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817. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Mais elle ne le fait jamais souffrir inutilement et pour le plaisir de faire souffrir un être qu’on hait. […] Elle a éveillé, non sans vigueur, l’attention des mauvais esprits, mais aussi des esprits justes, sur des abus criants et des iniquités détestables, écoutée, elle eût peut-être épargné au pays des secousses effroyables dont nous souffrons encore et dont il est à craindre qui nous ne cessions jamais de souffrir. […] Que nous en souffrions, peu importe à l’étranger ; mais il n’est pas téméraire et ce n’est peut-être pas une suggestion de la vanité nationale de croire que l’Europe entière en a souffert et en souffre un peu. […] Je vous dis que cela fait souffrir quelquefois, et que moi, j’en souffre. […] Le jeune professeur de Grenoble était très indépendant, et plein de respect pour ses supérieurs, il tempérait cependant ce respect par quelques railleries qu’il était seul à juger innocentes et dont il était seul à ne pas souffrir.

818. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Et Hamlet, quand il est en présence de quelqu’un, devient irritable et violent parce que le neurasthénique chérit son idée fixe en même temps qu’il en souffre et ne veut pas qu’on l’en divertisse et qu’on l’en dérange. Il souffre atrocement de ce fait seul qu’on lui parle ; et si celui qui lui parle est un être qui lui est cher, il est plus irrité et plus violent encore, parce qu’il souffre de ceci qu’un être qu’il aime et dont il est aimé le fait souffrir ; et de là les violences d’Hamlet en présence d’Ophélie. […] Pardonnez-moi, je vous prie, Monsieur, ce long bavardage, et souffrez que je vous dise… — Henri Lebasteur. » Je remercie M.  […] Ce qu’il souffrira au cours de la pièce, sans doute ne le ramènera pas à la philanthropie ; mais il n’était pas besoin qu’il souffrît pour qu’il fût irrité contre l’humanité. […] Souffrez que je n’en cherche point d’autre pour y installer ma doctrine.

819. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

On s’apercevra que Goethe a été un homme comme nous ; qu’il a comme nous aimé ; qu’il a souffert autant et plus que beaucoup d’autres. […] Impuissant à résoudre par le seul effort de la raison et de la connaissance les deux ou trois énigmes que présente le monde, il souffre de ce qu’il ignore sans jouir de ce qu’il sait. […] des émeutes de malheureux qui souffrent et qui, dans l’excès de leur ignorance, fruit de leur misère, se figurent que leurs souffrances vont finir parce qu’ils auront décrété qu’il n’y a point de Dieu ! […] C’est en vain que, pour sauver l’héritage de Lénore, il forme une ligue avec le propre fils d’Ehrenthal, Bernard, jeune homme d’une grande noblesse d’âme, qui souffre de la cupidité de son père, et qui au fond la maudit. […] Je ne suis plus, ou plutôt je commence mon existence pour souffrir.

820. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Toujours souffrir ! Et ne jamais être complètement sans un peu souffrir ! […] Nous souffrons maintenant au coudoiement de populations d’inconnus et de bourgeois vagues. […] Ainsi que les enfants, les femmes du peuple disent au médecin, qu’elles souffrent de partout.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome xviii » pp. 84-92

L’historien rompu aux habitudes et aux discussions parlementaires a beau faire, son goût vif pour cette nature de conquérant organisateur et civilisateur a pu souffrir, mais n’a pas faibli ; et lorsqu’aux dernières heures de la lutte, il le retrouve tout d’un coup rajeuni, éblouissant de génie et d’ardeur, il retrouve à son tour sa note jeune, émue, sa note claire et première, le chant du départ, trop tôt éteint et reperdu dans les deuils, dans les tristesses suprêmes de Fontainebleau.

822. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Le poëte en a souffert et s’est découragé.

823. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Mais le sir Ralph de la quatrième partie ne ressemble plus à celui-ci, que nous croyons apprécier et comprendre ; le sir Ralph qui démasque, après des années de silence, son amour pour Indiana épuisée, qui prête à cet amour le langage fortuné des amants adolescents et des plus harmonieux poètes, le sir Ralph dont la langue se délie, dont l’enveloppe se subtilise et s’illumine ; le sir Ralph de la traversée, celui de la cataracte, celui de la chaumière de Bernica, peut bien être le sir Ralph de notre connaissance, transporté et comme transfiguré dans une existence supérieure à l’homme, de même que l’Indiana, de plus en plus fraîche et rajeunie, à mesure qu’on avance, peut bien être notre Indiana retournée parmi les anges ; mais à coup sûr ce ne sont pas les mêmes et identiques personnages humains, tels qu’on peut les rencontrer sur cette terre, après ce qu’ils ont souffert et dévoré. 

824. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVI. De l’éloquence et de la philosophie des Anglais » pp. 324-337

Peut-être aussi que la principale cause du grand plaisir attaché à cette lecture, c’est l’admiration qu’on éprouve pour la liberté d’un pays où l’on pouvait attaquer ainsi les ministres et le roi lui-même, sans que le repos et l’organisation sociale en souffrissent, sans que les dépositaires de la puissance publique eussent le droit de se soustraire à la plus véhémente expression de la censure individuelle.

825. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

S’il vous est arrivé jamais de concevoir l’idée d’un enfantillage, d’une équipée, d’une folie, pure fantaisie de l’esprit inquiet et désœuvré, et de passer à l’exécution sans autre raison que l’idée conçue, sans entraînement, sans plaisir, mais fatalement, sans pouvoir résister ; — si vous avez repoussé parfois de toutes les forces de votre volonté une tentation vive, si vous en avez triomphé, et si vous avez succombé à l’instant précis où la tentation semblait s’évanouir de l’âme, où l’apaisement des désirs tumultueux se faisait, où la volonté, sans ennemi, désarmait ; — si vous avez cru, après une émotion vive, ou un acte important, être transformé, régénéré, naître à une vie nouvelle, et si vous vous êtes attristé bientôt de vous sentir le même et de continuer l’ancienne vie ; — si par un mouvement de générosité spontanée ou d’affection vous avez pardonné une offense, et si vous avez par orgueil persisté dans le pardon en vous efforçant de l’exercer comme une vengeance ; — si vous avez pu remarquer que les bonnes actions dont on vous louait n’avaient pas toujours de très louables motifs, que la médiocrité continue dans le bien est moins aisée que la perfection d’un moment, et qu’un grand sacrifice s’accomplit mieux par orgueil qu’un petit devoir par conscience, qu’il coûte moins de donner que de rendre, qu’on aime mieux ses obligés que ses bienfaiteurs, et ses protégés que ses protecteurs ; — si vous avez trouvé que dans toute amitié il y a celle qui aime et celle qui est aimée, et que la réciprocité parfaite est rare, que beaucoup d’amitiés ont de tout autres causes que l’amitié, et sont des ligues d’intérêts, de vanité, d’antipathie, de coquetterie ; que les ressemblances d’humeur facilitent la camaraderie, et les différences l’intimité ; — si vous avez senti qu’un grand désir n’est guère satisfait sans désenchantement, et que le plaisir possédé n’atteint jamais le plaisir rêvé ; — si vous avez parfois, dans les plus vives émotions, au milieu des plus sincères douleurs, senti le plaisir d’être un personnage et de soutenir tous les regards du public ; — si vous avez parfois brouillé votre existence pour la conformer à un rêve, si vous avez souffert d’avoir voulu jouer dans la réalité le personnage que vous désiriez être, si vous avez voulu dramatiser vos affections, et mettre dans la paisible égalité de votre cœur les agitations des livres, si vous avez agrandi votre geste, mouillé votre voix, concerté vos attitudes, débité des phrases livresques, faussé votre sentiment, votre volonté, vos actes par l’imitation d’un idéal étranger et déraisonnable ; — si enfin vous avez pu noter que vous étiez parfois content de vous, indulgent aux autres, affectueux, gai, ou rude, sévère, jaloux, colère, mélancolique, sans savoir pourquoi, sans autre cause que l’état du temps et la hauteur du baromètre ; — si tout cela, et que d’autres choses encore !

826. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

votre récente victoire a dû vous détendre), je vous répéterais, sans ombre d’ironie, ce que je disais il y a un an : « La susceptibilité des hommes de lettres est, quand on y réfléchit, bien misérable… Pourquoi tant souffrir d’appréciations qui ne nous atteignent ni ne nous diminuent dans ce qui nous devrait seul importer, j’entends notre valeur morale ?

827. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

C’était là une règle qui dans l’usage souffrait de nombreuses exceptions ; on les prodiguait à tout propos et souvent hors de propos.

828. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XV. La commedia dell’arte au temps de Molière et après lui (à partir de 1668) » pp. 293-309

Il souffrait déjà depuis quelque temps, si l’on s’en rapporte à une anecdote qui courut à son sujet.

829. (1890) L’avenir de la science « I »

Il maudit cette surabondance de vie, qui n’aboutit qu’à se consumer sans fruit, ou, s’il déverse son activité sur quelque œuvre extérieure, il souffre encore de n’y pouvoir mettre qu’une portion de lui-même.

830. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre III. L’analyse externe d’une œuvre littéraire » pp. 48-55

De même encore, on s’apercevra bien vite que le quatrième acte de Ruy Blas est cousu au reste de la pièce par un fil si léger qu’on pourrait le supprimer tout entier sans que la clarté de l’action en souffrit.

831. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 24-41

Qu’on ajoute « qu’en traitant de l’Agriculture en Vers, il n’est pas possible de n’avoir pas à parler des Vaches & de leur lait, des Porcs, des Veaux, des Cavalles, des Etalons, & qu’auqu’un de ces termes ne peut se souffrir dans les Vers sérieux ; qu’on ne peut y faire entrer les mots d’engaris, de coutre, d’arbre fruitier, de vesse, de choux, de foin, de poids, de chénevieres, de noisette, de tant d’autres choses qui ne peuvent pas plus se passer d’entrer dans un Poëme sur l’Agriculture, que dans le ménage de l’Homme des champs* ».

832. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Et quel temps choisit-on pour le décrier ; le temps où il devoit être à l’abri de toute médisance ; où il avoit souffert le dernier outrage pour un amant ; où le chanoine Fulbert avoir épuisé les rafinemens de sa vengeance ; où la tendre Héloïse, ce modèle des amantes, désespérée, & brûlant de plus de feux que jamais, avoir porté dans un cloître, avec tous les agrémens de sa jeunesse & de son esprit orné de mille connoissances, les charmes d’une figure adorable ; où ces amans n’avoient, contre leur fatale destinée, d’autre ressource que l’illusion, l’image de leur ivresse passée, le souvenir de ces transports dont ils étoient pénétrés, lorsque le prétexte de l’étude favorisoit l’intelligence du maître amoureux & de l’écolière passionnée*.

833. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Françoise. » pp. 159-174

On objectera sans doute que les propositions générales dans l’ordre moral, comme celles de l’abbé Dubos, souffrent des exceptions, & peuvent n’être pas moins vraies ; & que d’ailleurs il n’assigne pas une cause, mais plusieurs, qui concourent au même effet.

834. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

La Pièce étant achevée, Monsieur de Molière vint sur le Théâtre, et après avoir remercié Sa Majesté en des termes très modestes, de la bonté qu’elle avait eue d’excuser ses défauts et ceux de toutes sa Troupe, qui n’avait paru qu’en tremblant devant une Assemblée si Auguste ; il lui dit que l’envie qu’ils avaient eue d’avoir l’honneur de divertir le plus grand Roi du monde, leur avait fait oublier que Sa Majesté avait à son service d’excellents Originaux, dont ils n’étaient que de très faibles copies ; mais que puisqu’Elle avait bien voulu souffrir leurs manières de campagne, il la suppliait très humblement d’avoir agréable qu’il lui donnât un de ces petits divertissements qui lui avaient acquis quelque réputation, et dont il régalait les Provinces.

835. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

Ne rien souffrir qui tende à rapprocher l’Église grecque de la communion romaine ; la science y gagnerait peut-être, mais il y aurait du danger pour la paix de l’État.

836. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Baudouin » pp. 198-202

C’est que tout ce qui s’est fait de bien chez un peuple se rapporte à un seul homme ; c’est que cet homme jaloux de toute gloire ne souffre pas qu’un autre soit honoré, c’est qu’il n’y a que lui.

837. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Cette cosmopolite qui n’est bien nulle part, pas même dans cette Asie, ce climat-palais où elle s’est retirée, cette cosmopolite qui n’est plus folle du Cosmos maintenant, et qui souffre de cette goutte d’infini que nous avons tous dans la poitrine et que tout un monde ne contiendrait pas, oublierait l’Europe sans les contrastes qui la lui rappellent ; et proscrite de tout, même de la sphère de l’esprit, dans son livre, s’y résigne avec une facilité plus rare et plus charmante que l’esprit même, tant celui qu’elle avait autrefois, elle y vise peu maintenant, et l’a peut-être, en Europe, oublié !

838. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Or bien, voilà que tout à coup le poète, qui n’est plus celui de l’Amour et du Plaisir, mais de la douleur, venue enfin, comme elle vient toujours, par la vie, s’est mêlé, en ce livre de Portraits, au critique de la réflexion, et tout cela dans une si heureuse mesure qu’on se demande maintenant si le Monselet du pâté de foie gras n’était pas un mythe… ou un mystificateur, qui nous jouait, avec sa gastronomie, une comédie littéraire, et qui avait mis, pour qu’on ne le fît pas trop souffrir, son cœur derrière son ventre, mais non dedans !

839. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

Ils ont dit aussi, et parfois admirablement, les agonies et les déchirements de la mère, de la mère qui a le plus souffert certainement sur la terre, après celle qu’on appelle la Mère de Douleur.

840. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

Ils ont dit aussi, et parfois admirablement, les agonies et les déchirements de la mère, de la mère qui a le plus souffert certainement sur la terre, après celle qu’on appelle la Mère de Douleur.

841. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

L’abbé Galiani fit les délices d’une société charmante qui les lui rendit, et quand, par suite d’une indiscrétion diplomatique, car ce pétulant intellectuel, cette tête à feu et à fusées, ne pouvait pas être la tirelire à serrure des petits secrets politiques qu’il faut garder, il fut forcé de quitter cette société qui était devenue la patrie de son esprit, il la quitta comme on quitte une maîtresse aimée, et la Correspondance que voici atteste à chaque page ce sentiment presque élégiaque dans une nature si peu tournée à l’élégie, mais dont l’esprit souffre de regret comme un cœur !

842. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

Saisset, mais le doux, le rationnel, le tolérant, que les prêtres des temps futurs souffrent auprès d’eux, en attendant leur propre ordination définitive.

843. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

Seulement, la Critique doit-elle le souffrir ?

844. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Il souffrit… Et quoique l’amour des vieillards soit comique dans les comédies et dans la vie, dont elles sont l’imagé, le sien se marqua du tragique de son génie et de sa fierté.

845. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Le dégénéré qui souffre de nystagmus, ou tremblement du globe oculaire, percevra, en effet, le monde comme quelque chose de trémulant, d’instable, sans contours fermes, et s’il est un peintre consciencieux, il nous fournira des tableaux qui rappelleront la manière dont les dessinateurs des Fliegende Blætter de Munich représentent un chien mouillé qui se secoue vigoureusement, et qui n’éveilleront pas une idée comique uniquement parce que l’observateur attentif y lira l’effort désespéré pour rendre pleinement une impression qui, avec les moyens d’art créés par les hommes à vue normale, ne peut précisément être rendue. […] L’augmentation de la consommation de l’opium et du haschisch est même plus forte encore, mais nous n’avons pas à nous en occuper, car seuls en souffrent les peuples orientaux, qui ne jouent aucun rôle dans le mouvement intellectuel de la race blanche. […] Il en est autrement chez le dégénéré et l’épuisé, qui souffrent de faiblesse de volonté et de défaut d’attention, Les représentations-frontières pâles, à peine reconnaissables, sont perçues en même temps que les aperceptions centrales bien éclairées. […] Les frères Schlegel donnèrent, dans leur revue l’Athenæum, ce programme du romantisme : « Le commencement de toute poésie est de suspendre de nouveau la marche et les lois de la raison pensant rationnellement et de nous replonger dans le bel égarement de la fantaisie, dans le chaos primitif de la nature humaine… Le bon plaisir du poète ne souffre aucune loi au-dessus de lui ».

846. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il se réjouit peut-être tout bas d’avoir à souffrir quelque chose pour un juste méconnu et persécuté. […] Les choses purement littéraires, s’il les traite par ce procédé, peuvent quelquefois souffrir d’être prises et serrées comme dans un étau ; j’aimerais mieux, par moments, un ignorant sagace ou un sceptique allant à l’aventure en chaque étude, s’y éveillant chaque jour d’une vue matinale, recommençant et rafraîchissant chaque fois son expérience, comme s’il n’avait pas de parti pris. […] Littré, hormis en un point toutefois ; car il ne souffrirait jamais qu’on pensât de lui et qu’on dît, même par manière de métaphore, qu’il porte tout entières avec lui les lettres et les sciences, et que leur sort dépend du sien : il croit fermement que tout marchera après lui de plus en plus et de mieux en mieux, et que le trésor s’accroîtra incessamment.

847. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

On sait que je ne m’en tiens point à une compassion stérile envers ceux qui ont eu à souffrir ; je m’empresse à leur procurer du soulagement aussitôt que je suis instruit de leurs besoins, et, comme je crains que les mandarins ne m’en informent pas d’eux-mêmes, je m’en informe moi-même auprès d’eux. […] Lorsqu’on m’a représenté les inondations, les sécheresses et autres calamités qui affligeaient quelques provinces, je me suis hâté d’envoyer sur les lieux des grands ou des mandarins pour examiner l’état des choses et m’en instruire dans le détail, ne voulant rien ignorer de tout ce qui peut intéresser mon peuple, et j’ai toujours donné les ordres les plus précis aux tsong-tou, vice-rois et autres grands officiers des provinces, de veiller exactement et d’être attentifs à ce qu’il ne souffrît aucun dommage, à le soulager quand il en a souffert et à lui procurer tout le soulagement qui dépendait d’eux.

848. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

On aime ces deux colosses apprivoisés qui souffrent l’ardeur du jour et qui semblent jouir de souffrir pour l’homme. […] Notre faculté de souffrir est en raison de notre faculté de sentir : tel meurt d’un événement dont tel autre sourit ; en lui la note avait brisé le clavier.

849. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Sa maladie me fera hâter mon voyage ; je partirai d’ici aussitôt que me le permettra la santé de madame de Chateaubriand, qui souffre aussi beaucoup en ce moment. […] Le talent du peintre de mœurs abondait dans ces pages, mais la convenance et la piété manquaient ; nous souffrions profondément à ces lectures d’entendre ridiculiser le trône, la table et le foyer, par celui qui avait été appelé pour en relever la sainteté et la considération devant l’Europe. […] « Le pavé a ébranlé ma tête, je souffre ; mais soyez en paix, vous me reverrez bientôt, et tout sera fini ! 

850. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Je n’étais jamais las d’aller, mais, dès que je m’arrêtais, aussitôt je souffrais. […] « Ma très chère sœur, je ne puis vous exprimer l’affliction que j’ai soufferte en lisant votre lettre du 9 de ce mois. […] Ce qu’il y souffrit des tourments de l’absence, il l’a dit lui-même avec sa vivacité habituelle. » « “Elle partit donc pour Rome”, continue Alfieri sans dire comment ; il l’accompagna dans les premières postes, le pistolet au poing, avec l’Anglais Gehegan, ami de son ami, en sorte que deux cavaliers servants enlevaient deux femmes à leurs maris dans la même voiture.

851. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il a fallu d’abord penser aux jambes, qui souffrent le plus du froid ; je les enveloppe du carrick tourangeau que Grogniart, de boustiquante mémoire, cousillonna.” […] mais il est si fier, à bon droit, de sa force morale, que je n’osais même le consoler, et la douleur du vieillard fait autant souffrir que celle d’une femme ! […] « “Quelle énergie ne faut-il pas pour garder sa tête saine quand le cœur souffre autant !

852. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Au milieu de gens occupés à penser, il s’occupe à jouir et à souffrir. […] Il ne sait pas vivre, il n’a pas le ton, les manières du monde ; il souffre dans son amour-propre, et il essaie d’échapper au ridicule par un déploiement volontaire de rudesse et de sauvagerie. […] Depuis un siècle, tous les progrès de la démocratie, égalité, suffrage universel, écrasement des minorités, revendications des partis extrêmes qui seront peut-être la société de demain, la guerre à la richesse, à la propriété, toutes les conquêtes, toutes les agitations de la masse qui travaille et qui souffre ont été dans le sens de son œuvre.

853. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Combien la littérature hébraïque, par exemple, si admirable, si originale, n’a-t-elle pas souffert aux yeux de la science et du goût en devenant la Bible ! […] Car le spontané, si vif, si gracieux dans sa naïveté, ne souffre pas d’être remanié. […] » Le Père Poirson prouve ainsi que les bêtes n’ont pas d’âme : la souffrance est une punition du péché ; or les bêtes n’ont pas péché ; donc elles ne peuvent souffrir, donc elles sont de pures machines.

854. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Elle prouverait aussi qu’il en a quelquefois souffert, que sa pensée est devenue ça et là pénible et même obscure à force d’être condensée. […] Monuments écrits, monuments bâtis ont souffert du même mépris, bénéficié du même regain d’admiration ! […] Les moines, qui rédigent la grande Chronique de Saint-Denis, écrivent au lendemain de la funeste bataille de Crécy : « Nous devons croire que Dieu a souffert ceste chose pour les desertes141 de nos peches, jaçoit142 a nous n’aparteigne pas de ce juger.

855. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Il ne pouvait souffrir ces « travestissements de musiques dramatiques » (V, 146), les exécutions de fragments d’opéras dans des concerts : ce sont ses œuvres » qu’on a choisies, pour les travestir tous les dimanches. […] L’autre rôle de Kundry lui est imposé par la malédiction : souffrir en faisant souffrir.

856. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Plus on souffre, plus on est près du vrai but de la vie. […] Derrière cette joie il aperçoit la tristesse et reconnaît, comme dirait Schopenhauer, la « tromperie du corps », il aperçoit la souffrance que donne le désir (das sehnen, das furchtbare sehnen), et le secret du monde, la souffrance, lui apparaît dévoilé ; il se souvient d’avoir vu sur sa route des hommes qui souffraient, et sa propre souffrance, il la réunit avec la leur (Des Heilands Klage da vernehm ich, die Klage, ach ! […] La femme, qui lui a donné la connaissance de la douleur, souffre aussi du désir, elle attend la délivrance de la malédiction qui pèse sur elle.

857. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Et la mélancolie de l’heure de cinq heures, du jour s’éteignant, de la menace de l’isolement de sa soirée, amenait aux lèvres de Sainte-Beuve une plainte, à voix basse, sur toutes les privations dont il souffrait, sur l’impossibilité du déplacement qui vous mêle à vos semblables, à la société, impossibilité qui vous désintéresse de l’action et du monde. […] 14 décembre Toutes les douleurs morales se transforment dans les maladies nerveuses en douleurs physiques, en sorte qu’il semble que le corps souffre, une seconde fois, ce que l’âme a souffert.

858. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Vendredi 11 février On faisait la remarque, ces jours-ci, que les femmes complètement antireligieuses placent leur besoin de croire — et un besoin de croire qui ne souffre pas la contradiction — sur de l’autre surnaturel, comme les tables tournantes, les médiums, etc. […] Dîner chez Daudet, et départ avec le ménage pour la première de Numa Roumestan. « J’emporte, dit Daudet, en train de farfouiller dans ses poches de droite et de gauche, j’emporte de très forts cigares et de la morphine… Si je souffre trop… Léon me fera une piqûre… Oui je resterai, toute la soirée, dans le cabinet de Porel, où il y aura de la bière, et je ferai ma salle pour demain. » En voiture, comme Daudet me dit qu’il a fait mettre à Mounet un col droit, qui lui enlève son aspect de commis voyageur de la répétition, je ne puis m’empêcher de lui dire, que je m’étonne du manque absolu d’observation de ces gens, qui en ont autant besoin que nous, et que je ne peux comprendre, comment un acteur, appelé à jouer Numa Roumestan, n’a pas eu l’idée d’assister à une ou deux séances de la Chambre, ou du moins d’aller flâner à la porte, et de regarder un peu l’humanité représentative. […] Monsieur, que je souffre donc… faites-moi la charité d’une piqûre de morphine ! 

859. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

« Oui », dit-il, « j’ai péché peut-être ; mais plût à Dieu que les fautes qui m’ont attiré la colère de mon juge fussent pesées dans une juste balance avec ce que je souffre ! […] Si l’âme n’avait que cette faculté de comprendre, elle ne souffrirait pas, elle ne s’agiterait pas, elle n’agoniserait pas dans sa peine, elle ne se tourmenterait pas dans sa prison mortelle ; elle verrait et elle comprendrait ; ou, si elle avait une douleur, elle n’en aurait du moins qu’une, la douleur de ne pas pouvoir comprendre Dieu ; car, excepté Dieu, elle se sent capable de tout scruter, de tout pénétrer, de tout embrasser, de tout comprendre dans l’ordre matériel et dans l’ordre moral des créations. […] C’est par là que cette âme souffre, qu’elle jouit, qu’elle hait, qu’elle aime, qu’elle répugne, qu’elle désire, en un mot qu’elle éprouve en elle le mystérieux contrecoup des passions, passions qui sont presque toutes des sensations matérielles communiquées à l’âme immatérielle et transformées en sentiments.

860. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

L’officier romancier est une nouvelle catégorie qui affirme à nouveau la confusion des genres, des méthodes et des devoirs dont nous souffrons. […] On n’ignore pas que c’est un jouet et on lui donne quand même Un peu de son cœur, et voici que l’on se prend à souffrir et qu’on raille cette souffrance pour avoir l’air « bien parisien ». […] Cogniard, Courcy, Desnoyers, Duport, et Connon, 6, etc… En librairie ont paru durant les deux derniers mois : Souffre Douleur, de Emm.

861. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

On sent qu’elle est plus intuitive que réfléchie ; on y sent l’homme qui s’est trop défié, et de tout temps, pour avoir jamais souffert. […] Elle souffrit plus de cette déchéance que de toutes les misères physiques. […] Déroulède, se réfugient à la campagne, y souffrent mille avanies, et de lassitude concluent qu’il vaut encore mieux regagner leur entresol du boulevard. […] Nos pères souffraient de la métaphore ; nous souffrons du mot propre. […] Il souffrit de cet amour.

862. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

J’ai fini, je me suis placé dans « ce tas de critiques qui crachent de l’encre sur le génie » je suis un envieux, et « l’envie se démène, grince, bave, mord, souffre. […] On ne souffre en prose, au nom du goût et du naturel, mots consacrés, rien de ce que les ouvriers en vers mettent en œuvre. […] tu souffres ces prosateurs, tu es bien digne d’être livré à eux et à la crinoline pour l’éternité ! […] Le lecteur s’identifie avec ces personnages, les comprend, les aime, souffre de leurs douleurs, leur donne des conseils, les traite enfin comme des amis intimes qui n’auraient rien de caché pour lui. […] Ils ne souffrent pas assez, ils ne jouissent pas assez, il leur faut trop de paroles ; ils n’ont pas vécu assez simplement, assez silencieusement.

863. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

« Moi, dit Mme Sand dans la préface de son drame intitulé Molière, je crois que Molière eût méprisé et oublié une femme dissolue ; je crois qu’il a pu estimer la sienne, qu’il n’a souffert que de son ingratitude, de sa coquetterie, de ses travers, de sa sécheresse, et que c’en était bien assez pour le tuer. » Certes, mais comment soutenir que Molière ne souffrit que de cette humeur ? […] « Je suis décidé à vivre avec elle comme si elle n’existait pas, disait, en parlant de sa femme, Molière à Chapelle, son ami, mais si vous saviez ce que je souffre, vous auriez pitié de moi ! » Ce qu’il souffrait, on le sait lorsqu’on écoute la plainte mâle d’Alceste, et la pitié que réclamait Molière, on l’éprouve pour l’honnête homme qu’une coquette soufflette, pour ainsi dire, ou nargue du bout de son éventail. […] Molière souffrait, mais haussait les épaules et continuait à « amuser les honnêtes gens ». […] Il ne haïssait pas, mais il souffrait.

