigoureuse représaille de cette théorie de l’intelligence sans l’art et sans le génie, théorie exposée par M.  […] Thiers n’a ni le style athénien de Thucydide, ni le style romain de Tacite, ni le style biblique de Bossuet, ni le style italien de Machiavel, ni le style français de Montesquieu, et que, quand on vient de lire une page de bronze historique de ces suprêmes artistes de la plume, on croit descendre un peu trop l’échelle de l’art d’écrire en lisant les pages de l’Histoire du Consulat et de l’Empire.

2598. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

C’est là qu’on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre ; l’art avec lequel le Tasse vous transporte d’une bataille à une scène d’amour, d’une scène d’amour à un conseil, d’une procession à un palais magique, d’un palais magique à un camp, d’un assaut à la grotte d’un solitaire, du tumulte d’une cité assiégée à la cabane d’un pasteur ; cet art, disons-nous, est admirable. […] Les médecins du cardinal Cinthio et ceux du pape, qui le visitaient, lui annoncèrent enfin que leur art était sans ressource contre son mal, et qu’il fallait se préparer aux derniers adieux.

2599. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

André, par l’ensemble de ses poésies connues, nous apparaît, avant 89, comme le poète surtout de l’art pur et des plaisirs, comme l’homme de la Grèce antique et de l’élégie. […] Arts dignes de nos yeux !

2600. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Héroïques comme individus, quoique asservis comme nations, supérieurs à leurs conquérants et maîtres de leurs maîtres dans tous les exercices de l’esprit humain : donnant leur religion, leurs lois, leurs arts, leur esprit, à ceux qui leur donnaient des fers, théologiens, législateurs, poètes, historiens, orateurs politiques, architectes, sculpteurs, musiciens, poètes, souverains en tout par droit de nature, et par droit d’aînesse, et par droit de génie ; grands généraux même quelquefois, quand les Allemands leur donnaient des armées de barbares à conduire, ou quand Borgia, ce héros des aventuriers, ce Garibaldi de l’Église, cherchait, à la pointe de son épée, un empire italien dans cette mêlée à la tête des braves façonnés par lui à la politique et à la discipline. […] Mais la Toscane, ce merveilleux phénomène de la richesse, cette royauté de l’intelligence, cette monarchie du travail à l’époque où l’industrie européenne n’était pas née, devait décroître et tomber d’elle-même aussitôt que l’industrie de la laine, de la soie, de la banque, cesserait d’être le monopole, le brevet d’invention de Florence, et que les mêmes industries, mères du même commerce et sources des mêmes richesses, s’établiraient à Lyon, à Venise, à Londres, à Birmingham, à Calcutta, et que le travail européen et asiatique ne laisserait au peuple des Médicis, de Dante, de Michel-Ange, que cette primauté du génie des arts qui fait la gloire, mais qui ne fait pas la puissance militaire et politique des nations.

2601. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Par un heureux hasard, qui groupe de temps en temps les hommes comme les chênes, deux grands et charmants artistes dans des arts divers étaient en ce moment en visite ou plutôt en villégiature avec nous, sous ce même toit, sous ces mêmes chênes qui avaient abrité ensemble autrefois le génie adolescent de Victor Hugo et l’esprit péripatéticien et discinctus de Charles Nodier. […] C’était un assez beau partage dans un siècle où tant de poètes avaient voulu chercher la perfection dans l’art, au lieu de la chercher dans son élément éternel, le beau !

2602. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il la défie, en persiflant, de venir visiter, seule, sa galerie de tableaux, qui est célèbre dans le monde des arts ; madame Galeotti relève la gageure ; et, d’avance, nous parions aussi qu’elle en sortira saine et sauve. […] Augier l’honneur d’une tentative qui atteste en lui un respect profond de son art, et le public lui en tiendra compte, à la première revanche qu’il attend de son grand talent.

2603. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Une verve inextinguible, une observation pénétrante, des mœurs calquées à vif et toutes pareilles, dans leur vérité flagrante, à des empreintes de photographie morale colorées par l’art ; pas un hors-d’œuvre, pas une longueur, pas une scène qui languisse ou qui interrompe le mouvement d’intérêt, qui va s’accroissant et se renforçant jusqu’au dernier acte, dans un crescendo soutenu ! […] L’art de couper trois mille livres de revenu en trois cent soixante-cinq parties égales pratiqué avec tant de résignation et de minutie !

2604. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

À ces conditions, aucun des amateurs du moment présent, ne dépenserait 50 francs pour un objet d’art, fût-il le plus parfait des objets d’art. […] Non jamais on n’a dépensé un art aussi grand pour un petit ressouvenir de la vie intime et familière.

2605. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

La plus réellement républicaine des institutions françaises sous la monarchie, c’était peut-être l’Académie, la république des lettres. » Seulement, je l’avoue, si le temps avait été donné à la république, je voulais enfoncer les portes de l’Académie française pour faire entrer en plus grande proportion et pour de plus dignes rémunérations l’armée des lettres, de la science, des arts dans cette vétérance du travail intellectuel, le plus mal rémunéré et souvent le plus indigent des travaux humains. […] Malheureusement les ouvriers manquèrent à l’œuvre ; il y aurait fallu un atelier de Bacon, de Descartes, de Fénelon, de Voltaire, de Rousseau, de Montesquieu, de Franklin, de tous les hommes de littérature, de philosophie, d’arts, de sciences, de métiers réunis en un seul esprit, dont chaque membre eût été un maître de l’esprit humain.

2606. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

Cet empiétement de l’art sur la science, qui empêche celle-ci de se développer, est d’ailleurs facilité par les circonstances mêmes qui déterminent l’éveil de la réflexion scientifique. […] Aussi, en économie politique comme en morale, la part de l’investigation scientifique est-elle très restreinte ; celle de l’art, prépondérante.

2607. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Seulement, on a oublié la seule chose définitivement acquise, ou plutôt définitivement conquise par Hugo, le seul grand progrès fait par le poète malgré l’immobilité ou le rabâchage de sa pensée, je veux dire l’art des vers arrivé probablement à sa perfection,, la souveraineté absolue de l’instrumentiste sur son instrument, — et cet oubli de la Critique, c’est moi qui veux le réparer ! […] Cet art inouï du vers, si consommé qu’il est indépendant de ce qu’il exprime, ne peut guères être senti, du reste, que par les poètes, par ceux qui sont du bâtiment, comme dit l’excellente expression populaire.

2608. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

J’aime mieux essayer de les faire sentir que de repasser sèchement toutes les grandes batailles où il fut un des vigoureux artisans, Austerlitz, Auerstaedt, Eylau, Eckmuhl, Wagram, Smolensk, la Moskowa : — une intrépidité de premier ordre, cela va sans dire ; — l’affection de ses troupes qui lui permettait de tirer d’elles de merveilleux surcroîts de fatigue et des combats acharnés au sortir des marches les plus rudes : — « Cet homme me fera toujours des siennes », disait l’empereur, en apprenant une de ces marches sans exemple à la veille d’Austerlitz ; — l’habileté des manœuvres et le coup d’œil sur le terrain, le tact qui lui faisait sentir l’instant décisif, ce talent pratique qui est du tacticien et du capitaine, et qui montre l’homme né pour son art (cela se voit surtout dans sa conduite à Auerstaedt, à Eckmuhl) ; — oser prendre, au besoin, la responsabilité de ses mouvements dans les circonstances critiques, sans se tenir à la stricte exécution des ordres ; et, quand il se bornait à les exécuter, une activité sans trêve.

2609. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

L’art y préside.

2610. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — I » pp. 219-230

Nous vivons dans le climat et dans le siècle de la philosophie et de la raison ; les lumières de toutes les sciences semblent se réunir à la fois pour éclairer nos yeux et nous guider dans cet obscur labyrinthe de la vie humaine ; les plus beaux génies de tous les âges réunissent leurs leçons pour nous instruire ; d’immenses bibliothèques sont ouvertes au public ; des multitudes de collèges et d’universités nous offrent dès l’enfance l’expérience et la méditation de quatre mille ans ; l’immortalité, la gloire, la richesse et souvent les honneurs sont le prix des plus dignes dans l’art d’instruire et d’éclairer les hommes : tout concourt à perfectionner notre entendement et à prodiguer à chacun de nous tout ce qui peut former et cultiver la raison : en sommes-nous devenus meilleurs ou plus sages ?

2611. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Waterloo, par M. Thiers (suite) »

Thiers a extrait, dégagé et distribué avec un art qui se dérobe tout ce qui est authentique, ce qui est pur, élevé, inaltérable, — toutes paroles d’or.

2612. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

« Et M. de Pongerville nous donne en échange : Ô toi, mortel heureux, dans ta noble indigence, Si du luxe trompeur la magique élégance N’a point, pour soutenir tes superbes flambeaux, En statue avec art transformé les métaux, etc., etc.

2613. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Victor Vousin. Cours de l’histoire de la philosophie moderne, 5 vol. ix-18. »

C’est que le lieu, l’assistance les échauffe, et tire de leur esprit plus qu’ils n’y trouvent sans cette chaleur. » Les professeurs célèbres qui ont porté si haut l’honneur de l’enseignement en France sous la Restauration, ont prouvé qu’ils savaient unir en eux ces deux arts qui peuvent très-bien se séparer.

2614. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — I »

Ce pauvre Louvet, à qui sir Walter Scott en veut tant, et dont l’imagination romanesque voyait aussi partout complots, machinations, arrière-pensées, arrangeait beaucoup plus habilement les choses, et mettait plus d’art à combiner son rêve.

2615. (1875) Premiers lundis. Tome III « Nicolas Gogol : Nouvelles russes, traduites par M. Louis Viardot. »

Il se peut faire qu’un puissant travail général s’accomplisse, et que le niveau des idées, des connaissances et de la civilisation elle-même monte partout insensiblement ; mais, en fait d’art, les maîtres les plus en renom ont disparu ; s’il en survit quelques-uns, ils achèvent de vieillir, et ne sont point remplacés par des autorités équivalentes.

2616. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Mais tout cet art, il faut bien l’avouer, prête une enveloppe éloquente à de graves erreurs et à d’inconcevables préjugés.

