Ces tableaux d’amphithéâtre et de charnier, lentement décrits et douloureux aux nerfs, culminent en celui des résurrections et des mortifications successives du cadavre de Lady Rowena, dans cette histoire que Poe a nommée avec raison : Ligéïa, l’aiguë.
Le calcul est écrit au tableau, la solution est imprimée dans un livre ou exposée de vive voix ; mais les chiffres que nous voyons ne sont que des poteaux indicateurs auxquels nous nous reportons pour nous assurer que nous ne faisons pas fausse route ; les phrases que nous lisons ou entendons n’ont un sens complet pour nous que lorsque nous sommes capables de les retrouver par nous-mêmes, de les créer à nouveau, pour ainsi dire, en tirant de notre propre fonds l’expression de la vérité mathématique qu’elles enseignent.
Quand vint Molière, le Français n’était guère à la mode dans nos livres, dans nos tableaux, dans nos romans, même au théâtre. […] Il fait de l’intrigue pour en avoir les joies, non le profit : il est passé maître dans l’art de tromper, mais il agit comme un grand artiste ; il est aussi fier d’une belle fourberie toute nouvelle, que vous pouvez l’être d’un bon feuilleton ou d’un bon tableau ; il est vif, il est leste, il prend son parti avec la bravoure d’un héros ; écrasé, vaincu, anéanti, conspué, sans argent, brisé de coups, il se relève plus vif, plus glorieux, plus fort : Oui, je te vais servir un plat de ma façon ! […] Elmire, dans ce drame terrible de L’Imposteur, c’est tout à fait le point lumineux autour duquel se dessinent à merveille le personnage hideux, et les personnages tristes ou gais, sérieux ou burlesques de ce magnifique et sombre tableau.
Les matinées avec promenades en calèche, cavaliers et piqueurs alentour, pouvaient ressembler à un tableau de Wouvermans ; mais les après-midi sont de vraies journées de Watteau.
Entre un feuilleton sur la Princesse de Clèves et un autre sur Eugène de Rothelin, elle abordait franchement le roman de Louvet, et, sans grosse indignation, sans se voiler, elle le persiflait comme prétendu tableau de mœurs, le convainquait de faux, et le renvoyait aux couturières, marchandes de mode, garçons perruquiers et clercs de procureurs d’avant la Révolution, pour lesquels il avait été fait sans doute.
Il y a eu déjà quelques esquisses, mais la société française actuelle, dans son hypocrisie de forme nouvelle, mériterait un grand tableau.
Quelques arcs et deux carquois remplis de flèches étaient suspendus aux murs ; sur un côté du divan paraissait un grand tableau représentant un cheval libre franchissant un torrent, et, derrière le cadre, je reconnus un portrait de Bonaparte presque entièrement dérobé à la vue.
Dargaud, mais dans un esprit souvent contraire, que nous allons recomposer nous-même cette figure, rapide ébauche d’un grand tableau.
Les six conjurés ne pouvaient nier le complot, car ils s’étaient fait peindre tous les six dans un tableau régicide avec cette devise écrite au bas de leurs portraits : « Nos périls communs sont le nœud de notre amitié !
La beauté idéale de la conception et la perfection des vers absolvaient le poète ; et, certes, la grandeur du tableau qui termine le premier acte des Burgraves aurait fait battre des mains à tout le peuple d’Athènes.
Ce tableau a été très bien tracé par M.
Le Figaro du 21 avril annonce officiellement la première de Lohengrin pour le samedi 23 ; fait un tableau encourageant des préparatifs ; donne la liste des gens inscrits pour la première, public bizarrement mêlé d’anciens wagnéristes connus, de quelques noms respectables, et de beaucoup d’inconnus, d’étrangers, de faux-mondains et de rastaquouères : d’où cette étrange première aux costume ; cérémonieux et vieille mode, si différente des grandes simples fêtes de Bayreuth !
Roussel, où nous attend un tableau pathétique.
Puis il fait un tableau du commerce de l’Inde, de la Chine, avec l’Angleterre, et il démontre que ce commerce est tout comme le commerce du boulevard des Italiens.