864. (1902) Le critique mort jeune

Hugues Rebell ne souffrent plus ces négligences. […] Charles Maurras : « L’incompréhensible et le merveilleux, par endroits le terrifiant, c’est cet art de Barrès à se faire du bien, et à se donner du bonheur, je ne sais quelle folle et mélancolique palpitation, en décollant les lèvres sanglantes de la plaie pour en raviver la cuisson. » Et il cite cette « furieuse allégorie » où l’auteur a exprimé son attrait pour la mort, pour la douleur, son goût du néant, une immense satiété et la connaissance de la vanité de toutes choses, mais en les sauvant du romantisme qui a vulgarisé des sentiments si forts, d’abord par un art merveilleux qui repousse les excès et le faux goût et puis par une finesse — qu’ignorait ce bon Gautier, chantre de la mort lui aussi, — et qui consiste dans « la joie de souffrir, de se voir souffrir et de faire souffrir ». « Les heures s’écoulent. […] Quels ne seraient pas l’étonnement et, sans doute, l’orgueil du chevalier s’il soupçonnait que s’il souffre, c’est par la jalousie du souverain ? […] Hypocrisie, disent des réformateurs simplistes ; la dignité humaine ne souffre pas les « mensonges conventionnels » dénoncés par M.  […] En quoi les rapports des époux pourront-ils en souffrir ou en être améliorés ?

865. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Distinguer l’imaginaire du réel, il ne peut plus, tant il souffre. […] Mérimée souffre, lui aussi, du malaise que lui inflige le nihilisme de sa doctrine. […] Tout homme ayant souffert de la séparation y retrouve sa peine. […] Lui aussi était le prisonnier du Scientisme, mais un prisonnier qui souffrait, qui se débattait. […] Et vous marchez au danger, vous voulez souffrir, vous savez mourir.

866. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Les chefs-d’œuvre de Phidias, ceux de Sophocle et d’Aristophane étaient reçus, sans commission et sans jury, en pleine assemblée du peuple, qui, ayant appris à lire dans Homère, parlant sa langue mieux qu’Euripide, n’aurait pas souffert qu’un directeur des beaux-arts, à la nomination d’Aspasie, lui choisit ses déesses et ses courtisanes. […] Elle souffre ; mais trouvez-moi un grand artiste qui n’ait pas souffert. […] Cette année, le jury s’est montré avare de place à l’exposition universelle pour les jeunes peintres : l’hospitalité était si grande vis-à-vis des hommes acceptés de la France et des nations étrangères, que la jeunesse en a un peu souffert. […] Dans ses nombreux morceaux de critique, Stendhal a imprimé, en 1825, des vérités audacieuses, qui l’ont fait trop souffrir. […] On le souffre, et il est célèbre.

867. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Se voyant attelé journellement à des emplois qui sont au rebours de son génie, il obéit à la nécessité, mais il en souffre. […] « Tout le reste, ainsi qu’il le dit, ne sont que ris et choses frivoles dont personne, ce me semble, ne se doit scandaliser, s’il n’a les oreilles bien chatouilleuses. » Si l’on souffre un peu de voir un poète obligé de descendre à ces justifications, on n’est pas fâché du ton de fierté, du ton de gentilhomme ou, pour mieux dire, d’honnête homme, dont il le prend, au milieu de toutes ses déférences, avec son illustre parent et patron.

868. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

peut-être en recueillerez-vous plus de profit que de toute l’enflure d’un discours stoïque. » Et suivent alors les conseils appropriés : fuir les jardins publics, le fracas, le grand jour ; le plus souvent même ne sortir que de nuit ; voir de loin le réverbère à la porte d’un hôtel, et se dire : « Là, on ignore que je souffre ; » mais ramenant ses regards sur quelque petit rayon tremblant dans une pauvre maison écartée du faubourg, se dire : « Là, j’ai des frères. » Voilà ce qu’on trouve, après tant d’autres pages révélatrices, dans l’Essai. […] Femme élégante de manières, cultivée d’esprit, soupirante et silencieuse, elle souffre aussi de la sévérité absolue du maître, et partage la tristesse refoulée des siens plutôt qu’elle ne la console.

869. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Tous furent massacrés ou pendus, excepté un seul, qui avait trouvé un asile dans un lambris et qui, après avoir échappé dans sa cachette pendant trois jours, se découvrit à la fin et reçut sa grâce comme ayant assez souffert par le spectacle dont il avait été si longtemps témoin. […] Voici ce qu’en dit un historien contemporain : « On n’entend parler ici, dit-il, ni de vols, ni de désordres nocturnes, ni d’assassinats ; de jour et de nuit, tout individu peut vaquer à ses affaires avec la plus parfaite sécurité : on n’y connaît ni espions ni délateurs : on ne souffre point que l’accusation d’un seul trouble la tranquillité générale ; car c’est une des maximes de Laurent, qu’il vaut mieux se fier à tous qu’à un petit nombre. » Son influence diplomatique en faisait le juge de paix de l’Europe.

870. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Mais l’amour-propre du poète souffrit cruellement. […] Il souffrit de ce refroidissement de la faveur royale avec sa vivacité ordinaire de sentiment : et ses derniers jours en furent attristés.

871. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Un art que vous connaissez bien, car il est la gloire du pays adorable dont vous êtes originaire, la sculpture grecque n’a pas trop souffert de cet esprit d’imitation qui inspirait ses écoles. […] Quant à Rutebœuf, souffrez que je m’étonne de votre indifférence : «  Je ne parle pas de Rutebœuf, dites-vous, que je n’ai guère pratiqué. » Il me semblait cependant que le « doux trouvère » avait droit à l’estime de tout bon poète.

872. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Il souffre nos humeurs, il joue avec la même grâce pour le vieillard que pour l’enfant. […] Chassez les soupirants, belles   ; souffrez mon livre   : Je réponds de vous corps pour corps.

873. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Non, Indiana n’était pas une œuvre isolée, née d’un concours de circonstances fortuites, et qui ne dût pas avoir de sœur ; non,  l’auteur n’était pas seulement doué d’une âme qui eut souffert et d’un souvenir qui sût se peindre.

874. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Mais n’allez pas toutefois accorder à cette nature si fraîche éclose trop d’ignorance et de simplicité ; elle sait le monde et la vie, elle a souffert bien des peines et s’est étudiée à bien des grâces.

875. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Il n’y a que vingt vers ; mais ils sont parfaits de naturel et de mélodie : on dirait le doux et mélancolique regard par lequel l’homme qui a souffert répond aux caresses d’un enfant.

876. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Tout le monde souffrait de la chaleur.

877. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre II. La tragédie »

Mérope est « la mère » ; et Polyphonie, Egisthe, Narbas, tous les autres personnages ont pour fonction d’exciter « la mère » à développer toutes les agitations, toutes les douleurs, les espérances, les puissances de souffrir et d’agir d’une âme maternelle.

878. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Convaincu que l’attouchement de sa robe 744, l’imposition de ses mains 745, faisaient du bien aux malades, il aurait été dur, s’il avait refusé à ceux qui souffraient un soulagement qu’il était en son pouvoir de leur accorder.

879. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIX. Progression croissante d’enthousiasme et d’exaltation. »

Pressant, impératif, il ne souffrait aucune opposition : il faut se convertir, il attend.

880. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Le premier discours est en partie le résumé, et en partie le développement d’une conversation sur la grandeur du caractère romain ; Balzac y peint, d’après Polybe et Tite-Live, l’âme d’un citoyen de la république ; après l’avoir montré impénétrable à la vanité, à la peur, à l’avarice, ensuite sensible à la faveur de l’étranger, ou d’un usurpateur, il le fait voir à la dernière épreuve de sa vertu ; c’est l’injustice de la république à son égard. « La république, madame, ne le peut perdre, quelque négligente qu’elle soit à le conserver ; il souffre non seulement avec patience, mais encore avec dignité, ses mépris et ses injustices.

881. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Ainsi, dans le texte consacré à Stendhal, on peut lire : « (…) nous autres, qui venons après lui et souffrons comme lui de cette excessive acuité de l’esprit d’analyse, nous arrivons pour soutenir que les curiosités, ou plutôt les cas pathologiques par lui décrits sont bien les nôtres » (P.

882. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Sa monotonie est tout au plus supportable dans les petits ouvrages ; dans les autres, elle excède, surtout si ce sont des vers alexandrins, qui ne souffrent point de licences & d’enjambemens, & dont l’égalité des hémistiches est une seconde cause d’ennui.

883. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Ainsi lorsqu’il s’agit de juger de l’effet general d’un ouvrage, le peintre et le poëte sont aussi peu en droit de recuser ceux qui ne sçavent pas leur art, qu’un chirurgien seroit en droit de recuser le témoignage de celui qui a souffert une operation lorsqu’il est question uniquement de sçavoir si l’operation a été douloureuse, sous le prétexte que le malade seroit ignorant en anatomie.

884. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Elle est inquiète, elle se décourage, elle craint l’ennui comme le feu, elle souffre des tortures aux plus légères piqûres d’épingle.

885. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Elle avait beaucoup souffert, et quoiqu’elle n’ait pas éventé ses douleurs dans des phrases qui soulagent parfois, on le voit, on le sent.

886. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

si dans les Mémoires de Lamarck (une révélation aussi comme ces Lettres diplomatiques) nous souffrons amèrement de voir Mirabeau, cette grande canaille de Mirabeau, qui veut sauver la monarchie et qu’on paie pour cela, avoir des coups de sang d’honnête homme indigné parce qu’il ne gagne pas son argent et qu’on ne suit pas ses conseils, si c’est là un de ces spectacles qui relèvent Mirabeau du mépris dans lequel l’aurait tenu l’Histoire, mais, hélas !

887. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

et la Médiocrité intellectuelle, qui a aussi son cant en Angleterre, n’a point eu à souffrir, du fait de Southey, dans sa délicate pudeur.

/ 1810