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1005. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Je pensais aussi à cette pauvre vieille vigne qui avait coûté tant de peine à cultiver, à nos pères et à nos mères, à ces ceps reconnaissants, comme s’ils avaient des cœurs humains, qui montaient de si loin pour embrasser la porte, la fenêtre, le toit, de leurs pampres les plus lourdes grappes. […] Nous eûmes bien de la peine à nous y faire les premiers temps, et nos pauvres bêtes bien plus encore ; elles s’échappaient bien souvent de l’étable, de la cour, de la corde, des mains même de Fior d’Aliza pour courir dans le ravin, dans les mûriers, même dans la vigne. […] Hyeronimo devenait le plus bel adolescent de toute la plaine de Lucques ; quant à Fior d’Aliza, la force de la jeunesse est telle qu’elle florissait d’autant mieux sous nos larmes qu’elle avait plus de peine, comme ces herbes du bord de la cascade, qui sont d’autant plus riches et d’autant plus rouges qu’elles sont plus souvent mouillées par l’écume et resséchées par le rayon de soleil.

1006. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Elles seules ont le bruit, l’éclat : elles seules valent la peine d’être contées. […] On conçoit tout ce que cette méthode d’investigation, réduite à ce que le jargon contemporain appelle interviews et reportage, entraîne d’erreurs de chronologie, de topographie, de confusions et d’altérations de noms : ce n’est pas la peine de s’y arrêter. […] Il a en aversion encore les gens de finance, pour leur avarice oppressive, un peu aussi parce qu’il a peine à leur arracher ses gages.

1007. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre V. Le Séminaire Saint-Sulpice (1882) »

Comme cela nous engage à regarder ce, qui passe comme n’étant pas et à supporter patiemment des peines de quelques jours, dont nous rirons dans quelques années et auxquelles nous ne penserons pas dans l’éternité ! […] J’aimerais mieux mourir que de lui causer une minute de peine. […] C’était pourtant un besoin bien pressant pour moi que de m’ouvrir à vous sur des peines qui deviennent chaque jour de plus en plus vives, d’autant plus vives que je ne trouve ici personne à qui je puisse les confier.

1008. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Le plus grand éloge qu’on puisse faire de Marie Duplessis c’est qu’elle mourut à la peine, c’est que son âme eut bien vite assez de la vie que menait son corps, et qu’elle le tua pour en finir. […] A peine l’artiste a-t-il le temps de fuir par une porte secrète, que le mari apparaît, grave, sérieux, glacé, poli, comme toujours. […] A peine a-t-on le temps d’entrevoir le mari, immobile et debout dans l’embrasure de la porte, et baissant d’un geste tranquille son pistolet qui fume encore.

1009. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Mercredi 16 janvier La princesse revient aujourd’hui sur sa peine à quitter la France, sa maison, son chez soi. « Il me semble, dit-elle, qu’il y a quelque chose qui se ferme dans ma tête… C’est comme un volet qu’on tirerait… Oh ! […] Le public d’abord gentil au premier acte, se fâche au second, et hue le troisième, qu’il a peine à laisser finir. […] Ils sont là, penchés sur le papier, avec une figure qui peine, avec un grand pli à la joue, et l’avancement de leur grosse bouche sérieuse.

1010. (1772) Éloge de Racine pp. -

On voit que ses plus beaux ne lui ont pas coûté beaucoup de peine ; mais on voit aussi qu’il n’en a pris aucune pour embellir par la tournure ce qui ne peut pas briller par la pensée. […] Je n’ai sans doute rien à vous apprendre ; mais mon admiration m’entraîne, et vous l’excuserez sans peine, parce qu’elle est égale à la vôtre. […] Osons cependant l’avouer (car la vérité, qui est toujours sacrée, doit l’être surtout dans l’éloge d’un grand homme ; elle tient de si près à sa gloire, qu’on ne peut altérer l’une sans blesser l’autre), avouons-le ; soit que le succès des ouvrages de théâtre dépende essentiellement du choix des sujets ; soit que le premier élan du génie soit quelquefois si rapide et si élevé, que lui-même ait ensuite beaucoup de peine, de la hauteur où il est parvenu d’abord, à prendre encore un vol plus haut et plus hardi ; quoi qu’il en soit, depuis Andromaque , Racine, offrant dans chacun de ses drames une création nouvelle et de nouvelles beautés, n’avait encore rien produit qui fût dans son ensemble supérieur à cet heureux coup d’essai.