2617. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre III. Association des mots entre eux et des mots avec les idées »

Mais la puissance que les mots ont de tirer après eux des séries d’idées et d’images, est de première importance pour le style : selon l’art qu’on a de l’employer, il est terne ou expressif, plat ou relevé.

2618. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « José-Maria de Heredia.. »

Mais enfin, à considérer l’histoire de très haut, nous avons dans les deux cas une poésie neuve, sortie d’un grand mouvement d’idées, qui peu à peu substitue à l’inspiration un art plus conscient et moins spontané.

2619. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Armand Silvestre »

Tout cela très large, très sonore, très harmonieux, très vague, avec des ressouvenirs du panthéisme indien… de l’art grec et de l’idéalisme de Platon, et çà et là, parmi l’enchantement des nobles et vastes images, le cri soudain de la chair ardente.

2620. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Mais, en même temps que son scepticisme  lequel, bien que confinant au nihilisme, n’excluait point une sensualité délicate et l’art de jouir de la surface brillante des choses  croissaient, d’autre part, sa sollicitude et son goût pour les formes de vie et de sentiment qui dérivent des croyances religieuses.

2621. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXI » pp. 338-354

Les choses terribles c’étaient des scènes de jalousie : les choses horribles qui étaient imputées à la gouvernante, c’était d’employer l’art, le manège, l’intrigue d’une femme galante pour séduire le roi ; tandis qu’elle renonçait pour la paix à tous ses goûts, à tous ses sentiments.

2622. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIII » pp. 378-393

Qu’on se figure, dans la position de madame de Maintenon, une femme d’un autre caractère : elle mettra en jeu tout ce que l’art de la galanterie aura de plus raffiné, d’abord pour nuire à sa rivale, ensuite pour plaire toujours plus qu’elle-même : elle disputera sa possession autant qu’il faudra pour en exalter le désir jusqu’à la passion.

2623. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre V. Chanteuses de salons et de cafés-concerts »

La seconde contient « quelques vues générales sur les sources où le poète puise une inspiration digne de son rôle social et de son art ».

2624. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIII, les Atrides. »

Dans un culte des arts, l’Orestie mériterait l’autel que Rome avait dressé à la Peur.

2625. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Année 1852 Fin de janvier 1852 L’Éclair, Revue hebdomadaire de la Littérature, des Théâtres et des Arts, a paru le 12 janvier.

2626. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

J’étais dans la salle à manger, le soir d’un de mes mercredis, causant et buvant avec deux ou trois amis… La nuit finissait, l’aurore se leva à travers les petits rideaux, mais une aurore d’un sinistre jour boréal… Alors tout à coup beaucoup de gens se mirent à courir en rond dans la salle à manger, saisissant les objets d’art, et les portant au-dessus de leurs têtes, cassés en deux morceaux, entre autres, je me souviens, mon petit Chinois de Saxe… Il y avait aux murs, dans mon rêve, des claymores, des claymores immenses ; furieux j’en détachai une et portai un grand coup à un vieillard de la ronde… Sur ce coup, il vint à ce vieillard une autre tête, et derrière lui deux jeunes gens qui le suivaient, changèrent aussi de têtes, et apparurent tous les trois avec ces grosses têtes ridicules en carton, que mettent les pitres dans les cirques… Et je sentis que j’étais dans une maison de fous et j’avais de grandes angoisses… Devant moi se dressait une espèce de box où étaient entassés un tas de gens qui avaient des morceaux de la figure tout verts… Et un individu, qui était avec moi, me poussait pour me faire entrer de force avec eux… Soudain je me trouvai dans un grand salon, tout peint et tout chatoyant de couleurs étranges, où se trouvaient quelques hommes en habit de drap d’or, avec sur la tête des bonnets pointus comme des princes du Caucase… De là je pénétrai dans un salon Louis XV, d’une grandeur énorme, décoré de gigantesques glaces dans des cadres rocaille, avec une rangée tout autour de statues de marbre plus grandes que nature et d’une blancheur extraordinaire… Alors, dans ce salon vide, sans avoir eu à mon entrée la vision de personne, je mettais ma bouche sur la bouche d’une femme, mariai ma langue à sa langue… Alors de ce seul contact, il me venait une jouissance infinie, une jouissance comme si toute mon âme me montait aux lèvres et était aspirée et bue par cette femme… une femme effacée et vague comme serait la vapeur d’une femme de Prud’hon.

2627. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Adieu, ô mes père et mère, adieu tous mes amis, je m’en vais au ciel. » Une telle ballade ne provient ni des latins, ni des grecs, ni des poètes d’académie, ni d’aucune littérature écrite ; l’art en est très spécial, si spécial que nul poète, même un poète allemand, n’en pourrait faire un pastiche acceptable .

2628. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

la nature se substituant à l’art, fait en quelque sorte à notre place de tristes expériences, lorsque, sous l’influence des causes les plus diverses, elle trouble, elle bouleverse, elle anéantit chez l’homme le sentiment et la raison.

2629. (1824) Notice sur la vie et les écrits de Chamfort pp. -

Ses contes, où la science des mœurs était, comme dans la société, revêtue d’expressions spirituellement décentes, devinrent une galerie de portraits frappants de ressemblance ; et dans ses tableaux malins, piquants et variés, le peintre habile eut l’art d’amuser surtout ses modèles.

2630. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

L’Institut royal de France avait proposé pour sujet du prix qu’il devait adjuger en 1825, « d’examiner si l’absence de toute écriture, ou l’usage soit de l’écriture hiéroglyphique ou idéographique, soit de l’écriture alphabétique ou phonographique, ont eu quelque influence sur la formation du langage chez les nations qui ont fait usage de l’un ou de l’autre genre d’écriture, ou qui ont existé longtemps sans avoir aucune connaissance de l’art d’écrire ; et, dans le cas où cette question paraîtrait devoir être décidée affirmativement, de déterminer en quoi a consisté cette influence ».

2631. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Je me suis tenu à distance des détails de ces livres de femme, écrits comme ils sont pensés, et dans lesquels on n’en trouve pas vraiment un seul qui y soit mis en œuvre par l’art ou par la réflexion.

2632. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rigault » pp. 169-183

Comparez leurs Satires, leurs Épîtres, leur Art poétique, dont l’un est un poème et l’autre une Épître aux Pisons, et vous verrez si l’esprit, la verdeur, le mordant, la raison assaisonnée ne sont pas en de bien autres proportions dans le poète français que dans le poète latin, aux grâces si sobres qu’elles en sont maigres.

2633. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Divisant avec un art caché sous une distribution naturelle tout son sujet en trois parties, l’histoire de la fortune, des dépenses et des libéralités de Voltaire, il le prend tour à tour dans ces trois cadres et l’y fait mouvoir avec une grande puissance de reconstruction et de détails.

2634. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gobineau » pp. 67-82

Pour avoir vécu avec eux, il avait pris un peu de la sagesse des derviches, qu’il appelle des sages, et même de l’art des derviches tourneurs, qu’il appelle de grands artistes ; car s’il y a un homme qui ait jamais tourné dans ce monde qui tourne, c’est lui, le comte de Gobineau, diplomate toute sa vie : en Perse, en Suède, au Brésil, partout, et montrant partout, sans cesser de tourner, — ce brillant valseur diplomatique ! 

2635. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Entre elles toutes, la plus belle, la plus terrible, la plus diabolique, — car il y a du diable en elle et du pire diable : de celui de l’enfer de glace, — c’est cette duchesse de Châteauroux dont le nom timbre le volume, c’est cette ambitieuse conseillée par Richelieu et qui aurait conseillé Richelieu ; car elle était, dans la coquetterie sans limites, dans l’allumement froid et combiné des tentations, dans l’art enragé de toutes les roueries, bien autrement forte que lui.

2636. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

La Tour d’Auvergne fait tout pâlir dans le livre de Michelet, Desaix, le Sultan juste, le héros sans phrases, qui, de l’aveu de Michelet (aveu qui l’honore), avait été élevé par des prêtres, — ce qui expliquerait le christianisme de ses vertus ; Hoche le clément, qui ne s’est élevé que par lui-même, s’effacent devant La Tour d’Auvergne… C’est, en art, une faute, selon moi, d’avoir, dans le volume, donné sa Vie la première.

2637. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Horace Walpole »

Dupe souvent de son faux goût en art, s’il se trompe souvent sur un tableau ou sur un vase, il se trompe rarement sur les hommes.

2638. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Madame Geoffrin était la femme la plus équilibrée qui fut jamais, — normalement, la plus incapable de passion et même de caprice, la moins apte à se faire une illusion quelconque sur quoi que ce soit ; et si elle n’avait pas aimé les arts et les artistes (mais elle les aimait !)

2639. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

Le talent qu’elle aurait reconnu, en l’admettant dans son sein, était, il est vrai, un talent oratoire, mais l’Académie, qui donne des prix d’éloquence, ne répugne pas aux orateurs, quoi que le but de son institution ne soit pas le développement de l’art oratoire, mais bien de la littérature.

2640. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXI. Philosophie positive »

Lui qui a écrit, selon M. de Blignières, ou du moins qui a professé qu’une science n’était jamais que l’étude propre d’une classe de phénomènes dont l’analogie a été saisie, prétend cependant, partout, que l’observation est seule scientifique et décompose l’art d’observer en trois modes irréductibles « l’observation pure, — l’expérimentation, — et la comparaison », ce qui est exclusif de toute analogie, comme preuve, et fait de la méthode soi-disant nouvelle de M. 

2641. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIX. M. Eugène Pelletan »

Pelletan ; qui ne pensons pas comme lui, que le progrès, soit l’expansion illimitée de toutes les forces passionnées de l’homme, avec toutes leurs excitations et leurs réalisations dans l’État, dans l’Art, dans l’Industrie, dans les mœurs ; mais qui croyons, au contraire, que le progrès, c’est, la vertu par le sacrifice en vue de quelque chose qui n’est ni dans l’histoire, ni dans la vie visible de l’humanité !

2642. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Original seulement par l’idée mère de son système, qu’il creuse et qu’il cisèle avec un art et une patience de prisonnier (ne l’est-il pas de sa métaphysique ?)

