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731. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Car il diminuerait ainsi sa richesse et, partant, sa joie. […] Ses conquêtes ne sont pas une joie d’orgueil. […] Plus discret que jamais, plus économe de sa joie ou du bruit que sa joie ferait, le poète élève la voix le moins qu’il peut : on l’entend parce que sa joie est forte ; mais il ne chante pas à tue-tête. […] Votre lettre est une douce et généreuse joie ; je m’en pénètre. […] Que de joie aussitôt !

732. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

A la nouvelle de cette victoire de l’orthodoxie, Rome et Madrid, les deux villes catholiques par excellence, firent retentir le ciel de cris de joie. […] Qui est-ce qui, au lendemain de la Révocation, éclata de la plus bruyante joie ? […] Écoutez cet hymne de triomphe saluant la défaite finale de la Réforme en France ; je ne puis résister à la joie de transcrire tout le morceau, tant il est imprégné de saveur :‌ « Prenez vos plumes sacrées, vous qui composez les annales de l’Église : agiles instruments « d’un prompt écrivain et d’une main diligente » hâtez-vous de mettre Louis avec les Constantin et les Théodose… Nos pères n’avaient pas vu,‌ comme nous, une hérésie invétérée tomber tout à coup ; les troupeaux égarés revenir en foule, et nos églises trop étroites pour les recevoir ; leurs faux pasteurs les abandonner, sans même en attendre l’ordre, et heureux d’avoir à leur alléguer leur bannissement pour excuse ; tout calme dans un si grand mouvement ; l’univers étonné de voir dans un événement si nouveau la marque la plus assurée, comme le plus bel usage de l’autorité, et le mérite du prince plus reconnu et plus révéré que son autorité même. […] 3° Bien que les preuves exactes fassent défaut de sa participation effective au « conseil de conscience » qui prépara la Révocation de l’Édit de Nantes, il est indéniable qu’il approuvait hautement cet acte néfaste, auquel devait aboutir fatalement sa politique vis-à-vis des protestants, puisqu’aussitôt après la signature de l’édit révocateur, il fait éclater sa joie en des termes qui ne laissent aucun doute sur ses sentiments à l’égard de cette mesure.‌

733. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Chose rare à la Cour, elle aimait la joie pour elle-même : « La joie est très bonne pour la santé, pensait-elle ; ce qui est sot, c’est d’être triste. » Elle rompait la monotonie des formes cérémonieuses, des menuets en tout genre, des longs repas silencieux.

734. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

On peut juger si sa joie fut grande. […] Rose, alors premier secrétaire du cardinal Mazarin, en ayant lu des passages à Son Éminence, Costar reçut, sans savoir à qui il était redevable de ce bon office, une gratification de cinq cents écus ; il faisait bon en ce temps-là de défendre la mémoire de Voiture, cet auteur chéri dont Sorbière disait : « On est forcé de louer Hobbes, Descartes, Balzac, mais on est bien aise de louer Voiture. » Coslar ne se tenait pas de joie ; une fois en veine, il ne crut pas devoir s’arrêter, il ouvrit et desserra tous ses lieux communs et publia en 1654, sous ce titre un peu prétentieux : Les Entretiens de M. de Voiture et de M. 

735. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

j’aurais trouvé sur cette terre les joies du ciel. […] — L’année suivante en refaisant son mémoire autrefois couronné à l’Académie de Copenhague, il éprouvait de nouveau quelque chose de la même joie intellectuelle, tant il est vrai que ce n’est que le travail régulier et un cours tracé de production qui lui manque pour retrouver toute la conscience de lui-même et son équilibre : « Ce travail, dit-il, a duré un mois.

736. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Dans la pièce espagnole, c’est don Arias qui suggère l’idée de tenter cette épreuve sur le cœur de Chimène et de faire annoncer par un domestique la mort de Rodrigue ; et il y a cela de bien et de naturel que le vieux don Diègue, en entendant ce faux rapport, se dit à part soi dans son cœur de père : « Ces nouvelles, quoique je les sache fausses, m’arrachent des larmes. » A la brusque nouvelle de la mort de Rodrigue, Chimène s’est trahie ; elle a changé de couleur et va se pâmer : le roi se hâte de la détromper pour la faire revenir ; mais il s’est trop pressé, le bon roi, et Chimène se dédit par ce vers : « Sire, on pâme de joie ainsi que de tristesse. » Ceci est pris dans l’espagnol. […] Elle espère bien qu’il sera vainqueur, elle veut qu’il l’espère aussi ; elle va lui faire voir qu’elle le désire, mais par degrés et comme sous le coup d’une contrainte morale : et lui qui a le soupçon, et plus que le soupçon, de ce désir qu’elle forme, il vient, je le répète, moins pour s’en assurer (car au fond il en est sûr) que pour s’en donner l’émotion, la joie et l’orgueil, et il est résolu à le lui faire dire nettement.

737. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Ma morale, que je recommande en passant, c’est que lorsqu’on a l’avantage d’être contemporain d’un de ces hommes qui portent la joie et l’agrément avec eux, il faut s’empresser d’en jouir. […] Il est vrai qu’il s’abandonne à la sienne sans retenue ni contrainte, et vraiment à cœur joie 75.

738. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

« Dans cette guerre je ne puis avoir que des joies bien courtes », écrivait Catinat à son frère trois semaines après La Marsaille. […] Toutes les fois qu’une vertu morale éclate dans les camps, un désintéressement parfait, une abnégation simple — et, par exemple, ce qu’on a vu de nos jours, un général en chef remplacé et servant avec dévouement, avec joie, sous son successeur ; — toutes les fois que le guerrier, heureux ou malheureux, pensera plus à son pays qu’à lui-même et qu’il s’oubliera en servant, on dit et l’on dira par une appellation bien méritée et toute française : C’est du Catinat 86.

739. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Les premières lettres qui se rapportent au nouveau règne sont remplies d’effusions, et respirent la joie avec l’espérance. […] La religion, les mœurs, si nécessaires pour attirer la bénédiction de Dieu et pour contenir les peuples, ne sont pas oubliées ; enfin je suis dans la joie de mon cœur, et prie Dieu qu’il vous conserve ainsi pour le bien de vos peuples, pour l’univers, pour votre famille et pour votre vieille maman que vous faites revivre. (16 juin 1774.) » Elle y mêle de sages avis, de ne rien précipiter, de tout voir de ses propres yeux, de ne rien changer à la légère ni par un premier entraînement.

740. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Cette joie intérieure est à remarquer chez lui, car elle est rare et elle dure peu. […] Que de folie, que d’inanité, à leurs yeux, dans nos désirs, nos regrets, nos craintes, nos espérances, nos vaines joies et nos douleurs encore plus vaines !

741. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Puis, tout à côté, jaillit l’apostrophe outrageante et impie aux vieillards, dérision dure qui les traîne devant nous par les cheveux, afin qu’ils nous récitent, un pied dans la tombe, leurs joies de vingt ans, comme s’il n’y avait de sacré au monde que la jeunesse, la beauté et l’amour. […] Nous ferons l’office de la vigie, et notre cri de découverte sera toujours mêlé d’émotion et de joie.

742. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Ceux de Gresset avaient pourtant de quoi plaire dans leur nouveauté : Jean-Baptiste Rousseau, qui les recevait à Bruxelles, ne se contenait pas de joie, et voyait déjà dans le nouveau-venu un rival et un vainqueur de Voltaire : « Je viens de relire votre divine Épître (celle à ma Muse), lui écrivait-il, et, si la première lecture a attiré mon admiration, je ne puis m’empêcher de vous dire que la seconde a excité mes transports. » Il est vrai que, dans l’épître en question, Gresset y parlait de Jean-Baptiste comme d’un Horace, et le proclamait ce Phénix lyrique. […] Mesdames Royales, filles de Louise XV, ne se sentirent pas de joie à la peinture de cet intérieur de nonnes ; c’était la plus vive gaieté qui eût jamais pénétré au sein de cette autre vie cloîtrée et innocemment futile.

743. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Duruy accepta la proposition avec joie. […] Parmi de tels deuils, j’ose à peine compter pour des joies le succès européen de l’Histoire des Romains, et l’admission de M. 

744. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Louis XIV a lui-même exposé la première idée qu’il se fit des choses, et cette première éducation intérieure qui s’opéra graduellement dans son esprit, ses premiers doutes en vue des difficultés, ses raisons d’attendre et de différer ; car « préférant, comme il faisait, à toutes choses et à la vie même une haute réputation, s’il pouvait l’acquérir », il comprenait en même temps « que ses premières démarches ou en jetteraient les fondements, ou lui en feraient perdre pour jamais jusqu’à l’espérance » ; de sorte que le seul et même désir de la gloire, qui le poussait, le retenait presque également : Je ne laissais pas cependant de m’exercer et de m’éprouver en secret et sans confident, dit-il, raisonnant seul et en moi-même sur tous les événements qui se présentaient ; plein d’espérance et de joie quand je découvrais quelquefois que mes premières pensées étaient les mêmes où s’arrêtaient à la fin les gens habiles et consommés, persuadé au fond que je n’avais point été mis et conservé sur le trône avec une aussi grande passion de bien faire sans en devoir trouver les moyensm. […] Saint-Simon nous a raconté très au long deux ou trois audiences qu’il obtint de lui, et nous a rendu au vif l’impression de respect, de soumission et de joie reconnaissante qu’il en avait rapportée.

745. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Je m’éveille le matin avec une joie secrète de voir la lumière ; je vois la lumière avec une espèce de ravissement, et tout le reste du jour je suis content. […] » Montesquieu, par droiture de cœur et par direction d’intelligence, était naturellement citoyen, de cette race des Vauban, des Catinat, des Turenne, des L’Hôpital, de ceux qui veulent sincèrement le bien et l’honneur de la patrie et du genre humain : « J’ai toujours senti une joie secrète, lorsqu’on a fait quelque règlement qui allait au bien commun. » Les Lettres persanes l’avaient rangé, bon gré mal gré, parmi les littérateursb ; il en ressentait les avantages pour sa réputation, et les inconvénients pour sa carrière.

746. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Il a le cerveau rompu par une métaphysique vertigineuse qui diversifie la pensée, la jette dans des conflits interminables, et équilibrant tous les contraires, accoutume si bien l’esprit à la joie de vivre au-delà de la réalité, dans la sphère des entités logiques, qu’aucune impulsion motrice ne l’affecte plus ; l’habitude excessive de la ratiocination annule et absorbe toute l’activité volontaire. […] Ses recherches sur l’une des plus effrayantes impuissances morales de l’homme moderne, la sympathie même qui l’ai tire vers les misérables et les imparfaits, tout le spectacle attristant de l’humanité vue de près, l’ont irrémédiablement contristé, et de même qu’un aliéniste, à force de voir la fêlure légère ou béante des cerveaux qu’il examine, doute qu’il y ait des âmes normales, Tourguénef tient en suspicion la force de l’homme et la joie de la vie.

747. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Celui qui nous l’annonce était digne, par sa joie, de nous l’annoncer. […] … Que Faugère continue de nous rapporter des papiers inédits de Saint-Simon beaucoup de chefs-d’œuvre comme celui-là, et nous l’accueillerons avec joie, même avec les préfaces qu’il y ajoutera.

748. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

) … Dans la cave il enserre Son argent et sa joie à la fois.

749. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Il sait que, si rien n’égale la joie de monter publiquement sur les planches et d’être de ceux que nomme la foule, c’est encore une volupté très appréciable que de contempler les traits de ces privilégiés, de participer à leur gloire par sympathie.

750. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il me semble que, lorsqu’on est en somme parmi les privilégiés de ce monde, lorsqu’on ne souffre ni continuellement, ni trop violemment dans son corps, et qu’on est préservé des extrêmes douleurs morales par la littérature et l’analyse (lesquelles, soyez-en sûrs, nous sauvent de plus de maux qu’elles ne nous interdisent de joies), une sorte de pudeur devrait vous empêcher de répéter trop longuement des plaintes déjà développées par d’autres.

751. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Je l’ai accepté avec joie, avec reconnaissance et aussi, je vous assure, avec modestie.

752. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Une douceur en émerge, c’est le lied : restitution d’humanité, définitive en sa musique suave et brève, où chante l’âme de banales et divines aventures plébéiennes ou de ces souvenirs que les héroïsmes, les joies ouïes malheurs séculaires incrustent en le cœur des races ; le lied, dont l’adaptation au verbe français est le bien évident de M. 

753. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Et tout de même, il faut remercier le présent éditeur et le poète qui l’autorisa et qui nous donna la joie d’une couverture fraîche portant son nom.

754. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Jean Carrère s’écrie : « Peut-être que demain l’âme hellène, venue à nous par les flots qui baignent Marseille, réveillant au passage les mânes assoupis des vieux consuls d’Arles, et définitivement épanouie dans la maison blanche de Maillane, aux pieds du Parnasse resplendissant des Alpilles, va remplir de nouveau l’Europe rajeunie pour la plus grande joie du monde et le relèvement des nobles esprits » (Revue Encyclopédique, 31 juillet 1897).

755. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Cependant on mange avec une grande joie, et l’abondance a bientôt chassé la faim.

756. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

« L’orgueilleux, dit-il, a le verbe haut et le silence boudeur ; il est dissolu dans la joie, furieux dans la tristesse, déshonnête au dedans, honnête au dehors ; il est roide dans sa démarche, aigre dans ses réponses, toujours fort pour attaquer, toujours faible pour se défendre ; il cède de mauvaise grâce, il importune pour obtenir ; il ne fait pas ce qu’il peut et ce qu’il doit faire ; mais il est prêt à faire ce qu’il ne doit pas et ce qu’il ne peut pas192. » N’oublions pas cette espèce de phénomène du treizième siècle, le livre de l’Imitation de Jésus-Christ.

757. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Quand on a lu cette mort dans le Phédon, on se sent comme un air de joie et de fête dans l’âme ; on croit sortir d’un banquet au lieu de sortir d’un supplice. […] — Tais-toi, mon cher, répondit-il, j’ai quitté l’amour avec joie comme on quitte un maître furieux et intraitable. — Je jugeai dès lors qu’il avait raison de parler de la sorte, et le temps ne m’a pas fait changer de sentiment. […] « — Hé bien, prolonge pour moi la joie du festin, en continuant à répondre.

758. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Ces impressions étaient-elles joie ou tristesse, douleur ou souffrance ? […] C’était de l’amour et de la religion, des pressentiments de la vie future délicieux et tristes comme elle, des extases et des découragemens, des horizons de lumière et des abîmes de ténèbres, de la joie et des larmes, de l’avenir et du désespoir ! […] C’est l’homme même, c’est l’instinct de toutes ses époques, c’est l’écho intérieur de toutes ses impressions humaines, c’est la voix de l’humanité pensant et sentant, résumée et modulée par certains hommes, plus hommes que le vulgaire, mens divinior, et qui plane sur ce bruit tumultueux et confus des générations et dure après elles, et qui rend témoignage à la postérité de leurs gémissements ou de leurs joies, de leurs faits ou de leurs idées.

759. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre III. Les immoralités de la morale » pp. 81-134

Il se forme ainsi des ensembles d’habitudes, tout à fait analogues à de petites morales partielles réalisées, dont on ne s’occupe guère de tirer des règles abstraites parce qu’elles n’en ont pas besoin et qu’elles vivent sans cela, mais qui provoquent des joies et des douleurs analogues aux satisfactions de conscience et aux remords et dont la nature impérative apparaît quand elles sont menacées. […] Si une vie future, telle que l’ont comprise les chrétiens et quelques philosophes spiritualistes nous promet réellement l’éternité de ses peines et de ses joies, la vie terrestre devient tout à fait insignifiante et négligeable, sauf en tant que moyen de préparer la vie future, et de nous concilier, par tous les moyens qui lui plaisent, le juge suprême. […] Le bonheur, les joies, la vie peuvent être obtenus par surcroît, mais ils sont secondaires.

760. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Cette poudrière d’or qui saute en un clin d’œil, c’est de la pyrotechnie dramatique ; mais il ne fallait pas moins que ce feu de joie aux noces épurées de M. de Trélan. […] et patati, et patata. … Olympe respire avec délices ces odeurs de corruption parisienne que lui rapporte la vieille, et sa tête s’exalte au ressouvenir de ces joies maudites. […] Sans doute, Olympe, c’était là une saison joyeuse mais le dénouement de ces vaudevilles du quartier latin, la prison de Saint-Lazare, l’hôpital et ses horreurs, et l’École de médecine, où le carabin voit quelquefois disséquer doctement son ancienne compagne d’amour et de joie !

761. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

« La joie, si forte et si douce, de l’avoir vue un matin, mon Dieu ! […] … Il n’est qu’une joie véritable en ce monde si mauvais, mais celle-là est sans pareille ; la joie de t’aimer, mon Dieu !  […] Avec quelle joie, après ses voyages, il regagne le modeste toit de son presbytère ! […] C’était une joie communicative. […] viens, quelle joie !