1011. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Indépendamment des connaissances spéciales dont il fait preuve et des améliorations positives qu’il proposait à sa dateb, j’y vois ce qui fait l’âme de ce noble métier de soldat, l’alliance de l’abnégation et d’une émulation glorieuse : « on y rend des services, dit-il ; l’on y endure des peines ; l’on y reçoit des éloges ». […] Ce qui me frappe, c’est que Grimm, vers cette date, dit à peu près la même chose ; parlant de la lettre adressée par le prince à Jean-Jacques Rousseau en 1770, lettre dans laquelle il lui offrait un asile contre la persécution et une retraite à Belœil, comme M. de Girardin la lui fit accepter plus tard à Ermenonville, Grimm ajoute : « Cette lettre n’a pas eu de succès à Paris, parce qu’on n’y a pas trouvé assez de naturel, et que la prétention à l’esprit est une maladie dont on ne relève pas en ce pays. » Il y a sur ceci deux points à remarquer : d’abord, c’est que les personnes, déjà en crédit et en possession, qui vous voient à vos débuts, ont peine à vous admettre : elles vous comparent à d’autres qui tiennent déjà un rang ; les places sont prises dans leur esprit, les hauteurs sont occupées.

1012. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru avait sur les bras l’administration de la Grande Armée et d’une partie notable de l’Europe, ses amis de France le choisissaient ainsi volontiers pour confident de leurs ennuis et de leurs peines. […] Ceux de mes lecteurs qui ont vu les lettres insérées dans Le Moniteur des 21 et 22 février 1854 auront eu d’autant plus de peine à bien comprendre le point en contestation qu’ils auront été plus attentifs à la lecture des articles et à l’esprit qui les a dictés.

1013. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

À sa manière, qui est plutôt hardie qu’aisée, j’ai jugé que ce n’était point la peine ici, et que ce ne serait qu’un soin futile qui, en manquant, lui ferait peu de faute. […] La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme !

1014. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Il ne crut point non plus devoir se rendre de sa personne à Soleure pour y lutter d’intrigue et d’argent, et travailler à faire casser le décret : « La chose était possible, dit-il ; mais, indépendamment de ce que je trouvais le théâtre un peu petit pour me donner la peine d’y préparer cette scène, elle m’aurait demandé du temps que je ne pouvais prendre qu’au détriment de ma machine militaire qui commençait à se monter, et qui voulait ma présence pour tendre à sa perfection. » Après avoir écrit une lettre de soumission respectueuse, il s’en remit donc au cours naturel des choses. […] À tous ces titres, et puisqu’il a pris la peine d’écrire, il a bien quelque compte à rendre auprès de la postérité.

1015. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

A peine les premières de mes troupes furent passées, que le prince de Condé, le duc d’Enghien son fils, et le duc de Longueville, qui au bruit du passage avait accouru à toute bride d’auprès du comte de Roye, avec lequel il était détaché, passèrent le Rhin dans une petite barque, et leurs chevaux à la nage. […] A peine le prince de Condé se fut aperçu de l’absence de son fils et de celle du duc de Longueville, qu’oubliant pour ainsi dire, si l’on ose parler ainsi du plus grand homme du monde, son caractère de général, et s’abandonnant tout entier aux mouvements du sang et de l’amitié tendre qu’il portait à son fils et à son neveu, accourut ou pour les empêcher de s’engager légèrement, ou pour les retirer du mauvais pas où leur courage et leur peu d’expérience auraient pu les embarquer ; il les trouva avec tous les volontaires aux mains avec les ennemis, qui, se voyant pressés et profitant du terrain qui leur était favorable, avaient tourné brusquement… « Cette action fut fort vive et fort glorieuse ; mais la blessure du prince de Condé au poignet, la mort du duc de Longueville et les blessures des ducs de La Rochefoucauld, de Coislin et de Vivonne, du jeune La Salle, de Brouilly, aide-major de mes gardes du corps, etc., et de plusieurs autres gens de qualité, en diminuèrent fort le prix et me donnèrent une grande mortification, particulièrement la blessure de M. le Prince, tant à cause de sa naissance et de son mérite singulier que de la faiblesse de son tempérament, exténué par la goutte, que j’appréhendais ne pouvoir pas résister à la violence du mal.

1016. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le mal d’amour est une rude peine : Lorsqu’il nous tient, il nous faut en mourir ; L’herbe des prés, quoique si souveraine… L’herbe des prés ne saurait en guérir. […] Oui, tu as besoin, à tout instant, d’être renouvelée et rafraîchie, d’être relevée par quelque endroit, sous peine d’accabler et peut-être d’ennuyer comme trop ordinaire.

1017. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Je ne me découragerai sûrement pas plus que vous, mais l’âme a un furieux travail à faire pour supporter les peines du cœur et pour renfermer tout ce que l’on sent. […] La première condition du plan de Mirabeau est notre éloignement avec toute la famille hors de Paris, non pas à l’étranger, mais en France… » Si la reine avait été charmée de Mirabeau, celui-ci, comme nous l’apprend de son côté M. de La Marck, sortit de l’entrevue plein de flamme et d’enthousiasme, « La dignité de la reine, la grâce répandue sur toute sa personne, son affabilité lorsque avec un attendrissement mêlé de remords il s’était accusé lui-même d’avoir été une des principales causes de ses peines, tout en elle l’avait charmé au-delà de toute expression. » Quand on la voit plus tard produire exactement le même effet sur Barnave, il faut reconnaître qu’elle avait de près ce don des femmes, le charme, la fascination.