2643. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

Comme la Médecine, enfin, qui n’est pas une science, quoiqu’elle s’en vante, mais un art, la Philosophie n’est-elle, pour l’auteur des Sophistes contemporains, qu’un empirisme ambitieux, plus ou moins temporairement heureux dans ses expériences, selon la force personnelle et relative du philosophe comme du médecin ?

2644. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Seulement, cela dit, nous n’entendons ne parler que d’effets d’art et de résultats littéraires quand nous reprochons à Dargaud de n’être pas, dans la réflexion de son esprit, le catholique qu’il est dans la spontanéité de ses sentiments.

2645. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

Rien de plus simple, diront quelques esprits, mais les vers d’Athalie sont aussi fort simples, et dans les arts comme en métaphysique, ce qui perd tout, c’est le compliqué.

2646. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

» Dans le crâne plus élevé d’Engis, il trouve « derrière ce front bosselé un petit monde d’idées déjà hautes, premières lueurs entrevues d’une société durable, — (quoiqu’elle n’ait pas duré, ) — premier instinct de l’art du dessin, pressentiment d’un dieu naissant, crainte et stupeur du fétiche… » Il n’a, lui, crainte ni stupeur de la bêtise. « Physiologie, — dit-il en se résumant, avec une sécurité grave, — physiologie du monde quaternaire.

2647. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Ces Poètes, qui, du reste, se nomment eux-mêmes des artistes, et qui ont réellement plus d’art dans leur manière que de génie et d’inspiration, travaillent leur langue comme un sculpteur travaille son vase, comme un peintre lèche son tableau, et nous donnent au xixe  siècle une seconde édition affaiblie de la Renaissance qui, elle aussi, avec le large bec, ouvert et niais, d’un Matérialisme affamé, happait la forme et s’imaginait tenir le fond, l’âme et la vie !

2648. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Quinet, ne fera donc, comme ressource d’esprit ou d’art, illusion à personne.

2649. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « André Chénier »

André Chénier, qui, toute sa vie, s’était englouti dans le monde et les choses de l’Antiquité, André Chénier, ce patient et laborieux mosaïste, qui incrustait le détail antique avec un art si profond et si subtil dans l’expression des sentiments et des choses modernes, remonta par l’horreur vers le Dieu auquel il n’avait peut-être jamais pensé, et il jeta cette clameur des Iambes, le cri de la foi passionnée, la plus magnifique torsion d’âme et de main désespérées autour d’un autel invisible, la plus intense prière, enfin, que l’imagination d’un poète révoltée des abominations de la terre ait jamais élancée vers Dieu !

2650. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Poitou veut bien convenir pourtant que l’auteur de La Comédie humaine a de la vie, comme si la vie n’était pas la qualité suprême, comme si l’avoir et la donner n’impliquait pas ce qu’il y a de plus important dans les arts !

2651. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité.

2652. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

De ce genre de roman-colosse, sous lequel ont péri des intelligences d’une force réelle, mais qui n’étaient pas aussi herculéennes qu’elles le croyaient, cariatides brisées par un entablement trop lourd pour elles, vous savez ce qui nous est resté… Deux à trois innocents cordiers littéraires qui, rien sur la tête et rien dedans, et le dos tourné au bon sens, à l’art et à la vraisemblance, allongent, allongent leur éternelle corde sans bout, pour des raisons qui ne sont nullement de la littérature.

2653. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Avec moins d’art incomparablement, elle a la source de sensibilité plus intime, plus profonde. […] » Et qui a connu Mme Valmore en ces longues années d’épreuves, qui l’a visitée dans ces humbles et étroits logements où elle avait tant de peine à rassembler ses débris, qui l’y a vue polie, aisée, accueillante, hospitalière même, donnant à tout un air de propreté et d’art, cachant ses pleurs sous une grâce naturelle et y mêlant des éclairs de gaîté, brave et vaillante nature entre les plus délicates et les plus sensitives, qui l’a vue ainsi et qui lira ce qui précède se prendra encore plus à l’admirer.

2654. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Jules Macqueron, le 30 décembre 1835) ; mon pauvre ami, ma santé est à peu près perdue, et il est fort probable, du moins d’après les données de l’art, que mon pèlerinage sera court. […] La beauté dans l’art, la moralité en politique, l’idéalisme en philosophie, l’affection au foyer…, il n’y a rien après.

2655. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

XIV Les princes de la maison souveraine d’Este, une des plus puissantes d’Italie, étaient les seconds Médicis de l’Italie en deçà des Apennins ; les armes, les lettres, les arts, les grandes charges à la cour des papes, les cardinalats, les papautés même, fréquents dans leur maison, leurs richesses enfin, faisaient de la cour de ces princes, à Ferrare, une autre Rome, une autre Florence. […] Alphonse était, selon l’historien le mieux informé, Muratori, brave, juste, magnifique, religieux, passionné pour la gloire des lettres et des arts ; ces qualités, dit-il, étaient obscurcies dans ce noble caractère par un mélange d’orgueil, de caprice, de susceptibilité, de ressentiment implacable contre ceux dont il croyait avoir reçu quelques offenses.

2656. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il eut l’art funeste, chez un peuple capricieux et aimable, de rendre l’incrédulité à la mode. […] Le chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie : l’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un ; mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur. » « Il ressemblait à une conque de nacre, contenant quatre perles bleues : une rose pendait au-dessus, tout humide : le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin, comme une fleur, de pourpre et d’azur.

2657. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Il y a sans doute autant de bonhomie robuste et charmante, autant de goût pour la vie simple et les détails familiers, autant de complaisance et d’art à nous faire sentir, quelle qu’en soit l’enveloppe et la condition sociale, combien c’est intéressant et digne d’attention, une âme humaine ; il y a, je le veux bien, autant de tout cela chez le Georges d’outre-Manche que chez le George français ; je dis qu’il n’y en a pas plus, parce que je crois que c’est impossible. […] Ils ont, semble-t-il, moins d’art que nous, une moindre science de la composition.

2658. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Mithridate a frappé le premier Cyrus ; elle l’accuse sur un propos de table, de haute trahison, et le fait condamner au supplice des auges, cet affreux chef-d’œuvre de l’art des tortures. […] Tel le Songe qu’Atossa raconte, mêlé d’étrangeté orientale et de beauté hellénique : il donne l’idée d’une sculpture persépolitaine que l’art grec aurait retouchée. — Deux femmes richement vêtues, l’une de la tunique dorienne, l’autre de la robe persane, lui sont apparues, plus belles que les femmes qui vivent maintenant, au-dessus d’elles par la majesté de leur taille.

2659. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Fouquet, pour les raisons que vous savez, pour des raisons très sérieuses, les historiens en sont sûrs, Fouquet tomba, cet homme que nous ne pouvons pas nous empêcher, non seulement de plaindre mais d’aimer ; car il était charmant, Fouquet ; il était tout à fait un Italien, un grand seigneur italien du seizième siècle : il aimait les arts, il aimait les lettres, il aimait les choses somptueuses, il aimait les grandes architectures, les appartements magnifiques, il aimait la conversation des femmes élégantes et distinguées, il aimait la conversation des poètes, tout ce qui était beauté était l’objet des amours et des passions de Fouquet. […] Il faut savoir dire — et je le dirais devant des jeunes gens comme je le dis devant vous — qu’il n’y a pas de rapports nécessaires entre l’art et la morale, qu’un très grand artiste peut avoir mené une vie qui n’est pas du tout exemplaire, et qu’il faut bien se garder de confondre ces deux points de vue.

2660. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

« Donc il est physiquement et moralement impossible qu’il ait inventé l’art d’écrire ou de parler. » Je me suis expliqué sur l’invention de l’écriture, et je suis loin d’enfermer la langue écrite et la langue parlée dans les conditions du même problème. […] Il y a, au sujet de la formation du langage, un dernier système que l’on laisse entrevoir plutôt qu’on ne le développe ouvertement ; ce système est très ancien, mais il vient d’être rajeuni avec beaucoup d’art et beaucoup de science : c’est celui auquel on est si naturellement conduit par les idées de M. 

2661. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

Nous qui avons passé le meilleur de notre jeunesse au gré de notre imagination, dans les jeux de la poésie et de l’art, nous devons, ce me semble, y regarder à deux fois, quand nous nous mêlons de vouloir mesurer et discuter des esprits constamment sérieux, qui se sont occupés sans relâche et passionnément des grands intérêts publics.

2662. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — II » pp. 161-173

Il commence à se signaler et à être nommé dans les faits de la première campagne de quinze jours, un chef-d’œuvre de l’art, où le général en chef sépare les Autrichiens des Sardes, les coupe violemment dans une suite de combats acharnés, écarte et refoule les uns, et finalement a raison des autres.

2663. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

Mais alors que d’autres se crurent quittes envers l’art et envers eux-mêmes quand ils eurent poussé tel quel le cri arraché à leur chair sanglante par le hasard des heures mauvaises, Leconte de Lisle se haussa toujours jusqu’à une parole d’humanité universelle et voulut que toute glose devint inutile en éliminant de ses poèmes une allusion indiscrète aux événements particuliers qui leur avaient donné naissance, et, comme il refusait fièrement d’avertir et d’apitoyer, on déclara par arrêt sommaire que ses strophes étaient dénuées de sens et indigentes d’émotion.

2664. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Il souligne la médiocrité de l’Art parnassien et que toute l’activité esthétique de l’heure, toute la nouveauté, toute la poésie s’était réfugiée dans la prose.

2665. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

Certaines maladies morales, trop complaisamment décrites, deviennent contagieuses ; elles le sont pour les lecteurs par la magie et je dirais presque par la complicité de l’art ; elles le sont pour les auteurs.

2666. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Dans l’Art poétique, il les cite tous deux comme dignes d’éloges dans deux genres différents : Malherbe d’un héros peut vanter les exploits ; Racan chanter Philis, les bergers et les bois.

