Lorsqu’on a pénétré leur ordonnance intime, ils vous mettent dans l’état d’harmonie où l’on aime les morts mêlés aux vivants.
Un oiselet, se trompant à voir ce bras sec ainsi qu’une branche d’hiver, s’y perche, puis se réfugie au centre de la cage vide du thorax, pour y palpiter à la place d’un cœur, pour y expirer un parfum de compassion, de joie vivante et d’amour.
D’autres célèbrent de pieux acteurs de l’Italie moderne, tels que Giovanni Buono, retiré dans un cloître et vivant dans la pénitence : « Lequel, après avoir excité si longtemps le rire, disait le poète, s’est changé en une source de larmes. » Un sonnet est consacré à la mémoire d’Isabelle Andreini, la mère de l’auteur.
Son mot d’ordre était de capturer vivants ces esclaves rebelles, et de les envoyer à la chaîne, dans son palais de Suse.
Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ?
On tâchoit, par tous ces honneurs, de répondre à la haute idée que, de son vivant, on avoit conçue de lui.
Des antithèses, des pointes, quelques pensées brillantes, des applications & des allusions plus forcées qu’heureuses, un ton continuel de fadeur & de galanterie, le stile le plus enjoué, le plus fleuri, le plus ingénieux, mais le moins naturel ; un stile propre à mettre en réputation un auteur de son vivant, & qui bientôt après le fait oublier.
Il est de son vivant, ce qu’il sera aux yeux de la postérité, le premier écrivain de son siècle.
Celui même de surpasser un auteur vivant, ne prend le nom d’envie que lorsque ce sentiment nous rend injuste envers un rival.
« Le style, dit-il, c’est la partie vivante de nous-mêmes qui consent à former la chair impalpable des idées ; suivant la qualité de cette atmosphère de notre âme, à quoi s’emprunte le mystère de l’expression par la parole, varie la qualité de cette expression même.
Cette page unique et exhilarante, qui embarrassera peut-être les professeurs d’Athénée de l’avenir, si dans les athénées ou les cours publics les bons vivants ne remplacent pas les gens graves, s’appellera « les Dîners littéraires du xixe siècle » ; et elle formera, dans l’histoire des lettres de ce temps, la contrepartie de la page célèbre des banquets dans l’histoire politique, moins pourtant une révolution.
Voltaire étant donné, avec tout ce qu’il est et tout ce que nous sommes, Voltaire, résumant à lui seul tant de choses vivantes qu’il a créées, que nous n’avons pas eu la force d’arracher de nous et de faire mourir, explique profondément les admirations qu’il excite, — ou plutôt il ne les explique pas.
Et tous et chacun de ces dix mille n’étaient-ils pas l’incarnation vivante de la justice, de la conscience et de la loi ?
entasser stérilement les naucléas, les sirichas, les lianes des bahinias, le teckt, le nyctanthes, le negtali, le bignonia, le mouzzenda (nous pourrions aller comme cela longtemps), c’est écrire une nomenclature de Trissotin botaniste, mais ce n’est pas rendre vivantes pour l’imagination des beautés pittoresques absentes.
Mais, si elle ne s’était pas dégagée plus tôt, c’est justement parce qu’elle était naturelle à l’esprit français, esprit souple et vivant, qui n’a rien de mécanique ou d’artificiel, esprit éminemment sociable aussi, qui répugne aux constructions individuelles et va d’instinct à ce qui est humain.
C’est un honneur qui, sous le nom du mort, est rendu aux vivants.
Rien de plus, mais c’est assez pour donner un livre vivant, délicieux, enchanteur, parce que la nature y respire. […] Il y avait là, rendues en deux strophes, en quatre vers seulement parfois, les impressions toutes personnelles et dès lors toujours vivantes, qui dictèrent tous les romans de la première manière d’André Theuriet. […] Son œuvre justifie-t-elle le pilori auquel l’ont voué, de son vivant, petits et grands journaux ? […] Charles Buet emploie à vêtir de brillantes draperies le vieux squelette du roman historique qui, grâce à lui et à quelques autres esprits très littéraires de notre temps, fait encore illusion et paraît vivant à un public d’élite. […] En vain, on lui représente que ses enfants sont son vivant portrait.
Tel homme s’immole à la gloire, qu’il se peint comme un être vivant dans la postérité : l’instant où, cessant de l’imaginer, il en reconnaît le prestige, est la dernière ligne de son histoire. […] Les portraits vivants, les riches descriptions, les harangues nobles et variées, sont les moyens et les ornements de l’histoire et de la poésie épique. […] On trouve aussi dans la fable, où Longin puise les citations, l’admirable silence de l’ombre d’Ajax qu’interroge Ulysse vivant, et qui se tait pour lui marquer que sa haine survit au trépas. […] Rien ne le prouve mieux que cette nécessité de préférer dans la fable ou dans l’histoire les faits qui n’ont pas eu de témoins, et les héros que les vivants n’ont pu voir. […] son cœur n’a rien de généreux, rien de vivant ; ce n’est point un homme, c’est un monstre, dût-il, en son impassible stoïcisme, se qualifier du nom de philosophe ou de héros.