1018. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Nos souvenirs parisiens nous gênent malgré nous, et j’ai peine à me faire de la Lisette de Mme de Gasparin cette bonne et vénérable vieille « qui s’est trop étudiée sur la Bible », et qui n’en a pris que les terreurs sans assez s’attacher aux espérances. […] Devant un lever du soleil, devant la majesté des hauts lieux, je comprends Jean-Jacques, je comprends David et le Psalmiste, mais j’ai peine de là à me rabattre à une discussion sur le péché de Marguerite, ce péché irrémissible, celui de la désespérance en Dieu, et tout ce qui s’ensuit.

1019. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Il y a problème, et un problème qui vaut la peine d’être éclairci, d’être résolu autant que ces sortes de problèmes peuvent l’être. […] Quoiqu’il ne puisse rien rouler sur mon compte particulier, je vous dirai, Madame, que c’est avec la dernière peine que je me suis rendu aux instances de Monseigneur le duc d’Orléans.

1020. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Si le projet qu’il a indiqué après coup est bien exact et s’il paraît assez bien combiné, l’exécution en fut déplorable. » — Je cherche partout des témoignages à l’appui de mes réserves, car il est bien difficile d’oser mettre un peu de vérité dans ces articles que j’écris, et l’on aurait peine à croire à combien de suggestions et d’instances j’ai dû résister pour maintenir ce jugement modéré et un peu restrictif sur le maréchal de Noailles. Et pourtant tous les contemporains qui en valent la peine sont d’accord là-dessus : le maréchal est homme à donner d’admirables conseils, même au comte de Saxe (voir Lettres et Mémoires tirés des papiers de ce dernier) ; il a de l’entrain quand il écrit ; il appelle le maréchal de Saxe son fils : il a des effusions et des démonstrations qui ne déplaisent pas : mais en tout il écrit mieux qu’il n’agit, ; il fait de beaux mémoires pour justifier ses lenteurs (Journal du duc de Luynes, tome VI, page 73) ; il a des quantités de projets et des infinités d’idées à la fois, qui donnent de l’éblouissement et qui se nuisent (ibid.

1021. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

J’avouerai encore à Votre Excellence que, si j’étais resté auprès de Mme la dauphine, j’aurais eu peine à soutenir le peu d’égards qu’elle a eu constamment pour les affaires dont j’ai cru pouvoir lui parler. » Tout cela créait une situation peu enviable. Il fait allusion à la jalousie et aux tracasseries dont il est l’objet et dont on peut prendre idée par les accusations grossies de Mme Campan : « Je ne parlerai pas à Votre Excellence, dit-il, de mille petites peines que j’ai souffertes presque continuellement : ce ne sont que des piqûres d’épingle, mais leur nombre creuse des plaies et rend la vie amère. » Le dauphin, le futur Louis XVI, n’aimait pas l’abbé et le lui marquait rudement.

1022. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Ce sont des aménités de cet ancien régime où les meilleurs d’entre les grands seigneurs et les gentilshommes avaient peine à se défendre (même quand ils n’y aidaient pas) du zèle de ceux qu’ils appelaient mes gens. […] Enfin il se donne évidemment beaucoup de peine pour bien faire.

1023. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il vaut la peine de les étudier, quand on veut se représenter les caractères de la dévotion du moyen âge : ces drames, comme les narrations de Gautier de Coincy et autres de même nature, nous font apercevoir dans leurs incroyables excès l’absurdité, la grossièreté, l’immoralité même des formes où se dégradait la noblesse essentielle du culte de la Vierge. […] De légères suppressions font de la pièce une œuvre purement dramatique : et d’autre part, pour un public encore peu habitué à la mobilité du dialogue scénique, la lecture et la simple récitation exigeaient certaines indications et parties de récit, sans lesquelles ces esprits peu alertes auraient eu peine à suivre et à comprendre le mouvement du morceau.

1024. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

C’est sans doute que la peinture l’a toujours intéressé et que les théories, les vues, les pressentiments des peintres du « plein air » valaient la peine d’être exprimés dans un roman. […] À signaler l’emploi de plus en plus fréquent des deux adverbes justement et même commençant les phrases, et l’abus de certaines constructions que je définirais si cela en valait la peine.

1025. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

* * * Un homme qui nourrit en lui une grande idée qu’il veut produire et rendre vivante, est par cela même à l’abri des poisons et des peines de la vie ; de même que les femmes grosses, que leur fruit préserve des maladies contagieuses. […] Ils sont si mystérieux, et tellement allégoristes, que leurs compatriotes ont peine à les suivre dans leur monde idéal.

1026. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Si, pendant les hivers, il ne quittait pas Monseigneur d’un pas, l’été, durant les campagnes, il se donnait une peine infinie pour se rendre propre à la guerre et pour y acquérir l’estime. […] Il sent autant que personne la fragilité des choses et le néant de l’ambition ; il se dit tout ce qu’on peut dire, et il rencontre même certains accents élevés et d’éloquence : J’ai vu par là, dit-il (après l’énumération des malheurs de 1712), j’ai vu culbuter mille et mille projets, les soins et les peines de vingt années, mille fortunes mêlées à cela ; la désolation de la première famille du monde ; un deuil universel.