Et cependant, cette histoire, individuellement dramatique, pouvait s’ouvrir à plus larges battants, et l’action du premier Guise se produire sur un grand fond qui n’est pas ici, et qui devait être le tableau complet, moral et intellectuel de l’Europe.
Hugo, comme en Hegel il avait eu son philosophe, quoiqu’il y ait quelque chose de bien tonitruant dans la voix du poète, l’Antiquité, pourtant, qu’il a chantée, est une antiquité de seconde main saisie à travers la Renaissance ; une suite de tableaux splendides, mais incorrects aussi et versés (ce qui devient de plus en plus le faire poétique moderne) de toiles connues dans des vers !
Quelque chose de dur, d’indifférent et de froid plane sur ses plus riants tableaux ; c’est le règnede la nécessité qui en assombrirait toute la poésie, si l’homme n’était doué de la puissance de transporter en dehors de lui la vie idéale qui est en lui-même.
Francis Poictevin C’était dans une de ces nombreuses galeries où se tiennent des expositions de tableaux, le plus souvent composées d’ouvrages d’un seul peintre. […] Il s’est arrêté devant bien des tableaux et les a longuement contemplés.
Le Quatorzain d’Été peut se dire en entier et même il est bon de le savoir par cœur, car c’est une merveille de subtilité et un petit tableau de genre à soigner et à conserver. […] Jules Renard sont la netteté, la précision, la verdeur ; ses tableaux de vie, parisienne ou champêtre, ont l’aspect de pointes sèches, parfois un peu décharnées, mais bien circonscrites, bien claires et vives.
Molière rend Alceste ridicule par « sa passion » qui est l’orgueil, laquelle le fait devenir « faible, injuste, déraisonnable », capable « d’un certain plaisir à démêler la corruption des cœurs », « colère pour de petits maux » quand ces maux touchent l’endroit sensible de sa vanité, et Alceste répond au tableau même que Rousseau a tracé des faiblesses possibles d’un honnête homme. […] Qu’il s’emporte contre tous les désordres dont il n’est que le témoin, ce sont toujours de nouveaux traits au tableau, mais qu’il soit froid sur celui qui s’adresse directement à lui ; car ayant déclaré la guerre aux méchants, il s’attend bien qu’ils la lui feront à leur tour. […] D’instinct, mais avec raison ; car il manquerait de bon sens, du sens de la distinction entre le réel et le fantastique, du sens de la distinction entre la plaisanterie et le sérieux, du sens de la distinction entre deux arts qui n’ont rien de commun et comme un homme qui voudrait juger d’un tableau avec les oreilles. […] On lui voit dans sa chambre quelques tableaux et quelques estampes ; mais que pensez-vous que ce soit ? […] … Mais, avant de leur offrir ce tableau trompeur, les avez-vous bien préparées à le voir sans émotion… Les avez-vous bien armées contre les illusions de la vanité ?
Voici encore un joli tableau de l’Aurore — dans le goût du guide ou de l’Albane, ses contemporains, que Ronsard ou Desportes même, beaucoup plus maniéré que Ronsard, aurait pu envier à Malherbe : L’Aurore d’une main, en sortant de ses portes, Tient un vase de fleurs languissantes et mortes ; Elle verse de l’autre une cruche de pleurs. […] Il eût fait un tableau court, pathétique et chaud de la barbarie où nous étions jusqu’au règne de François Ier… Je demande si cela ne vaudrait pas mieux pour la gloire du poète et le plaisir du lecteur. […] Une science hérissée de calcul transformée en tableaux, enchante l’ignorance qui la comprend, étend à l’infini le champ usé des vérités et des fictions poétiques, et agrandit la création de nouveaux mondes11. » Remarquez cette dernière phrase. […] Moins graves assurément que les conséquences de la révocation de l’édit de Nantes celles de l’affaire du quiétisme ne sauraient être pourtant omises dans ce tableau. […] Et enfin, « au pis-aller », comme dit Fontenelle, quand toutes ces vérités devraient demeurer « infécondes » par rapport aux « usages sensibles ou grossiers », nous n’en aurions pas moins, en l’imitant, retracé ou recréé le tableau même de la Nature.