2667. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Depuis lors, son beau talent, avec la fermeté, la souplesse et la vigueur qui le distinguent, avec cet art de présenter la pensée sous des aspects toujours larges et nets, avec l’éclat et la magnificence du langage qui ne se séparent point chez lui de la chaleur du cœur, s’est mis tout entier au service non seulement des belles causes, des causes généreuses, mais aussi des choses praticables et possibles.

2668. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — IV »

Remy de Gourmont a mis en scène avec un art concret et une clarté parfaite dans son beau livre, la Culture des Idées, ce travail d’association et de dissociation.

2669. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Chacune de ces grandes âmes nouvelles venues renouvelle la philosophie, ou l’art, ou la science, ou la poésie, et refait ces mondes à son image.

2670. (1904) La foi nouvelle du poète et sa doctrine. L’intégralisme (manifeste de la Revue bleue) pp. 83-87

est-ce là tout leur art, et n’ont-ils rien d’autre à nous dire ?

2671. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Au lieu d’affecter une supériorité de savoir, il vaudrait mieux avoir l’air d’étudier et, de travailler avec eux ; c’est ainsi qu’en apprenant on les familiariserait avec l’art de montrer.

2672. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Tacite écrit qu’Agricola ne trouva rien de mieux pour engager les anciens bretons à faire apprendre à leurs enfans le latin, la rhetorique et les autres arts que les romains enseignoient aux leurs, que de les piquer d’émulation en leur faisant honte de ce qu’ils se laissoient surpasser par les gaulois.

2673. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 35, de l’idée que ceux qui n’entendent point les écrits des anciens dans les originaux, s’en doivent former » pp. 512-533

Ces messieurs habiles dans l’art de falsifier la verité sans mentir, veulent nous faire accroire que ces sçavans sont de leur parti.

2674. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

Ceux mêmes qui ont écrit méthodiquement sur la poësie, sur l’architecture et sur plusieurs autres arts, jugeant qu’il étoit inutile de faire préceder leurs raisonnemens et leurs dogmes par des descriptions exactes de ce qui étoit sous les yeux de tout le monde, se jettent d’abord dans des préceptes et dans des discussions que les contemporains trouvoient très-claires, mais qui sont des énigmes pour la postérité, à cause que le flambeau qui éclairoit les contemporains s’est éteint.

2675. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Le Japon pourra nous emprunter nos arts, notre industrie, même notre organisation politique ; il ne laissera pas d’appartenir à une autre espèce sociale que la France et l’Allemagne.

2676. (1860) Ceci n’est pas un livre « Décentralisation et décentralisateurs » pp. 77-106

Ils vont, — ces risibles martyrs de l’art, — proclamant partout que les dispensateurs suprêmes de la publicité se tiennent sûr des Olympes inaccessibles.

2677. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’Empire Chinois »

L’Art chinois n’est que de l’industrie, et l’Industrie chinoise consiste dans l’emploi de vieux procédés qu’elle n’explique ni ne rajeunit.

2678. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

si toutes les qualités et toutes les forces pouvaient créer les circonstances comme elles ont l’art d’en profiter, Raousset serait dans l’opinion un grand homme comme il l’est pour nous… N’est-on pas potentiellement un grand homme quand on a une grande âme, et d’ailleurs qui niera que le vainqueur d’Hermosillo n’ait agi ?

2679. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

II Certes, quand on parcourt toutes ces histoires où la Ligue est en jeu, on a le droit de s’étonner de l’éternel oubli qui devrait pourtant être impossible, de l’organisation populaire telle que le catholicisme l’avait créée, de cette gloire du Moyen Âge à laquelle le monde moderne, qui l’insulte, n’a rien encore à opposer, des confréries dans les églises, des spécialités d’états, des corporations des arts et métiers et de leurs luttes, dès les premiers jours du Protestantisme, contre l’industrie protestante.

2680. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Fustel de Coulanges » pp. 15-32

Ces têtes romaines, organisées pour la politique, comme les têtes grecques l’étaient pour l’art, admettaient que le droit du magistrat fût absolu ; et il l’était à tous les degrés de la magistrature, pour le censeur comme pour le tribun, pour le préteur comme pour le consul.

2681. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

On a dit qu’il était encore plus linguiste que poète ; on lui a reproché d’intervertir les procédés de l’art plastique et de la langue littéraire ; on a dit… que n’a-t-on pas dit ?

2682. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « L’Abbé Prévost et Alexandre Dumas fils » pp. 287-303

Et, d’ailleurs, il ne s’agit ici ni de guérison ni de description : il s’agit uniquement et exclusivement de critique, — et d’une critique qui, pour être complète, pour mériter ce nom de critique, doit être tout à la fois esthétique et morale, parce que toute œuvre de littérature ou d’art s’adresse nécessairement, et du même coup, à l’intelligence et au cœur.

2683. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Disons-le tout de suite : c’est une monstruosité, une monstruosité en art comme en histoire naturelle.

2684. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Mais, à une époque si avancée de la civilisation, les esprits, même du vulgaire, sont trop détachés des sens, trop spiritualisés par les nombreuses abstractions de nos langues, par l’art de l’écriture, par l’habitude du calcul, pour que nous puissions nous former cette image prodigieuse de la nature passionnée ; nous disons bien ce mot de la bouche, mais nous n’avons rien dans l’esprit.

2685. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Je voudrais seulement, en vous rappelant ce que c’est qu’un janséniste, vous faire pressentir quelle put être l’influence de Port-Royal sur l’âme et sur l’art de Jean Racine. […] Ils jugeaient que ce qu’il convient d’étudier chez les anciens et de leur emprunter, c’est simplement l’art d’exprimer clairement et exactement sa pensée, afin qu’elle soit plus efficace. […] Il avait des façons de grand seigneur, ou tout au moins d’épicurien-dilettante : fastueux, aimant le luxe ; déjà collectionneur d’objets d’art ; très généreux. […] Racine, chose prodigieuse, a eu l’art de reculer la scène d’explication jusqu’au quatrième acte. […] Il devait être persuadé que son art était la plus haute des occupations humaines.

2686. (1896) Impressions de théâtre. Neuvième série

Il faut du temps pour renouveler une forme d’art, et il y a des périodes où ça ne va pas. […] Il faut admirer avec quel art l’auteur a su réduire au minimum la responsabilité d’Edouard en cette affaire. […] Et dans ce drame, qui est le comble du métier, se détache, au troisième acte, une scène qui est le comble de l’art, et telle que l’auteur n’en avait point écrit d’aussi parfaite depuis Patrie et depuis la Haine. […] Et je ne dis pas que Corneille n’eût su trouver des traits plus ramassés et plus forts, ou Shakespeare des mots plus imprévus et plus profonds (car je n’en sais rien) ; mais l’ordre, la clarté, l’harmonie sont admirables ; nous sommes en pleine lumière, en plein art gréco-latin ; et, que voulez-vous ? […] Par des détails sournoisement révélateurs, par des insinuations et des périphrases d’un art achevé, par d’exquises adresses et prouesses d’expression, il nous faisait tout comprendre, voir et toucher.

2687. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

C’est bien, ici et là, soit dans la seconde moitié du dix-septième siècle, soit dans le troisième quart du nôtre, la comédie que devait concevoir et écrire un esprit clairvoyant, honnête et droit, sérieux et pratique, porté à considérer le théâtre comme une école de raison, très éloigné de la doctrine de l’art pour l’art, préoccupé des intérêts sociaux et capable de les servir par la peinture et la satire vivante de ce qui les menace le plus directement. […] Mais la partie sérieuse et durable, celle qui est comme l’évangile de métal de l’architecture des temps nouveaux (la Tour, la galerie des Machines, le palais des Beaux-Arts et le palais des Arts libéraux), reste debout. […] Je ne puis vous dire au juste ce que l’Exposition a fait pour le progrès des arts et des sciences et pour le bien du genre humain. […] Elle aime les arts, la poésie et la musique. […] Même la manière dont vous vous coiffez, et la coupe de votre robe, et ce que vous mettez d’art dans votre toilette, est-ce que tout cela ne m’appartient pas ?

2688. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Sous air de comique et de ridicule, que d’heureuses vérités d’art poétique l’auteur trouve moyen d’insinuer et de débiter ! […] Que dire de tous ces auteurs comme nous en voyons surgir chaque année à l’époque de nos prix d’Académie, honnêtes gens sortis des bureaux ou du commerce, anciens directeurs de l’enregistrement, généraux en retraite, qui se mettent à traduire en vers les Odes ou les Épîtres d’Horace, ou qui font des poëmes sur l’Art militaire, sur la Peine de mort, des fables surtout, des fables, — que dire d’eux, sinon ce qu’a dit Francaleu une fois pour toutes : Dans ma tête un beau jour ce talent se trouva, Et j’avais cinquante ans quand cela m’arriva ? […] Il vient de parler de son compatriote bourguignon, l’illustre Rameau, qui, du moins, avait su et osé résister, jusqu’au dernier moment, aux nouveaux venus et aux rivaux envieux : « L’immortel Rousseau et notre Crébillon, dans leur art, malgré leur supériorité, ajoute-t-il, n’ont pas eu tout à fait le même bonheur ou le même courage.

2689. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

La réponse définit d’avance tout son talent ; car dans un romancier l’imagination est la faculté maîtresse ; l’art de composer, le bon goût, le sens du vrai en dépendent ; un degré ajouté à sa véhémence bouleverse le style qui l’exprime, change les caractères qu’elle produit, brise les plans où elle s’enferme. […] Ils aiment l’art plutôt que les hommes. […] « Cela a des inconvénients, il est vrai ; l’art en souffre, si le public y gagne.