1027. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Prenez-le à l’autre extrémité de sa carrière : il est dans les bureaux du National, c’est au lendemain ou à la veille de quelque journée de parti ; on lui annonce une députation de citoyens ; l’un d’eux entre et débute brusquement : « Citoyen Carrel, nous… » — « Donnez-vous la peine de vous asseoir, messieurs », dit froidement Carrel avec une politesse marquée […] Romiguières, lui donnaient les meilleurs conseils dans l’intérêt de sa défense et avaient peine à le faire plier.

1028. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

On nous a tant fait Boileau sévère et sourcilleux dans notre jeunesse, que nous avons peine à nous le figurer ce qu’il était en réalité, le plus vif des esprits sérieux et le plus agréable des censeurs. […] Boileau, en 1683, à l’âge de quarante-sept ans, ayant produit déjà tous ses chefs-d’œuvre, n’était point encore de l’Académie ; il portait la peine de ses premières Satires.

1029. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Frédéric, en les recevant, en y reconnaissant cette inscription que Jordan mettait en tête de tous ses livres : « Jordani et amicorum », se sentit tout ému : Je vous avoue que j’ai eu les larmes aux yeux lorsque j’ai ouvert les livres de mon pauvre défunt Jordan, et que cela m’a fait une véritable peine de penser que cet homme que j’ai tant aimé n’est plus. Je crains Berlin pour cette raison, et j’aurai bien de la peine à me sevrer des agréments que me procuraient autrefois dans cette ville l’amitié et la société de deux personnes que je regretterai toute ma vie (Jordan et Keyserlingk).

1030. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Ou bien ce sera un rythme dont les brisures multipliées sembleront à merveille adoptées à une idée de légèreté et de grâce : L’universel baiser court sur les hautes tiges comme un menu vol de papillons, tendresse brève, espoir long sur la plaine humaine voltigent coquelicots, pivoines, pavots, l’heur est léger, longue est la peine mais partout partent les pollens pour de futurs étés toujours beaux. […] A peine s’est-on laissé aller à un bercement, que l’on se réveille secoué par une brusque volte du mouvement ; cette discontinuité du rythme entraîne la discontinuité du ton : il y a tangage et il y a roulis.

1031. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Jamais, mon ami, nous ne nous embrasserons dans cette demeure antique, silencieuse et sacrée, où les hommes sont venus tant de fois accuser leurs erreurs ou exposer leurs besoins, sous ce panthéon, sous ces voûtes obscures où nos âmes devoient s’ouvrir sans réserve, et verser toutes ces pensées retenues, tous ces sentiments secrets, toutes ces actions dérobées, tous ces plaisirs cachés, toutes ces peines dévorées, tous ces mystères de notre vie dont l’honnêteté scrupuleuse interdit la confidence à l’amitié même la plus intime et la moins réservée. […] Je voudrais donc que Mr le directeur des académies obtînt un ordre du roi qui enjoignît, sous peine d’être exclu, à tout artiste, d’envoyer au sallon deux morceaux au moins, au peintre deux tableaux, au sculpteur une statue ou deux modèles.

1032. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

fit celui-ci, pas la peine ; je vous remercie, vous êtes trop bon. […] vraiment ce n’est pas très nouveau ; il ne valait pas la peine de faire tant de bruit. » En effet, Chérubin n’est qu’une pièce à moralité bourgeoise où la vertu triomphe et qui n’a pas même le mérite d’être conforme à la vérité.

1033. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Pour sa peine, je souhaite sincèrement qu’il en trouve une — une Héro — sur le bord de ce livre dans lequel il a traversé et nous a fait traverser tant de puretés charmantes ; mais il n’en trouverait pas que son livre n’en serait pas moins méritoire et délicieux — et délicieux, quoique méritoire ! […] Il a bien, cependant, assez de talent pour n’avoir pas besoin de se donner tant de peine et pour purifier de cette tache sa piquante originalité !

1034. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Après Socin, après Voltaire, après Strauss, il était naturel de s’attendre à un livre qui aurait achevé l’œuvre de ces grands sacrilèges par une œuvre tenue d’être plus forte, sous peine d’être plus faible, puisque Renan est venu après eux ! […] Toujours vieille fille romanesque, l’imagination publique s’était monté la tête, et c’était bien la peine, la pauvre diablesse !

1035. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Il a voulu exprimer dans Adolphe tout ce qu’il y a de faux, de pénible, de douloureux dans certaines liaisons engagées à la légère, où la société trouve à redire, où le cœur, toujours en désaccord et en peine, ne se satisfait pas, et qui font le tourment de deux êtres enchaînés sans raison et s’acharnant, pour ainsi dire, l’un à l’autre.