Le mot forgé par Thackeray, dans un livre d’ailleurs médiocre, le snobisme, c’est-à-dire l’engouement vaniteux, plane sur tout le tableau, littéraire et politique, des ravages du roussisme (ou rousseauisme) et du romantisme. […] D’ailleurs il monte en chaire et brandit le tableau noir. […] Ces deux savants se jetèrent avidement sur une doctrine qui flattait leur marotte « Antidieu » (je ne vois pas de définition plus exacte de celle-ci) et construisirent, d’après elle, un fonctionnement de l’esprit humain, comparable à un tableau de sonneries électriques dans une antichambre de banque. […] Pendant de longues années, Pierre Marie, docilement, avait accepté, les yeux fermés, l’évangile matérialiste de Broca et de Charcot ; ou, du moins, rien dans la conduite de ses travaux, n’avait laissé supposer qu’il commettrait un jour le sacrilège inouï de nier le tableau de sonneries dans l’antichambre, et de déchausser de la faculté du langage articulé le pied de la troisième frontale gauche. […] Leurs contours s’effacent plus promptement que celles des tableaux des maîtres.
En voici le tableau pour les deux voix. […] Il est assez difficile de déterminer ce qui a pu donner lieu à nos méthodistes de retrancher du tableau de leurs conjugaisons, des expressions d’un usage si nécessaire, si ordinaire, & si uniforme. […] La parole est une sorte de tableau dont la pensée est l’original ; elle doit en être une fidele imitation, autant que cette fidélité peut se trouver dans la représentation sensible d’une chose purement spirituelle. […] Nous allons les rapprocher ici dans un tableau raccourci, qui sera comme la récapitulation de l’exposition détaillée que nous en avons faite, & qui mettra sous les yeux du lecteur l’ordre vraiment encyclopédique des observations grammaticales. […] Quoiqu’il soit vrai en général que l’hiatus est un vice réel dans la parole, sur-tout entre deux mots qui se suivent ; loin cependant d’y déplaire toûjours, il y produit quelquefois un bon effet, comme il arrive aux dissonnances de plaire dans la Musique, & aux ombres dans un tableau, lorsqu’elles y sont placées avec intelligence.
Le réceptacle des épiceries s’allonge à perte de vue, colossal, sombre comme un tableau de Rembrandt, comblé de futailles énormes, peuplé d’une fourmilière d’hommes qui s’agite dans l’ombre vacillante.
Mais qu’est-ce que ce cadre mesquin pour ce tableau ?
Cela dure, pendant des pages et des pages, à la manière de Mercier, dans son Tableau de Paris.
Il remplit les lacunes des témoignages ; il complète une description dont les traits généraux lui ont été fournis : on lui avait donné une ébauche, il en fait un tableau.
Laissant de côté tout ce qui appartient au tableau des temps apostoliques, nous rechercherons seulement dans quelle mesure les données fournies par les évangiles peuvent être employées dans une histoire dressée selon des principes rationnels 14 ?
Aujourd’hui on peut consulter les prix de vente de leurs tableaux, et l’on s’apercevra avant peu de la révolution qu’aura amenée dans les esprits, l’exposition des Beaux-Arts de ces jours-ci.
La Bibliothèque du roi possédait bien à la vérité un essai informe de grammaire, un manuscrit composé, à ce que je crois, par quelque missionnaire portugais, mais ne renfermant que le simple paradigme du verbe substantif, le tableau des déclinaisons, une partie du vocabulaire d’Amara, et une liste des dhatous ; le tout fourmillant d’erreurs les plus grossières, et beaucoup plus propre à effrayer qu’à inspirer l’envie de déchiffrer cet horrible fatras, et de chercher la lumière dans cet écrit ténébreux.
L’historien n’étant plus échauffé par la présence des objets, ni par les intérêts actuels qui s’éteignent avec les passions qui les font naître, ne pouvoit qu’en retracer le tableau ; mais avec quelle grandeur, quelle noblesse, quelle fierté, quelle force, quel sens, Salluste & Tite-Live tracent-ils ces peintures ?