2690. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

L’art, sans doute, n’entrait pour rien dans ses premiers essais. […] S’il a été sévère dans la forme, et pour ainsi dire religieux dans la facture ; s’il a exprimé au vif et d’un ton franc quelques détails pittoresques ou domestiques jusqu’ici trop dédaignés ; s’il a rajeuni ou refrappé quelques mots surannés ou de basse bourgeoisie, exclus, on ne sait pourquoi, du langage poétique ; si enfin il a constamment obéi à une inspiration naïve et s’est toujours écouté lui-même avant de chanter, on voudra bien lui pardonner peut-être l’individualité et la monotonie des conceptions, la vérité un peu crue, l’horizon un peu borné de certains tableaux ; du moins son passage ici-bas dans l’obscurité et dans les pleurs n’aura pas été tout à fait perdu pour l’art : lui aussi, il aura eu sa part à la grande œuvre, lui aussi il aura apporté sa pierre toute taillée au seuil du temple ; et peut-être sur cette pierre, dans les jours à venir, on relira quelquefois son nom. […] Il est doux sans doute, il est doux, dans le calme des sens, dans les jouissances de l’étude et de l’art, “de causer entre amis, de s’approuver avec grâce, de se complaire en cent façons ; de lire ensemble d’agréables livres ; de discuter parfois sans aigreur, ainsi qu’un homme qui délibère avec lui-même, et par ces contestations rares et légères de relever un peu l’habituelle unanimité de tous les jours.

2691. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

On y lit encore son épitaphe : « Cette terre recouvre le corps d’Hérodote, fils de Tixès, maître en l’art d’écrire. […] Onésilus, instruit de cette particularité, en parla à un de ses écuyers, Carien de naissance, homme très-expert dans l’art de la guerre, et d’une grande force d’âme […] Les Lacédémoniens, dans cette journée, s’acquirent une grande gloire ; et, entre autres faits remarquables, montrèrent bien toute la supériorité que leur donnait la connaissance de l’art de la guerre sur des ennemis ignorants.

2692. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

C’est le lieu par excellence des « retraites », celui où se nourrissent le mieux les rêves : rêves d’art, rêves de volupté, rêves de perfection morale. […] Sur la presse impie et libertine, grave ou plaisante  chose bourgeoise encore  sur notre littérature romanesque, sur nos arts, sur nos divertissements, et sur ceux qui en vivent, il a tout dit. […] Sa lumière me remplit d’une aversion sans borne pour les chefs-d’œuvre d’un art ou je ne suis qu’un pauvre vieil écolier, lorsque ces chefs-d’œuvre n’ont pas la marque du vrai… Cette aversion avait ses défaillances.

2693. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Berlin l’était pour les sciences, Dresde l’était pour les arts, Leipsick pour la critique, Koenigsberg pour la philosophie ; Weimar désirait l’être pour la poésie. […] La cour de Weimar, sous les auspices de ces deux amis, dont l’un prêtait sa gloire, l’autre sa puissance à une pensée commune, devint en peu d’années le foyer de l’art, du théâtre, de la renommée en Allemagne.

2694. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Une jeune femme de la cour, plus éprise de la gloire personnelle que du rang, la marquise du Châtelet, s’était attachée à lui comme à son maître dans l’art de penser et d’écrire. […] Il encensait jusqu’aux papes, aux cardinaux ; il semblait, avec un art habile, ranger les personnes en dehors des lois de la guerre qu’il faisait aux choses.

2695. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Un industriel a besoin que son caissier tienne exactement ses livres, non qu’il lutte avec énergie et succès contre la tentation de prendre l’argent de la caisse pour satisfaire ses désirs d’art ou de luxe. […] La morale étant l’art de bien vivre, il paraît trop évident qu’elle n’a d’autre valeur morale — je ne dis rien ici de sa valeur esthétique — que celle que lui donne la vie même.

2696. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

En tout cas, si j’étais resté en Bretagne, je serais toujours demeuré étranger à cette vanité que le monde a aimée, encouragée, je veux dire à une certaine habileté dans l’art d’amener le cliquetis des mots et des idées. […] Ce jeune prêtre savait son art comme personne ne le sut jamais.

2697. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

C’est la vilenie prise sur nature : et j’admire l’art avec lequel les auteurs ont su tirer des traits saillants et des contours expressifs de cette platitude. […] … N’est-elle pas la mère du loisir, la patronne des arts, la fée des merveilles ?

2698. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Appendice aux articles sur Roederer. (Voir page 393.) » pp. 533-543

De toutes les scènes historiques qui se font simples et familières avec art, et qu’ont tant recherchées les vrais romantiques de notre âge, il n’en est certes point qui équivaille à celle-ci, prise sur le fait comme elle est et saisie au vol, ni qui rende mieux témoignage de la physionomie militaire de l’époque et des hommes : c’est là du naïf et du piquant en nature.

2699. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — II. (Suite.) » pp. 147-161

Mais l’art d’un négociateur est de ne pas rompre, même quand il échoue dans son but principal : il dissimule son échec et fait retraite en bon ordre.

2700. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — I » pp. 248-262

Ces grands orateurs composaient leurs sermons et les apprenaient, les récitaient avec plus ou moins d’art ou de naturel : le discours qu’ils savaient le mieux par cœur était celui qu’ils disaient le mieux et qui souvent aussi produisait le plus d’effet.

2701. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Variétés littéraires, morales et historiques, par M. S. de Sacy, de l’Académie française. » pp. 179-194

Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit.

2702. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

Les Affaires de Rome renferment des descriptions charmantes et de piquants portraits ; la préface des troisièmes Mélanges est un modèle de lucide discussion ; l’Esquisse d’une philosophie contient sur l’art un chapitre d’une merveilleuse et mystique poésie.

2703. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — I » pp. 246-260

Mais si l’on juge par le passé de l’avenir, quelles choses nouvelles nous sont inconnues dans les arts, dans les sciences, dans la nature, et, j’ose dire, dans l’histoire !

2704. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

J’en dirai autant de Ma retraite ; on sent ce qui fait défaut à l’aimable poète : il a plus de sentiment que d’imagination, que d’étude et de science pittoresque, que de style et d’art poétique.

2705. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite.) »

Avec une pareille disposition d’esprit, j’étais née et douée d’une très-grande sensibilité, d’une figure au moins fort intéressante, qui plaisait dès le premier abord sans art ni recherche.

2706. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

Aucun écrivain, avant M. de Chateaubriand, n’avait eu cet art au même degré.

2707. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Frochot, Préfet de la Seine, histoire administrative, par M. Louis Passy. »

« Si je revenais à la vie, disait Mirabeau, je ferais un bon mémoire sur l’art d’être garde-malade : c’est Frochot qui m’en a suggéré l’idée. » Et à un moment où, la fièvre s’apaisant au matin, Mirabeau faisait approcher son lit de la fenêtre, il dit à Frochot en regardant le soleil qui commençait à luire : « Mon ami, si ce n’est pas là Dieu, c’est son cousin germain. » Et le priant de lui soulever la tête : « Je voudrais pouvoir te la laisser en héritage. » Frochot refusa tout legs testamentaire.

2708. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre III »

Pendant cette singulière maladie qui ravage les races à bout de sang, de soudaines accalmies succèdent aux crises. » La liste est longue, des traitements suivis : hydrothérapie, suppression des alcools, du café et du thé, régime lacté, promenades et exercice, assa fœtida, valériane et quinine, sans compter l’emploi d’une thérapeutique morale où « il essaya des lectures émollientes, tenta, en vue de se réfrigérer le cerveau, des solanées de l’art, lut ces livres si charmants pour les convalescents et les mal à l’aise… les romans de Dickens ».

2709. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération.

2710. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Ils aimaient les gaudrioles, faisaient des mascarades, vidaient des quartauts, mangeaient des grillades, et n’avaient pas des moeurs exemplaires. « Les communautés d’arts et métiers, dit l’honnête Baugier quelque vingt ans après La Fontaine, « faisaient des emprunts dont la meilleure partie passait en buvettes,7 » et les particuliers allaient du même train.

2711. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Tout désir fut une idée… Les renouvellements du désir sont inépuisables par la fécondité de l’esprit, l’originalité d’idées, l’art de voir et de trouver de nouveaux aspects moraux, enfin l’optique de l’amour. » L’amour est un exercice de l’intelligence et de la volonté.

2712. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VIII. Jésus à Capharnahum. »

Il faut se rappeler que, dans les idées juives, antipathiques à l’art et à la mythologie, la simple forme de l’homme avait une supériorité sur celle des chérubs et des animaux fantastiques que l’imagination du peuple, depuis qu’elle avait subi l’influence de l’Assyrie, supposait rangés autour de la divine majesté.

2713. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Cette scène, par suite de l’art instinctif qui a présidé à la rédaction des synoptiques, et qui leur fait souvent obéir dans l’agencement du récit à des raisons de convenance ou d’effet, a été placée à la dernière nuit de Jésus, et au moment de son arrestation.

2714. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Il offre tant de sympathies diverses à satisfaire, il soumet les sympathies physiques à tant de sympathies morales et intellectuelles, il présente tant de points de défense et d’attaque en même temps, il fait naître tant désirs au-delà du désir même, il offre tant à conquérir au-delà de la dernière conquête, il donne tant de jeu aux craintes, aux espérances, il arrête les progrès si près du but et y rappelle si puissamment par l’effort même qui en éloigne, enfin il y a tant de distance entre les voluptés que l’art le plus exercé ou le naturel le plus aimable peuvent donner à l’abandon et le charme de cette retenue mystérieuse qui arrête les mouvements d’un cœur passionné, que rien n’est impossible à une grande passion dans le cœur d’une telle femme.

2715. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Voilà le mérite principal, l’art de vivre et de régner qui a immortalisé Hortense et sauvé son renom.

2716. (1761) Apologie de l’étude

En suivant une route contraire, cette étude aurait été pour vous une source intarissable de plaisir et d’instruction ; vous y auriez admiré les ressources de la nature, celles de tant de grands génies, soit pour la forcer à se découvrir, soit pour la mettre en œuvre dans les différents arts, monuments admirables et sans nombre de l’industrie des hommes, soit enfin pour apercevoir la liaison et l’analogie des phénomènes dont vous vous plaignez d’ignorer les premières causes.

2717. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXVI. La sœur Emmerich »

Et voilà pourtant ce qu’a fait la sœur Emmerich, et avec une telle certitude, une telle sûreté d’elle-même, qu’elle a réussi de manière à ce que les théologiens l’absolvent, tout au moins, quand ils ne la glorifient pas, et que nous, critiques littéraires, nous admirons au nom de la beauté, telle que l’art la conçoit, l’intuition, quelle qu’elle fût, qui fut en elle et qui nous a donné ces trois livres, comme on n’en avait pas vu encore dans la littérature sacrée, — ces trois livres d’histoire qui, en définitive, sont trois poëmes ; car l’histoire se puise à des sources, et ici il n’y a pas d’autre source qu’une âme en extase, — ces trois livres enfin dont on peut dire : « théologiquement, il n’est pas de rigueur d’y croire », mais dont on n’oserait dire cependant : « théologiquement, ils sont faux ! 