1036. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

C'était bien la peine de faire tant de fracas et de prendre les choses par un si grand tour et de tant tonner contre la philosophie éclectique, laquelle, au pis, n’est qu’un déisme et spiritualisme de cette sorte. — Quant au talent lui-même, il y en a certes, mais moins que ne croient les bonnes gens qui ont oublié Raynal, et qui ne savent pas qu’il n’est pas très-difficile avec une certaine énergie de plume de faire de ces peintures qui sont partout, en leur rendant quelque puissance d’ensemble.

1037. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Nous pouvons dire aujourd’hui : Si Robespierre et Danton eussent agi comme Guadet et Vergniaud, d’autres auraient agi comme Robespierre et Danton. » Pour nous, convenons-en, dont la sensibilité défaillante aurait eu peine à faire un seul pas au-delà de la Gironde, nous ne nous déclarons pas convaincu par ces arguments, tout solides qu’ils puissent paraître, et il reste toujours à savoir si, quand on est certain que la patrie sera sacrée, sinon par nous, du moins par d’autres, il n’est pas mieux de savoir mourir pur que de tremper, même à bonne intention, dans use œuvre cruelle et souillée.

1038. (1874) Premiers lundis. Tome I « Hoffmann : Contes nocturnes »

Eugène est si simple qu’il a peine à comprendre ; et quand il a compris, la douleurs de ne plus coucher près de la serre chérie et de ses fleurs favorites est telle, qu’il trouve plus facile d’épouser la veuve de son professeur, que de quitter la maison.

1039. (1874) Premiers lundis. Tome II « Deux préfaces »

Ce qu’on appelle littérature, d’ailleurs, a pris un tel accroissement de nos jours que, par elle, on se trouve introduit et induit sans peine à toutes les considérations sur la société et sur la vie.

1040. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre III. De la sécheresse des impressions. — Du vague dans les idées et le langage. — Hyperboles et lieux communs. — Diffusion et bavardage »

je ne me suis pas seulement donné la peine de l’écouter.

1041. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « André Theuriet »

Parfois, lorsqu’il se regarde dans un miroir, et qu’il voit se refléter dans la glace cette figure ridée et vieillotte, ce dos voûté, ces yeux ternes et ces lèvres chagrines, il a peine lui-même à reconnaître dans ce personnage desséché et décrépit le Séverin d’autrefois  le svelte jouvenceau exalté, tendre et romanesque, qui marchait d’un pas si allègre sous les acacias en fleur de la rue du Baile, et qu’on avait surnommé à Juvigny « l’amoureux de la préfète ».

1042. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

Non, vraiment, ça n’en vaut pas la peine.

1043. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Le termite »

  Certes, nos pères n’écrivaient pas sans peine.

1044. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Pour encourager les riches. » pp. 168-175

Cela vaut la peine d’être précisé.

1045. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Bilan des dernières divulgations littéraires. » pp. 191-199

Cela est peut-être une découverte, et qui valait la peine d’être livrée au public.

1046. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Raoul Rosières Les cent dix-huit sonnets des Trophées ne sont assurément pas tous de la même valeur, n’en est de pâles dont l’idée se révèle avec peine et ne semble pas valoir l’honneur de tant de soins.

1047. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sully Prudhomme (1839-1907) »

Jules Lemaître Une réflexion nous vient : était-ce bien la peine de tant reprocher à Musset sa tristesse et son inertie ?

1048. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre II. « Faire de la littérature » » pp. 19-26

Aussi bien n’y a-t-il pas plus de peine à réussir là qu’ailleurs.

1049. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Palissot à se déchaîner contre nous & contre les Trois Siecles, dans ses Mémoires littéraires ; on démêlera sans peine le sentiment qui l’a fait agir.

1050. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

En y réfléchissant, si cela pourtant vaut la peine qu’on y réfléchisse, peut-être trouvera-t-on moins étrange la fantaisie qui a produit ces Orientales.

1051. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

A peine cet orateur a-t-il commencé de parler, que sa cause paroît triomphante.

1052. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

A peine connoissoient-ils ce levain qui se met dans la littérature, qui corrompt tout, aigrit tout, divise tout.

1053. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Il est mort en 1744, dans une maison de campagne proche de Londres, moins encore de ses infirmités que des peines cruelles qu’il éprouva pour avoir été trop sensible à la satyre.

1054. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

A peine sa liaison avec Rousseau fut-elle formée, que celui-ci fut banni de France.

1055. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Soit préjugé d’éducation, soit habitude d’errer dans les déserts, et de n’apporter que notre cœur à l’étude de la nature, nous avouons qu’il nous fait quelque peine de voir l’esprit d’analyse et de classification dominer dans les sciences aimables, où l’on ne devrait rechercher que la beauté et la bonté de la Divinité.

1056. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Les spectateurs, qui la plûpart sont assez éloignez du théatre, auroient trop de peine à bien entendre des vers tragiques dont le stile est figuré : s’ils étoient récitez plus vîte et plus bas, sur-tout lorsque ces spectateurs verroient une piece pour la premiere fois.