En effet, il est animé, vivant, loquace, et sous l’amaigrissement de la figure et le reflet basané du voyage, moins commun d’aspect qu’à l’ordinaire. […] l’artistique mise en scène de la désolation et du deuil des vivants. […] Une grosse discussion, dans laquelle je jette : « Non, je ne crois pas au surnaturalisme entre les vivants et les morts, hélas ! […] Et à propos de cet amour M. de Lovenjoul me conte un curieux épisode de cette liaison : l’histoire d’une lettre d’amour écrite par Balzac, que sa maîtresse avait laissée traîner, et que le mari encore vivant avait surprise. […] En le regardant, je retrouvais mes gais départs pour les vacances en province, la sortie victorieuse de Paris à grandes guides par les rues étroites, le sautillement des croupes blanches devant les vitres du coupé, les relais retentissants du bruit de la ferraille, les villages et leurs pâles vivants, traversés dans le crépuscule, au galop.
Aujourd’hui encore, des onomatopées et des symboles subsistent dans les langues modernes, témoignages vivants de l’état primitif du langage, et l’on ne peut nier que ce soient des signes. […] Et ce n’est pas sans raison que cette maxime est invoquée par Horace à propos du drame : aux époques primitives, quand les hommes se contentaient pour la vie pratique du langage audible, l’épopée, poème purement audible, était aussi la seule poésie ; dès qu’on l’a pu, l’écriture idéographique et les arts du dessin furent inventés, puis, bientôt après, le drame, sorte d’épopée visible et vivante qui est au poème épique ce qu’un dessin explicatif est à la parole ; comme il répond à un besoin réel et spécial de l’âme humaine, le drame remplit mal sa mission si, par des récits trop longs et trop fréquents, il retourne aux formes de l’épopée279 ; telle est spécialement l’idée qu’Horace voulait exprimer ; mais sa maxime avait une portée plus haute : le drame sans action, comme l’écriture en train de devenir phonétique, est un mode d’expression détourné de son but et qui perd sa raison d’être originelle. […] Enfin, pour toute entreprise difficile et nouvelle de la pensée, pour celles qui doivent compter dans l’histoire de l’esprit humain ou seulement dans l’histoire économique ou politique des peuples, il faut des idées encore jeunes et vivantes, aux contours saillants, et dont les couleurs n’aient pas été ternies par un trop long usage. […] Les langues vraiment vivantes, qui admettent le néologisme dans leur loi constitutive, font ou supposent des esprits vivants, toujours en travail, tandis que les langues fixées, comme le français, où l’on ne peut innover que dans les alliances des mots, entretiennent chez ceux qui les parlent une certaine paresse intellectuelle289. […] Cette théorie soulève de graves objections : un tel langage est un mauvais instrument pour la première éducation de l’esprit, et ses avantages ne peuvent être réels que pour une élite de lettrés adultes ; — quand un effort est nécessaire pour comprendre, le contre-sens est trop facile ; — dans la vie pratique, et même dans la spéculation, il importe souvent de comprendre vite et sans effort ; — et, en fait, la langue chinoise a-t-elle fait des esprits plus vivants que la langue grecque ?
Sarcey, et que j’altère indignement le tour et la couleur de sa parole vivante. […] — C’est vrai, il y a Alceste, un rude personnage, celui-là, si vrai, si humain, si vivant ! […] Valet si l’on veut, mais valet aussi symbolique (et plus vivant) que son fils Ruy-Blas. […] Je dirais plutôt : « La princesse Georges est un corps vivant et vibrant qui s’agite au milieu d’ombres vaines. » Vivant, ah ! […] Ils gardent des préjugés tout en vivant comme s’ils n’en avaient pas.
Ce sont des hommes très avancés dans les arts de l’agriculture, vivant d’une manière amphibie sur une rude côte, et tirant leur nourriture à demi de la terre, à demi de la mer. […] C’est en vain que vous lui présenteriez les images les plus vivantes, celle qu’elle s’est formée lui semble, paraît-il, plus vénérable. […] Morte pour tout le monde, elle sera vivante pour lui seul. […] Je n’ai rien à dire à cela ; mais que devient cependant, avec ces substitutions et ces adoucissements, cette peinture si vivante des vieilles mœurs que nous présente le drame de Shakespeare ? […] Roméo et Juliette est plus qu’un admirable drame : c’est la métaphysique vivante de l’amour.