Dans ces conditions, n’est-il pas permis de chercher la cause initiale de la fausse reconnaissance dans un arrêt momentané de notre élan de conscience, arrêt qui ne change rien, sans doute, à la matérialité de notre présent, mais le détache de l’avenir avec lequel il fait corps et de l’action qui en serait la conclusion normale, lui donnant ainsi l’aspect d’un simple tableau, d’un spectacle qu’on s’offre à soi-même, d’une réalité transposée en rêve ?
Nos yeux, aidés de notre mémoire, découperaient dans l’espace et fixeraient dans le temps des tableaux inimitables.
Que Shakspeare et les poëtes nerveux rassemblent un tableau dans le raccourci d’une expression fuyante, brisent leurs métaphores par de nouvelles métaphores, et fassent apparaître coup sur coup dans la même phrase la même idée sous cinq ou six vêtements ; la brusque allure de leur imagination ailée autorise ou explique ces couleurs changeantes et ces entre-croisements d’éclairs. […] Ce sont là les paysages primitifs, mers et montagnes immenses et nues, comme Raphaël en trace dans le fond de ses tableaux bibliques.
Son seul malheur est de n’avoir pas encore trouvé ou inventé, comme Balzac ou madame Sand, un de ces vastes sujets humains où l’écrivain, réunissant à un centre commun tous les fils de son imagination, compose un tableau qui saisit tout l’homme, au lieu de faire des portraits à bordures trop étroites. […] Je te ferai rappeler plus tard. » Gabriel sortit, et trouva dans l’antichambre Étienne, couché sur un banc, dans la position d’un guerrier tué sur un tableau de bataille, ses pieds nus sortant de dessous son caftan qui lui servait de couverture.
Nous pourrons imiter son tableau avec des carreaux de mosaïque multicolores. […] C’est le tableau, je veux dire l’acte simple projeté sur la toile, qui, par le seul fait d’entrer dans notre perception, s’est décomposé lui-même à nos yeux en mille et mille petits carreaux qui présentent, en tant que recomposés, un admirable arrangement.
Pour nous, nous tâchons d’occuper ailleurs nos yeux et notre esprit, ou plutôt la nature, qui nous a fait faciles aux distractions, nous détourne, en dépit même que nous en ayons, des pensées affligeantes, et nous emporte vers de moins sérieux tableaux. […] C’est moraliser les gens que de les tirer pour quelques heures des préoccupations mesquines de la vie ordinaire, que de les forcer à lever les yeux vers des idées plus hautes, vers des tableaux plus nobles, que de les munir contre les bassesses, les convoitises et les intrigues dont ils seront entourés, d’instructions profitables données sous une forme amusante. […] À ceux chez qui une scène de théâtre, une phrase musicale, ou un tableau éveille de certaines sensations, je tâche de les leur expliquer, de leur en donner la raison, de doubler leur jouissance en leur en ouvrant les causes, en leur montrant comme elle est conforme aux éternelles règles du bon sens. […] Elle est telle que l’a peinte Gérard dans son tableau : quinze ans à peine, le regard vague et ravi de l’innocence ; une enfant qui ne comprend !
Vous rappelez-vous, Élie, le tableau que fait Dino Compagni de cette période animée qui s’écoule entre la venue de Charles de Valois et la descente en Italie de l’empereur Henri VII ? […] Comment choisir entre tant de tableaux enchanteurs ! […] Maria mi diè… Il fait un tableau tout hellénique, et d’une grâce surprenante dans la bouche d’un vieux guerrier, de ces mères florentines attentives au berceau, qui consolaient l’enfant dans le doux idiome natal, et, filant la quenouille, discouraient en famille des gestes des Troyens, de Fiesole et de Rome. […] La Divine Comédie, je voudrais vous l’avoir fait mieux sentir et comprendre, c’est dans les conditions de personnification et d’images imposées à l’art et sous le rayon qui éclairait le xiiie siècle, l’histoire symbolique de l’esprit humain, le tableau de son évolution ascendante, au sein des nécessités divines, de la liberté instinctive, confuse, aisément rebelle et produisant le mal, à la liberté rationnelle, éclairée, de plus en plus soumise à la loi, voulant et aimant avec Dieu le salut du monde.