2718. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Par le calme, par la bonne humeur dans les difficultés et dans la lutte, par l’habileté infatigable et toujours lucide, par la patience qui boit l’outrage comme un vin pur et sourit tranquillement après, ne donnant pas à ses ennemis le spectacle infime d’un dégoût ou d’une colère, par son intelligence de l’état de la France, par la magnificence de son goût pour les arts, Mazarin — presque un Médicis ! 

2719. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Une à une on vit reparaître alors sur la scène littéraire les civilisations anéanties ou lointaines, le moyen âge d’abord et la Renaissance, puis l’Arabie, l’Hindoustan et la Perse, puis l’âge classique et le dix-huitième siècle lui-même, et le goût historique devint si vif que, de la littérature, la contagion gagna les autres arts. […] Devenu clerc chez son père, il fourrait dans son pupitre toutes les œuvres d’imagination qu’il pouvait trouver, non pas les romans d’intérieur, « il lui fallait l’art de miss Burney ou la sensibilité de Mackensie pour l’intéresser à une histoire domestique » mais les « récits aventureux et féodaux1207 », et tout ce qui avait trait « aux chevaliers errants. » Ayant fait une maladie, il fut retenu longtemps au lit avec défense de parler, sans autre divertissement que la lecture des poëtes, des romanciers, des historiens et des géographes, occupé à éclaircir les descriptions de bataille par des alignements et des arrangements de petits cailloux qui figuraient les soldats. […] Et comment, par exemple, ces grands rêves catholiques et mystiques, ces audaces gigantesques ou ces impuretés de l’art charnel entreraient-ils dans la tête de ce gentleman bourgeois ? […] De ce caractère naquit une théorie, sa théorie de l’art, toute spiritualiste, qui, après avoir révolté les habitudes classiques, finit par rallier les sympathies protestantes, et lui gagna autant de partisans qu’elle lui avait suscité d’ennemis1219.

2720. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

dans un Etat l’art de l’Imprimerie Ne fut dans aucun temps fatal à la patrie. […] Où est donc ce peuple efféminé [par les arts d’une civilisation trop fine] dont tu parles tant ? Je suppose, Rhédi, qu’on ne souffrît dans un royaume que les arts absolument nécessaires à la culture des terres, qui sont pourtant en grand nombre, et qu’on en bannit tous ceux qui ne servent qu’à la volupté ou à la fantaisie, je le soutiens, cet Etat serait le plus misérable qu’il y eût au monde… Les revenus des particuliers cesseraient presque absolument… Cette circulation des richesses et cette progression des revenus qui vient de la dépendance où sont les arts les uns des autres, cesseraient absolument. […] Tant do richesses tombent, pour ainsi dire, en paralysie ; plus de circulation, plus de commerce, plus d’arts, plus de manufactures.  » Ce rude réquisitoire contient beaucoup de vérités et quelques erreurs. […] Il n’est pas nécessaire que toute la terre d’un pays soit un champ de betteraves, et quelques jardins et même quelques parcs n’y sont pas de trop pour mettre dans les imaginations quelque notion de beauté. — Il n’est pas nécessaire que tous les hommes et toutes les femmes aient des enfants et il en faut, soit pour aider et soulager ceux qui en ont trop, soit pour faire office d’art, de science, de lettres, d’invention, de prédication, office utile encore, et au premier chef, à la communauté.

2721. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

C’est un grand art que de faire sa cour. […] Aujourd’hui l’égalité partout répandue l’a chargé des arts serviles ; les progrès du luxe lui ont imposé la nécessité du gain ; l’établissement des grandes machines administratives l’a écarté de la politique et de la guerre. […] Sa tourterelle était une ménagère sentimentale108, sa fauvette une sage châtelaine adonnée aux arts, son hibou un d’Alembert rustique, son chien un gouverneur à la Jean-Jacques109, son lionceau un Grandisson irréprochable ; tous ses personnages allaient se retrouver dans Berquin.

2722. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Mais tout en s’imposant pour règle de demeurer constamment fidèle à la vérité, l’auteur n’en a pas moins distribué avec beaucoup d’art les remarques et les souvenirs qu’il a réunis dans ce volume. […] On n’y sent aucun art ; l’art est dans son œil qui lui fait tout discerner et dans son âme qui lui fait tout sentir.

2723. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Dans nos palais, où, près de la Victoire, Brillaient les arts, doux fruits des beaux climats, J’ai vu du Nord les peuplades sans gloire De leurs manteaux secouer les frimas. […] Il est impossible de ne pas remarquer combien l’art exquis du poète sait contenir comme un paysagiste un grand horizon dans le petit cadre de ses couplets ! […] Viens de trésors combler mes mains avides ; Viens reposer dans l’asile des arts.

2724. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Puisque jadis, en des temps étrangement confus, l’Église avait triomphé de cette espèce d’éruption de l’instinct et de cette révolte de la nature, qui fut sans doute l’un des caractères essentiels de la Renaissance, et qu’elle avait même arraché l’empire de l’art au paganisme du xve  siècle ; — puisque, cent cinquante ou deux cents ans plus tard, elle avait pu contrebalancer la redoutable influence du cartésianisme en l’absorbant, et même en s’en aidant pour développer ce qu’il y a de substance rationnelle dans son propre enseignement ; — et puisque, enfin, au début du siècle où nous sommes, elle n’avait pas refusé de traiter avec la Révolution, et qu’elle l’avait pu, sans rien abandonner de ses droits ni surtout céder de son dogme ; — pourquoi, dans un temps comme le nôtre, s’il y a dans sa tradition quelque vertu sociale, et qu’aucune considération de l’ordre temporel n’en gêne plus le libre développement, pourquoi n’essaierait-elle pas de se présenter aux peuples sous ce nouvel aspect d’elle-même, et pourquoi n’y réussirait-elle pas ? […] disait déjà saint Augustin, tandis qu’il n’est pas de science ou d’art si faciles qu’ils ne réclament un guide et un maître, la religion, seule au monde, n’aurait pas besoin qu’on l’enseigne et qu’on la dirige !  […] » Et ils n’ont certainement inventé non plus ni l’art de distiller les alcools, ni celui de falsifier les denrées alimentaires, — qui sont sans doute encore deux grands progrès.

2725. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Les Froissart, les Commynes étaient arrivés déjà à la science et à l’art avec des grâces restées simples. […] Mais, dans ce dernier cas, le peintre est trop intéressé et devient comme féroce : la mesure de l’art est dépassée.

2726. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Son visage d’Antinoüs, ses cheveux parfumés, ses vêtements élégants, ses attitudes étudiées pour l’effet, sans mélange visible d’affectation, le faisaient remarquer partout ; son esprit très cultivé aimait le beau dans les lettres et dans les arts comme dans la toilette ; il sentait vivement la poésie et la piété, cette poésie des âmes tendres. […] C’étaient tous les noms princiers de l’aristocratie du génie ou de l’art ; les opinions s’y confondaient, pourvu qu’elles ne fussent pas amères contre les Bourbons et trop favorables au bonapartisme.

2727. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

— Quant à moi, dit Virieu, le plus positif et le plus spirituel d’entre nous, ce qui m’étonne toujours, c’est le faible de l’art et la toute-puissance de la nature ! Où est l’art ici ?

2728. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

La raison d’art en pareil sujet est un bon guide ; le tact exquis d’un Goethe trouverait à s’y appliquer. La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent.

2729. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Dans notre siècle, l’art d’observer et l’art d’expérimenter ont fait de tels progrès que la question tant débattue changea bientôt de face avec la physiologie tout entière.

2730. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

La poésie, comme l’histoire, à voir les choses simplement, elle était plutôt à cette heure du côté des croisés que des Byzantins, malgré toutes leurs divinités et leurs Aréthuses, — la poésie, et j’entends par là la véritable, à la fois le souffle, l’inspiration, la fleur et déjà l’art de l’expression, et aussi l’artifice du rythme.

2731. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Ne lui demandez pas les grandes vues militaires ni de stratégie, ni d’embrasser un échiquier bien étendu ; mais dans ce cadre indiqué, il semble un officier accompli, plein de ressources, ayant le coup d’œil et la main, électrisant son monde, combinant l’audace et l’art, et corrigeant la témérité par l’adresse.

2732. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Bignon avait fait établir pour la description des arts », celle qui est devenue l’Académie des inscriptions.

2733. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

Dans les dernières combinaisons stratégiques imaginées jusqu’à la fin de la lutte par Napoléon et qui consistent à enfermer plus ou moins les coalisés, à opérer sur leurs flancs et sur leurs communications, à les étreindre dans un cercle fatal d’où ils ne sortiront pas, il y a toujours une supposition et un sous-entendu qui frappe même les profanes comme nous et les ignorants dans l’art de la guerre : c’est que Paris, pendant ce temps, tiendra ferme, c’est que le point d’appui de tout l’effort, la clef de voûte ne cédera pas.

2734. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Dussieux et Eudore Soulié ont eu l’idée de mettre au jour ces Mémoires du duc de Luynes, dont ils connaissaient l’existence, et ils ont été secondés dans leur désir par l’obligeance du duc actuel, qui a donné le dernier lustre à cette curiosité héréditaire dans sa famille par son amour éclairé des arts, par ses collections célèbres, et par le goût aussi bien que par la munificence qu’il y a portés.

2735. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Et cet ancien journaliste, conseiller d’université, député inclinant à gauche : « Cet honorable universitaire ignore l’art de parler avec calme.

2736. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Guerre, art, poésie, philosophie, imagination ou réalité, heureux qui trouve à quoi se prendre une dernière fois dans sa vie, entre les belles causes qui demandent et appellent l’étincelle sacrée !