Comment donc expliquer que la réputation de Vinet, qui de son vivant même avait déjà franchi les frontières de sa patrie, ne soit pas plus grande ni plus solidement établie parmi nous ? […] Japonais ou Chinois, ce sont pourtant des hommes, eux aussi, dont la connaissance n’est pas indifférente à celle de l’homme que nous sommes nous-mêmes ; et, d’autre part, à tout moment de sa longue existence, l’humanité se compose de plus de morts que de vivants. […] Non pas ; mais c’est que dans la vie réelle, nous-mêmes ou ceux qui nous entourent, des êtres vivants, faits de chair et de sang, nous avons éprouvé l’absurdité du préjugé, l’injustice de la coutume, ou la cruauté de la loi. […] Ce qui est plus obscur, c’est de savoir comment on l’écrira, de quel style, si la forme en sera plus simple, plus limpide et plus rapide, ou au contraire, pourvu qu’il soit vivant, s’il se souciera peu de la gloire d’être « bien écrit ». […] Étant donné que Toupinel, en son vivant, comme le courrier de Strasbourg, avait deux femmes : l’une à Paris, la légitime, et l’autre à Toulouse, la préférée ; si l’on suppose, maintenant, que, la première s’étant remariée, les amis de son nouvel époux, M.
. — Son insuccès de son vivant. […] Grâce à cette originalité même, Stendhal, vivant, eut peu de lecteurs et moins encore d’admirateurs. […] Edmond, que la mort de son frère avait laissé abattu et sans courage, Edmond, qui avait voulu renoncer à écrire, s’est remis à travailler et passe pour le troisième romancier français vivant. […] Son incapacité absolue d’inventer et la force invincible avec laquelle le modèle vivant s’incrustait dans sa mémoire, au point de ne lui laisser pas de repos jusqu’à ce qu’il l’ait transporté sur le papier. […] Nous ne comptons pas par douzaines les grands romanciers vivants, mais la France ne les compte pas non plus, et encore moins, que je sache, l’Angleterre, l’Allemagne et l’Italie.
Aujourd’hui, jour des morts, au moins songez à nous, Vivants ! […] Rien de moins vivant et de moins original en soi, sous l’appareil le plus spécieux. […] Vous ne réussirez pas mieux à faire de ces fouilles archaïques une création nouvelle et vivante que lord Elgin n’eût réussi à créer, sous le ciel britannique, un monument grec a l’aide des fragments de statues et de bas-reliefs que lui livraient l’Attique et l’Ionie. […] Les muses se sont inclinées sur son berceau ; les abeilles de l’Hymette ont susurré près de ses lèvres ; il a été touché d’un de ces rayons du ciel d’Athènes qui éclairent et colorent tout, horizons, monuments et rivages ; poésie vivante, commentaire immortel d’une poésie immortelle. […] Il est vivant, comme tout ce qui s’écrit sous l’inspiration directe de ce qu’on ‘raconte, et avec mille affinités personnelles entre le narrateur et le récit ; il est équitable, comme tout ce que modifient et corrigent, dans un bon esprit, la réflexion et l’expérience.
La comédie, toujours également vivante, change sans cesse de caractère ; nos traditions scéniques se transforment, et le genre de spectacle qui plaisait le plus à nos pères, court risque de nous laisser froids. […] Si madame Bovary a eu de son vivant sa somme raisonnable de déceptions, si elle a vu la plupart de ses rêves « tomber dans la boue comme des hirondelles blessées », en voici un du moins qui s’est accompli. […] On rencontre, semés dans ses livres, au milieu de sèches discussions, des portraits vivants et des paysages d’une netteté frappante, qui pourraient être transportés tels quels dans l’œuvre de M. […] On sent qu’elles ont été vivantes et qu’elles ne le sont plus. […] Il est tel que le pouvait écrire un Français du xviie siècle, vivant parmi des mœurs aristocratiques, licencieuses et brutales.
Il voulait traduire Gœthe et traduire Shakspeare, et nous le trouvâmes à Londres vivant de la vie anglaise pour bien s’imprégner du sentiment shakspearien et en mieux comprendre le sens intime. […] Cette page ne saurait être suspecte de complaisance posthume, et ce que nous avons dit du poëte vivant, nous pouvons le répéter à propos du poëte mort si prématurément et si malheureusement. […] Saturée lentement de sucs vénéneux, elle est devenue elle-même un poison vivant qui neutralise tous les toxiques. […] Le mort dans son cercueil pleurait le vivant, le plus à plaindre des deux, à coup sûr. […] Oui, hier vivant — aujourd’hui mort.
Pour moi, tu ne vis pas et ne vivras jamais plus : le destin a rompu la foi que tu m’as jurée… » Béatrice et Laure, vivantes ou mortes, n’ont jamais un instant quitté leurs poètes ; sans cesse ils les voient à côté d’eux. […] De quel droit volez-vous la vie à ces vivants ? […] peut-être aussi que la critique, après avoir oublié du vivant du poète qu’il n’était point un penseur pour l’adorer sans restriction, oubliera après sa mort qu’il a été le roi suprême des mots, des rythmes et des images. […] Ils habitent ensemble une maison à eux, vivant très convenablement du produit de leur pêche : l’aîné des garçons appelé ’Ntoni comme son grand-père, fait son service militaire, et l’on songe déjà à marier sa sœur Mena ; même on rêve pour elle le plus beau parti du village, le fils du patron Cipolla. […] Pour qu’il se sente à l’aise, pour qu’il puisse développer librement ses qualités, il lui faut des cadres plus animés, plus vivants que les vastes horizons de l’Orient ou de l’Afrique.