Il fait de ces déportés de Bone et de leur fureur d’énergumènes un tableau qui rappelle ceux d’une maison de fous.
On avait une seule gazette, appelée Gazette de France, qui paraissait deux fois par semaine, voilà pour le mouvement des esprits. » Des magistrats de Paris, exilés à Bourges en 1753 et 1754, en font le tableau suivant : « Une ville où l’on ne trouve personne à qui parler à son aise de quoi que ce soit de sensé et de raisonnable ; des nobles qui meurent les trois quarts de faim, entichés de leur origine, tenant à l’écart la robe et la finance, et trouvant singulier que la fille d’un receveur des tailles, devenue la femme d’un conseiller au Parlement de Paris, se permette d’avoir de l’esprit et du monde ; des bourgeois de l’ignorance la plus crasse, seul appui de l’espèce de léthargie où sont plongés les esprits de la plupart des habitants ; des femmes bigotes et prétentieuses, fort adonnées au jeu et à la galanterie80 » ; dans ce monde étriqué et engourdi, parmi ces MM.
Il écrivit son testament plein de souvenirs posthumes légués à ses amis : à celui-ci ses chevaux, à celui-là ses tableaux ; à l’un ses livres, à l’autre son bréviaire, pour que ce manuel de prières rappelle à cet ami de prier pour lui ; cinq cents écus d’or à Boccace, afin qu’il puisse acheter, dit-il, un manteau d’hiver pour ses études de nuit.
Ces tableaux orduriers jouent la naïveté pour la corrompre ; ils rappellent ces théâtres licencieux de Paris, au dernier siècle, où l’on faisait jouer à l’innocence le rôle prématuré du vice et où l’on sacrifiait des enfants à la sacrilège licence des spectateurs.
Après ce magnifique tableau de l’amour divin, il revient à la patience, qui est le sceau de cette vertu.
« Il faut cependant une grande connaissance de la langue poétique pour décrire ainsi noblement les objets qui prêtent le moins à l’imagination, et l’on a raison d’admirer quelques morceaux détachés de ces galeries de tableaux ; mais les transitions qui les lient entre eux sont nécessairement prosaïques, comme ce qui se passe dans la tête de l’écrivain.
N’est-ce pas lui qui s’avisa le premier de composer pour les écoliers une histoire ancienne, de leur mettre sous les yeux un tableau complet des guerres, des révolutions, des conquêtes de la Grèce et de Rome ?
Si nous étions sensibles à toutes choses d’une sensibilité distincte, notre être serait d’une impressionnabilité trop grande pour pouvoir conserver son capital d’énergie : nous serions usés, brûlés, consumés en un instant ; il a donc été inévitable, d’un côté, que notre sensibilité s’émoussât et, de l’autre, qu’elle s’aiguisât : de là des ombres et des lumières dans le tableau de la conscience ; de là des lacunes, des trous, des vides apparents entre nos diverses sensations distinctes, comme il y a un vide apparent entre les étoiles brillant dans la nuit.
L’être vivant a donc, au fond de toutes ses perceptions, la perception essentielle de son organisme, et c’est sur ce fond de tableau sensitif, nullement intellectuel, que viendront se dessiner et se détacher les diverses sensations.
Le paysage, le lieu, le ciel, les réflexions, les peintures, n’existent pas et ne peuvent pas exister pour lui ; ses tableaux ne peuvent avoir ni horizon, ni premier plan ; le spectacle de la nature et les analogies de cette nature avec l’homme lui sont à peu près interdits.
Trois fois l’année, chaque Mouton est placé sur une table pour être étudié comme un tableau par un connaisseur ; chaque fois il est marqué et classé ; et seulement les sujets les plus parfaits sont choisis pour la reproduction.
En présence d’une société grossière, qui aime les tours de force, les difficultés vaincues, qui ferait plus de cas du tableau de la Transfiguration, s’il était fait à cloche pied, la faim explique tout.