1057. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Il me souvient bien d’avoir lû dans les écrivains italiens plusieurs passages qui le prouvent, mais je crois devoir épargner au lecteur la peine de les lire, et à moi celle de les retrouver.

1058. (1915) La philosophie française « II »

C’est une idée qui n’est devenue tout à fait consciente à elle-même, ou qui n’a pris la peine de se formuler, que dans ces derniers temps.

1059. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Quand elle fut un peu grande, un bon prêtre se donna beaucoup de peine pour lui expliquer la doctrine chrétienne ; elle suivit cet enseignement avec une extrême attention. […] C’est pourquoi, sans doute, ils eurent tant de peine à s’entendre et faillirent vingt fois se tuer avant de s’aimer. […] Et ce mal serait encore supportable, presque doux, du moins très cher, s’il ne s’y mêlait pas d’ordinaire, chez ces adolescents imaginatifs, les troubles des sens et les peines du cœur. […] Et c’est ce qu’on lui accordera sans peine. […] Après cela, dès qu’on s’en donne la peine, on se montre plus grand casuiste qu’Escobar et Sanchez.

1060. (1921) Esquisses critiques. Première série

Il n’a même pas toujours pris la peine de nous fixer exactement sur leur vraie nature. […] Il se préoccupe si peu des scoliastes qu’un lecteur attentif ne se retrouve pas sans peine dans la suite de ses écrits. Établir leur succession serait tout un travail : on a peine à les dater, — ce qui n’importe guère, puisque M.  […] Ce sont des ouvrages diffus, obscurs, rudes à la fois et alambiqués, dont le sens se dérobe et qui manquent de signification profonde, en sorte que la peine que l’on prend pour les pénétrer ne trouve pas de récompense. […] Quant à la situation qui est rarement très nette, elle a mille peines à se faire jour et à s’exposer clairement.

1061. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Peine perdue ! […] Il conte ses peines au plus déterminé de ses ennemis, au Napolitain Sbrigani, drôle de sac et de corde, qu’il prend pour l’honneur même et le plus dévoué des amis. […] Car à peine on m’eut veu la hallebarde au poing, A peine on eut oüy mon plaisant baragouin, Veu mon habit, ma toque, et ma barbe et ma fraise, Que tous les spectateurs furent transportez d’aise. […] Mais il savait que la mère avait d’autres vues, qu’il aurait de la peine à déranger. […] Pauvre, il avait peine à faire face à ses engagements de vieux et bon bourgeois et de commerçant honnête.

1062. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Elle est d’ailleurs excellente et fort pittoresque : même en dehors de l’intérêt qui s’attache à Roncevaux, elle vaut la peine d’être suivie. […] C’est grâce à lui que nous avons pu trouver, dans ce pays peu accessible, une aide et une hospitalité sans lesquelles nous aurions eu peine à faire même ce que nous avons fait. […] C’est une ville que les touristes visitent peu et qui vaut la peine d’un arrêt. […] Et ledit Giovanni étant arrivé chez moi, je le menai dans la chambre pour qu’il vît ma peine, et en ce moment ma femme délirait. […] L’oiseau lui dit : « Pourquoi t’es-tu donné tant de peine pour me prendre, et quel profit espères-tu de cette prise ?

1063. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Les Gens de Lettres & les Savans de ces siecles, disent-ils, ne cherchoient plus qu’à abreger leurs peines & leurs études, sur-tout dans la lecture des Historiens, des Philosophes, & des Jurisconsultes, soit que ce fût le loisir, soit que ce fût le courage qui leur manquât  ». […] On le marquoit ainsi sur la lettre, c’est l’esprit rude des Grecs, dont les copistes ont fait l’h pour avoir la facilité d’écrire de suite sans avoir la peine de lever la plume pour marquer l’esprit sur la lettre aspirée. […] & que les commençans sont embarrassés à les conjuguer, je crois que ces verbes valent bien la peine qu’on leur donne un paradigme ou modele. […] Pour épargner bien des peines, & pour abreger bien des regles de la méthode ordinaire au sujet de l’accusatif, observez : 1°. […] Peine inutile.

1064. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Un paysan, la face rouge, inondée de sueur, et les cheveux hérissés, arriva sur nous au grand galop, et arrêta avec peine son cheval qui n’était pas bridé. […] Le petit paysan reçut un rouble pour sa peine, demanda la permission de saluer sa nouvelle maîtresse, dont il était le compère, lui baisa la main et se remit en marche pour la maison. […] Le vieillard apporta les clefs ; il se tordait comme un serpent et se donnait beaucoup de peines inutiles en levant bien haut les coudes pour ouvrir la porte ; puis il se plaça de côté et fit de nouveau un profond salut. […] « Il m’a fait beaucoup de peine aujourd’hui, reprit Lavretzky, avec sa romance manquée. […] On eut de la peine à arracher les petites filles de l’étang et à les habiller.