Il marque tout dans le vol du faisan, le frou-frou de son essor, « ses teintes lustrées, changeantes, — sa crête de pourpre, ses yeux cerclés d’écarlate, — le vert si vif que déploie son plumage luisant, — ses ailes peintes, sa poitrine où l’or flamboie1121. » Il a la plus riche provision de mots brillants pour peindre les sylphes qui voltigent autour de son héroïne, « lumineux escadrons dont les chuchotements aériens semblent le bruissement des zéphyrs, — et qui, ouvrant au soleil leurs ailes d’insectes, — voguent sur la brise ou s’enfoncent dans des nuages d’or ; — formes transparentes dont la finesse échappe à la vue des mortels, — corps fluides à demi dissous dans la lumière, — vêtements éthérés qui flottent abandonnés au vent, — légers tissus, voiles étincelants, formés des fils de la rosée, — trempés dans les plus riches teintes du ciel, — où la lumière se joue en nuances qui se mêlent, — où chaque rayon jette des couleurs passagères, — couleurs nouvelles qui changent à chaque mouvement de leurs ailes1122. » Sans doute ce ne sont point là les sylphes de Shakspeare ; mais à côté d’une rose naturelle et vivante, on peut encore voir avec plaisir une fleur en diamants, comme il en sort des mains d’un joaillier, chef-d’œuvre d’art et de patience, dont les facettes font chatoyer la lumière et jettent une pluie d’étincelles sur le feuillage de filigrane qui les soutient. […] Elle se trouve impuissante quand il faut peindre ou mettre en scène une action, quand il s’agit de voir et de faire voir des passions vivantes, de grandes émotions vraies, des hommes de chair et de sang ; elle n’aboutit qu’à des épopées de collége comme la Henriade, à des odes et des tragédies glacées comme celles de Voltaire et de Jean-Baptiste Rousseau, comme celles d’Addison, de Thompson, de Johnson et du reste. […] En ce temps-là vivait Gay, sorte de La Fontaine, aussi voisin de La Fontaine qu’un Anglais peut l’être, c’est-à-dire assez peu, à tout le moins bon et aimable vivant, très-sincère, très-naïf, « singulièrement irréfléchi, né pour être dupé », et jeune homme jusqu’au bout. […] Un homme passionné, triste, naturellement replié sur lui-même, fait la conversation avec les objets ; un grand ciel grisâtre où dorment des vapeurs d’automne, un jet soudain de soleil qui vient illuminer une prairie humide l’abattent ou le raniment ; les choses inanimées lui semblent vivantes ; et la clarté faible, qui le matin vient rougir le bord du ciel, le remue autant que le sourire d’une jeune fille à son premier bal.
Mais il est des ravalements tels qu’ils doivent engourdir les plus vivantes parties de lui-même, et faire l’effet du contact de la torpille sur le talent le plus résolu et le plus vibrant. […] L’histoire contemporaine est vivante. […] Devenu militant et journaliste, jeté par sa fonction — et aussi parle plus fort des instincts de sa pensée, qui l’emporte vers les choses actuelles comme tous les esprits politiques, — dans cette histoire de tous les jours qui se fait sous nos yeux, dont nous sommes une partie vivante et qui, tant on la voit et tant on la touche, empêche de rêver, Granier de Cassagnac remonta du fait qu’il avait sous les pieds et qu’il y foula longtemps à la tradition de ce fait, à son origine, et il écrivit les Causes de la Révolution française, laquelle est l’histoire, hélas ! […] À l’heure qui vient toujours pour la plupart des œuvres, qu’on ne lit bientôt plus, avec la morne indifférence des générations qui se succèdent, quand on se demandera ce que fut, de son vivant, Granier de Cassagnac, l’imagination frappée aura retenu qu’il fut un des forts de son siècle, où les forts n’étaient pas déjà si communs.
Croce s’en tient à la synthèse de l’être vivant et insiste sur la diversité ; le positivisme s’en tient à l’analyse et ne voit que l’identité des éléments. […] Les éléments sont constants, sans avoir de vie propre ; les combinaisons sont passagères, mais seules vivantes. […] Admettons que la gestation d’une œuvre d’art comprend une série d’intuitions qui se remplacent l’une l’autre et dont seule la dernière est exprimée, c’est-à-dire vivante. […] Au joujou articulé qui dit papa et maman, la fillette préfère, dans son cœur déjà maternel, la simple poupée de bois dont son imagination fait un être vivant.
Mais il en a entièrement changé la forme dans les autres éditions publiées de son vivant. […] C’est ainsi qu’il en vint à trouver la Science nouvelle… Depuis ce moment il crut n’avoir rien à envier à ce Socrate, dont Phèdre disait : « L’envie le condamna vivant, mais sa cendre est absoute. […] Son malheureux fils, l’âme navrée, s’adressa au chapitre de l’église métropolitaine, et le fit enterrer enfin dans l’église des pères de l’Oratoire (detta de’ Gerolamini), qu’il fréquentait de son vivant, et qu’il avait choisie lui-même pour le lieu de sa sépulture. […] Et grâce à vos louanges, ô noble poète, déjà fameux, déjà antique de son vivant, il vivra aux âges futurs, l’infortuné Vico !