A peine entré, il s’aperçoit qu’un de mes tableaux penche ; il le redresse. […] Dans le tableau qu’il nous traçait du mouvement des transactions entre les deux pays, nous avions à la fois une statistique saisissante de leurs besoins économiques et une image de leurs mœurs. […] C’est du xiie siècle, où un troubadour du nom de Blacassel, dans une sirvente en langue romane et en vers monorimes, a tracé ce tableau expressif de l’influence de la guerre sur les caractères et les mœurs : Guerre me plaît, quand je la vois commencer ; Car par guerre je vois les preux s’illustrer, Et par guerre je vois maints destriers dresser, Et par guerre je vois l’avare généreux devenir, Et par guerre je vois prendre et donner, Et par guerre je vois les nuits veiller ; Donc guerre est droiturière, ce me semble, Et guerre me plaît sans avoir jamais trêve32.
Elle ne sait pas lire et elle est une des humbles chrétiennes en faveur de qui l’Église, durant le moyen âge, multiplia sa belle imagerie, offrant aux yeux, comme un livre manifeste, les murailles sculptées ou peintes, l’évangile lumineux des vitraux ; et, en général, les sermons commentaient le précepte de ces tableaux. […] André Suarès l’a peinte quatre-vingt-une fois ; ou bien il a consacré à ses divers aspects quatre-vingt-une études, chacune achevée comme un tableau : dans cette variété, nous apercevons l’unité d’une âme, celle de la Bretagne, que révèlent tantôt un paysage, tantôt l’un de ses habitants et l’anecdote d’une destinée dirigée par elle. […] Au deuxième tableau, dans l’atrium d’une villa romaine, sur les bords du Rhône, nous apprenons par le dialogue d’Epodorix le traître et du proconsul Torquatus les éclatantes victoires de Celtil : Bibracte est délivrée.
Et quels tableaux saisissants des désastres accumulés autour de Nana : « Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d’ossements, elle posait des pieds sur des crânes… Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l’ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu’à se poser sur eux… » Et quelles colères contre ces filles qu’il se plaît à représenter au naturel ! […] Cela doit être, car autrement il aurait vu se dresser quelques problèmes devant sa conscience : il se serait demandé, par exemple, si les tableaux auxquels il se complaît souvent ne sont pas un dangereux spectacle pour les simples, esclaves de leurs impressions et gouvernés par des instincts trop facilement excités ; il se serait demandé s’il est bon de montrer à tous les yeux les cadavres décomposés qui garnissent le laboratoire d’un docteur es sciences humaines ; il se serait demandé si, de même qu’il tirait des conséquences discutables d’une science peu approfondie, et tranchait sans scrupule, après lecture de Claude Bernard, les plus graves questions, d’autres ne tireraient pas des conclusions encore plus discutables à la fois et plus dogmatiques de la vulgarisation au deuxième degré qu’il leur servait ; il se serait demandé si « l’odeur de la vérité » convient à toutes les narines ; peut-être même qu’élargissant sans cesse le cercle de son observation et déposant tout parti pris, il serait arrivé à se demander si sa vérité est bien la vérité, s’il a serré de plus près qu’un autre cet absolu qu’il nie et dont il se réclame en même temps, si son « naturalisme », en faisant trop large la part de la laideur et des vices, ne tombe pas dans un excès parallèle à celui qu’il reproche si durement à « l’idéalisme » de George Sand et de M. […] De ses divers articles, on pourrait extraire un tableau désolant de l’état actuel des esprits. […] De même qu’on peut extraire des Études un tableau d’ensemble ou plutôt une sorte de philosophie de la littérature contemporaine, on y pourra recueillir les traits qui serviraient à tracer le profil de l’homme idéal que Scherer se proposait pour modèle.