1065. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Mais nous avons d’autres preuves, et nombreuses, et indiscutables, du dénûment de ses dernières années ; et ce dénûment vaut la peine d’être expliqué. […] Quand Scudéry dédia son Alaric à la reine Christine, il savait d’avance qu’il recevrait pour sa peine une chaîne d’or de mille pistoles. […] C’en est un, et excellent, que le mot de Charlotte : « Va, va, Piarrot, ne te mets point en peine. […] Celui-là est une âme en peine. […] Ce soupçon est très probablement injuste ; mais j’avoue que, partout ailleurs qu’au Vaudeville, j’aurais eu peine à m’en défendre.

1066. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Évidemment, à raconter toutes ces choses qui ne sont plus curieuses, on y perdrait sa peine et son patois. […] Cet homme avare faisait pitié, cette passion faisait peine à voir. […] — Vous me parlez, répondit-il, d’une chose que j’ai peu de peine à me rappeler. […] La tristesse s’était emparée de cette âme en peine ; en un mot, Monrose avait déchiré même sa livrée ! […] pas tant d’efforts, pas tant de peines, vous n’en êtes pas où vous croyez ; prenez garde à la pantoufle rouge ! 

1067. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Le second avantage, c’est qu’il est dans la nature de l’homme d’écouter avec plaisir l’accusation et l’injure, et de ne supporter qu’avec peine l’apologie et l’éloge. […] Ce n’est pas sans peine qu’elles plaisent moins. […] La couche blanche était si épaisse sur l’ardoise de ma fenêtre, que j’eus de la peine à rabattre mes persiennes. […] En me cherchant, j’ai perdu bien des jours ; Et me perdant, j’ai trouvé bien des peines. […] Quelle sottise de nous peiner, sur le poinct du passage à l’exemption de toute peine !

1068. (1864) Études sur Shakespeare

Ce fut, selon Aubrey, dans l’intention positive de se vouer au théâtre que Shakespeare se rendit à Londres ; et quand le crédit de Greene n’eût réussi qu’à le faire recevoir sous le titre de call-boy, on comprend sans peine par quels degrés un homme supérieur franchit rapidement toute la carrière dont il a obtenu l’entrée. […] Avant les Henri VI, quelques-uns de ses biographes placent les Méprises et Peines d’amour perdues, les deux premiers ouvrages dont il n’ait à partager avec personne l’honneur ni les critiques. […] Les traits qu’on en cite ne valent plus aujourd’hui la peine d’être recueillis. […] Et, loin de lui conserver le même intérêt, n’aurait-on pas quelque peine à l’avouer pour la même personne ? […] Zaïre, passant tout à coup de son amour dévoué pour Orosmane à la plus entière soumission pour la foi et la volonté de Lusignan, a quelque peine à nous rendre, dans sa situation nouvelle, autant d’illusion qu’elle nous en a fait perdre par un si brusque changement.

1069. (1895) Hommes et livres

Il oublie toutes ses peines, en arrivant en vue de Bâle, en découvrant de loin les deux tours de la cathédrale. […] Théorie simple et commode, d’autant qu’elle dispense de recherches et diminue la peine de l’historien. […] Est-ce bien la peine, pour établir l’importance qu’avait dans la médecine d’alors la question de la saignée, est-ce la peine, après avoir nommé seize médecins qui ont écrit sur la matière, de m’accabler encore dans une note sous quatre histoires générales de la médecine en français et en latin ? […] J’ai peine à admettre que dans l’histoire de la comédie, l’opéra-comique doive tenir autant de place que Beaumarchais, plus que Marivaux. […] Après lui, toutes les affaires de l’amour, ses joies et ses peines, avaient été réduites à un mécanisme artificiel et monotone.

1070. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

n’est-ce pas le plaisir d’amour qui le tenta et la peine d’amour qui le déconfit premièrement ? […] Mais il ajoute : « Dans l’œuvre du grand artiste, il doit y avoir beaucoup de peine, et de la grande peine ; il ne faut pas qu’on l’y sente, peut-être ; mais il faut que la difficulté y soit. […] Il est possible qu’on éprouve quelque peine à en saisir toutes les significations profondes. […] Donc, il chantait le plaisir d’amour et il chantera la peine d’amour. […] … Une telle séparation de l’homme et du poète, nous avons peine à la concevoir.

1071. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Banquo, dépouillé de tout l’argent qu’il avait reçu, faillit perdre la vie, et ne s’échappa qu’avec peine et couvert de blessures. […] Du reste il a tout conservé, tout reproduit ; et non seulement il n’a rien omis, mais il n’a rien ajouté ; il semble n’avoir attaché aux faits mêmes presque aucune importance ; il les a pris comme ils se sont offerts, sans se donner la peine d’inventer le moindre ressort, d’altérer le plus petit incident. […] Sa patience nous fait sourire ; on a peine à croire à ses emportements qui, du reste, comme l’observe Schlegel, ne font mal à personne. […] Sans artifice, comme l’innocence, elle a peine à croire à l’infidélité de Posthumus ; indulgente comme la vertu, elle pardonne à Iachimo ses premières calomnies sans affecter une haine d’ostentation contre le vice. […] Malgré ses défauts, la comédie de Peines d’amour perdues porte aussi l’empreinte du génie de Shakspeare dans plusieurs scènes et dans la conception de presque tous les personnages.