Ces développements, en effet, qui aujourd’hui et de si loin nous semblent des hors-d’œuvre et des digressions dans les odes de Pindare, étaient précisément ce qui, à l’origine, et dans le temps où les souvenirs étaient vivants, formait l’à-propos le plus heureux de ses sujets et qui en devenait l’enrichissement le plus fertile : c’était le contraire du lieu commun vague, de ce qui domine trop fréquemment dans notre ode classique. […] On sait les beaux vers de Virgile (églogue V) sur la mort de Daphnis : « Daphnis, est-il dit, tout éblouissant de lumière, admire le seuil inaccoutumé de l’Olympe, et voit sous ses pieds les nuées et les étoiles. » Cette consolation est celle qu’on aime toujours à donner aux vivants en deuil lors de la séparation et du départ d’une âme élevée et céleste.
Selon la définition qu’il en donne, un auteur romantique n’est autre qu’un auteur qui est essentiellement actuel et vivant, qui se conforme à ce que la société exige à son heure ; le même auteur ne devient classique qu’à la seconde ou à la troisième génération, quand il y a déjà des parties mortes en lui. […] Sur la comédie surtout, il est en défaut ; il nomme trop peu Molière, si vivant toujours et si présent ; Molière, ce classique qui a si peu vieilli, et qui fait autant de plaisir en 1850 qu’en 1670.
Pour peindre cette diction homérique dont elle est pénétrée et qui fait l’âme du poème, elle a des paroles qui sont d’un écrivain et des images qui portent sa pensée : « La louange, dit-elle, que ce poète donne à Vulcain, de faire des trépieds qui étaient comme vivants et qui allaient aux assemblées des dieux, il la mérite lui-même : il est véritablement cet ouvrier merveilleux qui anime les choses les plus insensibles ; tout vit dans ses vers. » Comment donc oser le traduire ? […] Mme Dacier est de ces derniers ; vivant à Paris, elle garde jusque dans son style noble de ces expressions un peu basses dont Bayle, à l’étranger, ne se défit jamais.
Une fois appelé sur le terrain par Balzac et mis en situation de répondre à M. de Girac, il semble qu’il n’y avait rien de plus simple que le rôle de Costar : il n’avait qu’à relever ce qui lui paraissait peu juste dans la critique du savant ami de Balzac, à balancer lui-même les éloges entre le mort et le vivant, et à se faire honneur par un ton d’impartialité généreuse et un air de fidélité envers une chère mémoire. […] M. de Girac, dans sa dissertation, assez élégante, ce me semble, mais composée sans prétention et s’adressant peu au public, disait donc, non sans s’excuser d’avoir à donner son avis en matière de grâces, lui homme de campagne et vivant au milieu des bois, que des trois genres de lettres où s’était exercé Voiture, l’un sérieux et grave, l’autre enjoué et badin, et le troisième amoureux, il n’avait bien réussi ni dans le premier ni dans le dernier, et n’avait atteint à une véritable perfection que dans le second genre, celui de l’ingénieuse familiarité et de l’enjouement ; mais cette perfection qui lui était propre, il n’hésitait pas à la lui reconnaître.
De son vivant, il a été parfaitement jugé et connu, tant pour ses bonnes qualités que pour ses défauts, pour ses belles et charmantes parties que pour ses folies et ses détestables travers, par des personnes de sa société, et, jusqu’à un certain point, de ses amis. […] Biot se plaisait à citer, comme le plus fidèle et le plus vivant résumé de la théorie de la lumière, ces beaux vers de l’épître à Mme du Châtelet Sur la philosophie de Newton : Il déploie à mes yeux par une main savante De l’astre des saisons la robe étincelante ; L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis, Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits.
Elle était avec sa belle-fille à Spa, vers le temps de la prise de la Bastille ; là se trouvaient aussi les Laval, les Luxembourg, les Montmorency, la fleur de la noblesse, « dansant de tout leur cœur pendant que l’on pillait et bridait leurs châteaux en France. » Ces dames de Boufflers, au lieu de rentrer à Paris, passèrent en Angleterre, et y vivant sur le pied d’émigrées, elles y demeurèrent jusque bien après le mois de juin 1791, après l’arrestation de Louis XVI à Varennes : elles ne revinrent probablement que sous la menace pressante des confiscations. […] 3° Vivant de son revenu.
Mais l’originalité individuelle de La Mennais s’y marque de bonne heure tout entière, et quand on a vu s’accomplir toute la destinée de l’homme, ce tableau du commencement, publié le dernier, devient comme une justification frappante et un abrégé vivant qui contenait toute la suite. […] Et en effet, toute sa vie devait être une longue escrime… » Pendant un séjour à la campagne, dans un château près de Sézanne, en 1837, La Mennais, causant en toute liberté, se plaisait à revenir sur ses commencements, sur les souvenirs contrastés de sa jeunesse, et voici en quels termes le jeune précepteur des enfants de la maison a résumé l’impression vivante que lui avaient laissée ces entretiens : « C’est le matin qu’il était le plus communicatif.