2737. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Mais même, quand la science des esprits serait organisée comme on peut de loin le concevoir, elle serait toujours si délicate et si mobile qu’elle n’existerait que pour ceux qui ont une vocation naturelle et un talent d’observer : ce serait toujours un art qui demanderait un artiste habile, comme la médecine exige le tact médical dans celui qui l’exerce, comme la philosophie devrait exiger le tact philosophique chez ceux qui se prétendent philosophes, comme la poésie ne veut être touchée que par un poète.

2738. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles.

2739. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

S’étant remis plus tard à composer des comédies nouvelles et non représentées, qu’il publia en 1615, il disait dans la préface en parlant des perfectionnements qu’il avait introduits autrefois dans l’art dramatique et scénique : « Il est une vérité que l’on ne pourra contredire (car c’est ici qu’il faut faire taire ma modestie) : on a vu représenter sur les théâtres de Madrid la Vie d’Alger, de ma composition, la Destruction de Numance et la Bataille navale, où je me hasardai à réduire à trois journées au lieu de cinq les comédies.

2740. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Ce ministre, si maître dans l’art de la société, « et qui en a su si bien user, tantôt pour imposer à ceux qu’on voulait détruire, et pour les déconcerter, tantôt pour attirer à lui ceux dont on voulait se servir », le reçut assez froidement.

2741. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Ce maître accompli en l’art de séduire et de plaire aura certes bien su ce qu’il faisait en triomphant de sa paresse pour écrire.

2742. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Il est reconnu, je crois, que la fédération est un système politique très favorable au bonheur et à la liberté, mais il nuit presque toujours au plus grand développement possible : des arts et des talents, pour lesquels la perfection du goût est nécessaire.

2743. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Plus l’esprit de parti est de bonne foi, moins il admet de conciliation ou de traité d’aucun genre ; et comme ce ne serait pas croire véritablement à l’existence efficace de sa religion, que de recourir à l’art pour l’établir, dans un parti, l’on se rend suspect en raisonnant, en reconnaissant même la force de ses ennemis, en faisant le moindre sacrifice pour assurer la plus grande victoire.

2744. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Dominique, le confirmèrent dans son opinion, et nous voyons la forme qu’ils donnèrent au caractère d’Arlequin, qui est bien différente de l’ancienne… Depuis lors, le caractère d’Arlequin est devenu l’effort de l’art et de l’esprit du théâtre.

2745. (1890) L’avenir de la science « XII »

Tous les jours, des milliers d’existences ne sont-elles pas perdues, mais ce qui s’appelle absolument perdues, à des arts de luxe, à fournir un aliment au plaisir des oisifs, etc.

2746. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il écrit du philosophe : « La danse est son idéal, son art particulier, et finalement aussi sa seule piété, son culte »… Son Zarathoustra « ne s’avance-t-il pas comme un danseur » ?

2747. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

On en retrouvait pourtant aussi quelque note heureuse dans les souvenirs du pont des Arts et du quai Conti.

2748. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Walckenaer comme biographe du Grand Siècle, c’est de n’avoir point paru soupçonner ces questions-là, et de ne les avoir point laissées se poser et se résoudre aux yeux du lecteur par l’art heureux des citations mêmes.

2749. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Mais M. de Rémusat est un auteur qui ne ressemble pas à un autre, il se juge deux fois trop ; il s’est dit qu’il était un esprit critique, qu’un esprit critique n’inventait rien d’excellent, et que dans l’art il n’y a que l’excellent qui compte.

2750. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Son art de plaire et de n’y penser pas.

2751. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Le peintre ne trouve donc aucune opposition du côté de la mécanique de son art à mettre dans chaque expression un caractere particulier.

2752. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Nos généraux ne ressemblaient point à ce farouche Romain qui dépouilla Corinthe de ses monuments : les arts furent traités par nous comme de nobles captifs, ou comme ces dieux que le peuple-roi ramenait de chez les nations vaincues, pour les placer au Capitole.

2753. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

On peut être une glace de Venise et être encadrée dans du plomb, mais le cristal de la glace n’en brille pas moins dans son encadrure, et peut-être même est-ce de l’art dans celui qui l’a encadrée ?

2754. (1895) De l’idée de loi naturelle dans la science et la philosophie contemporaines pp. 5-143

Elles ramènent la nature, qui devrait unir les êtres d’après leur parenté, à l’art, qui les assemble d’après ses convenances. […] Dans l’élevage, l’homme parvient, par l’art et l’intelligence, à modifier les formes animales. […] Ainsi, loin que chez Aristote la nature soit l’opposé de l’art, comme le veut le naturalisme contemporain, la nature et l’art ne font qu’un dans le fond des choses ; la nature artiste tend à réaliser un idéal qui est la cité, et les formes que revêt effectivement la société humaine sont le résultat de cette tendance, plus ou moins satisfaite ou contrariée. […] Ainsi de Hobbes à Rousseau la société est considérée comme une œuvre d’art, l’art étant nettement distingué de la nature.

2755. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Il cultive les arts, la peinture. […] M. de Maistre, apprenant cet imbroglio, s’empressa d’écrire à M. de Blacas pour se justifier de tout dessein de réfutation ; il invoqua les deux grandes preuves, l’alibi et l’art de vérifier les dates  : il était à Saint-Pétersbourg, il y écrivait l’ouvrage en 1809, il l’y publiait au commencement de 1814, avant que Louis XVIII fût rentré en France. […] Les chapitres des causes finales et de l’union de la religion et de la science renferment sur l’ordre et la proportion de l’univers, sur l’art, sur la peinture chrétienne, sur le beau, quelques-unes, certes, des plus belles pages qui aient jamais été écrites dans une langue humaine. […] Mais s’il avait envie de l’étrangler, son art aurait imité le même accent, tant les comédiens imitent bien l’homme !

2756. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

. — L’attention expectante : en quoi elle consiste ; son côté intellectuel, son côté moteur L’attention volontaire ou artificielle est un produit de l’art, de l’éducation, de l’entraînement, du dressage. […] L’art plie la nature à ses desseins, et c’est à ce titre que j’appelle cette forme de l’attention : artificielle. […] L’attention acquise est devenue une seconde nature ; l’œuvre de l’art est consommée. […] Quelques imbéciles ont même un talent particulier (pour les arts mécaniques, le dessin, la musique, le calcul) qui tranche d’autant plus qu’il est entouré par le vide.

2757. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Nous pourrions l’accepter, assurément, en tant que nous sommes artistes, car l’art vit de création et implique une croyance latente à la spontanéité de la nature. Mais l’art désintéressé est un luxe, comme la pure spéculation. […] Dans son beau livre sur Le génie dans l’art, M. Séailles développe cette double thèse que l’art prolonge la nature et que la vie est création.

2758. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

L’art lui-même et les faits sociaux peuvent fournir d’utiles lumières et compléter les révélations de la plume. […] Peintre, il ne demande aucune consolation à son art ; diplomate, à la vérité malgré lui, il se rebute au premier incident qui blesse sa susceptibilité jalouse. […] Il publia aussi, en 1801, un volume intitulé : Du Sentiment, considéré dans la littérature et dans les arts. […] Les arts, à leur tour, nous offrent le même rapprochement. […] Avec les lettres, les sciences, les arts, nous avons encore l’amour, l’amour qui vaut tout cela, cent fois tout cela ! 

2759. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Mais les divinités de l’Olympe grec, en intervenant, même avec un art relevé d’espièglerie, refroidissent ces riantes peintures, et Norfrank, bienvenu et sage en dépit des embûches de Mercure et de Cupidon, Norfrank dans l’heureux chalet nuptial me touche moins que l’honnête Pierre Simon, devisant dans l’ermitage étroit sur l’étendue des destinées humaines, et taisant quelque timide espoir qu’aucune récompense terrestre ne doit couronner. […] Toutefois, si, malgré quelques lacunes, la pensée de ces parties inédites est déjà saisissable, on ne peut également en apprécier la forme et l’art ; l’ensemble du monument est en souffrance : nous aimons à espérer que l’auteur ne tardera pas à y donner l’harmonie de son premier dessin.

2760. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Thomas, à l’âge de douze ans, pauvre et abandonné, fut recueilli par la charité d’une pieuse femme qui le fit élever et instruire : il apprit dans cette maison la grammaire, le latin, le plain-chant, et surtout l’art recherché et précieux alors de transcrire d’une main courante les manuscrits rares que la découverte de l’imprimerie ne vulgarisait pas encore. […] Nous allons un peu plus vite à la mort par la route du chemin de fer qui nivelle le sol, et par l’art du télégraphe électrique ; nos boulets frappent un peu plus fort la poitrine de nos ennemis, mais c’est tout.

2761. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Il avait aussi le malheur d’être mal écrit ; ce qui ne veut pas dire qu’il n’y eût souvent infiniment d’esprit dans les détails, et même de temps en temps d’admirables morceaux ; mais, comme l’auteur le reconnaît lui-même avec candeur dans la préface de l’édition de 1781, s’il y a partout une grande clarté logique, il y a très peu de cette autre clarté qu’il appelle esthétique, et qui naît de l’art de faire passer le lecteur du connu à l’inconnu, du facile au difficile, art si rare, surtout en Allemagne, et qui a entièrement manqué au philosophe de Koenigsberg.

2762. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Mais celui qui, étant doué de ces facultés, étudié longtemps son art et y dévoue toute sa vie avec une indomptable persévérance, peut réussir à opérer de grandes améliorations. […] Tout leur art a consisté simplement à cultiver toujours les meilleures variétés connues, à en semer les graines, et, aussitôt qu’une variété de quelque peu supérieure apparaissait par hasard, à la choisir pour la reproduire encore.

2763. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

S’il y a un art, c’est qu’il est impossible au lecteur de sentir l’endroit où la réalité cesse et où la fiction commence.

2764. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — I. » pp. 91-108

Il remarque que chacun, moyennant cette monnaie courante, peut parler même de ce qu’il ne sait pas, louer Newton ou Descartes sans avoir la plus légère teinture de géométrie, caractériser Turenne ou Condé sans posséder les éléments de l’art de la guerre.