Vever : La promenade, dans un temple, de Japonais et de Japonaises examinant les tableaux accrochés au mur, et où est représenté un groupe de deux Japonais arrêtés devant un kakémono, dont l’un regarde la peinture et l’autre regarde les femmes. […] La première planche représente, à côté de boîtes de sables de différentes couleurs, deux jeunes femmes accroupies par terre devant un plateau : l’une, une cuiller à la main, l’autre, une planchette, toutes deux en train de composer un tableau. […] Puis, c’est un tableau d’une cinquantaine de couleurs employées par le maître, et à la page suivante, au-dessus de deux mains qui tiennent un pinceau penché, délayant de la couleur dans une soucoupe, ces recommandations : Les couleurs ne doivent être ni trop épaisses, ni trop claires, et le pinceau doit se tenir couché ; autrement il produit des malpropretés ; — l’eau du coloriage plutôt claire que foncée, parce qu’elle durcirait le ton ; — le contour jamais trop net, mais très dégradé ; — n’employer la couleur que lorsqu’elle a reposé et qu’on a rejeté la poussière montée à la surface ; — la couleur fondue avec le doigt, et jamais avec le pinceau ; ne passer la couleur que sur les lignes noires de l’ombre, où seulement la couleur peut se superposer. […] Un diable, lapidé avec des pois, se met à l’abri sous le tableau de Shôki.
Les dévots, qui ne sont pas de même, disent que ce tableau est indécent.
Semblable aux anciens esclaves fabulistes qui faisaient dire aux apologues ce qu’ils n’osaient dire eux-mêmes, Rienzi faisait attacher la nuit, autour du Capitole ou du Vatican, des tableaux emblématiques autour desquels la foule se pressait le matin.
Nous renonçons à l’abréger ; chaque trait contribue au tableau ; c’est un tissu d’images dont on ne peut arracher un brin sans dégrader l’œuvre.
le beau tableau !
Il connaît profondément la vie, et les tableaux qu’il en trace sont de la plus rare exactitude.
« “Je n’aime pas, ma chère, tes travaux historiques et tes tableaux siècle par siècle.
Le tableau des conséquences qui naîtraient de la rupture était des plus sombres ; ils me faisaient sentir que j’allais me rendre responsable de ces maux, soit envers la France et l’Europe, soit envers mon souverain lui-même et envers Rome.
Les mœurs sont les couleurs des tableaux.
Les tableaux si vivants d’Aristophane n’ont rien d’exagéré.
Un graveur qui travaillait d’après un tableau de la galerie de Versailles, va demander quelque chose à Soulié, et tombe dans le déjeuner de la famille.
Je ne prétends pas, pourtant, que j’eusse jamais soupçonné nos coupes géologiques les mieux conservées de n’offrir qu’un tableau aussi incomplet des métamorphoses des êtres vivants, si l’absence d’innombrables formes intermédiaires entre les espèces qui apparaissent au commencement et à la fin de chaque formation n’avait fourni contre ma théorie une objection sur laquelle on a tant appuyé.
Après avoir retracé les vastes mouvements d’une scène historique, Audin a retourné la toile et nous a donné un tableau d’intérieur et de genre, mariant dans un mélange inattendu, qui est presque une invention, la biographie à l’histoire.
Quoi que l’on en ait dit, ceux qui ont estimé la volonté au plus haut prix, depuis Bouddha jusqu’à Schopenhauer, sont aussi ceux qui nous ont tracé de l’humaine condition le plus triste tableau, comme si ce qu’elle offre de plus lamentable était la disproportion du vouloir au pouvoir. […] La république est une dépouille, et sa force n’est plus pue le pouvoir de quelques citoyens et la licence de tous. » Ce n’est pas ici le lieu de rechercher dans ce tableau ce qu’il pourrait y voir d’applicable à des temps et des hommes pour lesquels Montesquieu ne l’avait pas tracé.