Une chère écriture est un portrait vivant. […] « Que je regrette de lui avoir si peu marqué, de son vivant, cette profonde et unique sympathie69 !
Je laisse même de côté des figures vivantes, mais d’une invention facile, telles que la fermière Rose Chandoux, la terrible mère qui veut faire un notaire de son fils, et Geneviève Bourgeois, la vieille fille héroïque, gardienne jalouse de la terre familiale, dont la vie n’est qu’un amer et silencieux sacrifice aux derniers du nom, et qui meurt sur ce cri : « Il n’y a plus de Cassoire ! […] Cette femme en deuil, immobile et vivant d’un souvenir, M. de Glouvet a su nous la faire voir.
Un être qui n’aurait pas de sens, une autre statue de Condillac supposée vivante, n’aurait pas une idée ; elle ne penserait pas. […] Comme disparaissent sous nos yeux telles espèces vivantes, assistons-nous pas à l’agonie d’une espèce artistique ?
Un être qui n’aurait pas de sens, une autre statue de Condillac supposée vivante, n’aurait pas une idée elle ne penserait pas. […] Comme disparaissent sous nos yeux telles espèces vivantes, assistons-nous pas à l’agonie d’une espèce artistique ?
Mais d’autres animaux, contemporains de l’homme, étaient survenus : les uns, d’une construction presque aussi massive ; les autres, cent fois plus redoutables, ne se repaissant que d’êtres vivants, au lieu de brouter l’herbe et l’algue. […] L’homme sort de ses mains à l’état de statue vivante, semblable aux dieux qu’il adorera, digne de les figurer dans leurs temples.
Quelques années après, devenu fou furieux et mis aux entraves, il se hacha lui-même tout vivant, avec le glaive de l’Ilote qui le surveillait. — Un exemple plus tragique encore est celui du prisonnier de la révolte d’Égine qui, s’échappant du massacre de ses compagnons, s’élança sous le portique du sanctuaire de Déméter et parvint à saisir les poignées des portes. […] vous êtes des enfants, il n’y a pas de vieillards parmi vous ; vous êtes tous jeunes d’esprit. » Cette momie vivante ne croyait pas si bien dire : la Grèce naquit et elle resta jeune ; et c’est cette jeunesse qui lui donna la Beauté, qui versa sur ses œuvres la fleur de la vie, et lui fit cueillir légèrement les prémices de toutes les moissons, le laurier-rose de toutes les victoires.
Mais bientôt le sentiment de vérité l’emporte ; elle est saisie ; elle est désespérée que Walpole ne soit pas là près d’elle pour jouir de cette incomparable lecture : « Vous y auriez des plaisirs infinis, lui écrit-elle coup sur coup de Saint-Simon, des plaisirs indicibles ; il vous mettrait hors de vous. » Voilà le vrai et l’effet que font ces Mémoires à tous ceux qui les lisent avec continuité ; ils vous mettent hors de vous, et vous transportent bon gré mal gré au milieu des personnages et des scènes vivantes qu’ils retracent. […] Marié à la fille du maréchal de Lorges, vivant vertueusement et à la fois dans le plus grand monde, il se montrait, en toute occasion, très jaloux de soutenir les prérogatives attachées au rang de duc et pair ; il s’engagea, à ce propos, dans plusieurs procès et contestations qu’il soutint avec chaleur, et qui lui donnaient, de son temps même, une légère teinte de manie et de ridicule.
Cet homme, qui avait tant embrassé d’espaces et d’époques, et tant décrit de formes vivantes, pouvait dire : « J’ai passé cinquante ans à mon bureau. » Buffon avait la vue basse : c’était sa seule infirmité. […] Comme peintre d’animaux, il n’a rien fait de plus noble, de plus majestueux et de plus accompli que ses portraits du Cheval, du Cerf, du Cygne : ce sont des tableaux de nature vivante, de la plus grande manière et de la plus royale.
Philippe (c’est le nom du valet de chambre, qui, indépendamment de toutes ses qualités, est studieux, instruit, amateur de lecture), Philippe, retiré du service et vivant auprès de son fils, a pris l’habitude de jeter ses pensées sur le papier ; et comme on lui proposait un jour de se faire imprimer : « Non, vraiment, répondit-ilh, je craindrais de trahir les secrets de l’humanité ; on sent le besoin de les cacher quand on connaît les hommes. » Vers le temps où, retiré en Champagne, à l’abri de la proscription, il écrivait sa Dot de Suzette, M. […] » Qualifiant l’influence alors régnante, la double influence inverse, mais également dangereuse, de Rousseau et de Voltaire, il dit : Les Français vivant sur deux opinions également dangereuses, l’une formée par un éloquent écrivain qui a grandi toutes les petites choses, l’autre formée par un écrivain railleur qui s’est plu à dégrader tout ce qui était grand, il faut s’écarter avec soin de l’une et de l’autre route, pour refaire l’opinion publique et en revenir, comme au vieux temps, à la simplicité et au sérieux.