1072. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Mais le point où je voudrais relever et voir placer le buste de Naudé, c’est à son vrai lieu, entre Charron, ou mieux entre Montaigne et Bayle : il fait le nœud de l’un à l’autre, un très gros nœud, assez dur à délier, mais qui en vaut la peine. […] Encore une fois, ce n’est pas une raison pour se détourner ; il vaut la peine qu’on l’accoste sous ce costume. […] Il avoit fort peu de théologie et haïssoit toute controverse de religion ; même je l’ai mainte fois vu se moquer de ceux qui s’en mettoient en peine. […] Comme fait, et l’histoire en main, si l’on ose réfléchir, on a peine à ne pas tirer l’austère résultat.

1073. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

On y parvient sans trop de peine quand on a le don et la main. […] Oscar Méténier s’était uniquement donné la peine d’en changer le titre (jadis le Roman d’une jeune fille pauvre), et que le véritable auteur Oscar Honoré l’avait perpétrée, quarante années auparavant. […] Il faudrait enfin que, dans le plus grand nombre des romans, le vice ne s’étalât point avec une obsessive complaisance, de façon qu’on n’en fût pas réduit à composer une spéciale et niaise littérature pour jeunes filles ; et que, dans les sujets où de graves questions de mœurs doivent nécessairement être traitées, l’auteur entrât dans son sujet avec le respect dû à sa propre dignité, à la délicatesse du lecteur même viril, et aux misères morales de l’humanité, qui en souffre et qui a tant de peine à s’en délivrer. […] Dans cinquante ans, dans cent ans peut-être, si le remède sort de l’excès du mal, — c’est ainsi le plus souvent que le progrès s’accomplit, — comme il y a des ordonnances de police qui règlent l’enlèvement des ordures et protègent l’homme contre l’empoisonnement par ses propres déchets et excréments, défense sera faite sous peine d’amende d’ouvrir et de déverser au cœur de la cité le grand égout collecteur de l’ordure morale humaine.

1074. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Je laisse les détails de l’organisation pécuniaire aux amis qui veulent bien se donner cette peine, et avec reconnaissance je salue leur empressement comme la preuve, et d’un zèle actif à servir l’art allemand, et d’une confiance générale en moi. […] Comme exemple, voici le chant d’amour de Siegmund : Vents et bises fuient    dompta l’univers le mois des fleurs,    vents et frimas craignnt le clair printemps    sa rude vigueur ; scintille radieux ;       ses coups valeureux sans peine sa molle brise,      ont brisé la porte sévère. […] Les Grecs, après les clameurs et les peines des initiales batailles, avaient formé une race de raisonneurs, épris des notions claires et des enchaînements harmonieux, ils n’avaient point des sensations vives et n’étaient guère portés à l’émotion : nulle fougue passionnée ne secoue l’ordonnance tranquille de leurs discours, non plus que la froide sérénité de leurs faces. […] A peine assez d’action pour légitimer les disputes, les altercations, les controverses délicates ?

1075. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Quand il s’agit d’une peine passée, il y a un sentiment de délivrance particulier, qui suppose encore une simple idéalité par opposition à la réalité. […] Bergson compare le sentiment de la durée pure : se laisser vivre sans rien penser, sans rien distinguer, sans discerner le plaisir de tout à l’heure d’avec la peine présente, c’est être dans la « durée pure » ; disons plutôt : c’est perdre tout sentiment de la durée, toute mémoire du passé comme distinct du présent, toute anticipation de l’avenir ; cette sorte de vie, en apparence mystique et « libre », ne serait qu’un complet abêtissement ou, plus encore, un retour à la vie purement végétative. […] Elle est relative, en effet : 1° à l’intensité des images représentées ; 2° à l’intensité des différences entre ces images ; 3° au nombre de ces images et au nombre de leurs différences ; 4° à la vitesse de succession de ces images ; 5° aux relations mutuelles entre ces images, entre leurs intensités, entre leurs ressemblances ou leurs différences, entre leurs durées diverses, et enfin entre leurs positions dans le temps ; 6° au temps nécessaire pour la conception de ces images et de leurs rapports ; 7° à l’intensité de notre attention à ces images ou aux émotions de plaisir et de peine qui accompagnent ces images ; 8° aux appétits, désirs ou aversions qui accompagnent ces images ; 9° au rapport de ces images avec notre attente, avec notre prévision. […] Je me représente des successions de sensations, de passions, de plaisirs, de peines, de volitions, de motions, etc. ; mais une succession toute seule, sans rien qui se succède, voilà ce que je ne parviens pas à me figurer, pas plus qu’un animal en soi, qui ne serait ni homme, ni cheval, etc.

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