762. (1923) Au service de la déesse

Il n’est de grandes joies ni de grandes douleurs que les douleurs et les joies publiques. » Et j’allais dire, évidemment ! […] Oui ; et elle est toute pleine de joie patriotique. […] Il n’y a plus rien que de la joie ». […] … Il sourit, « dans la joie, dit-il, de son inspiration ». […] De là vient cette joie que je disais, rare aujourd’hui, les bons écrivains étant rares.

763. (1896) Les Jeunes, études et portraits

Le dévouement à quelques-uns est une forme supérieure de l’égoïsme ; n’atteindrons-nous pas aux joies désintéressées de l’altruisme ? […] Qu’on imagine, si toutefois l’imagination ne s’y refuse pas, les joies de l’extatique conversant avec son Dieu ! […] Tout notre effort ne doit tendre qu’à mériter dans une existence supérieure des joies qui ne sont pas de celle-ci. […] Toutes les joies qu’il a dû jadis à Thérèse lui deviennent suspectes : il voudrait arracher ce qui d’elle est resté dans sa chair. […] Il trouve une sorte de joie, la seule qui ne trompe pas, dans cette contemplation silencieuse.

764. (1925) Proses datées

le beau souvenir que ces heures où l’amitié se mêlait à l’admiration et où deux grands artistes échangeaient des propos, choisis par un beau jour de printemps, en face des arbres et de l’eau et pour la joie respectueuse d’un auditeur juvénilement ébloui ! […] La situation était mauvaise, aussi accueillirent-ils avec joie l’arrivée d’un certain Antonio. […] Ce ne sont pas d’indécises rêveries de jeunesse qui m’y accueillent, mille petites peines, mille petites joies éparses et provenues de jours accumulés, les lassitudes et les ardeurs d’un être qui se cherche, se forme, s’essaie, se compose. […] Il s’établit ainsi entre eux et nous des rapports plus intimes, et nous croyons les mieux comprendre, en les imaginant au milieu des choses qui furent les témoins de leurs tristesses ou de leurs joies, de leurs pensées et de leurs rêves. […] Elle faisait même grand’peur aux canards qui barbotaient et grande joie aux polissons de la berge qui nous saluaient de culbutes et de glapissements.

765. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Chacun, ne se livrant qu’à des besognes de prédilection, les accomplit avec joie et l’harmonie règne. […] La douleur physique, au contraire, j’entends la douleur même, et non la maladie, dès qu’elle a cessé, laisse le patient dans un état de bien-être, de joie. […] La crise se terminait toujours par l’aveu d’un espoir en Dieu, par un appel aux futures joies du paradis. […] Quel est le poète qui fut jamais aussi familier avec la joie ? […] Les joies qu’ils nous donnent ne sont pas distribuées avec une moindre avarice, mais elles n’ont ni le même parfum ni la même couleur.

766. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Le regard de l’aurore Enfle le sein dormant de l’Océan sonore Qui, comme un coeur de joie ou d’amour oppressé, Presse le mouvement de son flot cadencé Et dans ses lames garde encore Le sombre azur du ciel que la nuit a laissé. […] La communion à l’heure de la mort n’est sans doute pas, aux yeux de l’évêque, une condition indispensable de son salut éternel : mais elle serait pour lui une immense joie ; et, comme ses membres mutilés ne lui permettent pas de se la procurer tout seul, il l’implore de son disciple aimé. […] Sur les ramilles, que le poids des fleurs inclinait, bourdonnaient les abeilles avides ; et dans les lignes habitaient les Ghandarvas, les Apsaras et des troupes de singes, ivres de joie. […] Or, à l’homme atteint de cette démence, la joie de la destruction est surtout sensible par la souffrance des autres, quand cette souffrance est son œuvre, et quand il la leur inflige précisément en poursuivant sa violente chimère de volupté. […] Joie des deux amants.

767. (1929) Amiel ou la part du rêve

Werther lui causa des joies moins pures. […] Car dans cette’ vie, alors, la joie de la philosophie, de la géographie, de la musique, ne laissent guère aux femmes de place sentimentale, ni, bien entendu, aucune place matérielle. […] Ses cinq ans de plongée, de liberté, de joie et d’intelligence dans la haute mer germanique avaient formé en lui un cerveau universel, par ses possibilités, sa souplesse, ses ouvertures à tout, ses pentes et ses routes vers le Tout. […] Il entendit le ravisseur dans l’ombre Rugir de joie en nous voyant dormir. […] La fenêtre donnait vers le collège, et Berthe nous assure que ces bulles faisaient la joie « des collégiens enchantés de voir un professeur de l’Université s’amuser comme l’un d’eux ».

768. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Quelle joie de lui fournir des sujets de style ! […] La fortune ne peut plus maintenant nous priver de cette joie. […] Cette déclaration le met en joie, et il conclut par ce principe : « Ce temple de la vertu m’appartient, et, si j’y invite tout Newgate ou tout Bedlam, par Dieu ! […] Outragé par sa maîtresse, malade d’une blessure qu’il a reçue aux côtés de son maître, accusé d’ingratitude et de lâcheté, sa justification dans sa main, il persiste à se taire. « Quand le combat fut fini dans son âme, un rayon de pure joie la remplit, et, avec des larmes de reconnaissance, il remercia Dieu du parti qu’il lui avait donné la force d’embrasser. » Plus tard, amoureux d’une autre femme, certain de ne pouvoir l’épouser si sa naissance reste tachée aux yeux du monde, acquitté envers sa bienfaitrice dont il a sauvé le fils, supplié par elle de reprendre le nom qui lui appartient, il sourit doucement et lui répond de sa voix grave : « La chose a été réglée, il y a douze ans, auprès du lit de mon cher lord. […] Auprès d’elle toute joie terrestre est nulle : Penser à elle, c’est louer Dieu1363. » Un caractère capable de tels contrastes est une grande œuvre ; on se souvient que Thackeray n’en a point fait d’autre ; on regrette que les intentions morales aient détourné du but ces belles facultés littéraires, et l’on déplore que la satire ait enlevé à l’art un pareil talent.

769. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

À la minute précise, où le dernier coup de pinceau est donné, Raffaëlli paraît envahi par une joie exhilarante, qui débonde en un tas de confessions pour moi seul, pour moi seul, et sans faire attention à ce qu’il fait, il mange, il mange, et il boit, il boit du vin de toute couleur, et un tas de petits verres, — me confessant qu’après la confection de ses grandes machines, il est ainsi pris d’une sorte de folie. […] Ce soir, le hasard me fait lire un article de je ne sais plus qui, constatant avec une joie, presque sauvage, la baisse, l’écroulement des objets japonais : tout cela pour arriver à dire au public, que l’Académie des Goncourt est fichue, et que les gens qui croyaient en être, sont volés. […] Alors nous avions une vigne, aux environs de Nîmes, où nous allions manger des salades de romaine, des fruits… Ah, quand on allait là, c’étaient des joies de vacances… Eh bien, je m’attarde quelquefois à vouloir retrouver ce bruit, dont j’ai eu la sensation, la première fois, que j’ai ouvert cette porte. » Mardi 26 juin On cause collège, et de la férocité des pensums d’autrefois. […] Il parle encore de sa joie, quand il avait la fortune de posséder six sous, pour acheter une bougie, une bougie, qui lui promettait toute une nuit de lecture. […] » Jeudi 27 décembre Discussion à table avec Daudet, où je soutiens qu’un homme qui n’a pas été doué par Dieu du sens pictural, pourra peut-être, à force d’intelligence, goûter quelques gros côtés perceptibles de la peinture, mais n’en goûtera jamais la beauté intime, la bonté absconse au public, n’aura jamais la joie d’une coloration, et je lui parlais à ce propos de l’eau-forte, de ses noirs, de certains noirs de Seymour-Haden qui mettent l’œil dans un état d’ivresse chez l’homme, au sens pictural.

770. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

» Mardi 24 février Ce matin, à propos du patriotisme de Renan, je reçois une carte postale signée : « Un patriote français vainqueur à Coulmiers (9 novembre 1870) » me disant : « L’article du 15 septembre 1870 de la Revue des Deux Mondes, signé Renan, connu plus tôt, eût, peut-être empêché son élection à l’Académie française, car cet article antifrançais, n’était pas fait pour encourager les soldats de l’armée de la Loire, qui, comme moi l’ont lu à Orléans, avant de marcher à l’ennemi. » Mercredi 25 février À midi, enfin arrive une dépêche de la comtesse Greffulhe, qui m’annonce d’une manière positive, que l’Impératrice de Prusse ne viendra pas décidément chez moi, ce qui me comble de joie, vu que dans l’état des esprits et le mouvement d’éreintement de ma personne, cette visite aurait fait demander ma tête. […] Mardi 24 mars C’est un épanouissement, une gaîté, une joie à l’Odéon, qui descend de l’auteur aux machinistes. […] » Et il déclare, que quant à lui, ça l’intéresse, et que c’est pour lui une petite joie de savourer, le soir, un article féroce qu’il a entrevu le matin. […] Eh bien, cette demi-journée perdue, je ne la regrette pas, car ce tableau est un des dix tableaux qui ont donné à mes yeux la grande joie, car ce Turner, c’est de l’or en fusion, avec dans cet or une dissolution de pourpre. […] Et copiant ce papyrus, j’avais comme le sentiment de m’être endormi dans l’escalier, de m’être assoupi dans un endroit public, et de faire un rêve, où la galopade de deux gamins en gros souliers, descendant les marches à cloche-pied, ou la bruyance simiesque d’une jeune négresse en joie, ou la dissertation, pleine de consonnes, d’archéologues tudesques, ou le regard par-dessus mon épaule d’un Égyptien d’aujourd’hui, coiffé du fez classique, ou l’opoponax odorant d’une cocotte, me frôlant de l’envolée du voile de son chapeau, ou enfin les bruits, les parfums, le contact des gens : toutes les émanations modernes de la vie vivante traversaient légèrement mon rêve dans le vieux passé, sans interrompre mon ensommeillement.

771. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Je la revois, ma mère, ce jour des mardis gras, où, tous les ans, elle donnait un goûter aux enfants de la famille, et à leurs petites amies et à leurs petits amis, et où tout ce monde minuscule de Pierrettes, de Suissesses, d’Écaillères, de Gardes-Françaises, d’Arlequines, de Matelots, de Turcs, emplissait de sa joie bruyante, le calme appartement de la rue des Capucines. […] C’était lors du siège de Sébastopol, et à ce moment, où l’on avait organisé des représentations théâtrales, pour tenir un peu en joie les marins de la flotte. […] Il avait cédé, vendu un Ruysdael, trouvé en Hollande, à Adolphe Rothschild, et venait de lui livrer, quand le baron dans la joie de son acquisition, se laissa aller à lui dire, en forme de politesse : « Mais, la baronne vous verrait avec plaisir !  […] Et là, il ajoute avec un éclair de l’œil féroce, comme opposition à cette lente et pénible trouvaille d’un dessin et d’une légende, la joie, certains jours, de jeter son venin en un quart d’heure. […] Dans la joie d’avoir triomphé, dans la certitude de cent représentations voici que je rencontre Alexis et Méténier qui me disent que la pièce ne fait pas d’argent, qu’elle fait, en ces premiers jours, des 1 800 francs, ce qui n’est jamais arrivé, après un succès.