2765. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Le père de Bailly se borna d’abord à lui faire apprendre le dessin sans en faire un peintre ; en matière d’art, Bailly se distingua, dit-on, par le goût et le coup d’œil plus que par la main.

2766. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Fontenelle y explique, de cette manière distinguée et fine qui est la sienne, les sources de la fortune de Dangeau, sa bonne mine, son attention à plaire, son art et son savoir-faire au jeu sans jamais déroger à la probité.

2767. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Avec l’intelligence, et presque sans art d’ailleurs, on arrive, selon lui, à des narrations, non seulement suffisantes, mais à des chefs-d’œuvre, et il en cite pour preuve les histoires de Frédéric le Grand et de Guichardin.

2768. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Les écrivains sont de métier, de profession ; ils sont doctes, les uns novateurs, les autres académiques ; ils ont des systèmes et des recettes d’art, ils ont des curiosités ou des emphases ; ils font quelquefois avancer la langue, mais aussi ils la tourmentent ils la déplacent.

2769. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

J’observe que les hommes ainsi disposés sont tous plus ou moins forts ou vifs, qu’ils ont de bonne heure contracté l’habitude d’exercer l’art de la parole et qu’ils sont aussi peu méditatifs.

2770. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Vingt ans se sont écoulés depuis, et des difficultés, des scrupules, des pudeurs de toute sorte, et de la nature la plus respectable, avaient retardé l’accomplissement du vœu formé au nom de l’art par l’amitié.

2771. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

À peine, dans sa vie errante, commençait-il à être installé quelque part, qu’il se croyait en butte à des poursuites, à des curiosités intéressées et malignes, à un espionnage continuel : la misérable compagne qu’il s’était donné avait l’art, selon qu’elle se déplaisait plus ou moins vite dans un lieu, d’entretenir et d’exciter ces inquiétudes qui avaient parfois des redoublements où toute la raison menaçait de périr.

2772. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

C’est plaisir de les gêner ; ils s’en tirent toujours, ils ne s’en trouvent que mieux ; et, comme il l’a reconnu lui-même, « la difficulté ajoute quelque chose à l’art 20. » Cependant chaque genre a ses écueils, et quelquefois, au point de vue du goût, M. 

2773. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il écrivait à l’abbé Fleury dès 1695 : « Son naturel le porte ardemment à tout le détail le plus vétilleux sur les arts et l’agriculture même. » Quinze et dix-sept ans plus tard (1712), il pensait et disait encore la même chose, et cette fois au sujet de la religion : « Il a besoin d’acquérir, si je ne me trompe, une certaine application suivie et constante, pour embrasser, toute une matière, pour en accorder toutes les parties, pour approfondir chaque point principal ; autrement cette lumière, qui est grande, ne ferait que flotter au gré du vent.

2774. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Ce qu’il faut dire, c’est qu’aussitôt élevée à ce rang de grande-duchesse, elle en parut hautement digne et sut se concilier tous les cœurs par sa conduite et son attention aux apparences, par sa tournure, par sa grâce, son air de douceur et de bonté qui recouvrait un grand art de séduction, par sa gaieté qui ne permettait pas de soupçonner tant de prudence.

2775. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

Sandeau, son auteur de prédilection ; le premier dîner en tête-à-tête qu’il offre à celui-ci chez Bignon ; le dîner qui lui est rendu à un restaurant plus modeste hors barrière, le père Moulinon, où se réunissaient les gens d’esprit pauvres et un peu bohèmes, les « surnuméraires de l’art et de la littérature » ; puis, au sortir de là, une soirée de lecture dans un salon à la mode où il est présenté et où, pour payer sa bienvenue, il se pique de spirituelle impertinence.

2776. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Mme d’Albany, bien italienne en cela, n’eut point d’autre pensée, elle n’y mit pas plus d’art et de façon, dès qu’elle eut remarqué le poète et compris son amour.

2777. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Quand je parle d’art, je sais bien qu’il y a dans cette seconde partie des endroits où certaines idées mystiques, symboliques ou morales, sont trop développées ; il y aura plus d’une fois redondance ; il y aura des moments où Bossuet s’oubliera, s’étendra un peu trop au point de vue de la composition, où il reviendra sur ce qu’il a dit déjà, et sinon l’intelligence, du moins la satisfaction du lecteur en pourra souffrir.

2778. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Il dut, pour subsister, soumettre sa plume aux plus humbles emplois ; né pour l’inspiration et pour l’art, il fit du métier ; il sema sa prose où il put.

2779. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Boulay-Paty était un vrai poëte, c’est-à-dire qu’il était cela et pas autre chose ; il avait le feu sacré, la religion des maîtres, le culte de la forme ; il a fait de charmants sonnets61, dont je comparais quelques-uns à des salières ciselées, d’un art précieux ; mais les salières n’étaient pas toujours remplies : il avait plus de sentiment que d’idées.

2780. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Il avait été reçu par M. de La Chapelle, directeur, qui ne parla pas mal non plus et qui dit même des choses assez neuves et très à propos à cette date de 1699, fin d’un siècle, sur les heures de perfection et de décadence littéraire pour les nations : il développa une pensée de l’historien Velleius Paterculus, et parla de cette sorte de fatalité qui fixe dans tous les arts, chez tous les peuples du monde, un point d’excellence qui ne s’avance ni ne s’étend jamais : « Ce même ordre immuable, disait-il, détermine un nombre certain d’hommes illustres, qui naissent, fleurissent, se trouvent ensemble dans un court espace de temps, où ils sont séparés du reste des hommes communs que les autres temps produisent, et comme enfermés dans un cercle, hors duquel il n’y a rien qui ne tienne ou de l’imperfection de ce qui commence ou de la corruption de ce qui vieillit. » C’était bien pensé et bien dit.

2781. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Nous les lui adressons sincèrement dans l’intérêt de l’art, dans le sien propre, et par conséquent dans le nôtre aussi, à nous tous jeunes gens qui nous sommes associés plus d’une fois à ses succès avec orgueil et avec amour.

2782. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

des guerriers pendant la paix, des génies dans l’art de la guerre, alors que toutes les pensées se tourneront vers la prospérité de l’intérieur, et que les dangers passés laisseront à peine des traces.

2783. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A dire que la poésie est l’art de transformer les idées générales en petits faits sensibles, et de rassembler les petits faits sensibles sous des idées générales ; de telle sorte que l’esprit puisse sentir ses pensées et penser ses sensations.

2784. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Vous allez vous montrer là-bas à des hommes de peu d’art et de peu de littérature, qui vous comprendront mal, qui vous regarderont du même œil qu’on regarde un veau à cinq pattes, qui verront en vous l’être extravagant et bruyant, non l’artiste infiniment séduisante, et qui ne reconnaîtront que vous avez du talent que parce qu’ils payeront fort cher pour vous entendre.

2785. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

A l’action dans la vie correspond, dans l’art, le souci de l’idéal, M. 

2786. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

Et l’on retrouvera presque à chaque page de ses grands romans cet art d’extraire de la réalité des antithèses bouffonnes ou navrantes, d’où jaillissent la surprise, le rire et souvent la pitié.

2787. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVI. Les derniers temps de la comédie italienne en France » pp. 311-338

Il est temps d’en venir aux conclusions que nous avons eues principalement en vue en traçant cet aperçu historique, et de préciser ce que cet art exotique, après avoir si longtemps habité et vécu parmi nous, a transmis et pour ainsi dire infusé à la comédie de Molière et par conséquent à notre comédie française.

2788. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Dans la morale, comme dans l’art, dire n’est rien, faire est tout.

2789. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Un jour, ce petit souverain lui disait : « Je suis étonné, messer Dante, qu’un homme de votre mérite n’ait point l’art de captiver les cœurs ; tandis que le fou même de ma cour a gagné la bienveillance universelle. — Vous en seriez moins étonné, répondit le poëte, si vous saviez combien ce qu’on nomme amitié et bienveillance dépend de la sympathie et des rapports. » Les différents ouvrages qui nous restent de lui2 attestent partout la mâle hardiesse de son génie.

2790. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Les habits étaient simples, mais non uniformes : « On pourra indifféremment choisir du noir, du gris, du blanc, du feuille-morte ou autre couleur obscure, pour le choix de laquelle on prendra l’avis de la Supérieure, qui réglera toutes ces choses, ayant égard à l’âge, à la condition des esprits, et à la qualité des personnes. » Et pour la forme tant du linge que des habits, il semblait que, sans être tout à fait des religieuses, les Filles de l’Enfance eussent déjà pour règle le code mignon de Gresset : Il est aussi des modes pour le voile ; Il est un art de donner d’heureux tours À l’étamine, à la plus simple toile.

2791. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

Cette course aux papillons et aux abeilles qu’il fait depuis vingt ans déjà lui a réussi ; sa verve d’écrire n’y est pas épuisée : il aime tant son métier et son art, il y est si bien dans son élément, que ce qui mettrait un autre hors de combat ne fait que le mettre, lui, plus en train et en haleine.

2792. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Et il finit pourtant par exprimer l’espoir que les arts, allant toujours vers l’Occident, franchiront un jour ou l’autre la grande mer, et qu’après avoir pourvu aux premières nécessités de la vie, on en viendra à songer à ce qui en est l’embellissement.

2793. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Voici des appréciations de quantité qui sont d’une importance majeure, qui sont aussi très complexes, et où l’art de l’observateur doit tenir lieu de règles fixes et d’instruments de précision, dont l’extrême multiplicité des cas défie l’application.

2794. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Voir Art. « Sociologie » de la Grande Encyclopédie, par MM. 

2795. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin, si ce n’est dans la possession de cette raison, dans l’art de bien développer, dans la bonne composition, dans la faculté d’expliquer en style élevé et clair les vérités moyennes ?

2796. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

le scepticisme en toutes choses : l’amour du plaisir dans la vie ; en politique, des goûts démocratiques et des mœurs serviles ; dans l’art, la prédominance de la grâce ; dans la religion, l’anthropomorphisme ; dans la philosophie, qui est l’expression la plus générale de l’esprit d’un peuple, un empirisme plus ou moins ingénieux, une curiosité assez hardie, mais toujours dans le cercle et sous la direction de la sensibilité.

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