Que des objets utiles, bons, agréables, réels, vivants peuvent susciter une émotion esthétique quand ils sont seulement utiles, bons, etc. […] Il facilitera ainsi, à un point qu’on ne peut encore imaginer, l’analyse des œuvres d’art plastiques et musicales, en permettant de doser, pour ainsi dire, ce qu’elles contiennent d’éléments de peine et de plaisir physique pour les sens de l’être vivant normal.
Il est permis d’admettre qu’un esprit parvenu à ces sympathies, comparant leur objet — de pures idées — aux misérables éléments dont il est extrait — la réalité — se prenne de tristesse et de mépris pour l’imperfection et l’hostilité des choses, se sente irrité contre les vices mesquins et les vertus compromises des créatures vivantes, parvienne au pessimisme colère qui caractérise toute l’œuvre de M. […] Zola est le seul à donner cette sensation d’humanité vivante et souffrante, et il y parvient, comme tous les grands artistes, en nous montrant des âmes, des êtres moraux.
Les deux Introductions qu’il a placées à la tête de son volume de Saint-Simon portent la marque de son talent, à lui, — talent très vivant et très personnel. […] Cette histoire de choses mortes qui donne une si grande idée du temps où elles étaient vivantes, n’est à présent qu’un vain document sur un temps qui n’est plus.
Seulement, au milieu du cornet, vous trouverez deux diamants à plusieurs carats : c’est l’article sur le Don Quichotte et celui sur l’Histoire de la littérature allemande, par Menzel, que je recommande aux amateurs de critique littéraire non anatomique mais vivante, et qui s’essaient en ce genre dangereusement facile des comptes rendus dans les journaux. […] Aussi passa-t-il quatre-vingts ans à se droguer, vivant de café, de médecines et de clystères, dont il parlait souvent, comme Scarron, et dont il tirait des effets d’une bonhomie ou d’une hypocrisie comique… Mais ces maux qui ne tuèrent pas Voltaire, tandis que Henri Heine est mort des siens, sont aussi différents des maux de Heine que sa pâle poésie est différente de la poésie du grand poète allemand, lequel reste supérieur à Voltaire autant par la beauté de son génie poétique que par la sincérité tragique de ses douleurs.
Faut-il répondre par une démonstration en règle à une espèce de question préalable que voudraient sans doute malicieusement soulever certains professeurs jurés de sérieux, charlatans de la gravité, cadavres pédantesques sortis des froids hypogées de l’Institut, et revenus sur la terre des vivants, comme certains fantômes avares, pour arracher quelques sous à de complaisants ministères ? […] Melmoth est une contradiction vivante.
»92 … « Rien ne se fane plus vite dans une langue que les mots sans racine vivante : ils sont des corps étrangers que l’organisme rejette, chaque fois qu’il en a le pouvoir, à moins qu’il ne parvienne à se les assimiler… Déjà les médecins qui ont de l’esprit n’osent plus guère appeler carpe le poignet, ni décrire une écorchure au pouce en termes destinés sans doute à rehausser l’état de duelliste, mais aussi à ridiculiser l’état de chirurgien. »93 ⁂ L’outrance de la terminologie technique est d’ailleurs aussi néfaste à la littérature médicale qu’opposée aux tendances d’impersonnalité chères aux naturalistes.
Mais vous savez que sous chacun de ces points sombres ou bigarrés il y a un corps vivant, des membres actifs, une savante économie d’organes, une tête pensante, conduite par quelque projet ou désir intérieur, bref une personne humaine.
Oui, les divers types de l’animal humain vivant en société, et ses rapports cachés ou visibles avec le milieu où il se développe, sont curieux à étudier ; mais c’est bien long, Balzac.
Ce qui demeure, c’est, à travers tous les âges de la littérature, un courant réaliste : des artistes plus épris de la réalité vivante que du rêve imaginé.
» On ignore si cette réponse trouva Jean-Baptiste vivant, ou dans quelle disposition elle mit l’austère ascète.
De ce four, pour nous servir de ce terme assez plaisant, sont sortis différens Ouvrages, tous marqués au même défaut de coction & de maturité : des Héroïdes, qui, avec de l’aisance & de la douceur, manquoient absolument de cette énergie, de cette chaleur, de cette variété, de ces mouvemens qui font vivre le style & annoncent le Poëte vivant : des Poëmes, des Odes, des Epîtres, sans verve, sans goût, & dont l’unique effet a été de faire partager la honte de leur médiocrité aux Académiciens qui ont couronné plusieurs de ces Pieces : des Tragédies, qui, à l’exception de Warwick, ne s’élevent pas au dessus des Productions scholastiques ; & encore sur ce Warwick, M. de la Harpe peut-il dire, mille bruits en courent à ma honte.
Gide, après Paludes, s’est tourné vers la terre vivante.
Quel bras avait construit avec tous les forfaits, Tous les deuils, tous les pleurs, toutes les épouvantes, Ce vaste enchaînement de ténèbres vivantes ?