Hornung, qui a fait avec eux de si mauvais tableaux ; plusieurs compositeurs qui les ont mis en musique dans plusieurs milliers de romances commençant par Enfant de la montagne, et les auteurs qui ont fait de la suie une farine à mélodrames représentés plus de fois qu’il n’était raisonnable, devraient se cotiser pour leur venir en aide, ou tout au moins leur faire ramoner, quand même besoin ne serait pas, leurs cheminées dont le marbre est chargé des mille caprices de la mode. […] Si tu as quelques minutes à perdre ou plutôt à gagner, ouvre les Caprices et Zig-Zags de Théophile Gautier, et tu y trouveras le tableau fidèle de la route de Greenwich à Londres, qui nous apparaît au premier détour de la rivière ; il est certaines formules vulgaires qui, mieux que toutes les recherches du langage académique, excellent à exprimer certaines impressions. […] Sans doute c’est un tableau affligeant pour le moraliste, mais à Londres la morale se couche à neuf heures.
Il en résulte un moraliste très convaincu, passionnément convaincu, mais qui n’a du moraliste que le fond, si je puis dire ainsi, qui n’en a pas l’air, qui n’en a pas les enveloppes et les surfaces ordinaires, qui n’est ni austère, ni pédantesque, ni grave, ni ennuyeux, qui mène à la morale (et même au sacrifice de tout à la morale) par les chemins qui d’ordinaire sont plutôt pour en détourner ; par des conversations abandonnées, des propos souriants, des discussions brillantes, des joutes, des passes d’armes, des rêves, des tableaux, des mythes, des fables, des romans, des citations de poètes, des descriptions voluptueuses, des propos de dilettante et de sceptique. […] Je le crois, sans doute, surtout un esprit abstrait ; mais je le crois en même temps un esprit qui a besoin de voir la métaphysique en tableaux pour se satisfaire pleinement. […] Un conteur même peut être amoral. « Je peins des tableaux de genre, dit-il ; des analyses de sentiments, à proprement parler, vous n’en verrez pas. […] Mais, comme, en donnant l’aristocratie pour la forme bonne de l’oligarchie, il est très sérieux, entre dans le détail, donne des exemples tirés de la réalité ; — comme, en présentant la forme bonne de la tyrannie, il est très sérieux, ne fournit pas, à la vérité, et pour cause, étant donné le temps où il parle, d’exemples tirés de la réalité, mais trace nettement la psychologie du tyran bon et éclairé, prévoit Marc-Aurèle, et, en définitive, laisse entendre que le roi à désirer, le roi ayant « la science royale », ce serait Socrate ou lui-même ; — et comme enfin, quand il parle du communisme, c’est comme d’un gouvernement idéal et sidéral fait pour les « demi-dieux » et qu’il faut mentionner seulement (car il sait bien pourquoi il le mentionne) afin d’en retenir quelque chose pour une partie de l’État modèle dont il veut tracer le tableau ; — j’en reviens à dire qu’il a considéré la démocratie comme un gouvernement mauvais qui ne peut pas avoir de forme bonne ; comme le seul gouvernement qui ait sa forme mauvaise sans avoir sa forme acceptable, et qu’en faisant, comme négligemment, sa revue de tous les gouvernements possibles, il n’était pas sans le secret dessein de le faire de telle sorte que toutes les fois qu’il rencontrerait la démocratie il l’écartât, toujours avec plus d’indignation ou d’ironie.
On dirait un de ces tableaux où les maîtres d’écriture exposent, en une débauche de paraphes et de majuscules, tous les pleins, tous les déliés, toutes les rondes, toutes les gothiques, toutes les bâtardes, toutes les cursives de leur commerciale calligraphie. […] Zola lui-même eut d’excellentes intentions lorsqu’il peignit d’une main si vigoureuse les tableaux épiques et saisissants de la Débâcle. […] Dans un coin de son tableau, pour égayer un peu la royale tragédie dont il nous entretient, l’auteur nous raconte une idylle tropicale : les amours de Taïa, la Libyenne aux yeux fauves, dont le corps a des souplesses de palmier et des fermetés de bronze, avec Kaïn, né comme elle près de l’oasis d’Augila, et dont la bonne figure luisante s’éclaire, quand il voit sa « payse », d’un large et cordial sourire. […] La Porte-Saint-Martin nous a donné une « épopée impériale en trois parties, six actes et soixante tableaux, en prose ».
C’est tout un petit roman finement touché, tendre et discret, un tableau peint de couleurs du temps, qui, à demi passées, font sourire et plaisent encore.