772. (1864) Le roman contemporain

Je crus que c’était la joie de se sentir bête une fois dans sa vie. […] Ce qui place cet auteur au rang des élégiaques, c’est le sentiment de mélancolie qui règne dans ses œuvres et qui perce au milieu des plus belles joies. Ces joies sont plus bruyantes que réelles. […] Il sait à quoi s’en tenir sur les joies qu’on trouve dans cette vie ; Édouard, Léonce, Fernand surtout, et plus encore qu’eux tous, Mariette, ne lui ont laissé rien ignorer à cet égard. […] Mais à mesure que sa jeunesse s’éteignait, il allumait sa gaieté ; il remplaçait ses dents par des lazzi, ses cheveux par la joie, la santé par l’ironie, et son œil qui pleurait riait sans cesse. » Je passe vite par-dessus ce râtelier de lazzi, qui devait médiocrement aider Tholomyès à broyer ses aliments, et cette perruque de joie qui devait le préserver imparfaitement des rhumes de cerveau, et sautant à pieds joints par-dessus le reste de la compagnie, j’arrive à Fantine, qui est l’héroïne de cette partie.

773. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Ils se privent de toute la joie que prodigue l’art et sans laquelle l’art n’est quasi rien. […] Au lieu de nous la montrer avec joie, pourquoi l’a-t-il affichée avec cette exaltation tumultueuse ? […] Mais elle aura goûté la joie d’éterniser un instant. […] Ces érudits pratiquaient, sans joie, une science. […] Joie.

774. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

L’électeur le reçut à bras ouverts, avec des larmes de joie, en le proclamant son sauveur (9 mai 1703). […] Lui aussi, tout le prouve, il eût pu être à son heure un utile pacificateur dans nos Vendées : Il insistait auprès de Chamillart et du roi pour être employé d’une manière conforme à ses talents et à son ardeur : « Je vous avoue, écrivait-il au ministre, que l’amour-propre voudrait quelquefois qu’on ne trouvât pas tous les hommes égaux. » Faute de mieux, dans cet intervalle de campagne, il imagina un moyen de signaler son dévouement et sa reconnaissance, sous prétexte qu’il venait d’être nommé chevalier de l’Ordre : « En réfléchissant, dit-il, à ces bontés du roi et à l’état du royaume, calculant aussi mes revenus et comptant avec moi-même, je crus pouvoir faire une proposition dont l’acceptation m’aurait comblé de joie. » En conséquence, il envoie l’état de sa fortune à Chamillart, et le supplie d’obtenir du roi qu’il veuille accepter en don la somme totale de ses revenus personnels et pensions, le tout montant à soixante-et-onze mille livres par an, et cela jusqu’à la paix générale, se devant contenter, pour ses dépenses, de son traitement annuel comme commandant d’armée.

775. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

C’est une jolie estampe à sujet bucolique à mettre entre deux pages de Sully : L’idée qui me reste encore de ces choses-là, nous dit le naïf abbé au commencement de ses Mémoires, me donne de la joie : je revois en esprit, avec un plaisir non pareil, la beauté des campagnes d’alors ; il me semble qu’elles étaient plus fertiles qu’elles n’ont été depuis ; que les prairies étaient plus verdoyantes qu’elles ne sont à présent, et que nos arbres avaient plus de fruits. […] Quand le soleil, sur les six heures du soir, commençait à perdre la force de ses rayons, on nous menait promener vers le champ des moissonneurs, et ma mère y venait aussi bien souvent elle-même, ayant toujours mes sœurs et quelques-unes de mes tantes avec elle… Elles s’allaient toutes reposer en quelque bel endroit d’où elles prenaient plaisir de regarder la récolte, tandis que nous autres enfants, sans avoir besoin de ce repos, nous allions nous mêler parmi les moissonneurs, et, prenant même leurs faucilles, nous essayions de couper les blés comme eux… Après la moisson, les paysans choisissaient un jour de fête pour s’assembler et faire un petit festin qu’ils appelaient l’oison de métive (c’est le mot de la province) ; à quoi ils conviaient non seulement leurs amis, mais encore leurs maîtres, qui les comblaient de joie s’ils se donnaient la peine d’y aller.

776. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Voici l’un de ces sonnets brûlants et qui ont fait comparer Louise à Sapho, exprimant les sensations errantes et variables de la passion : Je vis, je meurs : je me brûle et me noie : J’ai chaud extrême en endurant froidure : La vie m’est et trop molle et trop dure : J’ai grands ennuis entremêlés de joie. […] Ainsi Amour inconstamment me mène, Et quand je pense avoir plus de douleur, Sans y penser je me trouve hors de peine : Puis quand je crois ma joie être certaine, Et être au haut de mon désiré heur, Il me remet en mon premier malheur.

777. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

… Reconnaissons-le de bonne foi, ajoutait-il d’un air de renoncement vraiment comique et avec plus de pesanteur encore que de malice, reconnaissons-le sans honte et sans confusion, sa peinture n’est que médiocre et ne possède guère que des qualités négatives. » Puis, évoquant, selon son habitude, les plus grandes œuvres de la peinture, les toiles les plus diverses consacrées par l’admiration, l’oracle tout bouffi déclarait ne trouver que là sa haute satisfaction et sa joie. […] Il faut, chère mère, que je te raconte une grande, très-grande joie que j’ai eue dernièrement, car tu la partageras.

778. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Tout remue, tout danse ; le pêle-mêle de sensations est complet, la joie du départ l’emporte ; il a, pour le rendre, ses refrains familiers : « Marseille, 21 octobre 1839 Voilà le grand moment arrivé. […] Il revoit la France comme il en est parti, avec joie, avec transport ; il n’a plus qu’un désir, revoir et embrasser les siens dont il est séparé depuis six grands mois.

779. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Après sa condamnation, elle repassa dans le guichet avec Une vitesse qui tenait de la joie. […] Je m’explique jusqu’à un certain point cette joie de Mme Roland condamnée ; je ne réponds nullement de la femme politique en elle, ni de tout ce qu’elle put faire ou conseiller, surtout pendant le premier ministère de son mari.

780. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Il donna pour pendant à ce bas-relief un jeune homme accroupi, caressant un enfant qui jouait sur le dos d’un chien : son imagination se reportait ainsi vers sa jeune épouse et vers les joies domestiques dont il était sevré. […] Ces mots brisèrent mon âme, ma joie disparut ; il me sembla que je ne partais plus, et je n’éprouvai d’autre émotion de plaisir, en lisant la lettre de ma sœur, écrite de Saragosse, que celle d’avoir des nouvelles de ma famille et d’apprendre qu’elles étaient satisfaisantes, J’essayerais en vain de décrire les combats continuels qui, pendant les deux jours que je restai encore dans l’Alhambra, s’élevaient dans mon cœur.

781. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Quoique l’expiration du règne de Louis XIV et de la dévotion régnante fût pour lui un énorme poids de moins, quoiqu’il se sentît avec joie délivré de cette condition de faveur à laquelle il aurait pu difficilement se soustraire, et dont l’idée le blessait par une honte secrète (lui converti, enfant, par astuce et intérêt), pourtant il ne voyait dans la Régence qu’un débordement déplorable et la ruine de toutes les nobles mœurs. […] La souffrance de Mme de Pontivy se changea par degrés en une délicieuse rêverie qui elle-même, à la fin, disparut dans une joie charmante.

782. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Le jeune prince ne put retenir sa joie, en apercevant son précepteur ; il l’embrassa à plusieurs reprises ; on ne fit que relayer, mais sans se presser : nouvelles embrassades et on partit. […] Fénelon, relevé de son découragement, jeta un cri de délivrance et de joie sévère vers son élève.

783. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

… soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie..   […] Octave Feuillet résume comme il suit : Développer à toute leur puissance les dons physiques et intellectuels qu’il tenait du hasard, faire de lui-même le type accompli d’un civilisé de son temps, charmer les femmes et dominer les hommes, se donner toutes les joies de l’esprit, des sens et du pouvoir, dompter tous les sentiments naturels comme des instincts de servage, dédaigner toutes les croyances vulgaires comme des chimères ou des hypocrisies, ne rien aimer, ne rien craindre et ne rien respecter que l’honneur : tels furent, en résumé, les devoirs qu’il se reconnut et les droits qu’il s’arrogea.

784. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

D’autres fois, on faisait collaborer, à leur insu, des personnalités fameuses, tel Coppée, tel Sully Prudhomme, tel le général Boulanger, tel Sarcey, dont nous annoncions, avec une joie feinte, la conversion au décadisme. […] jours exaltés de joie et d’allégresse Où la Taure enfantait au contact d’Osiris !

785. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

« On est ici dans la plus grande joie », écrivait le 7 août madame de Maintenon à madame de Saint-Géran ; « le roi a fait un fort beau présent à madame la dauphine. […] Madame de Montespan sèche de notre joie ; elle meurt de jalousie, tout lui déplaît et l’importune, et elle prétend que les couches des autres lui sont aussi funestes que les siennes.

786. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Représentez-vous à une grande soirée de la duchesse de Duras, ou mieux à une brillante matinée du château de Lormois, chez la duchesse de Maillé, en plein soleil d’été, cette enfant rieuse, avec sa profusion de cheveux blonds et ce luxe de vie qui donne la joie, échappée dans le parc, bondissant et courant, puis rappelée tout à coup, et dans le plus élégant des salons, devant le plus recherché des mondes, récitant des vers d’un air grave, avec un front d’inspirée, un profil légèrement accusé de Muse antique, avec un timbre de voix précis et sonore, récitant ou un chant de Madeleine, ou son élégie (tant de fois refaite) sur Le Bonheur d’être belle, et dites s’il n’y avait pas de quoi rendre les armes et de quoi être ébloui. […] La joie fait peur, jolie comédie, représentée au Théâtre-Français, et où, d’un bout à l’autre, le rire étincelle à travers les larmes, a été son dernier adieu au public.

787. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Un jour, à l’Opéra, il se trouvait dans la loge du jeune Dauphin, fils de Louis XIV, quand M. de Montausier entra : « J’étais à la joie de mon cœur, dit-il ; Rabat-Joie arriva. » Le chancelier de L’Hôpital en personne, voyant en cet état son indigne descendant, n’aurait pas ressenti plus de mépris : Madame ou mademoiselle, car je ne sais comment vous appeler, lui dit M. de Montausier en le saluant ironiquement, J’avoue que vous êtes belle, mais, en vérité, n’avez-vous point de honte de porter un pareil habillement, et de faire la femme, puisque vous êtes assez heureux pour ne l’être pas ? […] Point d’ambition, point de vues : plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir, plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide ; n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin ; sentiments chrétiens qui ont attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

788. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Ma joie n’est pourtant point sans inquiétude, et la tendresse que j’ai pour mon petit espalier et pour quelques œillets me fait craindre pour eux le froid de la nuit, que je ne sentirais point sans cela. […] Ces apparences austères gardaient au fond des cœurs la joie, la simplicité, et une sorte d’énergie heureuse qui doit animer la suite de la vie.

789. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Arrivé à l’île de France, il en décrit le sol et les végétaux avec détail et curiosité, mais sans joie et plutôt avec une sorte de tristesse : Il n’y a pas une fleur dans les prairies, qui d’ailleurs sont parsemées de pierres et remplies d’une herbe aussi dure que le chanvre. […] Pourtant, tandis qu’il achève là son livre des Études, cette espèce de poème ou de concert rustique qu’il dédie à la nature, il a de doux sentiments, précurseurs des joies de la paternité ; il écrit à M. 

790. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Cette réaction peut être très forte, beaucoup plus forte que le trouble premier ; elle a alors pour résultat une excitation du système nerveux, non une dépression ou une altération, et ce qui eût été une souffrance s’épanouit en joie. […] Par cette fiction dont se servent les arts, nous devenons accessibles non seulement à toutes les souffrances et à toutes les joies des êtres réels vivant autour de nous, mais à toutes celles d’êtres possibles.

791. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Les doctes signalent là une analogie ; les impuissants, qui sont aussi les ignorants, les envieux, qui sont aussi les imbéciles, ont la petite joie de croire constater un plagiat. […] Demeurer après l’envolement de l’ange, être le père orphelin de son enfant, être l’œil qui n’a plus la lumière, être le cœur sinistre qui n’a plus la joie, étendre les mains par moments dans l’obscurité, et tâcher de ressaisir quelqu’un qui était là, où donc est-elle ?

792. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Admiration universelle, un grand peuple entre en frénésie, une grande ville tombe en pâmoison, on loue un balcon sur le passage du jeune homme cinq cents guinées, on s’entasse, on se presse, on se foule aux roues de sa voiture, sept femmes sont écrasées par l’enthousiasme, leurs petits enfants sont ramassés morts sous les pieds, cent personnes, un peu étouffées, sont portées à l’hôpital, la joie est inexprimable. […] Voltaire, disons-le avec joie et avec tristesse, c’est l’esprit français.

793. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

« C’est étrange, mais il me semble que vous, — le vieux, — vous m’avez offert des couteaux à Châtellerault, il n’y a pas bien longtemps. » Et en effet, après avoir provoqué l’expansion du chef de bande par l’achat d’un poignard que j’avais marchandé jadis au buffet de Châtellerault, j’appris : Que ces Espagnols n’étaient que des Espagnols en strass ; Que ces Castillans étaient nés natifs de la Vienne ; Qu’au lieu de guérilleros sans emploi faisant trafic de bonnes lames de Tolède, j’avais levé trois Français en rupture — de nationalité ; Que le chef Pedro Bobinardino avait été, dans une existence antérieure, coutelier à Châtellerault — et s’appelait Pierre Bobinard ; Que ledit Bobinard avait vu sombrer son industrie à l’époque de la grande débâcle des diligences Laffitte et Gaillard ; Que, sur le point de se jeter sous les roues de la locomotive qui le ruinait, une idée lumineuse lui avait représenté le suicide comme un acte profondément immoral ; Que cette idée consistait à courir les Pyrénées en costume espagnol, pour écouler, sous prétexte de Vieille-Castille, le fonds de Châtellerault ; Que l’idée était une Californie : le touriste se faisant une joie de posséder un couteau espagnol qui ferait, l’hiver prochain, l’admiration et la jalousie de Castelnaudary ; Que les adolescents de dix-huit ans, en bonne fortune à Luchon avec quelque baronne de hasard, donnaient particulièrement dans le couteau espagnol : vu qu’on ne peut, décemment, aux heures des grandes colères passionnées, menacer sa folle maîtresse du couteau français, qui n’a rien de dramatique ; Que le matin même M.  […] Romain-Caze d’avoir placé le trône de la Vierge Marie sur une estrade d’un gris si pâle et si effacé : le gris ne sera jamais de mise dans ce lumineux pays du Paradis qui fera l’éternelle joie des coloristes morts en état de grâce !

794. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Il y a là des joies et des désespoirs violents ; de jeunes joueurs fougueux et brûlant la chance ; des joueurs froids, sérieux et tenaces ; des vieillards qui ont perdu leurs rares cheveux au vent furieux des anciens équinoxes. […] Traviès a un profond sentiment des joies et des douleurs du peuple ; il connaît la canaille à fond, et nous pouvons dire qu’il l’a aimée avec une tendre charité.

795. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Revue encyclopédique. Publiée par MM. H. Carnot et P. Leroux »

La philosophie du XIXe siècle se cherche elle-même ; voilà déjà trois ou quatre fois en quinze ans qu’elle croit s’être trouvée et qu’elle va criant par les rues à la découverte avec la joie d’Archimède.

796. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre VII. Éducation de la sensibilité »

Il y a toute une éducation de la sensibilité, qui met de l’ordre et des nuances dans le chaos des émotions, qui surtout rend nettes et perceptibles les impressions confuses et faibles, qui développe le tact de l’âme, et fait qu’au plus léger attouchement elle frémit de joie et de peine, enregistrant les moindres phénomènes comme un instrument délicat.

797. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Promulguons la joie de vivre, admirons les différents labeurs de l’homme par quoi se transforme le monde.

798. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Va, que je lui souhaite une joie infinie.

799. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Quand la paix règne sur la nation, nous ne pouvons qu’en décrire les délices, la joie auguste et le charme solennel.

800. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Après l’admirable révolution de 1830, le théâtre ayant conquis sa liberté dans la liberté générale, les pièces que la censure de la restauration avait inhumées toutes vives brisèrent du crâne, comme dit Job, la pierre de leur tombeau, et s’éparpillèrent en foule et à grand bruit sur les théâtres de Paris, où le public vint les applaudir, encore toutes haletantes de joie et de colère.

801. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Il crut se trouver alors au milieu d’un repas délicieux, dans l’ivresse de la joie la plus vive, parmi des convives qui ne le plaisantoient que pour le faire briller & contribuer au plaisir de la fête.

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