On vit briller, dans cette attaque générale, Feramus, un des plus élégans & des plus agréables latinistes de son temps ; Sarrasin, ce père de l’enjouement & de la bonne plaisanterie, à qui les vers ne coûtoient aucune peine ; toujours intéressant, quelque sujet qu’il traite, également recherché de son vivant des femmes, des gens de lettres & de cour ; Charles Vion d’Alibrai dont les poësies ont un tour original & naïf.
Et ainsi, attentifs à ne rien mutiler de ce qui vit autour de nous et qui peut servir à notre vie propre, nous pourrons atteindre à une compréhension plus large et plus personnelle des choses, comme à un art plus plastique, plus directement modelé sur la nature vivante ; et après tant de courses vagabondes hors des frontières, tant d’excursions dans tous les domaines défendus, y compris ceux de la chimère et de la folie, nous pourrons enfin nous rasseoir chez nous et inaugurer un mouvement qui sera vraiment un retour à la tradition française comme à la réalité humaine. » C’est sur ces mots que nous voudrions finir.
Plus jaloux de préparer des regrets après ma mort, que d’obtenir des éloges de mon vivant, je m’étais dit : « Quand le peu que j’ai fait et le peu qui me reste à faire périraient avec moi, qu’est-ce que le genre humain y perdrait ?
Il affecte de croire que toute ma « vivante démonstration de l’Art d’écrire se réduit à avoir blâmé les assonances et les répétitions des grands écrivains ».
Ils sont au-dessus de toute plume vivante.
Dans ces temps d’une grossièreté simple, on loua les bienfaiteurs de l’humanité, même de leur vivant : l’orgueil n’avait point encore éveillé l’envie : l’homme sauvage admire, et ne calcule point avec art pour échapper à la reconnaissance.
« Il a joui trente ans de sa gloire, nous dit-il ; il a vu des poèmes composés en son honneur, il a lu lui-même son histoire, et la postérité a commencé pour lui de son vivant.
Ainsi enfin le culte même des tombeaux, commandé aux générations vivantes pour les générations mortes, dont les monuments funèbres prolongent la mémoire et les deuils jusqu’au-delà des sépulcres, pour rappeler les enfants à la réunion des poussières et des âmes dans la vie future, où la grande parenté humaine confondra les pères, les mères, les enfants dans la famille retrouvée et dans l’éternel embrassement de la renaissance ! […] Et je me réponds : Le premier et l’infaillible législateur, c’est celui qui a fait l’homme ; c’est celui qui, en faisant l’homme, a mis en germe dans l’âme de sa créature ces lois, non écrites, mais vivantes, consonances divines de la nature intellectuelle de l’homme avec la nature de Dieu, consonances qui font que, quand le Verbe extérieur, la loi parlée se fait entendre, à mesure que l’homme a besoin de loi pour fonder et perfectionner sa société civile, la conscience de tout homme, comme un instrument monté au diapason divin, se dit involontairement : C’est Juste ; c’est Dieu qui parle en nous par la consonance de notre esprit avec sa loi ! […] Cette contagion a possédé Platon, les premiers économistes populaires, affamés de l’école néo-chrétienne, les sectaires musulmans de la Caramanie et de la Perse, les anabaptistes allemands, ivres de sang et de rêves, et enfin les philosophes prolétaires de nos jours, insensés de misère, vivant du travail industriel, et demandant l’extinction du capital pour multiplier le revenu, l’anéantissement du travail pour multiplier le salaire, et l’égalité du salaire pour égaliser l’oisiveté avec le travail !
Sully Prudhomme Corneille t’envierait, car, vieux, il a pu croire Qu’il voyait son laurier, de son vivant, périr ; Toi, sans rival, bravant l’oubli, même illusoire, Tu te sens immortel et vois ta jeune gloire Accompagner tes jours et, chaque an, refleurir ! […] Armand Silvestre Hugo, gloire du nom dont un siècle est rempli, Soleil illuminant le vol des météores, Lampe vivante au seuil éternel de l’oubli, Couchant dont la splendeur fait pâlir nos aurores ! […] Ce qu’on peut dire dès à présent, avec assurance, c’est que tous les temps nous envieront l’avènement et le règne, la présence et l’influence vivante d’un tel poète, et que tout un côté de notre siècle portera son nom.
La connaissance n’est, qu’un moyen, dont nous avons fait artificiellement une fin, en la détachant comme un tout du processus sensitif, émotionnel et moteur, du circulus vivant dont elle n’est naturellement qu’une partie. […] Il ne voit pour ainsi dire dans le réflexe mental que le premier terme, qui est l’excitation ; il ne voit pas le dernier, qui est la réaction motrice déterminée par l’appétit de l’être vivant et par l’attention intellectuelle qui en est inséparable. […] Ce ne sont pas des rapports intelligibles, mais au contraire quelque chose de fondamental, d’intérieur et de vivant : d’abord la sensation, qui est la manière spéciale dont la conscience est modifiée, puis l’émotion agréable ou pénible, enfin l’appétition aperceptive et motrice, qui est la manière originale dont la conscience réagit pour imprimer sa direction propre aux mouvements organiques.